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04 • INTRAMUROS • EXPOSITION / le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009


05 • INTRAMUROS • EXPOSITION / le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009Silvie Defraouifait parler les ombresLa Rivière, 2009 (extrait de la vidéo).Les Archives du futur, élaborées par Silvie Defraoui depuis plus de trente ans, sont une œuvre<strong>au</strong> long court. L’artiste en présente une nouvelle étape, Sombras eléctricas, qui sondeavec délicatesse les mécanismes intriqués de la mémoire. Par Olivier Kaeser et Jean-P<strong>au</strong>l Felley


06 • INTRAMUROS • EXPOSITION / le phare /n° 3 / octobre-décembre 2009Silvie Defraoui est née en 1935à Saint-Gall. A partir de 1975,elle signe ses œuvres avecChérif Defraoui (1932–1994).En 2004, une rétrospectivede son œuvre a été présentée<strong>au</strong> Kunstmuseum de St-Gall,et <strong>au</strong> Mamco de Genève, ainsiqu’<strong>au</strong> Musée macédonien d’artcontemporain de Thessalonique(cf. Defraoui, Archives du futur,1975-2004, édité chez Verlagfür moderne Kunst Nürnberg).Elle participe en 2009<strong>au</strong> Printemps de Septembreà Toulouse. Elle travaille avecla galerie Elisabeth K<strong>au</strong>fmannà Zurich. Elle vit en Suisseet en Espagne.Sombras eléctricas est la première expositionpersonnelle de Silvie Defraoui en France après LesOrigines de la description, un projet que Silvie et ChérifDefraoui ont présenté <strong>au</strong> CNAC Le Magasin à Grenobleen 1993, un an avant le décès de Chérif. Depuis, Silvie apoursuivi son travail artistique et son enseignement.Aujourd’hui, elle continue à créer et reste une interlocutriceprivilégiée pour nombre d’artistes qui furent sesétudiants à Genève. Le <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> a souhaitéprésenter son travail, porteur depuis les années 70 denombreuses notions très présentes dans l’art actuel,comme les lieux de mémoire, les rapports entre l’Orientet l’Occident ou l’usage de l’ornement dans l’art.• OK et JPF / Cette nouvelle exposition comporte unedizaine d’œuvres récentes, dont trois de 2009. Elle s’inscriten même temps dans une continuité. Quel est le fondementde ton travail ?• SD / Cette nouvelle exposition fait partie, commetout ce que j’ai fait depuis 1975, des Archives du futur.Ce que nous avions rédigé avec Chérif concernantce projet tient toujours : « C’est une œuvre construitedans la durée et la diversité. Avec le temps, ce travaila pris la forme d’une traversée dont les pièces constituentun moment particulier et dont les titres sont les boîtesnoires qui les accompagnent. Ce sont les chapitresd’une mémoire organique. »• OK et JPF / Ton exposition rassemble des projections,des photographies, des objets en trois dimensions.Quel propos unit ces pièces ?• SD / Le titre de l’exposition, Sombras eléctricas(ombres électriques), est la traduction exacte du motNoch Nicht Mehr, 2000 (diapositive en projection tournante).par lequel les chinois désignent le cinéma. Il correspondbien à mon travail, basé sur la projection, dansles différents sens du terme : les images peuvent êtreprojetées, on projette par la pensée, on réunit<strong>au</strong>ssi sur un même plan plusieurs événements, mêmegéographiquement éloignés, car notre mémoirene fonctionne pas <strong>au</strong>trement.• OK et JPF / Les Archives du futur forment un vastetravail mené sur plusieurs décennies.Qu’est ce qui a changé ? Qu’est ce qui perdure ?• SD / Si on lit les différents titres des Archives du futur,cela forme une histoire en soi, qui racontele développement de ce travail depuis 1975. Un exemple :en 75-76, nous travaillions avec Chérif sur les Lieuxde mémoire. Actuellement je n’oserais plus utilisercette expression. Elle a été tellement galv<strong>au</strong>dée depuis !Idem pour Orient Occident, un cycle de trav<strong>au</strong>xde 1981. S<strong>au</strong>f qu’à l’époque, où le monde oriental étaittrès mal compris et les tensions sous-estimées, ce thèmenous semblait indispensable. Ce qui m’importe,c’est d’avancer dans mes propres expérienceset de suivre l’évolution du monde qui m’entoure.• OK et JPF / Tes œuvres intègrent des récits, des bribesd’histoire, des mots. Que signifient-ils pour toi ?• SD / Aujourd’hui, on dit souvent que les grands récitsont disparu ou qu’ils ont perdu leur valeur de référence.C’est le cas de Marx, de la Bible, etc. Dans un courttexte intitulé Petite lettre sur les mythes, P<strong>au</strong>l Valérydit : « Que serions-nous sans le secours de ce qui n’existepas ? » C’est bien de cette question qu’il s’agit pourmoi. Il y a, en chaque personne je crois, une ouverturesur quelque chose d’inconnu, comme une réminiscencede tout ce qu’on a cru, lu et entendu. Ainsi, danscette exposition, les narrations circulent. On entenddes histoires qui se racontent et on peut <strong>au</strong>ssiles lire dans le livre d’artiste. Ce sont des sortesde décantations, de ces faits qu’on retrouve une foisqu’on a tout oublié. En l’occurrence, elles trouventleur origine dans Les Mille et Une Nuits.• OK et JPF / Tu présentes ici tes deux dernières vidéos,La Rivière et Résonances et courant d’air. Cettedernière est-elle un récit, par l’image, sur la mémoireet l’oubli ?• SD / Résonances et courant d’air est lié <strong>au</strong>x lieuxde mémoire. En Espagne, à la fin du franquisme,des chutes de films en 35 mm, avec des images de starshollywoodiennes, circulaient sous le mante<strong>au</strong>.Nous les avions collectionnées et projetées sur les murset le mobilier d’une maison. Il en résultait de trèsgrandes images noir/blanc. J’ai tourné Résonanceset courant d’air dans cette même maison. La caméravisite chaque pièce, il fait jour, il y a des rayonsde soleil et de la couleur. Personne n’est visible, maisles courants d’air font claquer les portes, et dans lespassages, sur les seuils, on peut entendre une histoire.• OK et JPF / La plateforme Nacht und Tag und Nacht(2000) qui articule spatialement l’exposition,est la seule œuvre qui ne semble pas contenir d’images.Comment la décrirais-tu ?• SD / En fait, elle contient <strong>au</strong>ssi une image :celle du plan d’un jardin oriental, avec ses can<strong>au</strong>xet ses plans d’e<strong>au</strong>. Cela ne se voit pas forcémentimmédiatement, néanmoins on ressent que cettesurface est bizarre. On s’y sent bien, on doit la traverser,et elle est surélevée. Cela provoque un légerdépaysement physique, qui induit la possibilitéde penser <strong>au</strong>trement.


9 • INTRAMUROS • MUSIQUE / CINÉMA / le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009Franz Treichler pose sa griffesur des trésors du cinéma muetFranz Treichler © Jean Marmeisse (www.jeanmarmeisse.com).La voix des Young Gods, groupe phare du rock industriel, créedes musiques et des habillages sonores pour huit courts métragesd’inspiration dadaïste. Ambitieux et intrigant. Par Rocco Zacheo09 – 10.12 / 20 HFranz Treichler joue DadaA l’écran, 60 ans de raretés cinématographiquessont concentrés en 60 minutes. Elles sont courtes,les séquences projetées, et campent sur des registresdisparates : humour c<strong>au</strong>stique et critique qui sent lasubversion ; bonne dose de mystère conceptuel — qu’onpeine parfois à percer — et pans de narrations plus explicites.Matéri<strong>au</strong>x composites, donc.Pourtant Franz Treichler, voix et âme des Young Gods,les a tous réunis sous l’étiquette du courant dadaïste.Parce que certains films s’y réfèrent, d’<strong>au</strong>tres en semblentdes héritiers lointains. Ce dernier projet solo dumusicien est ambitieux et intrigant, comme toujours.Il s’approprie un versant peu fréquenté de l’histoire ducinéma et l’habille en direct de sons synthétiques etd’interventions à la guitare acoustique.Cette aventure sonore et visuelle a marqué récemmentle public du festival La Bâtie à Genève. C’est danscette ville que Franz Treichler a mis à profit ses vacancesd’été pour donner corps <strong>au</strong> projet. Enfermé dans unstudio d’enregistrement qui résiste pour un temps incertain<strong>au</strong>x décapeuses et à la démolition, il a mis enplace un dispositif instrumental simple dans le sous-solinsonorisé ; l’espace est à peine encombré de vieillesmachines analogiques et de matériel de l’ère numérique.Un seul vestige plus traditionnel : une guitare, poséedans un coin. Avec cette logistique sobre et efficace,l’artiste noue, une fois encore, des liens étonnants entreles images et la musique.La démarche n’est pas tout à fait nouvelle pour FranzTreichler. Son passé récent a été occupé par l’époustouflantprojet de Woodstock, mené avec ses complicesdes Young Gods <strong>au</strong> dernier Paléo Festival de Nyon, etque le public parisien pourra découvrir le 5 décembreà la Cité de la musique (voir <strong>au</strong>ssi p. 26). A Nyon, lesfestivaliers ont découvert le versant arty du groupe, quis’est employé à déconstruire et à recomposer avec sonmontage et sa musique le documentaire de MichaelWadleigh. Treichler prolonge en quelque sorte la démarche.Aux images muettes, en couleur ou en noir etblanc, il a collé ses bandes-son. « Plus que de la musique,j’ai apporté des textures sonores, des ambiances, confieFranz Treichler. Les images que j’ai choisies peuvent êtreconsidérées comme dadaïstes, mais mon intervention sesitue dans la ligne de mon esthétique musicale habituelle.Qui n’est de loin pas dadaïste. » A la guitare acoustique,pour deux œuvres seulement, et à l’électronique, l’artisterevisite donc, avec ses arguments, des objets étonnants.Le poétique L’Etoile de mer de Man Ray (1928) côtoiePièce touchée de Martin Arnold (1989). Une œuvre décapantequi reprend des extraits de films des années 40et 50 montés en microséquences <strong>au</strong>x effets hilarants.Au psychédélisme de Crist<strong>au</strong>x liquides (1978), que ledocumentariste scientifique Jean Painlevé filme depuisun microscope, font écho les séquences cérébrales dedeux artistes affiliés à Fluxus. Rares, souvent étranges,ces images sont tirées d’œuvres cultes de l’histoire ducinéma. « Hors des cercles de cinéphiles, très peu despectateurs ont eu l’occasion de les voir. Je suis heureuxde pouvoir les partager <strong>au</strong>jourd’hui avec un public pluslarge », annonce le musicien.Avec ce projet, Franz Treichler revient <strong>au</strong>ssi sur les pasde son adolescence, quand il découvrait, surtout à traversla littérature, un mouvement qui l’a be<strong>au</strong>coup stimulé :« J’ai toujours été intrigué par le sens du décalage, parla charge subversive et ironique que concentrent les œuvresdadaïstes et surréalistes. Je suis persuadé que leur puissancedemeure intacte. C’est pour cette raison que ce projeta vu le jour. »Avec les films :L’étoile de mer de Man Ray (noir/blanc, 15’, 1928)Black Ice de Stan Brakhage* (couleur, 2’, 1994)Rythmus 21 de Hans Richter (noir/blanc, 3’, 1921)Fluxfilm n° 5 de John Cavan<strong>au</strong>gh (noir/blanc, 2’ 30”, 1966)Fluxfilm n° 6 de James Riddle (noir/blanc, 9’, 1966)Delicacies of Molten Horror Synapse de Stan Brakhage*(couleur, 8’ 19”, 1991)Pièce touchée de Martin Arnold (noir/blanc, 16’, 1989)Crist<strong>au</strong>x liquides de Jean Painlevé (couleur, 5’ 40”, 1978)Un projet présenté par Two Gentlemen, Le Bourg / L<strong>au</strong>sanneet La Bâtie, festival de Genève* Le titulaire des droits des films de Stan Brakhageen permet exceptionnellement une projection avec du son.De son vivant, tous ses films devaient rester muets.


