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LE PARADOXE ALGÉRIEN - Jeune Afrique

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<strong>LE</strong> PLUSDE JEUNE AFRIQUE<strong>LE</strong> <strong>PARADOXE</strong>ALGÉRIENLe plan 2010-2014lancé parAbdelazizBouteflikabat des recordsentermesdʼinvestissements,etsurprend,àlʼheure où lesautrespayspréconisentparcimonieetrigueur budgétaire.Permettra-t-il de relancer la machine ?La nouvelle autorouteest-ouest, entre Alger etOran.


<strong>LE</strong> PLUS65<strong>LE</strong> PLUSDE JEUNE AFRIQUEPRÉLUDE<strong>LE</strong> <strong>PARADOXE</strong>ALGÉRIENPOLITIQUELesmille et un chantiersde Bouteflika III p. 66● Sonatrachversion 3.0 p. 68● Le programme2010-2014àlaloupe p. 69INTERVIEWSlim Othmani, présidentde NCA-Rouiba p. 70RÉF<strong>LE</strong>XIONPourquoiHanoi et KualaLumpur ontlaissé Algeràlatraîne p. 71CARNET DE ROUTESans arrêt jusquʼàla sortie p. 72ALGERPromenadedansune villehantée p. 74Direction: Danielle Ben Yahmedet Marwane Ben YahmedUn rêveMARWANE BEN YAHMEDRÊVONS UN PEU ETIMAGINONS ceque pourrait être l’Algérie dans trente ouquarante ans. Un pays qui assumerait enfin lerôle auquel son immense potentielle prédestinait. Ungéant du sud delaMéditerranée deprès de45millionsd’habitants, débarrassé des multiples pesanteurs qui ont longtemps ralentisa marche vers le progrès etledéveloppement. Celles héritées del’Histoire,d’abord. La génération de l’indépendance apassé depuis longtemps la main àla suivante, imprégnée du combat de ses aînés, certes, mais plus ouverte surl’avenir, moins sujette àdes sautes d’humeur et àdes accès defièvre, dans sesrapports avec la France notamment. Latransmission de témoin entre ces deuxgénérations s’est déroulée naturellement, pas assez vite au goût de certains,mais avec sérénité. Le temps afait son œuvre, et ces enfants de l’Algérie postindépendancesont eux-mêmes àlafindeleur chemin.Unenouvellegénération de dirigeants,politiquesetéconomiques,seprépare.Ils sont nés àlafindes années 1990, pendant les derniers feux deladécennienoire, et n’ont pas connu les tragédies qui ont marqué leurs prédécesseurs. Ilssont décomplexés, enrichis de multiples expériences internationales, ouvertssur lemonde sans pour autant renier leurs racines. Les Algériens del’extérieurreviennent enmasse dans un pays qu’ils peinent parfois àreconnaître.Pétrole etgaz ne pèsent plus que d’un poids relatif dans l’économie du pays,qui s’est largement diversifiée depuis le début des années 2020. L’Union duMaghreb arabe, renommée Union du Maghreb tout court, est devenue, enfin,une réalité. Les différends avec le Maroc, s’ils n’ont pas été entièrementaplanis, n’obèrent plus lacoopération économique et politique entre les deuxÉtats. Un véritable marché commun, de la Mauritanie àlaLibye, aété mis enplace depuis déjà une décennie, et la coopération entre cette entité nouvelle,l’Europe en général etsarive sud en particulier est devenue une réalité. Algerest, avec Tanger, unvéritable hub méditerranéen, demême qu’une porte versune <strong>Afrique</strong> subsaharienne enpleine expansion. L’initiative privée n’est plussujette àsuspicion,l’administration n’estplusunboulet, et créerune entreprisene relève plus du parcours du combattant.Cette nouvelle Algérie, malgré une âpre compétition politique interne, ressemblefort àune nation enfin réconciliée.Larevendication berbère,engrandepartie assouvie, appartient aux livres d’histoire. Leterrorisme adisparu, etl’islam, qui n’est plus utilisé àdes fins politiques, atrouvé saplace au seind’une république et d’une société qui assument leur appartenance aumondemusulman de manière sereine, tout en s’adaptant àson environnement etauxrègles du marché.Pays de cocagne ?Peut-être. Entout cas, comme le disait Aragon, non seulementil est permis derêver, mais c’est même recommandé…Rédaction enchef: Cécile ManciauxRédaction: Alain Faujas, Cherif Ouazani et LeïlaSlimani, envoyée spéciaux, Tayeb BelmadiCoordination: Florian SerfatyDifcom, 57bis, rue d’Auteuil 75116 ParisTél. :+33 144301960Fax :+33 145200823JEUNE AFRIQUE N° 2582 •DU4AU10JUIL<strong>LE</strong>T2010


66 <strong>LE</strong> PLUS ALGÉRIEPOLITIQUE<strong>LE</strong>SMIL<strong>LE</strong> ET UN CHANLe chef de lʼÉtat aannoncé,le 24 mai, un plandʼinvestissements publicsde 286milliardsdedollars.Si lesmontantsengagés sonttoujours plus importants,lʼobjectif reste le même:la reconstructionnationale.Priorités:la jeunesse etle développement humain.CHERIF OUAZANI, envoyé spécialLa République algériennedémocratique et populairefête, ce5juillet 2010, sesquarante-huit ans d’existence.En attendant lebilan ducinquantenaire,elle donne l’impression de mettre lesbouchées doubles pour rattraper sonretard de développement,conséquencede trente ansdegestion catastrophiquedes affaires de l’État durant le règnedu parti unique, puis d’une décennied’instabilité politique etdeviolencesterroristes. Tant et si bienque l’Algériefait désormaispartie, selon l’Organisationde coopération et de développementéconomiques(OCDE), du quatuordespuissances émergentesen<strong>Afrique</strong>,baptiséSane, pour