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Justice fiscale, paradis fiscaux : des enjeux européens (PDF)

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Contrôle, échange d’informations : un enjeu de taille…Les systèmes <strong>fiscaux</strong> ne peuvent plus compter sur les seules origines nationales en termes de renseignementspour appliquer leurs propres impositions. Seuls les échanges automatiques d’informations entre administrations<strong>fiscale</strong>s peuvent dissuader et révéler les frau<strong>des</strong> dans les flux transfrontaliers. Il s’agit donc de mettre àdisposition les informations en cas de demande administrative. Il faut donc un cadre légal qui impose <strong>des</strong>obligations communes 5 . Ce socle juridique permettrait l’accès rapide aux informations dans le cadre d’uneprocédure encadrée par la loi (qui garantirait ainsi l’égalité de traitement <strong>des</strong> contribuables européens). Bienentendu, ce cadre doit être contraignant et doit prévoir <strong>des</strong> sanctions (amen<strong>des</strong>, publication <strong>des</strong> refus sur unrapport de la commission…). Une « banque de données » européenne pourrait être mise en place, sur l’idée dusystème Vat Information Exchange System (VIES) pour la TVA intracommunautaire qui, quoique imparfait,montre qu’un tel projet est réalisable.Le renseignement, l’assistance et les diverses formes de coopérations doivent concerner la gestion, le contrôleet le recouvrement de tous les impôts, directs et indirects. Au minimum, il faudrait réviser la portée de laconvention passée entre l’OCDE et l’UE concernant l’assistance administrative en matière <strong>fiscale</strong> pourn’exclure aucun impôt et ne prévoir aucune dérogation d’aucune sorte. Cette convention doit évidemments’appliquer avec la même portée à tous les pays signataires (UE <strong>des</strong> 25, pays membres de l’OCDE). Il faut parailleurs que l’UE avance sur le terrain <strong>des</strong> conventions bilatérales passées entre l’UE et les pays tiers de ce type.La coopération administrative internationale est faible : les échanges de fonctionnaires et les résultats souventdécevants <strong>des</strong> contrôles multilatéraux, initiés dans le cadre du programme Fiscalis, ne masquent pas l’absenced’une coopération orientée vers le contrôle qui reste à inventer. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur les1 500 000 entreprises effectuant <strong>des</strong> opérations communautaires, le nombre de contrôles multilatéraux, quipermet d’effectuer un contrôle coordonné de la situation <strong>fiscale</strong> d’un redevable à la TVA, était de 15 en 2000 etde 3 en 2003. L’assistance mutuelle administrative a concerné 2% de ces entreprises en 2003.Dans un contexte d’internationalisation croissante <strong>des</strong> échanges, de développement de nouvelles technologiesou encore de montages de plus en plus opaques et complexes, la lutte contre l’évasion et la fraude <strong>fiscale</strong>s passepar davantage de coopération au niveau européen. Pour que celle-ci soit efficace, il faut évidemment une réellevolonté politique qui se traduise concrètement par <strong>des</strong> moyens juridiques, technologiques et humains. LaCommission elle-même note qu’avec 30 000 vérificateurs dans les administrations <strong>des</strong> Etats membres, ilfaudrait 40 ans pour inspecter chacun <strong>des</strong> 24 millions d’assujettis à la TVA 6 …Développer et intensifier une véritable coopération internationale passerait notamment par :- la venue de fonctionnaires étrangers dans le cadre d’une procédure,- l’instauration d’un « droit de suite » dans le cadre du contrôle d’une société qui permettrait d’effectuer<strong>des</strong> recherches ou vérifications dans un autre Etat membre où serait implantée une société du mêmegroupe que la société vérifiée, une filiale de la société vérifiée ou une société dans laquelle la sociétévérifiée détient un certain seuil de participation,- le développement de la procédure de contrôle multilatéral coordonné.Enfin, les critiques portant sur Eurojust ont montré que l’espace judiciaire européen restait à construire. Cettestructure est certes jeune (elle a été créée en 1999 et ne dispose de la personnalité juridique que depuis 2002)mais il faut d’ores et déjà aller plus loin : il faut, par exemple, s’interroger sur le fait que les Etats ont lapossibilité de ne pas donner suite aux deman<strong>des</strong> d’Eurojust et, bien entendu, sur la création d’un véritableparquet européen. Le terrain judiciaire doit également être investi pour que la coopération judiciaire et lerapprochement <strong>des</strong> législations soient une réalité.Sur le respect <strong>des</strong> engagements <strong>des</strong> Etats, qu’il s’agisse <strong>des</strong> règles de droit fiscal, pénal, commercial, bancaireou civil, <strong>des</strong> sanctions à l’encontre d’un pays non coopératif doivent être envisagées. Celles-ci pourraientprévoir à l’égard du territoire sanctionné une suspension <strong>des</strong> relations financières et commerciales, uneinterdiction pour les entreprises de s’implanter ou le durcissement <strong>des</strong> dispositifs anti-évasion <strong>fiscale</strong>.5 Pour ce faire, il faudrait, par exemple, commencer par revenir sur le traitement dérogatoire réservé à l’Autriche, la Belgique et leLuxembourg concernant la taxation <strong>des</strong> revenus de l’épargne.6 Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen, Le recours aux mécanismes de la coopération administrative dans lalutte contre la fraude à la TVA, n°34, 2002.3


