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Book review in Revue française de science politique

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<strong>Revue</strong> française <strong>de</strong> <strong>science</strong> <strong>politique</strong>Nord en novembre 1942. R. O. Paxton montre que la confusion qui suit le débarquementaccroît la marge <strong>de</strong> manœuvre et <strong>de</strong> choix <strong>de</strong>s chefs militaires sur place. Il décrit a<strong>in</strong>si les attitu<strong>de</strong>snuancées qu’ils adoptent en différents po<strong>in</strong>ts <strong>de</strong>s côtes maroca<strong>in</strong>es et algériennes. Mais ilmontre surtout que, pendant les trois jours qui séparent l’arrivée <strong>de</strong>s alliés <strong>de</strong> l’<strong>in</strong>vasion <strong>de</strong> laFrance libre, qui met f<strong>in</strong> à tout espoir, la préoccupation <strong>de</strong> préserver la France métropolita<strong>in</strong>e etl’Empire <strong>de</strong>s représailles alleman<strong>de</strong>s en cas d’échec encouragea <strong>de</strong> nombreux officiers às’opposer les armes à la ma<strong>in</strong> au débarquement.L’apport <strong>de</strong> l’ouvrage <strong>de</strong> R. O. Paxton ne se résume pourtant pas à la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> cetteobéissance « <strong>de</strong> raison » <strong>de</strong>s officiers au régime. Il souligne, en effet, l’attrait particulier quecelui-ci exerce sur les cadres <strong>de</strong> l’armée. À leurs yeux, la Troisième République et le parlementarismeavaient favorisé une immixtion <strong>de</strong>s <strong>politique</strong>s dans les affaires militaires et une mise encause <strong>de</strong> l’<strong>in</strong>stitution au se<strong>in</strong> <strong>de</strong> la société. Dès lors, le nouveau régime leur apparaît commel’occasion <strong>de</strong> restaurer le rôle <strong>de</strong> l’armée sur le plan social et <strong>politique</strong>. L’auteur évoque a<strong>in</strong>siles différentes réformes <strong>de</strong> l’organisation <strong>de</strong> la défense nationale et <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> promotion<strong>de</strong>s officiers qui sont <strong>in</strong>itiées pour assurer l’autonomisation <strong>de</strong> l’armée vis-à-vis du <strong>politique</strong>dans son doma<strong>in</strong>e <strong>de</strong> compétence. De même, il décrit l’enthousiasme avec lequel les officiersvont endosser un rôle éducatif, <strong>de</strong>st<strong>in</strong>é à diffuser les valeurs <strong>de</strong> l’armée au se<strong>in</strong> <strong>de</strong> la populationet à réhabiliter son image parmi celle-ci. À ce propos, R. O. Paxton montre comment les officiersvont mobiliser <strong>de</strong>s conceptions sur le rôle social <strong>de</strong> l’officier développées par la TroisièmeRépublique, soucieuse <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> l’armée un foyer <strong>de</strong> diffusion <strong>de</strong>s valeurs républica<strong>in</strong>esauprès <strong>de</strong>s conscrits. La manifestation la plus évi<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> cette volonté <strong>de</strong> reprise enma<strong>in</strong> <strong>de</strong>s esprits va être la constitution <strong>de</strong>s chantiers <strong>de</strong> la jeunesse, à l’<strong>in</strong>itiative du général <strong>de</strong>la Porte du Theil.L’auteur fait un bilan nuancé <strong>de</strong> l’<strong>in</strong>fluence acquise par les officiers dans le cadre durégime <strong>de</strong> Vichy. Il montre qu’elle reste très en-<strong>de</strong>ça <strong>de</strong> ce que laisseraient présager les <strong>in</strong>tentionsqu’ils affichent ou les positions qu’ils acquièrent aux sommets du gouvernement et <strong>de</strong>l’adm<strong>in</strong>istration. Il souligne notamment que, outre l’hostilité qu’elles suscitent au se<strong>in</strong> <strong>de</strong>smouvements d’<strong>in</strong>spiration fasciste <strong>de</strong> Doriot et <strong>de</strong> Déat, leurs ambitions vont être contrariéespar le retour au pouvoir <strong>de</strong> Pierre