SouthAfrica, Algeria,Nigeria and Egypt.Comment cepays, miné durant lesannées1990 parune guerre sans nom,dont la barbarieledisputait àladévastation,avecses150000 victimes civileset son coût écocnomique évalué àplusde 20 milliards dedollars de dégâts(16,2milliardsd’euros), quiplusest sousajustement structurel du Fonds monétaireinternational (FMI), a-t-il réussiune telle performance enune périodeaussi courte? «Leprésident AbdelazizBouteflika aoptépourune stratégiedesoutienàlacroissancepar un programmed’investissements publics massifs,note Djamel Ould Abbès, ministre dela Santé etdelaRéforme hospitalière,et lesrésultats sont là.»Autrementdit,une gestion rationnelle des revenuspétroliers, consacrés exclusivement àl’amélioration des conditions devie dela population.Éluenavril 1999,«Boutef », commel’appellent ses concitoyens, aconsacréses premiers mois àEl-Mouradia,le palais présidentiel des hauteursd’Alger, àjeter lesbases politiques pourune réconciliation nationale avec, àlaclé, une reddition des groupes arméset le retour àlapaix civile. En 2001,il annonce unplan derelance économiqueavecdesinvestissementspublicsde l’ordre de6milliards dedollars.Ce programme triennal (2001-2003)décuplera devolume, la bonne tenuedes cours pétroliers aidant.EST-CE BIEN RAISONNAB<strong>LE</strong>?Durant son second mandat, Bouteftientses promessesdecampagne:desprojets dedéveloppement pour quelque200milliards de dollars. Le pays setransforme àvue d’œil. Villes nouvelleset nouvelle vie pour les Algériens. Laclasse moyenne est consolidée (le PIBJEUNE AFRIQUE N° 2582 •DU4AU10JUIL<strong>LE</strong>T2010


<strong>LE</strong> PLUS67TIERS DE BOUTEFLIKA IIIParmi les projetsen retard, letramway d’Alger,qui devait entreren servicemi-2009, ne seraopérationnel qu’àla fin de2010.dispose-t-elle des capacités d’absorptiond’un tel montant sur une périodeaussi courte? «Oui, répond sanshésitation un proche collaborateur duprésident. D’ailleurs, les engagementsde l’État durant le quinquennat précédentétaient nettement supérieurs aux150milliardsdedollars du plan de soutienàlacroissance, carilfautyajouterlesprogrammesspéciauxauprofit desAu vu desretardsen infrastructures,le risque d’un chocinflationnisteest exclu.par habitant aété multiplié par trois),le chômage réduit dedeux tiers (de33 %en1999,ilaété ramené àmoinsde 12 %en2009) et l’extrêmepauvreté(personnes vivant avec moins de1,08dollar parjour) concerne àpeine 10 %de la population –«la même proportionqu’en Allemagne, par exemple »,relève un cadreduministère de la Solidariténationale.Pour briguer untroisième mandat,Boutef promet durant sa campagneélectorale un nouveau programmed’investissements de150 milliards dedollars. Une fois réélu, le 9avril 2009,il prend son temps etmet une année àen esquisser les contours, àidentifierlespriorités.Le24mai dernier, àl’issuedu Conseildes ministres, il annoncelamobilisation d’uneenveloppe financièrede l’ordre de286 milliards dedollars,soit 21 214 milliardsdedinars, pour lapériode2010-2014,soitprèsdudoublede ses engagements électoraux.Le volume de ces investissementssoulève des interrogations: n’est-cepas risqué dans laconjoncture mondialeactuelle? L’économie algérienneNEW PRESS/SIPAwilayas des Hauts Plateaux [55 milliardsde dollars, NDLR] etcelles dusud dupays [15 milliards dedollars,NDLR]. Donc, lebudget d’investissementpour le prochain quinquennatenregistre unecroissancedel’ordre de35 %. Et les retards en termes d’infrastructuressont si importants que celaexclut l’idée d’un choc inflationnistepour l’économie nationale. »RÊVESD’ÉMERGENTAu-delà de son contenu (voir p.69),le plan 2010-2014 dévoile les ambitionsdeBouteflika pour son pays.«Nousn’avons pasvolénotre statut depuissance émergente africaine, poursuitnotre interlocuteur, et il esttoutàfait légitime derêver de celui depuissanceémergente tout court. Ce n’estpas une ambition démesurée. Nousavons conscience duchemin qui resteàfaire. Pour l’heure, notre prioritéestde combler nos déficits enmatière dedéveloppement humain. »En l’occurrence, 40 %del’enveloppedu programmeBoutefIII estdestinéeaudéveloppement humain.Parmi la population,laprincipalebénéficiairede cettemanne est sans conteste la jeunesse.Première victime duchômage, elle esten tête despriorités.Bouteflikas’engageàcréer 3millionsd’emploisencinqans,soit 600000 postes de travailpar an.CequireprésenteexactementlenombredeJEUNE AFRIQUE N° 2582 •DU4AU10JUIL<strong>LE</strong>T2010


