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Les 3 messes basses

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3. Pendant ce temps-là...Dehors, le vent de la nuit soufflait enéparpillant la musique des cloches, et, àmesure, des lumières apparaissaient dansl'ombre du mont Ventoux, en haut duquels'élevaient les vieilles tours deTrinquelage. C'étaient des familles demétayers qui venaient entendre la messe deminuit au château. Ils grimpaient la côteen chantant par groupes de cinq ou six, lepère en avant, la lanterne à la main, lesfemmes enveloppées dans leurs grandesmantes brunes où les enfants seseraient et s'abritaient.Malgré l'heure et le froid,tout de brave peuplemarchaitallègrement,soutenu parl'idée qu'ausortir de lamesse il yaurait, comme tousles ans, table misepour eux en bas dansles cuisines. De tempsen temps, sur la rudemontée, le carrossed'un seigneur,précédé de porteurs de torches, faisaitmiroiter ses glaces au clair de lune, ou bienune mule trottait en agitant ses sonnailles,et, à la lueur des falots enveloppés debrume, les métayers reconnaissaient leurbailli et le saluaient au passage :- Bonsoir, bonsoir, maître Arnoton !- Bonsoir, bonsoir, mes enfants !La nuit était claire, les étoilesavivées de froid; la bise piquait, et un fingrésil, glissant sur les vêtements sans lesmouiller, gardait fidèlement la tradition desNoëls blancs de neige. Tout en haut de lacôte, le château apparaissait comme un but,avec sa masse énorme de tours, de pignons,le clocher de sa chapelle montant dans leciel noir, et une foule de petites lumièresqui clignotaient, allaient, venaient,s'agitaient à toutes les fenêtres, etressemblaient, sur le fond sombre dubâtiment, aux étincelles courant dans descendres de papier brûlé... Passé le pontleviset la poterne, il fallait, pour se rendreà la chapelle, traverser la première cour,pleine de carrosses, de valets, de chaises àporteurs, toute claire du feu destorches et de la flambée descuisines. On entendait letintementdestournebroches, le fracasdes casseroles, le chocdes cristaux et del'argenterie remués dansles apprêts d'un repas;par là-dessus, unevapeur tiède, quisentait bon leschairs rôties et lesherbes fortes dessauces compliquées,faisait dire auxmétayers, commeau chapelain,comme aubailli, comme àtout le monde :- Quel bon réveillon nous allons faireaprès la messe !


Texte : <strong>Les</strong> trois <strong>messes</strong> <strong>basses</strong>Conte de Noël4. Deuxième messeDrelindin din !... Drelindin din !...C'est la seconde messe quicommence, et avec elle commence aussi lepéché de dom Balaguère.- Vite, vite, dépêchons-nous, lui criede sa petite voix aigrelette la sonnette deGarrigou, et cette fois le malheureuxofficiant, tout abandonné au démon de lagourmandise, se rue sur le missel et dévoreles pages avec l'avidité de son appétit ensurexcitation. Frénétiquement il se baisse,se relève, esquisse les signes de croix, lesgénuflexions, raccourcit tous ses gestespour avoir plus tôt fini. A peine s'il s'étendses bras à l’Évangile, s'il frappe sa poitrineau Confiteor. Entre le clerc et lui c'est àqui bredouillera le plus vite. Versets etrépons se précipitent, se bousculent. <strong>Les</strong>mots à moitié prononcés, sans ouvrir labouche, ce qui prendrait trop de temps,s'achèvent en murmuresincompréhensibles.Oremus ps... ps... ps...Mea culpa... pa... pa...Pareils àdes vendangeurspressés foulant leraisin dans lacuve, tousdeuxbarbotent dansle latin de lamesse, enenvoyant deséclaboussuresde tous les côtés.Dom... scum !...dit Balaguère....Stutuo !... répond Garrigou; et tout letemps la damnée petite sonnette est là quitinte à leurs oreilles, comme ces grelotsqu'on met aux chevaux de poste pour lesfaire galoper à la grande vitesse. Pensezque de ce train-là une messe basse est viteexpédiée.- Et de deux ! dit le chapelain toutessoufflé; puis, sans prendre le temps derespirer, rouge, suant, il dégringole lesmarches de l'autel et...5. TroisièmemesseDrelindin din !... Drelindin din !...C'est la troisième messe quicommence. Il n'y plus que quelques pasà faire pour arriver à la salle à manger;mais, hélas ! à mesure que le réveillonapproche, l'infortuné Balaguère se sentpris d'une folie d'impatience et degourmandise. Sa vision s'accentue, lescarpes dorées, lesdindes rôties sont là, là... Il les touche... Illes... Oh ! Dieu !... <strong>Les</strong> plats fument,les vins embaument; et,secouant son grelotenragé, la petite sonnettelui crie :- Vite, vite, encore plusvite !...Mais commentpourrait-il aller plusA.R. TAMINES Page 5 / 11