Laval en avril 1942. En revanche, l’historien met l’accent surl’impact <strong>de</strong> ces années 1940-1942 sur la structuration <strong>de</strong> l’armée française. Il éclaire abondammentle contraste existant entre le caractère dérisoire <strong>de</strong> l’armée d’armistice sur le plan matériel,privée <strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong> ses effectifs et <strong>de</strong> ses matériels, et la volonté <strong>de</strong> régénération moraleexprimée par ses cadres. R. O. Paxton montre que celle-ci repose sur un resserrement <strong>de</strong> l’<strong>in</strong>stitutionmilitaire autour <strong>de</strong> son noyau dur. La <strong>politique</strong> <strong>de</strong> dégagement <strong>de</strong>s cadres, renduenécessaire par la réduction <strong>de</strong>s effectifs, se traduit par une homogénéité accrue du corps <strong>de</strong>sofficiers autour <strong>de</strong> ceux qui sont issus <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s écoles et aux dépens <strong>de</strong>s mécanismes <strong>de</strong>promotion sociale et d’ouverture favorisés par le régime précé<strong>de</strong>nt. Par ailleurs, la suspensiondu service militaire universel par le traité d’armistice est perçue comme une occasion <strong>de</strong>rompre avec la dérive <strong>de</strong> l’armée vers une milice populaire, que nombre d’officiers redoutaientsous la Troisième République. Dans cette perspective, les cadres <strong>de</strong> « l’armée nouvelle » yvoient le creuset d’une future armée professionnelle, débarrassée <strong>de</strong>s « <strong>in</strong>terférences »qu’imposaient la République et le parlementarisme, et réorganisée autour <strong>de</strong> valeurs et <strong>de</strong> pr<strong>in</strong>cipesspécifiques et <strong>in</strong>édits. Les programmes <strong>de</strong> formation énoncés à partir <strong>de</strong> 1940 vont a<strong>in</strong>simettre l’accent sur l’<strong>in</strong>culcation d’une « volonté <strong>de</strong> se battre » plutôt que sur l’acquisition <strong>de</strong>techniques <strong>de</strong> combat. On y <strong>in</strong>siste sur l’endurcissement, le goût du risque, l’adaptabilité et ladiscipl<strong>in</strong>e, la pratique <strong>de</strong> l’athlétisme étant largement <strong>in</strong>troduite. Outre que les enseignements<strong>de</strong>s écoles militaires sont modifiés, certa<strong>in</strong>s commandants d’unités vont prendre l’<strong>in</strong>itiative <strong>de</strong>réformer les mo<strong>de</strong>s d’entraînement <strong>de</strong> leurs hommes, comme le colonel Guy Schlesser, chef du2 e régiment <strong>de</strong> Dragon, qui prendra le comman<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> Sa<strong>in</strong>t-Cyr en 1946. Par ailleurs, <strong>de</strong>sexpériences orig<strong>in</strong>ales d’écoles <strong>de</strong> cadres vont être menées, comme celle mise en place auxenvirons <strong>de</strong> Clermont-Ferrand par le général <strong>de</strong> Lattre <strong>de</strong> Tassigny, futur maréchal <strong>de</strong> France.R. O. Paxton achève son ouvrage par une réflexion sur l’héritage légué par l’arméed’armistice. Sur ce po<strong>in</strong>t, il montre d’abord que l’armée <strong>de</strong> la Libération est très largementdom<strong>in</strong>ée par <strong>de</strong>s anciens <strong>de</strong> celle-ci. Les troupes stationnées en Afrique du Nord en 1942 constituent,en effet, l’essentiel <strong>de</strong>s effectifs qui participent à la libération du territoire et ellesabsorbent les forces <strong>de</strong>s Français libres. À partir <strong>de</strong> 1945, explique R. O. Paxton, les« marg<strong>in</strong>aux » qui en sont issus, tout comme les cadres <strong>de</strong> la résistance <strong>de</strong>venus officiers,seront cantonnés dans <strong>de</strong>s fonctions <strong>politique</strong>s ou d’état-major, tandis que les postes <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>mentseront monopolisés par <strong>de</strong>s anciens <strong>de</strong> l’armée <strong>de</strong> Vichy. Il y voit une manifesta-474

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