10 • INTRAMUROS • THÉÂTRE / le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009Les <strong>au</strong>teurs romandss’emparent de la scèneLes <strong>au</strong>teurs de l’association eat-ch qui présenteront leurs textes <strong>au</strong> CCS. Bure, Suisse, le 30 août 2009. © Pierre Montavon / StratesUn thriller bancaire, un monologue d’amour évadé dans l’absolu de la langue, un textejeune public, des <strong>au</strong>teurs réunis en musique sur le plate<strong>au</strong>… Deux jours durant,l’écriture théâtrale <strong>suisse</strong> romande présente ses facettes, servie par de grands comédienscomme Jane Friedrich, Anne Richard ou Jacques Probst. Par Sandrine Fabbri16 – 17.10eat-chécrivains associés du théâtre <strong>suisse</strong>Ne décolérant pas du peu de cas fait de l’écriturecontemporaine sur les théâtres francophones, de nombreux<strong>au</strong>teurs romands ont choisi la présence en forceet ont créé en 2004 les Écrivains associés du théâtre<strong>suisse</strong> (www.eat-ch.org). Ils se sont en cela inspirés deseat–France, mouvement fondé en 2000, notammentpar Jean-Michel Ribes, actuel directeur du Rond-Pointà Paris qui a ouvert sa scène à ses pairs. Grâce à leursactions collectives, les dramaturges ont gagné en visibilitéet réussi à s’imposer un peu plus dans les programmesde saison – mais le combat n’est pas terminé.Unis dans leur mouvement pour se soutenir et promouvoirla présence de l’écriture contemporaine surles scènes, les <strong>au</strong>teurs romands vont investir pendantdeux jours le plate<strong>au</strong> du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>.Assemblée de voix singulières, ce rendez-vous estl’occasion de rendre manifeste leur polyvalence dansl’écriture, la forme, l’esthétique, ainsi que la variétéde leur regard sur le monde. Le final prend des airs defeu d’artifice collectif, puisqu’une douzaine d’<strong>au</strong>teursmonteront sur les planches, pour dire leurs mots endialoguant avec le musicien Lee Maddeford.La manifestation débutera par le voyage poétiqued’une langue qui ne nomme pas mais qui tisse un universd’images et de métaphores sensuelles et sensorielles.Dans son monologue que l’on dirait évadé dans l’absoludes mots, Pascal Nordmann donne la parole à unefemme. En une seule phrase ponctuée de virgules, elles’adresse à une <strong>au</strong>tre femme pour évoquer la relationqu’elle entretient avec celui qui justement n’est pasnommé, celui dont il f<strong>au</strong>drait se séparer, celui qu’<strong>au</strong>cunechaîne ne pourrait retenir, mais <strong>au</strong>ssi celuidont on ne se débarrasse pas. Le sous-titre de ce texte,L’Adolescence, met sur la voie de cet amour infini, charnel,souffert <strong>au</strong>tant que merveilleux, qui est celui d’unemère pour son fils.L’Adolescence est le troisième volet d’une trilogie demonologues pour femmes intitulée Les Guetteurs. Lepremier, L’Hésitation 1 , <strong>au</strong>quel succède La Certitude, s’estvu primé à Lyon où il sera présenté en novembre prochain.Pascal Nordmann, qui vit à Genève, a été comédienet directeur de troupe en Allemagne. Il publie égalementdes proses chez Metropolis et il expose régulièrementen tant que plasticien. Amateur du virtuel, il a <strong>au</strong>ssi


12 • INTRAMUROS • THÉÂTRE / le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009Krystian Lupa avec les étudiants de la promotion C lors de sa master class à la Manufacture. L<strong>au</strong>sanne, le 17 février 2009. © Bertrand Cottet, StratesKrystian Lupa,le révélateur de densitéLa Manufacture, H<strong>au</strong>te école de théâtre de Suisse romande, s’installe<strong>au</strong> CCS pour des spectacles, conférences et rencontres. Elle y invitele metteur en scène polonais Krystian Lupa pour trois jours de masterclass avec des étudiants comédiens. Par Marie-Pierre Genecand24 - 28.11La Manufacture <strong>au</strong> CCSMaster class et conférence de Krystian Lupa.«Le monde intérieur requiert de la précision. Je veuxtoutes les questions. Il n’y a pas de m<strong>au</strong>vaises questions. »Krystian Lupa est-il un gourou, un modèle, un maître ?Sans doute, et le prix Europe pour le théâtre reçu enavril dernier après Patrice Chére<strong>au</strong> en 2008 n’a rien d’unhommage volé. Il quête un art total souvent inspiré dela littérature, car, dit-il, « les <strong>au</strong>teurs de drame pensenttrop en termes de théâtre et trop peu en termes de vie »,et ses traversées multimédias, qui durent parfois touteune nuit, impliquent du spectateur qu’il se lance tout àfait, sans quoi il reste à quai. Il y a donc bien de la valeurabsolue chez ce metteur en scène polonais, basé àCracovie et héritier de Kantor, Jung et Tarkovski.Krystian Lupa, la soixantaine remuante, ne s’est pasembarrassé de cette <strong>au</strong>ra en février dernier, face <strong>au</strong>x jeunescomédiens de la Manufacture à L<strong>au</strong>sanne. Debout,les mains dans les cheveux qu’il a denses et blancs,l’homme s’agite, fait les cent pas. Il cherche, bouillonne,questionne. Lukasz, jeune traducteur, suit, concentré.Et les étudiants de la H<strong>au</strong>te école de théâtre de Suisseromande (HETSR) vont accomplir un bon colossal dansl’apprentissage de leur métier.Les principes pédagogiques de Lupa ? Le premier estl’exigence de la transcendance, comme on peut s’y attendre,dans la veine de l’école slave perceptible <strong>au</strong>ssichez Krzysztof Warlikowski, metteur en scène polonaisde la nouvelle génération. « En dehors du plate<strong>au</strong>,peu m’importe si un comédien est matérialiste, confieLupa pendant la p<strong>au</strong>se. Mais une fois qu’il entre en jeu,je veux qu’il ait des intérêts métaphysiques, une envie dese dépasser. »De fait, tous les observateurs saluent la densité deprésence de ses acteurs. Résultat d’un travail d’improvisationet d’intégration des principes narratifs qui peuts’étendre sur plusieurs mois, voire plusieurs années.Pour Factory 2, sa dernière création, malheureusementabsente des scènes françaises ou <strong>suisse</strong>s, Lupa a plongéson équipe pendant un an dans l’ambiance de la Factory,le loft mythique d’Andy Warhol. « Le spectacle n’est en<strong>au</strong>cun cas un récit sur le groupe de Warhol, expliqueLupa <strong>au</strong> critique Jean-Pierre Thib<strong>au</strong>dat. Pendant quatorzemois, on a simplement essayé de vivre comme cegroupe-là. » L’immersion a payé. « L’expérience sensorielleest intense et va <strong>au</strong>-delà du formulable », témoignele journaliste sur le site d’in<strong>format</strong>ion Rue89 aprèsavoir découvert <strong>au</strong> théâtre Stary de Cracovie cette créationqui mêle jeu, images filmées et son. Il ajoute : « Lesspectacles de Lupa ne sont pas be<strong>au</strong>x, ils sont radic<strong>au</strong>x. »


13 • INTRAMUROS • THÉÂTRE / le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009Le second principe de Krystian Lupa est encore plusconcret. Il ne s’agit plus d’élévation de l’âme et d’engagementtotal, mais de travail. Aux jeunes comédiensl<strong>au</strong>sannois, Lupa a demandé d’écrire le monologue intérieurde leur rôle. « Pour apprivoiser un personnagerécalcitrant, explique le pédagogue, il f<strong>au</strong>t lui inventerune vie, ou même plusieurs vies. Et surtout ne rien luirefuser en termes de possibilités. Ainsi, il sera plus fortpour affronter les partenaires et les vents contraires. »« Autrement dit, il f<strong>au</strong>t prendre la place de l’<strong>au</strong>teur ? »,se sont étonnés les apprentis. « Oui, et prendre la placedu metteur en scène <strong>au</strong>ssi. A moins de tomber sur unabruti, n’importe quel metteur en scène sera preneur d’unpersonnage construit de l’intérieur ! Mais attention, toutesles recherches doivent passer par l’improvisation, carce que le corps sait déjà, le cerve<strong>au</strong> l’ignore encore. »Et le maître de préciser, en s’adressant à un étudianten particulier : « Ce monologue, c’est une nourriture,c’est comme un bâton qui vient chatouiller la situation.Admettons que ton personnage apprend que sa femmel’a trompé. Même si le texte dit qu’il est abattu, toi, tudois tester toutes les réactions : la colère sourde, le détachementglacial, la lamentation ridicule, l’agressivitétotale, etc. Pareil pour les lieux : tu ne penses pas la mêmechose dans une cuisine, un tramway ou caché derrièreune porte. Il f<strong>au</strong>t provoquer l’imaginaire, le réveiller. Ilf<strong>au</strong>t travailler. Car en explorant tous ces possibles, lepersonnage sera plus courageux même dans sa lâcheté.Il sera mieux armé. »Cette vision d’un comédien adulte qui prend le destinde son personnage en main fait du bien. Elle est rare,enthousiasmante. Et balaie la conception irritante d’unacteur infantile soumis <strong>au</strong> bon vouloir d’un génie.Peut-être parce qu’il a été graveur avant d’aborder lethéâtre, Krystian Lupa lutte contre la suprématie dumetteur en scène. « Dans le monde occidental, on sousestimesouvent l’importance des <strong>au</strong>tres éléments scéniques :la scénographie, l’éclairage, la musique, etc. Et bien sûrle jeu. La mise en scène n’est pas toute-puissante », détaillet-il.Même si la remarque est à considérer prudemmentétant donné que Lupa signe souvent le décor et la musiquede ses spectacles, elle rend <strong>au</strong> moins <strong>au</strong>x comédiensla part d’indépendance qui leur revient. Et rappelleBenno Besson, <strong>au</strong>tre pointure de la direction d’acteurs.Lorsqu’on demandait <strong>au</strong> metteur en scène brechtienquels rapports il entretenait avec les comédiens, Bessons’exclamait avec humour : « C’est la guerre ! Les comédienssont plus forts et plus nombreux, je dois m’armer et luttercontre eux ! ».table RONDEjeudi 26 NOVEMBRE / 20 HBologne et l’enseignement du théâtre : piège ou avancée ?André Markowicz, traducteur de Pouchkine en français, explique Eugène Onéguine à des étudiants. © Nora RuppLe processus de Bologne vise à la construction d’un espace européende l’enseignement supérieur avant 2010. Il est donc activement mis en place dansles pays qui nous entourent. Etablissant un système de reconnaissancedes <strong>format</strong>ions et diplômes entre les différents pays, il ne concerne pas uniquementl’enseignement universitaire mais <strong>au</strong>ssi les <strong>format</strong>ions techniques et artistiques.L’enseignement du théâtre est-il soluble dans le processus de Bologne ?Les spécificités des arts scéniques seront-elles prises en compte par ce projetpaneuropéen ? Y a-t-il ici un risque d’uniformisation des études ou <strong>au</strong> contraireun cadre favorisant des échanges et des dynamiques nouvelles ?Une table ronde est organisée par la Manufacture qui réunit, <strong>au</strong>tour de ces interrogations,Charles Kleiber, ancien Secrétaire d’Etat <strong>suisse</strong> à l’éducation et à la recherche,Andreas Wirth, ancien doyen du Département des arts de la scène de l’Universitédes arts de Berlin, Jean-Louis Besson, professeur <strong>au</strong> Département arts du spectaclede l’Université de Paris-X, Julie Brochen, metteur en scène et directricedu Théâtre national de Strasbourg, ainsi que Jean-Yves Ruf, directeur la Manufacture,metteur en scène et enseignant.Modérateur : Jean-Marc Adolphe, directeur de la revue Mouvement.mardi 24, mercredi 25, jeudi 26 novembre11 h – 16 hMaster class de Krystian Lupa,avec 12 élèves issus de grandes écoles de théâtre(Strasbourg, Rennes, Lyon, Saint-Etienne, Conservatoire de Pariset Manufacture de L<strong>au</strong>sanne).Ouvert <strong>au</strong> public sur réservation.Krystian Lupa. © Piotr Skibavendredi 27 novembre / 20 hConférence de Krystian Lupa.Dialogue avec le journaliste et écrivain Jean-Pierre Thib<strong>au</strong>dat(interprète : Michal Lisowski).


14 • INTRAMUROS • THÉÂTRE / le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009« Une vie de comédien se prépare,car c’est souvent dur »Jean-Yves Ruf : « Ce qu’il f<strong>au</strong>t faire naître et durer chez les comédiens, c’est une immense curiosité. » © Olivier RochatJean-Yves Ruf, directeur de la Manufacture depuis 2007, conduitavec son équipe plusieurs projets : adapter l’école <strong>au</strong>x critères de Bologne,élaborer un projet pédagogique fort, confronter les comédiensà d’<strong>au</strong>tres pratiques artistiques. Par Florence GaillardNé en France en 1967,Jean-Yves Ruf est devenuh<strong>au</strong>tboïste professionnelà l’âge de 17 ans.Il quitte sa vie de musiciend’orchestre pour étudierles lettres et le théâtre à Paris<strong>au</strong> cours Florent. Formé ensuiteà l’École d’art dramatiquede Strasbourg, il écritdes spectacles, se passionnepour la mise en scèneet enseigne.Il dirige la Manufacture,à L<strong>au</strong>sanne, depuis 2007.Il montera Eugène Onéguinede Tchaïkovski à l’opérade Lille en janvier 2010.Jean-Yves Ruf se raconte volontiers. C’est un instinctif,un sensible, mais un solide. Musicien, puis comédien,puis <strong>au</strong>teur, puis metteur en scène : chaque métierqu’il a pratiqué a appelé le suivant, naturellement.Obéissant à une exigence personnelle qui a imposé plusd’une fois des changements de direction. L’écoute desoi, l’attention portée à la petite voix du désir intime,voilà ce que Jean-Yves Ruf veut transmettre à ses étudiants.Venu à L<strong>au</strong>sanne avec sa panoplie d’homme descène complet, il y dirige la Manufacture, seule écolepublique pour l’enseignement supérieur de l’art dramatiqueen Suisse romande.• FG / Vous vous êtes formé comme comédien <strong>au</strong> coursFlorent puis à Strasbourg. La Manufacture propose-t-elleune <strong>format</strong>ion similaire à ce que vous avez connudans ces écoles ?• JYR / Pas forcément. Ou pas uniquement. En France,la théorie et la pratique du théâtre restent deuxsphères assez distinctes, contrairement à l’Allemagneoù les écoles de théâtre ont be<strong>au</strong>coup développéles études dramaturgiques. La Suisse est à cheval surces deux traditions, française et allemande ;nous essayons de les proposer conjointement.A la Manufacture, l’exigence ne porte pas seulementsur le jeu théâtral, mais <strong>au</strong>ssi sur la connaissancede l’histoire du théâtre et sur la dramaturgie active,c’est-à-dire le développement d’une sensibilité et d’unecapacité d’analyse des textes qui se rapproche desexigences de l’Université. Le but est que les comédiensaient d’<strong>au</strong>tres outils que l’interprétation spontanée.• FG / Et côté pratique, que proposez-vous <strong>au</strong>x étudiants ?• JYR / Ils apprennent à croiser le théâtre avec d’<strong>au</strong>tresvoies d’expression. Nous avons mené par exempledes projets mixtes avec le Conservatoire de musiquede L<strong>au</strong>sanne ou les écoles d’art. Mais il est <strong>au</strong>ssi essentielque les étudiants se confrontent à des réalitéséloignées de toute école. Le comédien doit comprendrela démarche des <strong>au</strong>tres, développer son aptitudeà se décentrer. D’où des ateliers de « théâtre detémoignage », qui conduisent les étudiants à s’immergerdans le quotidien de travailleurs ou de personnesâgées, par exemple. L’école n’est pas un tuy<strong>au</strong>à s<strong>au</strong>cisses… Elle sert à construire une <strong>au</strong>tonomie,une pensée personnelle. Elle sert à apprendreà travailler, à se charpenter.• FG / Quelle est selon vous la moelle épinière d’une bonne<strong>format</strong>ion de comédien ?• JYR / Une école n’est pas là pour produire des gens<strong>format</strong>és, ni des postures esthétiques. Ce qu’il f<strong>au</strong>tfaire naître et durer chez les comédiens, c’estune immense curiosité. Je crois que c’est la qualitéla plus essentielle.• FG / La Manufacture suit ses étudiants une fois qu’ilsont quitté l’école. N’est-ce pas les materner à l’excès ?• JYR / Je ne crois pas. Pendant leur <strong>format</strong>ion,nous voulons sensibiliser les étudiants <strong>au</strong>x différentsmétiers de la scène, <strong>au</strong> fonctionnement de la culture,à l’économie d’un théâtre. Surtout, ne pas en faire


