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Entretien avec Pierre Buraglio - Histoire culturelle et sociale de l'art

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Le Postmo<strong>de</strong>rne : un paradigme pertinent dans le champ artistique ?, INHA & Grand Palais, Paris, 30-31 mai 2008Fabien Danesi : C<strong>et</strong>te pratique du <strong>de</strong>ssin n’était-elle pas en opposition aux autrespropositions artistiques que vous faisiez <strong>et</strong> qui relevaient d’une logique <strong>de</strong> la déconstruction ?<strong>Pierre</strong> <strong>Buraglio</strong> : Dans c<strong>et</strong>te césure <strong>de</strong> ma pratique artistique, j’ai pu faire <strong>de</strong>s choses toutes àfait anonyme, mais <strong>de</strong> caractère utilitariste. Là vous soulevez une autre question. Après lesChâssis, <strong>et</strong> le travail sur le cadre, dès 1977-1978, je fais r<strong>et</strong>our sur une pratique du <strong>de</strong>ssin pour<strong>de</strong>s raisons conjoncturelles, d’ordre pratique. Premièrement : j’ai été nommé pour gagner mavie professeur à l’école <strong>de</strong>s Beaux-arts <strong>de</strong> Valence 19 . Je m’étais fixé <strong>de</strong> ne pas me poser enmodèle comme l’avaient faits certains professeurs que j’avais eus aux Beaux-Arts. Cela mesemblait dérisoire pour un artiste <strong>de</strong> mon type. Il y avait eu abandon du métier traditionnel.Que <strong>de</strong>vais-je leur montrer ? Comment on froisse du papier, comment on le plie, on le colle ?C’est grotesque. Alors je me suis remis au <strong>de</strong>ssin pour moi-même, parce que c’est comme lapratique d’un sport, d’un savoir que j’avais perdu. Avec <strong>de</strong>s collègues, j’emmenais les élèvesau musée <strong>de</strong> Grenoble, <strong>de</strong> Lyon, <strong>de</strong> Saint-Étienne, donc <strong>de</strong> la Région. En les invitant àregar<strong>de</strong>r les œuvres <strong>et</strong> à <strong>de</strong>ssiner, j’ai alors fréquenté <strong>de</strong> manière plus assidue les grandsmusées. P<strong>et</strong>ite parenthèse : <strong>de</strong>s camara<strong>de</strong>s comme Michel Parmentier <strong>et</strong> Kermarrec, à ladifférence <strong>de</strong> Dada, nous étions très respectueux du musée. Je r<strong>et</strong>rouve le musée <strong>avec</strong> lesélèves.C’est donc la première raison pratique. La <strong>de</strong>uxième est liée à ce travail sur les Châssis<strong>et</strong> les Fenêtres. Ça va relativement vite à faire ; il ne faut pas en faire <strong>de</strong> trop, il faut pratiquerun certain tantrisme. La gran<strong>de</strong> référence qui a marqué ma vie, en plus d’Aillaud <strong>et</strong> Hantaï, <strong>et</strong>qui est une figure incontournable pour les gens <strong>de</strong> ma génération, est Bram Van Vel<strong>de</strong> 20 . Je lecompare un peu au personnage d’Herman Melville, Bartleby 21 quand il dit : « I would prefernot to. » Il fait tout ce qu’il peut pour ne pas peindre, c’est merveilleux, c’est le contraire <strong>de</strong>ce qui est pratiqué aujourd’hui où on vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> remplir tel lieu, <strong>de</strong> remplir, toujours.Lui, il est dans la r<strong>et</strong>enue. J’essaie <strong>de</strong> me comporter comme ça. Mais les journées sont longues19 <strong>Pierre</strong> <strong>Buraglio</strong> enseigne à l’École régionale <strong>de</strong>s Beaux-arts <strong>de</strong> Valence <strong>de</strong> 1976 à 1989, lorsqu’il est nomméprofesseur à l’Ensba à Paris. <strong>Pierre</strong> Wat, <strong>Pierre</strong> <strong>Buraglio</strong>, Paris, Flammarion, 2001, p. 185.20 Bram Van Vel<strong>de</strong> (1895-1981) est un peintre abstrait belge, proche <strong>de</strong> Samuel Beck<strong>et</strong>t <strong>et</strong> présenté à la fin <strong>de</strong>sannées 1940 puis à partir <strong>de</strong>s années 1970 par la galerie Maeght. Voir Bram van Vel<strong>de</strong>, Paris, Centre GeorgesPompidou, 1989.21 « I would prefer not to » / « Je ne préférerais pas » est l’invariable réponse qu’oppose Bartleby, un mo<strong>de</strong>stecommis aux écritures dans un cabin<strong>et</strong> <strong>de</strong> Wall Stre<strong>et</strong>, à toute <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qui lui est faite. C<strong>et</strong>te résistance absolue,incompréhensible pour les autres, le conduira peu à peu à l’isolement le plus total. Ce texte bref, mais auxsignifications inépuisables, a exercé une fascination durable sur <strong>de</strong>s écrivains <strong>et</strong> philosophes comme MauriceBlanchot, Georges Bataille, Michel Foucault ou Gilles Deleuze. Voir Herman Melville, Bartleby, le scribe, Paris,Gallimard, 2003 <strong>et</strong> <strong>Pierre</strong> <strong>Buraglio</strong>, « À propos d’Hermann Melville », 1994, repris dans <strong>Pierre</strong> <strong>Buraglio</strong>, Écritsentre 1962-2007, Paris, Ensba, 2007, p. 199.116

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