Texte : <strong>Les</strong> trois <strong>messes</strong> <strong>basses</strong>vite ? Ses lèvres remuent à peine. Il neprononce plus les mots... A moins detricher tout à fait le bon Dieu et de luiescamoter sa messe... Et c'est ce qu'il fait,le malheureux... De tentation en tentation,il commence par sauter un verset, puisdeux. Puis l'épître est trop longue, il ne lafinit pas, effleure l’Évangile, passe devantle Credo sans entrer, saute le Pater, saluede loin la préface, et par bonds et par élansse précipite ainsi dans la damnationéternelle, toujours suivi de l'infâmeGarrigou (vade retro, Satanas !), qui leseconde avec une merveilleuse entente, luirelève la chasuble, tourne les feuillets deuxpar deux, bouscule les pupitres, renverseles burettes, et sans cesse secoue la petitesonnette de plus en plus fort, de plus enplus vite.Il faut voir la figure effarée que font tousles assistants ! Obligés de suivre à lamimique du prêtre cette messe dont ilsn'entendent pas un mot, les uns se lèventquand les autres s'agenouillent, s'asseyentquand les autres sont debout; et toutes lesConte de Noëlphases de ce singulier office se confondentsur les bancs dans une foule d'attitudesdiverses. L'étoile de Noël en route dans leschemins du ciel, là-bas, vers la petiteétable, pâlit d'épouvante en voyant cetteconfusion...- L'abbé va trop vite... On ne peut passuivre, murmure la vieille douairière enagitant sa coiffe avec égarement.Maître Arnoton, ses grandeslunettes d'acier sur le nez, cherche dansson paroissien où diantre on peut bien être.Mais au fond, tous ces braves gens, qui euxaussi ne pensent qu'à réveillonner, ne sontpas fâchés que la messe aille ce train deposte; et quand dom Balaguère, la figurerayonnante, se tourne vers l'assistance encriant de toutes ses forces : Ite, missa est, iln'y a qu'une voix dans la chapelle pour luirépondre un Deo gratias si joyeux, sientraînant, qu'on se croirait déjà à table aupremier toast du réveillon.6. Le châtiment...Cinq minutes après, la fouledes seigneurs s'asseyait dans lagrande salle, le chapelain au milieud'eux. Le château, illuminé dehaut en bas, retentissait dechants, de cris, de rires, derumeurs; et le vénérable domBalaguère plantait sa fourchettedans une aile de gélinotte, noyant leremords de son péché sous un flot de vindu pape et de bon jus de viande. Tant ilbut et mangea, le pauvre saint homme,qu'il mourut dans la nuit d'une terribleattaque, sans avoir eu le temps de serepentir; puis, au matin, il arriva dans leciel encore tout en humeur des fêtes de lanuit, et je vous laisse à penser comme il yfut reçu.- Retire-toi de mes yeux,mauvais chrétien ! lui ditle souverain Juge, notremaître à tous. Ta fauteest assez grande poureffacer toute une vie devertu... Ah ! tu m'asvolé une messe deminuit... Eh bien ! tum'en payeras trois cents en place,et tu n'entreras en paradis quequand tu auras célébré dans tapropre chapelle ces trois cents<strong>messes</strong> de Noël en présence detous ceux qui ont péché par tafaute et avec toi...A.R. TAMINES Page 6 / 11


