4MARDI 22 MAI14h > Regards lycéens [p. 6]19h > Inauguration19h55 > La chronique du jour20h > Lecture Une forte odeur de pomme21h45 > Café des auteurs Pedro Eiras22h30 > Ma chanson 1UNE FORTE ODEURDE POMMEUM FORTE CHEIRO A MAÇÃ, 2003D.R.DE PEDRO EIRASTraduit du portugais par Alexandra Moreira da Silvaavec le soutien de la Maison Antoine Vitez (2004)Éditions Les Solitaires Intempestifs, 2005Un salon, meublé disons bourgeoisement mais sansétalage, avec au mur une reproduction bon marché de laCène de Léonard de Vinci – cependant il est manifeste quele cadre est cher.Ils sont treize, – père, mère, oncle, tante, frère, sœur,cousin, ami(e)s – à être réunis pour un dîner à la demanded’Elie, le fils, jeune dramaturge. Une soirée où l’on causede tout et de rien, de son travail, des progrès du petit-fils...Une soirée de plus où des paroles s’échangent, banalesou incisives, dévoilant parfois blessures ou rancœurs, desparoles chargées de l’ennui et de la vacuité d’existencesse voulant heureuses mais qui paraissent contrariées.Jusqu’à l’annonce par Elie d’une surprise… insolite.Dix ans après sa parution au Portugal, le texte de PedroEiras semble avoir été écrit aujourd’hui, dans une Europeau bord du vide.Je suis fatiguée d’être mère et épouse, d’être unefemme et d’avoir un certain âge, de faire semblant,de faire semblant que je fais semblant, sans avoirun seul mot vrai à vous dire, un seul, je suis écraséepar ces murs plein de meubles, plein de bibelots,par ces vêtements, par ces mains que je lave chaquejour, par ces cheveux…Antigonede Sophocletraduction de Jeanet Mayotte BollackÉditions de Minuit, 1999Pedro Eiras est né à Porto en 1975.Il est professeur de littérature portugaiseà l’Université des Lettres de Porto.Depuis 2001, il publie des piècesde théâtre, des fictions, de la poésie,de nombreux essais sur la littératurecontemporaine. Ses pièces ontété traduites, lues ou mises en scènedans plusieurs pays : Belgique, Brésil,Bulgarie, Cap-Vert, Espagne, France,Grèce, Portugal, Slovaquie, Roumanie.Deux de ses pièces sont traduitesen français – Une Lettre à Cassandreet Une forte odeur de pomme. Cettedernière a connu une mise en espaceà La Mousson d’Eté, puis une mise enondes sur France Culture, sous la directionde Claude Guerre. Elle est publiéeen France aux Solitaires Intempestifs.Une Lettre à Cassandre seramise en scène en Belgique en 2013.Avec Thierry Blanc, StéphaneCzopek, Pierre David-Cavaz,Grégory Faive, Bernard Garnier,Hélène Gratet, Sébastien Hoën-Mondin, Sylvie Jobert, DanièleKlein, Philippe Saint-Pierre,Chloé Schmutz, Laura Tirandaz,Sophie Vaude…Lecture accompagnée parHélène Gratetet Laura TirandazALEXANDRA MOREIRA DA SILVADocteur en Études Théâtrales (Universitéde Paris III / Université de Porto), AlexandraMoreira da Silva est professeur à laFaculté de Lettres de l’Université de Porto.Chercheuse à l’Institut de Littératurecomparée Margarida Losa (Porto) depuis1997, elle participe au projet de recherche« Interculturalidades : escritores e outroscriadores em deslocação ». Elle a traduitvers le portugais notamment Adel Hakim,Patrick Kermann, Bernard-Marie Koltès,Jean-Pierre Sarrazac, Dominique Pitoiset,Karin Serres, Ronan Chéneau, Jean-LucLagarce, Marguerite Yourcenar, PierreNotte, Marguerite Duras, Alice Zeniter. Versle français, elle a traduit Pedro Eiras, AbelNeves, Camilo Pellegrini, Miguel CastroCaldas, José Maria Vieira Mendes, JacintoLucas Pires et Jaime Rocha.Elle a co-organisé le volume nº 12/13 desCadernos de Literatura Comparada consacréau théâtre et à la traduction ainsi quele colloque Traduire Lagarce (Besançon,2007). Elle est membre de l’associationPortugaise des Critiques de théâtre.ILDA MENDES DOS SANTOSUniversitaire, Ilda Mendes dos Santos travaillesur les voyages, les transferts culturelset la traduction. Elle a traduit desrécits d’explorateurs, des poètes et prosateursde langue portugaise (Hilda Hilst,Herberto Helder). Dans le domaine théâtral,elle a traduit des pièces de Pedro Eiras(Lettre à Cassandre – en co-traductionavec l’auteur pour le théâtre de la Place,Belgique ; Culture, en co-traduction avecDaniel Rodrigues, pour la Maison AntoineVitez), de