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CAvelier de lA sAlle - La Crea

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fasciculehistoire(s)39<strong>CAvelier</strong> <strong>de</strong> la sallele rouennais du mississippiFrédéric David


INTRODUCTIONS’il y a un Rouennais qui peut prétendre au titre d’explorateur majeur,c’est bien Cavelier <strong>de</strong> <strong>La</strong> Salle dont le mérite rési<strong>de</strong> dans la découverted’une belle partie <strong>de</strong> l’Amérique du nord, rien <strong>de</strong> moins… Quandon apprend à l’école qu’en 1803, Bonaparte vendit la Louisiane auxAméricains en train d’œuvrer pour construire leur état encore tout neuf,on ne sait pas toujours que cette Louisiane (aujourd’hui réduite pratiquementà l’état du Texas) s’étendait du golfe du Mexique au Canada,comprenant le tiers <strong>de</strong>s états américains, soit un immense territoire àl’échelle du Nouveau mon<strong>de</strong>.René Robert Cavelier <strong>de</strong> <strong>La</strong> Salle nait en 1643, probablementd’après certains historiens, dans une maison <strong>de</strong> la rue du Gros Horloge,vu l’importance <strong>de</strong> sa famille, car son père était un gros commerçant.C’est une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> fin <strong>de</strong> règne, Louis XIII et Richelieu vont laisserla place au futur Louis XIV. Peu avant, Corneille, autre Rouennais célèbre,vient <strong>de</strong> créer Le Cid en 1637. Après <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s au collège <strong>de</strong>sJésuites <strong>de</strong> Rouen, puisque son père le <strong>de</strong>stine à la prêtrise, il ronge sonfrein à la vue <strong>de</strong>s grands voiliers revenant du Nouveau mon<strong>de</strong> accostantdans le port qui le font rêver à <strong>de</strong>s voyages lointains plus qu’à savocation sacerdotale. <strong>La</strong> mort <strong>de</strong> son père lui permet <strong>de</strong> se faire relever<strong>de</strong> ses vœux pour « infirmités morales », sa vocation d’explorateur vagravure représentant la prise <strong>de</strong> possession <strong>de</strong>sterres à l’embouchure du Mississippi


alors pouvoir s’exprimer pleinement. Le Canada, c’est-à-dire la NouvelleFrance, l’attire car son frère ainé, Jean, est parti l’année précé<strong>de</strong>nterejoindre les Sulpiciens à Montréal. On sait que <strong>de</strong>ux fois l’an, unbateau partait <strong>de</strong> Rouen pour le Canada. <strong>La</strong> compagnie <strong>de</strong>s marchands<strong>de</strong> Rouen a eu un temps l’exclusivité du commerce <strong>de</strong>s peaux avecla Nouvelle France. De plus, ses cousins Le Ber prospèrent avec lecommerce <strong>de</strong>s peaux et les pêcheries… Le sort est jeté, il part pourle Nouveau Mon<strong>de</strong> et s’installe en 1667 près <strong>de</strong> Montréal, en amont<strong>de</strong>s chutes, dans un village qui fut appelé <strong>La</strong>chine (c’est <strong>de</strong>venu aujourd’huiun quartier intégré totalement à la ville <strong>de</strong> Montréal). Son désir<strong>de</strong> découvrir le fameux passage du Nord ouest vers l’Asie pourraitexpliquer ce nom. En tous cas, sa vocation d’explorateur est en train <strong>de</strong>naître comme le montre cet extrait <strong>de</strong> lettre adressée à sa mère : « Jen’ai point d’autre attrait à la vie que l’honneur. Je crois les entreprisesd’autant plus dignes qu’il y a plus <strong>de</strong> périls et <strong>de</strong> peines ».5


