DOSSIERDOSSIERRENCONTREavec trois producteursbio francs-comtoisAvec 3,8 % <strong>de</strong> sa surface agricole en bio, la Franche-Comté est <strong>de</strong>venue en 2005 la troisième régionfrançaise pour la production biologique, ceci essentiellement grâce à la production <strong>de</strong> lait pour le Comté.Mais quelques passionnés, maraîchers, vignerons ou transformateurs <strong>de</strong> fruits tentent <strong>de</strong> développer lafilière dans d’autres domaines. Rencontre avec trois d’entre eux.Pierre Chupin, un parcours gourmandAgrotechnicien venu d’Anjou pour suivre sa compagne nomméeà Besançon, Pierre Chupin propose aujourd’hui <strong>de</strong>s confitures surles marchés francs-comtois. Retour sur un parcours diversifié :« J’ai d’abord été préparateur en pharmacie puis j’ai quitté cemétier qui s’éloignait trop <strong>de</strong> savocation sociale à mon goût et j’aiprofité d’un bilan <strong>de</strong> compétencepour confirmer mon intérêt pourl’agriculture et l’environnement »raconte Pierre Chupin. Suiventalors <strong>de</strong>s formations dans cedomaine dont il sort muni <strong>de</strong>diplômes en agri environnementet gestion et protection <strong>de</strong> lanature. Associatif dans l’âme, il atravaillé en Anjou pour la Ligue<strong>de</strong> protection <strong>de</strong>s oiseaux et leParc naturel régional <strong>de</strong> LoireAnjou Touraine. Il confirme cetengagement en rejoignant àBesançon l’association Echelpuis le Conservatoire <strong>de</strong>sespaces naturels <strong>de</strong> Franche-Comté.Mais, <strong>de</strong>puis son adolescence,Pierre Chupin cultive une autrepassion : les confitures. Geléeset marmela<strong>de</strong>s occupent ses loisirs, à tel point que les ca<strong>de</strong>auxfamiliaux s’orientent plus vers la bassine en cuivre que les petitesvoitures ou les jumelles ornithologiques. Poussé par ses proches,il pense sérieusement faire <strong>de</strong> ce loisir un métier. Un premier étalsur le marché solidaire en 2006, où ses pots <strong>de</strong> confitures seven<strong>de</strong>nt comme <strong>de</strong>s petits pains, confirme le potentiel qu’offriraitcette activité. Il se lance alors dans la transformation, tout d’abordà temps partiel. Confitures <strong>de</strong> poire, quetsche au noix, nèfle,potiron, mirabelle mais aussi <strong>de</strong> cynorrhodon, sureau, pommeaspéruleodorante issues <strong>de</strong> cueillettes sauvages, la productionest limitée mais variée, délicieuse et travaillée avec <strong>de</strong>s fruitsnon traités et du sucre bio. <strong>La</strong> certification est prévue mais elleest d’un coût élevé, 450 euros, et viendra donc plus tard. Lesamateurs d’apéritif sans alcool peuvent aussi déguster <strong>de</strong>s sirops<strong>de</strong> reine <strong>de</strong>s prés, sureau, fleurs d’acacia pour accompagner<strong>de</strong>s toasts <strong>de</strong> pesto d’ail <strong>de</strong>s ours. « J’achète mais je recueilleaussi <strong>de</strong>s fruits abandonnés, donnés par <strong>de</strong>s amis dont lesvergers familiaux croulent sous une production trop abondante »explique Pierre Chupin. Tout ceci est pour l’instant disponible surquelques marchés bien particuliers : l’altermarché <strong>de</strong> Mesmay,EMPREINTES n°8 - Automne <strong>2007</strong>le marché <strong>de</strong> producteurs locaux <strong>de</strong> Battant à Besançon et <strong>de</strong>sévénementiels comme le marché solidaire.Tout en mijotant ses confitures, Pierre Chupin cherche <strong>de</strong>s terreset travaille sur une étu<strong>de</strong> prévisionnelle en vue d’une installationcomme producteur <strong>de</strong> petits fruits rouges, pommeset poires classiques mais aussi <strong>de</strong> variétésanciennes, production dont