68 <strong>LE</strong> PLUS ALGÉRIEdemandeurs d’emploi qui arrivent chaqueannéesurlemarchédutravail.Prèsde 45 milliardsdedollars,sousforme demesures incitatives àlacréation d’emploiet d’abattements fiscaux auprofitdes entreprises (grandes, moyennes etpetites) qui recrutent, sont dédiés àunobjectif: contenir le chômage sous labarre des 10 %. «Comme en Europe,souligne-t-on àEl-Mouradia, c’est lemeilleur moyen d’inculquer àlajeunessealgérienne l’esprit d’entrepriseet de transformer lecandidat harraga[celui qui“brûle” lesfrontières, NDLR]en opérateuréconomique. »<strong>LE</strong> DÉFI JEUNESLes projets qui sont destinés avanttout àlajeunesse sont légion :80stadesomnisports,160sallespolyvalentesSonatrachversion 3.0Le nouveau siègede Sonatrach àOran.SAMIR SIDL’économienationalepourra-t-elleabsorberun telmontant surunepériodeaussi courte?(pouvant abritermanifestationssportivesouculturelles),unedizainedepiscinesparwilaya (400 au total)etplusde200auberges et maisonsdejeunes.Autresecteur privilégié quiprofiteenpremierlieuàlajeunesse:l’éducation etl’enseignement supérieur:plus de 5000établissements scolaires devraientêtreérigés avant 2014,dont 1000 collègeset 850 lycées. Lapopulation universitairedevraitatteindre2millionsd’étudiantsen 2015, c’est pourquoi plus de600000 postes pédagogiques sont inscritsdans leprogramme quinquennal,de même que laréalisation d’une cinquantainedecités universitaires pouvanthéberger 400000 étudiants. Pourles jeunes n’ayant pu achever leur cursusscolaire, il est prévu de construireplus de 300 centres de formation professionnelle.Àtravers lesmilleetunchantiers deson plan 2010-2014, Bouteflika poursuitla quête d’émergence et les rêvesde grandeur pour son pays. Rêves quine se concrétiseront que s’il parvientàyassocier les Algériens, en particulierles jeunes, cette fameuse tranched’âge des 15-29 ans, qui représenteplus de 30 %delapopulation et enconcentre les attentes et les inquiétudesles plus aiguës. ■Six mois après l’éclatementdu scandale qui aemporté,le 13 janvier 2010, son PDG,Mohamed Meziane, etvalul’incarcération àtrois de ses quatrevice-présidents, le groupe pétrolierpublic Sonatrach –première entrepriseafricaineselonle classement des500 établi chaque année par <strong>Jeune</strong><strong>Afrique</strong> –achèvesaréorganisation.Installé le 3mai àlatêtedelasociété,Noureddine Cherouati afait trèspeud’apparitionspubliques. Le 26 mai,àl’occasion d’unecérémoniesolennellecoprésidée, àAlger, par AbdelazizBouteflika et sonhomologue sud-africain,JacobZuma,iladélégué YaminaHamdi, nouvelle vice-présidentechargéedelacommercialisation,pour signerun mémorandumd’ententeentre SonatrachetPetroleumSouthAfrica. Le nouveauPDGserait-il ungrand timide ?«Pasdu tout, réplique l’un deses collaborateurs,ilétait tout simplement entournée d’inspection sur les sites deproduction dans le suddupays. Il voulait,d’unepart,rassurer lesemployésdu groupe,désarçonnés parl’actualitéjudiciaire qui touche leur anciennedirection,et, d’autrepart, poursuivreson travail d’évaluation et de redéploiementhumain de l’encadrementde l’entreprise. »Et, enlamatière, onsouque fermeàSonatrach.Unvraibouleversement.Tous les cadres réputés proches del’ancien ministre de l’Énergie, ChakibKhelil,ont étéécartés.AbdelhafidFeghouli, PDG intérimaire avant lanomination de Cherouati, aquitté lasociété pour prendre ladirection deTassiliAirlines, filiale de Sonatrachetd’AirAlgérie.UNEÉPREUVE TRAUMATISANTEÉchaudée parles malversationsquiont caractérisé lagestion de la directionsortante, lanouvelle équipe acommencé parlancerdes audits àtoutva,mais nesemble pas pour autantobsédée par le scandale qui asecouéle groupe.«Certes, l’épreuveest traumatisante,assure notre interlocuteur,mais il yaeutrèspeu d’incidences surle fonctionnement de Sonatrach. NosLe nouveauPDG rassurelescadresettente de soignerl’image, ternie,dugroupe.engagements commerciaux n’ont passouffert et pas unbaril n’a manqué ànosclients.»Il n’en demeurepas moinsquecetristeépisode incite àlaméfiancedèslorsqu’il s’agit de passationsdemarchés ouderelations avec les partenaires,notamment les prestatairesde services.Cequi,àterme,risquedeparalyserleplandedéveloppement deSonatrach.Mais cette menace est égalementbalayée d’un revers demain par lanouvelle équipe.«Aucunprojet d’envergurelancé par ladirection sortantenesera abandonné, précise unJEUNE AFRIQUE N° 2582 •DU4AU10JUIL<strong>LE</strong>T2010


<strong>LE</strong> PLUS69conseiller de Noureddine Cherouati.Parailleurs, leprogramme 2010-2014 prévoitune enveloppe de 2000 milliardsde dinars [26,8 milliards dedollars,NDLR] pour lesecteur industriel, dontune bonne moitié destinée àlapétrochimieetàlaproductionélectrique. CesinvestissementsimpliquentdirectementSonatrach. »Outrelacomposition de sonéquipeetle remodelagedel’encadrement,NoureddineCherouati tentedesoigner l’image,ternie,deSonatrach.Comment?Ilenafait le premier groupe pétrolier àvolerau secours de British Petroleum (BP),englué dans lesfuitesdebrutdepuis l’accidentde la plateforme au largedugolfedu Mexique, en envoyant équipement etpersonnelsur le site.Ungeste hautementapprécié dans les milieux pétroliers. ■CHERIF OUAZANILe programme2010-2014 àlaloupeLes engagements financiersprévus pour le programmed’investissements publics2010-2014 sont de l’ordre de286milliardsdedollars,soit21214 milliardsde dinars… dont 130 milliardsde dollars destinés àl’achèvementdes projets lancés durant leprécédentquinquennat, notamment dans le secteurdes infrastructures de base (rail,route ethydraulique). L’importancede ce «budget de correction »met enexergue les défaillances dans l’exécutiondu plan de soutien àlacroissance(2004-2009), dont l’enveloppe initialeétait de150 milliards dedollars. Enparticulier les revers du«chantier dusiècle », celui del’autoroute est-ouest(voirp.72),estiméà4milliardsdedollars,etqui en coûtera finalement plusde 11 milliards. Lesmauvaises languesexpliquent ces surcoûts par la corruption.S’ilestvrai queles malversations,pots-de-vin etabus debiens sociauxsont érigésenrègle de fonctionnementau sein de l’administration et desentreprisespubliques, ilsnesauraient expliqueràeux seulsuntel dépassementdel’enveloppe prévue. Enfait, il sembleraitque les études effectuées avant lelancement des différents projets souffraientd’approximations.