Premières explorationsTrès vite, il se lasse du commerce<strong>de</strong>s peaux et <strong>de</strong> la miseen valeur <strong>de</strong> son domaine,il prépare alors son premiervoyage d’exploration. Avecquelques Français et Indiensil s’enfonce alors dans la forêtet découvre les peuples dubas Canada. Il commerce aveceux en échangeant <strong>de</strong>s marchandisescontre <strong>de</strong>s peaux <strong>de</strong>castors, mais surtout, il fait sesclasses d’explorateur. Il apprendles dialectes indiens, ilsuit leurs conseils pour mieuxs’orienter, pour comprendreles ressources du pays, il lesinterroge sur les fleuves carc’est bien par voie d’eau qu’ila l’intention <strong>de</strong> se mouvoir. En1669, il s’embarque <strong>de</strong> <strong>La</strong>chineavec sept canots menés par <strong>de</strong>sIroquois. Pendant plusieurs années,il mène <strong>de</strong>s expéditionssur les lacs. Ainsi, il parcourtles rives du lac Frontenac dunom du gouverneur <strong>de</strong> la NouvelleFrance, il s’agit en faitdu lac Ontario. Il construit aubord du lac le fort Frontenacqui lui servira <strong>de</strong> base arrière.Au cours <strong>de</strong> ses pérégrinations,il cherche à s’enrichir avec lespeaux mais il en profite pourbien reconnaître la région. Ilpasse ensuite sur le lac Erié.Il navigue même sur le fleuveOhio et s’aperçoit qu’il se jettedans le Mississippi. Pour l’instant,il ne fait que marcher surles pas <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux autres grandsexplorateurs, le père Marquetteet Louis Jolliet qui, en1673, venaient d’atteindre le


7C’est par différents types <strong>de</strong> pirogues que cavelier découvrit les fleuvesMississippi dont ils avaient <strong>de</strong>scenduune partie. On imagine lastupeur <strong>de</strong> ces hommes, certescourageux, mais en état <strong>de</strong> peurperpétuelle quand on lit cette<strong>de</strong>scription <strong>de</strong> Marquette dansson récit : « Une autre fois, nousaperçûmes sur l’eau un monstre


LA DESCENTE DU MISSISSIPPIEn 1678, il embarque <strong>de</strong><strong>La</strong> Rochelle avec 30 hommes.En Nouvelle France, il se lied’amitié avec Tonty (le fils<strong>de</strong> l’inventeur <strong>de</strong> la tontine).Ce <strong>de</strong>rnier ne l’a plus quittéet a fait partie <strong>de</strong> toutes sesexpéditions. Ce même Tonty,10 ans plus tard, est parti àsa recherche pour lui portersecours... mais en vain. Dela Salle fait construire un navire: Le Griffon avec lequelil a l’intention <strong>de</strong> <strong>de</strong>scendrele Mississippi mais il fautcomprendre qu’il prend sontemps car il tient à bien reconnaîtretoutes les régions où ilabor<strong>de</strong>. Il passe tout d’abordpar Détroit qui n’est encorequ’un petit village. Puis, iltente <strong>de</strong> remonter la rivière <strong>de</strong>Détroit pour atteindre le lacErié. Il est retenu plusieursjours par <strong>de</strong>s courants aussiforts « qu’est la marée <strong>de</strong>vantRouen ». Puis, c’est le lac Huron« Là, le courant ordinaireestoit aussi furieux que la barrel’est <strong>de</strong>vant Cau<strong>de</strong>bec ». Lesréférences à sa région natalesont multiples. Ainsi, il donnerale nom <strong>de</strong> L’Eure à unaffluent du Mississippi et lenom <strong>de</strong> Robec à un autre. <strong>La</strong>petite rivière qui alimente eneau douce nombre <strong>de</strong> rouennaisa porté loin son nomgrâce à <strong>La</strong> Salle. Il affronteune tempête sur le lac Huronet perd le Griffon, ses marchandiseset une bonne part<strong>de</strong> ses biens : 22 000 livres !Le père Zénobé Membré qui9


