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GILBERT CHRISTINAZ JE ME FORME AVEC PLAISIR

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<strong>GILBERT</strong> <strong>CHRISTINAZ</strong><br />

<strong>JE</strong> <strong>ME</strong> FOR<strong>ME</strong> <strong>AVEC</strong> <strong>PLAISIR</strong><br />

Soixante ans, déjà : et alors ! Destination retraite, troisième âge, passivité, laisser-<br />

aller…gémir, geindre : les ingrédients d'un fatal "titanic" physique et moral.<br />

Ou plutôt envisager une grande chose, un beau défi m'inventer un monde nouveau.<br />

Ce sera le défi, grâce à l'opération tout pour l'ouest, vers l'ouest, tout à l'ouest !<br />

Trois mois de réflexion, cogitation, hésitation, résolution… et préparation. Vendu,<br />

l'ancien, lourd mais fidèle vélo utilisé jusqu'ici pour une nouvelle "machine" adéquate,<br />

capable de supporter homme et bagages sur deux mille deux cents kilomètres.<br />

D'abord je me forme avec plaisir sur quelques centaines de kilomètres aux subtilités<br />

du nouveau compagnon appelé "Monsainjack". Voyez l'allusion ! Ces exercices<br />

quotidiens répétés suffisent à apprivoiser, adopter et apprécier l'engin aux vingt-sept<br />

vitesses. Les conseils et échanges utiles et cordiaux reçus d'autres voyageurs<br />

m'évitent les erreurs et pièges fatals de tout débutant. Corps et esprit sont bientôt<br />

prêts à affronter les futurs aléas du goudron.<br />

Cet adieu d'un premier septembre marque aussi le premier jour officiel de ma retraite.<br />

Les effusions normales précèdent le premier coup de pédale matinal d'un exil estimé<br />

à trente jours. Livré à moi-même, je m'entraîne à une foultitude de nouvelles<br />

habitudes, contraignantes, mais nécessaires à un honnête homme goûtant peu aux<br />

subtilités du ménage. Cependant, c'est ça ou crève ! Prévoir chaque matin l'eau des<br />

gourdes en suffisance, acheter au bon moment et bon endroit de quoi se sustenter la<br />

journée entière, quel programme ! Imaginons un effort de plus de huitante kilomètres<br />

sans bonnes subsistances, au risque de devoir grignoter des restes de pain dur…<br />

Tous ces lieux épars et isolés du Massif Central, de Haute-Loire m'habituent à<br />

admettre la présence tapageuse des chiens derrière leur grillage. Et tous ces<br />

gardiens de parcs et maisons de communiquer à leurs semblables le passage du<br />

pèlerin. Je m'oblige à comprendre la mentalité peureuse de gens méfiants éparpillés<br />

sur leur vaste territoire, et qui s'efforcent à protéger grâce à leurs cerbères biens,<br />

potager et propriété.


Hauts et bas s'entremêlent à loisir au rythme des mollets et du moral. Le soleil<br />

puissant et souverain du GR 65 (Grande Route inaugurée en 1965) frappe<br />

d'insolation tout imprudent mal inspiré. Pneus et dérailleur, eux aussi, ces maillons<br />

faibles de la bécane, peuvent trahir en cas d'insuffisant entretien. Et face aux<br />

imprévus, il faut puiser dans la sacoche aux ingéniosités.<br />

Au fil des hectomètres, je consens à accepter d'autres tribulations du voyage, la<br />

durée dans l'effort, l'inconnue des directions et bientôt l'écueil des langues du sud à<br />

l'approche des Pyrénées.<br />

A gérer encore le problème de la selle, cet accessoire si important au confort<br />

corporel. Bien que de cuir doux et justement adaptée, elle parvient quand même, à<br />

force de tours de roue, à chagriner l'arrière-train.<br />

Au nombre des montées sans fin à négocier au mieux, je me convaincs, semble-t-il,<br />

que ces maudites routes penchent toujours du mauvais côté ! Il faut encore se<br />

résigner à l'inconfort des petits matins frais ou pluvieux, quand l'équipement sent le<br />

moisi, avec les doigt de pieds engourdis.<br />

Sur le mystérieux et tellement beau haut-plateau de l'Aubrac, il est bon de se<br />

remémorer avec respect la célèbre sentence des marcheurs de jadis "in loco horrois<br />

et vastae solitudinis" (En ce lieu d'horreur et vaste solitude). Salutaire retour à la<br />

source du soi !<br />

Puis tout s'harmonise ; on se modèle, on s'acclimate, on se fait aux accents, au<br />

climat, aux rythmes et manières de vivre des êtres approchés.<br />

Le bonheur des fins d'après-midi évacue toute frustration avec le réconfort du gîte<br />

d'étape. Ce moment simple et incomparable de la remise en état suivi des heures<br />

riches en fraîches connaissances, les rires, les échanges de souvenirs et d'adresse,<br />

et au plus tard, au dortoir, le ronflement inévitable de quelques exténués.<br />

Enfin surgit comme un rêve éveillé le tant désiré panneau Santiago Tout compte fait,<br />

j'apprends avec gratitude que mises à bout ces leçons nouvelles aboutissent avec<br />

bonheur sur la grand-place, face à l'illustre cathédrale Saint-Jacques de Compostelle.


Modeste et reconnaissant, l'homme renouvelé nourrira la suite de ses jours de cette<br />

expérience vécue comme un état de grâce.

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