Àcelas’ajoutel’inexpérience des négociateurs algérienslors del’élaboration des contratsde réalisation avec lesgroupes chinois,japonais, espagnols ou turcs auxquelsilsont confiéles marchés.L’enveloppe consacrée auxnouveauxprojetsest,elle, de 156milliardsdedollars,répartisentroisvolets:ledéveloppementhumain, les infrastructures debase et le soutienausecteur productif.Le premier volet, dédié àl’améliorationdesconditionsdevie de la population,mobiliseplus de 40 %des ressources,soit plus de 62 milliardsdedollars.Outre les structures destinées àlajeunesseàtravers l’éducation, les infrastructuressportives et culturelles (voirpp. 66-68), ilest prévu deconstruireBILLAL BENSA<strong>LE</strong>M/GALBE.COMExtension duréseau, matériel roulant neuf… La Société nationaledes transports ferroviaires poursuit ses investissements.2millions delogements (dont 1,2 millionlivrables avant l’échéance 2014),ce qui représente ledouble de la performanceréalisée au cours du précédentquinquennat. Il estaussiprévu deraccorder plus de 1million de foyers auréseaudegaz natureletprèsde220000foyers ruraux au réseauélectrique.En matière de santé, 172 hôpitauxdoiventêtreréceptionnésaucours desquatre prochaines années, ainsi que45complexes spécialisés (en oncologie,cardiologie, néphrologie), 377 polycliniqueset 70 établissements pourhandicapés.FINANCEMENTSUR FONDSPROPRESLesinfrastructures de base mobilisentellesaussi40%desressources, dont lamajeurepartieaffectéeaux transports:48 milliards dedollars seront ainsidédiés àl’extension du réseau autoroutier(Hauts Plateaux etpénétrantesvers lesud), àlamodernisation duréseauroutier,ainsi qu’à l’augmentationdes capacités portuaires. Pour améliorerle transport urbain, 14agglomérationsdel’Algérie profonde devraientbénéficier chacune d’un tramway. Parailleurs, leplan prévoit d’étendre leréseauferroviaire, quidevrait passer de3500 km actuellement à10500 km àl’horizon2014, et de desservirles grandesvilles du Sud (Ghardaïa, Ouargla,AdrarouEl-Oued).Le soutienausecteur économique seconcentre quant àlui principalementsur l’agriculture etl’industrie, avecnotamment des subventions sur cinqansàhauteur de 13,4 milliardsdedollarspour l’agricultureetdudouble pourl’industrie, destinées àlaconstructionde nouvelles centrales électriques, àlamodernisation desoutilsdeproductionou encore àlamise àniveau des groupesindustrielspublics.Dernière précision, etelle est detaille: malgré l’ampleur des engagements,AbdelazizBouteflikaexcluttoutrecours àl’endettement extérieur. C’estdonc l’argent du pétrole qui financeracet effort. L’opération étant budgétiséesur la base d’un baril depétroleà37dollars et ce dernier évoluantdepuis six mois dans une fourchetteallant de 70 à87dollars, ilnedevraitpas yavoir de mauvaise surprise. ■CH.O.JEUNE AFRIQUE N° 2582 •DU4AU10JUIL<strong>LE</strong>T2010


70 <strong>LE</strong> PLUS ALGÉRIEINTERVIEWSlimOthmaniPRÉSIDENT DU CONSEIL DʼADMINISTRATIONDE NCA-ROUIBA«Ilfautque lʼÉtat et le patronatcessentdeseregardercommedesadversaires »Le président du conseildʼadministrationdeNCA-Rouibarevient surlʼimpératifde développement dusecteur privéalgérienetsurla nécessitédetrouver unealternativeaumanquede confianceentrelʼÉtat et lesentreprises.SlimOthmani,53ans,est viceprésidentduCercle d’actionet de réflexion autour l’entreprise(Care), membre del’Associationdesproducteurs algériensdeboissons et du Forum des chefs d’entreprises(FCE). Ilaprésidé le groupede travailGoal(GouvernanceAlgérie),qui arédigé le premier code algériende gouvernance d’entreprise, adoptéen mars 2009 par les associationspatronales. ■JEUNE AFRIQUE: Quelle est votreappréciation du climat des affairesen Algérie?SLIM OTHMANI: L’amélioration duclimat des affaires passe nécessairementparlerétablissementdudialogue,et de la confiance, entre les pouvoirspublicsetlemonde desaffaires.Deux conditionsdoivent être réunies.La première est larestructuration enprofondeur du patronat algérien, quiavance toujours en rangs dispersés,avec des airs dissonants etsans aucuneapproche prospective de l’économiealgérienne. Laseconde est laclarification,par les pouvoirs publics, du rôleclédel’entreprisepublique et de l’entrepriseprivée, productrices debien-êtreet de richesses, comme substitut àuneéconomie de rente.Ilyaunréel espoirsi lesdeuxparties cessentdeseregardercommedes adversaires et se considèrentplutôt comme des partenaires. Ils ontunelourderesponsabilité vis-à-visdelasociété algérienne: celle de construireuneéconomieprospère.SIDALI DJENIDIQue pensez-vous du plan 2010-2014et de sonenveloppe