manque cruellementla Franche-Comté, qui, rappelons-le, n’a uneautonomie en pommes que <strong>de</strong> 21,5 % et pour lesautres fruits une autonomie <strong>de</strong> 3,5 % !Martine <strong>La</strong>ndryDole, la convivialitéC’est en 2002 que Jean-François Cermelli adécidé <strong>de</strong> changer d’horizon pour se rapprocher<strong>de</strong> la nature et <strong>de</strong> la vie au grand air. Opérateurnumérique dans une usine doloise, il a entreprisune formation <strong>de</strong> « responsable d’exploitationen agriculture biologique » pour <strong>de</strong>venir en 2003maraîcher bio. Parallèlement, Bruno Artel avaitdécidé <strong>de</strong> réunir <strong>de</strong>s personnes intéressées parl’achat local <strong>de</strong> produits naturels. Ce petit groupea alors recherché un producteur bio intéressé parle projet et contacté Jean-François Cermelli. Le projetd’AMAP (Association pour le maintien d’une agriculturepaysanne) du pays dolois s’est concrétisé en janvier2006. Le principe est simple : le consommateur estassocié directement à la démarche du producteur en luipayant par avance sa comman<strong>de</strong> annuelle. <strong>La</strong> distribution<strong>de</strong>s paniers <strong>de</strong> fruits et légumes est organisée chaquesemaine et les abonnés participent directement à sa miseen place.Dès son lancement, l’AMAP <strong>de</strong> Dole a conquis unetrentaine d’abonnés. « On maintient notre nombred’abonnés à 38 personnes, bien qu’il y ait une longue listed’attente, mais les problèmes <strong>de</strong> productions aléatoiresne me permettraient pas <strong>de</strong> satisfaire plus <strong>de</strong> personnes »explique Jean-François Cermelli. Les adhérents s’engagenttoutefois à participer financièrement, même en cas <strong>de</strong>mauvaises récoltes. L’abonnement leur permettra <strong>de</strong>prendre 40 paniers, à 10 ou 15 euros, sur les 44 semaines<strong>de</strong> production. Ils peuvent définir 4 semaines, durantlesquelles ils pourront ne pas prendre leur comman<strong>de</strong>, encas <strong>de</strong> vacances par exemple. En contrepartie, le principepermet au maraîcher <strong>de</strong> prévoir plus facilement ce qu’ildoit produire et d’assurer un chiffre d’affaire stable, mêmeen cas d’aléas climatiques.
Serge Ballot, un agriculteur aux multiples talentsSerge Ballot, prési<strong>de</strong>nt du syndicat bio <strong>de</strong> Haute-Saône, arepris en 1991 l’exploitation traditionnelle familiale en cultureset élevage. Dans son projet d’installation, il voulait faire revivrele village viticole d’Hugier (70) qui comptait autrefois jusqu’à 40hectares <strong>de</strong> vignes. Il a rapi<strong>de</strong>ment planté 4 ha sur les coteauxdu village, puis converti l’ensemble <strong>de</strong> l’exploitation en agriculturebiologique. « En 1994, il y avait peu d’agriculteurs biologiques enplace mais le marché était bien structuré, donc les produits ont ététout <strong>de</strong> suite valorisés » explique Serge Ballot. « Pour se lanceren viticulture biologique, il faut savoir anticiper, notamment avec<strong>de</strong>s traitements préventifs. Il n’y a pas <strong>de</strong> solution <strong>de</strong> rattrapage,donc il faut être rigoureux dans son travail ». Pour produire du vin<strong>de</strong>s fruits et <strong>de</strong>s légumesSes 1,5 ha lui permettent <strong>de</strong> fournir une quarantaine <strong>de</strong> variétés,certaines anciennes ou rares, pour faire redécouvrir auxconsommateurs <strong>de</strong>s saveurs oubliées, comme le rutabaga oule panais. « Cette semaine, mes paniers contiennent 1 kg <strong>de</strong>haricots beurre, 1 kg <strong>de</strong> carottes, 1 kg <strong>de</strong> pommes <strong>de</strong> terre et1 gros chou-fleur, le tout pour 10 