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Le Phare - Centre culturel suisse

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journal n° 14mai – juillet 2013expositions • Uriel Orlow • Claudia Comte • La Ribot / ARCHITECTURE • Estudio Barozzi Veiga / THéâTRE • 2b companyDanse • Perrine Valli / musique • Pol+Eklekto • Sunisit • Grand Pianoramax • Iiro Rantala • Marc Perrenoud TrioGRAPHISME • Ruedi Baur / littérature • Jérôme Meizoz / PORTRAIT • Vera Michalski / insert d’artiste • Raphael Hefti


FORUM-MEYRIN.CHPhoto © Frank Ternier


mai-juillet 2013 / le phare n° 14 • 03Sommaire4 / • ExpositionUriel Orlow : mémoires d’espacesUriel Orlow8 / • ExpositionBlow !Claudia Comte9 / • ExpositionLa Ribot vue de haut10 / • ThéâtreFrançois Gremaud, l’idiot magnifique2b company / François Gremaud12 / • musiqueDrumming déphaséPOL + EklektoSinus croisésSunisit10 / • ARCHITECTURECréation d’espace publicEstudio Barozzi Veiga16 / • musiqueTouches jazzIiro RantalaMarc Perrenoud Trio18 / • musiqueGrand Pianoramax, facilité illusoireGrand Pianoramax19 / • insertRaphael Hefti23 / • LITTéRATURE<strong>Le</strong>ttres de campagnesJérôme Meizoz avec Pierre Bergouniouxet Marie-Hélène Lafon24 / • danseIl était mille fois… dans la chambrePerrine Valli25 / • graphismeL’urgence prend son tempsRuedi Baur26 / • PORTRAITVera Michalski, femme de lettres31 / • Longue vueL’actualité <strong>culturel</strong>le <strong>suisse</strong> en FranceExpositions / Scènes33 / • Made in CHL’actualité éditoriale <strong>suisse</strong>Arts / Littérature / Cinéma / Musique38 / • ÇA S’EST PASSÉ AU CCS39 / • iNFOS PRATIQUESCouverture : Uriel Orlow, The Reconnaissance, 2012.© Sam NightingaleUriel Orlow, image extraite de la série The Stills, 2013, tirage avec procédé chromogène, 60 x 45 cmArtistes <strong>culturel</strong>lement « hybridés »Pour une fois, observons les artistes par le biais de leur parcours biographiques. Uriel Orlowest zurichois et vit à Londres. Claudia Comte est lausannoise et vit à Berlin. <strong>Le</strong> ZurichoisRaphael Hefti partage sa vie entre Zurich et Londres. François Gremaud, basé à Lausanne, a faitune partie de sa formation à Bruxelles. <strong>Le</strong> Genevois Léo Tardin a vécu à New York, puis à Berlin avantde revenir à Genève. Perrine Valli s’est formée en France et à Londres, avant de se baser à Genève,mais apprécie toujours les résidences. L’Espagnole La Ribot a débuté à Madrid, puis a vécuà Londres avant de s’établir à Genève. Quant au Franco-Suisse Ruedi Baur, il enseigne en Europe,au Canada et en Chine. Qu’ils soient artistes, metteurs en scène, musiciens, chorégraphesou graphistes, une majorité des créateurs présentés dans ce programme développent un parcoursaux influences <strong>culturel</strong>les multiples.La notion d’artiste rattaché à un pays est donc de plus en plus ouverte. Nous l’avons examinéedans un article paru dans le catalogue de l’exposition La jeunesse est un art, qui rassemblait49 jeunes artistes <strong>suisse</strong>s au Aargauer Kunsthaus Aarau en 2012, à l’occasion du trentièmeanniversaire du prix Manor, l’un des principaux prix artistiques en Suisse. Nous relevions que plusde 75 % des artistes de cette exposition ont vécu partiellement à l’étranger, pendant leur formationou lors de résidences, ou y vivent actuellement. Ce pourcentage est certainement plus élevéen Suisse qu’ailleurs, et cela grâce à plusieurs facteurs. Par exemple, l’existence de nombreux prix,bourses, résidences, aides à la production ou encore Kunst am Bau (interventions artistiquesdans des bâtiments) qu’envient les artistes d’autres provenances. Mais aussi un niveau de viequi permet de partir aisément d’un petit pays et de multiplier ainsi les expériences, mêmede manière individuelle. De plus, l’habitude à s’exprimer en plusieurs langues facilite l’intégrationdans d’autres contextes. Mais ce phénomène d’hybridation des nationalités est aujourd’huide plus en plus international et se manisfeste de diverses manières. L’une des plus étonnantesest annoncée pour la Biennale de Venise 2013, où le Pavillon allemand présentera quatre artistesde quatre nationalités différentes et, de surcroît, dans le Pavillon français, puisque les deux paysont échangé leurs bâtiments respectifs !Il est clair que nous continuerons à soutenir et à présenter en priorité des artistes <strong>suisse</strong>s– toutes disciplines confondues –, car c’est la raison même de l’existence du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>comme de la Fondation Pro Helvetia. Mais nous développons aussi des projets et des collaborations– notamment avec nos cartes blanches concertées à des artistes, festivals ou autres structures –qui amènent régulièrement des artistes étrangers dans notre programmation. À l’image, dansce programme, du pianiste finlandais Iiro Rantala, proposé dans la carte blanche à la FondationMontreux Jazz 2, ou aux architectes de l’Estudio Barozzi Veiga, établis à Barcelone, mais vainqueursde concours pour des nouveaux bâtiments de deux musées d’art en Suisse. Ce métissagedes provenances vise à nourrir et à diversifier les réseaux d’identification et de diffusion des artisteset de leurs projets, que ce soit à Paris et en France, en Suisse ou ailleurs.Jean-Paul Felley et Olivier Kaeser


4 • EXPOSITION / le phare n° 14 / mai-juillet 2013Uriel Orlow :mémoires d’espacesL’artiste Uriel Orlow présente son projet Unmade Film dont l’universsonore et visuel nous transporte dans les couloirs d’un hôpital psychiatriqueet ailleurs. Entretien avec Olivier Kaeser et Jean-Paul Felley, codirecteurs du CCS.Texte traduit de l’anglais par Daniela AlmansiEXPOSITION03.05 – 14.07.13Uriel OrlowUnmade FilmMARDI 07.05.13 / 20 HTable rondeavec l’historienne Laure Murat,le cinéaste et théoricien Erik Bullotet Uriel Orlow.• CCS / Depuis environ quatre ans, ton travail seconcentre principalement sur une région du monde,le Proche-Orient, avec des projets réalisés notammenten Égypte, en Arménie ou en Palestine/Israël.Pourquoi cet intérêt pour cette région ?• Uriel Orlow / Au départ, il y a eu une invitation à passerquelque temps en Arménie : c’est là que j’ai découvertune ville fantôme au nord du pays, construite pour relogerles gens qui avaient perdu leur maison dans le grostremblement de terre de Spitak en 1988. Après la chutede l’Union soviétique, le projet avait été abandonnéaux pillards. En Égypte, je me suis intéressé à l’histoirede quatorze cargos échoués dans le canal de Suez aumoment où la guerre entre l’Égypte et Israël a éclatéen 1967. Ils sont restés bloqués dans le Grand Lac Amerpendant huit ans, jusqu’à la réouverture du canal. <strong>Le</strong>sœuvres qui sont nées de ces deux contextes – Remnantsof the Future et The Short and the Long of It – sont trèsdifférentes et les projets ont émergé indépendamment,sans être unis par un plan commun. Et pourtant, il y ades liens : survivre après un désastre, relier le passé auprésent ou réfléchir sur les grands changements historiquesqui se produisent dans des lieux secondaires.Peut-être que cela n’a rien de spécifique au Proche-Orient, même si celui-ci est de toute évidence une régionavec de grands changements.• CCS / <strong>Le</strong>s sujets traités dans tes œuvres concernentl’histoire et la mémoire – qu’elle soit personnelle oucollective – « en se concentrant sur les taches aveuglesde la représentation et des formes de hantise ». Peuxtunous expliquer le processus de développement detes recherches ?• UO / Par « taches aveugles », j’entends des développementshistoriques ignorés ou cachés. Parfois il s’agit delieux ou d’événements qui ont été occultés, parfois cestaches aveugles sont sous notre nez, mais nous n’en reconnaissonspas l’existence. Ces taches aveugles suscitentdonc des questions sur la représentation, et aussisur notre compréhension de l’histoire dans le momentprésent. Quand je parle de hantise, j’entends les affairesinachevées du passé qui reviennent nous hanter avecinsistance. Mes projets comportent souvent de longuespériodes de recherches qui précèdent la productiondes œuvres. Je passe du temps dans un lieu, je consultedes archives, explore des sites particuliers, interviewedes gens, fais des repérages. Ce n’est qu’après avoir revuet retravaillé ce matériel qu’un parcours pour l’œuvrecommence à émerger, ce qui signifie que je retourneraiThe Reconnaissance, 2012-2013, photographie montée sur aluminium. © Uriel Orlow


mai-juillet 2013 / le phare n° 14 / EXPOSITION • 5The Reconnaissance, 2012-2013, photographie montée sur aluminium. © Uriel Orlowencore quelques fois sur place. La mémoire et l’histoirese sédimentent de plusieurs façons différentes et appellentplusieurs questions. Comment un lieu ou unobjet éveillent-ils un souvenir ? Et quelle sorte de réactioncausent-ils ?• CCS / Ton nouveau projet, Unmade Film, sera présentéau CCS. Quel est son point de départ ?• UO / <strong>Le</strong> point de départ d’Unmade Film est un hôpitalpsychiatrique de Jérusalem. Pendant toute mon enfance,je rendais visite à une de mes grand-tantes danscette clinique, quand ma famille allait en Israël. Elle avaitsurvécu à l’Holocauste et avait été envoyée en Palestineaprès la guerre. Là, elle était tombée en dépression etavait fini à la clinique Kfar Sha’ul. L’atmosphère sinistreet déprimante, et la passivité des patients m’avaientfortement impressionné en tant qu’enfant.Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai pris consciencede l’histoire traumatique du lieu même, c’est-à-dire dufait que l’hôpital psychiatrique avait été créé en 1951 enincorporant les maisons du village palestinien de DeirYassin, trois ans seulement après qu’il eut été dépeupléà la suite d’un massacre par des paramilitaires sionistesen 1948. <strong>Le</strong> massacre de Deir Yassin est considéré commeun des événements clés qui ont causé l’exode de centainesde milliers de Palestiniens. Et la clinique qui yavait été établie était initialement spécialisée dans letraitement des survivants de l’Holocauste. C’est doncun endroit très complexe et très perturbant. Même si lenom de Deir Yassin est connu, peu de gens, aujourd’hui,savent où il se trouve, ni ce qu’il est devenu. Et dans lemême temps, il semble aussi fonctionner comme unemétaphore ou une allégorie.• CCS / Comment procèdes-tu dans la création de cecorpus d’œuvres (son, vidéo, photographies, dessins)tout à fait représentatif de ton travail modulaire etmultimédia ?• UO / Au début, j’avais prévu de faire un film sur ce lieu,mais j’ai vite compris qu’il était impossible d’en contenirtoutes les complexités dans une œuvre unique. Ilm’a semblé important d’éviter de reléguer son histoiredans le passé, comme si c’était un chapitre clos. Et puis,je ne voulais pas comparer un type de souffrance à unautre, et pourtant, il fallait les penser ensemble, d’unecertaine façon.Alors, au lieu d’essayer de surmonter ces contradictions,j’ai décidé de travailler au sein de l’échec qu’ellesproduisent et, dans un certain sens, de ramasser les morceauxde ce film éclaté. Actuellement, l’œuvre consisteen plusieurs éléments d’un film, mais qui ne pourraientpas être remis ensemble pour créer un tout. Chaqueœuvre suit sa propre logique. <strong>Le</strong> choix du média à utiliserpour chaque partie naît du sujet dont le travail s’occupe.Ce sont les processus et les potentiels qui me fontchoisir un média plutôt qu’un autre. Et je m’intéresseaussi à l’interaction entre la vidéo et le dessin, ou le sonet la photographie. Il y a aussi un côté intuitif.• CCS / Une des œuvres du corpus Unmade Film, quis’intitule The Reconnaissance, prend la forme d’uneconversation fictive entre l’artiste américain RobertSmithson et le cinéaste italien Pier Paolo Pasolini.Quels sont les éléments historiques que tu as pris encompte pour cette conversation ?Pourquoi une troisième personne apparaît-elle, etqui est-elle ?


6 • EXPOSITION / le phare n° 14 / mai-juillet 2013PublicationPublication du CCS,éditée par Andrea Thalet Uriel Orlow22 x 28 cm, 120 pages,80 illustrations• UO / The Reconnaissance (« <strong>Le</strong> repérage ») est la premièreœuvre de Unmade Film. Elle traite de l’impossibilitéde faire directement un film en Palestine/Israël.Pendant mes recherches, je suis tombé sur Sopralluoghiin Palestina de Pasolini (1965). Ce film suit Pasolini dansun voyage en Israël et en Transjordanie en 1963, à larecherche de lieux pour le film sur Jésus qu’il préparait,Il Vangelo secondo Matteo (1964).Il ne parvient pas à trouver les paysages bibliquesqu’il cherche et, au cours de son voyage, il est de plusen plus déçu et décide finalement de tourner le filmen Italie.J’étais intrigué par sa déception face à un lieu aussichargé, sur lequel une grande partie du monde projettetant de choses, et qui en réalité ne peut pas être à lahauteur de ces attentes.La déception, après 1967, est très différente bien sûr,mais il y avait quelque chose dans sa lecture des paysageséprouvés qui résonne encore aujourd’hui. Alors,j’ai transcrit tout le film, et je l’ai utilisé comme point dedépart d’une conversation imaginaire entre Pasolini etSmithson. L’arrière-plan de cette conversation se composede deux villages. L’un est Lifta, le seul village pales-tinien ayant survécu, parmi 400 autres villages et villesdépeuplés en 1948, juste à côté de Deir Yassin. L’autreest une construction inachevée près de Ramallah, dontle chantier a été bloqué par l’armée israélienne pourdes raisons stratégiques. Cette ruine, qui n’a jamais étéhabitée, inverse le flux du temps et se relie à la notionde ruins-in-reverse (« ruines à l’envers ») de Smithson,ruines modernes abandonnées avant d’être achevées.Ainsi, Robert Smithson est devenu un interlocuteurde Pier Paolo Pasolini. Mais je ne voulais pas que l’œuvresoit trop fermée et, puisqu’il s’agit de toute façon d’uneconversation construite, il était logique pour moi del’étendre à trois voix. La troisième voix est peut-être lamienne. Mais aucune des voix ne peut être directementidentifiée.• CCS / Pourquoi as-tu choisi d’occuper l’espace centralde ton exposition avec une pièce sonore, TheVoiceover ?• UO / Il me semble que Deir Yassin, aujourd’hui, estavant tout un lieu mental – dans tous les sens du mot.En tant qu’hôpital psychiatrique, il est inaccessible aupublic, et il n’y a pas de plaque qui commémore le village.Il existe dans le souvenir et l’imagination des gens.The Staging, 2012, extraits de vidéo HD, 9’30". © Uriel Orlow


mai-juillet 2013 / le phare n° 14 / EXPOSITION • 7À moins d’être un malade mental, on ne peut pas y entrer…Je voulais faire une œuvre qui revienne sur ce lieu,mais sans nécessairement le représenter : montrer simplementà quoi il ressemble aujourd’hui le fermerait, enquelque sorte. Je voulais créer une visite, ou une visitation,de ce lieu. The Voiceover est donc une visite guidéede Deir Yassin aujourd’hui.J’ai mené une recherche – en compilant des conversationsavec le corps infirmier de l’hôpital et aussi avecdes historiens et des survivants du massacre – pour rédigerle script d’un guide touristique qui nous montreles bâtiments : la boulangerie, l’unité des schizophrènes.On découvre côte à côte les états passé et présent du lieu.<strong>Le</strong> choix de laisser vide le grand espace central de l’expositionmarque aussi une absence, une impossibilité del’image et, en même temps, le besoin de trouver d’autresfaçons de s’engager. En suivant cette visite audio, nous nenous trouvons pas dans le domaine d’une histoire chronologique,où les choses arrivent l’une après l’autre,mais dans une histoire spatiale où le passé coexiste avecle présent. La voix et le son sont des moyens très puissantsd’évoquer une chose sans devoir la montrer.• CCS / Parmi les autres œuvres présentées dans l’exposition,la vidéo The Staging propose une suite de tableauxvivants. Quels sont les enjeux de cette œuvre ?• UO / Plusieurs aspects de Unmade Film ont été créésen collaboration avec d’autres personnes. Je ne voulaispas que l’œuvre concerne seulement ma voix d’auteur,mais qu’elle soit aussi un dialogue avec un lieu et d’autresgens. The Staging s’est développé à partir d’un ateliercollaboratif que j’avais organisé à Ramallah (Cisjordanie)et à Jérusalem, et conçu avec la directrice de théâtre anglaiseFrances Rifkin.Cet atelier a exploré des formes théâtrales développéespar Augusto Boal au Brésil dans les années 1960,sous le nom de Théâtre de l’opprimé. Nous nous sommesconcentrés sur le théâtre d’images, une forme de théâtrequi utilise des images physiques pour transmettre desidées abstraites ainsi que des récits concrets, sans recourirau langage. <strong>Le</strong>s tableaux vivants qui en résultentsont des traductions complexes de réalités intérieureset extérieures en images incarnées et polysémiques.Elles permettent l’émergence de multiples significations,récits et interprétations. <strong>Le</strong>s poses sont immobiles,mais en les maintenant, les acteurs tremblent.• CCS / Et qu’en est-il de la série The Script ?• UO / The Script est une série de fac-similés elliptiques,dessinés à la main, de cas cliniques, provenant du centrede réhabilitation des victimes de la torture de Ramallah.Deir Yassin et la décision d’y créer un hôpital peuventêtre vus comme la clé d’interprétation des effets psychiquesde l’occupation. Alors, très tôt dans ma recherche,j’ai commencé à parler avec des psychologuesà Jérusalem et à Ramallah. Inspiré par le travail deFrantz Fanon en Algérie, j’ai décidé de recueillir des cascliniques. Ce qui frappe quand on lit en profondeur ceshistoires de vie très émouvantes, c’est à quel point beaucoupd’entre elles se ressemblent : comme si un scénariogénéral se répétait encore et encore.Ces cas cliniques ont été rédigés en anglais au départ,parce que le centre est principalement financé par desONG européennes. Il m’a semblé important de les fairetraduire et de les rendre disponibles en arabe et aussien hébreu. En même temps, je voulais veiller à ne pascéder à un voyeurisme excessif et à maintenir une certainedistance. C’est pourquoi je n’ai gardé que les motsdésignant des conditions psychiques et des effets secondaires,laissant des vides pour le reste du texte. Jesentais que c’était important de transcrire les textes à lamain : c’est un geste très différent que de les imprimer.• CCS / Unmade Film est présenté dans des configurationstrès différentes dans trois lieux, à la Al-Ma’malFoundation for Contemporary Art à Jérusalem, auCCS à Paris et à l’espace <strong>Le</strong>s Complices à Zurich. Unepublication, elle aussi modulaire, accompagne lestrois expositions. Comment travailles-tu sur le processuset la modularité de ce projet ?• UO / La modularité est intégrée dans le projet dès ledébut. <strong>Le</strong>s différents éléments de Unmade Film ont évoluéselon différentes échelles temporelles, et sont aussimontrés selon des configurations différentes qui dépendentdu contexte, de l’espace d’exposition. Pour lepublic de Jérusalem, par exemple, Deir Yassin évoquedéjà des associations d’idées, tandis que cela ne va pasde soi à Paris. À Zurich, je vais prendre du recul et créerun cadre qui ressemble plus à un bureau de productionpour Unmade Film, où les différents éléments existentà différents stades de pré- et postproduction. La publicationqui accompagne les trois expositions reflète ceprocessus par certains aspects. Je ne voulais pas que cesoit un point final concluant le projet, mais plutôt le débutd’une nouvelle conversation avec chaque espace.Ceci nous permet d’y ajouter des textes qui naissent deconversations ou d’événements au cours d’une expositionpour les éditions suivantes. Ainsi, le projet peutcroître de façon organique, continuer à être en dialogueet, en quelque sorte, rester inachevé, ouvert.The Script, 2013, série de dessins, crayon sur papier, 29,7 x 21 cm. © Uriel OrlowRepères biographiquesNé en 1973 à Zurich, baséà Londres. Uriel Orlow réalisedes installations modulairesmultimédia qui réactiventla mémoire cachée de lieuxmarqués par l’histoire.Il a participé notammentà Manifesta 9 à Genk (2012),à la biennale <strong>Le</strong>s Ateliersde Rennes (2012), à Chewingthe Scenery lors de la 54 e Biennalede Venise (2011) ou à la Biennalede Mercosul au Brésil (2011).Parmi ses expositionspersonnelles, on peut releverBack to Back, Spike Island,Bristol (2013), Time is a Place,<strong>Centre</strong> PasquArt, Bienne (2012),The Short and the Long of It,Prefix Institute of ContemporaryArt, Toronto (2012) et La Rada,Locarno (2011), ou There isNothing <strong>Le</strong>ft, ACAF, Alexandrie(2011).


