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La santé de l'homme n°410 Novembre-Décembre 2010 - Inpes

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qualité <strong>de</strong> vierables ou favorables : bien-être et sécuritédans l’enfance et l’adolescence,sécurité affective – par exemple pouvoirs’adosser à <strong>de</strong>s parents – sont <strong>de</strong>séléments majeurs pour favoriser cetterégulation. À l’inverse, ce couplage neva pas se mettre en place correctementchez les individus en situation d’insécurité.Par ailleurs, comme nous l’avonsdéjà mentionné, le fait <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>sdrogues <strong>de</strong> façon répétée découple ces<strong>de</strong>ux systèmes. <strong>La</strong> consommation précoce<strong>de</strong> drogue – entre 10 à 14 ans –perturbe les systèmes en cours <strong>de</strong> miseen place et <strong>de</strong>vient donc un facteur <strong>de</strong>vulnérabilité à l’addiction chez l’adulte.S. H. : Cette explication <strong>de</strong> l’addictionest-elle connue <strong>de</strong>s professionnelset du grand public ?Elle est très peu connue du grandpublic et inégalement chez les professionnels.Ces travaux scientifiquesdatent <strong>de</strong> 2007, ils émergent à peinedans la littérature et n’ont donc passupplanté l’explication traditionnellebasée sur le plaisir. Pour progresser, ilconvient <strong>de</strong> mieux informer les professionnelsd’abord, le grand publicensuite. Il importe <strong>de</strong> souligner auprès<strong>de</strong>s professionnels que la premièrecause <strong>de</strong> ce découplage est la vulnérabilité<strong>de</strong> la personne, qui dépend <strong>de</strong>son histoire. Il ne sert à rien <strong>de</strong> dire àune personne confrontée à l’addictiond’arrêter <strong>de</strong> prendre un produit. Le professionnel<strong>de</strong>vra, avec elle, remonter àl’origine <strong>de</strong> la prise toxique, en ayant àl’esprit le principe que quelqu’un quiva bien n’a aucun intérêt à prendre <strong>de</strong>sdrogues et à plus forte raison d’unefaçon régulière.S. H. : Comment réorienter la préventionet la prise en charge ?Si l’on parle prévention et prise encharge, l’important est notamment <strong>de</strong>dédramatiser la prise <strong>de</strong> produit en tantque telle, qui n’est que l’expressiond’un malaise qu’il faut décrypter. Toutmal-être et stress vulnérabilisent l’individupar rapport à la prise <strong>de</strong> drogue,donc plus le consommateur <strong>de</strong> drogueva être placé dans une situation anxiogène,plus il aura besoin <strong>de</strong> son produit.C’est ainsi qu’en prison, les détenussont dans la situation la pluspropice au maintien <strong>de</strong> la dépendance.Illustrant ce lien entre addiction et vulnérabilité,une étu<strong>de</strong> a montré queparmi les soldats américains combattantau Vietnam et qui ont pris <strong>de</strong> l’héroïne,94 % d’entre eux ne sont pasensuite <strong>de</strong>venus dépendants à leurretour aux États-Unis. C’est donc bienle contexte qui les a poussés à prendre<strong>de</strong> l’héroïne ; le fait d’en avoir pris n’apas entraîné d’addiction chez 94 %d’entre eux.S. H. : <strong>La</strong> volonté peut-elle permettred’arrêter <strong>de</strong> consommer<strong>de</strong>s drogues ?Ce n’est pas une question <strong>de</strong> volonté :on confond émotion et cognition. Letoxicomane vit une émotion et la volontérelève <strong>de</strong> la cognition. Le professionnelne va pas faire appel à la volonté duconsommateur <strong>de</strong> drogue ; lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rd’arrêter le rendra encore plus malheureuxparce qu’il n’y parviendra pas.Le professionnel va l’ai<strong>de</strong>r à trouver enlui les forces affectives qui vont lui permettre<strong>de</strong> supporter le manque, ill’épaulera dans son acceptation <strong>de</strong> lasouffrance, il l’ai<strong>de</strong>ra à la repérer, à ladompter