d’investissementsde 286milliardsdedollars?L’économiste Abdelmadjid Bouzidiévoque quatre moteurs pour assurer lacroissance:investissements,consommation,exportationsetdépensespubliques.Cette enveloppe est partagée endeuxgrands volets:l’unconcerneles dépensespubliques;et l’autre, ànotre grandesatisfaction,concernel’entreprise.Le seul bémol, si l’on veutpolémiquer,c’est lacapacité des pouvoirs publics àexécuter un programme aussi ambitieuxenfaisant presque abstraction dela nécessitéd’undialogueaveclemondedesaffaires.Par ailleurs,leretardaccusépar l’administration et le système bancairedans leurs programmes de réformesetdemiseàniveaupourraitêtreunfacteurhandicapant.Les opérateurs économiques seplaignentdelourdeursbureaucratiques.Est-ce un vrai handicap?Oui, ces lourdeurs existent. Ellessont pénibles, trop souvent inutiles,mais pas insurmontables. Ce qu’il fautsouligner,etc’est beaucoup plus grave,c’estque ceslourdeurs rendent de factonotre économie non compétitive. Ellessont dues àl’absence d’un managementclair et noncontradictoire despouvoirspublics sur le rôle de l’entreprise et lalibertéd’entreprendre, et sont le symptômeévidentd’une économie de rente.Le pays est revenu auprotectionnisme.Est-ce la bonne solution pourrelancer sonéconomie?Tout en étant opposé àune politiqueéconomique fortementprotectionniste,je dois dire que cepassage qui nous aétéimposéaété rendu nécessairepar leretard accusé dans la mise àniveau del’entreprise algérienne.Cependant,j’oseespérer queces mesuressont transitoireset ne seront pas prolongées au-delà devingt-quatre àtrente-six mois.Il faut être vigilant,nepas négligerlesconséquences inflationnistes de cesmesuresetleursrépercussionssur la productivitétotaledes facteurs capitalettravail.Uneautre voie estàprendre sérieusementen compte :celle de l’intégration maghrébine,qui peine àseconcrétiser. Cetteintégration,via despartenariatspublicpublic,public-privéet privé-privé, contribuerainéluctablement àdécrisper lespouvoirs publicsetdonnera àl’économiealgérienne un nouveausouffle. ■Propos recueillis par TAYEB BELMADIJEUNE AFRIQUE N° 2582 •DU4AU10JUIL<strong>LE</strong>T2010


<strong>LE</strong> PLUS71RéflexionALAIN FAUJASPourquoiHanoi et KualaLumpurontlaisséAlger àlatraînealgérienne fait dusurplace.Car onnepeut qualifier autrement untaux de croissance médiocre de 3%quand onainjecté en cinq ans 200 milliardsde dollars eninfrastructures de L’économietoutes sortes, routes, voies ferrées, barrages, usinesde dessalement d’eau de mer, logements, etc.Pour tenter de comprendre les raisons de cette absencederéactivité,un détourpar l’étrangers’impose,afin d’y trouver des fondamentaux comparables quiréussissent, eux, àcréer de la richesse.Prenonsunpaysqui aurait pu être tenté de se raidirdans un patriotisme économique ombrageux –commel’Algérie–,puisqu’il agagné deuxguerres de libérationnationale, contre la France et les États-Unis: le Vietnam.La patrie de Ho ChiMinhainventéun«communismedemarché»quiluivaut destauxdecroissancesupérieurs en moyenneà5%par an,alors qu’elle n’estpasparticulièrementavantagée en termesderessourcesnaturellesetquela tailledesapopulation (86 millionsd’habitants)pouvaitse révélerunhandicap. Elleachoisien1987deremiser l’économie socialisteau musée. Envingt ans, le taux d’extrême pauvreté(moins de1,08 dollar par jour) yest tombéde 70 %delapopulation à11%.L’AUTRE PAYS EST MUSULMAN À60%et l’on yarécemment encore donné labastonnade àune joliemannequin qui avait consommé publiquement de labière, expression d’un climat conservateur peu propiceàl’initiative engénéral: laMalaisie. Son Premierministre,Najib Razak, alancé,le10juin, un plan quinquennalde69milliardsde dollars, dont l’objectif estdeporter la croissance annuelle à6%enmoyenne. Certes,la population malaisienne est moins nombreuse(28millionsd’habitants)que la population algérienne,mais on restestupéfait qu’un plan impliquanttrois foismoinsdedépensesque le plan de l’Algériegénèreunecroissance deux fois supérieure.L’explication de ces évolutions divergentes tient aupilotage deséconomies du VietnametdelaMalaisie,qui sedistingue sur trois points stratégiques de cequi est pratiqué àAlger –àcorruption égale dans lestrois pays…La première différence tientàl’ouverture internationalesans failleque HanoietKualaLumpuront conduitecontre vents etmarées. En 1995, leVietnam aadhéréàl’Association des nations duSud-Est asiatique(Asean). En 1999,ilasignéunaccordcommercial avecles États-Unis. En 2007, ilest entré àl’Organisationmondiale du commerce (OMC), ce qui lui avalu uneexplosion de sesexportationset11milliards de dollarsd’investissementsétrangers paran, près de quatre foisplus quel’Algérie.LaMalaisie, elle,neratejamaisuneoccasion de dénoncer publiquement lesturpitudesdel’Occident, mais se livreàune lutteaucouteau avec laChine pour commercer avec celui-ci.Deuxième différence: une vraie diversification del’économie. LaMalaisie aurait pusecantonner dansl’exportation d’huile depalme et de caoutchouc,d’étainetdepétrole.OrKualaLumpurest devenu uneplacefinancière reconnue:onyfabriquedes voitures;ses cliniques accueillent les Occidentaux