16 • INTRAMUROS • TABLE RONDE / ARCHITECTURE / le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009Bâle réfléchit en tant que granderégion urbaine européenneLa troisième table ronde d’architecture du CCS est consacrée à Bâle,ville de culture où se rencontrent la Suisse, la France et l’Allemagne.Des instituts de recherche en architecture et urbanisme y tendentla main à la population grâce à d’excellentes publications, et mêmeà une bande dessinée. Par Matthieu JaccardVille à cheval sur le Rhin <strong>au</strong> carrefour des langueset des confessions Bâle est, depuis des siècles, le lieud’un important brassage d’idées. C’est à Bâle que travaillentJacques Herzog et Pierre de Meuron, duod’architectes stars parmi les plus admirés à travers lemonde. C’est à eux deux, mais <strong>au</strong>ssi à Marcel Meili etRoger Diener, que l’on doit l’existence, depuis dix ans,de Studio Basel. Le but de cet institut ? Réfléchir à laville contemporaine. Fidèle à la tradition de curiositéet d’ouverture bâloise, il se préoccupe <strong>au</strong>tant des grandesagglomérations de la planète que des spécificitésde sa région.Studio Basel fourmille de belles idées. Sa dernièrepublication a pris la forme d’une bande dessinée (conçuepar Jacques Herzog, Pierre de Meuron et Manuel Herz).MetroBasel Comic propose, sur 300 pages, un outilpour comprendre le potentiel de la région et formuledes recommandations pour son avenir. En hommage àA bout de souffle et <strong>au</strong> regard sur la ville que Jean-LucGodard y développe, le lecteur accompagne dans lesbulles les pérégrinations bâloises de Michel (Jean-P<strong>au</strong>lBelmondo) et Patricia (Jean Seberg), les princip<strong>au</strong>xpersonnages du film. Mêlant les études historique etsocioéconomique, la BD s’avère une façon originale deproposer un état des lieux, de présenter <strong>au</strong>ssi l’offre dugrand Bâle en matière d’habitat, de travail, de mobilité,de consommation, de <strong>format</strong>ion, de loisirs et divertissements.Et la BD, média ludique, accessible à un largepublic, invite <strong>au</strong>ssi à penser l’avenir collectivement.L’interdisciplinarité est une des caractéristiques deStudio Basel. Durant ses quatre premières années, cetinstitut a analysé le territoire <strong>suisse</strong> en détail. Le projetétait conduit non seulement par des architectes,mais <strong>au</strong>ssi par le géographe et sociologue ChristianSchmid. L’association de ces compétences a donné lieuà un ouvrage devenu incontournable pour comprendrel’organisation spatiale helvétique et réfléchir <strong>au</strong>xmesures à prendre pour que ce territoire évolue dansTable rondeVENDREDI 4 DÉCEMBRE / 20 HBâle, un modèle de région métropolitaineeuropéenneorganisée et animée par Matthieu JaccardInvitésManuel Herz, architecte, professeur à Studio Baselet HarvardChristophe Koellreuter, économiste, directeurde MetrobaselAndreas Pecnik, assistant scientifique de la sectiondéveloppement urbain du canton de Bâle-VilleChristian Schmid, géographe et sociologue,professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de ZurichMichel et Patricia, personnages de MetroBasel dans les rues de Bâle. © ETH Studio Basel, 2009


17 • INTRAMUROS • HOMMAGE / le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009un sens positif. Paru en 2005, La Suisse. Portrait urbaina réussi à faire de l’aménagement du territoire un sujetclé des débats politiques. La division traditionnelle dela Suisse en communes et cantons y est abandonnée,<strong>au</strong> profit d’un découpage selon cinq typologies : les régionsmétropolitaines, les rése<strong>au</strong>x urbains, les zonescalmes, les friches alpines et les « Alpine resorts ».Documentation exceptionnelle et qualité graphiquedonnent à cette publication les qualités d’un documentessentiel, qui propose les bases concrètes du débat etles rend, là encore, accessibles à tous.Depuis 2005, le rapport annuel Metrobasel est un<strong>au</strong>tre témoignage du dialogue établi entre les spécialistesqui travaillent <strong>au</strong> développement de la région deBâle et la population. D’abord produit par l’institut derecherche économique BAKBASEL, puis, depuis 2008,par l’association Metrobasel, ce document présenteles forces et faiblesses de l’agglomération trinationalebâloise. Edité à près de 400 000 exemplaires, il estencarté dans les princip<strong>au</strong>x journ<strong>au</strong>x région<strong>au</strong>x. Leshabitants sont ainsi sensibilisés <strong>au</strong>x défis à relever, despistes leur sont proposées. Directeur du projet, l’économisteChristophe Koellreuter figure d’ailleurs dansla bande dessinée MetroBasel, où il brosse <strong>au</strong> lecteur lepaysage socioéconomique de Bâle et de sa région.En France, la réforme des collectivités territorialesest une des priorités du gouvernement. Les trav<strong>au</strong>xmenés par Metrobasel et Studio Basel à l’échelle de Bâle,de la Suisse mais <strong>au</strong>ssi de villes comme Casablanca,Hong Kong ou Paris, constituent un passionnant réservoird’idées pour penser le territoire de demain.www.eurodistrictbasel.euwww.metrobasel.chwww.studio-basel.comLa Suisse, potentiels urbains selon ETH Studio Basel.Rose : régions métropolitaines ; orange : rése<strong>au</strong>x urbains ; vert : zones calmes ;bleu : stations alpines ; brun : friches alpines. DRDes livres pour en savoir plusBâle et l’Europe. Une histoire <strong>culturel</strong>le,par Alfred Berchtold, Payot, 1990.La Suisse. Portrait urbain, par Roger Diener,Jacques Herzog, Marcel Meili, Pierre de Meuron,Christian Schmid, Birkhäuser, 2006.MetroBasel. Un modèle de région métropolitaine,idée et concept de Jacques Herzog,Pierre de Meuron et Manuel Herz,ETH Studio Basel, 2009.Hommageà M<strong>au</strong>rice BessetSAMEDI 5 décembre / 12 h – 17 hRencontre <strong>au</strong>tour de la figure de M<strong>au</strong>rice BessetM<strong>au</strong>rice Besset. DRM<strong>au</strong>rice Besset a transmis la passion de l’art contemporainà toute une génération. Ses anciens étudiants se réunissent à Parispour évoquer l’homme qui les a formés et marqués.Jean-P<strong>au</strong>l Felley et Olivier KaeserM<strong>au</strong>rice Besset a été notre professeur d’histoire de l’art contemporain à l’universitéde Genève. En quelques années fabuleuses, il a su nous transmettre le virusde l’art contemporain. Parmi ses anciens étudiants, plusieurs générations d’historiensde l’art ont tissé une cartographie impressionnante dans différentes institutionsartistiques. De nombreux directeurs, conservateurs, professeurs, chercheurs agissentou ont agi dans de multiples contextes dont le musée d’Art contemporain deLyon, le Musée de Grenoble, le Mudam <strong>au</strong> Luxembourg, le Mamco, le musée de laCroix-Rouge, la fondation Braillard et le Service du patrimoine à Genève, le muséedes Be<strong>au</strong>x-arts de La Ch<strong>au</strong>x-de-Fonds, le Moma à New York, l’université de Zurich,l’université de L<strong>au</strong>sanne, les éditions jrp|ringier à Zurich, etc.Décédé en décembre 2008, à l’âge de 87 ans, M<strong>au</strong>rice Besset a laissé le souvenird’un homme <strong>au</strong> caractère bien trempé et d’un travailleur acharné tout en restantéloigné des lumières médiatiques. Il a été l’exécuteur testamentaire de Le Corbusier,le directeur de l’Institut français d’Innsbruck, puis de la Maison de la France à Berlin.De 1969 à 1975, il dirige le musée de Grenoble, puis sera conservateur <strong>au</strong> muséed’Art moderne de la Ville de Paris. Il a été le premier professeur d’histoire de l’art enEurope en charge d’un enseignement spécifiquement dédié à l’art et à l’architecturecontemporains, à l’université de Genève, entre 1975 et 1991. Il est égalementl’<strong>au</strong>teur de nombreux ouvrages, notamment sur Le Corbusier, et a été le commissairede plus de 200 expositions, dont « La Couleur seule », présentée à Lyon en 1988 dansle cadre de l’Octobre des arts, manifestation qui préfigurait la Biennale de Lyon.Après sa disparition, avec quelques amis et connaissances qui l’ont côtoyé, ainsiqu’avec sa fille Catherine Chambel, nous nous sommes demandé comment, enguise d’hommage, nous pourrions faire vivre <strong>au</strong> présent ce qu’il nous a transmispar le passé. En réponse, nous proposons de réunir des anciens étudiants, collaborateurset amis de M<strong>au</strong>rice Besset <strong>au</strong> <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> à Paris. Ce sera unemanière de rassembler, en un lieu et en un temps donné, une partie de cette formidablecartographie humaine et <strong>culturel</strong>le qui a été dessinée par celles et ceux quiont eu la chance de le côtoyer. Ce moment s’annonce pour nous comme une expériencecollective inédite et prometteuse dans le programme <strong>au</strong>tomnal du <strong>Centre</strong><strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> qui fait la part belle à l’enseignement des arts.


18 • INTRAMUROS • MUSIQUE / le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009JEUDI 22 OCTOBRE / 20 HINCIDENCE (60’) par Hassan Khanet lancement du livre Of Brigdes & Borders.Soirée organisée en collaboration avec KBB(Barcelone et Buenos Aires) et le Toit du monde (Vevey).Hassan Khansur le pont des artsL’artiste présente Incidence, un concert avec projectionqui raconte Le Caire. Il accompagne le lancement <strong>au</strong> CCS du livreOf Bridges & Borders, <strong>au</strong>quel il a participé. Par Florence GaillardHassan Khan est néen Egypte en 1975. Il se sertd’installations, d’imagesimprimées, de texteset de performances musicalespour aborder divers aspectsde la réalité socialequi l’entoure.Ses œuvres vidéo ont étéprésentées dans de nombreuxfestivals et muséescomme le <strong>Centre</strong> Pompidou,le World Wide Videofestival d’Amsterdam oule Kunsten festival des artsde Bruxelles.Performeur, écrivain, vidéaste, musicien, plasticien? Tout cela conjointement. Inclassable, <strong>au</strong>rait-ondit longtemps. Aujourd’hui, on dira qu’Hassan Khan estun artiste contemporain qui emprunte, comme be<strong>au</strong>coupet sans problème d’étiquette, de multiples can<strong>au</strong>xexpressifs. « Kompressor », son exposition présentée <strong>au</strong>Plate<strong>au</strong> (Paris) en 2007, tentait de traduire les rêves nocturnes,les abordait comme un réservoir de nouvellesformes. Couleurs, sons, récits, énigmes. Khan cherche.Il vient du Caire, il y vit. Il connaît les arrière-banlieues,les repaires underground. Il élabore des dialogues entremusique et images, par des films qu’il réalise, des effetsvisuels, des compositions, des samples et des improvisationslive. Parfois, ses langueurs planantes font croireà un dj nordique. Ailleurs, Khan injecte des sons qu’ilemprunte à la sono mondiale pour composer un stylepropre. Comme quoi évoquer Le Caire n’implique pasforcément d’arabesques.Khan met le doigt sur les tiraillements d’une villeancienne et très moderne. Arabe, multiconfessionnelle.Imprégnée d’un Occident dont ne ressortent souventque des faces criardes. Installé à l’intérieur du monstreurbain, Khan exprime ces pans d’identité composite.Questions de frontières et de ponts entre des territoires,entre des morce<strong>au</strong>x de soi.Le concert d’Hassan Khan <strong>au</strong> <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>accompagne la sortie de Of Bridges & Borders, un livreconçu par Sigismond de Vajay avec le graphiste AndréBaldinger. Sigismond de Vajay, qui est-il ? Un jeune curateuren transit, un artiste qui vient d’élire domicile àLe musicien à l’œuvre dans INCIDENCE. © Hassan Khan, 2008Buenos Aires après de longs séjours à Barcelone etBerlin. En Suisse, où il a grandi et s’est formé dans uneécole d’art, il a monté très jeune quantité d’expositions,de concerts et d’événements. En particulier <strong>au</strong> Toit dumonde, lieu qu’il a porté h<strong>au</strong>t jusqu’en 2002, dans lapetite ville de Vevey. L’espace d’art a fermé mais lastructure demeure : c’est sous ce nom que Sigismondpublie Of Bridges & Borders.Ponts et frontières. Le sujet est très vaste. Trop vaste? « C’est vrai, on dirait un nom de biennale ! », concèdeSigismond de Vajay, attrapé en plein bouclage de livre.N’empêche, ces thèmes lui ont permis de réunir des artistespointus dont il admire le travail. Tous font résonnerle titre à leur façon. « Certaines œuvres sont desprojets déjà “historiques” comme le Mexican bridge deChris Burden ou On translation. Miedo/J<strong>au</strong>f d’AntoniMuntadas. D’<strong>au</strong>tres sont produites par ou pour le livre,comme El Viaje de Bamba, de Josep Maria Martín, témoignaged’un Somali qui a voyagé sur une barque defortune jusqu’en Espagne. »Cl<strong>au</strong>de Lévêque, Carsten Nicolai, Santiago Sierra,Hans Op de Beeck, Thomas Hirschhorn comptent parmila trentaine d’artistes réunis dans le livre. « C’est unebase qui doit mener plus loin, provoquer des pensées etd’<strong>au</strong>tres œuvres », explique l’éditeur. Une prochaineétape s’annonce d’ores et déjà sous forme de grandeexposition à Buenos Aires en 2010, pour le bicentenairede l’Indépendance de l’Argentine.www.ofbridgesandborders.com


