GILBERT CHRISTINAZ JE ME FORME AVEC PLAISIR

Hauts et bas s'entremêlent à loisir au rythme des mollets et du moral. Le soleil
puissant et souverain du GR 65 (Grande Route inaugurée en 1965) frappe
d'insolation tout imprudent mal inspiré. Pneus et dérailleur, eux aussi, ces maillons
faibles de la bécane, peuvent trahir en cas d'insuffisant entretien. Et face aux
imprévus, il faut puiser dans la sacoche aux ingéniosités.
Au fil des hectomètres, je consens à accepter d'autres tribulations du voyage, la
durée dans l'effort, l'inconnue des directions et bientôt l'écueil des langues du sud à
l'approche des Pyrénées.
A gérer encore le problème de la selle, cet accessoire si important au confort
corporel. Bien que de cuir doux et justement adaptée, elle parvient quand même, à
force de tours de roue, à chagriner l'arrière-train.
Au nombre des montées sans fin à négocier au mieux, je me convaincs, semble-t-il,
que ces maudites routes penchent toujours du mauvais côté ! Il faut encore se
résigner à l'inconfort des petits matins frais ou pluvieux, quand l'équipement sent le
moisi, avec les doigt de pieds engourdis.
Sur le mystérieux et tellement beau haut-plateau de l'Aubrac, il est bon de se
remémorer avec respect la célèbre sentence des marcheurs de jadis "in loco horrois
et vastae solitudinis" (En ce lieu d'horreur et vaste solitude). Salutaire retour à la
source du soi !
Puis tout s'harmonise ; on se modèle, on s'acclimate, on se fait aux accents, au
climat, aux rythmes et manières de vivre des êtres approchés.
Le bonheur des fins d'après-midi évacue toute frustration avec le réconfort du gîte
d'étape. Ce moment simple et incomparable de la remise en état suivi des heures
riches en fraîches connaissances, les rires, les échanges de souvenirs et d'adresse,
et au plus tard, au dortoir, le ronflement inévitable de quelques exténués.
Enfin surgit comme un rêve éveillé le tant désiré panneau Santiago Tout compte fait,
j'apprends avec gratitude que mises à bout ces leçons nouvelles aboutissent avec
bonheur sur la grand-place, face à l'illustre cathédrale Saint-Jacques de Compostelle.