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iconique - Académie des Beaux-Arts de l'Institut de France

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Lettre <strong>de</strong>l'ACADEMIE <strong><strong>de</strong>s</strong>BEAUX-ARTSI N S T I T U TD E F R A N C ET ransversalité<strong>Arts</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>numéro 58 automne 2009


Lettre <strong>de</strong>l'ACADÉMIE <strong><strong>de</strong>s</strong>BEAUX-ARTSI N S T I T U TD E F R A N C EL'Académie <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> s'orga-nise autour <strong>de</strong> sept sections <strong>de</strong> créa-teurs artistiques et une <strong>de</strong> membresEditoriallibres. Peintres, sculpteurs, graveurs,architectes, compositeurs, cinéasteset photographes sont élus pour l'originalité spécifique <strong>de</strong> leur apportà la discipline qu'ils illustrent. Dans le mouvement <strong>de</strong> leur recherche,il arrive qu'ils soient portés à débor<strong>de</strong>r le cadre traditionnel <strong>de</strong> leursection pour élargir leur expression et s'engager sur une voie qui, selonle petit Larousse, « recoupe plusieurs disciplines ». Le termemême<strong>de</strong> transversalitéa été longtemps un néologisme ignoré <strong><strong>de</strong>s</strong> dictionnai-res. Tentation ou nécessité intérieure, elle s'est inscrite dans l'histoire<strong>de</strong>puis Dürer, Michel-Ange ou Léonard <strong>de</strong> Vinci.Dans l'effervescence novatrice <strong>de</strong> la fin du XIX e et <strong><strong>de</strong>s</strong> débuts du XX esiècle, les artistes s'employaient à inventer <strong><strong>de</strong>s</strong> formes qui rendraientcompte <strong>de</strong> leur temps. La scène, puis le cinéma ont offert <strong><strong>de</strong>s</strong> champsprivilégiés. En 1893, un jeune homme <strong>de</strong> vingt ans, Lugné-Poe, entendaitse vouer à un théâtre poétique - son enseigne, L'Œuvre - qui <strong>de</strong>viendraitun théâtre à Paris. Il rejetait à la fois l'artifice illusionniste du décor entrompe-l'œilà la mo<strong>de</strong> et le naturalisme défendu alors par le ThéâtreLibre d'André Antoine. Il voulait promouvoir un décor synthétique enmesure <strong>de</strong> s'accor<strong>de</strong>r à l'univers <strong><strong>de</strong>s</strong> dramaturgies nouvelles, telle celle<strong>de</strong> Maeterlinck. Il fit appel, non aux techniciens décorateurs, mais à sesamis peintres, Bonnard, Sérusier, Maurice Denis et, surtout, Vuillard, quiréalisa <strong><strong>de</strong>s</strong> mises en scène inventives. Transversalité...Quel peut être aujourd'hui le sens <strong>de</strong> cette transversalité ? Quellesexigences réclame-t-elle dans la maîtrise multiple essentielle qu'impli-que le déplacement <strong>de</strong> l'inspiration <strong>de</strong> l'artiste ? C'est le débat, animépar François-Bernard Michel au sein <strong>de</strong> l'Académie, qui regroupe <strong><strong>de</strong>s</strong>personnalités émérites du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la culture. Expérimentations,réalisations... la confrontation dresse un constat d'approches aussi dif-férentes qu'il y a d'intervenants, témoignant d'autant <strong>de</strong> libertés dansla création.sommaire☛ page 2Editorial☛ page 3Réception sous la Coupole :S.A. Sheikha MozahBint Nasser Al-Missned☛ pages 4 à 27Dossier :« Transversalité <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Arts</strong> »☛ page 28Exposition :« anima »Jean-François Spricigo☛ pages 28, 29Exposition :Musée Marmottan Monet« Fauves et Expressionnistesallemands. De Van Dongen àOtto Dix, chefs-d’œuvre dumusée Von <strong>de</strong>r Heydt »☛ pages 30, 31Exposition :« La Biennale <strong>de</strong> Sculpture<strong>de</strong> Yerres »☛ page 32Calendrier <strong><strong>de</strong>s</strong> académiciensLe mercredi 24 juin 2009, sous la Coupole<strong>de</strong> l’Institut <strong>de</strong> <strong>France</strong>, S.A. Sheikha MozahBint Nasser Al-Missned, élue dans la section<strong><strong>de</strong>s</strong> membres associés étrangers au fauteuilprécé<strong>de</strong>mment occupé par György Ligeti, aété reçue par Roger Taillibert, membre <strong>de</strong> lasection d’ArchitectureSon Altesse Sheikha Mozah Bint Nasser Al-Missnedprend part <strong>de</strong> manière active aux réformes