10 • THÉÂTRE / le phare n° 14 / mai-juillet 2013théâtremercredi 15,jeudi 16et vendredi 17.05.13 /20 H2b company /François GremaudSimone, two, three, fourToutes les photos : François Gremaud / 2b company, Simone, two, three, four. © Annik WetterFrançois Gremaud,l’idiot magnifiqueDepuis 2005, le trentenaire fribourgeois invente un monde théâtralqui célèbre la richesse de l’instant. Sa recette ? Se décaler pour redécouvrirle quotidien d’un œil neuf, singulier. Simone, two, three, fourest de cette eau-là. Bienvenue en idiotie ! Par Marie-Pierre GenecandLorsqu’on demande à François Gremaud, en juin2011, de poser avec un mot-clé qui le caractérise pourune photo qui accompagne une série estivale du quotidien<strong>Le</strong> Temps sur les jeunes talents, le metteur en scèneromand choisit le mot « idiot » peint en lettres géantessur un mur et dont il compose le « i » central de son mètrequatre-vingt-dix. Idiot, comme idiotie, pour ce qui estunique, singulier, pour ce qui échappe aux logiques bulldozersde la société de marché.Auteur de spectacles légers sans être light, FrançoisGremaud, 38 ans, croit dans la force de l’instant etconcocte des ouvrages étranges, ludiques, en suspens– de temps et de parole –, à travers lesquels le quotidienprend une autre couleur, une autre saveur. Ses détracteurs,qui restent au seuil de sa porte pourtant grandeouverte, se demandent s’il ne se moque pas du mondeavec ses objets improbables situés quelque part entreinstallations, poésie absurde, chants des villes et clés deschamps. Ce fut le cas, en particulier, pour son dernieropus, Re, créé en mars 2012 à Nuithonie, à Fribourg,avant une tournée qui l’a amené à Vidy-Lausanne. Repour « réjouissance, responsabilité, résistance, et répétitionou encore représentation », présentait alorsFrançois Gremaud, heureux fondateur de la 2b companyen 2005. Autant dire une liste qui résume l’alpha etl’omega du théâtre, mais traités sur un mode décalé,fragile, presque volatil. Conçu en deux parties,– le tempsdu labeur, le temps de la récolte –, Re montre en souriantcomment se monte un spectacle qui rend hommageau XIX e siècle romantique et à ses lieder enchanteurs.Mais, en réalité, Re ne montre rien, car tout semble simaladroit, aléatoire, voire raté, que le propos devientimpertinent de liberté. Ce d’autant que le décor imaginépar Denis Savary est, lui aussi, un sommet de mauvaisgoût assumé. Une immonde montagne orange voisineavec un vaste tableau délavé représentant un bord demer déprimant. À l’avant-scène, des roues se dressentpar deux et serviront de perchoirs pour sept créaturesà longs cheveux noirs et fessiers renforcés, ou à peauxde bête cotonneuses, qui hésitent durant tout le spectacleentre leur statut d’homme ou d’animal.L’idée qui préside à cette fresque fantasque ? Trouverun nouveau langage, poétique, inédit, dans la fouléed’un Jacques Tati qui reviendrait aujourd’hui. Du reste,quand on lui demande de citer ses modèles, François


mai-juillet 2013 / le phare n° 14 / THÉÂTRE • 11Gremaud pense au Français Philippe Quesne ou auSuisse Christoph Marthaler qui le fascinent pour « leurmanière dégagée de dire des choses capitales ». L’astuce,la décontraction, l’humour, le sens de l’observation. Et,pourquoi pas, l’inspiration. Telles sont les qualités dece jeune créateur fribourgeois dont le père, professeurde physique, se lève chaque matin à 3 h 30 pour écrire,chercher, remplir d’innombrables carnets. « Mon pèreest un costaud à moustache qui m’a transmis le goût d’unquestionnement sans agacement », confiait FrançoisGremaud en juin 2011.D’autres créations répondent à cette notion de questionnementsans agacement. KKQQ, spectacle au nomculotté et grand succès de 2010, est une performancemultimédia dans laquelle un savant système de synchronisationrend compatibles le son et les images d’improvisationsperpétrées en amont et en ordre dispersédevant des écrans. Un concept très contemporain qui aplu à René Gonzalez, feu le directeur de Vidy-Lausanne,et valu à François Gremaud un accueil la saison d’aprèsdans le fameux théâtre au bord de l’eau.Simone, bijou d’incongruitéQu’en est-il de Simone, two, three, four, spectacle encoreantérieur – il a été créé en mai 2009 – invité par le <strong>Centre</strong><strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> à Paris ? À nouveau, un moment particulier,un bijou d’incongruité orchestré par la 2b company.<strong>Le</strong> propos ? L’histoire d’une simple chute qui se termineen dégringolade psychologique. Simone, que l’on ne voitjamais mais dont on parle souvent, glisse sur une crottede chien, chute et ne se relève pas de cette glissade-là.Pour elle, un puits sans fond, apprend-on de la part destrois drôles de sires qui vivent en vase clos sur le plateau.Une mise au point, tout d’abord. Simone, two, three, fourn’est un spectacle ni scatologique, ni neurasthénique.Mais une sorte de satire acidulée sur ce hasard qui faitet défait nos destinées.Un texte de François Gremaud, dont le comédienPierre Mifsud relève « la sensibilité et la capacité à direpar la bande le tragique de l’existence ». Pierre Mifsud,justement. Ce comédien au regard étrange, inquiétant,est un habitué des spectacles à contre-courant. On l’avu beaucoup vu chez Oskar Gómez Mata, autre activistedu théâtre. Il est aussi un fidèle de la 2b company.Dans Simone…, en pull et pantalon bleu ciel, ton sur ton,beauf à souhait, Pierre Mifsud est Jean-Claude. Un foude chiffres qui compte en mètres la longueur de spaghettimangés par l’oncle Denis avant que l’aïeul nes’écroule raide mort. Sa vie et la vie des autres, Jean-Claude la résume avec des plots empilés en équilibreprécaire sur la scène, au cœur d’un décor de plantesvertes et d’assiettes cassées. Ce qu’il cherche surtoutà travers ses installations obsessionnelles, ce sont lesraisons qui ont mené Simone à la dépression. Maiscette quête révèle plus celui qui la mène que le sujet étudié.L’observation vaut aussi pour Martine (CatherineBüchi), ex-scoute et championne de voltige, qui paniqueà chaque montée de stress. Attention, pic comique !Quant à Alejandra (Léa Pohlammer, elle aussi une fidèlede François Gremaud), c’est tout l’inverse. Alorsqu’elle a pris coups et blessures en masse durant sonjeune passé, cette beauté née à Bogota affiche une sérénitéinversement proportionnelle à sa destinée.Soit trois figures très contrastées qui cohabitent sansréellement se rencontrer. Et gèrent à leur manière, avecleurs moyens, la versatilité du destin.décalant son regard, en se décentrant,en retardant une paroletrop hâtive ou trop systématique,afin de retrouver unefraîcheur d’approche, un nouveausouffle. <strong>Le</strong> décalage, il l’apeut-être appris auprès de sonfrère de deux ans son cadet,Christian, sourd-muet de naissance.Au-delà de la langue dessignes que tout le clan (ils sontsix en famille) a apprise, lesdeux frères ont développé unlangage à eux qui a rendu lemetteur en scène sensible auxdifférents types de communication.D’où, dans ses créations,cette joie de dire autrement,mais aussi cette conscience desdifficultés de compréhension etcette intuition, présente sans lourdeur, de la solitudeultime de l’individu.<strong>Le</strong> public parisien a déjà pu apprécier la belle inventivitéde ce poète à la provoc bienveillante. En juin 2011,la 2b company a donné son Récital au <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong><strong>suisse</strong>, un ensemble de contes et de chansons rédigésselon un protocole précis : les morceaux sont tirés d’improvisationsparlées et chantées, retranscrites tellesquelles, sans censure, ni ajout. <strong>Le</strong>s thématiques sontlibres et, aux côtés de François Gremaud, les comédiennesTiphanie Bovay-Klameth et Michèle Gurtnerexcellent dans cet exercice qui, tel un cadavre exquis,révèle en riant des couches multiples d’inconscient.La 2b company a l’art de vivifier la vie.Marie-Pierre Genecand est critique de théâtre et de danseau quotidien <strong>Le</strong> Temps et à la RTS.Frère sourd-muet et nouveau langageCe thème de l’appropriation est une constante chezFrançois Gremaud. L’idée que chacun a la possibilité,sinon la responsabilité, d’améliorer son quotidien en


12 • MUSIQUE / le phare n° 14 / mai-juillet 2013Drumming déphaséHabitué aux autoroutes techno, POL s’est confronté aux déphasagesde Steve Reich. Un quatuor de percussionnistes virtuoses l’a suivi dansl’aventure. Par Roderic MounirMUSIQUEmardi 21 etmercredi 22.05.13 / 20 HPOL + EklektoDrumming by NumbersIl se dit musicalement binaire et thématiquementmonomaniaque – « Mon sujet, c’est la fin du monde »,nous assénait-il lors d’une rencontre en 2011 pour lasortie de son deuxième album, Tension. Mais il convientde lire entre les lignes, car Christophe Polese, alias POL,a plus d’un tour dans son sac à pulsations. Sa productionsolitaire, gravée sur CD dès Sinus en 2008 (aprèsune foule de remixes et collaborations en vingt annéesd’activité), est moins taillée pour la piste de danse quepour une écoute en immersion – « Idéalement la nuitsur l’autoroute », confie-t-il en clin d’œil implicite àAutobahn de Kraftwerk. Hypnotique et trépidante, minéraleet pointilliste, la techno du Genevois recèle uneabondance de détails et de microvariations qui doiventbeaucoup à l’effet de répétition.POL et Eklekto. © Tom de PeyretCurieux de tout, engagé corps et âme dans une activitéprécaire mais vitale, POL avait naturellement la trempepour se coltiner un géant de la taille de Steve Reich. <strong>Le</strong><strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> reprend, les 21 et 22 mai 2013,une création jouée l’an dernier au Festival de La Bâtie àGenève. Une réinterprétation de Drumming, classiquedu compositeur américain influencé par les rythmesafricains, conçu l’année de la naissance de POL, en 1971.La date est un hasard, pas le choix de l’œuvre. « Je l’écoutaisil y a vingt ans, bien avant de m’initier à la musiquecontemporaine et expérimentale. C’était une sourceidéale de sampling, car en piochant au hasard, on pouvaitcréer des boucles qui fonctionnaient. » Drumminga eu le même impact sur Philippe Pellaud, programmateurmusique à La Bâtie et artiste électro sous le pseudode Kid Chocolat. « Lorsqu’il m’a proposé cette création,j’en ai eu des sueurs froides. Impossible de refuser, maiscomment aborder une œuvre aussi intouchable ? Plutôtqu’une interprétation fidèle, j’ai retenu la méthode decomposition et l’instrumentation. » Celle-ci confronteles sons synthétiques de POL à quatre percussionnistesde l’ensemble contemporain Eklekto : Thierry Debons,Damien Darioli, Maximilien Dazas et Alexandre Babel(remplacé par Sébastien Cordier à Paris). Débute alorsun travail méticuleux sur la technique « reichienne »du déphasage : un motif est joué en boucle par un groupede percussionnistes, l’un d’eux pouvant retirer une noteici ou là. Lorsqu’un membre du quatuor accélère le tempoet se détache du groupe, survient un chaos arythmique.Jusqu’à ce que le perturbateur ne rejoigne le rang. POLdit avoir opté pour des décalages « plus francs » que ceuxde Reich, afin de préserver le beat.Plus qu’une interprétationPas question de retranscrire Drumming note à note. Encollaboration étroite avec Thierry Debons, premier prixde virtuosité au Conservatoire de Genève, POL a sélectionnéles motifs les plus intéressants, retranscrits surinformatique. Pas de réelle improvisation dans un telcontexte, mais des signaux visuels pour enchaîner lesquatre phases de la pièce. Quatre bongos, puis deuxmarimbas, rejoints par un glockenspiel. Et un finalfranchement technoïde où POL, tapi derrière son laptop,occupe toute sa place. Centrale dans son travail,la notion de transe lui paraît commune à la musiquerépétitive écrite et à la culture techno. « Je voulais perturberle moins possible une œuvre qui se suffit à ellemême.Mon interprétation devait faire sens, au-delàd’un simple kick calé sur Drumming. »Défi relevé grâce à la disponibilité des percussionnistesd’Eklekto. « Ils ne craignent pas les expériencesradicales. Malgré leur formation académique, ils ne sontpas des puristes », salue celui qui avoue ne pas lire lamusique et disposer d’un vocabulaire musical « limité ».Avec sa gouaille genevoise et sa modestie d’artisan, il décritune ambiance de travail enthousiasmante en compagniede professionnels accomplis : « Habitué à appuyersur le bouton d’une boîte à rythme fonctionnelle en touttemps, j’ai eu la chance de collaborer avec ces musiciensd’une précision infaillible. » Trois petits jours de répétitionin situ pour une performance livrée dans l’écrinprestigieux du Studio Ansermet, retransmise en directsur les ondes de la RST Espace 2. « J’étais tendu commejamais, mais cette expérience m’a rassuré. » Et de releverla mixité d’un parterre qui se révélera conquis.« Personne n’est venu m’engueuler personnellement,lâche POL dans un éclat de rire. Quelqu’un est tout demême sorti en s’écriant “Où est Steve Reich ? C’estinadmissible !” Je le comprends, car je peux être trèspointilleux avec mes artistes fétiches. »Roderic Mounir est journaliste <strong>culturel</strong> pour <strong>Le</strong> Courrier


mai-juillet 2013 / le phare n° 14 / MUSIQUE • 13Sinus croisésLoin d’être rassasié avec Eklekto, l’hyperactif POL a créé Sunisitavec son comparse Cesare Pizzi. Par Roderic MounirMUSIQUEmardi 28.05.13 / 20 HSunisitBoucler des boucles : quoi de plus naturel pourun musicien électro ? Et pour POL plus que tout autre,puisque parallèlement à sa relecture de Drumming deSteve Reich, œuvre décisive dans son initiation auxmotifs musicaux répétitifs, le Genevois a secrètementrodé Sunisit, son tandem avec Cesare Pizzi, responsabledes claviers et samplers au sein des Young Gods de 1985à 1989. Soit du temps des deux premiers albums (TheYoung Gods, 1987, et L’Eau rouge, 1989), marqueurs indélébilesde la musique helvétique et de plusieurs générationsd’héritiers.C’est sur internet que POL a retrouvé la trace de Pizzi,entre-temps rangé de la foudre, père de famille, partitravailler dans l’informatique de pointe pour de grandesbanques – ça ne s’invente pas. Chassez le naturel, l’anciennedivinité sonique a rebranché ses claviers sousle pseudo Ludan Dross, sans autre ambition que sonpropre plaisir. « Je suis tombé sur sa page Myspace unpeu par hasard, raconte POL. J’ai écouté les trois morceauxmis en ligne, qui m’ont plu. Ce n’est qu’ensuite quej’ai réalisé qu’il s’agissait de Cesare des Young Gods ! »Pizzi a quitté la scène au moment où elle connaissaitun essor décisif, à Genève, avec l’ouverture de L’Usine,bastion alternatif autour duquel ont gravité quantitéde squats <strong>culturel</strong>lement actifs. « J’ai suivi cette évolutionà distance », admet l’intéressé. Au départ bassistede jazz et de rock à Fribourg, il a vu ses conceptions durablementbouleversées par les pionniers allemandsKraftwerk, au tournant des années 1980 : « C’est à euxque l’on doit la création d’un espace sonore singulier,avec ce minimalisme électro, ces boucles et ces effetsdelay. » The Young Gods auront été son labo d’apprentissage: « À l’époque, les moyens étaient rudimentaires.Sans séquenceur, il fallait jouer toutes les boucles endirect », se souvient Cesare Pizzi. Heureusement, saSunisit. © Nicolas Bonsteinformation musicale et son expertise d’informaticienlui ont garanti la solidité rythmique et le système D nécessairespour relever les défis sonores nés dans l’espritde Franz Treichler, chanteur et principal compositeurdes Young Gods. Atouts qu’on a pu apprécier, lors des récentsconcerts où Pizzi a retrouvé ses camarades pourinterpréter ces deux premiers albums (Bernard Trontinremplaçant feu Frank Bagnoud et son successeur ÜseHiestand aux fûts telluriques).<strong>Le</strong>s retrouvailles, visiblement, resteront éphémères.Cesare Pizzi semble impatient de parler du présent,détournant la conversation vers son cadet. « Avec POL,la dynamique est différente. Il m’a confié les basses et lesrythmes de ses morceaux. Cela me convenait bien, car jedispose de peu de temps pour la musique aujourd’hui. »Plus que des remixes, Sunisit propose une reconstructionintégrale de titres apparus sur Sinus (2008). « J’aiadoré l’approche hyper fine de Cesare, explique POL.Cesare a contribué à mon album de remixes, Cosinus.Nous avons commencé à jouer live ensemble, et, de fil enaiguille, a jailli l’idée de Sunisit. Pour gagner du temps,nous avons convenu de découper mes anciens morceauxen lambeaux et de les retravailler. <strong>Le</strong> résultat nous asuffisamment plu pour aboutir à un vrai disque. »La techno version POL et Ludan Dross sera « sinusoïdale» ou ne sera pas, allusion à la courbe la plus harmonieusedes fréquences sonores. Une fois assemblées,les pistes de Sunisit ont été remixées par Franz Treichler :« Plus qu’un orfèvre, maniaque jusqu’au subliminal »,s’extasie le tandem, qui n’espérait pas un tel investissementde la part du leader des Gods, fort occupé.Singulière « fusée électro-dub-funky à trois étages »,Sunisit évolue sur un tempo invariable de 120 battementspar minute (bpm) : « C’était le concept des compositionssur Sinus, justifie POL. En live, le rythme estun peu plus trépidant, entre 125 et 130 bpm. » PourCesare, l’intérêt d’un tempo bas est de forcer à remplirl’espace : « Il faut mettre davantage d’accents, de fioritures.» <strong>Le</strong>ur association semble en tout cas promise àun bel avenir : Sunisit vient de se produire au CapricesFestival de Crans-Montana, le même soir que Björk.Poor Records édite leur CD, qui sera dévoilé le 28 maiau <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> de Paris.