« L’avenir de l’artest dans la bâtardise »19 • L’INVITÉ • le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009Urs Stahel dirige le Fotomuseum Winterthur depuis son ouvertureen 1993. Par sa manière <strong>au</strong>dacieuse et novatrice de concevoirdes expositions, il en a fait l’un des musées de photographie les plusimportants à l’échelle internationale. Par Florence GaillardNé en 1953, Urs Stahela une <strong>format</strong>ion littéraire.Il a été journaliste, photographe,rédacteur entre <strong>au</strong>tres pourle magazine Du, puis curateurfree-lance.Il a <strong>au</strong>ssi enseigné l’artcontemporain et l’histoirede la photographie avantde diriger le FotomuseumWinterthur depuis son ouvertureen 1993. Il vit à Zurich.Urs Stahel. DR« Darkside II – Pouvoir photographique et violence,maladie et mort photographiées ». C’est le titre de l’expositionprésentée cet <strong>au</strong>tomne ( jusqu’<strong>au</strong> 15 novembre)<strong>au</strong> Fotomuseum Winterthur. Et c’est emblématiqued’un style : le Fotomuseum construit des événementsambitieux, <strong>au</strong>tour d’une thématique forte, parfois provocante,qui rassemblent photos d’artistes, archives« industrielles » et iconographie anonyme. Cette approchecontemporaine couplée à des expositions monographiquesde grands <strong>au</strong>teurs, la présence <strong>au</strong>ssi de laFondation <strong>suisse</strong> pour la photographie sur le mêmesite, font de Winterthour, à quelques kilomètres deZurich, la capitale <strong>suisse</strong> de la photographie.• Florence Gaillard / Winterthour abrite un nombreimpressionnant de musées dont le désormais célèbremusée de la photographie. Comment la ville a-t-elledéveloppé ce patrimoine <strong>culturel</strong> ?• Urs Stahel / Winterthour est une ville bizarre. C’étaitla plus grande ville industrielle du pays et, sousdes allures discrètes, un centre de commerce <strong>au</strong>ssi.La richesse artistique de Winterthour vientde la famille Reinhart, qui a collectionné des œuvrespendant un siècle. Il y a deux musées Reinhartà Winterthour. Le Fotomuseum a <strong>au</strong>ssi été créé grâce<strong>au</strong> financement des Reinhart, mais sous la formed’un mécénat moderne. Georg Reinhart ne voulaitpas d’un musée de plus qui porte son nom ! Il a souhaitéle contraire de ce qui se passe actuellement dansnombre de musées, où les mécènes s’affichent en grand.En trop grand.• FG / Vous avez eu le privilège de participerà la conception architecturale du musée, entre 1991et 1993. Comment avez-vous procédé ?• US / Je me suis jeté à l’e<strong>au</strong>. Les éclairages,les températures idéales, l’articulation des espaces,j’ai tout appris en faisant. C’était génial de construireune telle maison ; la seule probablement queje construirais jamais… Pour y voir clair, j’ai be<strong>au</strong>coupvoyagé, en particulier <strong>au</strong>x Etats-Unis, et observécomment on exposait la photographie. J’y ai surtoutappris ce que je ne voulais pas reproduire ici.Il était hors de question de faire un gested’architecture spectaculaire, comme be<strong>au</strong>coupde villes en demandent, et qui se serait avéré mal adapté<strong>au</strong> contenu. Il est très important, lorsqu’on penseexpositions, de combattre l’architecte !• FG / En vingt ans, la manière d’exposer et de considérerla photographie a-t-elle changé ?• US / Oui. Nous avons conçu le musée commeun espace d’art contemporain. Nous sommes dansune ancienne usine textile, cet environnementindustriel m’a toujours séduit. Nous avons créédes espaces de différentes tailles pour offrir différentsdegrés d’intimité et permettre <strong>au</strong> public d’êtretotalement concentré. Ça paraît évident <strong>au</strong>jourd’hui,mais <strong>au</strong> début des années 90 la photographie étaitencore traitée de façon très conservatrice. Exposéedans un esprit de salon, comme un élément décoratif.La photo avait toujours l’air d’être un objet du passé,et dans les musées, on la reléguait <strong>au</strong> sous-sol,dans des annexes. Une exposition prend sens lorsqu’undialogue se crée entre le lieu, les images et les visiteurs.Trois cents photos alignées les unes à côté des<strong>au</strong>tres ne font <strong>au</strong>cun sens. Mieux v<strong>au</strong>t s’installerconfortablement dans un f<strong>au</strong>teuil et feuilleter un livre.• FG / Qu’est-ce qui a permis à la photographie de gagnersa place dans les musées ?• US / Pendant cent ans, la photo a eu une histoireparallèle à l’art, à l’exception du B<strong>au</strong>h<strong>au</strong>s et dessurréalistes, qui l’intégraient complètement dans leurdémarche. C’est l’art contemporain qui, dès les années50-60, avec des artistes comme R<strong>au</strong>schenberg,a induit un nouve<strong>au</strong> regard sur la photographie et luia permis de gagner la place qu’elle a <strong>au</strong>jourd’hui.• FG / Vos expositions thématiques mêlent toutes sortesd’images, certaines très célèbres, historiques, d’<strong>au</strong>tresanonymes. Pourquoi tenez-vous à cette mixité ?US / Mon métier consiste à fouiller, à chercher horsdes 0,5 % de photographies existantes, avalisées parle monde de l’art. Le but est de provoquer des tensions,des questionnements par l’image. Je souhaite


20 • L’INVITÉ • le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009ce mélange où des photos de Cindy Sherman côtoientdes reportages de presse, où Le Bain de Tomoko,image iconique de William Eugene Smith, est à côtéd’archives médicales d’il y a un siècle. Il y a des<strong>au</strong>teurs mais <strong>au</strong>ssi un immense pan de photographieque j’appelle « quotidienne », industrielle, médicale,policière, documentaire, etc. Il est importantque ces photos dialoguent, se côtoient dans un rapportégalitaire. Ce type d’exposition est fondé surune approche sociologique, avec des ouverturesde champs différents. Je suis convaincu que l’avenirest fondamentalement bâtard.• FG / Néanmoins vous présentez <strong>au</strong>ssi des expositionsmonographiques ?• US /Oui, je crois que c’est un bon équilibre. Je veuxun musée <strong>au</strong>ssi vivant que possible, où le public vienne,bien sûr. Une exposition rétrospective consacréeà une œuvre photographique, connue ou moins connue,est toujours appréciable.• FG / Le Fotomuseum constitue sa propre collection.Quelle est votre ligne ?• US /Nous ne constituons pas de collection historique.Le Fotomuseum est trop récent pour rivaliserdans cette veine-là : des photographies qui coûtaient50 000 dollars il y a dix ans se vendent <strong>au</strong>jourd’hui3 millions. Il nous f<strong>au</strong>drait économiser pendanttrois ans pour nous payer une photographie de P<strong>au</strong>lStrand ! Donc nous nous consacrons uniquementà la photographie contemporaine, des années 60à <strong>au</strong>jourd’hui – à l’exception près, des photos de RobertFrank réalisées dans les années 50. Nous n’achetonspas d’images isolées, toujours des ensembles, des séries.Et nous développons deux axes : photographiedocumentaire et art conceptuel. Nous avons <strong>au</strong>jourd’huiun fond d’environ 4 000 photos.• FG / En France, de nombreux événements mettenten avant la photographie. Mois de la photo, Paris Photo,sans compter d’importants rendez-vous à Arles ouPerpignan. Comment le zurichois que vous êtes voit-illa photographie française ? A-t-elle une identité propre ?• US /La France a été fortement marquée parla photographie humaniste. Henri Cartier-Bresson,Willy Ronis, qui vient de nous quitter, Edouard Boubat,etc. Pendant très longtemps, Le Baiser de l’hôtelde ville de Doisne<strong>au</strong> a été le symbole de la photographiefrançaise. Or cela date de 1950 ! On peut dire,et j’espère ne blesser personne, que la traditiona longtemps été rétro. Ça a changé bien sûr, là encoregrâce à l’art contemporain. Patrick Tosani, Sophie Calle,Sophie Ristelhueber, Suzanne Lafont et be<strong>au</strong>coupd’<strong>au</strong>tres ont modifié radicalement le paysage.• FG / La société contemporaine est saturée d’images.Tellement qu’il est presque impossible de voir.Après seize ans <strong>au</strong> Fotomuseum, à quoi reconnaissez-vousune bonne photographie ?• US /Après tant d’années, je les renifle, je les sens !Plus sérieusement, une bonne photo est une photoqui a sa propre raison d’être, qui se suffit à elle-même.Un objet intelligent qui offre des lectures à plusieursnive<strong>au</strong>x, qui nous confronte à une réalité, à un élémentstructurel de nos sociétés. Comment la reconnaître ?J’aime les arts visuels, et une photo doit avanttout provoquer l’éveil de l’œil. J’ai <strong>au</strong>ssi besoin de sentirun regard conscient de lui-même et de son objet :d’où parle celui qui photographie ? Que nous apporteson point de vue ?www.fotomuseum.chLe Fotomuseum, un des nombreux lieux d’art de la ville. DRWinterthour ville d’artWinterthour, près de Zurich, compte 17 muséespour 100000 habitants. La ville abrite de très richescollections de peinture.Pourquoi là ?Parce qu’une famille Reinhart y a développéla compagnie Volkart, qui faisait commerce de cotonet de denrées alimentaires, et a géré un temps 10 %du commerce mondial du café. Theodor Reinharta soutenu des artistes, ses fils Georg et Oskaront continué, achetant be<strong>au</strong>coup de peintures de leurépoque. Oskar a fait don de ses œuvres à sa villeet deux musées Reinhart se sont ouverts, un en 1951,l’<strong>au</strong>tre en 1970. Sa collection compte le plusimportant ensemble d’art allemand du x i x e siècle horsd’Allemagne et une des plus riches en peinturefrançaise (Courbet, Renoir, Manet, Sisley, Cézanne, etc).Winterthour a <strong>au</strong>ssi bénéficié des donationsde plusieurs <strong>au</strong>tres importants collectionneurs.Où voir quoi ?Le Museum Oskar Reinhart am Stadtgarten etla Collection Oskar Reinhart à la Villa am Römerholzsont temporairement réunis (jusqu’en été 2010)pour c<strong>au</strong>se de rénovations. Une sélection de toilesde maîtres anciens et de peintures allemandes etfrançaises des x i x e et x x e siècles, issues des collectionsOskar Reinhart, sont pour la première fois présentéesensemble <strong>au</strong> Musée am Stadtgarten.www.museumoskarreinhart.chLa Villa Flora, où est conservée la collection Hahnloser,présente des œuvres de Bonnard, Cézanne, Matisse,Redon, Renoir, Vuillard, Vallotton, etc.Le Kunstmuseum compte une grande collectionde peintures françaises du début du x x e siècle, d’artmoderne, d’art <strong>suisse</strong> (Anker, Hodler, Füssli), ainsiqu’un important ensemble contemporain international.Le pôle photoOutre le Fotomuseum, Winterthour abrite la Fondation<strong>suisse</strong> pour la photographie (Fotostiftung Schweiz),qui préserve et met en valeur les archives photographiques<strong>suisse</strong>s, par des expositions notamment.Elle garde en dépôt des œuvres de Werner Bischof,P<strong>au</strong>l Senn ou Robert Frank, etc. Ensemblele Fotomuseum et la Fotostiftung, qui occupent4000 m², forment le plus important centre consacréà la photographie en Suisse. FG