Mickael de Oliveira (de la compagnieColectivo 84 de Lisbonne) ainsi qued’autres dramaturges portugais et brésiliensà l’occasion de festivals artistiqueset/ou de cahiers spécifiquement dédiés àl’émergence de nouvelles écritures scéniques(par exemple, Grabuge de Jô Bilac,Maison Antoine Vitez, à paraître).Ilda Mendes dos Santos assure la traductiondes textes écrits par Pedro Eirasdans le cadre de la coopérative éphémère.D.R.LES CAFÉS DES AUTEURSChaque soir, après la lecture des textes,Véronique Labeille anime les rencontres du Café des auteurs.Le Café des auteurs est une invitation à échanger, après la lecture, avec les auteursdu festival. Les dramaturgies européennes seront soumises à la question (avec bienveillance!) afin de mieux comprendre les oeuvres, mais également le contexte de l’écriture.Les participants à l’Université Buissonnière pourront éclaircir certaines pistes apparueslors des séances de cette université et le public d’un soir sera convié à participerà ce moment privilégié.VÉRONIQUE LABEILLEDurant son doctorat en Lettres et Arts du spectacle,Véronique Labeille participe à plusieurs comitésde lecture, lui permettant ainsi de découvrir lesdramaturgies contemporaines et jeunesses. Fin2011, après la soutenance de sa thèse portantsur les scènes dethéâtre dans les romansfrançais et canadiensfrançaisau tournant duXX e siècle, elle s’engageauprès de la compagnieTraversant 3 afin decoordonner les comitésde lecture mis en placepar la compagnie. Elleest membre du collectifTroisième bureau.QUI A TUÉ ELIE ?Dans la première moitié d’Une forte odeur de pomme, le régime des échanges est quotidien. Lespersonnages s’échangent à intervalles réguliers des répliques comme « Tu m’aides à enlever leplat du feu / Qu’est-ce qu’il pleut ! / Je vais chercher le journal / Chérie, tu fais la tête ? ». CependantElie sort de sa chambre et s’entretient, à table, sur l’extermination des Indiens d’Amérique. Maisil ne faut pas trop embêter Elie. Ce dîner, c’est le dîner d’Elie, c’est lui qui l’a voulu, parce qu’ila une annonce à faire ! « Alors c’est quoi cette grande nouvelle ? », l’interroge son frère Jessé.Entre la poire et le fromage, Elie répond : « Je vais me tuer ».À la surprise du lecteur, les personnages réagissent avec enthousiasme. « Sacré coquin, c’étaitdonc ça ! », plaisante Emmanuel. « Mon frangin nous étonnera toujours ! », commente Jessé.« Tu aurais pu nous le dire avant ! », s’insurge Anna. Les personnages ont-ils bien entendu ?Ils ont écouté mais ils n’ont pas compris. D’ailleurs quatre pages plus tard, ils semblent avoiroublié. Tous trinquent sur le mot d’ordre : « La vie continue ! » Elie corrige : « Sauf pour moi. ».« La vie continue ! ». C’est tout le contraire. La vie (ici la pièce) ne continue pas comme avant.Elle tourne à l’affrontement en duo, trio. Tout y passe : le fascisme, les espoirs déçus du Portugal,l’éducation des jeunes. Magdalena en conclut : « nous avons résolu toutes les questions dumonde et nous n’avons pas fait un seul pas pour résoudre nos petites vies ».Cette phrase de Magdalena suffit-elle à expliquer la mort d’Elie ? Elie est-il mort faute d’avoirété entendu plus souvent ? Sa mort relève-t-elle uniquement de ce drame familial ? Elie est unpersonnage fantomatique depuis le début de la pièce. Il mange, il regarde les étoiles filantesmais sa décision de se suicider paraît si irrémédiable qu’Elie, tout en étant encore là, est déjàabsent. « L’Histoire est pleine d’épisodes qui se terminent dans le vide », dit Judas. Elie est l’und’entre eux, au même titre que les Indiens d’Amérique, au même titre que les Juifs d’Europecentrale, tous mentionnés dans la pièce de Pedro Eiras. Le destin d’Elie n’est-il pas un écho audestin des vaincus de l’Histoire ? Thibault FaynerThibault Fayner est dramaturge. Il écrit pour le théâtre et participe à de nombreuses activitésrelatives à l’écriture (ateliers d’écriture, comité de lecture, etc.). Il s’occupe également d’unecompagnie avec laquelle il réalise sa première mise en scène en 2010. Ses pièces Le Camp desmalheureux et Les Cravates sont publiées aux éditions Espaces 34.D.R.© Jean-Pierre Angei5