14 • conférence / architecture / le phare n° 14 / mai-juillet 2013Créationd’espace publicSa réflexion originale et sa radicalité ont convaincu les jurys. Ce jeunebureau de Barcelone a été choisi pour réaliser le nouveau Muséecantonal des beaux-arts de Lausanne. Il construira aussi l’extensiondu Bündner Kunstmuseum de Coire. Par Mireille DescombesARCHITECTUREjeudi 23.05.13 / 20 HEstudio Barozzi VeigaMusées <strong>suisse</strong>s /Nouvelles architecturesProjet pour le Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne© Estudio Barozzi VeigaEn Suisse, les musées ne se font pas en un jour. Encomptant les hésitations, les faux départs et les oppositions,cela peut même durer très longtemps. Et parfoisn’aboutir à rien. <strong>Le</strong>s Lausannois, et plus largement lesVaudois, en savent quelque chose. En 2008, le projetde nouveau Musée cantonal des beaux-arts (MCBA)au bord du lac était refusé en référendum, après desannées de luttes et de débats.Pour les milieux politiques et <strong>culturel</strong>s,pas question toutefois de baisser les bras.Sans se laisser démonter, à peine le résultatconnu, ils se sont bravement relancés dansl’aventure. Un nouvel emplacement a ététrouvé, cette fois-ci central, les ancienneshalles aux locomotives situées à l’ouest de lagare, au bord des rails. Fin 2010, un concoursétait lancé, comportant un double mandat :concevoir le nouveau Musée des beaux-artstout en développant, sur la totalité du site,un concept de pôle muséal où devraient êtreconstruits, à terme, deux autres bâtimentspour abriter le Musée de l’Élysée (spécialisédans la photographie) et le Mudac (Muséede design et d’arts appliqués contemporains).La tâche était difficile, les anciennes hallesétant peu adaptées à une reconversion muséale.Beaucoup d’architectes chevronnéss’y sont cassés les dents. À la surprise générale,c’est Estudio Barozzi Veiga (EBV), unjeune bureau espagnol, de Barcelone, qui l’aemporté avec une rare élégance en juin 2011.Projet pour le Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne. © Estudio Barozzi VeigaPour résoudre ce casse-tête architectural et faire l’unanimité,il fallait savoir penser autrement. Un art danslequel l’agence s’était illustrée à diverses reprises et quilui a valu, neuf mois plus tard – oui, la symbolique lesfait aujourd’hui sourire – de remporter le concours pourl’extension du Bündner Kunstmuseum de Coire. Un défid’une tout autre nature.De passage à Lausanne pour l’une des innombrablesréunions qui jalonnent la réalisation de tout bâtimentpublic, Fabrizio Barozzi évoque son parcours et celuide son associé.Lui-même est italien. Né à Rovereto en 1976, il a étudiéà Venise. Alberto Veiga est espagnol. Il a vu le jouren 1973 à Saint-Jacques-de-Compostelle et s’est forméà la faculté d’architecture de Navarre. <strong>Le</strong>s deux jeunesarchitectes se sont rencontrés à Séville dans le bureaude Guillermo Vazquez Consuegra. En 2004, ils s’associentet ouvrent leur propre agence… à Barcelone, villeà l’époque très dynamique.Ni l’un ni l’autre n’y ont toutefois de réseau et nepeuvent compter sur un ami ou un parent pour décrocherune petite commande ou une rénovation. Unefragilité dont ils font un atout et une philosophie.Obligés d’aller chercher des mandats hors de chez eux,ils s’engagent très vite dans une carrière internationaleet découvrent le plaisir de travailler dans différentscontextes et conditions. Après avoir construit, dans lapéninsule Ibérique, l’auditorium et centre de congrèsd’Aguilas et le siège de l’AOC Ribera del Duero à Roa, ilsréalisent aujourd’hui la Philharmonie de Szczecin enPologne. « Il y a trente ans, cela aurait été totalementimpossible pour un jeune bureau », relève l’architecteabrizio Barozzi.L’Espagne, l’Italie, deux cultures architecturales différentes? « La formation en Espagne est un peu plustechnique. En Italie, l’université reste plus humaniste,plus centrée sur l’histoire de l’architecture et la théoriede la composition. Je crois que les deux font un bonmélange. Personnellement, j’ai hérité de ma formationla volonté d’établir une relation cohérente et préciseavec le contexte, le souci de relier l’architecture à laville, à l’urbanité. » Fil conducteur de leur démarche, cedésir de toujours penser le bâtiment comme un élémentmodifié par l’espace public fait la force et la qualité deleurs deux projets de musées en Suisse.


mai-juillet 2013 / le phare n° 14 / conférence / architecture • 15« À Lausanne, pendant trois mois, nous avons essayéde remodeler la halle existante, comme on nous le demandait.Et nous sommes arrivés à la conclusion quece n’était pas la bonne solution. Une fois de plus, avantde penser l’objet architectural lui-même, il fallait établirune stratégie urbaine. Nous avons donc pris le partide détruire une grande partie du bâtiment et de placerl’espace public au cœur de notre réflexion. » Compact,solide, géométrique, le musée, en brique claire, estpensé comme un long « mur habité », presque entièrementfermé côté voies pour des raisons de sécurité, ouvertet perméable sur l’autre façade rythmée de grandeslames verticales.Ce choix de la table rase ne néglige pas pour autantl’histoire du lieu. <strong>Le</strong> futur Musée cantonal des beauxartsde Lausanne conserve en effet la façade pignon etla grande verrière de la halle centrale de l’ancien dépôtqui devient un élément essentiel du foyer. C’est autourde ce lieu majestueux, mais sobre, que s’organisent, demanière extrêmement simple et fonctionnelle, la vieet les espaces du musée. « On pouvait quasiment leconstruire tel quel, s’enthousiasme Bernard Fibicher,son directeur. D’emblée, tout était en place, l’agencementdes salles, des blocs bien délimités avec des fonctionsque l’on peut séparer, un bistrot et un auditoirequi restent facilement accessibles en dehors des heuresd’ouverture. » L’opération est budgétée à environ 51 millionsd’euros et l’inauguration est prévue pour fin 2016.<strong>Le</strong>s deux autres musées, dont le coût est évalué àquelque 53 millions d’euros et l’ouverture planifiée pour2020, feront à leur tour l’objet de concours.À Coire, la situation était tout autre et le budget plusmodeste : 20 millions d’euros. Pour les architectes, ils’agissait d’imaginer une extension reliée au muséeexistant, la Villa Planta, une ancienne maison familialede type néo-palladienne du XIX e siècle au décor orientalisant.« <strong>Le</strong> bureau Barozzi Veiga fait dialoguer avectalent le langage classicisant de l’ancien musée avecune réinterprétation contemporaine de ladécoration de la façade. Parmi toutes lespropositions que nous avons reçues, sonprojet était en outre le plus petit, visuellementparlant, ce qui n’était pas un mincedéfi à réaliser dans une parcelle aussiétroite », se réjouit Stephan Kunz, le directeurdu Bündner Kunstmuseum.« La volumétrie autorisée ne nous semblaitpas compatible avec la situation urbaine,explique Fabrizio Barozzi. Pour donnerplus de place au jardin qui sert de lienentre les deux constructions, nous avonsdonc renversé les fonctions. Seuls l’accueil,le foyer, les espaces didactiques et l’atelierde restauration sont en surface. <strong>Le</strong>s grandessalles d’exposition se trouvent en sous-sol,organisées en carré autour d’un noyau central.» Offrant aux œuvres d’excellentesconditions de conservation avec un minimumd’installations, ce choix permet parailleurs une grande clarté dans les circulations,le passage d’un bâtiment à l’autre s’effectuantégalement en sous-sol.Deux projets, deux situations radicalementdifférentes. À Lausanne, le Muséecantonal des beaux-arts déménage dans unnouveau bâtiment et repart de zéro. À Coire, le BündnerKunstmuseum se « contente » de s’offrir une extensionpour mieux mettre en valeur ses richesses. Dans les deuxcas, Fabrizio Barozzi et Alberto Veiga sont partis duvide et de l’espace public. Généreuse, ambitieuse, leurréponse architecturale est un cadeau tant aux amateursd’art qu’aux simples citoyens qui se voient ainsi offrirdans la foulée de nouveaux espaces de promenade, deloisirs et de rencontres.Mireille Descombes est journaliste <strong>culturel</strong>le au magazineL’Hebdo.Projet pour le Bündner Kunstmuseum de Coire.© Estudio Barozzi VeigaProjet pour le Bündner Kunstmuseum de Coire. © Estudio Barozzi Veiga


16 • MUSIQUE / le phare n° 14 / mai-juillet 2013MUSIQUEJEUDI 13.06.13 / 20 HIiro RantalaCarte blanche à la FondationMontreux Jazz 2 pour la créationet l’échange <strong>culturel</strong>Iiro Rantala. © Ralph GluchTouches jazz<strong>Le</strong> <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> donne carte blanche à la Fondation MontreuxJazz 2 pour deux soirées consacrées à des musiciens d’exception :Iiro Rantala et le Marc Perrenoud Trio. Par Marc IsmailIiro RantalaOn prêterait plus d’un destin à cette silhouette puissante,à cette toison hirsute d’ours au premier matin duprintemps revenu. Un docker, peut-être, dans ce paysqui n’est finalement qu’une victoire passagère sur uneeau qui exsude de partout. Un bûcheron, sûrement, danscette contrée surpeuplée de bouleaux et de pins.On aurait tort. Car s’il dit sa Finlande natale dans chacunde ses regards boréaux, Iiro Rantala a en revanchela grande élégance de ne pas ressembler à ce qu’il est.Ses musculeux avant-bras, l’Helsinkien a décidé de lesconsacrer à faire vibrer les cordes de son piano. Enfin,si tant est qu’on décide vraiment de se vouer à la musique.Car c’est bien Bach, le père, qui le prit personnellementpar l’oreille un jour de ses 6 ans. <strong>Le</strong> type d’invitationqui ne se refuse pas. Surtout pas dans un paysqui compte parmi ses héros nationaux un dénomméSibellius, tombé dans la gloire en s’aventurant sur cechemin-là un bon siècle plus tôt. <strong>Le</strong> genre d’exemple quicrée des vocations.À 13 ans, nouveau choc fondateur, et perspectivesurtout de vivre avec son piano en voie de domesticationune relation bien plus débridée que jusqu’alors : lejeune Iiro rencontre le jazz. Mais si certains auraientpu voir dans cette découverte une rupture, voire unerébellion face aux carcans du classique, tel n’est pas lepoint de vue de Rantala. C’était simplement là le nouveauchapitre de son parcours musical. La preuve ?Cherchez-la dans My History of Jazz, titre un brinprovocateur de son dernier album. Car cette histoirepersonnelle et iconoclaste, il la fait remonter à Bachjustement, revisitant pour l’occasion son Aria avec sonpropre langage. Et puis, il suffit d’écouter le pianistepour entendre cette musique affleurer sans cesse audétour d’un thème, et survoler les siècles comme s’ilsétaient des minutes. Tout au long de l’album, Rantalaemprunte, dévore, digère, recrée et rend hommage sansjamais flagorner. Car s’il est un élément central dansson œuvre au sens large, c’est un humour jamais pris audépourvu. Il faut le voir dans l’émission de la télévisionfinlandaise qui l’a rendu populaire dans son pays bienau-delà des cercles du jazz : Iiro irti, soit « Iiro déchaîné». Un bien joli pléonasme au passage, on voit mal eneffet qui pourrait mettre en cage ce personnage. <strong>Le</strong> musiciens’y amuse et s’y déguise, un jour en guerrier viking,le suivant en danseur disco ringard. <strong>Le</strong> tout avec,toujours, la musique et les rencontres en ligne de mire.La musique de Rantala est un voyage sur un cheminaux virages multiples, un scénario à rebondissement.<strong>Le</strong> pianiste aux airs de savant fou se plaît à toujourssurprendre sitôt la certitude installée, à rebondir dèsque la musique roule. Et il réussit l’exploit d’être à lafois redoutablement puissant et étonnamment léger,capable de marteler du pied, de pilonner de la maingauche tout en laissant sa main droite virevolter sur lesaigus. On en vient à se demander : « Sont-ils donc plusieursdans ce corps spacieux ? » Non, il est seul, il estmultiple, il est unique. Pour s’en convaincre, rien detel qu’une plongée dans son merveilleux « Thinking ofMisty ». Une dédicace à Erroll Garner, traversée de parten part par un interminable ostinato de trois notesjouées de la main gauche, pendant que la droite vagabonde,contrepointe, enlumine.Un peu plus loin, toujours sur ce dernier album MyHistory of Jazz, c’est un Rantala romantique qui livreavec « Tears for Esbjörn » un tribut tout en mélancolieà Esbjörn Svensson, collègue suédois disparu lors d’uneplongée en 2008. Encore une fois, l’homme multiplieles univers, et réussit l’exploit d’être à l’aise dans chacun,sans que cette ubiquité ne ressemble jamais à unsimple exercice de style. Iiro Rantala est tout autant unspectacle pour le regard qu’un voyage unique pour lesoreilles, deux arguments solides pour ne pas le ratersur scène. Il y sera tout seul, mais il faudra y regarder àdeux fois pour s’en convaincre.


mai-juillet 2013 / le phare n° 14 / MUSIQUE • 17Marc Perrenoud TrioSi quelques kilomètres et une poignée d’années les séparent,Marc Perrenoud et Iiro Rantala ont quelquespoints communs, qui vont au-delà de leur moyen d’expressionprivilégié. Tout comme pour le Finlandais, ilfaut, avant de parler de jazz, évoquer la musique classique.Un lieu commun dira-t-on puisque, en Europeaujourd’hui, le classique est un chemin incontournableou presque pour quiconque désire se rendre au pays dujazz. Mais il représente davantage chez le jeune pianistegenevois qu’une simple étape sur un parcours. Quandon a un père professeur de hautbois et pilier de l’Orchestrede la Suisse romande et une mère flûtiste, « classique» rime avec « amniotique ». Non que cet héritageconditionne forcément une carrière à soi et originale,mais les parfums de Stravinski ou de Bartók qui transpirentau détour des compositions de Marc Perrenoudpoussent à ne jamais oublier ce milieu fondateur.Avec Rantala, il partage aussi une énergie intense, unjeu puissant qui ne craint jamais d’insister avec vigueursur les thèmes qui le méritent, avant de refluer, pourmieux repartir. Mais cette énergie-là n’est pas cantonnéeà la seule scène. En coulisse, le musicien endosse lecostume d’agent et le met au service de l’interminablerecherche de concerts, de soutiens pour mener à bienses projets multiples.Mais s’il est armé d’une impressionnante force detravail qui ferait presque de lui un homme-orchestre,Marc Perrenoud a aussi cette qualité précieuse qui biensouvent détermine une carrière tout autant que le feraitle talent initial : il sait s’entourer. Et si le choix desfrères d’armes est très important en musique, il est vitalen matière de trio. Car le ménage à trois, en matière dejazz, est un art particulièrement délicat. Un piano, unebatterie et une contrebasse, c’est peu finalement pourinventer un monde, créer un équilibre pour ensuite lefaire vaciller. Mais avec aux baguettes un brillant goûteà-touttel que Cyril Regamey, aussi à l’aise pour accompagnerune pop-star taïwanaise que se prêter aux jeuxde l’improvisation la plus totale dans un festival de musiquecontemporaine, le pianiste sait que le temps estentre de bonnes mains. Quant au dernier venu, le contrebassisteMarco Müller, ancien violoniste qui a décidéun jour de changer d’échelle, il a su s’immerger dansle monde des deux premiers comme s’il y avait baignédepuis toujours.Il faut dire un mot au passage de l’acte fondateur dutrio. C’est à la veille d’une tournée en Argentine qu’il s’estforgé, dans l’urgence. Un début d’histoire qui passe oucasse. Six ans et des dizaines de concerts dans le mondeentier plus tard, le trio s’apprête à enregistrer son troisièmealbum. Il faut croire que ceux-là étaient faits pours’entendre. Il suffit d’ailleurs de leur prêter un seul instantune oreille pour s’en convaincre. À force de se fairela main sur les scènes d’ici et d’ailleurs, le groupe a développéune identité toujours plus sûre et affirmée, capablede réinventer de fond en comble un standard del’ampleur de « Autumn <strong>Le</strong>aves » pour en faire une œuvretotalement nouvelle. Cette personnalité s’affirme peutêtreplus que jamais dans les ballades qui jalonnentleur œuvre. Et si Marc Perrenoud compose et arrangeavec la subtilité qu’on prêterait à un ancien, c’est à troisqu’ils tissent les atmosphères et domestiquent les silences.Two Lost Churches, qui baptise leur deuxièmealbum, en est un exemple d’une beauté sidérante, naviguantentre Brad Mehldau et la nonne pianiste éthiopienneTsege Mariam Gebru. Aucun doute, le jazz <strong>suisse</strong>est entre de bonnes mains.Marc Ismail est journaliste au magazine télévisuel TélétopMatin. Il est spécialiste de musique jamaïcaine.MUSIQUEMARDI 18.06.13 / 20 HMarc Perrenoud TrioCarte blanche à la FondationMontreux Jazz 2 pour la créationet l’échange <strong>culturel</strong>Marc Perrenoud Trio. © Eric Rossier