24 • LONGUE VUE • SCèNES / le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009ScènesJocaste reineNancy Huston / Gisèle SallinNombre de personnages du théâtre antique ont fait l’objet de relectures etde réécritures. Gisèle Sallin, metteur en scène et directrice du théâtre des Ossesà Fribourg, s’est interrogée sur le personnage de Jocaste, mère d’Œdipe qui,dans la pièce de Sophocle, finit pendue sans plus de discours.Or Gisèle Sallin n’a trouvé <strong>au</strong>cune pièce qui donne la parole à Jocaste. Elle a eula belle idée de contacter Nancy Huston, pour qu’elle la fasse enfin parler. Superbedéfi ! La romancière a d’abord été réticente : « Ce personnage n’était-il pas justementun peu trop “hustonien” ? », avoue-t-elle, craignant d’être cataloguée commel’écrivain des maternités tragiques. Puis elle s’est laissée tenter, forcément. Elle écritalors Jocaste Reine, relisant pour ce faire Henry B<strong>au</strong>ch<strong>au</strong>, Sophocle et Freud.Voilà donc, sur scène, Jocaste, mère de quatre enfants, reine et épouse, qui soignesa ville malade de la peste. Elle bouscule en douceur, par ses confidencesà d’<strong>au</strong>tres femmes, les mythes anciens et récents, lâche quelques secrets de familleet observations sur les destinées des femmes. « Je me suis dit qu’il n’était passeulement possible mais important d’entendre enfin ce qui se disait, non passur le parvis du palais, en public, mais dans l’intimité des chambres, des cuisines,des coulisses. Et sans rien changer <strong>au</strong>x événements de l’histoire d’Œdipe, j’ai vuson sens se transformer du tout <strong>au</strong> tout », dit <strong>au</strong>jourd’hui Nancy Huston. On se réjouitde découvrir sa « parole donnée », qui prend la forme d’une tragicomédie. D’<strong>au</strong>tantplus que pour compléter ce be<strong>au</strong> projet dramaturgique, le théâtre des Osses,en coproduction avec la Comédie de Genève, monte en contrepoint Œdipe Roide Sophocle, dans la traduction d’André Bonnard. Florence GaillardMontpellier, Domaine d’O, du 15 <strong>au</strong> 18 décembre.www.theatreosses.chwww.comedie.chwww.domaine-do-34.euLlámame mariachiLa RibotEn plus de La Ribot, de sesinterprètes, Marie-Caroline Hominalet Delphine Rosay, il y a sur la scènede Llámame mariachi une présenceforte : les images captéespar une caméra qui ambitionnede transmettre l’expérience dela danse. De tout près, de dedans,presque. Le corps est l’instrumentqui doit trouver sa place dansl’espace. La caméra rend comptede cette quête du corps dansant,© Isabelle Meisteret souligne volontiersses errances : imprévus,approximations, tentations.Invitée du festival d’Automne,La Ribot développe dans sadernière création une recherchedéjà abordée avec Pa ambtomàquet sur l’image etle dispositif réflexif. Elle poussecelui-ci dans ses retranchements,le presse de multiplier les pointsde vue et de capter les détails.Dans un spectacle de danse qui,malgré son nom, a peu à voiravec une envolée de cuivresmexicains, les images amènentles changements d’échelle,des cadrages qui bouleversentla perception, la régénèrent <strong>au</strong>ssi.FGParis, festival d’Automne,<strong>Centre</strong> Pompidou,du 11 <strong>au</strong> 14 novembre.www.festival-<strong>au</strong>tomne.comwww.laribot© Isabelle DaccordSono qui per l’amoreMassimo FurlanMassimo Furlan tient par le coules mythes, les archétypes,les forces qui peuplent l’imaginairedes humains, h<strong>au</strong>ts comme trois— ou trente – pommes. Il y aquelques années, ce plasticienétait révélé comme performeuren rejouant <strong>au</strong> parc des Princesla finale de la Coupe du mondede football 1982. Il a ensuite revêtula cape de Superman. Cela, déjà,voulait rendre compte de l’impactCandideVoltaire / Yves LaplaceVoltaire a publié Candide à Genèveil y a 250 ans. C’est de là, plusprécisément du théâtre de Carouge,sous la plume de l’écrivain YvesLaplace, que Candide repart pourun tour du monde. Et ce monde©Black SwanGilles JobinAvec son univers formel bienparticulier, Gilles Jobin est l’undes chorégraphes <strong>suisse</strong>sles plus respectés, et l’un desplus régulièrement présents surles scènes étrangères. Son BlackSwan a été conçu comme une ode<strong>au</strong> mouvement.© Pierre Nydegger© Marc Vanappelghem© Thierry Burlotmassif de certains événements— vit<strong>au</strong>x, anodins, ludiques — surune enfance, la sienne ou la nôtre.Dans Sono qui per l’amore, oùil convoque neuf acteurs, complices,parents et amis, le metteur enscène l<strong>au</strong>sannois prend la mesuredes peurs qui tenaillent les êtresen construction. C’est un superbespectacle d’enfance, poétique eth<strong>au</strong>tement visuel, pas forcémentun spectacle pour enfants. Carles table<strong>au</strong>x vivants de MassimoFurlan traduisent, en les incarnant,l’abandon, le phantasme amoureux,les liens qui rassurent ou étouffent.Ils prennent des formes souventmonstrueuses, tout commedans les contes. Pas de paroles,peu de gestes, des sons parfoisassourdissants. Des fées,des dragons hideux, des princessous le joug trivial des tâchesquotidiennes. Et des démonsà combattre pour s<strong>au</strong>ver etalimenter, à tout âge, le bel amourqui tient les humains en vie. FGDouai, L’Hippodrome, 16 et 17 octobre.n’a pas cessé d’être affolant.Dans la mise en scène d’HervéLoichemol, Candide est toujoursl’amoureux optimiste et vaillantde Voltaire. Il a l’âme blanche,curieuse et réactive, et ici la pe<strong>au</strong>noire. C’est le magnifique comédienWilliam Nadylam, fidèle de PeterBrook, qui incarne ce Candideépique, qui voyage dans les décorscombinatoires de Pierre-AndréWeitz, habituellement scénographed’Olivier Py.La fable est souple et terrible,le piquant voltérien pointedans les dialogues de Laplace.Et même si le monde est calciné,Candide déniaisé invite à danserdessus. Ce n’est pas chez luide l’optimisme béat, maisla résistance de celui qui choisitde voir et de rire. FGMontreuil, Nouve<strong>au</strong> théâtrede Montreuil, du 12 novembre<strong>au</strong> 8 décembre.Cluses, Allobroges centre <strong>culturel</strong>,le 12 décembre.Dijon, théâtre des Feuillants,les 15 et 16 décembre.Des cloches sonnent, dans unebelle bande-son de Cristian Vogel.Des lapins jouent. Il y a de l’enfanceet des bribes de fantastique.Mais il n’y a ni fable ni discours,même si le cygne noir qui donneson titre à la pièce emprunteà la philosophie. John Stuart Millpuis Karl Popper ont fait de cetanimal rare le symbole de théoriessur la puissance de l’improbable,sur l’impossibilité de prévoir àcoup sûr, voire d’affirmer une vérité.Le cygne noir symbolise alorsl’inattendu, la vérité inquiétantequi déstabilise nos convictions.Mais peu importe ! Il s’agit icide danse, la théorie est en amont,pas sur scène. Gilles Jobin etses danseurs s’en inspirent maiss’en libèrent <strong>au</strong>ssi pour quêter lavérité surprenante des gestes. FGParis, théâtre de la Ville,les 1, 3, 4 et 5 décembre.


25 • LONGUE VUE • CINéma / le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009ScènesCinémaMade in ParadiseYan Duyvendak, Omar Ghayattet Nicole BorgeatOn est loin du paradis. Restequ’il est possible de se rencontrer,de se raconter, sur Terre. Mêmepour échanger sur un sujet <strong>au</strong>ssisensible que la peur de l’Islam.Made in Paradise résulte dela rencontre, <strong>au</strong> Caire, desperformeurs Yan Duyvendak,vivant à Genève, et Omar Ghayatt,qui travaille en Egypte. Construitavec la dramaturge Nicole Borgeat,Le Conte d’hiverShakespeare / Lilo B<strong>au</strong>rTout comme Othello, Le Conted’hiver est un drame de la jalousie.Léontes, roi de Sicile, croitsa femme adultère et provoquesa mort. Mais contrairementà Othello, Le Conte d’hiver évolueen tragicomédie où le rachats’avère possible. Il y a donc duréconfort dans ce Shakespearetardif, présenté dans la traductionfrançaise de Koltès. « La quêtedes frontières et des limitesLe Jeu de l’amouret du hasardMariv<strong>au</strong>x / LiermierMariv<strong>au</strong>x serait-il une épreuveobligatoire pour metteur en scèneambitieux ? Pour sa première miseen scène en tant que directeur duthéâtre de Carouge, Jean Liermiertenait fort à cet hommage <strong>au</strong>théâtre classique. Il en fait presque© Raoul Gilibert© Mario Del Curto© Marc Vanappelghemle spectacle est hors catégories.Il tient du théâtre participatif etdu jeu collectif, car le public choisitles performances qu’il souhaitevoir. Par exemple, Le momentdont tout le monde se souvient,référence à ce 11 septembre 2001où se superposent réalité privéeet choc collectif. Ou Burqa, qui faitla liste des préjugés réciproquesque s’adresse le quidam occidentalet musulman. La force résidedans les témoignages entendus,très personnels. Ils créent un lienintime entre acteurs et publicet désagrègent nos idées reçues,comme chaque fois que lesindividus ne sont plus des idéesmais des « je ». FGBorde<strong>au</strong>x, Le Carré des Jalles,du 13 <strong>au</strong> 15 novembre.www.carredesjalles.orgParis, La Ménagerie de verre,festival Les Inaccoutumées,les 20 et 21 novembre.www.menagerie-de-verre.orgReims, Le Manège,le 10 décembre.www.manegedereims.comdes émotions humaines provoquel’imaginaire et la folie du jeudu comédien », explique la metteuren scène <strong>suisse</strong> Lilo B<strong>au</strong>r, quifut plusieurs fois comédiennepour Peter Brook, après uneimpressionnante carrière dansle théâtre anglo-saxon.Elle a procédé par imprégnation,par longues séances d’improvisationpour ce Conte d’hiver qui est<strong>au</strong>ssi un grand texte sur l’illusionthéâtrale. FGToulouse, Théâtre national,du 14 <strong>au</strong> 18 octobre.Sète, Théâtre, les 21 et 22 octobre.Tournai, Maison de la culture,du 27 <strong>au</strong> 30 octobre.Combs-la-Ville, Scène nationalede Sénart, du 5 <strong>au</strong> 7 novembre.Le Mans, L’Espal,du 11 <strong>au</strong> 13 novembre.Colombes, L’Avant-Seine,le 28 novembre.Martigues, théâtre des Salins,les 1 er et 2 décembre.Caen, théâtre de Caen,du 8 <strong>au</strong> 10 décembre.Borde<strong>au</strong>x, TnBA,du 13 <strong>au</strong> 16 décembre.un manifeste, l’interprétationd’une partition ancienne dontles échos échappent <strong>au</strong> temps.Que nous dit encore Mariv<strong>au</strong>xen 2009 ? La commedia dell’arteet le drame bourgeois n’ont-ilspas donné tout leur jus ?Le talent de Liermier prouve quenon. En 1730 comme <strong>au</strong>jourd’huidemeure la possibilité d’un ordreà renverser, la respirationd’un carnaval. Et le sentimentamoureux, ses feintes et ses reversne s’encombrent pas de l’histoiredu théâtre pour s’inventer chaquejour. Silvia s’inquiète de la sincéritéde Dorante et le met à l’épreuve.Entrent en scène les doublures,la servante, le valet et les pères.Le réel vacille, littéralementet les trappes avalent… FGSaint-Denis, théâtre Gérard Philippe,du 10 novembre <strong>au</strong> 6 décembre.Flers, Forum de Flers, le 9 décembre.Rétrospective cinéma <strong>suisse</strong>Festival international du film de Belfort – EntrevuesCréé par Janine Bazin en 1986, Entrevues est un festival dont la compétitionest ouverte <strong>au</strong>x premiers longs et courts métrages de cinéastes de fictions etde documentaires. Il a ainsi sélectionné les premiers films de cinéastes françaiset étrangers <strong>au</strong>jourd’hui reconnus comme les frères Larrieu, Claire Simon,Lars von Trier ou Chen Kaige…A côté de la compétition, le festival organise des rétrospectives et des hommagesqui permettent de (re)parcourir divers chemins de l’histoire du cinéma.Cette année, la section « Je me souviens » présente près de trente films réaliséspar une dizaine de cinéastes <strong>suisse</strong>s entre 1964 et 1984 et rassemblés sousl’appellation de « Nouve<strong>au</strong> Cinéma <strong>suisse</strong> ».Les spectateurs pourront ainsi voir ou revoir des chefs-d’œuvre du « groupe des 5 »:Alain Tanner et Michel Soutter bien sûr, mais <strong>au</strong>ssi Cl<strong>au</strong>de Goretta, Francis Reusseret Yves Yersin, <strong>au</strong>xquels s’ajoutent, bien qu’ils n’appartiennent pas à proprementparler <strong>au</strong> groupe, Simon Edelstein et Jean-Louis Roy.Formés les uns à l’école anglaise, les <strong>au</strong>tres par la télévision, ces cinéastes ont créédans l’élan de la Nouvelle Vague et des films à petit budget. Ils ont donné à voirune image non folklorique, une image critique de la Suisse contemporaine.Peinture sans complaisance, pleine d’humour souvent, d’ironie, voire de poésie.Comme le dit Freddy Buache, figure historique de la Cinémathèque <strong>suisse</strong>,ce cinéma voulait « montrer ce qui se cache derrière le bonheur béat, faire le détourpar l’arrière-cour » en racontant des histoires de margin<strong>au</strong>x, de rêveurs,de personnages en rupture, de personnages <strong>au</strong>xquels en tout cas le cinématraditionnel n’avait jamais accordé attention. Et si ce cinéma a trouvé son public,c’est <strong>au</strong>ssi parce que ces personnages ont été servis par de grands comédiens.Des acteurs <strong>suisse</strong>s comme Jean-Luc Bide<strong>au</strong> et Jacques Denis, mais <strong>au</strong>ssi françaiscomme Bulle Ogier, Isabelle Huppert, Miou-Miou, Jean-Louis Trintignantet Philippe Léotard qui amenaient avec eux une nouvelle façon d’être à l’écran…Le festival de Belfort ne se contente pas d’un panorama de cinéma <strong>suisse</strong> romand,il donne la place qui leur revient <strong>au</strong>x cinéastes alémaniques les plus importants.Alexandre Seiler, Richard Dindo et Fredi Murer ont été chacun à leur manièreengagés dans le dépoussiérage de l’histoire et de l’imagerie helvétique avecla volonté de montrer les tensions propres à un pays que be<strong>au</strong>coup considèrentcomme sans histoires. Cerise sur le gâte<strong>au</strong>, trois films de Daniel Schmidtsont <strong>au</strong>ssi présentés. Inclassable, relevant à la fois de l’opéra et de la chorégraphie,son cinéma ancré dans des rituels qui effacent toute frontière entre imaginaireet réalité conserve une force toujours hypnotique.L’histoire du cinéma <strong>suisse</strong> ne s’est pas arrêtée en 1984. Le festival a égalementfait le choix de cinq films plus récents, signés Christian Sch<strong>au</strong>b, Christine Pascal,Jean-Stéphane Bron, Jeanne Waltz et Lionel Baier. Serge LachatBelfort, Cinéma Pathé, du 28 novembre <strong>au</strong> 6 décembre.www.festival-entrevues.comDR


