11.07.2015 Views

Compte rendu formation persepolis.pdf

Compte rendu formation persepolis.pdf

Compte rendu formation persepolis.pdf

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

<strong>Compte</strong>-<strong>rendu</strong> de la <strong>formation</strong> sur Persépolis, M. Satrapi, V. ParonnaudIntervention de Erwan Cadoret, doctorant en cinéma et chargé de cours à Paris IIIAu Cinéma Le Bretagne à Quimper, le 8 février 2012IntroductionPersépolis est le résultat d’une réalisation à 4 mains : Vincent Paronnaud (auteur de BD etscénariste) et Marjane Satrapi (auteur de BD et co-réalisatrice de ce premier long-métrage).Ils ont depuis collaboré une nouvelle fois : Poulet aux prunes.Le film est représentatif d’un certain genre de BD en vogue actuellement : l’autofiction(mélange plus ou moins équilibré d’autobiographie et de fiction). Dans Persépolis, l’objectifest de raconter son enfance sous un angle subjectif. Il s’agit d’une autobiographie librementinterprétée par le sujet lui-même.A l’origine, Persépolis est une BD en 4 volumes (parue aux éditions L’Association entre 2000et 2003).La couverture du premier volume montre bien le lien visuel direct qui existe entre la BD et lefilm et prouve l’imagerie développée par Marjane Satrapi.1. La question de l’adaptation : passage de la BD à l’animationA. Un travail complexeL’adaptation cinématographique de la BD n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît en raison dedeux dimensions inexistantes dans la BD et qui sont indispensables dans l’animation :- le mouvement des images (ce qui implique un rythme et un travail de montage)- le son (le bruitage, les dialogues et la musique). L’utilisation des voix nécessitel’enregistrement en studio par des acteurs. A ce sujet, on remarquera le choix de 3


actrices : Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve et Danielle Darrieux quireprésentent à la fois 3 générations de femmes et 3 générations d’actrices.Plusieurs contraintes à l’adaptation sont à relever :- le contenu de la BD elle-même complique les choses. En effet, son découpagedramatique correspond à une logique interne qui ne relève en rien d’un découpagecinématographique classique (on note ainsi les nombreux flash-back…)- La BD contient à l’origine 4 volumes et chacun de ces volumes a la richesse suffisantepour faire l’objet d’un film d’une durée de 90 minutes. Pour des raisons de budget, il adonc fallu réunir ces 4 volumes en un seul film, trancher dans la matière de la BD et lacondenser. Pourtant, si ce travail force à des changements, le film parvient à faireressentir les 4 parties originales grâce notamment aux déplacements du personnage :Iran, Vienne, retour en Iran, Paris. Ce sont donc les déplacements qui permettent destructurer le film en 4 chapitres.- Le parti pris esthétique de Marjane Satrapi dont l’objectif était de traiter du réel sousune forme non réaliste. La réalisatrice a donc dû faire un choix. Il était difficilementconcevable de tourner ce film en images réelles. D’une part, la présence physique desacteurs aurait affadi la force esthétique. D’autre part, il aurait été impossible d’allertourner à Téhéran. L’animation restait donc le seul moyen pour transposer fidèlementla BD. Ce choix a d’abord une conséquence très simple : le tournage, au lieu de durer3 mois, va durer un an et demie.- Les réalisateurs ont choisi de faire leur film d’animation à l’ancienne, dans le style deDisney. Cela a nécessité des équipes importantes de dessinateurs et une opérationcomplexe, parce que compartimentée. Voici les étapes du travail effectué par l’équipeParonnaud/Satrapi : élaboration d’un story-board, croquis et dessins, traçage*,insertion des croquis dans le décor, ajout des éléments de la bande sonore.- Contraintes budgétaires.* traçage : consiste à ajouter un cerne noir autour des personnages pour leur donner duvolume et les détacher de l’arrière-plan.B. Les effets de la transpositionPlusieurs effets permettent de passer de la BD au film :- certaines scènes sont supprimées (parfois, Marjane Satrapi ne voulait pas revenir surcertaines scènes douloureuses).- Certaines ont été raccourcies. Ainsi, une scène de 10 ou 15 pages pouvait être réduite àquelques plans. Par exemple, le passage évoquant la dépression du personnage àVienne comporte des scènes de dialogues très importantes dans la BD, et devient dansle film plus rapide et dynamique. De la même manière, les déménagements del’héroïne, très détaillés dans le livre, sont traités dans une scène musicale où Marjanesaute de toit en toit. Il y a donc dans le passage de la BD au film une véritabledémarche cinématographique qui implique des infidélités faites au support d’originepour rendre les images plus fluides.- L’animation permet aussi d’ajouter ou de souligner des aspects de l’histoire. Il en estainsi de l’histoire du Chah, racontée en flash-back, sous l’angle d’une histoire pourenfants avec des miniatures perses. Les mouvements saccadés des corps et leurgestuelle font penser à un spectacle de marionnettes, montrant ainsi la visionvolontairement caricaturale des personnages qui ressemblent à des pantins. Cesmouvements saccadés n’ont pas qu’un sens comique : ce schématisme volontaire


montre bien le ridicule du Chah et l’absurdité de l’accession au pouvoir. L’esthétiquechoisie relève d’une dimension métaphorique.2. Conséquences du choix de l’animation sur la mise en scèneLa raison du choix du dessin et de l’animation répond à deux impératifs :A. Donner une coloration universelleCette volonté d’universalité passe par le schématisme du dessin et la simplification du décoret des figures humaines.- Le décor : sa forme est essentiellement cubique. Les bâtiments sont perpendiculaires,les fenêtres sont visualisées comme des rectangles noirs…Seule exception : la scène àVienne. Mais la vision de l’Iran et de la ville de Téhéran donne un sentimentd’uniformité. L’histoire se situe à Téhéran mais pourrait se passer partout ailleurs. Leszones de transit sont à leur tour autant de décors interchangeables : les aéroports deParis et de Téhéran. Les décors intérieurs quant à eux ne recèlent rien d’orientalisant.On ne relève dans le film que quelques marques d’appartenance à une époque :l’affiche de propagande anti-américaine et quelques minarets qui tranchent avec lesbâtiments carrés et inscrit le décor dans un pays musulman.


- Les figures humaines : les personnages les plus caractérisés sont Marjane et lesmembres de sa famille. Mais la représentation des autres personnages répond à unsouci d’uniformisation : têtes rondes, cernes noires autour des visages, quelques traitsseulement qui permettent de figurer l’être humain. Marjane Satrapi fait la distinctionentre les individus et les groupes. Les scènes de groupes sont ainsi traitées sous formede silhouettages et d’ombres sans visage.B. Traiter le réel de manière antiréalisteLe choix de l’animation permet de passer plus souplement des scènes réelles aux scènesoniriques. La dimension onirique est reprise selon certaines influences :- Les mille et une nuits : Persépolis reprend la structure narrative de ces textes parl’utilisation d’histoires qui s’imbriquent les unes dans les autres.- David B., Ascension du haut mal (œuvre d’autofiction en noir et blanc qui mêle leréalisme et l’onirisme et qui a fortement inspiré Marjane Satrapi).


- la gravure expressionniste (années 10-30) a donné des pistes esthétiques à MarjaneSatrapi.Tête de pêcheur, Emil Nolde


Pariser Häuser, Feininger, 1919Le choix du noir et blanc dans Persépolis ne relève pas seulement de l’envie d’évoquer lepassé et de servir le retour en arrière. Marjane Satrapi se joue des symboles liés à cescouleurs. Traditionnellement liés à deux idées contradictoires : le mal pour le noir et la puretépour le blanc, Persépolis reprend parfois ces valeurs mais n’hésite pas à leur donner unevaleur inverse. Ainsi, le noir peut évoquer le mal dans les habits des religieuses mais dénoteune valeur plus positive en se faisant couleur libératrice dans les cheveux noirs des femmes.De la même manière, le blanc, couleur du petit ami autrichien qui se conduit de manièrehonteuse a une connotation péjorative.3. Le rapport entre l’autofiction et l’HistoireA. Le minimalismeLe parti pris de Marjane Satrapi est celui du minimalisme : peu de dates sont évoquées et lesévénements politiques sont repris de manière schématique, à la limite de l’abstraction.L’utilisation du silhouettage va donc dans ce sens : elle permet d’évoquer des événementshistoriques sans apporter de dimension documentaire (scènes de guerre ou de révolutionislamique). C’est donc une manière détournée d’affronter l’Historie de son pays en refusantde l’évoquer de manière réaliste.Les silhouettes en guerre ont alors un impact émotif très fort en rendant les personnagesanonymes. La pudeur laisse ainsi place au voyeurisme.B. La dimension autobiographique

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!