18 • MUSIQUE / le phare n° 14 / mai-juillet 2013Grand Pianoramax. © Cyrille ChoupasGrand Pianoramax,facilité illusoire<strong>Le</strong> compositeur et pianiste genevois propose un quatrième albumen trio. Il faut l’écouter en résonance avec un parcours hanté par le dangerdoux. Par Alexandre CaldaraMUSIQUEMERCREDI 29.05.13 / 20 HGrand PianoramaxAlbum« Have you ever seen? », un des mantras du projetde Grand Pianoramax se déploie sur Till There’s Nothing<strong>Le</strong>ft. Un nouveau disque en trio, resserré, en apparenceplus facile, moins torturé. Illusion évidemment ! Laréalité. <strong>Le</strong> spectre de son du compositeur et manieurde claviers Léo Tardin s’impose plus centré sur du purRhodes. Même si les contrastes forment la matièreprimaire de sa musique venue du hip-hop, du jazz, del’ambiant et que le lyrisme n’effraie pas Léo Tardin etses complices, ils peuvent raconter plusieurs histoiresen même temps, sans oublier la ritournelle, le refraintêtu. Tels des griots des métropoles modernes, ils exprimentla transition New York – Berlin, et si le vol planéprend du retard, il se laisse alors infuser par du dubau ralenti. <strong>Le</strong> son langoureux est galvanisé par unecymbale précise et parfois ambiguë. Plus sale qu’il n’yparaît. <strong>Le</strong> batteur zurichois Dom Burkhalter frappe,propose un son de percussionniste droit, venu du rock.Ce qui permet au Genevois Léo Tardin de digresser encore,de perdre le rythme, puis de revenir félin. Envoléespleines de doigts comme des tentacules. Il aime le dialoguesans bassiste. La voix chaude du New-YorkaisBlack Cracker, du sucré, de l’entêtant, mais jamais loinde semer le trouble, fait le reste. Alors oui, on peut trouvercela formaté, des titres aux intitulés pas triturés parJoyce : « Nights turn to day » ou « Daybreak ». Des morceauxne dépassant guère les 4 minutes.Pourtant, on préfère taxer cela de punitif, comme uneexpédition. La vérité transpire derrière les évidences.Oui, on peut l’écouter comme de la musique à la mode etpenser que le début de « Daybreak » vient d’un disquede Willliam Sheller. Mais on préfère percevoir celacomme un artifice, une astuce. Et comment ne pas entendrela dimension physique, pénétrante du projet.« Runaway » porte au pinacle le disque. Léo Tardin répèteune ritournelle aiguë acidulée et hésitante, BlackCracker répond par un rap envoyé comme un uppercut,sans sophistication. Burkhalter frappe. Tardin revient,redevient en échos ludiques qui semblent évoquer DaveKing percussionniste à jouet du groupe The Bad Plus.Un trio sans doute écouté pour son rythme, son décalage.<strong>Le</strong> disque Till There’s Nothing <strong>Le</strong>ft se terminemême dans un final hommage au dépouillement amuséd’Erik Satie ou au roulis de pierres des premierspianistes de jazz avec un Bud Powell, au sommet.Double jeuPour apprécier à sa juste valeur les derniers détours deGrand Pianoramax, il faut tracer le pedigree de l’hybridedes claviers : Léo Tardin. Ses mains voltigent au milieud’eux, empilés, jonchés de pédales de distorsions, d’effetset de boutons. Laboratoire à sons obliques commele proclame le nom de son label ObliqSound. Dans lamusique de son collectif Grand Pianoramax, une lignecaoutchouteuse revient sans cesse au milieu de tantd’autres idées en danger doux. Comme une dalle depierre un peu branlante et qui structure, malgré sondéséquilibre, ces concerts où les invités défilent sous deslumières super structurées. Bombe à esthétique froidequi dessine le monde de Tardin, costard blanc, monturede lunettes épaisse et mille déclinaisons des dérivespianistiques. Comme Herbie Hancock, Léo Tardin estd’abord pianiste venu du jazz. Enfant des standards.Dessinateur noircissant le papier devenu foreur des obsessionsmusicales. Puis compositeur stratosphérique,faiseur d’ornements. On découvre sa musique commeun robinet design dans une vieille grange. Jadis, Tardina gagné un concours solo au Montreux Jazz Festival.Son projet devient espace des mutations. Immensité dudistordu pour toujours revenir vers la mélodie. Grandefête pleine de voix très black, il privilégie les chanteursimpliqués, politiques, au phrasé clair : Celena Glenn,Mike Ladd. Une école du double langage entre plénitudesonore et modules empilés. De la new wave à Prokofiev.Sur son T-Shirt on lit : « j’emmerde la musique », signéErik Satie. Jeu sur la facilité, tensions, travaux en cours.Grand Pianoramax comme un cross-country sur lesmodes. À la mode, oui, au sens de modes de faire, demodes d’application, de modes amovibles.Alexandre Caldara est journaliste <strong>culturel</strong> et collabore au magazineDissonance, à Hotel Revue et au site www.theaterkritik.ch.


Raphael Hefti, Thermit Welding, juin 2012, à SALTS, Birsfelden (vue d’installation).© Photos : Gunnar Meier et Raphael Hefti


mai-juillet 2013 / le phare n° 14 / littérature • 23Jérôme Meizoz a quitté le Valais pour Lausanne etdes études de lettres. À Paris, il a suivi le séminaire dusociologue Pierre Bourdieu, également issu d’un milieude paysans et de petits fonctionnaires. Il y a apprisà lire les textes littéraires à la lumière de la sociologie.Une thèse est issue de cette formation : L’Âge d’or du romanparlant, 1919-1939 (Droz, 2001). Après la guerre de1914-1918, dans la foulée du cinéma parlant, est né cedéfi à la langue classique : illustré par Céline, mais aussipar Jean Giono, Raymond Queneau, Henry Poulailleet par l’auteur <strong>suisse</strong> Charles-Ferdinand Ramuz, le romanparlant revendique l’usage d’une langue vivante,proche de celle du « peuple », libérée des contraintes dela grammaire. Pour des auteurs de Suisse romande,toujours soucieux de se voir reconnaître par Paris, prisdans la tension entre le désir de légitimation et la revendicationd’une singularité, la question est centrale,et Charles-Ferdinand Ramuz n’a cessé d’en cerner lescontours.<strong>Le</strong>ttresde campagnes© Simon <strong>Le</strong>tellierL’auteur de Séismes dialogue avec deux orfèvres de la mémoiresociale : Marie-Hélène Lafon et Pierre Bergounioux, qui ont su faire vivredans leurs livres un « terroir » en voie de disparition. Par Isabelle RüflittératureMardi 04.06.13 / 20 HJérôme MeizozD’un monde à l’autreavec Pierre Bergouniouxet Marie-Hélène LafonModération : Francesca Isidori,journaliste, « 28’ », ArteSAMEDI 01.06.13 / 20 H<strong>Le</strong>cture deAu point d’effusion deségouts de Quentin MouronNuit de la littérature, Quartier latin,sous l’égide du FICEP.Jérôme Meizoz est né au pied des montagnes valaisannes,en 1967, quand le monde où ses parents et sesgrands-parents avaient grandi se fissurait et vacillait.Son dernier livre, Séismes (Zoé, 2013), peut se lire commele sismographe des minuscules déflagrations qui ontfait bouger une société figée. Qu’il rende hommage à ungrand-père socialiste, dans Jours rouges (Éditions d’enbas, 2003), ou qu’il recueille des fragments d’autobiographiedans Destinations païennes (mini Zoé, 2013),c’est toujours l’enfance qui est scrutée, réinventée. Onentend parfois dans ces notations les sonorités du patois.Rien d’étonnant donc à ce qu’il ait choisi d’inviterMarie-Hélène Lafon et Pierre Bergounioux à partagerune soirée au <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> : deux provinciauxdéracinés de leur terroir, deux auteurs de langue française,formés au moule de la carrière académique, maisqui ont gardé un rapport organique au monde paysandont ils sont issus.Inspiration provincialeJérôme Meizoz a publié de nombreux travaux universitaires.Dans le domaine littéraire, il excelle dans lesproses brèves. « Dans mes récits et essais, ce sont desmotifs proches qui sont interrogés de manière différente: la langue parlée, l’expérience populaire de la dépossession<strong>culturel</strong>le, le rôle de la mémoire », dit-il dansune interview. Pierre Bergounioux et Marie-HélèneLafon pourraient souscrire à ces propos. Elle est néeen 1962, dans la ferme familiale, au cœur d’un pays deloups, fermé, austère, dont toute son œuvre garde lamarque. Son dernier ouvrage, <strong>Le</strong>s Pays (Buchet-Chastel,2012), se lit comme un roman d’éducation dans lequelelle retrace le parcours d’une bonne élève, farouchementdécidée à s’approprier le savoir interdit à sesaïeux. Après l’internat, c’est la vie sévère d’une étudiantefauchée à Paris, en décalage avec les jeunes fillesdes beaux quartiers. <strong>Le</strong>s rares retours au pays confirmentl’éloignement. Il faudra de longues années, unecarrière heureuse d’enseignante, la conquête de l’écritureet de nombreux livres écrits au couteau, dans unstyle épuré, dépouillé – qui parlent du lieu d’enfance –pour que la tension entre l’origine et la nouvelle vie débouchesur la réconciliation que représentent <strong>Le</strong>s Payset Album qui l’accompagne.Autre provincial, Pierre Bergounioux est né en 1949en Corrèze. Il appartient à cette génération d’aprèsguerrequi a opéré une rupture radicale avec les précédenteset avec son milieu, celle qui a accédé aux étudeset qui a payé le prix de cette ascension sociale. Sonœuvre, en grande partie autobiographique, compte unesoixantaine d’ouvrages, publiés le plus souvent chezVerdier et chez Fata Morgana. Avec Pierre Michon etPascal Quignard, il est un des grands auteurs vivants delangue française. Il connaît le succès avec Miette (1996).<strong>Le</strong>s trois volumes de son Carnet de notes (Verdier, 2006,2007 et 2011) forment un journal où il inscrit minutieusementdepuis 1980 les faits de sa vie quotidienne, sesinterrogations et ses réflexions. Professeur de lettres encolère contre l’école, il est également un sculpteur quidompte les déchets métalliques.Comme le dit Jérôme Meizoz, « Bergounioux restituela “grande temporalité” dans des récits portant surles transmissions familiales et l’entrée des provincesdans la modernité ». Marie-Hélène Lafon, elle, « explorele basculement des univers traditionnels vers lechangement, dans des récits lucides et cruels. Tousdeux sont d’impeccables stylistes et des “ethnologues”d’eux-mêmes ».Isabelle Rüf collabore à la rubrique <strong>culturel</strong>le du quotidien<strong>Le</strong> Temps à Genève comme critique littéraire.


mai-juillet 2013 / le phare n° 14 / graphisme • 25Fallstudie Civic Design 2011/12Reflektion Ruedi Baur, DesignerProjet Marseille 2013, quartiers créatifs. © Ruedi BaurRuedi Baur contextualiseContrairement aux courants philosophiques et autressciences dites humaines, les multiples approches deRuedi Baur ne s’enferrent point dans le cul-de-sac ontologique; ses concepts sont phénotypiques. Sous la mainet sous les yeux, ils se plient à la perception et à l’usage.Globalité ou localisation, universalité ou cas unique :intégrité résonne dans « intégral ». Aucune oppositionne vient s’immiscer entre la recherche et sa pratique.Elles se consacrent aux faits accomplis, mais tendentà faire autrement. Peler, épeler le mot « contexte » pourembrasser la complexité de la création et de sa transmission,tout l’enjeu est là. Sur le parcours de RuediBaur, le contexte est le mot phare qui, par extension,touche à l’identité, à la signalétique et à la scénographie,et au demeurant à toute mise en œuvre spatio-temporelle.Intentionnellement, le contexte s’attarde sur « leslois et ses conséquences visuelles ». Libérer la formede ses carcasses désuètes pour la mettre à jour d’uncontexte vivant et humain signifie tâter les horizons etperspectives – un crayon à la main.Ruedi Baur idéaliseUPK, l’intégration à la place de l’isolation. © Ruedi BaurL’urgenceprend son temps<strong>Le</strong> célèbre graphiste Ruedi Baur, à qui l’ont doit notamment la signalétiquedu <strong>Centre</strong> Pompidou, trouve le temps pour une conférence quiquestionnera une approche différente du design en le reliant aux besoinsde notre société actuelle. Par André Vladimir HeizGRAPHISMEMERCREDI 19.06.13 / 20 HRuedi BaurUrgent besoin de designRuedi Baur s’impliqueAppeler un chat un chat ? Un jeu d’enfant – évidence !Appeler le design du design ? « Un coup de dé » moinsvisé ! Quelle en est sa « choséité » ? Quel domaine luicorrespond ? L’argenterie dont vous avez hérité, uneplaque de sens unique vous font-elles prononcer le mot« design » ? Cette appellation contrôlée encadre-t-ellel’aéroport de Cologne ou les jardins de Vaux-le-Vicomte ?Voyons ! Quand le sens commun – en hibernant dans lenoyau des mots – s’accapare le design, le graphisme, lacommunication visuelle, l’urbanisme ou l’architecture,voit-il juste, voit-il assez loin ? Ces questions et d’autresforment la materia prima des enquêtes de Ruedi Baur.Elles ne laissent pas une pierre debout. Réinvestir lesigne sous toutes ses formes nécessite de quitter les sentiersbattus et de déserter les territoires établis. Il fautdénoyauter le sens de l’orientation, afin de toucher àl’essence de la communication dans l’espace et le temps.Au sein des écoles, des institutions et autres ateliers,Ruedi Baur ritualise les échanges et les expérimentations.<strong>Le</strong> substantif « recherche » cède aux verbes, à l’ensembledes interventions fondatrices comme « anticiper», « orienter » ou « inscrire ». Autour d’une table, engroupe ou en tête-à-tête, le monde s’anime de visages.Faire s’enrichit par le désir immédiat de faire face auxidéolectes et aux présences. <strong>Le</strong> sens n’est pas donné ; ilest fait. Différence ! Revenir à sa source implique de débrayerpour embrayer dans une autre direction. Entrele tu et le je, les médias et messages s’orientent. Identitéet signalétique, sites et cités – le crédo créateur de RuediBaur est ancré dans le déclic qui prend forme. Danstous les sens. Une flèche s’inscrit dans un paysage, ledesign fait pays, les symboles feront la paix. Mais pourquoiet comment ? Chercher et trouver ensemble ! Pardes aventures expérimentales, des évasions théoriques,des invasions empiriques, des manœuvres inattenduesqui s’inventent avec des chercheurs et étudiants, desassistants et des complices en vue d’utopies au diapasond’un nous !Ruedi Baur réaliseRuedi Baur a le sens de l’amitié. Ces traces en fontpreuve. Nombre de publications n’auraient jamais vule jour sans l’apport des autres qui naviguent dans sonsillage, à commencer par Lars Müller, son éditeur. Sansvouloir les nommer toutes et tous, des êtres qui luisont proches, comme Stefanie-Vera Kockot qui mit dupiment théorique et analytique dans ses derniers ouvrages.Prétendre à un contenu en dehors de sa forme,sa formation, son information et transformation, estune erreur fatale. Que serait alors l’amour sans déclarationà sa cheville ? Que serait une ville sans vie ? <strong>Le</strong>travail de Ruedi Baur est explicitement unique dans cesens : aux aguets d’une recherche de formes appropriéesau contexte, l’hypostase d’un contenu pur s’écroule devantnos yeux. En tenant compte de l’impératif de la relationqui se niche dans tout usage de figures et formes,l’approche de Ruedi Baur est éminemment publique,donc politique : si dignité humaine il y a, elle reste unequestion de forme. Dans son urgence. Dans tous lescontextes imaginables et réalisables.André Vladimir Heiz est écrivain, professeur de sémiotique,théoricien du design, et aussi un compagnon de routede Ruedi Baur. Il vient de publier <strong>Le</strong>s bases de la création(quatre volumes sous emboîtage), éditions Niggli.