26 • LONGUE VUE • MUSIQUE / le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009MusiqueThe Young Gods play WoodstockL’ancêtre de tous les festivals d’été ? Woodstock. On sait, parce que l’événementd’août 1969 s’est immédiatement mué en légende, la horde pacifique defestivaliers, dix fois plus nombreuse que prévue, on sait l’iconographie baba,Jimi Hendrix, The Who, Joan Baez et Janis Joplin, Richie Havens clamantsans fin Freedom.De l’<strong>au</strong>tre côté de l’Atlantique, peu après 1969, un petit garçon découvre les disquesde ceux qui ont « fait » Woodstock. « Hendrix, Santana, ce sont eux qui nous ontdonné l’envie d’être musiciens », se souvient <strong>au</strong>jourd’hui Franz Treichler, le leaderdes Young Gods. Le groupe a plus de vingt ans et est une légende, lui <strong>au</strong>ssi.Côté rock industriel, lyrisme psychédélique, usage pionnier de samples etappropriations fulgurantes de la musique des <strong>au</strong>tres.En 2005, la ville de Genève demandait <strong>au</strong>x Young Gods un spectacle à partird’un film dont le groupe recréerait la bande-son. Un film muet, du noir-blancet les Young Gods dessus, c’était l’idée. Mais les musiciens ont choisile documentaire, signé Michael Wadleigh, qui montre Woodstock côté scène,côté prairie, côté campement. Pas du tout muet, déjà plein de musiques.Franz Treichler, Al Comet et Bernard Trontin se sont donc emparé d’un matérielchargé. Ils ont réduit le documentaire à 80 minutes. Et invité dans leur collagel’inénarrable Erika Stucky, yodleuse décapée. Certaines chansons sont calquéessur l’original, d’<strong>au</strong>tres sont réinventées, dans la veine lyrico-métallique du groupefribourgeois. Les sons des embouteillages, du public ou des fermiers incrédulesdonnent matière à des compositions et à des remixages, <strong>au</strong>tant que les chansons.C’est joyeux, intense et plein, avec toute la créativité et l’irrévérence qu’il f<strong>au</strong>tpour éviter l’hommage nostalgique et la béatification des icônes. FGParis, Cité de la musique, le 5 décembre.www.cite-musique.frwww.younggods.comDRSamuel BlaserSamuel Blaser a osé récemmentun album de trombone solo (Solobone), ce qui n’est pas l’<strong>au</strong>dacedu premier jeune souffleur venu.Il a coulissé en scène en compagniedu percussionniste Pierre Favre ouen duo avec Malcolm Braff, pianistesourcier dont on ne dira jamaisassez la généreuse inventivité.Samuel Blaser, c’est un enfantde La Ch<strong>au</strong>x-de-Fonds, ville h<strong>au</strong>tedu canton de Neuchâtel, <strong>au</strong>stèreLee Van DowskiD’ordinaire, il f<strong>au</strong>t de l’endurancepour suivre un set de Lee VanDowski. Le dj genevois aime jouerlongtemps et tard. C’est <strong>au</strong>xhoraires after, dans les villesoù la fête ne cesse jamais, quele tempo modéré de sa houseminimale funky réjouit desclubbeurs rassasiés par une nuitde beats agressifs. Du coup,on est curieux de voir comment© Alex Troesch© Lars Borgescomme une petite Liverpoolhorlogère, créative commeune ville cadette et rebelle.Le tromboniste est parti pourNew York, logique, puis à Berlin,logique <strong>au</strong>ssi lorsqu’on a faimd’Europe en ébullition. Il s’estconstruit une expérience deprodige hyperactif, une réputationde cas rare qu’il s’agit de suivre.Il goûte <strong>au</strong> burlesque qui suintenaturellement de son instrumentpotache, mais <strong>au</strong>ssi à dessoliloques poétiques et à desbe<strong>au</strong>tés cassées. Il sort un nouvelalbum cet <strong>au</strong>tomne, Pieces of OldSky, qui laisse entrevoir des quêtesmystiques sur fond de bétonmétropolitain. Avec son quartetcette fois-ci. C’est dans cetteconfiguration qu’il fait un détourpar Strasbourg. FGStrasbourg, Jazz d’or, le 17 novembre.www.jazzdor.comil va s’adapter <strong>au</strong>x horairestrès parisiens du Régine.Découvert avec la deuxième vaguede dj genevois, qui s’est développéedans le sillage de Miss Kittin, LeeVan Dowski est devenu un pilierde Cadenza Records, le label deLuciano, la star helvético-chilienne.Il joue dans les grands clubs dela planète : le Panorama Bar à Berlin,le Fabric à Londres, Weetamixà Genève. Producteur prolifique,il a déjà sorti huit titres cette année,dont le remarqué « The VariableMan ». Un morce<strong>au</strong> dont le noms’inspire d’un roman de PhilipK. Dick et qui fait converger demanière amusante plusieurs voixmasculines hachées, des lignesmélodiques et des bip-bip jusqu’àune incandescence libératrice.Un titre à la fois fin<strong>au</strong>d et élégant,à l’image de Lee, prince éruditde la nuit et du petit matin.Sylvain MénétreyParis, Le Régine, le 13 novembre.Pascal AubersonKélomèsC’est vrai ça, quel homme est-ce ?Comment résumer ce qui a déjàla taille d’une pleine vie ? PascalAuberson était star à 25 ans,polyinstrumentiste doué, chanteurà <strong>au</strong>ra magna, avec voie tracéedans ce qui portait encoremajuscules il y a trente ans :la Chanson Française.Il a pris la tangeante de cette voieélyséenne pour tenter la musiqueen profondeur, l’expérimentation© Michel Vonlanthen<strong>au</strong> quotidien, à L<strong>au</strong>sanne.Il a composé pour des danseurs,côtoyé d’éternels amis jazzmen,cherché des paix d’anachorète.Auberson le grand, fabuleuxhomme de scène, a désormaisles cheveux blancs. Il cultive uneallure de vieux sage même s’il n’ena pas tout à fait l’âge encore.Il sort ce nouve<strong>au</strong> disque, Kélomès,et monte sur scène en compagniede Pierre Audétat (pianoet arrangements), ChristopheCalpini (venu de la scène électro,arrangeur de L’Imprudencede Bashung), et un jeune CésarAuberson qui préfère le saxophoneà l’étalage de sa filiation.L’Ange rebelle repart donc surles chemins. Ou ne serait-ce pasplutôt qu’Ulysse rentre enfinà la maison : sur scène, en grand,devant un parterre d’envoûtésretrouvés ? FGParis, Alhambra,les 12 et 13 novembre.Sortie de l’album le 15 octobre.www.pascal<strong>au</strong>berson.chMr FreshHell’s KitchenA force d’entendre les mélopées<strong>format</strong>ées d’Eric Clapton, on avaitun peu oublié que le blues vientde l’expression « blue devils ».Les Hell’s Kitchen se chargent denous remémorer cette dimensionluciférienne de la musiquedes esclaves. Le trio genevoiss’est réapproprié la formulede Kurt Cobain qui voulait déjà« déclaptoniser le blues ». Habités,suant e<strong>au</strong> et sang sur scène,DRles Hell’s Kitchen ravivent doncles flammes, leurs performancesscéniques explosives prenantun furieux air de messes noirescathartiques.En tournée en France, les Genevoisdéfendent leur second brûlotMr Fresh avec contrebasse,percussions en tous genres(couvercles de poubelles, tuy<strong>au</strong>x)et guitare. Sur cette machinerie<strong>au</strong> son cabossé se pose le chantfunèbre de Bertrand Monneyqui alterne entre nostalgiedes premiers âges du blueset expression plus brute et punk.Bleu mais cramé. SMLimoges, Fédération Hierole 12 novembre.Blois, Chato’Do, le 13 novembre.Quessoy, festival Son’Automne,le 14 novembre.Paris, Les Trois B<strong>au</strong>dets,le 16 décembre(avec les Genevois de Mama Rosin,groupe de musique cajun).


27 • MADE IN CH • LIVRES / le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009Littérature Les livres, disques et DVD présentés dans nos pages MADE IN CH sont disponibles à la bibliothèque du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>.EfinaNoëlle RevazSept ans déjà depuis le coup d’éclat de Rapport <strong>au</strong>x bêtes. Dans ce premier roman,Noëlle Revaz créait un langage « paysan », éloigné de tout réalisme, mais d’uneforce et d’une étrangeté qui ont séduit Gallimard, fasciné par la suite de nombreuxlecteurs, et choqué d’<strong>au</strong>tres. Depuis, Noëlle Revaz a écrit pour la radio et le théâtre.Elle fait partie de « Bern ist überall », un groupe d’<strong>au</strong>teurs qui privilégieles performances collectives, sonores et musicales.Efina, par contre, est très écrit et se déroule presque entièrement par lettres.Si Rapport <strong>au</strong>x bêtes pouvait faire penser à un avatar rural de Théorèmede Pasolini, ce deuxième roman renverrait plutôt <strong>au</strong>x Liaisons dangereuses.Efina est une jeune femme dont nous ne s<strong>au</strong>rons que très peu. Au cours du roman,elle <strong>au</strong>ra un enfant, des chiens, des amants et même un mari, mais tout cela resteune abstraction. Non, ce qui compte, c’est la correspondance qu’elle entretientavec T. C’est un comédien connu, voire célèbre, un séducteur. Mais il vieillitet décline <strong>au</strong> fil des pages. De lui, nous savons encore moins. Efina et T sontcomme aimantés l’un par l’<strong>au</strong>tre mais leur échange est placé sous le signede la dénégation : je t’aime, moi non plus. Le narrateur nous laisse lire bon nombrede ces missives. Sont-elles réelles ou fantasmées ? Atteignent-elles leur destinataireou tombent-elles dans un trou d’oubli ? Les rencontres entre Efina et T, leur liaisonintermittente relèvent-elles du rêve ou du c<strong>au</strong>chemar ? Ils semblent n’existerque dans la négation de leur lien.L’écriture de Noëlle Revaz est sèche, précise. Sa scansion parfois surprend.Les lettres sont des bijoux d’ambiguïté, souvent perverses, parfois naïves,et même touchantes. De be<strong>au</strong>x exercices de style. Efina est une variation alerte,drôle et mélancolique <strong>au</strong>ssi, sur les ambivalences du cœur, sur le sentimentet la vérité. Isabelle RüfEditions Gallimard.Tout là-bas avec CapolinoJean-Marc LovayComme tous les précédents,le dixième roman de Jean-MarcLovay dessine le tracé d’une rivièrequ’il est illusoire de vouloircartographier. La phrase avanceen spirale, qui se déploienten affluents, par glissements versl’avant et vers l’arrière, répétitionset contradictions, renversementdes perspectives. Le plus sûrest de se soumettre à ce rythmeà ma fenêtreLuc BondyLuc Bondy est célèbre pour êtrele metteur en scène des intimesvariations de l’âme, le passeursur scène des textes de Schnitzler,Ibsen, Shakespeare ou BothoStr<strong>au</strong>ss. On sait moins que ceZurichois est un <strong>au</strong>teur tout <strong>au</strong>ssiraffiné. De lui, Christian Bourgoisa déjà publié Mes Dibbouks,immédiatement reconnaissable,de se laisser dévaler sur« le toboggan des images ».Les catégories habituelles detemps et d’espace ne fonctionnentplus. La frontière entre le végétal,l’animal, le cosmique et l’humainse dissout. La ligne d’horizonéprouve des sentiments, et même« le libre lit penseur » suit son bonplaisir. Les pleurs et les rires seconjuguent dans une seule musique.Capolino l’inventeur est capable« de partir et de repartir plusieursfois dans des lieux d’où personnene revenait jamais et de presquetoujours pouvoir en revenir ».Son visage, dont prend soin Djinjé,la remodeleuse de visages,se confond avec celui du narrateur,dans un jeu troublant d’identités.Dans ses derniers livres,Lovay le montagnard semblait trèsangoissé par l’état de la planète.Il semble <strong>au</strong>jourd’hui plus préoccupéde déjouer la finitude. IREditions Zoé.dans lequel il raconte sa <strong>format</strong>ionà Paris. Il publie <strong>au</strong>jourd’huiA ma fenêtre, délicieux romanqui détourne l’<strong>au</strong>tobiographiepour s’évader dans la fantaisiedouce-amère.Ayant de « l’énergie, maispas d’espoir », le narrateurqui a l’âge de l’<strong>au</strong>teur mais n’enporte pas le nom et n’est quele « collaborateur » d’un célèbremetteur en scène, méditeà sa fenêtre sur le sens de la vie.Autour de son corps souffranttournent des figures importantes.Il convoque ses parents etses grands-parents, juifs rescapés,les femmes qu’il a aimées, lesamis essentiels, l’art de la miseen scène dont il prédit la fin. Il f<strong>au</strong>tabsolument découvrir Luc Bondyl’écrivain, <strong>au</strong>ssi bouleversantdans ses livres qu’<strong>au</strong> théâtre. SFChristian Bourgois Editeur,traduction d’Olivier Mannoni.Cent Jours, Cent NuitsLukas BärfussQuelle est la part de responsabilitéde la Suisse dans le génociderwandais ? Elle est grande, répondLukas Bärfuss dans Cent jours,cent nuits (Hundert Tage), l’un desrares livres à avoir créé un débatpolitique dans la Confédération.C’était en 2008. En 2009, le livrese voit attribuer le prix Schilleret paraît en français.Depuis 1962, la Suisse a ététrès engagée <strong>au</strong> Rwanda et, viala Direction du développementet de la coopération (DDC), ellea soutenu Juvénal Habyarimana,dictateur dont l’assassinat en avril1994 fut l’élément déclencheurdu génocide qui coûta la vieà un million de personnes.Bärfuss nous donne à vivreles « cent jours » de génocide viaDavid, un collaborateur de la DDCqui refuse de se faire évacuer pourretrouver la femme qu’il aime :Agathe, fille d’un fonctionnairedu pouvoir en place. Plus l’horreurprogresse, moins il comprendsa maîtresse. Elle l’entraînedans une sexualité déchaînéeet lui devient <strong>au</strong>ssi étrangère eteffrayante que la terre d’Afriquequ’il croyait comprendre et aider.Avec ce roman d’une grandeprécision historique, Bärfussdémontre de façon implacablecomment on en vient à faire le malalors qu’on croyait faire le bien.Sandrine FabbriEditions de L’Arche, traduction deBernard Chartreux et Eberhard Spreng.Qualunque sia il nome /Quel que soit le nomPierre LeporiTessinois, Pierre Lepori vità L<strong>au</strong>sanne. Il est journaliste,traducteur (de Gustave Roud,de Grisélidis Réal), il dirige la revueViceversa Letteratura et il a lancérécemment L’Hétérographe,revue des homolittératures ou pas.Écrivain, il publie de la proseet surtout de la poésie,dont ce magnifique recueil quel’on découvre <strong>au</strong>jourd’huien édition bilingue : Quel quesoit le nom. Ses figures tutélairessont Montale, Pavese, IngeborgBachmann ou MargheritaGuidacci qu’il cite, et à laquelleil doit son titre.Pour lutter contre le silence,l’immobilité, l’effroi, il f<strong>au</strong>tnommer, dire. Ce n’est qu’ainsique l’existence menacée parla lumière comme par les ombrespeut trouver sa place dans l’univers– il parle de « la trêve d’être vivantentre la dernière lumière et le noir ».Dans sa préface à l’éditionen italien (Casagrande 2003,prix Schiller 2004), Fabio Pusterlaécrit que l’une des ambitionspoétiques de Pierre Lepori estde passer de la douleur privéeà l’horizon politique.Donc de passer de la solitudedu « je » à la force de dire « nous »,« nous tous » étant les derniers motsdu recueil. SFEditions d’En bas, traductionde Mathilde Vischer,édition bilingue français-italien.