euros. » Consommateurs etproducteur s’associent pour faire vivre l’association, par exempleen participant régulièrement à la gazette <strong>de</strong> l’AMAP. « Afin <strong>de</strong>présenter mon travail, j’avais organisé il y a quelques mois unpique-nique avec tous les abonnés, sur mon lieu d’exploitation »se rappelle Jean-François Cermelli. Plus qu’un simple marché,le principe <strong>de</strong> l’AMAP permet aux adhérents et au maraîcher <strong>de</strong>tisser <strong>de</strong>s liens plus étroits, dans une ambiance conviviale oùs’échangent astuces et conseils <strong>de</strong> cuisine. Depuis, d’autresAMAP se sont créées dans la région doloise, l’une <strong>de</strong> fruits etlégumes et l’autre <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>.Coralie Erbsbio, il faut travailler la vigne et la protéger avec du souffre et <strong>de</strong>la bouillie bor<strong>de</strong>laise principalement. Ses vignes ont égalementla particularité d’être en lyre, un système particulier <strong>de</strong> piquetsqui permet un ensoleillement maximum. Quant à la vinification,l’opération qui transforme le raisin en vin, elle est très simplepuisqu’il n’y a pas besoin d’ajouter <strong>de</strong> levure et le sulfitage* estminimum.Serge Ballot produit quatre cépages : le chardonnay, l’auxerrois,le gamay et le pinot noir. Chaque année, 25 000 bouteillessortent <strong>de</strong> ses caves : <strong>de</strong>s vins blancs et rouges <strong>de</strong> pays <strong>de</strong>Franche-Comté, son vin mousseux, mélange <strong>de</strong> chardonnayet d’auxerrois, obtenu selon <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s traditionnelleséquivalentes au crémant.<strong>La</strong> viticulture lui prend la moitié <strong>de</strong> son temps, le reste étantconsacré à l’élevage et à l’agriculture. Son exploitation compte untroupeau <strong>de</strong> limousins d’une quarantaine <strong>de</strong> têtes et un troupeau<strong>de</strong> 140 brebis. L’exploitation est complètement autonome cartoute l’alimentation du bétail provient <strong>de</strong>s 125 ha <strong>de</strong> terres ; lamoitié est cultivée, l’autre pâturée et il vend environ la moitié <strong>de</strong>ses céréales. « J’ai gardé quasiment la structure d’exploitation <strong>de</strong>mon grand-père ; les prairies d’il y a cinquante ans sont toujourspâturées aujourd’hui. Ce sont les cultures qui s’adaptent au solet non l’inverse. » souligne l’agriculteur.Serge Ballot a vu les choses évoluer <strong>de</strong>puis son installation, lesventes ont augmenté et le comportement <strong>de</strong>s consommateurs achangé, ils viennent aujourd’hui vers le vin bio pour rechercherl’authenticité du goût, celui du fruit, plus marqué, surtout pour lesrouges.Entre le travail <strong>de</strong>s vignes, <strong>de</strong>s champs, les récoltes, les fauches,la mise en bouteille, les vendanges, les agnelages et les ventes,le calendrier <strong>de</strong> l’agriculteur est bien calé suivant les saisons.« On s’y donne beaucoup, c’est que l’on croit en ce que l’on fait ;c’est presque un sacerdoce ! » conclut Serge Ballot.Emilie LeboucherPour acheter ses produits, la cave est ouverte le samedi matin àHugier (70). Téléphonez au 03 84 31 56 40 pour prendre ren<strong>de</strong>zvousou comman<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s caissettes <strong>de</strong> 10 kg <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>.* Ajout d’anhydri<strong>de</strong> sulfureux qui joue un rôle d’anti-oxydant etd’antiseptique.Pour plus <strong>de</strong> renseignements sur cette AMAP, vouspouvez contacter Bruno Artel au 03 84 80 05 85 ou visiterle site Internet : http://toucouch.free.fr/amap-dole/in<strong>de</strong>x.EMPREINTES n°8 - Automne <strong>2007</strong>