26 • PORTRAIT / le phare n° 14 / mai-juillet 2013Vera Michalski. © Illustration Frédéric PajakVera Michalski,femme de lettresLibella, l’épopée d’un groupe éditorial né en Suisse, il y a vingt-cinq ans.En 1987, Jan et Vera Michalski créaient Noir sur Blanc, petite maisonpolono-<strong>suisse</strong>. Aujourd’hui, leur projet a pris des dimensions européennes.Par Isabelle RüfAu début des années 1980, à l’Institut des hautesétudes internationales de Genève, Jan Michalski, unétudiant polonais, travaille sur la question de l’intégrationde son pays au sein de l’Europe. Dans ce même institut,la jeune Vera Hoffmann prépare une thèse sur lescompagnons de route du parti communiste. Vera et Janse marient en 1983. <strong>Le</strong>ur rencontre amoureuse est aussiune rencontre avec la littérature de leurs pays et deviendraune grande aventure éditoriale. Par sa mère,Daria Razumovsky, Vera a des origines russes et autrichiennes.Elle et sa sœur Maja ont grandi en Camargue,parmi les chevaux et les oiseaux, dans la réserve naturelleque leur père a créée. Héritier de Hoffmann-La Roche, Luc Hoffmann, un des fondateurs du WWF,est un zoologue qui mène des recherches sur la fauneaviaire. En 1981, après l’accession au pouvoir du généralJaruzelski, Jan Michalski devient malgré lui un réfugiépolitique. Convaincus que les relations internationalespassent essentiellement par la culture, les deux jeunesgens se lancent en 1986 et fondent les éditions Noir surBlanc, situées dans la maison familiale de Montricher ;leur but est de favoriser les échanges <strong>culturel</strong>s entrel’Est et l’Ouest. Ils ignorent tout de l’édition, commettentdes erreurs, leurs premiers livres sont tropchers. Ils apprendront sur le tas. Même si Vera disposed’une grande fortune, le couple est persuadé que l’éditionn’est pas un mécénat et doit être au moins rentable.La naïveté de la jeunesse n’a pas que des désavantages: elle leur permet d’aller voir Slawomir Mrozek.<strong>Le</strong> dramaturge est alors au faîte de sa célébrité. Ils leconvainquent de changer d’éditeur. Ils se rendent aussià Berkeley, pour rencontrer le Prix Nobel de littérature,Czeslaw Milosz, qui accepte de leur donner une préfaceà l’œuvre du poète national Adam Mickiewicz. <strong>Le</strong>premier livre de Noir sur Blanc paraît en 1987. Proustcontre la déchéance de Joseph Czapski vaut carte de visite: ce récit (réédité en 2011) est un des plus beaux témoignagessur le pouvoir de résistance de l’esprit humaindans les camps. Depuis, Noir sur Blanc publieessentiellement de la littérature et des témoignagesvenus des pays de l’Est.La maison se développe dans les deux langues. <strong>Le</strong>slivres en polonais passent clandestinement la frontière ;à Londres, Chicago, Paris, les librairies polonaises lesaccueillent. <strong>Le</strong>s Michalski finissent par racheter l’enseigneparisienne, boulevard Saint-Germain, et lui


mai-juillet 2013 / le phare n° 14 / PORTRAIT • 27redonnent une nouvelle vie. Quand Solidarnosc accèdeau pouvoir, en 1991, Noir sur Blanc s’installe à Varsoviesous le nom d’Oficyna Literacka. Aux lecteurs polonaisavides de nouveautés occidentales, le catalogue offredes auteurs comme Paul Auster, Don DeLillo ou JeanÉchenoz. <strong>Le</strong>s écrivains du voyage y occupent aussi unebonne place : les Suisses Nicolas Bouvier et Ella Maillart,le Chilien Francisco Coloane…<strong>Le</strong>s Michalski fondent le groupe Libella qui regroupeaujourd’hui six maisons d’édition francophones. En2000, c’est Buchet-Chastel, ancienne maison (née en1936 de la reprise de Correa), un peu endormie maisdisposant d’un fonds important :Henry Miller, Lawrence Durrell,Malcolm Lowry, Blaise Cendrars.Aujourd’hui, avec des auteurs delangue française comme Daniel deRoulet, Marie-Hélène Lafon, JoëlEgloff, et étrangers – Tarun Tejpal, Ilija Trojanow –Buchet-Chastel a retrouvé sa place dans le paysage littérairefrançais. Puis vient Phébus, maison spécialiséedepuis 1976 dans les récits de voyage de tous les tempset de toutes les époques, dotée aussi d’un beau cataloguede littérature étrangère – Ignacio del Valle, WilliamTrevor – et de classiques comme le délicieux E.T.A.Hoffmann.En août 2002, la mort brutale et prématurée de JanMichalski, à 49 ans, laisse Vera seule à la tête de leurprojet. Elle, qui se tenait dans l’ombre de cet hommevolubile et chaleureux, doit surmonter son chagrinpour élever leurs deux filles et assurer la pérennité dugroupe et sa communication. Elle prend de l’assurance,surmonte les crises inhérentes au marché de l’édition,consolide la position de Libella. À Cracovie, elle devientactionnaire de Wydawnictwo Literackie, une maisonau caractère littéraire affirmé. À son catalogue : lesŒuvres complètes de Gombrowicz. Désormais, les vitrinesdes libraires polonais manifestent le rêve réaliséde Jan Michalski. Vera Hoffmann partage son tempsentre ses maisons à Varsovie et à Cracovie, où elle estcomme chez elle, le siège de Noir sur Blanc à Lausanneet celui de Libella à Paris.Empire et mécénatOutre Noir sur Blanc, Buchet-Chastel et Phébus, legroupe Libella comprend aujourd’hui <strong>Le</strong>s Cahiersdessinés, dirigés par Frédéric Pajak, lui-même auteurde superbes récits dessinés (Manifeste incertain, Noirsur Blanc, 2012). Ces ouvrages sont consacrés au dessinsous toutes ses formes, dessins d’artistes, satiriques,politiques, drôles ou méditatifs. On y croise Chaval,Bosc, <strong>Le</strong>iter, Mix et Remix, Copi… mais aussi despeintres comme François Aubrun, Pierre Alechinsky,ou Gilles Aillaud. En 2010, <strong>Le</strong>s Cahiers dessinés publient<strong>Le</strong> Livre libre, une somme sur l’histoire du livred’artiste dans un lieu d’excellence, la Suisse romandeau XX e siècle. <strong>Le</strong>s éditions Maren Sell rejoignent égalementle groupe. Cette petite maison au catalogue trèsengagé publie aussi bien Peter Sloterdijk que PascalMercier. Autre membre de Libella, Libretto publie encollection de poche les succès de Phébus mais aussi deschefs-d’œuvre de la littérature de voyage ou des classiqueséternels. À ces maisons proprement littéraires,s’ajoute <strong>Le</strong> Temps apprivoisé, qui publie des livres pratiques: arts du fil, décoration, gastronomie. En 2012,Vera Michalski-Hoffmann prend encore une part importantedans les Éditions Favre, basées à Lausanne.Spécialisée dans les biographies de personnalités, leslivres illustrés, les essais destinés au grand public, lamaison garde pour le moment son indépendance éditorialetout en « élargissant la palette de Libella ».« […] deux étudiants quicroyaient aux pouvoirsde la littérature. »La famille Hoffmann consacre une grande partie deson immense fortune à des activités de mécénat. <strong>Le</strong>père, Luc Hoffmann a œuvré à la protection de la natureau travers de la fondation MAVA. La sœur de Vera,Maja Hoffmann, a choisi les arts visuels et la photographie: grande collectionneuse d’art contemporain, ellesoutient les Rencontres photographiques d’Arles etde nombreux musées dans le monde. Vera Michalski-Hoffmann a la diffusion de l’écrit. En hommage à sonmari, elle a créé en 2004 la Fondation Jan Michalskipour l’écriture et la littérature. Son but est d’aider lesécrivains à réaliser leurs œuvres et de soutenir l’écrit etla littérature. On a vu son drapeauflotter dans le ciel du Festival delittérature de Jaipur, en Inde ; elleintervient discrètement au moyende bourses et de soutiens à des projetsponctuels. Depuis 2010, elledécerne le prix Jan Michalski : ouvert à tous les genreslittéraires, à toutes les langues, doté de 50 000 francs<strong>suisse</strong>s, ce prix est attribué chaque année par un juryinternational, présidé par Vera Michalski-Hoffmann,et dont font partie des personnalités comme GeorgesNivat, Tarun Tejpal, Yannick Haenel, Ilija Trojanow.En 2012, il a été décerné à un essai de Julia Lovell, TheOpium War.Maison de campagne et de lettresPour la première fois, le prix Jan Michalski était remisdans le cadre de la Maison de l’écriture, nichée à côté dela maison familiale, à Montricher, au pied du Jura, faceau vaste panorama ouvert sur le lac Léman et les Alpes.Cette Maison, encore en chantier, est un grandiosehommage à l’éditeur. Elle est destinée à accueillir desécrivains en résidence, mais sa vaste bibliothèque, sessalles d’exposition, de conférences et de séminaires, sonauditorium, seront ouverts au public. Vera Michalski-Hoffmann en a confié la réalisation à l’architecte VincentMangeat. Celui-ci a conçu un projet impressionnant,une « ville » à la campagne. Sous une canopée ouvrantsur le ciel, des cabanes suspendues offriront aux hôtesle calme, la beauté et le confort nécessaires à leur travail,pendant un séjour de trois mois. La haute bibliothèqueles attend déjà, une cathédrale de livres en libreaccès, sur cinq étages, étroite et élégante. Une équipetravaille déjà sur place et la Maison de l’écriture ouvrirases portes le 28 juin 2013 (www.fondation-janmichalski.com).Des maisons d’édition à Lausanne, Paris, Varsovie etCracovie : voilà qui remplirait plusieurs agendas ! Mêmesi Vera Michalski-Hoffmann s’efforce d’être présentesur tous les fronts, elle sait déléguer avec talent à deséquipes efficaces. Très sollicitée, elle fait partie de plusieursconseils de fondation, dont celui du Théâtre deVidy ; elle préside l’Association des diffuseurs, éditeurset libraires de Suisse romande et s’est engagée dans lalutte pour le prix unique du livre. On la trouve aussidans le comité du Livre sur les quais. Cette manifestationinaugurée en 2012 réunit sur les quais de Morges,le temps d’un week-end de septembre, plusieurs centainesd’auteurs, de tous horizons, francophones, anglophones.Elle connaît depuis le début un succès croissant,lié au cadre et à un très riche programme de tablesrondes et de lectures. Ainsi, Vera Michalski-Hoffmanns’efforce de réaliser par tous les moyens le projet conçuil y a vingt-cinq ans, dans un monde sur le seuil de grandsbouleversements, par deux étudiants qui croyaient auxpouvoirs de la littérature.Isabelle Rüf collabore comme critique littéraire à la rubrique<strong>culturel</strong>le du quotidien <strong>Le</strong> Temps et à l’émission Zone critiquesur Espace 2, à la Radio Télévision Suisse.Vera Michalski-Hoffmannen quelques dates1954 : Naissance à Bâle. Enfanceà la Tour du Valat en Camargue.Études à HEI à Genève.1983 : Mariage avec Jan Michalski.1986 : Création des éditionsNoir sur Blanc.1991 : Rachat de la Librairepolonaise à Paris. Créationd’Oficyna Literacka à Varsovie2000 : Rachat du groupe Buchet-Chastel. Création du groupe Libella.2002 : Décès de Jan Michalski.2003 : Phébus entre dans le groupeLibella. Rachat de WydawnictwoLiterackie à Cracovie.2007 : Création de la FondationJan Michalski.2010 : Attribution du premier prixJan Michalski. <strong>Le</strong> projet Lazarusd’Aleksander Hemon.2012 : Actionnaire majoritairedes éditions Favre.28 juin 2013 : Inaugurationde la Maison de l’écritureà Montricher.<strong>Le</strong> portrait de Vera Michalskia été commandé à l’artiste <strong>suisse</strong>Frédéric Pajak auquel on doitManifeste incertain, Tome 1 paruen 2012 aux éditions Noir sur Blanc.


32.-/MOIS *ABONNEMENT NUMÉRIQUE* PRIX EN CHF, TTC07: 00 AM12: 30 PM09: 00 PML’époque est fascinante qui vous permet de disposer des outils les plus performantspour exceller dans votre métier. Depuis votre bureau, vous êtes en contactpermanent avec vos pairs, vos partenaires, vos prestataires. A toute heure, de jourcomme de nuit, <strong>Le</strong> Temps met à votre disposition, via vos instruments de travail, lefil de l’actualité du monde mais aussi les services et contenus à forte valeur ajoutéepour votre activité professionnelle.Pour découvrir et souscrire très facilement et rapidement à l’offre du Temps devotre choix – sur vos supports préférés – avec l’assurance de bénéficier d’uneinformation d’une qualité inégalée, rendez-vous sur www.letemps.ch/abos oucomposez notre numéro d’appel gratuit 00 8000 155 91 92.


MUSÉE NATIONALSUISSE. Château de Prangins.Noblesse oblige !La vie de châteaua u18 e sièclewww.chateaudeprangins.ch11_PRANGINS_ANNONCE_NOBLESSE_OBLIGE_198X145mm_PROD.indd 1 04.04.13 15:17PEINTURE.ALEX KATZ & FÉLIX VALLOTTONmcb aMUSÉE CANTONALDES BEAUX-ARTSLAUSANNE22.3.–9.6.2013www.mcba.chAlex Katz, Homage to Monet 1, 2009, huile sur toile, 183 x 366 cm, collection de l’artiste © 2013, ProLitteris, Zurich


THÉÂTREDU JORATune scène à la campagneMézières / SuisseProductionCoproductionBilletterie en lignewww.theatredujorat.chT +41 21 903 07 55En coréalisation avec leThéâtre Vidy-Lausannedu 23 au 29 mai 2013PHOTO: DIEGO FRANSSENSSidi Larbi CherkaouiCréation mondialeL’univers du tango revisité,entre tradition et modernité.PartenairesSponsors de saisonCommunede MézièresAMINATADE GILLES LAUBERTMISE EN SCÈNEJACOB BERGERAVEC BAPTISTE GILLIÉRONELPHIE PAMBUMARGARITA SANCHEZGILLES TSCHUDICOPRODUCTION THÉÂTREVIDY-LAUSANNE / LE POCHE GENÈVE6 > 26 MAI 2013THÉâTRE LE POCHEwww.lepoche.ch18. 5. – 11.8.2013Rhythm in itOn rhythm incontemporary art*Aargauer KunsthausAargauerplatz CH–5001 AarauDi – So 10 – 17 Uhr Do 10 – 20 Uhrwww.aargauerkunsthaus.ch7. 9. – 17.11.2013Dieter MeierIn ConversationImage: Stan Douglas, Rings 1947, 2010Courtesy the artist and David Zwirner,New York / London


mai-juillet 2013 / le phare n° 14 / LONGUE VUE • 31L’actualité <strong>culturel</strong>le <strong>suisse</strong> en France / ExpositionsPhilippe Barderevisite Paul BonifasEmprunter pour inventerL’artiste genevois Philippe Bardes’empare de l’héritage de Paul Bonifas,un maître de la céramique des années1920-1940. Ce dernier travaillela terre comme un espace architectural.Avec <strong>Le</strong> Corbusier, il participeà la création de la revue L’Esprit nouveau.Philippe Barde a emprunté les moulesoriginaux de Bonifas conservés à l’Arianade Genève et revisite le vocabulairede l’artiste Art Déco, non sans le mettreà mal. Un jeu détonant sur les émaux,boursouflés et craquelés, projettecette réinterprétation dans le champde l’étrange, et révèle les viséesrévolutionnaires des pièces originalesdu moderniste présentéesconjointement. Denis PernetParis, Musée des Arts décoratifs,jusqu’au 18 août 2013Pauline Boudry & Renate LorenzAftershow<strong>Le</strong> duo germano-<strong>suisse</strong> présente unesérie d’installations récentes qui mêlentfilms 16 mm transférés sur vidéo etdocuments photographiques d’archives.<strong>Le</strong>s deux artistes explorent l’émergencepresque simultanée de la sexualitéet de la photographie au XIX e siècle,ainsi que les liens entre sous-cultures,résistance et contrôle. Toxic meten parallèle des images de « pédérastes »du XIX e siècle conservées par la policefrançaise et un film qui explore le formatde l’interview, ici d’un travesti,à la manière de l’identification judiciaire.Par la collaboration avec desperformeuses charismatiques, les filmsNo Past et No Future questionnentquant à eux l’héritage punk. DPBordeaux, CAPC,du 16 mai au 8 septembre 2013<strong>Le</strong>s Frères Chapuisat<strong>Le</strong> Buisson mauditComme à leur habitude, les FrèresChapuisat se sont emparés de l’espaced’exposition, ici une abbaye cisterciennedu XIII e siècle, avec une sculpturemonumentale entre architecture etexpérience physique. Sur les 600 m 2des diverses salles, les fonctionsanciennes sont rejouées. Au sol, une forêtde piliers en bois comme un échafaudagesoutient une structure à plusieurs mètresde haut. Sur cette nouvelle structure,accessible par une entrée, on grimpe surun plancher chaotique et les anciennesvoûtes sont alors à portée de main.Une sorte d’amphithéâtre rejoue la salledu chapitre, des chambres se nichentau fond d’un parcours labyrinthiqueet l’ensemble suscite autant l’anxiétéque l’esprit d’aventure. DPMaubuisson, Abbaye de Maubuisson,jusqu’au 3 novembre 2013FRAC AuvergneLa Révolte et l’Ennui<strong>Le</strong> Frac Auvergne a choisi Marc Bauerpour imaginer une exposition autourde sa collection à l’occasion des 30 ansde la création des Fonds régionauxd’art contemporain. L’artiste <strong>suisse</strong>,installé à Berlin, connu pour ses dessinsà la mine de plomb, a choisi des œuvresen explorant la notion d’empruntet de citation, et cela à partir d’un versde René Char écrit au dos d’une toilede Denis Laget. L’ensemble, quicomprend des pièces importantesde Julien Audebert ou Cyprien Gaillard,est complété par des dessins de MarcBauer qui reprennent des toiles célèbresde l’histoire de l’art, de Caspar DavidFriedrich à James Ensor, et prolonge laréflexion dans une mélancolie troublantepropre au travail de l’artiste. DPClermont-Ferrand, FRAC Auvergne,du 1 er juin au 15 septembre 2013Hugo Schüwer-Boss, Médiavision, 2009. Collection Frac FCSouches, 2013. © Lutz & Guggisberg© Adrien Missika, <strong>Le</strong> Formica <strong>Le</strong>o, 2013© Taiyo Onorato & Nico Krebs© Vincent LieberNo Future / No Past 2011. © Andrea Thal<strong>Le</strong> Buisson maudit, 2013. © Catherine BrossaisNur ein Fisch, 1992. © Johan CretenFrac Franche-ComtéTacetPour les 30 ans des Frac, celuide Franche-Comté a invité le peintreFrancis Baudevin à explorer sa collection.Se défendant de se substituerà un commissaire, l’artiste a opéréune sélection d’œuvres d’artistesavec lesquels il est familier. <strong>Le</strong> cartond’invitation ne liste pas le nom desauteurs mais le titre des pièces commepour questionner les habitudesinstitutionnelles. Tacet fait référenceà un terme musical qui indique le silenced’un instrument dans une partition,comme dans 4’ 33” de John Cage.L’accrochage repense visuellementla notion de tacet. <strong>Le</strong> Frac poursuit parailleurs sa collaboration avec FrancisBaudevin par une exposition personnelleau Frac en septembre. DPDole, Musée des Beaux-Arts de Dole,du 22 juin au 8 septembre 2013Lutz & GuggisbergLa forêt<strong>Le</strong> duo Andres Lutz & Anders Guggisbergavait exposé au CCS en 2009,et Sophie Kaplan débute avec euxsa programmation à La Criée. La forêtpermet de découvrir plusieurs nouvellesœuvres, dont Souches, d’intensesphotolithographies noires sur papier noir.La salle centrale est habitée par uneimmense peinture murale atmosphériqueet par La grande boucle, une sculpturesuspendue composée de dizaines de« tiges » de divers bois assemblées boutà bout. Et l’œuvre vidéo Galaxy EvolutionMelody propose une fascinante suitede « tableaux mouvants », qui transformeavec poésie et humour les mécanismesde la peinture et de la sculpture.La suite, ce sera au Mudam, Luxembourg,du 06.07.2013 au 19.01.2014. CCSRennes, La Criée,du 5 avril au 19 mai 2013Adrien MissikaPlutôt connu pour son travailphotographique et filmique, l’artistefranco-<strong>suisse</strong> Adrien Missika explore deplus en plus l’installation et la sculpture.<strong>Le</strong>s deux expositions françaises sontl’occasion de découvrir un nouvelensemble issu de ses recherches autourde l’architecture et de la nature.Pour la Galerie Édouard-Manet, l’artistepoursuit sa recherche autour du volcanet rapporte de l’île de la Réunionun film sur le piton de la Fournaiseet des scories qu’il moule en métal.Chez Bugada et Cargnel, l’artiste montedes jardins suspendus sur des tours enbambou inspirées de ses recherches surl’architecte et paysagiste brésilienRoberto Burle Marx. DPGennevilliers, Galerie Édouard-Manet,du 16 mai au 6 juillet 2013et à Paris, Galerie Bugada et Cargnel,du 7 juin à début septembre 2013Taiyo Onorato& Nico KrebsIls avaient réalisé l’insert pour le <strong>Phare</strong>n o 10 et produisent des livres magnifiques,sélectionnés par Martin Parr dansson projet 30 Best Photobooksof the Decade. L’exposition au Bal, leurpremière en France, présente les sériesphotographiques The Great Unrealet Constructions, ainsi que leur filmBlockbuster, qui renvoie avec humourau début de l’histoire du cinémaoù le son était joué en direct. Fascinéspar les paysages américains, ils associentdes scènes du quotidien avec des imagesmythologiques de l’Amérique,en utilisant des trucages illusionnistes,en combinant réalité et modélisme. Pardes sculptures éphémères qui déjouentles perspectives, ils poursuivent leurquête du miraculeux et de l’irréel. CCSParis, <strong>Le</strong> Bal,du 29 mai au 25 août 2013