l’accompagnait nous livre unepart du personnage à l’annonce<strong>de</strong> la perte du Griffon : « Il enapprenoit <strong>de</strong> nous tant d’autresqui le regardaient sans quej’aie jamais remarqué en luyla moindre altération, paroissanttoujours dans son froid etsa possession ordinaire. Toutautre que luy auroit quitté lapartie et abandonné l’entreprise,mais bien loin <strong>de</strong> cela,par une fermeté <strong>de</strong> l’esprit etune constance qui n’en a guèreeu <strong>de</strong> semblables, je le vis plusrésolu que jamais <strong>de</strong> continuerson ouvrage et <strong>de</strong> pousser sadécouverte ». Bel hommage !Il continue alors sa route encanoë et construit <strong>de</strong> nombreuxforts dont celui <strong>de</strong> Crêve-Cœursur la rive gauche <strong>de</strong> l’Illinois,une rivière entre le lac Michiganet le Mississippi. Il doit faireface à nombre d’actes d’indiscipline,<strong>de</strong> désertions (ces hommespillent parfois et détruisent lesforts qu’il a construits). Il affrontela neige, les froids intenses, lesindiens versatiles. En 1682, il<strong>de</strong>scend la Chicagou, puis l’Illinoiset fait enfin irruption dansle Mississippi. Il attend la fonte<strong>de</strong>s glaces puis il commence sa<strong>de</strong>scente à bord <strong>de</strong> 6 canoés enécorce. Il est alors accompagné<strong>de</strong> 54 personnes : 22 français enarmes, 18 indiens, 10 femmeset 3 enfants. En effet, il n’hésitepas à se fondre avec les indienspour ne pas les alarmer. Maissurtout, ces <strong>de</strong>rniers lui servent<strong>de</strong> gui<strong>de</strong>s. Il reconnaît un11Parcours du village <strong>de</strong> <strong>La</strong>chine au Mississippi (environ 6000 km),comptant <strong>de</strong> nombreuses reconnaissances <strong>de</strong> rivières


temps le Missouri vers l’Ouest,puis il remonte les affluents dufleuve pour les étudier. Il prendle temps d’observer le pays, lesproductions, la topographie...En mars, il découvre les indiensArkansa. Le chef du villageIncaha reconnaît au coursd’une cérémonie ubuesque que« son village estoit à sa majesté»! Même chose chez lesindiens Taensa où il fait savoirau chef qu’il venait <strong>de</strong> lapart du roi <strong>de</strong> France, « le pluspuissant monarque <strong>de</strong> la terre »pour les inviter à vivre sous sadomination. Bien évi<strong>de</strong>mment,l’indien souscrivit à ce qu’il lui<strong>de</strong>mandait sans balancer ! Ainsi,il porte le calumet <strong>de</strong> la paix<strong>de</strong> villages en villages même sison bel habit rouge et les armesà feu semblent être <strong>de</strong>s argumentstrès convaincants pourles indiens. A partir <strong>de</strong> là, la<strong>de</strong>scente est faite rapi<strong>de</strong>ment.Enfin, le 6 avril, il atteint lapointe du <strong>de</strong>lta du Mississippi.Le len<strong>de</strong>main, il reconnaît lestrois chenaux, l’eau <strong>de</strong>vientsaumâtre puis franchement salée,ça y est, il débouche sur lapleine mer, sur la côte du Texas.<strong>La</strong> Nouvelle France s’étendaitdorénavant du Golfe du Saint<strong>La</strong>urent au Golfe du Mexique.Le 9 avril, il prend possession<strong>de</strong>s bassins <strong>de</strong> l’Ohio et du Mississippi,il plante alors une croixet au cours d’une cérémonie ildéclare entre autres : « Noussommes les premiers Européensqui ayent <strong>de</strong>scendu ou remonté12