et à i<strong>de</strong>ntifier ce qu’il rechercheà travers la drogue : ce peut être surmonterune séparation, une insécurité, un<strong>de</strong>uil, dans tous les cas une souffrance.C’est un travail <strong>de</strong> psychothérapeutepour rechercher la cause, pas une question<strong>de</strong> traitement médical. Remonterdans l’histoire <strong>de</strong> l’individu et i<strong>de</strong>ntifierles éléments sensibles, c’est ce que fontles alcooliques anonymes : ils apprennentaux alcoolodépendants à repérerleurs émotions et à les contrôler, ils lesconduisent à exprimer leurs émotions,ce qui leur permet <strong>de</strong> les supporter et <strong>de</strong>passer outre.S. H. : Comment développer unemeilleure information <strong>de</strong>s professionnels?Le professionnel ne dispose pasnécessairement <strong>de</strong>s informations lesplus récentes, il convient donc <strong>de</strong> luioffrir toutes les possibilités <strong>de</strong> s’informerafin qu’il puisse transmettre cette informationau grand public <strong>de</strong> façon simple.Ainsi, si l’on parle du cannabis, face à lapanique exprimée par certains parentsdont les enfants sont consommateurs,expliquer qu’il n’y a pas <strong>de</strong> quoi objectivementpaniquer, rappeler – comme lefont la très gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s professionnels– que le cannabis est pratiquementun fonctionnement sociétal obligésinon le jeune est rejeté par son groupe ;évaluer la consommation réelle et safréquence : entre un jeune qui fumeavec les copains le samedi soir et unautre qui fume tous les matins avantd’aller en classe, il y a une différencefondamentale. Or, certains professionnelssouffrent d’un déficit d’information.Plus un mé<strong>de</strong>cin est informé sur la toxicomanie,plus il sera efficace face autoxicomane, parce que ce <strong>de</strong>rnier estsouvent très bien informé sur le plan <strong>de</strong>la neurochimie. En tant que chercheur,je reçois souvent <strong>de</strong>s courriers <strong>de</strong> personnesen situation d’addiction qui nevont pas forcément en consultationmédicale, qui veulent prendre un produitet me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt quelles en sontles conséquences neurobiologiques. Cen’est pas mon travail mais celui du clinicien.Ceci tendrait à prouver qu’il y a unmanque d’information.S. H. : Quel type <strong>de</strong> dépendance oud’addiction l’Internet et les jeux d’argentprovoquent-ils ?En l’absence <strong>de</strong> substance psychoactiveet donc d’inci<strong>de</strong>nce pharmacologiquesur le système nerveux central,je ne pense pas que le jeu puissedéclencher une addiction ; en revanche,il peut procurer un soulagement face àl’addiction aux substances psychoactives.Ainsi, les cliniciens ont-ils observéque 60 % <strong>de</strong>s joueurs pathologiquessont <strong>de</strong> gros fumeurs <strong>de</strong> tabac, 60 %sont alcoolodépendants et 30 % ont <strong>de</strong>stroubles <strong>de</strong> la personnalité. Ce quisignifie que les joueurs sont une populationhautement vulnérable. Mais cen’est pas le jeu qui les rend vulnérable.<strong>La</strong> dépendance au jeu est donc beaucoupplus facile à soigner que l’addictionaux drogues et les pourcentages <strong>de</strong>sevrage réussi sont beaucoup plus élevés.Entre le jeu pathologique et lessubstances psychoactives, la préventionet la prise en charge doivent êtretotalement différenciées.Propos recueillis par Yves Géry1. Anthony J.C., Warner L.A., Kessler R.C. Comparativeepi<strong>de</strong>miology of <strong>de</strong>pen<strong>de</strong>nce on tobacco, alcohol,controlled substances, and inhalants: Basic findingsfrom the national comorbidity survey. Experimentaland Clinical Psychopharmacology, 1994, vol. 2, n° 3 :p. 244-268.LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 410 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE <strong>2010</strong>5

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