32 • LONGUE VUE / le phare n° 13 / février-avril 2013L’actualité <strong>culturel</strong>le <strong>suisse</strong> en France / ScènesEncoreEugénie Rebetez© Augustin RebetezEncore est le deuxième spectaclede la danseuse et chorégraphe EugénieRebetez, alias Gina, artiste <strong>suisse</strong> quirenouvelle le one-woman-show en lesublimant avec le génie de la sensualitéofferte, la puissance du mouvement,oscillant toujours entre le rire du clownet la réalité de la diva naufragée.Encore – qui s’entend aussi bien commerépétition que nouveauté, surenchèreet rappel – s’inscrit totalement dansla continuité de Gina, premier spectacleprésenté au CCS en 2010.On y retrouve un corps paradoxalenveloppé d’une robe noire moulantequi se prend les pieds dans le tapis rougedes espérances, une voix merveilleusequi chante l’amour et la perte. À voiraussi au CCS cet automne. CCSLyon, Maison de la Danse,du 24 au 26 mai 2013© Jean-Baptiste MillotLaissez-moi danserTamara Bacci, MartheKrummenacher et Perrine ValliDRSi le titre de cette pièce sonne commeune revendication, c’est que celle-ciaborde de vraies interrogations quantà cette notion de danseur-interprète.Tamara Bacci et Marthe Krummenacherprennent à contre-pied le systèmeétabli de la création chorégraphiquequi voit le chorégraphe transmettreses idées aux interprètes choisis.<strong>Le</strong>s deux danseuses sont ici les créatricesde la pièce et elles proposent à lachorégraphe Perrine Valli de mettreen scène leurs idées. Ces individualitéstalentueuses offrent une réflexionsur la place, la responsabilité et l’œuvrede chaque interprète. CCSParis, La Chaufferie,Rencontres chorégraphiquesinternationales de Seine-Saint-Denisle 25 et 26 mai 2013© Melissa HostetlerThe Nikel Project –Songs & poemsMamaza & Ensemble Nickel© Delphine Schnydrig © Patrick DidiLa compagnie de danse Mamaza etl’Ensemble Nikel, groupe de musiquecontemporaine, ont décidé de trouverensemble une troisième entité : quelquechose qui ne soit pas tout à faitde la danse ni complètementde la musique. <strong>Le</strong> but : chorégraphierdes sons et composer des actions.<strong>Le</strong>s quelques accessoires présents surscène, une housse de guitare, untabouret, un cube blanc, sont commedes intermédiaires, parfois musicaux,entre les danseurs. <strong>Le</strong> résultat ressembleà une conversation entre amis danslaquelle les expériences seraient aussiexcitantes que les résultats. CCSPantin, <strong>Centre</strong> national de la danse,Rencontres chorégraphiquesinternationales de Seine-Saint-Denisdu lundi 27 au mercredi 29 mai 2013Restons Ensemble VraimentEnsemble (R.E.V.E)Mise en scène Vincent BrayerDRUne famille paisible, en apparence,où tout un chacun a une place canonique.Une famille classique donc, et pourtantporteuse d’un trouble, d’un vertige.Petit à petit, les protagonistes glissentvers un monde altéré, où leurs fantaisiesont libre cours le temps d’un repasde famille. Chacun exprime ce qu’il estet rêverait d’être. Sous la directionde Vincent Brayer, le spectacle, issu d’uneécriture de plateau, mêle magnifiquementdes fragments de Kafka, des réflexionsde Cioran et des textes dramatiquesde Shakespeare. On croirait entendreGombrowicz : « Cessez d’être des petitsenfants sages ; soyez fantaisistes etirresponsables, ne craignez ni la bêtise,ni la bouffonnerie. » CCSParis, <strong>Le</strong> Théâtre de la Tempête,du 1 er au 16 juin 2013© Gosia CnotaRusconiRusconi a l’art des tensions. <strong>Le</strong> trioalémanique emmené par le pianisteStefan Rusconi est passé maître dans ledynamitage électrique de son jazz délié.Après un hommage à Sonic Youth en2010, leur cinquième album Revolution,paru fin 2012, poursuit les explorationsd’un entre-deux-mondes où alternentrythmes extatiques, hypnotiques ettelluriques. Équilibriste, oscillant entrenappes hospitalières et rugueuses /saturées, le jazz de Stefan Rusconi,Fabian Gisler (contrebasse) et ClaudioStrüby (batterie) affiche en réalité unemélancolie rageuse, toujours à la limitede la rupture. Sur scène, leur complicitéde longue date, internationalementreconnue, fait autant de merveilles qued’étincelles. Olivier HornerParthenay, <strong>Le</strong> Jazz bat la campagneet Oloron, Des rives et des notesles 6 et le 7 juillet 2013BonaparteL’extravagante et décadente caravanedu « cirque’n’roll » Bonaparte fait ànouveau escale en France durant sontour du monde. Dans le sillage de sonnouvel album Sorry, We’re Open, latroupe du Bernois Tobias Jundt réactiveses performances sous acide, où rocket électro-punk ne célèbrent qu’uneenfilade de mariages de déraison. Dansl’Hexagone, « C’est à moi qu’tu parles »devrait davantage faire mouche grâceà son habile recyclage du consacré« Casse-toi, pauv’con » de Sarkozyparmi une litanie d’insultes fleuries.Tandis que défileront sur scène uneMme Loyal sexy, des fauves intrigants,des boxeurs, des danseuses burlesques,des amazones futuristes ou descourtisanes emperruquées. Un vrai feud’artifices. OHÉvreux, Festival <strong>Le</strong> Rock dans tous ses états,les 28 et 29 juin 2013La GaleElle a la noirceur et la radicalitéde La Rumeur, des rythmiques électrotranchantes et des citations cinématographiquesempruntées à Audiard.Active depuis quelques années dansla sphère du hip-hop, la rappeuse etactrice libano-<strong>suisse</strong> La Gale a enfoncéle clou en 2012 avec un premier albumsans compromission. Réalisé avecChristian Pahud (Honey For Petzi),ce brûlot rap, où surgit notamment,extraite du Singe en hiver, une fameuseréplique sur la connerie entre Belmondoet Gabin, charrie de saines colères.« La main sur le cœur, l’autre surle détonateur », aime à résumer La Galepour qualifier ses humeurs. <strong>Le</strong> mêmeétat d’esprit préside les concertsdétonants de la récente « découverte »helvétique du Printemps de Bourges. OHToulouse, Connexion Live,le 30 mai 20136ixUrs <strong>Le</strong>imgruberet Jacques DemierreLa formation musicale 6ix, placée sousla direction artistique du saxophonisteUrs <strong>Le</strong>imgruber, qui depuis des décenniesoffre de nouvelles techniques de jeu,et du pianiste aux directions musicalesmultiples Jacques Demierre, se composede six musiciens comptant parmiles principaux protagonistes de la scèned’improvisation libre européenne.<strong>Le</strong> sextet crée sa musique autour descordes, des voix, des sons analogiqueset du souffle. Articulée dans l’espace,soucieuse d’inédites résonnances,leur démarche abolit les frontières entreles instruments, les techniques etles disciplines. Cet art du dépassementtransforme l’auditeur dans son écouteet ses aptitudes à l’ouverture. CCSBrest, Penn Ar Jazz,le 18 mai 2013


#1. 2002, mini-golf du Petit-ChêneKamal MusaleMini-golf [4:3], 8’#2. 2002, arches du Grand-PontPhilippe Saire<strong>Le</strong>s Arches [4:3], 6’50#3. 2003, place de l’EuropePierre-Yves BorgeaudInterface [16:9], 14’30#4. 2004, piscine de BelleriveMassimo Furlan(Ha Ha Hey) what are you doing? [4:3], 18’20#5. 2004, arrière-cour et escaliers, rue CentraleAlain MargotRue Centrale 17-19 [4:3], 10’30#6. 2005, toit du Petit Théâtre, Vallée de laJeunesseFernand MelgarLa Vallée de la Jeunesse [16:9], 26’50#7. 2008, bassin, aile droite du Palais deRuminePhilippe Saire<strong>Le</strong> Bassin [16:9], 10’40#8. 2008, la Maladière, terminus du bus n° 1Mario del CurtoL’Îlot [16:9], 13’30#9. 2008, pont Chauderon, terrain de boulesBruno DevilleLa Boule d’Or [16:9], 13’30#10. 2012, jardin de l’ancienne Académie, LaCitéPhilippe Saire<strong>Le</strong> Jardin des Colombes [16:9], 8’#11. 2012, escaliers du parc de ValencyLionel BaierEn Onze [16:9], 9’10cartographies_06.indd 1 01.04.13 09:48réalisation FERNAND MELGAR assistante de réalisation ELISE SHUBS image DENIS JUTZELER son CHRISTOPHE GIOVANNONI son additionnel JÜRG LEMPEN montage KARINE SUDAN assistante au montage PRUNE JAILLET collaboration au montage CLAUDE MURETgraphisme JANKA RAHM étalonnage PATRICK LINDENMAIER truquage DANIEL WYSS montage son GABRIEL HAFNER mixage FRANÇOIS MUSY musique WANDIFA NJIE production déléguée FERNAND MELGAR production exécutive STÉPHANE GOËL, ELISE SHUBS chargéede production JOËLLE RUBLI comptabilité GIANNI DE FRANCESCO production CLIMAGE en coproduction avec RADIO TÉLÉVISION SUISSE UNITÉ DES FILMS DOCUMENTAIRES, IRÈNE CHALLAND, GASPARD LAMUNIÈRE - SRG SSR, ALBERTO CHOLLET, URS FITZE - ARTE G.E.I.E. UNITÉDOCUMENTAIRE ANNIE BATAILLARD, CHRISTIAN COOLS avec le soutien de OFFICE FÉDÉRAL DE LA CULTURE (DFI) SUISSE, FONDS REGIO FILMS AVEC LA LOTERIE ROMANDE, SUCCÈS CINÉMA, FONDATION CULTURELLE SUISSIMAGE, SUCCÈS PASSAGE ANTENNE, FONDATION VAUDOISE POUR LE CINÉMA© 2011 climage - rts - srg ssr - arte g.e.i.e.www.volspecial.chmai-juillet 2013 / le phare n° 14 / MADE IN CH • 33L’actualité éditoriale <strong>suisse</strong> / DVD / DisquesLibrairiedu CCSCLIMAGE PRESENTEUN FILM DE FERNAND MELGARgraphisme: janka rahm melgar / photographie: denis jutzelerCOFFRETFREDDY BUACHEVOL SPECIALde Fernand MelgarEn 1945, la Cinémathèque françaiseorganise une exposition à Lausanneet Freddy Buache y fait la connaissanced’Henri Langlois. Ce dernier encouragel’étudiant en lettres attiré jusque-làsurtout par le théâtre et la poésiesurréaliste à créer un ciné-club.On le sait, Freddy Buache fit plus encoreet se battit pour créer la Cinémathèque<strong>suisse</strong> dont il resta le directeurpendant de longues années, soucieuxd’en faire un lieu vivant destinéà montrer les films et pas seulementà les conserver. Il poursuivit par ailleursses activités de critique et d’écrivainsur ses cinéastes de prédilection.Un coffret DVD célèbre l’engagement(à tous les niveaux) et la fortepersonnalité de Freddy Buache.En plus d’un livret comportant quelqueshommages écrits et d’émouvantesphotographies prises avec des amiscinéastes, actrices et acteursde passage à Lausanne, on y trouveun documentaire en deux partiesde Michel Van Zele, Freddy Buache,passeur du 7 e art, qui dessine le portraitet le parcours de Buache. Fabrice Aragno,lui, s’est plongé dans les archivesde la Radio Télévision Suisseet de la Cinémathèque pour offrirun montage de séquences qui montrentBuache en « agitateur » de la scène<strong>culturel</strong>le romande et <strong>suisse</strong>.Enfin, un film de 1969, réalisépar Marie-Claude Brumagne, femmede plume et compagne de FreddyBuache, offre un regard plus intimesur l’homme. Un coffret qui permetde (re)découvrir une figure charismatique,mais aussi toute une époque de la vie<strong>culturel</strong>le <strong>suisse</strong>. Serge LachatAprès La Forteresse qui décrivaitles conditions d’accueil des demandeursd’asile en Suisse, Melgar s’intéressedans Vol spécial à la fin du séjouren Suisse et aux conditions du renvoidans leurs pays des requérants déboutés.Présenté au Festival de Locarno en2011, le film y fut à la fois récompenséet objet de polémiques. Ce qui s’expliquepar la démarche de Melgar : il s’estimmergé dans un centre de détentionmodèle pour y observer à la fois gardienset sans-papiers emprisonnés dansl’attente de la décision de leur expulsion.Pénétrant avec les gardiens (dontil enregistre le point de vue, la bonnevolonté et les difficultés, mais celasuffit-il pour le qualifier de « fasciste » ?)dans les espaces réservés auxprisonniers, Melgar se met de plus enplus à l’écoute de ces derniers. Commedans son film précédent, le cinéasterefuse de porter un jugement sur les gensqu’il filme. Tout son art consiste à faireconfiance à sa caméra qui permetde mesurer ce que sont l’enfermementet l’attente, de faire sentir parun cadrage serré le drame, les douleurs,les angoisses de ces hommes enfermés.On lui a reproché de ne pas prendreposition explicitement, de ne pas fairede proclamation engagée. Maistout son engagement consiste à choisirla bonne distance, le bon cadrage,la bonne durée du plan et en finde compte à faire naître une empathieavec ses « personnages » qui ne laisseaucun doute sur son point de vue surle système mis en place. Mais ce pointde vue n’est pas asséné : Melgar faitconfiance à la sensibilité à l’intelligencedu spectateur. SL#7#10#9#5#3#2#1Cartographies– collection | #1 - #11 | 2002-2012 –Avec des texte de Luc Gwiazdzinski, Grégoire Junod, Laurent Matthey, Philippe Saire,Ola Söderström, Philippe Weissbrodt, Filippo Zanghì#4CARTOGRAPHIESCompagnie Philippe SaireEntre 2002 et 2011, la CompagniePhilippe Saire a investi plusieurs lieuxde la ville de Lausanne et imaginé deschorégraphies en lien avec les charmesde l’endroit. Piscines, places publiques,jardins dérobés, chaque espace a soufflésa nécessité au danseur et à sesinterprètes. Filmées à chaque édition,ces onze créations in situ sont désormaisréunies dans un DVD. Aux commandes ?Neuf réalisateurs romands dontdes pointures reconnues à l’échelleinternationale, comme Fernand Melgar,auteur de La Forteresse et de Vol spécialqui se penchent sur la questiondes clandestins en Suisse. Ou encoreLionel Baier, cinéaste des corps et descœurs (Garçon stupide, Un autre homme).À noter que Philippe Saire est aussi passéderrière la caméra pour trois des onzeCartographies. Marie-Pierre GenecandALLEINE DENKEN IST KRIMINELLReines ProchainesClaudia WilkeDifficile de cerner les contoursde ce groupe tant le quatuor de femmesqui le compose prend un malin plaisirà les démultiplier. Ce DVD nouspermettra peut-être d’y voir plus clair.La réalisatrice Claudia Wilke pénètreleur univers aussi incroyable qu’unique.Entre interviews des membres,répétitions, concerts et réalisationsde courts-métrages, on comprendqu’il n’y a pas de leader, que chacuned’entre elles a un rôle défini à jouer,qu’elles créent tout ensembleet que leurs idées égalent leur folie,pourvu que le résultat soit un joyeuxet parfait bazar maîtrisé. Ce DVDdonne encore plus envie de revoirles Reines Prochaines en concert dansleur tour 2013. En allemand, sous-titréen anglais. CCSOKO TOWN77 Bombay StreetGadget RecordsDepuis quelques années, 77 BombayStreet vient titiller les stars anglophonesdu folk rock. Preuve en est leur calendriereuropéen de concerts en 2013. Il fautreconnaître que les quatre frères Matt,Joe, Esra et Simri-Ramon Buchli distillentune musique entraînante, fédératrice,accrocheuse et influencée par lesBeach Boys et les Beatles. Expatriésen Australie dans leur jeunesse – le nomde leur groupe est tiré de leur adresseaustralienne –, ils reviennent en Suisseen 2007 et forment 77 Bombay Street.Après Dead Bird (2009) et Up in the Sky(2010), Oko Town est leur album le plusabouti. Emmenées par le très bonsingle « Angel », les quatorze chansonsalternent ballades bien calibrées –« Planet Earth », « Indian » – et morceauxplus rythmés comme « Seeker ». CCSTHE GREAT BIG HEAVYEvelinn TroubleBakara MusicL’heure de l’émancipation a sonnépour Evelinn Trouble. Jusqu’ici en quêted’identité sonore et évoluant à l’ombredes jeunes filles en fleurs que sontses consœurs Heidi Happy,Anna Aaron et Sophie Hunger, dontelle a été la choriste un temps,la Zurichoise de 23 ans trouve sa voixsur un troisième album aussi denseque percutant et captivant. Entreélectro-punk et ballades pop-soul,The Great Big Heavy érige Troubleen prêtresse des dissonanceset nonchalances. Une bipolarité sonorequi sied parfaitement à sontempérament vocal soufflant autantde sensuelles mélancolies (« Flowing »ou « China Made Love ») que d’abrasivesfureurs (« Never come around »ou « Apocalypse Blues »). Olivier Horner