entreprisespar le Qatar sur le plan <strong>de</strong> l’éducation et dudéveloppement communautaire ; elle assume également <strong><strong>de</strong>s</strong>responsabilités <strong>de</strong> premier plan au niveau international.Sheikha Mozah est actuellement Prési<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> laFondation du Qatar pour l’Education, la Science et leDéveloppement communautaire, organisation privée nonlucrative créée en 1995 à l’initiative <strong>de</strong> SA. l’Emir SheikhHamad bin Khalifa Al Thani.Parallèlement à ses engagements nationaux, SheikhaMozah a été en 2003 Ambassadrice spéciale <strong>de</strong> l’Unescopour l’Education <strong>de</strong> base et l’Enseignement supérieur. Dansce cadre, elle soutient les projets internationaux visant àaméliorer la qualité et l’accessibilité <strong>de</strong> l’éducation dans lemon<strong>de</strong> entier. Elle est notamment à l’origine <strong>de</strong> la créationdu Fonds international pour l'enseignement supérieur enIrak. Ce fonds, géré conjointement par l'UNESCO et laFondation du Qatar, a pour vocation d’ai<strong>de</strong>r à la reconstruction<strong><strong>de</strong>s</strong> institutions d'enseignement supérieur en Irak.Sheikha Mozah s'est également beaucoup engagée enfaveur <strong>de</strong> la promotion et <strong>de</strong> la protection <strong>de</strong> l’accès àl’éducation dans les zones <strong>de</strong> crise et <strong>de</strong> conflit, commeRéceptionsous la CoupoleCi-contre : S.A. Sheikha Mozah Bint Nasser Al-Missned à <strong>l'Institut</strong><strong>de</strong> <strong>France</strong> et, ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sous, recevant son épée d'académicienne <strong><strong>de</strong>s</strong>mains du Secrétaire perpétuel Arnaud d'Hauterives.Photo Brigitte Eymann.S.A.Sheikha MozahBint Nasser Al-Missned“Le mon<strong>de</strong> entier connaît et reconnaît vos mérites,mais laissez-moi malgré tout vous présenteren quelques mots à cette noble assemblée. Vous êtesdiplômée <strong>de</strong> sociologie et docteur honoris causa <strong>de</strong>plusieurs universités américaines. Depuis 1995 vous avezdélibérément choisi <strong>de</strong> soutenir et d’ai<strong>de</strong>r votre époux àdévelopper le Qatar et à en faire un grand pays par lerayonnement, sinon par la taille. Vous assumez donc unrôle public important, non seulement au sein <strong>de</strong> votre paysmais à travers le mon<strong>de</strong>... »Extrait du discours prononcé par Roger Taillibertnotamment à Gaza et en Afghanistan. A cette fin, elle a lancél’initiative « L’Education d’abord » en décembre 2008.Les responsabilités exercées par Sheikha Mozah en tantque Prési<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> la Fondation arabe pour la Démocratie(située à Doha) lui permettent <strong>de</strong> promouvoir le rôle <strong><strong>de</strong>s</strong>femmes dans la vie politique et au sein <strong><strong>de</strong>s</strong> processus <strong>de</strong>décision.Sheikha Mozaha a rejoint en 2005 le Groupe <strong>de</strong> l’Alliance<strong><strong>de</strong>s</strong> Civilisations <strong><strong>de</strong>s</strong> Nations Unies sur la suggestion duSecrétaire général <strong>de</strong> l’ONU Kofi Annan. En 2007, elle reçu lePrix <strong>de</strong> Chatham House décerné annuellement à une person-2 | LETTRE DE L'ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS • Directeur <strong>de</strong> la publication : Arnaud d’Hauterives • Comité <strong>de</strong> rédaction : délégué Paul-Louis Mignon ;| 3nalité d’envergure internationale récompensée pour sa contributionà l’amélioration <strong><strong>de</strong>s</strong> relations internationales. ◆membres : Louis-René Berge, Yves Boiret, Edith Canat <strong>de</strong> Chizy, Gérard Lanvin, François-Bernard Michel, Lucien Clergue Conceptiongénérale, rédaction et coordination : Nadine Eghels • Conception graphique, réalisation : www.cmpezon.fr • Impression : Belzica - ImprimerieFrazier • ISSN 1265-3810 • Académie <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> 23, quai <strong>de</strong> Conti 75006 Paris • http://www.aca<strong>de</strong>mie-<strong><strong>de</strong>s</strong>-beaux-arts.fr