qui veulentse faire opérer pour pas cher ;une Silicon Valley yest enformation. Même évolution au Vietnam, qui achoisi de ne pas se limiter àfabriquer des chaussuresetamisé sur tous les compartiments: café (il estle premier producteurChez eux, lecapitainen’ajamais changéde cap. Mêmedans la tempêtede 1997,ils ontmaintenu le choixde l’entrepriseprivée.mondial derobusta),caoutchouc, mais aussiproduits électroniques,dans la région de Hue,et tourisme.Troisième différence:le capitaine n’a jamaischangé de cap. Que cesoit le particommunisteàHanoi ou le «père»de la nation –MahathirMohamad, jusqu’en2003 –àKuala Lumpur,ils ont maintenule choix del’entrepriseprivée, même dansla tempête de 1997.La Malaisie n’a certespas appliqué les prescriptions duFonds monétaireinternational (FMI), mais elle aréintroduit l’anglaisdans ses enseignements scientifiques et autorise lesétrangers àposséder 100%du capitaldes entreprisesmalaisiennes. Banque mondiale etFMI ne tarissentpasd’élogessur le Vietnam, quinerevient passur sesengagements, lui.Àbon entendeur… ■JEUNE AFRIQUE N° 2582 •DU4AU10JUIL<strong>LE</strong>T2010


72 <strong>LE</strong> PLUS ALGÉRIEL’autoroute est-ouest,àhauteur du tunnelde Bouira.CARNET DE ROUTESans arrêtjusquʼà la sortieSAMIR SID AMMISurles 1280 km de lʼautorouteest-ouest, 1000 ontenfinété ouvertsàlacirculation. Unebénédictionpour lesautomobilistes.Reportage.Avec une moyenne de4500 décès par an, les routesalgériennes figurentparmi les plus meurtrièresau monde. En 2009, onaenregistré4607 morts pour unparc automobilede 5,8 millions devéhicules, soit82 décès pour 100000 voitures, septfois plus que lamoyenne en Europepar exemple. Letaux élevé de mortalitéroutière s’explique autant parles comportements àrisque des automobilistesque par l’état déplorabledu réseau routier. Selon Amar Tou,ministre des Transports, «une baissede près de 30 %dunombredevictimesaété enregistrée au cours du premiersemestre 2010 ». Conséquence, sansdoute, de l’introduction d’amendementsrépressifs dans lecode delaroute, en janvier 2010.Mais pas seulement. L’ouverture àla circulation de tronçons importantsde l’autoroute est-ouest acertainementcontribué àréduire le nombred’accidents meurtriers.Qualifié de«projet du siècle », cetaxe traversant lenord dupays delafrontière tunisienne àlafrontièremarocaine sera totalement achevé enfin d’année. Sur les 1280 kmprévus,près de 1000 ont enfin été ouvertsàlacirculation. Etcela aforcémentchangé la vie des automobilistes, quipeuvent ainsi effectuer letrajet d’AlgeràOran,deuxièmevilledupays, enquatre heures, contre six auparavant.Àune condition:qu’ilsfassent le pleinde carburant avant…PASDESTATIONNID’AIREDEREPOSCar siles ouvrages d’art sont d’excellentefacture –lepont d’OuedRekham, àBouira, surplombe unpaysagemagnifique, et l’ascension ducol Kandek, àMiliana, est un régalpour les yeux –,l’autoroute manquecruellement destructures d’accompagnement.Pas destation-service nid’aire derepos. «C’estune situation provisoire,assure Amar Ghoul,ministre des Travauxpublics. Près de 1000 hasont prévus pour la réalisationde 42 pointsde vente decarburant,76 aires de reposetespaces de loisirs,ainsi que 52points depéage. »C’estNaftal,filialedeSonatrach,legroupepétrolier public, qui aarraché le marchéderéalisation de la totalité desstations-service.Autres lacunes constatées: unesignalisation approximative etunéclairagequasi inexistant.«Tout celasera corrigé avant lalivraison définitivedu projet, aucours du premiertrimestre 2011 », répète Amar Ghoul,sans préciser si la facture globaledu chantier (11 milliards dedollars,contre 4milliards initialement prévus)sera une nouvelle fois révisée àla hausse.Cependant, le plus gros inconvénientpourlesusagerssembletenir aunouveaucodedelaroute,notammentàlalimitation de vitesse. La nouvelleréglementation impose de rouler à80 km/h sur autoroute. «Impossibleàrespecter !»s’insurgent les automobilistes,qui pestent contre lesradars installés. Ainsi, pour le seulaxe Alger-Sétif, on enregistre plus de1000retraits de permis parmoispourexcès devitesse. «Une catastrophepour les entreprises, raconte Adlène,patron d’une société de transportLe «projetdusiècle»traversele nord du pays, de la frontièretunisienne àcelle du Maroc.routier, dont 80 %des chauffeurs sesont vu retirer leur permis. Leplussouvent, les marchandises restent ensouffrance en rase campagne àcausede ce genre deproblème. »Toutes les tentatives deramener lelégislateur vers plus de flexibilité ontéchoué.Lenombretropélevé de mortsincite sans doute les parlementaires àprivilégier laprudence. ■CHERIF OUAZANIJEUNE AFRIQUE N° 2582 •DU4AU10JUIL<strong>LE</strong>T2010