Texte : <strong>Les</strong> trois <strong>messes</strong> <strong>basses</strong>Conte de Noël7. Et voilà...Et voilà la vraie légende de domBalaguère comme on la raconte au paysdes olives. Aujourd'hui le château deTrinquelage n'existe plus mais la chapellese tient encore droite tout en haut du MontVentoux, dans un bouquet de chênes verts.Le vent fait battre sa porte disjointe,l'herbe encombre le seuil; il y a des nidsaux angles de l'autel et dans l'embrasuredes hautes croisées dont les vitrauxcoloriés ont disparu depuis longtemps.Cependant il paraît que tous les ans, àNoël, une lumière surnaturelle erre parmices ruines, et qu'en allant aux <strong>messes</strong> etaux réveillons, les paysans aperçoivent cespectre de chapelle éclairé de ciergesinvisibles qui brûlent au grand air, mêmesous la neige et le vent. Vous en rirez sivous voulez, mais un vigneron de l'endroit,nommé Garrigue, sans doute undescendant de Garrigou, m'a affirmé qu'unsoir de Noël, se trouvant un peu en ribote,il s'était perdu dans la montagne du côté deTrinquelage; et voici ce qu'il avait vu...Jusqu'à onze heures, rien. Toutétait silencieux, éteint, inanimé. Soudain,vers minuit, un carillon sonna tout en hautdu clocher, un vieux, vieux carillon quiavait l'air d'être à dix lieues. Bientôt, dansle chemin qui monte, Garrigue vit tremblerdes feux, s'agiter des ombres indécises.sous le porche de la chapelle, on marchait,on chuchotait :- Bonsoir, maître Arnoton !- Bonsoir, bonsoir, mes enfants !...Quand tout le monde fut entré, monvigneron qui était très brave, s'approchadoucement et, regardant par la portecassée, eut un singulier spectacle. Tousces gens qu'il avait vu passer étaient rangésdans le chœur, dans la nef en ruine, commesi les anciens bancs existaient encore. Debelles dames en brocart avec des coiffes dedentelle, des seigneurs chamarrés du hauten bas, des paysans en jaquettes fleuriesainsi qu'en avaient nos grands-pères, tousl'air vieux, fané, poussiéreux, fatigué. Detemps en temps, des oiseaux de nuit, hôteshabituels de la chapelle, réveillés partoutes ces lumières, venaient rôder autourdes cierges dont la flamme montait droiteet vague comme si elle avait brûlé derrièreunegaze; et ce qui amusaitbeaucoup Garrigue,c'était un certainpersonnage àgrandes lunettesd'acier, quisecouait àchaque instant sahaute perruquenoire sur laquelleun de ces oiseauxse tenait droit toutempêtré en battantsilencieusement desailes...Dans le fond, unpetit vieillard de tailleenfantine à genoux aumilieu du chœur, agitaitdésespérément une sonnette sans grelot etsans voix, pendant qu'un prêtre, habillé devieil or, allait, venait, devant l'autel enrécitant des oraisons dont on n'entendaitpas un mot... Bien sûr, c'était domBalaguère, en train de dire sa troisièmemesse basse.A.R. TAMINES Page 7 / 11


