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Les Impressionnistes - Art Absolument

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84EXPOSITIONS<strong>Les</strong> <strong>Impressionnistes</strong>Le torero mort.1864, huile sur toile, 76 x 153 cm. Washington, National Gallery.


et Édouard ManetSTÉPHANE MALLARMÉMUSÉE D’ORSAY, PARIS.DU 5 AVRIL AU 3 JUILLET 2011.Manet, inventeur du ModerneCommissaire de l’exposition : Stéphane Guégan.


EXPOSITIONS86La chanteuse des rues.Vers 1862, huile sur toile, 175 x 118 cm. Boston, Museum of Fine <strong>Art</strong>s.Extrait du texte paru en anglaisdans The <strong>Art</strong> Monthly Review (1876)Manet, quand il rejette les soucis de l’art et bavardeavec un ami parmi les lumières de son atelier,s’exprime avec brio. C’est alors qu’il expose cequ’il entend par peinture, quelles neuves destinéesl’attendent encore ; ce qu’elle est, et par quelirrépressible instinct il peint, et peint comme il fait.Chaque fois qu’il commence un tableau, dit-il, il yplonge la tête la première à la manière de celui quisait que la plus sûre façon d’apprendre à nager, sidangereuse qu’elle paraisse, est de se jeter à l’eau.Un de ces aphorismes habituels est ainsi qu’on nedevrait jamais peindre un paysage et un portrait avecles mêmes procédés, le même savoir, ou la mêmemanière, ni même, plus étonnant encore, deux paysagesou deux portraits. Chaque œuvre devrait êtreune création nouvelle de l’esprit. La main, il est vrai,conservera quelques-uns des secrets d’exécutionsqu’elle a acquis, mais l’œil devrait oublier tout cequ’il a vu d’autre et refaire son apprentissage sur lemotif. Il doit faire abstraction de la mémoire, pourne voir que ce qui est devant lui, comme si c’était lapremière fois. Et la main devrait parvenir à l’abstractionimpersonnelle, guidée par la seule volonté etdans l’oubli de toute habilité apprise. Quant à l’artistelui-même, ses sentiments personnels, ses goûtsparticuliers sont pour l’occasion ravalés, ignorés oulaissés de côté pour le plaisir de sa vie privée. Pareilrésultat ne peut s’atteindre d’un coup. Pour y parvenirle maître doit passer par des phases multiplesavant que soit acquis ce volontairement isolement,et comprise cette révolution de l’art. Pour moi, quime suis beaucoup adonné à l’étude de ces phases,je n’en compte que deux.Las des savoir-faire de l’école où, sous la direction deCouture, il étudia, Manet, une fois reconnue l’inanitéde tout ce qu’il avait appris, se résolut soit à ne paspeindre du tout, soit à peindre absolument en dehorsde lui-même. Pourtant, dans ce retranchementdélibéré, il rencontra deux maîtres – des maîtresdu passé – qui l’aidèrent dans sa révolte. Vélasquezet les peintres de l’école flamande firent sur luiune impression toute spéciale, et la merveilleuseatmosphère qui enveloppe les compositions du grandEspagnol, comme les tons brillants qui éclatent surles toiles de ses pairs du Nord, gagnèrent l’admirationde l’apprenti, lui présentant ainsi des aspectsde l’art où il est depuis passé maître, et qu’il peutcombiner à son gré. Ce sont justement ces aspectsqui révèlent le vrai et donnent aux tableaux qu’ilssuscitent une réalité vivante au lieu d’en faire le supportsans fondements de rêves abstraits et obscurs.Telles ont été les premières tentatives de Manet, etcurieusement, c’est vers l’étranger et vers le passéqu’il se tourna pour des conseils d’amis susceptiblesde remédier aux maux de son pays et de sontemps. Et pourtant, la vérité me force à dire queManet n’avait de cela aucun besoin pressant. Copisteincomparable, il aurait pu trouver le gibier à portéede main s’il avait choisi de chasser par là. Mais ilcherchait quelque chose de plus que cela, et la nouveauténe se trouve pas d’un coup ; la nouveauté, eneffet, consiste fréquemment – et c’est spécialementle cas en ces jours critiques – à coordonner des élémentstrès dispersés.[…]La quête de la vérité, spéciale aux artistes modernes,qui les rend capables de voir la nature et de la reproduire,telle qu’elle apparaît à des yeux justes et purs,doit les conduire à trouver dans l’air leur médiumpresque exclusif ou en tout cas à s’habituer à y travaillerlibrement et sans contraintes : il y aurait aumoins, dans le renouveau d’un tel médium, à défautde plus, une incitation à une nouvelle manière depeindre. C’est le résultat de notre raisonnement, etle terme que je souhaite fixer. Comme aucun artisten’a sur sa palette une couleur transparente et neutrecorrespondant au plein air, l’effet désiré ne peut être


Stéphane Mallarmé.1876, huile sur toile, 27 x 36 cm.Musée d’Orsay.de représenter ce bras, ce chapeau ou ce bord derivière, s’ils appartiennent à qui ou quoi que ce soitd’extérieur au tableau ; ce qu’il faut obtenir, c’estque le spectateur habitué dans une foule ou dansla nature à isoler un bout de scène qui lui plaît, touten étant incapable d’oublier entièrement les détailssacrifiés par le peintre qui unissent la partie au tout,ne manque pas dans l’œuvre d’art un de ses plaisirshabituels, et tout en reconnaissant qu’il est devant untableau, croie à demi qu’il voit le mirage de quelquenaturelle scène. On objectera probablement que tousces procédés ont été plus ou moins employés dansle passé, que l’adresse – ne fût-elle pas poussée siloin – à recouper les toiles de façon à produire uneillusion – perspective presque conforme aux usagesexotiques des barbares –, la légèreté de touche,l’uniformité et l’égalité de tons frais, ou leur tremblementvarié avec les changements de lumière – toutesces ruses, tous ces expédients en art se sont trouvésplus d’une fois dans l’école anglaise, et ailleurs. Maisla réunion pour la première fois de tous ces procédésrelatifs en vue d’une fin manifeste et appropriée àl’expression artistique des besoins d’aujourd’hui, cen’est pas une mince réussite dans la cause de l’art,surtout depuis qu’une puissante volonté a poussé cesprocédés jusqu’à leurs extrêmes limites.Mais le charme principal et le vrai caractère de l’undes hommes les plus singuliers de l’époque est queManet (visiteur des principales expositions françaiseset étrangères, et qui se plaît à l’érudition en matièrede peinture) paraît ignorer tout ce qui a été fait enart par les autres, et tire de sa propre conscienceintérieure tous ses effets de simplification, le toutrévélé par des effets de lumière d’une incontestablenouveauté. Telle est la suprême originalité d’unpeintre par qui l’originalité est doublement abjurée,qui tend à perdre sa personnalité dans la nature ellemême,ou dans le regard d’une multitude jusqu’alorsignorante de ses charmes. […]EXPOSITIONS91

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