et le Pas-de-Calais

4L’Écho du Pas-de-Calais n o 89 – décembre 2007/janvier 2008Photo M.-P. GriffonCalaisLe Channel :le voile se lève•CalaisFrancis Peduzzi sur le belvédère du Channel. Avec son équipe, il a travaillé en collaboration étroite avec les architectes,Joïc Julienne et Patrick Bouchain, et s’est allié les compétences du scénographe François Delarozière, concepteur entreautres des machines de spectacle de la compagnie Royal de Luxe.Quand le Channel s’estinstallé dans une aile del’ancien abattoir de Calaisen 1994, le public a comprisimmédiatement quele paysage culturel du littoral venaitde se dessiner un nouvel horizon.L’inauguration avait été si décalée,si étonnante qu’elle augurait unavenir prometteur. Le présage s’estréalisé. La scène nationale n’a cesséd’apporter au Calaisis et audépartement des jours de fêteet mille bonheurs précieux.Aujourd’hui, les spectacles, lapédagogie et les rencontresviennent de prendre un nouvelenvol. Plus impressionnant.En restaurant les abattoirs eten s’étalant sur l’ensemble du site,le Channel a démultiplié sespossibilités.Photo Le ChannelOn y était déjà un peu chez soi. Lavieille bâtisse industrielle avait été lecœur de si belles surprises que le publicl’avait adoptée. Le directeur duChannel Francis Peduzzi et sonéquipe; les architectes et les hommesdu chantier ont pris en compte cetteappropriation pour réaliser lestravaux. Ils ont su réhabiliter le site engardant son esprit, en respectant sonhistoire, en lui apportant joie et générosité.Ainsi le public se promène-t-ilaujourd’hui sur les 14000 m 2 avec uneimmense fierté. Celle de posséder unlieu d’exception.Douze millions d’euros, répartis entrel’Europe, la Région, la Ville, l’État, leDépartement, ont permis la métamorphose.Un montant guère élevé auregard des travaux. Il faut dire que lanotion de confort et de travaux finisn’est pas la même ici qu’ailleurs. PointFeux d’hiver et chair de pouleLes Feux d’hiver se déroulent entre Noël et nouvel an, tous les deuxans. Ils offrent des propositions artistiques festives, souvent drôles,parfois troublantes, toujours enthousiasmantes. Cette 5 e édition –du jeudi 27 au lundi 31 décembre – transcendera le nouveau sitedu Channel. Elle apportera des spectacles créés ou commandéspour l’occasion, des surprises ébouriffantes, des étincelles,et le feu d’artifice le plus court du monde.1 er rendez-vous enflamméaprès l’inauguration.Réservation. 03 21 46 77 00Pour l’événement, le Channel s’est allié des valeurssûres. Celles qui font frémir de plaisir quand on lesévoque : Claire Dancoisne et sa Licorne ; RonanTablantec et son humour acide ; Pierre deMecquenem et sa pyrotechnie. Ils seront seizecompagnies à se relayer, se répéter devant lesmilliers de spectateurs attendus. Au chaud à l’intérieur,au chaud à l’extérieur à côté des braseros, sile public a la chair de poule, ce sera grâce auxémotions. Elles seront garanties et gratuites maisobligées de réservations.M.-P. G.de faux plafond, pas d’enduit etencore moins de plaquage. Lesmatériaux sont bruts, les murssont simples, les défauts sontapparents. C’est toujours leChannel qu’on aime, extraordinaire, nonconventionnel, ébahissant mais dans un potentielvraiment différent. Un peu comme si tout cequ’on imaginait pouvait désormais se réaliser…« Nous changeons d’échelle »Les lieux sont multifonctionnels. On jouera duthéâtre dans les chambres des artistes en résidence,on funambulera jusqu’au vieux châteaud’eau appelé belvédère, on se perdra dans lagrande halle centrale, on jouera de la musiquedans le studio cirque et on fera du cirque dansles pavillons et de la vidéo, dehors, sur le mur.« Il y a plein de belles choses à écrire… » seréjouit Francis Peduzzi. Le lieu devrait boosterles esprits et impulser les créations. Désormais,« nous changeons d’échelle, de cadre, d’ambition.» Les onze membres de l’équipe duChannel sont évidemment prêts à relever le défi– « C’est un métier que nous savons faire ».Encore leur faudra-t-il les moyens de fonctionner.« Avec ce lieu, nous avons le potentiel d’unTGV, allons-nous rester sur une activité deMicheline des années cinquante? » La réponseappartient aux collectivités…Pour l’heure, au lendemain de l’inauguration,le proche avenir embrase les esprits. Une librairieet un restaurant étonnant s’annoncent sur lesite et les Feux d’hiver sont attendus fin décembre.Des feux craquants, aussi brûlants que lesespoirs sont ardents.Site : www.lechannel-calais.orgMarie-Pierre GriffonÀ l’Abri de rien d’Olivier Adaml’Abri de rien, a remporté le prix Roman France-Télévisions 2007À et fait partie des grosses ventes de la rentrée. Surtout, ildéveloppe un sujet qui se déroule dans notre département : une jeuneCalaisienne quitte tout pour se mettre – jusqu’à la folie – au servicedes sans-papiers qui cherchent à passer en Angleterre.Un livreSi on en parle autant c’est aussi pour l’adaptation télévisée de Jean-PierreAméris intitulée « Maman est folle » qui est passée sur France 3, le jeudi22 novembre dernier, avec l’interprétation très incarnée d’Isabelle Carrédans le rôle de Sylvie (Marie dans le livre). Un téléfilm multi récompensé aufestival de la Fiction de La Rochelle en 2007, également projeté en avantpremièrele 15 octobre au cinéma Alhambra à Calais en présence du réalisateur,d’Isabelle Carré et des associations qui apportent – dans la vieréelle – leur soutien aux réfugiés. L’idée du livre est venue à Olivier Adamquand il animait à Calais des ateliers d’écriture en ZEP. La réalité lui sautealors à la figure. Il croise des réfugiés dans le centre-ville, assiste à desscènes de répressions policières, au travail des associations et en tire uneconviction « tout est bon pour décourager ceux qui aident les migrants, lacalomnie, l’intimidation, les convocations judiciaires et même les procès »(interview France 2, 26 septembre 2007).Maintenant que penser du livre lui-même? Marie a toujours vécu à Calais.Elle est perdue, cherche un sens à sa vie jusqu’alors surtout centrée autourde son mari et de ses enfants. Elle croise les « Kosovars » (en fait il y a trèspeu de Kosovars mais des Kurdes, des Éthiopiens, des Irakiens, desIraniens nous apprend Olivier Adam) depuis longtemps mais sans jamaisleur jeter un regard. Un jour, sa voiture tombe en panne. Jallal vient l’aider.Peu de temps après, elle devient bénévole. Marie va s’investir totalement– elle donne tout son argent, son temps, ses vêtements, sa nourriture –se perdre et finalement sacrifier les siens pour sauver les autres. OlivierAdam excelle dans la description des univers pavillonnaires de banlieuedont il est issu lui-même. Le livre se lit d’un trait et l’on reste fascinéjusqu’à la dernière page. Petit bémol quand même. Le livre n’est pasexempt de caricatures. Parole également de spectateur : il ne faudrait pasque l’on pense que les gens qui travaillent pour aider les réfugiés sontforcément proches de la folie…Benjamin Zehnder