Dossier« LA TRANSVERSALITÉ ,NÉCESSITÉ ESTHÉTIQUE »T ransversalité<strong>Arts</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>LES ARTISTES LA PRATIQUENT OU LA RÉCUSENT. Qu'on la loue ou qu'on l'ostracise, la transversalité<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Arts</strong> s'affiche partout aujourd'hui... jusqu'à Versailles.A la Renaissance, l’artiste humaniste, curieux <strong>de</strong> l’Antiquité comme <strong><strong>de</strong>s</strong> nouveaux savoirsscientifiques et artistiques, se veut universel, à l’image <strong>de</strong> Michel Ange ou <strong>de</strong> Léonard<strong>de</strong> Vinci. Le travail collectif <strong><strong>de</strong>s</strong> ateliers sert <strong><strong>de</strong>s</strong> projets transversaux fédérés par unecomman<strong>de</strong> politique ou religieuse. La rupture s’opère au XVII e siècle avec le cloisonnement<strong>de</strong> disciplines hiérarchisées en arts majeurs et arts mineurs. Cette hégémonie <strong><strong>de</strong>s</strong>Académies isole l’artiste dans sa pratique et conduit à un changement <strong>de</strong> son statut. Avecl’affirmation <strong>de</strong> l’expression individuelle, initiée par le Romantisme, se pose désormaisla question <strong>de</strong> l’héritage.Remise en cause <strong>de</strong> la transmission et <strong><strong>de</strong>s</strong> catégories esthétiques traditionnelles, brouillage<strong><strong>de</strong>s</strong> repères, hybridation et hétérogénéité <strong><strong>de</strong>s</strong> matériaux : la pratique <strong>de</strong> la transversalitéfavoriserait-elle la disparition du métier et la généralisation <strong>de</strong> l’amateurisme ?Si le risque <strong>de</strong> faire n’importe quoi existe évi<strong>de</strong>mment et si certains savoir-faire disparaissent,les apports <strong><strong>de</strong>s</strong> nouveaux outils et <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvelles technologies génèrent enmême temps <strong><strong>de</strong>s</strong> gestes et <strong><strong>de</strong>s</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> pensée nouveaux. Ressentie par l’artiste commeune nécessité esthétique et non comme un artifice, la transversalité <strong>de</strong>vient alors unepratique qui permet au plasticien <strong>de</strong> renouveler ses moyens d’expression et <strong>de</strong> donnerplus d’ampleur à son projet.La discussion permet ainsi <strong>de</strong> mieux définir la pratique <strong>de</strong> la transversalité dans lesarts, en affirmant qu’il n’existe pas <strong>de</strong> croisement disciplinaire sans maîtrise <strong><strong>de</strong>s</strong> disciplines.La transversalité, au service d’une unité supérieure à la diversité <strong><strong>de</strong>s</strong> techniquesemployées, exige une collaboration entre tous les arts plutôt qu’une appropriationapproximative <strong><strong>de</strong>s</strong> différentes techniques.Au terme du débat, les académiciens proposent <strong>de</strong> distinguer <strong>de</strong>ux démarches pluridisciplinaires: la métaphore et le métissage. La première consiste à transposer les co<strong><strong>de</strong>s</strong>d’un art à un autre, à l’exemple <strong><strong>de</strong>s</strong> portraitistes <strong>de</strong> l’Antiquité grecque qui s’appuientsur une longue tradition pour nourrir l’iconographie. La secon<strong>de</strong> consiste à unir lesdisciplines pour créer un art nouveau, à l’exemple du cinéma, expression mixte parexcellence où les disciplines qui se croisent, s’affrontent et se fédèrent, sont au serviced’une œuvre unique.François-Bernard Michel, membre <strong>de</strong> la section <strong><strong>de</strong>s</strong> membres libres4 |László Moholy-Nagy,Light Space Modulator, Architecture musicale,1930 (reconstruit en 1970). Photo DR| 5