34 • MADE IN CH / le phare n° 13 / février-avril 2013Librairiedu CCSL’actualité éditoriale <strong>suisse</strong> / ArtsThe CollectorMARC BAUERmicroMEGAPaper ! Tiger ! Press !microMEGA est la preuve qu’il est encorepossible, de nos jours, d’autoproduiredes livres. C’est ce qu’ont fait les troismembres du studio franco-genevoisPaper! Tiger! <strong>Le</strong> résultat est malinet très bien fini. Ce petit livre a deuxfaces : une verte pour micro,des hommes construisant des maquetteset des modèles réduits ; et une bleuepour MEGA, des hommes construisantdes architectures, objets et enginsdémesurés. En reprenant une sélectiond’images tirées de numéros d’une revuede bricolage et de vulgarisationscientifique, le livre apporte une réflexionsur les rapports entre l’hommeet la science, la nature, la technologie,le progrès et la modernité. Éditionlimitée à 100 exemplaires. CCSTHE COLLECTORMarc BauerÉditions CCSVous avez manqué l’expositionde Marc Bauer au CCS ? Pas de problème,vous pouvez toujours découvrir sontravail dans ce magnifique livre d’artistemis en page par la graphiste Marie Lusa.Dans un format qui rappelle autantles carnets d’artistes que le manuelde vocabulaire allemand Wir SprechenDeutsch des années 1970, les dessinsde Marc Bauer abordent le thèmede la France sous l’Occupation et plusspécialement de la spoliation des biensjuifs. Il s’en dégage une atmosphèreétrange à laquelle l’utilisation du crayonnoir ne fait qu’ajouter une sensationinquiétante. Mais les dessins, parfoisrehaussés de couleurs, restentd´une beauté intacte et s’entremêlentparfaitement avec les textes, quiparsèment les pages. CCSLES BASES DE LA CRÉATIONAndré Vladimir HeizNiggli VerlagD’un pied à une chaise, d’un signeà la signalétique, de l’imaginationà la réalisation, le problème du passageest posé. Pour y répondre, ces quatrelivres – Ça-voir-faire, Systèmes etstructures, Signes et situations, Identitéset différences –, fruit de sept annéesde recherches passionnantes etpassionnées en quête des observationset des questions pertinentes pourune application personnelle des basesde la création. Réalisés avec soin,ces livres donnent aux lecteurs un aperçuprécis et complet des différentesétapes de la production artistique etdes conséquences des décisions prisesau cours d’un projet. Un ouvrageessentiel pour architectes, designers,artistes, photographes, chercheurs,graphistes… CCSLE GOTHIQUE URBAIN :UNE CRISE D’IDENTITÉPhilippe BuschlingerCadrat ÉditionsNon, ce n’est pas un livre de psychologiesur un phénomène d’adolescents prépubèresse promenant habillés façonMatrix. C’est bien un livre de typographiesur l’utilisation de cette police Gothiquetrop souvent associée à la propagandenazie. Pourtant, malgré cette associationtypo-historique, le Gothique continued’être présent dans l’espace urbain.C’est ce que tend à prouver cet ouvrage,en montrant comment la policede caractères, utilisée par Gutenbergen 1445 pour composer le premier livretypographié d’envergure, a su évolueret comment elle est utilisée en fonctiondes supports - graffitis, publicités,enseignes de restaurant - et des régionslinguistiques. Un volume incontournablepour les passionnés de typo. CCSLa CatastropheAlbertineÉditions Art3PlotsMichael GünzburgerÉdition Patrick FreyDe aedibusCharles PictetQuart VerlagReal StoriesHannes SchmidJRP|RingierL’artiste et illustratrice <strong>suisse</strong> Albertineaime les livres. Elle est l’auteur de livrespour enfants, d’une bande dessinée,de publications érotiques, maisaussi médicales. La Catastrophe estson premier livre d’artiste produità l’occasion de l’exposition Au cœurde la forêt, présentée au <strong>Centre</strong> d’artcontemporain de Valence, Art3,au début de cette année. <strong>Le</strong>s dessinsde cet ouvrage montrent les gensfuyant des agglomérations sousla pression d’un danger apparemmentimminent mais qui n’est jamais visible,toujours suggéré. <strong>Le</strong> résultat permetde mettre en évidence à la foisle côté impersonnel de certaines zonespériphériques de nos villes, ainsi quela détresse et la solitude que ces mêmeszones peuvent générer. CCSPour l’artiste Michael Günzburger,tout découle du dessin. Dans ce grandformat, il a recueilli de nombreuseset variées sources d’inspiration – photosde couchers de soleil, d’éprouvettes,peintures abstraites ou murales,croquis au feutre, dessins à l’aquarelle,illustrations, etc. Avec les instructionssimples de l’écrivain musicienRaphael Urweider, le lecteur est invitéà faire ses propres œuvres, installationsou sculptures. Souvent présenté avecun humour pince-sans-rire, ce guidede la créativité pas à pas etde divers modes d’auto-expressionest à la fois léger et grave, maisle lecteur y prend beaucoup de plaisir.CCSLa publication De aedibus estune référence dans le monde del’architecture. Ses couvertures marron,mais surtout son contenu superbementmis en page, permettent aux férusd’architecture d’apprécier pleinementle travail d’un architecte. Pource numéro 47, c’est Charles Pictet quiest à l’honneur. À travers les dix projetsprésentés, on découvre des réalisationsaux lignes épurées et angulaires– les angles arrondis n’ont pas de placedans les réalisations de Charles Pictet -,et un mariage parfaitement maîtriséentre la lumière et les matériaux utiliséscomme le bois, le béton ou encorela brique. Cette finesse minimaliste desvolumes a permis à l’architectegenevois de cumuler les distinctionsprestigieuses au fil des ans. CCSSouvenez-vous de cette campagnepublicitaire pour une marquede cigarettes, mettant en scènedes cowboys et sublimant la virilité.L’auteur de ces images n’est autrequ’Hannes Schmid, photographe <strong>suisse</strong>parmi les plus talentueux de son temps.<strong>Le</strong> livre Real Stories, comme l’expositiondu même nom au Kunstmuseumde Berne, rassemble les différents projetsdu photographe : des mises en scènede pilotes de formule 1 aux reportagessur des ethnies en Papouasie-Nouvelle-Guinée, des fameux portraits de rockstarsà ceux de handicapés anonymes,en passant par ses séries sur les acteursd’un opéra de rue à Singapour ousur des pèlerins en Inde. À noter quel’artiste réalise désormais ses scènesde cowboys en peinture. CCS


mai-juillet 2013 / le phare n° 14 / MADE IN CH • 35L’actualité éditoriale <strong>suisse</strong> / ArtsLibrairiedu CCSLa ville ouest – africaineJérôme ChenalMétisPressesChez Soi / ZuhauseSarah Hildebrandart&fictionMa Bice Bolje / It’ll get betterGoran Galic et Gian Reto GredigKodoji PressBuildingsBuchner Bründlergta VerlagCroissance rapide, villes ingérables,crise urbaine, macrocéphalies : les villesd’Afrique de l’Ouest ne seraient plusplanifiables, du moins pas avec lesinstruments classiques de l’urbanisme.Cet ouvrage est consacré à ces villes,grandes oubliées de la mondialisationurbanistique, tenues loin des projecteursbraqués sur Dubaï, Shanghai et autresconsœurs uniformisées. En s’intéressantà l’histoire de la ville, aux plans,et à leurs tendances, en interrogeantla rue par l’œil photographique, ce livredégage de ce chaos africain les lignesd’un urbanisme original. Il nousrend également attentif au passéet à ses vestiges comme aux réalitéslocales présentes. Une occasionde repenser la planification urbaine.CCS<strong>Le</strong> « chez-soi » est devenu un conceptqui fait vendre. Essor sans précédentdes magasins de décoration,accumulation des émissions de téléréalitéfilmant des personnes chez elles,dans l’intimité de leur quotidien…La dimension publique pénètre dansla sphère privée. Avec ce livre, l’artisteSarah Hildebrand choisit de renoueravec un traitement intimiste du chez-soi,comme la notion « maison de l’être »de Gaston Bachelard. Au pavillonde banlieue répondant au rêve que l’onnous vend, elle préfère explorerla notion de l’habitat à partir du corps,des mots, des couleurs et des odeurs.Entre dessins et écrits, elle se forgeune intimité personnelle, faite de récits,de voyages, de souvenirs et d’excursionsdans des maisons étrangères. CCSPour leur nouvelle et quatrièmepublication, le duo d’artistes composédu photographe Goran Galicet de l’anthropologue Gian Reto Gredigexplore les antagonismes et lesallégeances changeantes qui affectentl’identité nationale. Pour ce faire,ils se sont rendus dans le pays dont estoriginaire Goran Galic, la Bosnie, paysébranlé par la guerre (1992-1995) et quipeine encore à s’en relever. <strong>Le</strong>s imagessont aussi belles que troublantes.Portraits, paysages meurtris, maisonsportant encore les stigmates de la guerreou scènes de la vie quotidienne, avecen fond le titre du livre comme un espoirincertain. L’ouvrage est accompagnéd’une carte de Bosnie où les auteursrépertorient les lieux afin de pouvoirsuivre leur trace au fil des images. CCSVoici une belle monographie du bureaud’architectes de Bâle, adepted’une architecture épurée, aux lignesdroites ou arrondies, commedans les membranes ajouréesd’une villa, d’un centre communautaireou d’un immeuble résidentiel. <strong>Le</strong>urréalisation la plus médiatisée restele Swiss Pavilion de la World Expo 2010à Shanghai, grappe de bâtimentscirculaires pénétrée par un télésiège.Et leur projet le plus accessibleest l’auberge de jeunesse de Bâle, qui,entre les arbres et le Rhin, offrentdes espaces clairs et conviviauxaux touristes, tout en affirmant la rigueurd’une esthétique minimale. BuchnerBründler excellent dans l’usagedu béton, qu’ils utilisent parfois jusquedans des éléments de mobilier. CCSÇa prendFabienne RadiÉditions MamcoL’artiste Fabienne Radi nous offreun ovni littéraire. Ça prend estune magnifique pause jouissive dansles lectures moribondes quotidiennesque nous pouvons avoir. <strong>Le</strong> livreréunit des textes écrits durantles dix dernières années (chroniques,articles, contributions à des revues,articles de magazines…) qui parlentde choses et d’autres ayant traità l’art mais pas seulement. Au fildes chapitres, le lecteur trouvedes réponses à des questions loind’être existentielles, mais que l’onpeut légitimement se poser : pourquoiun cowboy donne-t-il toujoursl’impression d’être à cheval mêmequand il ne l’est pas ? Ça prend estun livre sérieux qui se lit avecune certaine légèreté. CCSConcrete – Photographyand Architecture Daniela Janser,Thomas Seelig et Urs StahelScheidegger & Spiess<strong>Le</strong>s domaines de la photographie etde l’architecture sont depuis longtempsétroitement liés et ce livre en fait unedémonstration originale et remarquable.<strong>Le</strong> premier chapitre de Concrete –Photography and Architecture rassemblearchives, utopies et projets d’artistes,et sonne comme un manifeste :de Talbot à Koolhaas. <strong>Le</strong>s autres sectionspermettent ensuite d’échafauderune pensée entre Sigfried Giedion,les Becher, les thermes de Vals de PeterZumthor et jusqu’à Walter Niedermayr.Ouvrage érudit par ses textes autantque mine d’or iconographique, cettesomme de 440 pages et 200 illustrationstente de répondre à la question :comment une image peut-elle rendrel’architecture vivante ? CCSArchitecture concepts– Red is not a colorBernard TschumiRizzoliUn pavé. Difficile de définir autrementce livre. Mais était-il possible de faireautrement concernant un livre surBernard Tschumi, l’un des architectes<strong>suisse</strong>s les plus réputés ? <strong>Le</strong>s 776 pagesde cet ouvrage regroupent toutce qui touche au travail de l’architectequi a pensé le parc de la Villetteen 1982 : photographies, sourcesd’inspiration, recherches, bâtimentsréalisés (Musée de l’Acropoleà Athènes, le Fresnoy-Studio nationaldes arts contemporains à Tourcoing…)ou ceux encore en projet. <strong>Le</strong> livreest conçu de manière à ce que chacun,du novice au spécialiste, puissele feuilleter et le lire par plusieurs bouts,sans être perdu et sans être obligéde suivre la chronologie. CCSAmursBearth & Deplazesgta VerlagFondé en 1988, le bureau Bearth& Deplazes est notamment réputé grâceau projet de la fameuse nouvelle cabanedu Mont Rose, bijou technologiqueérigé en 2010 à 2 883 m d’altitude faceau Cervin, et fruit d’une collaborationinédite entre Andrea Deplazes etdes étudiants de l’École polytechniquefédérale de Zurich où il enseigne.Amurs, paru à l’occasion de leurexposition à l’ETH Zurich, présenteune sélection de 18 réalisations du duod’architectes. Ainsi, on redécouvrele siège social de la compagnied’assurance ÖKK dans les Grisonsou l’impressionnant toit de la salled’audience du tribunal pénal fédéralà Bellinzone, mis en valeur dans unemise en pages d’images grand format.En anglais et en allemand. CCS


36 • MADE IN CH / le phare n° 13 / février-avril 2013Librairiedu CCSL’actualité éditoriale <strong>suisse</strong> / Littérature<strong>Le</strong>ttres de 1897 à 1949Robert WalserZoé, 464 p.Esquisses pour un troisième JournalMax FrischGrasset, 254 p.La publication des lettres de RobertWalser vient contredire le clichédu promeneur solitaire, à l’écartdu monde, coupé de la réalité.Il écrivait beaucoup, à toutes sortesde correspondants, dans des registrestrès différents : les 266 lettres, choisieset annotées par Peter Utz et MarionGraf (qui les a traduites), révèlentune parfaite connaissance des codesen vigueur. Une bonne partie a traità sa vie professionnelle : c’estun document passionnant sur le statutde l’écrivain, Walser gagne sa vieen publiant de petites proses dansle « feuilleton » des journaux allemands.Il doit se faire « le commis de sa propreentreprise littéraire », placer ses écrits,réclamer ses honoraires. Il n’est pastoujours adroit dans sa sincéritéabrupte. « C’est parfois quelque chosede détestable, ce besoin de devoirproduire. Il y a toujours un “devoir”,jamais un “vouloir”, se plaint-il.Il se montre très conscient de la valeurde son travail. Un grand nombrede lettres s’adressent à des amiesfemmes – surtout à la fidèle FriedaMermet, qui ne cessa de lui envoyerdes provisions et des vêtements.Avec elle, comme avec d’autres dames,le ton est souvent badin : « Adieu,recevez les cordiales salutationsde votre très vieux, de votre très inutile,ou même de votre inutilisable misogyne,cannibale et célibataire Untel, voussavez bien comment il s’appelle. »<strong>Le</strong>s amoureux toujours plus nombreuxde l’écrivain retrouveront l’humoursingulier de Robert Walser. Isabelle RüfSi on se souvient aujourd’hui surtoutde son théâtre – Andorra, MonsieurBonhomme et les incendiaires –, MaxFrisch était un grand diariste. Gallimarda publié deux volumes de son Journal– 1946-1949 et 1966-1971 –, et lesÉditions Cent pages en ont extrait onzequestionnaires drôles et dérangeantsdans un volume vite épuisé. En 2010,vingt ans après la mort de l’auteur,la publication par Suhrkamp desEsquisses pour un troisième iournaldéclencha la polémique. Fallait-ilpublier ces notes d’un homme hantépar la finitude, embarqué dansune histoire d’amour chancelanteavec Alice, la jeune Américaine, déjàprésente dans Montauk ? Frischlui-même en avait détruit le manuscrit.Pour le critique Peter von Matt, quia édité et postfacé le tapuscrit retrouvé,c’est un document précieux. Au débutdes années 1980, l’écrivain observele monde avec pessimisme.Qu’il séjourne dans son loft newyorkaisou dans sa maison du Tessin,il s’inquiète de la menace atomique.Son antiaméricanisme irrite son amieet le journal s’achève sur leur rupture.Frisch s’interroge sur ses rapportsavec les femmes et sur son paternalisme.L’âge lui pèse. Il rêve d’une maisonoù finir ses jours dans une solitudepeuplée de visites amicales, maisse reproche son incapacité à aimer.La fin stoïque d’un ami le bouleverseet le renvoie à ses angoisses.Malgré sa noirceur, ce dernier journalest un document qu’il valait la peinede publier. IRl’écrivain<strong>suisse</strong>allemandromanjean-pierre rochatL’Écrivain Suisse allemandJean-Pierre RochatÉditions d’autre part, 140 p.La Cervelle omnibusJean-Marc LovayZoé, 100 p.<strong>Le</strong>s Saisons indisciplinéesHenri RoordaAllia, 448 p.LarsenJean-Jacques BonvinAllia, 78 p.Paysan, éleveur de chevaux dans le Jura<strong>suisse</strong>, Jean-Pierre Rochat consacreles nuits et les aubes à la lectureet à l’écriture. Sept livres témoignentde cette passion. L’écrivain <strong>suisse</strong>allemand est une fiction réjouissante,une mise en abyme truculente.Un auteur nobélisable, mondialementconnu, a planté sa caravane surle terrain du narrateur. Sa mort brutaleet son enterrement solennel entraînentles souvenirs de cette étrange amitiéentre le voyageur aux nombreusescompagnes et le paysan attachéà la terre, deux variétés de machosattachants. L’écriture à la machettede Jean-Pierre Rochat, tout en ruptures,est très efficace, avec ses multiplesregistres, sa sensualité exubéranteet son humour énergique. IRL’univers halluciné de Jean-Marc Lovayest radicalement autre, on y entreen abdiquant la raison ordinaire pourretourner dans un temps où lesinsectes, les plantes, la terre et le cielétaient des interlocuteurs impitoyablespour l’homme. Ceux qui subissentdéjà la fascination de cette écritureabsolument singulière retrouveront,dans les proses poétiques de La Cervelleomnibus, la radicale étrangetéqui séduisit Pascal Quignard quandGallimard publia en 1976 <strong>Le</strong>s Régionscéréalières, premier roman de l’écrivainvalaisan. <strong>Le</strong>s courts textes, publiésen 1979, épuisés depuis longtemps,relus et augmentés par l’auteur, offrentune porte d’entrée idéale à une œuvresonore, visuelle, onirique, qui échappeà toutes les définitions. IR« Puisque la vie est courte, les livresdevraient être minces », pensait l’incisifHenri Roorda (1870-1925). Filsd’un anarchiste néerlandais expulsédes colonies, il adopta les opinionsde son père. Professeur demathématiques adoré de ses élèves,il exposa des vues très modernes surl’enseignement dans un pamphletvigoureux, <strong>Le</strong> pédagogue n’aime pasles enfants (1917). Son humour noiret son sens de l’absurde s’exerçaientdans des chroniques signées Balthazar,publiées dans les journaux romands.Allia a eu l’excellente idée de réuniren un volume ces perles toujoursd’actualité, dans leur joyeux désespoir.Dépressif, accablé de soucis d’argent,Roorda s’est ôté la vie en 1925, un actequ’il a expliqué dans Mon Suicide. IRAprès le road movie de Ballast,Jean-Jacques Bonvin retourneen Californie : une visite à Larsen dansune petite communauté passablementcabossée, des êtres perdus dansleurs brumes. Larsen a trouvé refugeau bord de l’océan, laissant sur le vieuxcontinent un passé encombrant. Il faitet défait, bricole les voitures, les routes,les maisons, cherchant obscurémentle pourquoi des choses. Autour de lui,sa tribu trie la sinsemilla en consommanttoutes sortes de substances.Sur le divan, un pitbull bave. <strong>Le</strong> narrateurlit Bolaño, médite sur les imagesde la guerre de Sécession. Lui aussia ses zones obscures dont nousne saurons rien. Quelques jours dansl’ombre des séquoias : un petit filmelliptique, attachant. IR


