conséquences du tabagisme passif,qu’une organisation internationaled’hôtels et <strong>de</strong> restaurants avait été crééepar l’industrie du tabac. Globalement,en France et en Europe, l’industrie dutabac continue <strong>de</strong> faire du lobbying, <strong>de</strong>manière beaucoup plus discrète maistout aussi efficace.S. H. : Comment le lobbying <strong>de</strong> l’industriedu tabac a-t-il été contrecarréau niveau européen ?Les résultats les plus spectaculairesont été obtenus par l’Office <strong>de</strong> lutteantifrau<strong>de</strong> (Olaf) <strong>de</strong> l’Union européenne,pas sur le lobbying directement,mais sur la lutte contre la contreban<strong>de</strong>.L’Olaf a, <strong>de</strong>puis les années2000, porté plainte au civil aux États-Unis contre plusieurs gran<strong>de</strong>s compagnies,notamment pour « organisation<strong>de</strong> la contreban<strong>de</strong> », et, suite à <strong>de</strong>snégociations <strong>de</strong> gré à gré, la plusimportante <strong>de</strong>s compagnies concernéesa accepté <strong>de</strong> payer plus d’un milliard<strong>de</strong> dollars, paiements étalés surdouze ans. Suite à l’enquête <strong>de</strong> l’Olaf,c’est en fait l’Union européenne,appuyée par dix États membres dont laFrance, qui avait déposé plainte contre<strong>de</strong>ux cigarettiers. Pour l’Union, il s’agissait<strong>de</strong> récupérer ainsi les taxes quin’avaient pas été acquittées puisque lescigarettes <strong>de</strong> contreban<strong>de</strong> échappentbien entendu à toute fiscalité.S. H. : <strong>La</strong> convention cadre <strong>de</strong> l’OMSne représente-t-elle pas une avancéemajeure pour prendre encompte la <strong>santé</strong> publique face auxdangers du tabac ?Sur le plan du lobbying, l’outil leplus élaboré <strong>de</strong> lutte est effectivementla convention cadre <strong>de</strong> l’OMS pour lalutte anti-tabac, entrée en vigueur auniveau international <strong>de</strong>puis 2005. Cetteconvention, dont la France a été l’un<strong>de</strong>s premiers signataires, s’engagenotamment via son article 5.3 à maintenirl’indépendance <strong>de</strong>s pouvoirspublics vis-à-vis <strong>de</strong> l’industrie du tabac.Cela signifie que les pays qui l’ont ratifiéeacceptent <strong>de</strong> maintenir les industrielsdu tabac à distance <strong>de</strong>s décisionspolitiques, puisque ce traité a un caractèrecontraignant et engage donc lessignataires. Mais, dans la pratique, laconvention n’a pas supprimé le lobbyingni les tentatives d’influer les décisionspolitiques dans les pays signataires,loin s’en faut. À souligner quecette convention a <strong>de</strong>s missions beaucoupplus larges que la lutte contre lelobbying <strong>de</strong> l’industrie du tabac : elleparticipe à faire évoluer les législationsau niveau international, en mettant enavant le seul intérêt <strong>de</strong> la <strong>santé</strong> publique.S. H. : Vous êtes l’un <strong>de</strong>s contrelobbyistesles plus en vue dans ladéfense <strong>de</strong> la <strong>santé</strong> publique, querépon<strong>de</strong>z-vous à vos opposants quivous qualifient d’intégriste <strong>de</strong> lalégislation et portant atteinte auxlibertés individuelles ?L’argument a effectivement souventété utilisé par le lobby du tabac et parses défenseurs pour tenter <strong>de</strong> nousdécrédibiliser. Mais cet argument nefonctionne plus auprès <strong>de</strong>s médias et dugrand public car, désormais, c’est l’industriedu tabac elle-même qui est enperte <strong>de</strong> crédibilité, ce <strong>de</strong>puis unebonne décennie. L’accusation d’intégrismeest infondée et facile, ce n’est pasnous qui avons un comportement anormalmais l’industrie du tabac elle-même.