DossierQuand lamusiqueest théâtralePar François-Bernard Mâche,membre <strong>de</strong> la section <strong>de</strong> Composition musicaleL’image <strong>de</strong> la construction du décor <strong>de</strong> Da Capo (Avignon1976) signifie plus que l’installation du cadre du premierspectacle musical que j’ai composé. Le décor était sonore, etla conception <strong><strong>de</strong>s</strong> éléments, leur organisation dans l’espace,avaient un rapport si direct avec la musique que celle-ci,dans certaines scènes, n’a pu être écrite que sous forme d’unschéma <strong>de</strong> cheminement rigoureusement réglé <strong>de</strong> façon queles comédiens-interprètes produisent par leurs actions lapolyphonie <strong>de</strong> bruits et <strong>de</strong> sons imaginée par le compositeur.Celui-ci, en amont, a participé à l’invention <strong><strong>de</strong>s</strong> tobogganssonores, <strong><strong>de</strong>s</strong> claviers géants (sur lesquels un danseurallait sauter <strong>de</strong> note en note), <strong><strong>de</strong>s</strong> moustaches métalliquesrésonnantes, <strong><strong>de</strong>s</strong> instruments portatifs etc.Il <strong>de</strong>vait être un peu luthier, un peu régisseur, un peu metteuren scène pour que chacun <strong>de</strong> ces collaborateurs spécialiséscomprenne ses intentions et y ajoute son propre savoir. Dansl’opéra, il est plus rare que la conception <strong>de</strong> la musique soitaussi directement liée à celle <strong>de</strong> la scène : celle-ci ajouteplutôt <strong><strong>de</strong>s</strong> « effets » dont les exigences ont moins d’impact surl’invention musicale elle-même.Dans l’autre image, tirée d’une répétition <strong>de</strong> Temboctou(Avignon 1982) l’apport d’un marionnettiste et d’un luthierétaient nécessaires pour qu’une effigie du « héros » RenéCaillié franchisse une passerelle (à droite <strong>de</strong> l’image), et pourque résonne l’instrument central semblable à un puits ou àun œil. J’avais <strong>de</strong>mandé à Hébrard <strong>de</strong> réaliser un instrumenttypiquement africain, le tambour d’eau, mais d’une dimensioninsolite, pour produire un son grave extrêmement puissant.Sans son expérience <strong>de</strong> luthier-inventeur je n’aurais pasobtenu ce son, et j’aurais dû concevoir une autre musique.L’idée du théâtre musical est <strong>de</strong> faire monter la musique sur lascène, tandis que dans l’opéra, elle plane au-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus. Depuisles années 80, le renouveau <strong>de</strong> popularité <strong>de</strong> l’opéra, parmibeaucoup d’autres retours, a amoindri l’importance <strong>de</strong> cessynthèses, et, sans abolir pour autant les traditionnels conflitsd’intérêt entre le librettiste et le musicien, il a exacerbé lesconflits entre les prétentions du metteur en scène et lesidées du compositeur. Ligeti n’a pas réussi à imposer seschoix à Mesguich. En revanche personne n’a pu empêcherMessiaen <strong>de</strong> développer les siens. Les chorégraphes pourleur part s’affirment plus souvent aujourd’hui contre, – ousans -, la musique qu’en plein accord avec elle. L’art total,le multimedia, la transversalité, sont encore <strong>de</strong> puissantesutopies, et si leur dynamisme engendre quelques réussites,F.-B. Michel – Vous pensez à Jean-Louis Florentz qui utilisaitd’autres musiques comme celle d’Afrique occi<strong>de</strong>ntale?F.-B. Mâche – Oui, <strong>de</strong> cette manière il enrichissait le langagemusical. Nous revenons toujours au sens <strong>de</strong> l’œuvre. Il existeun problème <strong>de</strong> définition dès lors que l’espace est vi<strong>de</strong> etpropose une musique <strong>de</strong> silence comme dans la Partition4 33 <strong>de</strong> John Cage. Certaines utopies ont été prises au sérieuxalors qu’il s’agissait simplement d’expérimentations. Lesmonochromes, les espaces immatériels d’Yves Klein ressortissentdavantage à la mise en scène qu’aux arts plastiques etle regard est surtout orienté par le commentaire. Il faut serappeler la formule <strong>de</strong> Picasso : « le discours c’est bien, maisvoyons les toiles ».F.-B. Michel – Cependant, comme plusieurs d’entre vousl’ont souligné, au service d’une œuvre forte, l’informatiquepeut être un bon outil.G. <strong>de</strong> Rougemont – En effet, la maîtrise <strong>de</strong> l’outil informatiquedonne <strong><strong>de</strong>s</strong> résultats nouveaux et extraordinaires !Avec le logiciel <strong>de</strong> retouche et <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>sin Photoshop, quel estl’avenir <strong>de</strong> la photographie ? Sans compter que cet outil sertégalement à la création d’images ex-nihilo. Nous <strong>de</strong>vons nousintéresser à la fluidité <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiques offertes par ces nouvellestechnologies ! Si ces nouveaux moyens d’expression inspirentles nouvelles générations <strong>de</strong> plasticiens, cela ne les conduitpas