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Suivant Sa Voie n°74 - Club Alpin Francais - Albertville - Free

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Ce ne fut que quelques secondes, suiviesd’un arrêt brutal, la tête en bas, lespieds au fond, le corps arqué pris dansun étau glacé, les mains bougeant àpeine, contre ma bouche ; je me disaisque la grande faux blanche arrivait insensiblement,et irrémédiablement.Trois paires d’yeux sombres et fixes,ceux de mes enfants et d’une amie trèschère, me regardaient, tentant de ralentircette fin qui semblait si proche.Le souffle devenait très court, les piedsne bougeaient plus, les mains à peineet le froid m’envahissait bel et bien. Unléger bruit feutré approcha, lentement,en tournant au début, puis carrémentau-dessus, faisant naître un espoir fou.Les grands yeux fixes étaient toujoursprésents, toujours immobiles, mais unpeu brillants.Des voix, des gestes, un en particulier,celui de Daniel, pour retirer ma casquetteet mes lunettes, dégagèrentmes mains, que je portais en ce momentmiraculeux à ma tête, et sur monvisage devenu gris. Trois personnes meportaient secours, à vigoureux coups depelles, et un très chaud réconfort. Loinétaient mes pieds, froid et tendu étaitmon corps, mais si bons le soleil et l’air.Titubant, respirant avec peine, je regardais,une fois hissé par des mains vigoureuses,sans un mot, hébété, le décoroù des milliers de morceaux, de cettetoile épaisse et adorée il y a un instant,avaient dévalé du col et transformé lelieu en un immense cahot de morceauxblancs, petits et grands venus de la toiledéchirée. Je repris mes esprits sousles chauds encouragements de Daniel,Yannick et Bruno qui retrouvèrent lesskis plantés à la verticale.Un, puis deux et trois tours sur moi,pour voir où étaient Gérard, Roland,alors qu’incrédule j’en voyais d’autresau milieu de cette pente qui semblaitavoir été labourée parce qu’un bistourigéant avait sectionné les fils de la toile,depuis les bords du col. Mes souvenirssont précis et flous à la fois, car en titubantj’allais vers deux personnes à côtéd’une autre qui s’avéra être Roland, aubas de l’ilôt rocheux, souffrant, tremblantet digne, la jambe gauche saignantet très, trop clairement faisantun angle inhabituel avec le bas de lacuisse. Roland était entouré, réchauffé,protégé tant bien que mal des bourrasquesde vent et de la neige glacée ;il était maintenant couvert de voilesfins et métalliques, fruits de la technologiede l’espace. On téléphona auxsecours, puis on parla en se perdant enmille conjectures, du genre pourquoiici, maintenant, aussi large des rochersde gauche à ceux de droite, la destinée,l’incroyable arrivée des nos secouristes,que va-t-il se passer pour Roland, pourDaniel qui boite, souffre et sourit sousles rayons du soleil ? quel est ce groupede personnes plus bas ?Un bruit sourd et rythmé se fit entendreau loin, là-bas, l’hélicoptère arriva,filant comme une libellule. Il en fitdes tours et des tours, secoué et tapépar des rafales, reprenant sa coursedécidée, en passant même par le hautdu col battu par le vent. Après une dizainede tours, et d’efforts, il réussit, lorsd’une accalmie fort brève, à se poser àenviron une centaine de mètres de Roland,sur un replat qui semblait lisse età l’abri d’une autre avalanche. Puis il revintpour déposer médecin et matérielsde secours, alors que le vent qui n’avaitcessé de forcir depuis le matin semblaitmaintenant se calmer. De ce moment,mes souvenirs demeurent vagues, lapartie droite de mon corps étant secouéede tremblements sporadiques,mon esprit de pourquoi, alors que mesyeux voyaient Roland emmitouflé, entouréet réconforté faisant corps avec letraîneau qui filait doucement vers l’hélicoptère.Pendant ce temps-làDaniel, qui contenait sa souffrance,partait lui aussi emportépar l’hélicoptère.Gérard me regardait, et tous lesdeux nous tremblions en revivantcet effroi, qui déjà revenaiten boucles, et en questions. Entourésde nos sauveurs, nouspartîmes à skis vers le col deThorens, avec des haltes pourprendre des photos souvenirsde cette toile déchirée aux contoursdevenant flous, et aussi pour reprendrenotre équilibre bien mis à mal, n’est-cepas Gérard ?Mais la toile déchirée ne fut pas circonscriteau col de Gébroulaz, car ellenous apparut tout autant déchirée enmaints endroits pentus, dès la premièrepente sous le col avant celui de Thorens,tout comme la pente sommitale du picdu Bouchet qui laissait voir les signesd’une grande avalanche à la suite d’unvigoureux coup de bistouri.La descente à skis jusqu’à Val-Thorensfut un délice de glisse, s’arrêtant à lamême cabane pour rencontrer au soleilla petite troupe qui avait fait demi-tour,et laissé des traces rondes et elliptiquessur cette toile de velours. Tout le mondeparlait, disant qu’on avait jamais vuune avalanche d’une telle ampleur ence lieu, et qu’ils s’apprêtaient à poursuivrel’ascension ; pour ma part jerestais prostré ayant du mal à articulerquelques mots.Une semaine plus tard, je me retrouvaisdans ces montagnes, précisémentau sommet de l’Aiguille de Peclet, pourvoir, regarder cette toile déchirée sousle col de Gébroulaz. Il n’en restait quequelques traces commentées par descompagnons du moment.La toile immaculée était revenue, et jene dis mot en cet instant.Chaleureux remerciements et reconnaissances.De tout cœur :au gendarme Laurent Colliaut du PGHMde Bourg St Maurice,au gendarme Philippe Fisher du PGHMde Modane,aux amis de Tarentaise Yannick Gazengel,Bernard Chatelet, Bruno Villard,Emile Bertillot (dit Milou),au pilote de l’hélicoptère GuillaumeRoux,au Docteur Yvan Joyeux,au personnel médical de l’hôpital d’<strong>Albertville</strong>.JL Darlix11

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