28 • MADE IN CH • LIVRES /le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009Livres d’artDasSilvia BächliDans le brouhaha des giardini vénitiens, le pavillon <strong>suisse</strong> investi par Silvia Bächlirésonne d’un silence. Un silence nourri de clarté et d’errance fécondes.Et un climat prolongé par le livre consacré à l’artiste <strong>suisse</strong>-alémanique, publiéà l’occasion de sa participation à la 53 e Biennale d’art contemporain de Venise.Trois lettres se détachent de la couverture : « das », en minuscule, posé surun horizon glacé, délimité par une ligne foncée, à l’épaisseur incertaine maisétonnamment assurée. Partant du paysage capturé par l’objectif de l’artiste lorsd’une résidence en Islande, le lecteur embarque pour un voyage long d’une année<strong>au</strong> cœur de la gestation et de l’élaboration du pavillon <strong>suisse</strong>. Cela, à traversles photographies prises dans les deux ateliers de Silvia Bächli : l’atelier temporairede Seydisfjördur et celui de Bâle.Palissades boisées, couleur vert d’e<strong>au</strong> et blanc pour le premier, murs blancset verrière zénithale pour l’<strong>au</strong>tre. Dans une syntaxe propre à l’artiste, dérivantdes murs jusqu’<strong>au</strong>x tables de travail, des dessins de <strong>format</strong>s divers offrent desséquences où l’interprétation narrative n’est peut-être pas la meilleure des clés.Comme unique boussole, ce « das », qui contient <strong>au</strong>tant de possibles que ceuxdéposés dans les dessins de Silvia Bächli. Des corps, des lignes, des gestes,des détails, des motifs récurrents qui ponctuent cet espace du dessin, toujoursprovisoire, toujours originel, toujours immédiat.« Dessiner c’est s’aventurer en terrain inconnu et s’y promener. Créer de l’espaceet le sonder, travailler avec et contre les bords du papier », dit Silvia Bächli.« Ça », c’est clair, non ? Florence GrivelEditions Lars Müller Publishers.Utopics, Systemsand LandmarksJusqu’<strong>au</strong> 25 octobre à Bienne setient la 11 e édition d’une expositionde sculptures en plein air, pilotéepar le spécialiste des grandsespaces, Simon Lamunièreà qui l’on doit, depuis 2000,la mise en espace de Art Unlimitedà Art Basel. Utopics consiste enquarante-cinq interventions in situd’artistes qui pensent le mondeThe Tower Bridge e altriracconti fotograficiMatteo Terzaghi, Marco ZürcherEdité dans le cadre du prix Manordu Tessin, ce livre accompagneune exposition présentée <strong>au</strong> Museocantonale d’arte de Lugano.Il réunit sept histoires composéesd’images et parfois de textes.Les images minutieusementchoisies et « couplées » par Terzaghiavec d’<strong>au</strong>tres mondes. Un jeu surles mots annonce le programme :u-you, topos-lieu, pics-images.C’est <strong>au</strong>ssi un catalogue qui tientdu glossaire. Cette encyclopédiedes utopies actives <strong>au</strong>jourd’hui,et présentes dans l’exposition,suit la logique de notre alphabet.Elle s’offre comme une explorationà plusieurs entrées à partir desmots générés par les œuvresexposées. Ainsi, p. 112, sous le nomde Didier Rittener apparaissentceux de Demierre, Carla et deMartini, Federica. Six sous-titresou renvois utiles — <strong>au</strong>thor, bakunin,copyright, creative emotions, ryangander, panarchy —, enrichissentle potentiel du projet du Readingsculpture, journal unique édité parces artistes une fois par semainependant Utopics. Voilà qui susciteune lecture active, qui cheminevers la construction personnelled’<strong>au</strong>tres utopies. FGEditions jrp | ringier.et Zürcher sont extraites d’albumsde famille découverts <strong>au</strong> hasarddes rencontres et des voyages.De rares images ont été déclenchéespar les artistes eux-mêmes, maisce n’est pas important, ellesintègrent un ensemble. Elles sonttoutes là pour se répondre l’uneà l’<strong>au</strong>tre et constituer des histoiresd’un <strong>au</strong>tre siècle, des histoirespassées que chacun est librede moduler à sa guise.Parfois, de courts textesaccompagnent les images.Ils ne les légendent pas, pas plusque les images n’illustrent pasles mots. Ils sont là pour raconterune histoire définie et donnerun chemin à la pensée.Dans ce très be<strong>au</strong> livre qui ouvreune fenêtre sur un temps parallèle,tout est question d’association,de cadrage, de mémoire, de poésie.Jean-P<strong>au</strong>l FelleyEditions Periferia.El CroquisChristian Kerez 2000-2009Principalement constituéede monographies en anglais etespagnol, la revue d’architectureEl Croquis figure parmi les plusfameuses. Sa qualité lui permetde bénéficier de l’étroitecollaboration des architectesdont elle relaie le travail.Après une antépénultième éditionconsacrée à Annette Gigonet Mike Guyer, son 145 e numéroest à nouve<strong>au</strong> dédié à un bure<strong>au</strong>zurichois.L’œuvre de Christian Kerez necomprend pas un grand nombrede réalisations, mais sa radicalitélui v<strong>au</strong>t un écho grandissant.Après des collaborations avecRudolf Fontana, puis MeinradMorger et Heinrich Degelo(Kunstmuseum Liechtenstein), Kerezs’est illustré par le développementde bâtiments <strong>au</strong>x formes épuréeset à la structure minimaliste.Poussées à leur extrémité, commedans les maisons d’habitationde la Forsterstrasse (Zurich, 2003)et HmeW (maison avec un seul mur,Wittikon / Zurich, 2007) ainsi qu’àl’école de Leutschenbach (Oerlikon /Zurich, 2009), ces caractéristiquesgénèrent une architecture à lalimite du surréalisme. La complexitégrandissante des programmes<strong>au</strong>xquels Christian Kerez s’estconfronté a stimulé sa démarche,et la concrétisation de son projetpour le musée d’Art modernede Varsovie, l<strong>au</strong>réat d’un importantconcours en 2007, suscite déjàbe<strong>au</strong>coup de curiosité.Matthieu JaccardA ManualFabrice GygiSur la couverture, une grenadesage comme une image. Au dosdu livre, une liste des titresdes œuvres réalisées, par ordrealphabétique. Une sorted’abécédaire des systèmesde contrôle de notre sociétécontemporaine, qui hante le travailde l’artiste genevois : abri,airbags, boucliers, gyrophare,tribunal, vigie, etc.Ainsi se présente A Manual, livre<strong>au</strong> <strong>format</strong> de poche, consacréà l’artiste Fabrice Gygi à l’occasionde sa participation à la 53 e Biennaled’art contemporain de Venise.L’église San Stae est son terrain,et c’est un objet architecturalfort périlleux à habiter. Il y ainstallé deux rangées d’armoiresmétalliques vides et une grille defer. Baroque, stucs et sacré versusart carcéral minimal : ce mariagen’a pas été sans difficultés.Dans les pages du Manual se trouveune modélisation 3D du projet.Pas d’explications, juste un titre :Economat. Plus loin, le lecteurdécouvre Protection, la longue grillemétallique surplombant la tombedu doge vénitien que le visiteurpeut ainsi piétiner symboliquement.A Manual ne présente que ceque l’artiste montre et fait. Pas dethéorie, pas d’entretien. Pourtant,<strong>au</strong> fil de ces pages, l’universscrupuleusement maîtrisé deFabrice Gygi fait naître le désirde connaître les flous etles doutes de son antichambrecréative. FGEditions jrp | ringier.


29 • MADE IN CH • MUSIQUE / le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009Films en DVDCdLes peintures animées de Georges SchwizgebelLe Quartz 2009 (prix du cinéma <strong>suisse</strong>) du meilleur film d’animation a été décernéà Retouches, la dernière œuvre de Georges Schwizgebel. Cette reconnaissanceamplement méritée offre un excellent prétexte pour signaler l’existence d’un DVDdéjà ancien (édité sous l’égide de l’Office national du film du Canada !), qui metà la portée de chacun treize des œuvres du cinéaste genevois. Quelques mots surla jaquette tentent de décrire l’univers de Schwizgebel, ses « peintures animées »réalisées en « trente ans d’aventures picturales et d’expériences narratives ludiques ».Graphiste de <strong>format</strong>ion, Georges Schwizgebel se découvre une passion pourle cinéma d’animation en voyant les films du Canadien Norman McLaren. Avec deuxamis, il fonde en 1970, dans un petit local, le studio GDS. Le succès de ses filmsdans différents festivals et les coproductions qui en sont nées, la modestiede ses besoins et le choix d’un rythme de production modéré (un court métragetous les deux ou trois ans) lui permettent de vivre de son art.Georges Schwizgebel construit des ballets de formes et de couleurs. Dans ses films,tout est rythme et mouvement qui semble ne jamais devoir s’arrêter. Les couleursdansent avec une exubérance et une profusion elles <strong>au</strong>ssi inépuisables, dans des jeuxde contrastes, d’ombres et de lumière. Les histoires sont peuplées de personnagessouvent mythiques, tels Icare (Le Vol d’Icare), Frankenstein (Le Ravissementde Frank N. Stein), F<strong>au</strong>st ou Cendrillon. Elles rendent <strong>au</strong>ssi magiques des scènesdu quotidien, comme les jeux dans un jardin d’enfants ou l’écriture d’une cartepostale… Le plus formidable en fin de compte, c’est que les œuvres de Schwizgebelsont d’un style immédiatement reconnaissable et unique. Serge LachatONF / Les Films du Paradoxe, distribution artfilm.ch et swissdvdshop.chLa Vallée fantôme /L’Homme qui a perduson ombreAlain TannerAvec la sortie récente de La Valléefantôme et de L’homme quia perdu son ombre, on peutconsidérer qu’<strong>au</strong>jourd’hui l’œuvred’Alain Tanner est disponibleen DVD dans sa quasi-intégralité.Excellente nouvelle ! Elle marquela reconnaissance de la valeurde cette œuvre et de son poidsconsidérable dans l’histoiredu cinéma <strong>suisse</strong>. Elle offre <strong>au</strong>ssila possibilité de mesurer en quoiles films se font écho, dessinentdes lignes fortes, parallèles,divergentes, voire opposées…On mesure alors combien cetteœuvre est portée par la tension,jamais relâchée, entre ancragedocumentaire et envoléespoétiques, ce que La Salamandremettait en scène il y a prèsde quarante ans dans les débatssans fin entre Pierre, le journalistequi croit <strong>au</strong>x faits, et P<strong>au</strong>l,l’écrivain qui croit <strong>au</strong>x pouvoirsde l’imaginaire, dans leur effortpour comprendre Rosemonde etle crime dont elle est accusée.On mesure <strong>au</strong>ssi, du coup, combienla réception d’un film varie <strong>au</strong> coursdes ans, combien un petit palmarèspersonnel peut être bouleversé.Certains films que votrechroniqueur jugeait mineursà l’époque (P<strong>au</strong>l s’en va ouRequiem, par exemple) paraissentavoir gagné en importance avecle temps, alors que d’<strong>au</strong>tres(Jonas ou Messidor) semblent avoirperdu de la force qui les portaitlors de leur sortie.Pour un regard synthétiquesur l’œuvre du cinéaste, signalons<strong>au</strong>ssi le film de Pierre MaillardAlain Tanner, pas comme ci,comme ça. SLFilms disponibles chez artfilm.chet swissdvdshop.chVingt mille vieuxsur les nerfsChristophe StuderDes oise<strong>au</strong>x, un cor des Alpeset la plus jolie coiffeuse du monde.Tel est l’univers de Vingt millevieux sur les nerfs, le nouvel albumsolo de Christophe Studer. Le titrehumoristique se réfère à dela chevrotine, très peu musicale :le pianiste a enregistré ce projetsur une petite île du lac desBrenets, à la frontière franconeuchâteloise.Cela n’a pas pluà un vacancier, qui lui a tiré dessus…Studer s’en tire sans égratignureNEBELMükusUn opéra rock qui sonne commeun conte nordique. Mükus, collectifde six jeunes musiciens de Bienne,raconte Nebel (Brouillard). Mükusfait surgir l’aspect orchestraldu nuage gris. Cela donneune fresque ardente, arrangéejusqu’<strong>au</strong> dernier soupir.Les compositions de Lionel Gafnerdessinent un paysage de sonsescarpés et luxuriants. Une baserythmique solide, bien ancrée dansle groove, permet des échappéesThe MondriansThe MondriansQuand on vient du Chablais valaisanet qu’on répète dans la caved’un chalet, il en f<strong>au</strong>t de la morgueou de l’inconscience pour baptiserson groupe du nom du pape de l’artabstrait. Il en f<strong>au</strong>t encore pluspour céder <strong>au</strong> cliché rock du « the »et du « s » <strong>au</strong>x deux bouts.Heureusement, les Mondriansassurent. Depuis trois ans,ces quatre garçons tournent surles scènes européennes et viventleur rêve de jeunes indie rockeurs.La presse spécialisée les a repérés,et donne à entendre des sonssouvent contemplatifs, mêmedans « Un fusil dans la bouche ».Ses claviers électriques multiplestravaillent en écho avec lesrumeurs de la nature. Motifslancinants, harmonie envoûtante.Il ne renonce à <strong>au</strong>cune desmythologies identitaires : yodle,hymne du canton de Neuchâtelchanté par une chorale depoliciers. Mais le compositeurencadre cette plage bucoliquepar des notes furieuses etabrasives. Studer ne lésine passur les effets. Tout résonne,même les doigts qui frappent lestouches. Par moments cela sonnedélicieusement rétro, puis repartvers les laboratoires électro deKraftwerk. Un disque contrasté,qui ne ressemble pas à un jardinzen, mais séduit les Japonais quile goûtent avec plaisir sur la toile.Bienvenue dans une brocanteexpérimentale. Alexandre CaldaraTéléchargeable sur www.believe.frLa Bouillie d’Heidi production.plus poétiques, moins contrôlées.On y trouve un côté Radioheadpour le versant belle pop complexe.On débarque par moments dansun bal des mutants, avec référencesappuyées <strong>au</strong>x groupes éclectiquesde John Zorn ou de Robert Wyatt.Le Fender Rhodes de VincentMembrez lorgne vers la mélancolied’un son jazz fusion. A l’inverse,les effets électroniques de JonasKocher appellent un imaginairefuturiste peuplé de câbleset de robots. « La vie des songesest étrange », dit Morgane Galleydans une prestation vocale trèsétendue, entre slam langoureuxet chant lyrique. On peut imagineralors, dans une clairière luxuriantedu Jura, l’irruption d’une clarinettecontrebasse : long instrumentinsolite qui, par la bouche deLucien Dubuis, donne <strong>au</strong> disqueune couleur de free-jazz onctueux.ACVeto Records.notamment Rock’n’Folk quiles a invités en 2006 à sesrock’n’roll Fridays du Gibus encompagnie d’<strong>au</strong>tres groupesprometteurs en « the ».Leur premier album, qui a tardé,était donc très attendu. Il confirmeamplement la promesse dela scène. Tout commence avecun « Jesse James » nerveux,porté par la voix morveuse duchanteur Maxime, qui rappelle àcertains égards l’organe de JohnnyRotten. Déjà on sent le potentielmélodique, confirmé sur « Reasonto Live », qui ne déparerait pasdans la discographie des Libertines,influence évidente avec les Pixies.The Mondrians excellent dansles changements de rythmescomme sur « Girl in the Movie » ousur « Christmas on your Windows »,ballade achevée en cathédralede guitare pour conclure un albumimpeccable. Sylvain MénétreyLe Son du maquis,sortie le 5 novembre.