le dit fleuve Colbert (le Mississippi)...et<strong>de</strong>man<strong>de</strong> acte au notaireprésent pour servir ce que <strong>de</strong>raison... ». On ne prend jamaisassez <strong>de</strong> précautions !Mala<strong>de</strong>, atteint par lesfièvres, dans l’impossibilité <strong>de</strong>fermer l’embouchure par unfort par manque d’hommes et<strong>de</strong> vivres, il remonte lentementle cours du Mississippi. De retourà Saint Louis, (à peu près àl’endroit où le Missouri se jettedans le Mississippi) il reconstruitle fort. 18 000 indiens Illinois,Miamis et d’autres tribusse placent sous la protection<strong>de</strong> ses canons car les Iroquoisse font vindicatifs. Il atteintMichillimachinac (aujourd’huiMackinac dans le lac Huron àla sortie du lac Michigan) enseptembre. Enfin, il parvientau fort Frontenac, près du lacOntario, son entreprise est unplein succès ! À peine rétabli, legouverneur Frontenac lui donnel’ordre <strong>de</strong> retourner en France,à la cour. Cavelier <strong>de</strong> <strong>La</strong> Salletriomphe !Cavelier ne manquait pas <strong>de</strong> sacrifier à la coutume<strong>de</strong>s indiens pour parvenir à avoir avec eux lesrapports les plus pacifiques possibles


A la recherche du Mississippi par la merC’est une autre bataille àlaquelle doit se livrer <strong>de</strong> <strong>La</strong>Salle quand il arrive à Parisen décembre 1683. Il doit sebattre contre <strong>de</strong>s ennemis pastoujours bien i<strong>de</strong>ntifiés. Si legouverneur <strong>de</strong> la NouvelleFrance Frontenac lui accor<strong>de</strong>toute sa confiance, son successeur,le chevalier <strong>de</strong> la Barre,ne cesse <strong>de</strong> dénigrer ses découvertes,sans doute <strong>de</strong> peurqu’il lui soit préféré. Ainsi, ilincite Louis XIV à ne pas lesoutenir. Le monarque un peuindécis déclare alors : « Sa majestén’estime pas ces découvertesavantageuses...et il vautmieux s’appliquer à la culture<strong>de</strong> la terre dans les habitationsdéfrichées ( donc en NouvelleFrance)... mais il laisse M. <strong>de</strong><strong>La</strong> Salle achever celle commencéejusqu’à l’embouchuredu Mississippi au cas où cettedécouverte puisse être <strong>de</strong>quelque utilité ». Plus tard,il dira au gouverneur De <strong>La</strong>Barre que cette découverte est« fort inutile et qu’il faut dansla suite empêcher <strong>de</strong> pareillesdécouvertes ». De même, lesJésuites considèrent qu’ilsont la main mise sur tout cequi concerne ces territoires.Frontenac disait d’eux : « LesJésuites s’occupent autant <strong>de</strong>la conversion <strong>de</strong>s castors que<strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s sauvages ! ». Eneffet, les Jésuites ne voient pasd’un bon œil les actions <strong>de</strong> <strong>de</strong><strong>La</strong> Salle car ils ne le contrôlentpas. Ils ne tiennent pas à ce queleur commerce <strong>de</strong> pelleterie au


Sculpture <strong>de</strong> Cavelier <strong>de</strong> <strong>La</strong> Salle parJean-Marc De Pas15