<strong>La</strong> plus ancienne organisation <strong>de</strong> luttecontre le tabac est le Comité nationalcontre le tabagisme (CNCT), créé en1868. Parmi toutes les associations quiluttent contre le tabac à <strong>de</strong>s fins <strong>de</strong> <strong>santé</strong>publique, on peut citer, en France, l’Alliancecontre le tabac qui réunit unetrentaine d’associations pour lesquellesl’accusation d’intégrisme est farfelue :Fédération française <strong>de</strong> cardiologie,Ligue nationale contre le cancer, etc. Ilen est <strong>de</strong> même au niveau internationaloù les associations réunissent les défenseurs<strong>de</strong> la <strong>santé</strong> publique, sans aucunecomposante intégriste. À titre d’exemple,la Framework Convention Alliance(FCA) regroupe plus <strong>de</strong> trois cents associationsau niveau mondial dont l’Alliancecontre le tabac, le CNCT et Droits<strong>de</strong>s non-fumeurs pour la France ; elleprend <strong>de</strong>s positions concernant l’évolution<strong>de</strong>s textes du Traité. De la mêmemanière, au niveau <strong>de</strong> l’Europe, leRéseau européen <strong>de</strong> prévention dutabagisme (REPT), dont nous faisonspartie, défend <strong>de</strong>s positions <strong>de</strong> <strong>santé</strong>publique.En conclusion, le lobbying <strong>de</strong> <strong>santé</strong>publique sur le tabac est bien organiséaux niveaux français, européen et international.Il fait office <strong>de</strong> contre-pouvoirindispensable. Nous délivrons uneinformation crédible et vérifiée scientifiquement,ce qui nous différencie dulobbying industriel. Une autre différencemajeure, ce sont nos moyens qui<strong>de</strong>meurent très mo<strong>de</strong>stes au regard <strong>de</strong>smoyens considérables déployés parl’industrie du tabac.Propos recueillis par Yves Géry(1) Dubois G. Le ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> fumée. Les métho<strong>de</strong>ssecrètes <strong>de</strong> l’industrie du tabac. Paris : Seuil, 2003 :369 p.20 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 410 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE <strong>2010</strong>
Internet : un rôle croissantdans l’information et l’interventionen <strong>santé</strong> publiqueAu cours <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière décennie, l’Internet est <strong>de</strong>venu un vecteur majeur <strong>de</strong> l’informationen <strong>santé</strong> publique. <strong>La</strong> toile ne se contente pas d’informer, elle est aussi un outil <strong>de</strong> préventionet <strong>de</strong> promotion <strong>de</strong> la <strong>santé</strong>, donnant <strong>de</strong>s conseils en ligne qui peuvent être dispenséspar <strong>de</strong>s professionnels mais aussi par <strong>de</strong>s industriels. L’un <strong>de</strong>s problèmes majeursest d’i<strong>de</strong>ntifier l’émetteur d’une information. Ainsi, par exemple, certains forums sontinstrumentalisés par <strong>de</strong>s intervenants qui profitent <strong>de</strong> l’anonymat – et <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong>véritables modérateurs – pour défendre <strong>de</strong>s intérêts masqués. L’outil n’en est pas moinsirremplaçable et d’une très gran<strong>de</strong> utilité, à condition <strong>de</strong> l’abor<strong>de</strong>r avec pru<strong>de</strong>nce et recul.Depuis plusieurs années, l’Interneta investi le champ <strong>de</strong> la <strong>santé</strong>, transformantles processus <strong>de</strong> constructionet <strong>de</strong> circulation <strong>de</strong>s savoirs, les relationsentre les acteurs et les pratiques<strong>de</strong> <strong>santé</strong> 1 . L’Internet comme sourced’information du public, sur les maladies,les traitements, les facteurs <strong>de</strong>risques, les ressources professionnelleset les établissements, d’une part,et, d’autre part, l’Internet comme outil<strong>de</strong> travail collaboratif pour les différentsprofessionnels <strong>de</strong> <strong>santé</strong>, engendrantune réorganisation <strong>de</strong> certainespratiques professionnelles, figurentparmi les <strong>de</strong>ux principaux axes <strong>de</strong>transformation, connus et reconnuspar les professionnels et les chercheursdu champ <strong>de</strong> la <strong>santé</strong> publique.L’Internet dédié à la <strong>santé</strong> s’est ainsiconstitué, au cours <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnièredécennie, comme un objet <strong>de</strong> rechercheà part entière. Une recherche rapi<strong>de</strong> surles principales bases <strong>de</strong> données bibliographiquesgénère <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> référencesdiscutant <strong>de</strong> l’utilisation <strong>de</strong>stechnologies <strong>de</strong> l’information et <strong>de</strong> lacommunication (TIC), plus particulièrement<strong>de</strong> l’Internet, en lien avec la<strong>santé</strong>. <strong>La</strong> spécificité <strong>de</strong> la recherche surl’Internet et la <strong>santé</strong> est d’être multidisciplinaire; mé<strong>de</strong>cine, sociologie, psychologie,géographie, sciences <strong>de</strong>l’éducation, sciences <strong>de</strong> l’information,etc., figurent parmi les principauxchamps <strong>de</strong> recherche. Il est ainsi tentant<strong>de</strong> voir apparaître un nouveauchamp <strong>de</strong> recherche que l’on peut étiqueter<strong>de</strong> e-health studies (1). Selon leportail <strong>de</strong> la Commission européennedédié à la Société <strong>de</strong> l’information,e-health – ou <strong>santé</strong> en ligne, ou encore« e-<strong>santé</strong> » – renvoie à l’application <strong>de</strong>sTIC à l’ensemble <strong>de</strong>s fonctionnalitésqui touchent à la <strong>santé</strong> <strong>de</strong>s citoyens et<strong>de</strong>s patients.Outil d’information…et <strong>de</strong> communicationCette définition <strong>de</strong> la <strong>santé</strong> en lignereflète le souci d’innovation dans l’organisation<strong>de</strong>s services <strong>de</strong> <strong>santé</strong>,incluant les possibilités <strong>de</strong>s technologies<strong>de</strong> l’information et <strong>de</strong> la communicationet ce, pour un large panel <strong>de</strong>professionnels <strong>de</strong> la <strong>santé</strong> et <strong>de</strong>s soins,mais aussi pour les déci<strong>de</strong>urs politiques,les gestionnaires <strong>de</strong> <strong>santé</strong> et,plus généralement, pour les patients etle public. Ce qui est plus particulièrementen jeu et qui a le plus mobilisé leschercheurs en sciences sociales, c’estl’utilisation <strong>de</strong> l’Internet et <strong>de</strong>s médiasélectroniques dans la communication<strong>de</strong>s services <strong>de</strong> <strong>santé</strong> et dans l’informationen lien avec la <strong>santé</strong> (2). Actuellement,l’Internet apparaît en effetcomme un élément incontournable <strong>de</strong>sservices <strong>de</strong> <strong>santé</strong>, notamment dans lesrelations <strong>de</strong>s administrations en charge<strong>de</strong> la <strong>santé</strong> avec le public et, plus généralement,<strong>de</strong> la gestion personnelle <strong>de</strong>la <strong>santé</strong>.Support pour les interventions<strong>de</strong> <strong>santé</strong> publiqueL’utilisation <strong>de</strong> l’Internet en tant quesupport pour <strong>de</strong>s interventions <strong>de</strong><strong>santé</strong> publique à visée essentiellementpréventive constitue un troisième axe<strong>de</strong> transformation, qui a été moinsexploré. Les pratiques et les expériences<strong>de</strong> l’Internet en <strong>santé</strong> publiquerestent ainsi assez peu documentéesdans la littérature scientifique, notammentfrancophone. Et ce, alors mêmeque l’outil suscite un intérêt manifestechez les professionnels développant<strong>de</strong>s interventions <strong>de</strong> prévention et <strong>de</strong>promotion <strong>de</strong> la <strong>santé</strong>. Cet intérêt <strong>de</strong>sprofessionnels découle tout d’abord<strong>de</strong> la popularité <strong>de</strong> l’Internet auprèsdu public pour la recherche d’informationssur la <strong>santé</strong> et <strong>de</strong> son potentiel<strong>de</strong> diffusion rapi<strong>de</strong> et à gran<strong>de</strong> échelle.Les propriétés interactives <strong>de</strong> l’outilren<strong>de</strong>nt par ailleurs possible l’instauration<strong>de</strong> communications personnaliséesavec les publics cibles, qui semblentplus efficaces que lesinterventions médiatiques à large diffusionpour amener <strong>de</strong>s changements<strong>de</strong> comportements (3-5). De plus, larecherche d’informations en ligneLA SANTÉ DE L’HOMME - N° 410 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE <strong>2010</strong> 21