Droit <strong>des</strong> sociétés et fiscalité, <strong>des</strong> <strong>enjeux</strong> croisésUne <strong>des</strong> caractéristiques majeures <strong>des</strong> <strong>paradis</strong> <strong>fiscaux</strong> est de permettre la création rapide et à moindre frais <strong>des</strong>ociétés qui permettent, en tout anonymat, le placement, la gestion et la transmission de patrimoines. Les<strong>paradis</strong> <strong>fiscaux</strong> offrent en effet très souvent un régime très secret en matière de droit <strong>des</strong> sociétés. Il y est ainsipossible de créer <strong>des</strong> sociétés écrans, souvent paravents d’activités illicites, permettant de dissimuler l’identité<strong>des</strong> bénéficiaires et <strong>des</strong> ayants droit. L’utilisation de ce type de société (fiducies, trusts, fondations, sociétés depersonnes à responsabilité limitée) est particulièrement propice aux activités illicites comme le blanchiment parexemple 7 . Il faut donc lever l’opacité qui existe sur ce type de structures.Les premières mesures à prendre seraient les suivantes : toutes les autorités publiques <strong>des</strong> Etats membresdevraient disposer <strong>des</strong> informations sur les bénéficiaires effectifs et le contrôle <strong>des</strong> sociétés implantées sur leurterritoire. Il faut assurer une supervision adéquate et une stricte intégrité du système d’obtention, deconservation et de transmission <strong>des</strong> informations. Enfin, il doit être possible aux autorités publiques (deréglementation de surveillance et d’application <strong>des</strong> lois), dans le cadre de leurs investigations, d’échanger <strong>des</strong>informations ainsi détenues sur les bénéficiaires effectifs <strong>des</strong> sociétés créées sur le territoire <strong>des</strong> Etats membres.Il pourrait ainsi être instituée une obligation de déclaration préalable aux autorités publiques du nom de tous lesbénéficiaires effectifs de toutes les sociétés, sans exception. Ces informations seraient alors transmises auxautorités publiques <strong>des</strong> autres Etats membres (administrations <strong>fiscale</strong>s, judiciaires, institutions financières) souspeine de sanctions. Ce dispositif permettrait d’imposer dans son Etat de résidence un contribuable qui auraittransféré une partie de son patrimoine dans un « trust » étranger par exemple.Au-delà de la question spécifique <strong>des</strong> sociétés écrans, la réflexion doit également porter sur l’harmonisation dudroit <strong>des</strong> sociétés dans l’UE. Doit-on tolérer <strong>des</strong> sociétés dont le seul but est d’échapper à l’impôt (trust,fiducie) ? De la même manière, il faut relancer une étude sur les régimes <strong>fiscaux</strong> privilégiés qui favorisent lesdélocalisations <strong>fiscale</strong>s incohérents en termes de logique économique : ainsi, une société implantée dans unpays, y créant ses richesses, pourra-t-elle échapper tout ou partie au système d’imposition <strong>des</strong> bénéfices de cepays grâce au régime <strong>des</strong> holdings <strong>des</strong> Pays Bas par exemple. Une réflexion sur la notion de territorialité ouencore sur le régime de groupe s’impose donc à l’échelle européenne.Normes juridiques européennes sur la localisation <strong>des</strong> sièges sociaux, suppression <strong>des</strong> sociétés fictives ousociétés écrans, obligations communes aux Etats membres en matière de création et de modification <strong>des</strong>sociétés, coopération portant sur la communication de renseignements, le droit <strong>des</strong> sociétés ne doit pas êtreoublié dans la lutte contre les <strong>paradis</strong> <strong>fiscaux</strong>.Pour une justice <strong>fiscale</strong> qui fonde la justice socialeLes quelques pistes proposées ici ne règleraient peut être pas à elles seules la problématique <strong>des</strong> <strong>paradis</strong><strong>fiscaux</strong>. Il faudrait les compléter en abolissant la règle de l’unanimité comme mode de prise de décision au seindu Conseil, en instaurant <strong>des</strong> contributions financières à l’échelle européenne puis au niveau international 8 et enétablissant <strong>des</strong> règles en matière de traçabilité <strong>des</strong> flux financiers. Mais elles permettraient de rendre le paysagefiscal européen sans aucun doute plus juste.Bien entendu, nul n’ignore que l’UE n’est pas la seule zone à avoir <strong>des</strong> <strong>paradis</strong> <strong>fiscaux</strong> et on ne peut balayerd’un revers de la main l’aspect global de cette question. Cependant, la mise en œuvre de ces dispositions en sonsein feraient de l’UE un exemple et la rendrait plus forte dans le cadre <strong>des</strong> discussions portant sur ces sujets àl’OCDE, au Groupe d’Action Financière (GAFI) ou à l’Organisation <strong>des</strong> Nations Unies (ONU). On pourraitalors imaginer un cadre véritablement contraignant pour forcer tous les Etats à respecter les normesinternationales qui, pour l’heure, n’ont qu’un caractère facultatif et dont l’efficacité est trop faible. C’est doncbien la conception de la politique <strong>fiscale</strong> qu’il faut changer, en France, dans l’Union européenne, et au-delà…7 Rapport de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique, Au-delà <strong>des</strong> apparences, 2003.8 Voir à ce sujet les travaux de l’association Attac et le rapport du groupe de travail présidé par M. Landau, Les nouvelles contributionsfinancières internationales, Paris, La documentation française, collection <strong>des</strong> rapports officiels, 2004.4

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