OrascOmcOnstructiOnindustries –dixans en algérieOrascom Construction Industries “OCI” est un entrepreneur de constructionleader actif dans les marchés émergents. Nous nous engageons dans lesprojets d’envergure industriels, commerciaux et d’infrastructure pour lecompte de clients publics et privés principalement aux Moyen-Orient et<strong>Afrique</strong> du Nord. Nous produisons également des engrais azotés et avonsdes investissements dans les concessions d’infrastructure.Classé parmi les plus grands entrepreneurs de construction au Moyen-Orient,<strong>Afrique</strong> du Nord etAsie centrale et parmi les 200 meilleurs entrepreneursmondiaux selon Le Rapport des Nouvelles de l’Ingénierie. OCI offre laqualité sanségal, la vision et la détermination d’accomplir au-delà de ses objectifs.L’avantage majeur d’OCI dans son secteur d’opérations est sa capacité àexécuterpar lui-même les œuvres de plusieurs disciplines. OCI emploie un grand nombrede professionnels qualifiés et exploite une flotte importante de matériel, qui luipermettent d’accomplir toutes les activités majeures et critiques de ses projet enutilisant ses ressources internes hautement développées.Les capacités de construction d’OCI, alliées àsadisposition d’entreprendre desactivités de conception, en font un partenaire fiable ayant des antécédentsprouvés, capable d’ajouter une valeur aux programmes de développement deconstruction dans la région.Conscient de l’importance du marché Algérien, Orascom Construction Industriesacommencé ses activités de construction en Algérie en 2001 en établissant unefiliale de plein exercice. Depuis 2001, il lui aété attribué plusieurs projets d’unevaleur de plus de 4.5 milliards de dollars $. Actuellement, OCI en Algérie adesprojets en cours d’une valeur de plus 2.5 milliards de dollars $. L’éventail de travaild’OCI Algérie comprend en général, tous les travaux électromécaniques, lestravaux de génie civil, la charpente métallique et de travaux maritimes.Station de Déssalement de l’Eau de Mer, AlgerSelon son règlement adopté, OCI Algérie afait le recrutement d’un staff localpour différents postes au niveau des sites pour lesquels des Algériens qualifiés ontété désignés. Actuellement nous avons une main-d’œuvre algérienne pour remplirdes postes de supervision, techniques et administratifs. OCI Algérie veille toujoursàceque la rémunération de son personnel soit compétitive dans le domaine del’industrie. OCI Algérie emplois environs dix milles (10.000) Algériens.Projet GNL de Skikda, Est d’Algériewww.orascomci.comCentrale Cycle Combiné de Terga, Ouest d’Algérie


74 MAGHREB &MOYEN-ORIENTALGERPromenadedansunevillehantéeDeuxfoismillénaire,lacapitalegrandit, se modernise,estpleine de vie. Pourtant,ses rues et leshistoires quʼellesracontent fourmillentdefantômes.Ceuxdutemps de lacolonisation et ceux,plusproches, de la décennienoire.Àquelques pas delaplace dela Grande-Poste, àl’ombredes arbres, Mohamed installetouslesmatins un petitprésentoir. Ilvend des cartes postales,de vieilles photos d’Alger ennoir etblanc etquelques bricoles. Les clientssont rares, quantaux touristes, «iln’enpasse presque jamais ». Mohamed apourtant beaucoup àraconter. Algéroisde naissance, il connaît l’histoiredesruespar cœur et distilleavecdéliceL’urbanisation,parfoissauvage, adéfigurécertainsquartiersetrompu l’harmonie.anecdotesetlégendessur la villeblancheetsur ses habitants. «Mais, c’estvrai, jeregrette l’Alger d’autrefois. Jeme souviens encore de la villedanslesannées 1960, de la joie de vivre qui yrégnait, des terrasses de café toujoursbondées. Nous étions pleins d’espoir àl’époque. »Où que l’on sepromène dans Alger,unenostalgie domineets’installe. Précédée,même pour ceux quidécouvrentla ville, d’une étrange impression de«déjà-vu ». Décrite par André Gide etPierre Loti, adorée par Albert Camus,mise en lumière par Rachid Mimouni,Rachid Boudjedra ouKateb Yacine,AlgerlaBlanche tientdumythe autantquedelaréalité et s’affiche àl’imparfaitautant qu’auprésent.Ici, le passéest partout, envahissant,incontournable,obsédant. «Vousvoyezcesimmeubles,ils ont étéconstruitsparles Français. Àl’époque, lecentre étaitsurtout habité par les pieds-noirs, il yavait très peu d’Algériens »,raconteMohameddansunfrançaisparfait.Il suffit d’admirer les immeubleshaussmanniens, delire les anciensnoms desrues, de s’arrêtersur la placedesMartyrs,pourconstater queles centtrente annéesdecolonisation françaiseont laissé uneempreinte indélébile surla physionomie de la ville. Dans lesesprits des Algérois aussi. Àl’indépendance,en 1962,Mohamed avait20ans.Aujourd’huiencore, il parleavecpassionde la guerre de libération,dudépartdespieds-noirs, qui ont laissé derrière eux«une villefantomatique,vidée deses habitants ».Il manifeste encoreune certaine acrimonieenvers la France et sesdirigeants. «Nous avonspayé cher notre indépendance,assène-t-il. LaFrance nous donnedes leçons de démocratie,alors qu’elle n’a jamais reconnusa detteenverscepays. »PLAISIRS ET DÉPLAISIRSDE MÉGAPO<strong>LE</strong>Depuis, Alger s’est peuplée d’autresfantômes. Ceux dela«décennie sanglante», quiafaitprèsde200000 victimesdanslesannées1990,dont l’ombrehante encore les rues. Officiellement,le calme est revenu: plus de couvrefeu,plus d’attentats terroristes depuis2007. Pourtant, les barrages depolicerappellent que laville, comme tout lepays,vit encore sous le régime de l’étatd’urgence. Impossible de pénétrer envoituredanslacourd’unhôteloud’unlieu public un temps soit peu stratégiquesans que des agents desécuritéaient procédé àune fouille