Séquence Humanisme et <strong>Renaissance</strong>Document complémentaire510152025303540De quel front, de quel œil, ô siècles inconstants !Pourront-ils 1 regarder l’histoire de ce temps !En lisant que l’honneur, et le sceptre de FranceQui depuis si long âge avait pris accroissance 2 ,Par une Opinion nourrice des combats,Comme une grande roche, est bronché contre bas 3 .On dit que Jupiter, fâché contre la raceDes hommes, qui voulaient par curieuse audaceEnvoyer leurs raisons jusqu’au Ciel pour savoirLes hauts secrets divins que l’homme ne doit voir,Un jour étant gaillard 4 choisit pour son amieDame Présomption 5 , la voyant endormieAu pied du mon Olympe, et la baisant soudainConçut l’Opinion, peste du genre humain.Cuider 6 en fut nourrice, et fut mise à l’écoleD’orgueil, de fantaisie, et de jeunesse folle.Elle fut si enflée, et si pleine d’erreurQue même à ses parents elle faisait horreur.Elle avait le regard d’une orgueilleuse bête.De vent et de fumée était pleine sa tête.Son cœur était couvé de vaine 7 affection,Et sous un pauvre habit cachait l’ambition.Son visage était beau comme d’une SirèneD’une parole douce avait la bouche pleine.Légère elle portait des ailes sur le dos :Ses jambes et ses pieds n’étaient de chair ni d’os,Ils étaient faits de laine, et de coton bien tendreAfin qu’à son marcher on ne la put entendre.Elle vint se loger par étranges moyensDedans le cabinet des Théologiens 8 ,De ces nouveaux Rabbins 9 , et brouilla leurs courages 10Par la diversité de cent nouveaux passages,Afin de les punir d’être trop curieuxEt d’avoir échellé 11 comme Géants les cieux. […]Ce monstre arme le fils contre son propre père,Et le frère (ô malheur) arme contre son frère,La sœur contre la sœur, et les cousins germainsAu sang de leurs cousins veulent tremper leurs mains,L’oncle fuit son neveu, le serviteur son maître,La femme ne veut plus son mari reconnaître.Les enfants sans raison disputent de la foi,Et tout à l’abandon va sans ordre et sans loi.Pierre de Ronsard, Discours des misères de ce temps, 1562, vers 155 à 196.1 Les enfants des générations futures qui liront l’histoire de France.2 Le pouvoir royal s’est affermi tout au long du XVIème siècle.3 Tombé à terre.4 Galant.5 Préjugé, qui condamne sans preuve.6 Croyance.7 Futile, superficielle.8 En particulier, Calvin et Luther.9 Prêtres de la religion juive.10 Découragea.11 Tenté de monter jusqu’aux cieux.
Séquence Humanisme et <strong>Renaissance</strong>Document complémentaireLe lundi, dix-huitième jour du mois d’août 1572, il y avait grande fête au Louvre.Les fenêtres de la vieille demeure royale, ordinairement si sombres, étaient ardemmentéclairées ; les places et les rues attenantes, habituellement si solitaires dès que neuf heuressonnaient à Saint-Germain-l’Auxerrois 1 , étaient, quoiqu’il fût minuit, encombrées depopulaire.Tout ce concours menaçant, pressé, bruyant, ressemblait, dans l’obscurité, à une mersombre et houleuse dont chaque flot faisait une vague grondante ; cette mer, épandue sur lequai, où elle se dégorgeait par la rue des Fossés-Saint-Germain et par la rue de l’Astruce,venait battre de son flux le pied des murs du Louvre et de son reflux la base de l’hôtel deBourbon qui s’élevait en face.Il y avait, malgré la fête royale, et même peut-être à cause de la fête royale, quelquechose de menaçant dans ce peuple ; car il ne se doutait pas que cette solennité, à laquelle ilassistait comme spectateur, n’était que le prélude d’une autre remise à huitaine, et à laquelle ilserait convié et s’ébattrait de tout son cœur.La cour célébrait les noces de madame Marguerite de Valois, fille du roi Henri II et sœurdu roi Charles IX, avec Henri de Bourbon, roi de Navarre. En effet, le matin même, lecardinal de Bourbon avait uni les deux époux avec le cérémonial usité pour les noces desfilles de France, sur un théâtre dressé à la porte de Notre-Dame.Ce mariage avait étonné tout le monde et avait fort donné à songer à quelques-uns quivoyaient plus clair que les autres ; on comprenait peu le rapprochement de deux partis aussihaineux que l’étaient à cette heure le parti protestant et le parti catholique.Alexandre Dumas, La Reine Margot, 1845, incipit.1 L'église est associée au tragique épisode de la Saint-Barthélemy. Dans la nuit du 23 au 24 août 1572, son tocsinest réputé avoir sonné l'alarme dans la ville et déclenché le massacre des civils protestants.