forcément à élaborer <strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres inconsistantes ! Dansl’œuvre <strong>de</strong> Barceló, les pratiques du peintre et du sculpteursont en adéquation parfaite. Nous <strong>de</strong>vons être attentifs à cesnouvelles formes <strong>de</strong> création. La mission <strong>de</strong> l’Académie est <strong><strong>de</strong>s</strong>e situer au-<strong>de</strong>là <strong><strong>de</strong>s</strong> crispations corporatistes et <strong>de</strong> se montrervigilante dans l’attribution <strong>de</strong> prix ou <strong>de</strong> bourses.M. Folliasson – Il existe indéniablement un engouement, unepassion <strong><strong>de</strong>s</strong> jeunes artistes pour les nouveaux outils offerts parla technologie. Le risque <strong>de</strong> cette fluidité malgré tout, et mesconfrères ont raison, c’est la vacuité ! En tant que Prési<strong>de</strong>ntdu jury du Grand Prix d’Architecture, je cherche avant toutà détecter un projet présentant une forme, une couleur,un volume en adéquation avec le programme architectural<strong>de</strong>mandé. Je souhaiterais d’ailleurs que les jeunes artistes puissentexpliquer leur projet <strong>de</strong>vant le jury. La qualité du <strong><strong>de</strong>s</strong>sin nesuffit pas pour juger <strong>de</strong> la valeur <strong>de</strong> l’œuvre architecturale.F.-B. Michel (s’adressant à C-J Darmon) – Dans votreart <strong>de</strong> graveur, quel regard portez-vous sur les nouvellestechnologies?C.-J. Darmon – Peut-on dire qu’il existe un art total ? Lacréativité est quelque chose <strong>de</strong> personnel, une création quinaît <strong>de</strong> la main. Dans l’état actuel <strong>de</strong> mes connaissances, jene comprends pas, par exemple, l’expression estampe numérique.L’estampe suppose en effet une texture et une sensibilitéqui ne s’accor<strong>de</strong>nt pas avec cette nouvelle technique…L.-R. Berge – Pourtant les procédés distincts qui permettent<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>siner en creusant ou en incisant montrent que, dès l’origine,la gravure était un art transversal : Dürer était peintre10 |En haut : construction du décor <strong>de</strong> Da Capo (Avignon 1976)et graveur. Puis les artistes se sont spécialisés, et la gravureils génèrent surtout beaucoup <strong>de</strong> frustrations et <strong>de</strong>Ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus : répétition <strong>de</strong> Temboctou (Avignon 1982)| 11déceptions. Notre culture individualiste reste impuissante àassouvir sa nostalgie <strong>de</strong> la forme primitive du spectacle total,totalement liée à <strong><strong>de</strong>s</strong> collectivités soudées.est <strong>de</strong>venue l’une <strong><strong>de</strong>s</strong> disciplines <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong>. J’observeaujourd’hui que l’avènement <strong><strong>de</strong>s</strong> techniques informatiquesfait retrouver à la gravure cette transversalité. ☛


L. Harambourg – Rappelons par ailleurs que la gravure apermis, dès le XVI e siècle, et bien avant la photographie, <strong>de</strong>faire circuler les œuvres d’art et <strong>de</strong> les révéler au public. Cetart particulier est à la fois l’expression autonome d’un artistequi a choisi le langage du bois ou <strong>de</strong> la plaque <strong>de</strong> métal et unetechnique <strong>de</strong> diffusion. En raison <strong>de</strong> ces allers-retours, la gravureest en effet un exemple remarquable <strong>de</strong> transversalité.F.-B. Michel – Pour reprendre l’expression <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong>-JeanDarmon, existe-t-il un « art total», un art qui confon<strong>de</strong> lesdifférents outils pour créer du nouveau?F.