Canada soit concurrencé par unautre. En tapinois, les Jésuitesfont tout pour ruiner les actions<strong>de</strong>s frères Récollets (un ordre néd’une réforme <strong>de</strong>s Franciscains)qui accompagnent <strong>de</strong> <strong>La</strong> Salle.Enfin, et ce n’est pas le moindre,les guerres intestines entre indiensobligent Cavelier <strong>de</strong> <strong>La</strong>Salle à la plus extrême diplomatie.S’il se range le plus souventdu côté <strong>de</strong>s indiens Illinois, ildoit se gar<strong>de</strong>r sans cesse <strong>de</strong>s Iroquoisleur plus mortels ennemis.Son protecteur Colbert estmort et son fils Seignelay luisuccè<strong>de</strong>. À force <strong>de</strong> persuasion,il parvient à le convaincrecontre l’avis <strong>de</strong> De <strong>La</strong> Barrequ’il faut maintenant parveniraux bouches du Mississippipar voie <strong>de</strong> mer pour ouvrir uncommerce maritime entre l’Europeet tout le centre américain.Tailler <strong>de</strong>s croupières auxEspagnols avec qui la Franceest en guerre cette année là nedéplait finalement pas au roisoleil qui non seulement donneson accord mais qui <strong>de</strong> plus alloueune partie <strong>de</strong>s frais sous laforme d’un beau bateau, le Jolyarmé <strong>de</strong> 36 canons, avec 200hommes. Il ajoute à cela nombred’armes et <strong>de</strong> munitions pourentretenir <strong>de</strong>s forteresses ainsique la frégate la Belle, armée <strong>de</strong>6 canons et le titre <strong>de</strong> vice-roi <strong>de</strong>l’Amérique septentrionale <strong>de</strong>puisle fort St-Louis <strong>de</strong>s Illinoisjusqu’à la Nouvelle Biscaye (la


côte du Golfe du Mexique). De<strong>La</strong> Salle affecte <strong>de</strong> surcroit, laflute l’Aimable et la caïque St-François pour le transport <strong>de</strong>smarchandises. Son cousin LeBer lui avance <strong>de</strong>s fonds importants(au point que <strong>de</strong> <strong>La</strong> Salleen fait son héritier par testament).Il s’entoure <strong>de</strong> son frèreainé, l’abbé Jean Cavalier, sesneveux Cavalier et Moranget,ainsi que <strong>de</strong> nombreux rouennais: Henri Joutel à qui on doitla relation <strong>de</strong> ce voyage, maisaussi <strong>de</strong>s hommes qui placent<strong>de</strong> l’argent dans l’expéditioncomme Chef<strong>de</strong>ville, Planterose,Ory, Legros et les frères Thibaultdont l’un fut la cause <strong>de</strong> samort. Ils pensent probablementque les Rouennais feront corpsface aux marins, militaires,aventuriers <strong>de</strong> tout poil recrutéspour l’expédition. Il met lavoile <strong>de</strong> <strong>La</strong> Rochelle le 24 juillet1684 et comme le Joly a casséson beaupré, il revient réparer àRochefort d’où il repart le 1eraoût. Très vite, l’ambiance sedétériore à bord, il refuse contrel’avis <strong>de</strong> l’équipage au passage<strong>de</strong> la ligne du Tropique du Cancer<strong>de</strong> faire le fameux baptême<strong>de</strong> la ligne, occasion bien rarepour les hommes <strong>de</strong> faire la fête.Cette interdiction lui vaudra leressentiment <strong>de</strong> nombreux matelots.Près <strong>de</strong> St-Domingue, leSt-François se fait prendre par<strong>de</strong>s corsaires à la sol<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Espagneen guerre ! Pour ne rienarranger, le capitaine Beaujeu,17


commandant du Joly vit trèsmal d’être sous la coupe <strong>de</strong> <strong>de</strong><strong>La</strong> Salle. À maintes occasions,il ne manque pas <strong>de</strong> le lui fairesavoir. Mais surtout, très viteen arrivant à St-Domingue,les hommes tombent mala<strong>de</strong>s<strong>de</strong>s fièvres. On dénombre 50mala<strong>de</strong>s à bord ! Il donne ren<strong>de</strong>z-vousà Beaujeu, en cas <strong>de</strong>séparation ce qui ne manquerapas <strong>de</strong> se produire, à 28° 20minutes où il pense que se situel’embouchure. <strong>La</strong>s, il rentredans le Golfe du Mexique le 12décembre et le 6 janvier 1685,il est face à l’embouchure principaledu Mississippi mais il nele saura jamais...et il la rate. <strong>La</strong>Salle ne reconnaît pas la côte, ilsemble perdu. Il dépasse le <strong>de</strong>ltadu fleuve <strong>de</strong> plusieurs centaines<strong>de</strong> kilomètres et finit parfaire naufrage avec l’Aimablealors que Beaujeu considèrequ’il a fini sa mission et doncrepart en France avec le Joly etses précieux canons. Beaucoup<strong>de</strong> marchandises et munitionssont perdues dans ce naufrage.Il comprend alors son erreur, ilsait qu’il a dépassé le Mississippi(que Beaujeu a su reconnaîtrecar il fait dresser le 14mars une carte <strong>de</strong> son embouchurepar l’ingénieur Minet aucours <strong>de</strong> son voyage <strong>de</strong> retourvers la France).Rue du Bec, à l’angle <strong>de</strong> la rue du Gros Horloge <strong>de</strong> Rouen,se trouve une plaque commémorative pour honorer la mémoire<strong>de</strong> Cavelier <strong>de</strong> <strong>La</strong> Salle


L’expédition tourne au désastreIl fait construire plusieursforts. Ainsi, son neveu Morangetavec 70 personnes dont <strong>de</strong>senfants s’installent à la rivièreaux vaches (aujourd’hui <strong>La</strong>vaca).Mais, la tentative <strong>de</strong> colonisationest en train d’avorter.Les hommes exténués complotentcontre les Rouennais Joutelet Legros mais le complot estdéjoué à temps. Cependant, leschoses vont <strong>de</strong> mal en pis. Lecharpentier, indispensable pourla construction <strong>de</strong>s barques,meurt. Le pilote et les 5 matelots<strong>de</strong> gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>La</strong> Belle sontmassacrés par les indiens. Cavelier<strong>de</strong> <strong>La</strong> Salle propose alorsaux <strong>de</strong>ux Rouennais Chef<strong>de</strong>villeet Planterose <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r laBelle pendant qu’il fera <strong>de</strong>sreconnaissances à pied. Planteroseet 5 hommes se noient enallant chercher <strong>de</strong> l’eau à terre.<strong>La</strong> Belle fait alors naufrage toutprès <strong>de</strong> la côte !<strong>La</strong> colonisation fait longfeu. On assiste alors à une formidablelutte pour retrouverle fleuve, seule issue <strong>de</strong> salut,pour la survie <strong>de</strong> tous. Il n’estplus question d’établir <strong>de</strong>sforts, <strong>de</strong> coloniser les terres.Les hommes atteints par lesfièvres meurent les uns aprèsles autres. Un domestique estdévoré par un alligator sous lesyeux horrifiés <strong>de</strong>s hommes. LeRouennais Legros est mordupar un serpent à sonnettes.Le chirurgien Liotot (qui futun <strong>de</strong>s meneurs du complotcontre <strong>La</strong> Salle) lui ampute


24Rouen a honoré la mémoire <strong>de</strong> Cavelier en baptisantune école et un quai <strong>de</strong> son nom sur la rive gauche.De même à Val-<strong>de</strong>-la-Haye


Les textes sont publiés sous la responsabilité <strong>de</strong> leurs auteurs.Dix ans plus tard, une nouvelle expédition conduite par d’Iberville,installa une petite colonie près <strong>de</strong> Mobile. Cette côte reconnuepar <strong>La</strong> Salle fut une terre d’accueil pour les colons françaisau cours du XVIII e siècle. Mais le traité <strong>de</strong> Paris <strong>de</strong> 1763 et lavente <strong>de</strong> la Louisiane en 1803 sonnèrent le glas du rêve américain<strong>de</strong> nombreux français. Seule la Nouvelle France continua à parlernotre langue. En revanche, en 1995, l’expédition <strong>de</strong> <strong>La</strong> Salleconnu un fort intérêt avec la découverte <strong>de</strong> l’épave <strong>de</strong> la Belle par5 mètres <strong>de</strong> fond. Les archéologues retirèrent <strong>de</strong>s milliers d’objetsdu bateau. Ceux-ci sont visibles dans différents musées maritimesau Texas où le souvenir du Rouennais reste très vif.<strong>La</strong> Salle a donné son nom à un village du Niagara, à une ville<strong>de</strong> l’Illinois et à un comté du Texas. En France, il reste largementignoré : un square à Paris que le Sénat souhaite débaptiser, unquai à Rouen, une école, un quartier... bien peu <strong>de</strong> traces pour unsi formidable découvreur !On semble lui avoir tenu rigueur <strong>de</strong> son échec <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière expédition,pourtant, cette première <strong>de</strong>scente du Mississippi resteun <strong>de</strong>s plus beaux exploits jamais réalisés par les découvreurs duNouveau Mon<strong>de</strong>.Frédéric DavidCe fascicule a été tiré à 30 000 exemplairessur les presses <strong>de</strong> l’imprimerie E.T.C à YvetotDépôt légal : mai 2010. N°ISBN 2 - 913914-96-9© CREAFascicule histoire(s) - N°ISSN 1291-8296


Pour en savoir plus :GRAVIER (G.), Découvertes et établissements <strong>de</strong> Cavelier <strong>de</strong> la Salle <strong>de</strong> Rouen dansl’Amérique du nord, 1871.Muhlstein (A.), Cavelier <strong>de</strong> la Salle, 1992.le Prohon (P.), Cavelier <strong>de</strong> la Salle fondateur <strong>de</strong> la Louisiane, réédité en 1984,Editions André Bonne.VIAU (R.), Cavelier <strong>de</strong> la Salle, 1960.Cazeaux (Y.), Le rêve américain <strong>de</strong> Champlain à Cavelier <strong>de</strong> la Salle, Editions AlbinMichel, 1988.Hofstein (C.), Cavelier <strong>de</strong> la Salle : une épopée aux Amériques, Pierre Berthiaume Le Donquichotte du Mississipi, Le Chasse Marée N°112, 1997.MARGRY (P.), Découvertes et établissements <strong>de</strong>s français dans l’Ouest et le Sud <strong>de</strong> l’Amérique.De nombreux sites internet américains racontent l’histoire <strong>de</strong>s fouilles <strong>de</strong> la Belle.Pour les documents <strong>de</strong> premières mains on peut consulter avec quelque pru<strong>de</strong>nce le voyage oudécouverte d’un très grand pays dans l’Amérique entre le Nouveau Mexique et la mer glaciale<strong>de</strong> Hennepin en 1704.Mais surtout la relation du rouennais Joutel, le compagnon fidèle <strong>de</strong> Cavelier : Journalhistorique du <strong>de</strong>rnier voyage que feu M <strong>de</strong> la Salle fit dans le Golfe du Mexique pour trouverl’embouchure <strong>de</strong> la rivière Mississipi. Paris, Editions Robinot, 1713. Ce livre <strong>de</strong>puis longtempstraduit en anglais vient d’être mis en ligne par google, il <strong>de</strong>vient donc aisé <strong>de</strong> le consulter.Le lycée Galilée <strong>de</strong> Franqueville a conçu un site web sur Cavelier. <strong>La</strong> recherche iconographique yest particulièrement soignée.Remerciements :Jean-Marc De Pas qui a permis l’utilisation <strong>de</strong> sa sculpture <strong>de</strong> Cavelier <strong>de</strong> <strong>La</strong> Salle.Photographies :© Collection privée Frédéric David.Photos couverture : sculpture représentant Cavelier <strong>de</strong> <strong>La</strong> Salle, par Jean-Marc De Pas(série <strong>de</strong>s grands navigateurs sur le Pont Boiledieu <strong>de</strong> Rouen).


Retrouvez les fascicules histoire(s)<strong>de</strong> la CREA surwww.la-crea.frGratuitNe peut être venduImprimé sur papier recyclé

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