Texte : <strong>Les</strong> trois <strong>messes</strong> <strong>basses</strong>Conte de NoëlQuestionnaire - Coche les propositions correctes :1. Conte de NoëlA quel siècle s’est déroulé ce conte de Noël : Au 15e siècle ? Au 16e siècle ? Au 17e siècle ? Au 18e siècle ?Combien y aura-t-il de convives à table ? au moins 30 au moins 35 au moins 40 au moins 45Combien avait-on préparé de dindes pour le menu du réveillon ? 2 3 5 on ne le précise pasDans cet extrait, qu’est-ce que l’on désigne sous le nom « TRUFFE » ? le nez d’un chien un champignon souterrain et très odorant un spécialité de chocolat une personne gourmandeQuel titre de noblesse porte le sire de Trinquelage ? Comte Marquis Duc Vicomte2. Première messeOù a lieu la première messe ? dans la chapelle du château dans une cathédrale dans l’église du hameau en plein airA.R. TAMINES Page 8 / 11


Texte : <strong>Les</strong> trois <strong>messes</strong> <strong>basses</strong>Conte de NoëlComment les fidèles sont-ils installés dans la chapelle ? les hommes d’un côté, les femmes de l’autre les plus importants à l’avant près du chœur ils sont installés pêle-mêle comme bon leur semble ils sont tous groupés par famillesChaque fois que tinte la sonnette, le chapelain en oublie sa messe ne pense plus qu’au réveillon fait une génuflexion récite des prièresQuand la première messe se termine, le chapelain soupire de soulagement est triste qu’elle soit déjà finie félicite son clerc bénit les fidèles3. Pendant ce temps-là...Quel temps fait-il dehors en cette nuit de Noël ? il neige à gros flocons il tombe un fin grésil la bise pique les joues il pleut à verseOù sont construites les tours du château de Trinquelage ? en haut du Mont Ventoux au bord d’une rivière sur le flanc d’un coteau à l’orée d’une forêtMalgré le froid piquant, tous les habitants viennent au château parce qu’ils espèrent faire un bon repas de réveillon pour voir les beaux habits des nobles par conviction religieuse pour aider à préparer le repas de réveillonA.R. TAMINES Page 9 / 11


Texte : <strong>Les</strong> trois <strong>messes</strong> <strong>basses</strong>Conte de Noël4. Deuxième messeAvec la deuxième messe commence le péché de dom Balaguère le repas de Noël de début des vendanges la folie de dom BalaguèreDès la fin de la deuxième messe, dom Balaguère dégringole les marches de l’autel et attaque la troisième se précipite aux toilettes se rend dans les cuisines appelle le Sire de Trinquelage5. Troisième messeA mesure que le réveillon s’approche, dom Balaguère se sent pris d’une folie d’impatience de coliques abominables de quintes de toux de visions infernalesDe tentation en tentation, comment escamote-t-il la dernière messe ? il saute des versets il raccourcit l’épître il tourne les feuillets deux par deux il renverse les burettesComment réagissent les assistants ? ils ont une figure effarée ils ne pensent qu’au réveillon ils critiquent sévèrement le prêtre ils sortent de la chapelleA.R. TAMINES Page 10 / 11


Texte : <strong>Les</strong> trois <strong>messes</strong> <strong>basses</strong>Conte de Noël6. Le châtiment...Comment le réveillon de dom Balaguère s’est-il terminé ? il mourut d’une attaque il fut malade à cause d’une indigestion il vomit car il était complètement saoul il fut chassé du château par la douairièreQuel châtiment divin dut-il subir ? dire trois cents <strong>messes</strong> de Noël dans sa propre chapelle être damné en enfer pour l’éternité se transformer en fantôme et errer pendant plusieurs siècles dire une messe tous les soirs pendant trois siècles7. Et voilà...Résume en moins de 100 mots l’histoire de dom Balaguère telle qu’on la raconte au paysdes olives :..................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................Relève dans ce récit cinq expressions qui montrent qu’il s’agit d’un conte et non d’unehistoire véridique :..........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................A.R. TAMINES Page 11 / 11

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