-B. Mâche – L’art total est-il compatible avec un artpersonnel ? Wagner a eu ce rêve… Mais à la Renaissance,comme nous l’avons souligné, les compétences se pratiquaient<strong>de</strong> façon parallèle, sans se mélanger.L. Harambourg – Peut-être pourrait-on évoquer les recherches<strong>de</strong> l’artiste belge Vantongerloo, cosignataire du groupeDe Stijl. Peintre, sculpteur et architecte à la fois, son intérêtpour les mathématiques a débouché sur <strong><strong>de</strong>s</strong> projets <strong>de</strong>macrostructures urbaines, <strong>de</strong> maquettes utopiques où unemême volumétrie régit architecture, peintures, sculptures etobjets. Ses recherches sur le spectre <strong>de</strong> la couleur à la suite <strong>de</strong>Newton ont favorisé l’interaction entre les différentes disciplines.Vantongerloo attendait par exemple <strong><strong>de</strong>s</strong> équations un jeu<strong>de</strong> lignes et <strong>de</strong> formes et il a cherché à soumettre la compositiondu tableau à <strong><strong>de</strong>s</strong> mécanismes algébristes et colorés enfaisant correspondre à chaque numéro une couleur répartieen 12 tons. Peut-on parler d’art total dans ce cas ? C’était sonaspiration. Son œuvre est la quête d’un langage universel,recherche utopique sans doute, comme celle <strong><strong>de</strong>s</strong> architectes<strong>de</strong> la fin du XVIII e siècle, Ledoux, Boullée chez lesquels lesocial interfère avec la création artistique.F.-B. Mâche – Vera Molnar crée une œuvre <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>sin parordinateur en travaillant sur les variations infinies offertes parle lien entre plusieurs paramètres très simples : entrecroisement<strong>de</strong> lignes ou <strong>de</strong> surfaces, variations <strong>de</strong> couleur, déplacementprogressif d’une ligne à l’intérieur d’un ensemble…S’agit-il <strong>de</strong> fusion <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiques, d’art total ?C. Abeille – Je dirais plutôt qu’elle explore les multiplespossibilités du numérique.Il ne faut pas mélanger les approches. Le mélange <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiquesest enrichissant lorsque Braque, par exemple, s’empare<strong>de</strong> papier et <strong>de</strong> faux-bois pour enfermer ces matériaux danssa peinture, créant ainsi une métaphore plus forte que s’ilpeignait en imitant le faux-bois. Dans ce débat sur la transversalité,pour être précis, nous cherchons à savoir si l’artisteemprunte <strong><strong>de</strong>s</strong> techniques aux métiers extérieurs ou si, aucontraire, il s’agit d’un déploiement <strong>de</strong> techniques inhérentesà sa création.F.-B. Michel – Pourrions-nous dire que la transversalité estsource <strong>de</strong> création si, comme à la Renaissance, elle inclut unecollaboration entre tous les arts plutôt qu’une appropriationapproximative <strong><strong>de</strong>s</strong> différentes techniques par un seul artiste ?P. Carron – Oui et pour être clair, nous pouvons définir latransversalité en disant ce qu’elle n’est pas. S’il n’existe pas<strong>de</strong> maîtrise disciplinaire, il ne peut y avoir croisement entreles disciplines.A. Poncet – L’œuvre créée doit être enrichie par le croisement<strong><strong>de</strong>s</strong> disciplines qui augmentent alors son rayonnement.Les autres arts doivent « entourer » l’art spécifique <strong>de</strong> l’artiste.La transversalité ne peut exister que dans l’amour <strong>de</strong> l’art et<strong>de</strong> celui <strong><strong>de</strong>s</strong> autres arts…Wassily Kandinsky, projet <strong>de</strong> scène pour Tableaux d'une exposition <strong>de</strong>Moussorgsky, 1928, La Porte <strong>de</strong> Kiev.L’art total est-il“ compatible avec unart personnel ?”A. Poncet – Exactement. Unart est enrichi par d’autres arts.C’est ainsi qu’il faut comprendrele mot transversalité.M. Folliasson – Un exemplecélèbre <strong>de</strong> cette communication horizontale entre les artsnous est donné par Xenakis. Sa formation double <strong>de</strong> musicienet d’architecte lui a permis d’élaborer les plans du pavillonPhilips et <strong>de</strong> construire une forme mathématique dans l’espace.Ajoutons que pour que cette horizontalité soit réussie,la maîtrise <strong><strong>de</strong>s</strong> différents arts ne suffit pas, il faut aussi unemaîtrise <strong><strong>de</strong>s</strong> formes, un style.L. Harambourg – Nous serions donc d’accord pour définir latransversalité comme un échange fécond entre <strong><strong>de</strong>s</strong> savoirs,<strong><strong>de</strong>s</strong> compétences et un savoir-faire ?central <strong>de</strong> sections rectangulaires. S’y accrochent <strong><strong>de</strong>s</strong> marchesen acier <strong>de</strong> forme trapézoïdale dont la base est triangulaire.La main courante, une barre d’acier épaisse <strong><strong>de</strong>s</strong>sine une