Note de lecture rédigée par Jacques Crinon
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<strong>Note</strong> <strong>de</strong> <strong>lecture</strong>Titre :Pour enseigner et apprendre l’orthographeÉditeur : Delagrave, 1999Collection :Pédagogie et formationAuteure :Danièle CogisCette note <strong>de</strong> <strong>lecture</strong> rédigée <strong>par</strong> <strong>Jacques</strong> <strong>Crinon</strong> a été publiée dans le n°440 « Orthographe », enfévrier 2006. Le numéro peut être acheté en ligne :http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=2185Il est habituel aujourd’hui <strong>de</strong> ne publier à l’usage <strong>de</strong>s enseignants que <strong>de</strong>s livres brefs.L’ouvrage <strong>de</strong> Danièle Cogis est à cet égard à contre-courant et c’est heureux. Car elle nous proposeen 430 pages danses, mais écrites <strong>de</strong> manière limpi<strong>de</strong> et toujours accessible, une sommed’informations et un outil efficace, où rien n’est inutile.Danièle Cogis, qui est maître <strong>de</strong> conférences à l’IUFM <strong>de</strong> Paris, conduit <strong>de</strong>puis longtemps <strong>de</strong>srecherches en linguistique <strong>de</strong> l’acquisition sur la genèse <strong>de</strong>s connaissances orthographiques <strong>de</strong>s enfants ainsique sur la didactique <strong>de</strong> l’orthographe. Elle s’est forgé, à travers cette expérience, quelques convictionsfortes qui donnent son ossature intellectuelle à l’ouvrage. L’orthographe est une composante importante <strong>de</strong>la langue écrite et <strong>de</strong> son apprentissage ; son acquisition nécessite une attention constante, en situation, à laforme <strong>de</strong> ce qu’on écrit, même si écrire ne se réduit pas à orthographier, comme le montrent les pratiques<strong>de</strong> dictée à l’adulte. Mais maîtriser l’orthographe ne résulte pas d’une absorption passive <strong>de</strong>s formes. Lescripteur novice se construit un système cohérent <strong>de</strong> connaissances et <strong>de</strong> conceptions. Les erreursorthographiques ne sont pas toujours dues à <strong>de</strong>s ignorances, elles proviennent souvent <strong>de</strong> conceptions<strong>par</strong>tielles ou erronées qui font obstacle à l’apprentissage. C’est pourquoi apprendre l’orthographe ne va passans travail sur les représentations préalables. On connaît bien, <strong>de</strong>puis Bachelard, le rôle <strong>de</strong> ces obstaclesépistémologiques dans l’apprentissage et les didacticiens <strong>de</strong>s sciences ont amplement vulgarisé la notion.Ne donnons qu’un seul exemple <strong>de</strong> l’intérêt pour l’enseignant <strong>de</strong> travailler à <strong>par</strong>tir <strong>de</strong>sconceptions sous-jacentes <strong>de</strong>s élèves. La confusion est fréquente, chez les écoliers et encore au collège,entre les homophones grammaticaux on et ont. Confusion traitée tout long <strong>de</strong> la scolarité, <strong>de</strong> manièrerécurrente, comme une confusion entre un pronom et le verbe avoir. Les manuels abon<strong>de</strong>nt en leçons où, àl’instar du Bled, on fait remplacer on <strong>par</strong> l’homme et ont <strong>par</strong> avaient. Mais, quand on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aux élèves <strong>de</strong>réfléchir sur ce qu’ils ont écrit et <strong>de</strong> justifier une production, ceux-ci diront <strong>par</strong> exemple comme Céline (CE2) :« Ont l’appelai la Belle <strong>par</strong>ce qu’il y a plusieurs gens qui l’appellent la Belle, on met –nt, c’est le pluriel. » Laconfusion n’était pas là où on le croyait.Après un chapitre synthétique présentant l’orthographe française, une orthographe mixte quicombien et relie principe phonographique (transcrire l’oral), principe morphologique (famille <strong>de</strong> mots, règlesd’accord), principe distinctif (distinguer les homophones) et principe étymologique, une secon<strong>de</strong> <strong>par</strong>tie, pluslongue, <strong>de</strong> l’ouvrage est consacrée à l’acquisition <strong>de</strong> l’orthographe. Description fondée sur une sommed’observations qui mettent pour ainsi dire sous les yeux du lecteur l’évolution <strong>de</strong>s représentations <strong>de</strong>senfants. On voit ainsi, <strong>par</strong> exemple, comment se constituent les catégories grammaticales. Car le problème<strong>Note</strong> <strong>de</strong> <strong>lecture</strong> : Pour enseigner et apprendre l’orthographe Page 1 /2
n’est pas tant pour les élèves <strong>de</strong> savoir qu’il faut mettre un s au pluriel <strong>de</strong> l’adjectif que <strong>de</strong> repérer lesadjectifs. A <strong>par</strong>tir <strong>de</strong> quels traits, <strong>de</strong> quel « prototype » construisent-ils la classe abstraite <strong>de</strong>s adjectifs ? Lanotion <strong>de</strong> pluriel elle-même est une conquête cognitive. Absence d’abord <strong>de</strong> prise en compte <strong>de</strong> la variationen nombre, puis recours à une procédure morphosémantique où la notion <strong>de</strong> pluriel est confondue aveccelle du pluralité (<strong>de</strong> la nourritures : « j’ai mis un –s <strong>par</strong>ce qu’il y a en a plusieurs. »), enfin procéduremorphosyntaxique (« j’ai mis un –s <strong>par</strong>ce qu’il y a les <strong>de</strong>vant. »).La <strong>de</strong>rnière <strong>par</strong>tie <strong>de</strong> l’ouvrage est consacrée à la didactique. Elle se structure autour <strong>de</strong> troispistes <strong>de</strong> travail : Faire écrire <strong>de</strong>s textes : l’orthographe est intégrée à l’activité d’écriture. Outre les aspectscognitifs <strong>de</strong> cet apprentissage, et l’importance est soulignée <strong>de</strong>s synthèses et <strong>de</strong>s bilans à portéemétacognitive, celui-ci est aussi vigoureusement posé comme un apprentissage langagier, quiengage bien d’autres enjeux : « ai<strong>de</strong>r chacun à <strong>de</strong>venir un sujet écrivant reconnu », plutôt que <strong>de</strong>stigmatiser les difficultés. Faire découvrir le système orthographique dans sa cohérence à travers <strong>de</strong>s « chantiers »spécifiquement dédiés à ce but.Faire évoluer les conceptions orthographiques <strong>de</strong>s élèves, <strong>par</strong> <strong>de</strong>s pratiques comme « la phrasedictée du jour » ou « la phrase donnée du jour ». Propositions resituées dans le contexte pluslarge d’une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la langue fondée sur son observation réfléchie.Dans les passages qui explicitent les manières <strong>de</strong> mener les séances, se <strong>de</strong>ssinent avec clarté<strong>de</strong>s moyens pour éviter <strong>de</strong>ux écueils symétriques et fréquents : énoncer d’emblée le savoir visé etfaire comme si les connaissances étaient spontanées chez les élèves et qu’il suffisait <strong>de</strong> les interrogerpour mettre celles-ci à jour. Les connaissances sur la langue sont au contraire le résultat d’uneconstruction qui nécessite l’observation et la manipulation d’un corpus ainsi qu’un patient travail <strong>de</strong>transformation <strong>de</strong>s conceptions antérieures non pertinentes.Remercions donc l’auteur <strong>de</strong> ce livre magistral d’avoir su mettre à la disposition du plus grandnombre, <strong>de</strong> manière aussi claire, structurée et opérationnelle, un ensemble <strong>de</strong> recherches linguistiques etdidactiques qui n’avaient pas jusque là été rassemblées <strong>de</strong> cette manière.<strong>Note</strong> <strong>de</strong> <strong>lecture</strong> rédigée <strong>par</strong> <strong>Jacques</strong> <strong>Crinon</strong><strong>Note</strong> <strong>de</strong> <strong>lecture</strong> : Pour enseigner et apprendre l’orthographe Page 2 /2