minutieusedu coffre. Àl’aéroport, les mesures desécurité sont ubuesques. Entre l’enregistrementetl’embarquement, lespassagers sont soumis àpas moins decinq contrôles. ÀHydra, ville entouréede barbelés et de caméras desécurité,l’ambassade deFrance ressemble àunvéritablebunker.Alger n’en reste pas moins une villeméditerranéenne vivante et colorée,empreinteducharmedes grands ports,comme Naples ouMarseille. Dans lemythique quartier de Babel-Oued,quele réalisateurMerzakAllouache asisouventfilmé, lesruesgrouillentdemonde.Des boutiques de vêtements, deDVDpiratesetdegadgetsenprovenancedeChine sepressent les unes contre lesautres.Dansles vitriness’exposentdeshidjabs colorés, agrémentés parfois depaillettes, queles jeunes fillesarborentavec force coquetterie. Face àl’une desplus belles baiesdumonde,onsedit quela ville pourrait être unenchantementpour lestouristes aimantflâner.Pourtant,les Algérois pestentcontreleur ville. «Laqualité de vies’est beaucoupdégradée.Lacirculation estdevenueunenferet on perd desheuresdanslesembouteillages.Çafaitplusdevingtans qu’on nous promet un métro, maison ne l’a toujours pas eu! »s’emporteLinda, professeure dans unlycée ducentre-ville. Dans lesvieux quartiersdela capitale,aux abords de Babel-Oued,des immeubles décrépis menacent des’effondrer.LaCasbah, cœur historiquede la capitale, inscrite aupatrimoinemondial del’Organisation des Nationsunies pour l’éducation, lascience et laculture (Unesco), tombe littéralementJEUNE AFRIQUE N° 2582 •DU4AU10JUIL<strong>LE</strong>T2010


<strong>LE</strong> PLUS75en ruine. L’urbanisation, parfois sauvage,adéfiguré certains quartiers dela villeetrompuson harmonie.Ces vingt dernières années, lesbidonvilles se sont multipliés etleurshabitants réclament avec de plus enplus de véhémence d’être relogés dansdes conditions décentes. Le pouvoir alancédegrandstravaux et promis d’éradiquerl’habitat insalubre. Tout autourde la capitale, les grues etles ouvrierschinois s’activent pour faire sortir deterre des cités HLM sans charme. Et,l’un aprèsl’autre,les bidonvilles disparaissentet leurs habitants retrouventdesconditionsdevie décentes.«FÂCHÉE AVEC <strong>LE</strong>BONHEUR »?Alger bouge et veut se doter detousles atours d’une capitale moderne. Lesinfrastructures sedéveloppent, leséquipements modernes semultiplientet les immeubles poussent comme deschampignons. La villedevrait bénéficierd’unepartieducolossalpland’investissements2010-2014(voirp.69).«Àchaquefois que je reviens ici envacances,Le quartier deBab el-Oued vudelamer.je découvre unevilletransformée et denouveaux bâtiments »,seréjouit Ali,étudiant en commerceàParis.Pourtant,les Algérois sont loind’êtretous enthousiastes. «Onaaccumulébeaucoup de retard. Contrairement àCasablanca,auCaireoumêmeàTunis,il n’yapas grand-choseàfaireici.Mêmeceux quiont de l’argent n’arrivent pasàprofiter delaville parce qu’ils ne trouventpasoùdépenser»,ajouteLinda.Faut-il alors croire lejournaliste duquotidien El-Watan,MustaphaBenfodil, lorsqu’ilécrit que la malédictiond’Algerest d’être «fâchéeavec le bonheur»?Peutêtre,tant ilest vrai queles Algérois ont bien dumal àregarder l’aveniravec sérénité. «Sur le plan politique, lasituation est confuse, on ne sait pas cequi nous attend etonn’a pas vraimentl’impression d’avoirprise surles événements.Sur leplan économique, c’estpareil », déplore Hamid, ancien cadredu ministère de l’Habitat, aujourd’huiSAMIR SIDretraité. Depuis le début del’année,l’affaire Sonatrach et les scandales decorruption qui ont fait les choux grasde la presse, ou l’assassinat d’AliTounsi,le patron de la police, n’ont pas aidé àrassurer. «On al’impression que nosresponsables s’en mettent plein lespoches, s’insurgeHamid. Commentestcequ’onpeutleurfaireconfiancedanscesconditions? »«Lesoiroùl’onaété qualifiéspour le Mondial, c’étaitlafête.Algerétait transformée. »L’UNION, AU-DELÀ DUFOOTBALLPour les jeunes, l’avenir est encoreplus angoissant. Bien que très patriotes,beaucoup d’entre eux nourrissentencore l’espoir de s’installerunjourenEurope,malgréles risquesdechômageet la difficulté àobtenir des papiers.La politique? Ils nes’y intéressent paset préfèrent largement parler de leursnouvellesidoles, LesFennecs.Danslesrues de Bab el-Oued, des maillots del’équipe nationaledefootballsèchent àtous lesbalcons.Cesont ceux queportentlesadolescentsduquartierquandils vont jouer aufoot, presque tous lessoirs, dans un terrain vague voisin.«Lesoir oùl’on aété qualifiés pour laCoupe dumonde, c’était la fête. Algerétaittransformée:ilyavait un mondefou dans les rues et, pour lapremièrefois depuis longtemps, onavait l’impressiond’être tous rassemblés autourd’un événement heureux », raconteOmar, unadolescent du quartier.«Ledrame de notre pays, c’estque les Algériens neserassemblentqu’autour dedeux choses: les remontrancescontre la France et le football,regrette une journaliste algéroise. Ilest grand temps qu’émerge unprojetde sociétéfédérateurqui permette auxAlgériens deregarder ensemble dansla même direction. »■<strong>LE</strong>ÏLA SLIMANI, envoyée spéciale àAlger

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