ligne,comme un coup <strong>de</strong> fouet dans l’espace.Mais la plupart du temps, bien sûr, l’œuvre s’enrichit<strong>de</strong> l’échange entre les disciplines. A la Renaissance, cesconditions sont facilement réunies car ce sont <strong><strong>de</strong>s</strong> équipesqui travaillent.P. Carron – Giotto a participé au premier niveau <strong>de</strong> laconstruction du Campanile <strong>de</strong> Florence et la maîtrise <strong>de</strong> laperspective <strong>de</strong> Piero <strong>de</strong>lla <strong>France</strong>sca est également bien connue.Peintre mais aussi mathématicien et excellent géomètre,il avait une bonne connaissance d'Eucli<strong>de</strong> comme le montreun <strong>de</strong> ses traités, conservé au Vatican. Son travail sur la perspectivea ensuite été repris par Léonard. Il suffit <strong>de</strong> penseraux fresques d’Arezzo.Les autres arts“ doivent « entourer »l’art spécifique <strong>de</strong>l’artiste.”DossierL. Harambourg – LaRenaissance me semble eneffet la pério<strong>de</strong> la plus intéressantepour notre sujet.L’artiste humaniste estcurieux <strong>de</strong> l’Antiquité maisaussi <strong><strong>de</strong>s</strong> nouveaux savoirs scientifiques et artistiques. Il seveut universel, à l’image <strong>de</strong> Michel Ange ou <strong>de</strong> Léonard <strong>de</strong>Vinci. L’artiste <strong>de</strong> la Renaissance s’affirme comme un inventeurdisposant d’un faisceau <strong>de</strong> disciplines et <strong>de</strong> techniquespour appréhen<strong>de</strong>r l’univers.P. Carron – Ce travail collectif <strong><strong>de</strong>s</strong> ateliers existait d’ailleursavant la Renaissance. A Delphes par exemple, sous la frise enbas relief, le synopsis <strong>de</strong> l’œuvre est <strong><strong>de</strong>s</strong>siné à l’ocre rouge.On distingue encore sur les plaques <strong>de</strong> marbre les trous quiont permis <strong>de</strong> fixer la sculpture. C’est toute une équipe qui aproduit cette partition monumentale.L. Harambourg – En fait la rupture s’opère au XVII e siècle.La loi fixe la langue française et Richelieu crée l’Académiefrançaise. Puis Colbert fon<strong>de</strong> avec Le Brun l’Académie royale<strong>de</strong> Peinture et <strong>de</strong> Sculpture. Viennent enfin les Académies <strong>de</strong>Musique, d’Architecture. Les disciplines sont cloisonnées ethiérarchisées en arts majeurs et arts mineurs. Cette hégémonie<strong><strong>de</strong>s</strong> Académies, qui sanctionnent et isolent l’artiste danssa spécificité, a eu paradoxalement pour effet d’appauvrir lacréation artistique.F.-B. Mâche – Et j’ajoute que cette hiérarchie n’a pasdisparu ! Elle s’est simplement modifiée. L’écrivain, leromancier surtout, occupent toujours la première place puisviennent le chanteur, le cinéaste, et le « plasticien ». Ensuiteon peut citer la danse, mais pas le théâtre, puis la musique.La poésie arrive bonne <strong>de</strong>rnière <strong>de</strong> ce classement... Quantà l’architecte, il est souvent <strong>de</strong>venu plasticien, et crée <strong>de</strong>gran<strong><strong>de</strong>s</strong> sculptures habitables.A. Poncet – Pourtant, malgré ce cloisonnement dont vousévoquez l’origine historique, cette collaboration <strong><strong>de</strong>s</strong> disciplinesexiste encore et il faut la favoriser. Le jeune sculpteur quia restauré l’une <strong>de</strong> mes oeuvres en Suisse a évi<strong>de</strong>mment étéen contact avec moi pour cette restauration. Mais c’est lui quia retravaillé cette sculpture, si bien qu’on ne sait plus, <strong>de</strong> mamain ou <strong>de</strong> la sienne, qui l’a faite.F.-B. Mâche – C’est vrai. Michel Butor a choisi d’expérimenter<strong>de</strong> nouvelles formes romanesques et a collaboré avec <strong>de</strong>nombreux artistes contemporains, en particulier <strong><strong>de</strong>s</strong> peintres.Son œuvre, au-<strong>de</strong>là d'une approche plus traditionnellementromanesque, est précisément représentative <strong>de</strong> cette transversalitéque nous évoquons.P. Carron – Mais le travail collectif, cette capacité à inventerun parcours où <strong>de</strong> multiples mains donnent forme à uneoeuvre d’une unité parfaite, n’existe plus. ☛M. Folliasson – Oui, à cette réserve près que certaines créationsappartiennent nécessairement à plusieurs arts. Un escalierest un élément d’architecture mais c’est aussi une sculp-12 |L.-R. Berge – … et créer émane forcément d’un acte premierture. Je me souviens d’un escalier construit pour la Fédération| 13<strong>de</strong> l’artiste qui peut être suivi par la nécessité <strong>de</strong> confor-du Bâtiment rue La Pérouse dont j’étais fier. Le bâtiment estter l’œuvre en faisant intervenir différentes techniques. détruit mais l’escalier a été récupéré. C’est un escalier à limon


DossierLe chantier est une expérience intense <strong>de</strong> création collective.Permettez-moi <strong>de</strong> rapporter à ce sujet une anecdote amusante.Lors <strong>de</strong> la restauration <strong>de</strong> la cathédrale d’Albi, j’ai été amené àfaire déposer le buffet d’orgue. Derrière celui-ci, sur le mur <strong>de</strong>huit mètres d’épaisseur, j’ai découvert un élément peint, <strong>de</strong> unmètre sur un mètre cinquante, comportant un texte en latin quisignifiait en substance : « Ouf ! C’est terminé ! ».De gauche à doite :Le Cnit Paris - La Défense, 1958, Robert Camelot, Jean <strong>de</strong> Maillyet Bernard Zehrfuss, architectes.Le musée Guggenheim <strong>de</strong> Bilbao, 1997, Frank Gehry, architecte.Centre Le Corbusier, musée Heidi Weber à Zurich, 1964-1967.Photos DR.Y. Boiret – Parce que dans ce travail collectif, l’interventiondu commanditaire est essentielle.P. Carron – C’est Isabelle d'Este en effet, qui a inspiré lacréation <strong>de</strong> la petite toile <strong>de</strong> Mantegna, Minerve chassant lesVices du jardin <strong>de</strong> la Vertu. En commandant cette œuvre pourson petit cabinet privé du palais <strong>de</strong> Mantoue, la marquise asu persua<strong>de</strong>r l’artiste <strong>de</strong> transposer le thème mythologiquepour elle.C. Abeille – La comman<strong>de</strong> à Enguerrand Quarton du retabledu Couronnement <strong>de</strong> la Vierge <strong>de</strong> Villeneuve-les-Avignonconfirme ce que vous dites. Des éléments matériels très précisfigurent dans ce « prix-fait » qui rappellent l’importance ducommanditaire : délai d’exécution, fixé à 17 mois, afin que leretable puisse être mis en place pour la saint Michel ; c’est àdire vers le 29 septembre 1454 ; prix : 17 florins d’Avignon !Le texte détaille <strong>de</strong> manière extrêmement précise un programmeiconographique scrupuleusement respecté par l’artiste,une sorte <strong>de</strong> théologie peinte. Et c’est un chef-d’œuvre !.Le peintre sait ce qu’il doit faire, au détail près. Il n’empêche :c’est lui qui est choisi pour exécuter et c’est lui qui crée. Il estlibre, en fin <strong>de</strong> compte.Y. Boiret – J’ai choisi la conservation précisément parce quej’y trouvais cette cohérence et <strong><strong>de</strong>s</strong> équipes avec lesquellestravailler. Responsable <strong>de</strong> la restauration et <strong>de</strong> la conservation<strong>de</strong> la cathédrale <strong>de</strong> Reims pendant dix ans, j’ai travaillé avec lemaître d’œuvre qui était chargé d’étudier l’emplacement <strong><strong>de</strong>s</strong>statues… C’est cette recherche technique qui m’intéressait.Cette collaboration“ <strong><strong>de</strong>s</strong> disciplines existeencore… tout dépend<strong>de</strong> la précision et <strong>de</strong> lacohérence <strong>de</strong> lacomman<strong>de</strong>.”M. Folliasson – Cetteanecdote révèle avec justessela vérité du chantier.Mais il n’est pas toujoursfacile <strong>de</strong> fédérer les différentesdisciplines autourd’un projet. Pour prendrel’exemple <strong>de</strong> l’architecture,il faut distinguer<strong>de</strong>ux conceptions <strong>de</strong> cette discipline. L’architecture ditemo<strong>de</strong>rne, comme celle <strong>de</strong> Moore, met en œuvre un programmedans lequel s’inscrit une sculpture, tandis qu’à l’époquecontemporaine, l’architecture se réclame <strong>de</strong> la sculptureet se substitue à elle. Gehry, par exemple, a créé à Bilbao unR. Chauvin – La comman<strong>de</strong> continue à notre époque <strong>de</strong>bâtiment qui est la sculpture. Je ne suis pas d’accord avecC. Abeille – Dans ce débat sur la transversalité, nous revenonsdonc constamment à la nécessité d’un classement etfavoriser le travail en atelier lorsque celui-ci est dirigé parcette conception <strong>de</strong> l’architecture. