Photo: BAFCoupde projecteurPAGE4<strong>Lire</strong> la Bib<strong>le</strong> aujourd'hui, comment ? (suite)maticiens, des enseignants, des prédicateurs,des auditeurs et <strong>le</strong>cteurs,des diffuseurs, etc. Une entreprisegigantesque dont <strong>le</strong>s travaux et <strong>le</strong>sréf<strong>le</strong>xions ne restent pas enclos dans<strong>le</strong> passé, puisque la foi se vit dansl’aujourd’hui!D'où la nécessité d'un travail d'interprétation.Un livre qui s'interprète<strong>Lire</strong> la Bib<strong>le</strong> dans son état actuel, telqu'el<strong>le</strong> nous est donnée, signifie qu'onva à la rencontre d'un livre qui est chargéd'une histoire plus que millénaire,qui est porteur d'un message à décoder,dont <strong>le</strong> principal est <strong>le</strong> salut deDieu en Jésus-Christ. Certains aspectssont parfois clairs et simp<strong>le</strong>s, parfoiscomp<strong>le</strong>xes et diffici<strong>le</strong>s. Il convientavant toute chose de tenter de comprendre,de l'interpréter, de l'habiter,de <strong>le</strong> traverser, ensuite de s'approprierdes richesses ainsi découvertes,de s'en inspirer pour mener une vierenouvelée, nourrie de la sève alorsrecueillie. Des générations entières,des traditions confessionnel<strong>le</strong>s ont,avec des fortunes diverses, accomplice travail herméneutique. Il n'estpas possib<strong>le</strong> d'en faire ici l'inventaire.Signalons, néanmoins, l'existence dedeux éco<strong>le</strong>s herméneutiques dont <strong>le</strong>sprolongements sont encore perceptib<strong>le</strong>saujourd'hui : l'éco<strong>le</strong> d'A<strong>le</strong>xandriequi recherche <strong>le</strong> sens spirituelselon la méthode allégorique (imageset expressions renvoient à une réalitécachée qu'il faut décrypter) ; l'éco<strong>le</strong>d'Antioche qui recherche <strong>le</strong> sens spiritue<strong>le</strong>n p<strong>le</strong>ine continuité avec son senslittéral (c'est dans <strong>le</strong> texte même qu'ilfaut trouver <strong>le</strong> sens). L'accent est missur la réalité historique de la révélationbiblique. L’Écriture renvoie à desréalités claires et intelligib<strong>le</strong>s à tout<strong>le</strong>cteur attentif. Quant à l'inscriptiondans <strong>le</strong> temps, distinguons troisgrandes périodes dans la manièredont <strong>le</strong>s communautés chrétiennesont cherché à interpréter l'Écriture 3 .Du 1 er au 16 e sièc<strong>le</strong> inclus, <strong>le</strong>s communautéschrétiennes lisent et cherchentà comprendre <strong>le</strong>s Écritures à partir desprésupposés même de <strong>le</strong>ur foi c.-à-d.la vie, la doctrine et la pratique. Lestextes bibliques sont examinés enfonction de <strong>le</strong>ur apport à l'existencechrétienne. C'est un modè<strong>le</strong> centrésur <strong>le</strong> Christ Seigneur et Sauveur. Àpartir du 17 e sièc<strong>le</strong>, grâce à l'avènementde la raison critique, <strong>le</strong> texte biblique,parce que considéré comme un livrequi n'est pas tombé du ciel, est soumiscomme tout autre écrit au travail dudoute scientifique et de la critique, end'autres termes aux méthodes historico-critiques.Sont recherchés, la formeoriginel<strong>le</strong> (néanmoins hypothétique)primitive, <strong>le</strong> sens originaire du texte,l'intention de l'auteur, <strong>le</strong> contextesocioculturel et religieux. Ainsi lancé,on devient incapab<strong>le</strong> de dégager<strong>le</strong> contenu spécifique du texte, <strong>le</strong>message du texte. Jacques Ellul auraune critique sévère qu'il exprime ences termes : « … Et ce qui m'a <strong>le</strong> plussurpris, c'est l'extraordinaire sciencequ'ils ont en hébreu (…), des languesanciennes, de la culture égyptienne, babylonienne; <strong>le</strong>ur érudition, l'amp<strong>le</strong>ur de<strong>le</strong>ur bibliographie, et puis la maigreurde <strong>le</strong>ur pensée, l'inconsistance de <strong>le</strong>urréf<strong>le</strong>xion, <strong>le</strong> vide de <strong>le</strong>ur théologie, pourtout dire l'incompréhension tota<strong>le</strong> dutexte répondant à une absence tota<strong>le</strong>d'intérêt et de recherche dans ces domaines» 4 La période contemporainevoit la diversification et la comp<strong>le</strong>xificationdes approches. Est dénoncéela méthode historico-critique. Le retourà la compréhension de l'Écriturefondée et commandée sur l'Écritureel<strong>le</strong>-même, sans l'inféoder aux principeset critères qui lui sont étrangers(K. Barth). De nouvel<strong>le</strong>s méthodes quiviennent des sciences humaines oudes idéologies contemporaines voient<strong>le</strong> jour : <strong>le</strong>cture psychanalytique, matérialiste,structuraliste, féministe,interreligieuse, fondamentaliste, intégriste,politique, etc. Ces nouvel<strong>le</strong>sméthodes sont marquées par unegrande subjectivité de l'interprète, quiprojette sur <strong>le</strong> texte biblique des idéeset des thèses qui n'ont pas de rapportavec celui-ci. L'espace manque pourévoquer d'autres approches 5 : narrative,expérientiel<strong>le</strong>, etc. ... qui obligentà tenir compte du contexte du <strong>le</strong>cteur.En effet, la Bib<strong>le</strong>, Paro<strong>le</strong> de Dieu estapprochée et lue par <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur qui estsitué historiquement, culturel<strong>le</strong>ment,et qui approche <strong>le</strong> texte avec ses interrogationspropres, ses connaissancespropres, ses limites aussi. Commeindiqué supra, <strong>le</strong> Saint-Esprit accompagne<strong>le</strong> (s) <strong>le</strong>cteur (s), éclaire (nt) la3 Nous nous inspirons du travail de Jean-PaulGabus, Paro<strong>le</strong> de Dieu, paro<strong>le</strong>s des hommes,Paris-Bruxel<strong>le</strong>s, Les Bergers et <strong>le</strong>s Mages- Ad Veritatem,1998, p.86.4 Jacques Ellul, La raison d'être, Paris, Seuil, 1987,p. 17.5 On consultera avec intérêt <strong>le</strong> livre d'ÉlisabethParmentier, L’Écriture vive. Interprétations chrétiennesde la Bib<strong>le</strong> [Le Monde de la Bib<strong>le</strong>, 50],Genève, Labor et Fides, 2004.gMosaïque N° 1
Coupde projecteurparo<strong>le</strong>, la fait résonner toute à nouveau,l'actualise sans empêcher <strong>le</strong> travaildans la vie du <strong>le</strong>cteur individuel oucommunautaire.Limites des herméneutiquesscientifiquesL'herméneutique qui étudie <strong>le</strong> textecomme une pièce archéologiquel'enferme dans <strong>le</strong> passé. Or la Bib<strong>le</strong> estparo<strong>le</strong> vivante de Dieu et s'adresse àl'humain d'aujourd'hui.Je fais mienne la question essentiel<strong>le</strong>que certains 6 posent à partir du présupposésuivant : la Bib<strong>le</strong>, Écriture estune paro<strong>le</strong> à écouter. Savons-nousencore aujourd'hui vraiment lire,méditer, interpréter et écouter untexte, retrouver <strong>le</strong> sens de l'écoutede la Paro<strong>le</strong> malgré tout <strong>le</strong> développementde nos techniques de <strong>le</strong>ctureet d'interprétation ?Il convient d'abandonner <strong>le</strong> rêve illusoirede retrouver <strong>le</strong> texte original etaccueillir celui qui nous est donné.Ce qui importe pour <strong>le</strong> croyant c'estd'établir un rapport vital, une communicationentre <strong>le</strong> texte et lui. Le textedoit pouvoir toucher et transformerune existence ou en amorcer la métamorphoseet surtout permettre unerencontre avec <strong>le</strong> Seigneur. Pour cela<strong>le</strong> chrétien n'a pas à se placer au-dessusde lui, comme un maître, mais plutôtl'écouter, l'accueillir dans la prière.L'élan missionnaire inspiré del'ÉcritureLe Synode régional Cévennes-Languedoc-Roussillon de l’ÉgliseRéformée de France, face à la crisede croissance de l’Église constatée,Janvier 2013 gMosaïqueavait demandé au Pasteur DanielBourget 7 de relire pour lui l'Écriture.Le fruit de l'étude, de la méditation,de son écoute du livre des Actes futune grande surprise et un véritab<strong>le</strong>appel à la conversion. D'abord lacroissance de L'Église était l'affairede Dieu, ensuite el<strong>le</strong> grandissait quandla paro<strong>le</strong> de Dieu grandissait dans lavie des croyants (6.7 ; 12.24 ; 19.20). Lamission des apôtres n'est pas de fairegrandir l’Église, ils avaient la responsabilitéde propager la paro<strong>le</strong> de Dieu.Cela est biblique, souligne Bourgetet juste. Conséquemment <strong>le</strong> projetthéologique, la véritab<strong>le</strong> préoccupation,la mission, la vocation, l'enjeudes synodes, des stratégies, des planset autres programmes ecclésiaux devraientêtre de propager la paro<strong>le</strong>. Pasexclusivement de manière extensive,sur la face de toute la terre, mais aussiqualitativement dans <strong>le</strong>s profondeursde l'être humain, <strong>le</strong>cteur de la paro<strong>le</strong>de Dieu.L'élan missionnaire, à la lumière decette écoute, concerne au premierchef <strong>le</strong> chrétien membre de l’Église,<strong>le</strong>cteur et étudiant de la paro<strong>le</strong>. Pour illustrerson propos, <strong>le</strong> Pasteur Bourgetemprunte à l'Écriture une analogieagrico<strong>le</strong>. Une plante grandit par <strong>le</strong>sracines. La paro<strong>le</strong> doit travail<strong>le</strong>r la viedu discip<strong>le</strong> en profondeur. A la questionposée dans l'introduction : « commentacquérir l'élan missionnaire ? »,La réponse s'avère être : chaque chrétiendéveloppe l'écoute de la paro<strong>le</strong>de Dieu, s'ouvre au travail en profondeurde la paro<strong>le</strong>. Pour retrouverl'élan missionnaire en s'inspirant de laprimitive Église, l'assiduité de l'étudeet de la méditation de la paro<strong>le</strong> estune piste à explorer à nouveaux frais.Daniel Bourget distingue trois phasesdans l'approche de la Paro<strong>le</strong> de Dieu.La phase de l'affectif qui correspondau premier contact émotionnel, cha<strong>le</strong>ureuxéprouvé. Le cérébral constituépar la recherche de l'intelligencede la foi. La paro<strong>le</strong> est alors scrutée,analysée, maîtrisée, parfois manipulée.C'est une mise en ordre de la foipar l'intelligence. Étape importante,mais pas suffisante. Les profondeurs.La paro<strong>le</strong> atteint tout l'inconscient,nos désirs, nos comportements, noshabitudes, notre service, notre amour,notre espérance..., el<strong>le</strong> nous évangélise,nous fortifie, nous nourrit, nouspacifie, nous guérit, nous sanctifie,conteste parfois nos choix de vie, nousappel<strong>le</strong> à la repentance et nous ouvre àla vie de Dieu. L'agent principal d'unetel<strong>le</strong> œuvre en profondeur demeurel'Esprit Saint.Nous avons besoin de retrouver cetteapproche priante, appelée aussi <strong>le</strong>ctiodivina. El<strong>le</strong> nous permet d'entrer encommunion avec <strong>le</strong> Seigneur Dieu quidans sa grâce immense nous renouvel<strong>le</strong>en vue d'être témoin au moyend'une vie rayonnante, ref<strong>le</strong>t de l'actionrecréatrice du Saint-Esprit.Luc Lukusa, Pasteur6 Notamment Jacques Chopineau, <strong>Lire</strong> la Bib<strong>le</strong>,Lillois [Belgique], Alliance, 1993 ; et Jean-PaulGABUS, op.cit..7 Voir Daniel Bourget, Pour une Église qui veutgrandir, dans La Revue Réformée, 221 [janvier2003], Tome LIV, p.PAGE5