30 • le phare / n° 3 / octobre-décembre 2009Le PhareJournal du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> de ParisParaît trois fois par an.Le tirage du 3 e numéro8000 exemplairesL’équipe du PhareLes codirecteurs de la publication :Jean-P<strong>au</strong>l Felley et Olivier KaeserLa responsable de rédaction : Florence GaillardLes graphistes : Jocelyne Fracheboud,assistée de Sophia MejdoubLa secrétaire de rédaction : Maryse CharlotLe photograveur :Alain Touminet, Printmodel, ParisLes imprimeurs : Deckers&Snoeck, Anvers.Le journal est composé avec les policesde caractères B-Prohelvetia,Chronicle et M<strong>au</strong>rea.Il est imprimé sur Cyclus offset 100 % recyclé.Dialogue avec les lecteursPour nous communiquer vos remarques,faire paraître une annonce pourvos événements ou recevoir Le Phareà votre adresse, contactez-nous :32 et 38, rue des Francs-Bourgeois,75003 Paris+33 (0) 1 42714450lephare@ccsparis.comServicesLes livres, disques et DVD présentésdans nos pages MADE IN CH sont disponiblesà la bibliothèque du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>.Ce journal est <strong>au</strong>ssi disponible en pdfsur www.ccsparis.com/lephare© Le Phare, octobre 2009ISSN 2101-8170<strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> de ParisOnt contribué à ce numéro :Alexandre CaldaraPoète, journaliste, il a créé un site d’entretiensavec des personnalités qui font l’actualitéen Suisse romande, www.les-<strong>au</strong>tres.chSandrine FabbriJournaliste, traductrice et organisatricede soirées littéraires, elle a publié La Béance<strong>au</strong>x Editions d’En bas.Nassim DaghighianHistorienne de l’art, présidente de NEAR,une association <strong>suisse</strong> pour la photographiecontemporaine, www.near.li.Marie-Pierre GenecandCritique théâtre et danse <strong>au</strong> Tempset sur Radio <strong>suisse</strong> romande Espace 2.Florence GrivelCritique et chroniqueuse d’art sur Radio<strong>suisse</strong> romande Espace 2.Matthieu JaccardArchitecte et historien de l’art, commissaired’expositions.Serge LachatChroniqueur et critique cinéma pour Radio<strong>suisse</strong> romande Espace 2.Sylvain MenétreyJournaliste pour Mixte et Amusement. Préparele lancement de son magazine La Dorade.Isabelle RüfJournaliste et critique littéraire pour Radio<strong>suisse</strong> romande Espace 2 et Le Temps.Rocco ZacheoJournaliste à la rubrique <strong>culturel</strong>le du quotidienLe Temps.Prochaine programmationdu <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>De janvier à avril 2010, le CCS ne présentera pas d’exposition,pour c<strong>au</strong>se de trav<strong>au</strong>x de réaménagement des bure<strong>au</strong>xet de la project room, ainsi que de trans<strong>format</strong>ions de la bibliothèqueen librairie/café, par le bure<strong>au</strong> d’architectes Jakob+MacFarlane.Une programmation sera proposée uniquement dans la sallede spectacle.Soupçons, de Dorian Rossel, image de sessions de recherche. DRDe février à avril 2010Programmation pluridisciplinaire avec, entre <strong>au</strong>tres,Soupçons, de Dorian Rossel, nouve<strong>au</strong> spectacle coproduitpar le CCS Paris avec La Comédie de Genèveet le TPR de La Ch<strong>au</strong>x-de-Fonds, du 9 <strong>au</strong> 27 mars 2010.Exposition / salle de spectacle38, rue des Francs-Bourgeoisme - di 13 h - 20 h. Nocturne je jusqu’à 22 hBibliothèque de consultation32, rue des Francs-Bourgeoislu - ve 10 h - 12 h 30 / 14 h - 18 h et sa 14 h - 18 hRenseignements / réservationsccs@ccsparis.comT +33 1 42 71 44 50lu - ve 10 h - 12 h 30 / 14 h - 18 h et sa 14 h - 18 hTout le programme détaillé surwww.ccsparis.comet par la newsletter mensuelle :inscrivez-vous : newsletter@ccsparis.comRambute<strong>au</strong>M<strong>Centre</strong>Georges PompidouHôtel de VilleMrue du Renardrue Rambute<strong>au</strong>rue de Rivolirue des Archivesfondation <strong>suisse</strong> pour la cultureLes partenaires médiasrue des Francs-Bourgeoisrue des Rosiersrue Vieille-du-Temple<strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>Saint-P<strong>au</strong>lMTarifsExpositions et tables rondes entrée libreSoirées de 3 à 10 €. Gratuit pour les membresde l’Association des amis du CCSL’équipe du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>codirection : Jean-P<strong>au</strong>l Felley et Olivier Kaeseradministration : Katrin Saadé-Meyenbergercommunication : Elsa Guigoassistante de direction : Ceyla Larrétechnique : Stéphane Gherbi, Kevin Desertaccueil-bibliothèque : Emmanuelle Bromrédaction Le Phare : Florence Gaillardaccueil - expos : Margot Jayle, Eduardo Serafimstagiaires : Sonia Kessiti, Yuki Claire ShiraishiMuséePicassorue de Turenne38EXPOSITIONS / ÉVÉNEMENTS32 BIBLIOTHÈQUEAssociation des amisdu <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> de ParisCette association d’amis a été créée afin de contribuer<strong>au</strong> développement et <strong>au</strong> rayonnement du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>de Paris, tant en France qu’à l’étranger. Elle vise <strong>au</strong>ssi à entretenirdes liens vivants et durables avec tous ceux qui font et aimentla vie <strong>culturel</strong>le <strong>suisse</strong>.Des rendez-vous privilégiésLes amis sont invités à rencontrer les acteurs de la créationcontemporaine dans toutes ses formes. Vernissages privés,visites d’expositions, débats et voyages seront <strong>au</strong>tant de momentsd’échanges et de découvertes. Du 6 <strong>au</strong> 8 novembre 2009, le <strong>Centre</strong><strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> emmène ses amis à la 53 e Biennale de Venise.Des avantagesLes amis reçoivent Le Phare, bénéficient de tarifs préférentielssur les publications, de réductions ou d’entrées gratuites<strong>au</strong>x événements publics organisés par le <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>.Une édition d’artisteAndres Lutz & Anders Guggisberg réalisent une édition réservéeen priorité <strong>au</strong>x amis du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>.Catégories d’adhésionCercle de soutien : 50 € / 75 CHFCercle des bienfaiteurs : 150 € / 225 CHFCercle des donateurs : 500 € / 750 CHFAssociation des amis du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>c/o <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>32, rue des Francs-BourgeoisF — 75003 Parislesamisduccsp@bluewin.chwww.ccsparis.com


Buenos Aires_Villa Miseria n° 20, 2008-2009.Gian Paolo Minelli. Texte de Nassim DaghighianDans chaque numéro,Le Phare laisse carte blancheà un photographepuis soumet son imageà un regard extérieurpour qu’il la commente.Gian Paolo Minelli (1968, CH / IT) vit depuis 1999à Buenos Aires, métropole argentine dont une partimportante de la population des banlieues estabandonnée à une précarité dramatique. Peu aprèsson arrivée, le photographe a participé pendantcinq ans à un programme <strong>culturel</strong> dans le barrio(quartier) défavorisé de Villa Miseria n° 20où l’architecture spontanée et anarchique modifiesans cesse le paysage.Par la suite, Minelli s’est impliqué humainementdans plusieurs projets socio<strong>culturel</strong>s lui permettantde concilier sa passion pour la photographie,son envie de la partager et son désir d’apporterune forme d’encouragement <strong>au</strong>x jeunes marginaliséspar le système. Ayant su établir des relationsde confiance avec eux, le photographe a remarquéqu’une certaine fierté était encore présentedans le barrio Piedra Buena. Entre 2000 et 2006,il a invité les jeunes à réaliser leur <strong>au</strong>toportraità l’aide de sa chambre photographique dans un lieude son choix. Ces portraits, combinés à des paysagesde la banlieue sud, constituent la belle série ZonaSur_Barrio Piedra Buena_Buenos Aires. Dans ses vuesurbaines, le photographe rend compte, avec sensibilité,du contexte socioéconomique.Lorsque Minelli est retourné à Villa Miseria n° 20d’octobre 2008 à mars 2009, la question de la dignitéperdue ou détruite par la dégradation des conditionsde vie, psychiques <strong>au</strong>tant que physiques, s’estimposée. Chômage, grossesses précoces, violence,drogue, prostitution, mafia sont des élémentsqui ont contribué à créer un climat dépressif menaçantl’intégrité intime de chacun. Aussi les portraitssont-ils rares dans cette nouvelle série d’images,car le photographe a constaté qu’il manquait souventle respect de soi qui crée ce lien précieux à ses yeuxentre éthique et esthétique de la représentation.Les images idéalisées du Christ, du Che ou deschampions de football argentins n’offrent <strong>au</strong>x habitantsde Villa Miseria n° 20 que d’illusoires palliatifs.


CENTRE CULTUREL SUISSE • PARIS / CALENDRIER DU PROGRAMME #03 / 10 OCTOBRE - 13 DÉCEMBRE 2009S 10.10D 11.10L 12.10M 13.10M 14.10J 15.10V 16.10S 17.10D 18.10L 19.10M 20.10M 21.10J 22.10V 23.10S 24.10D 25.10L 26.10M 27.10M 28.10J 29.10V 30.10S 31.10D 01.11L 02.11M 03.11M 04.11J 05.11V 06.11S 07.11D 08.11L 09.11M 10.11M 11.11J 12.11V 13.11S 14.11D 15.11L 16.11M 17.11M 18.11J 19.11V 20.11S 21.11D 22.11L 23.11M 24.11M 25.11J 26.11V 27.11S 28.11D 29.11L 30.11M 01.12M 02.12J 03.12V 04.12S 05.12D 06.12L 07.12M 08.12M 09.12J 10.12V 11.12S 12.12D 13.12L 14.12M 15.12M 16.12••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••Silvie DefraouiEXPOSITION / 10.10 – 13.12/ voir p. 4••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••Les plus be<strong>au</strong>x livres <strong>suisse</strong>sGRAPHISME / 24.09 – 12.12/ voir p. 15•eat-chTHÉâtre / 16.10 / 18 H 30 et 17.10 / 16 H/ voir p. 10•Hassan KhanMUSIQUE / 22.10 / 20 H/ voir p. 18•Enseigner l’artTable ronde / 17.11 / 20 H/ voir p. 8••••La Manufacture <strong>au</strong> CCSTHÉâtre / 24 – 28.11 / 20 H/ voir p. 12-15•BâleARCHITECTURE / 04.12 / 20 H/ voir p. 16••Franz TreichlerMUSIQUE / 09 – 10.12 / 20 H/ voir p. 9Réservez vos places pour les spectacles, concerts et rencontres <strong>au</strong> 01 42 71 44 50. ——— www.ccsparis.com ———

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