mai-juillet 2013 / le phare n° 14 / MADE IN CH • 37L’actualité éditoriale <strong>suisse</strong> / LittératureLibrairiedu CCSGloriaPascale KramerFlammarion, 156 p.La Plume de l’oursCarole AllamandStock, 394 p.De roman en roman, Pascale Kramerconfirme une maîtrise remarquable desatmosphères troubles ; elle sait fairevivre des personnages déboussolés,incapables d’analyser et d’exprimerleurs sentiments, souvent au bordde la marginalité. <strong>Le</strong> talentde la romancière, c’est de trouverles gestes, les signes, les lieuxqui expriment ce désarroi au-delàdu discours. À travers le langage descorps, elle laisse deviner des arrièrepaysinquiétants. En rôle-titre de Gloria,Pascale Kramer a mis une jeune femmedéroutante. On la croirait volontiersvictime de la société, mais ellese révèle étonnamment habile à jouerde ceux qui tentent de l’aider à sortirdes situations scabreuses qu’elle laisses’installer. La véritable victime, c’est,découvre-t-on, Michel, un travailleursocial qui s’acharne à aider Gloria.Elle risque de se faire ôter la gardede la petite Naïs qu’elle a eueavec un ouvrier algérien plus âgé qu’elleet qu’elle maltraite. La figurede cet homme privé de parole, séparéde ses origines, est particulièrementfrappante. Michel, lui, a perduson travail à la suite de rumeurs d’abus,il est lui-même en mauvaise posturemais il ne peut s’empêcher de revenirà Gloria qui le manipule, commeelle manipule tous ceux qui prétendentla régenter. Quelle violence risque-t-ond’exercer quand on veut, au nomdu bon droit ou de la morale, réglerla vie des gens ? Pascale Kramer montrecette ambiguïté avec une grandeéconomie de moyens. IRLa Plume de l’ours a manqué des’intituler « La Vérité sur Camille Duval » !Et comme ce premier roman empruntela forme d’une enquête sur un grandécrivain mystérieusement disparuaux États-Unis, on pense au best-sellerde Joël Dicker ! Mais la tonalitéde ce « roman de campus » est biendifférente, plus ironique dans la peinturedes milieux littéraires, plus lyriquequand il évoque le monde animal.Camille Duval, le héros, s’est d’abordfait connaître par des romans anodins.Il connaît son premier succès avecun livre qui fait scandale dans son milieuétroit. Après la mort suspectede sa femme, il s’exile aux États-Unisavec sa fille. Il sombre alors dansun long silence qu’il rompt en publiantdès 1951 quelques œuvres radicalementnovatrices. Il meurt peu après, dansun état psychique fortement altéré.Un demi-siècle plus tard, une universitaire<strong>suisse</strong>, Carole Courvoisier, alter egode la romancière, part sur les tracesdu génial créateur du « pur roman ».Sa quête l’emmène du monde feutrédes bibliothèques vers celuides institutions psychiatriques, puis dansune communauté mormone. En Alaska,une ourse vole la vedette du romanau mystérieux « dormeur Duval » :métaphore de l’écrivain, elle représentenotre partie animale trop oubliée. Il y abeaucoup d’humour dans cette satiredu monde universitaire et de la poésieaussi dans l’évocation du Grand Nord.Née à Genève, Carole Allamand enseignedans une université américaine, elle peintdonc avec talent sur le motif ! IRANNE CUNEOLa Tempête des heuresRoman«{…} Je suis là, mes dents cassées sont réparéesou presque, je fais le métier que j’aime, j’aifemme et depuis quelque temps enfant. Et je medemande, plus souvent qu’à mon tour: pourquoi?Pourquoi moi? Ai-je le droit d’être heureuxalors que mes camarades de Börgermoorcrèvent à la tâche?»Un silence qui se prolonge. Personne nebouge. Puis Langhoff reprend:«Je me dis que nous sommes une partie dufront, de la résistance contre le fascisme. Quenous n’avons pas le droit de baisser les bras. Quenous devons à tous ceux que nous avons laissésderrière nous, vivants et morts, de défendre l’humaincontre l’inhumain, d’œuvrer au triomphede l’esprit sur la force brute.» Il pose sa main surma tête. «Je suis sûr que ta famille serait trèsheureuse de te voir épouser Nathan, et nous, quila représentons ici, sommes heureux avec vous.»Il se lève, se dirige vers la porte.«Renate est déjà couchée, mais elle t’a toutpréparé. Tu vas devoir dormir dans la mêmepièce que Thomas. Dans le même cagibi,devrais-je dire. S’il te dérange, tu nous l’amènes.Mais d’habitude il dort comme un ange.»«Quel âge a-t-il?», ma voix ressemble àune poulie rouillée.«Il va avoir deux ans. Il sera très heureux detrouver une demoiselle dans sa chambre en seréveillant…»« … et je serai horriblement jaloux »,enchaîne Nathan d’une voix enjouée.Rires.Nathan me pose un dernier baiser dans lescheveux, et je pénètre dans la pièce sur la pointedes pieds.ANNE CUNEO LA TEMPÊTE DES HEURESANNE CUNEOLa Tempête des heuresromanB ERNARD C AMPICHE E DITEURAnne Cuneo est née à Paris de parents italiens et vit en Suisse. Elle estjournaliste d’actualité et cinéaste. Elle est l’auteur de récits autobiographiques,de textes dramatiques et de romans dans les genres les plusdivers. Elle a reçu de nombreux prix, dont le Prix des libraires et lePrix Schiller pour l’ensemble de son œuvre. Ses ouvrages, traduits dansplusieurs langues, sont des succès de librairie.La grande peur des Suisses en 1940 et le rôle duSchauspielhaus de Zurich pendant ces quelques semainespresque oubliées méritaient d’être rappelés.On a beau dire que «jamais Hitler n’aurait envahi laSuisse», pendant la guerre cela n’était pas évident pourl’homme et la femme de la rue.La Tempête des heures raconte, par la voix d’une jeune réfugiéejuive, les journées trépidantes de 1940 où la population afait face avec dignité tout en s’attendant au pire, vues à traversle microcosme d’une troupe de théâtre composée de comédiensréfugiés, condamnés à mort par les nazis; tout en travaillantavec acharnement à une nouvelle mise en scène du Faust deGoethe, ils se préparent à mourir si la Suisse était envahie. Unroman d’amour, une profession de foi pour la culture, unhymne à la force des idées.Photo de couverture: Richard Schweizer,« Wolfgang Langhoff et Hortense Raky dans Faust I.Décor Téo Otto, mise en scène <strong>Le</strong>opold Lindtberg, 1940 ». ExtraitStadtarchiv Zürich, cote VII 200, archives du Schauspielhaus© <strong>Le</strong>s droits de Richard Schweizer sont représentés par SuissimageISBN 978-2-88241-326-0Photo © Philippe Pache<strong>Le</strong>s MenschNicolas CouchepinSeuil, 212 p.45-12, retour à AravacaAlexandre Friederichart&fiction, coll. Re:Pacific, 106 p.La Tempête des heuresAnne CuneoCampiche, 296 p.J’aime ce qui vacilleRose-Marie PagnardZoé, 224 p.Très étrange, l’atmosphère qui règnechez les Mensch ! Quel secret estenfoui dans la cave emplie de terre,cette terre si bonne à manger ?Simon, enfant handicapé, s’en empiffre.Tour à tour, les membres de la familleexpriment leurs obsessions, chacunselon ses moyens – père, mère,fils et fille et ce Simon si dérangeant,la voisine et même un alter egode l’auteur. Des post-it de la mèreaux dépêches d’agence classéespar le père, à chacun sa névrose.Même la maison d’à côté semble reliéeà ce réseau inextricable. L’enfermementprogressif des Mensch rappelle celuides habitants de Home, film d’une autreSuissesse, Ursula Meier. Eux aussitrouveront une solution fantasmatiqueà leurs secrets de famille. IRÀ Madrid, Alexandre Friedericha commencé à tenir son journal, surle conseil de son professeur. Il n’a pluscessé. Aujourd’hui, il le publie surInternet à l’adressejournaldinconsistance.blogspot.com.Des quelque dix mille pages noirciesde 12 à 45 ans, Friederich a extraitun parcours biographique à reculons.<strong>Le</strong>s ruptures précèdent les rencontres ;l’auteur rajeunit ; les maisons défaitesse reconstruisent. Il y en a dix-sept,autant de haltes dans une vie nomade :squats genevois, résidencesd’ambassade à Budapest ou La Havane(chez le père), fermes retapées çà et là.Elles figurent en photographies dansce bel ouvrage qui inaugure Re:Pacific,une collection alliant mots et images,« art et fiction ». IRPendant la guerre, le Schauspielhausde Zurich est devenu un pharede la scène de langue allemande.<strong>Le</strong>s plus grands acteurs, juifs,communistes ou les deux, y trouvèrentrefuge. « Un théâtre où se trouventréunis les équivalents allemandsde Louis Jouvet, Jean Gabin, GretaGarbo, Jean Marais, Michel Simon, ClarkGable, Arletty, j’en passe et des pluscélèbres », s’émerveillait LudmillaPitoëff. Maria Becker, Therese Giehse,Wolfgang Langhoff, le père du metteuren scène Matthias Langhoff, ontmaintenu, grâce à la Suisse, l’honneurdu théâtre allemand. Dans un romantrès documenté, Anne Cuneo retracecet épisode un peu oublié en suivantl’exode d’une petite réfugiée polonaise,issue du théâtre yiddish. IRIllmar et Sigui se sont perdusdans « les eaux noires du malheur » :leur fille unique est morte au termed’une longue dérive. <strong>Le</strong> chagrinles sépare, ils errent au bord de la folie.Pour tenter de survivre, Illmar, peintreet costumier, décide de donner une fête,à l’indignation de sa femme. Ce sursautleur permettra pourtant d’ouvrirles yeux sur le monde qui les entoure,les heurs et malheurs de leurs voisins.La fête devient un rituel d’exorcismequi dissipe la culpabilité et la tristesse.<strong>Le</strong> réalisme très cru des souvenirsest transcendé par la beauté et la poésiedes images. Très loin du témoignage,J’aime ce qui vacille est une œuvrelittéraire chatoyante, un livrede réconciliation, le plus accomplide la romancière. IR


38 • ça s’est passé au <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> / du 1 er février au 14 avril 2013© Marc Domage© Eduardo SerafinCONCERT / Rodolphe Burger & Olivier CadiotEXPOSITION / Marc Bauer, <strong>Le</strong> CollectionneurEXPOSITION / Basim Magdy, Confronting the Monster in a Monster CostumeEXPOSITION / Fabrice Gygi© CCS© Simon <strong>Le</strong>tellier © Marc Domage© Simon <strong>Le</strong>tellierarchitecture / Christ & GantenbeinCONCERT / Nik Bärtsch’s RoninCINéMA / Claude GorettaTHéÂTre / Lorenzo Malaguerra© Simon <strong>Le</strong>tellier © Simon <strong>Le</strong>tellier© CCS© Simon <strong>Le</strong>tellier© CCSGRAPHISME / Gavillet & Rustévénement / Valentin Carron et ses invitésTHéÂTre / Théâtre en Flammes


mai-juillet 2013 / le phare n° 14 • 39<strong>Le</strong> <strong>Phare</strong>Journal du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> de ParisTrois parutions par an<strong>Le</strong> tirage du 14 e numéro11000 exemplairesL’équipe du <strong>Phare</strong>Codirecteurs de la publication :Jean-Paul Felley et Olivier KaeserChargé de production de la publication :Simon <strong>Le</strong>tellierGraphistes : Jocelyne Fracheboud,assistée de Sophia MejdoubTraductrices : Katrin Saadé-Meyenberger,Daniela AlmansiPhotograveur : Printmodel, ParisImprimeur : Deckers&Snoeck, AnversContact32 et 38, rue des Francs-BourgeoisF — 75003 Paris+33 (0)1 42 71 44 50lephare@ccsparis.comCe journal est aussi disponible en pdfsur www.ccsparis.com/lephare© <strong>Le</strong> <strong>Phare</strong>, mai 2013ISSN 2101-8170Ont collaboré à ce numéroRédacteursAlexandre Caldara, Yann Chateigné, MireilleDescombes, Marie-Pierre Genecand, André VladimirHeiz, Olivier Horner, Marc Ismail, Serge Lachat,Roderic Mounir, Denis Pernet, Isabelle Rüf,Bertrand Tappolet, Rachel WithersPhotographesNicolas Bonstein, Cyrille Choupas, Nicolas Delaroche,Marc Domage, Ralph Gluch, Simon <strong>Le</strong>tellier, GunnarMeier, Sam Nightingale, Carole Parodi, Tom de Peyret,Eric Rossier, Dorothée Thébert, Annik WetterIllustrateurFrédéric PajakInsert d’artiste : Raphael HeftiNé en 1978 à Bienne, vit à Zurich et Londres.Raphael Hefti consacre son travail à expérimenterce qui se trouve au-delà du visible. Il explore leslimites des matériaux et des techniques existantespour réaliser de nouveaux objets.Il utilise aussi les accidents dans les processusde fabrication. Son insert pour <strong>Le</strong> <strong>Phare</strong> se réfèreà un projet performatif réalisé sans public dansle salon d’art contemporain SALTS à Bâle en 2012.Association des amisdu <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> de ParisCette association contribue au développementet au rayonnement du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> de Paris,tant en France qu’à l’étranger. Elle vise aussià entretenir des liens vivants et durables avec tousceux qui font et aiment la vie <strong>culturel</strong>le <strong>suisse</strong>.<strong>Le</strong>s avantagesEntrée gratuite aux activités organisées par le CCS.Tarifs préférentiels sur les publications.Envoi postal du <strong>Phare</strong>, journal du CCS.Voyages de l’association : en 2013 à la Biennale de Venise.Catégories d’adhésionCercle de soutien : 50 €Cercle des bienfaiteurs : 150 €Cercle des donateurs : 500 €Association des amis du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>c/o <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>32, rue des Francs-BourgeoisF — 75003 Parislesamisduccsp@bluewin.chwww.ccsparis.comAdhérez !<strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> de ParisAvant-goût de la prochaine programmationExpositions / salle de spectacles38, rue des Francs-Bourgeois 75003 Parisdu mardi au dimanche : 13 h - 19 hVenez à la librairie32, rue des Francs-Bourgeois 75003 Parisdu mardi au vendredi : 10 h - 18 hsamedi et dimanche : 13 h - 19 hLa librairie du CCS propose une sélectionpointue d’ouvrages d’artistes et d’éditeurs<strong>suisse</strong>s dans les domaines du graphisme,de l’architecture, de l’art contemporain,de la photographie, de la littératureet de la jeunesse. <strong>Le</strong>s livres, disques et DVDprésentés dans nos pages MADE IN CHy sont disponibles.Renseignements / réservationsccs@ccsparis.comT +33 (0)1 42 71 95 70du mardi au dimanche : 13 h - 19 hTarifs soirées : entre 5 et 12 €Expositions, tables rondes, conférences :entrée libreRestez informésProgramme : le programme détaillé du CCSde même que de nombreux podcasts(interviews et enregistrements de soirées)sont disponibles sur www.ccsparis.comNewsletter mensuelle :inscription sur www.ccsparis.comou newsletter@ccsparis.com<strong>Le</strong> CCS est sur Facebook.L’équipe du CCSCodirection : Jean-Paul Felley et Olivier KaeserAdministration : Katrin Saadé-MeyenbergerCommunication : Aurélie GarzuelProduction : Celya LarréProduction <strong>Le</strong> <strong>Phare</strong> : Simon <strong>Le</strong>tellierTechnique : Kevin Desert et Antoine CamuzetLibrairie : Emmanuelle Brom, Andrea Heller,Dominique Koch et Constance DartencetAccueil : Amélie Gaulier et Manon BesseChanel / Peugeot, AD magazine, avril 2013. © Delphine ReistDu 14 septembre au 22 décembre 2013ExpositionsDelphine Reist, exposition personnelleet édition d’un livreDans La pièce sur cour :Florian Germann, Catherine Ceresole,Augustin Rebetez, trois expositions personnellesThéâtre / DanseCie un tour de Suisse,être un bâtiment à la Fondation SuisseCie Alexandre Doublet, Il n’y a que les chansonsde variétés qui disent la véritéCie Philippe Saire, création 2013Foofwa d’Imobilité, Histoires condanséesEugénie Rebetez, EncoreCinémaAperçu du Festival de Locarno 2013Christophe Cupelin, Capitaine Thomas SankaraCarte blanche à Ursula Meier,avec John Parish et Antoine JaccoudConcertsCarte blanche au Festival Kilbi Bad BonnConférence d’architecture<strong>Le</strong> musée international de la Croix-Rougeet du Croissant-Rouge à Genèvedans le cycle Musées <strong>suisse</strong>s / Nouvelles architecturesfondation <strong>suisse</strong> pour la cultureLa Fondation Pro Helvetia soutient la culture <strong>suisse</strong> et favorise sa diffusion en Suisse et dans le monde.Partenaires médiaPartenaires et soutiensSoutien à l'exposition de Claudia Comte


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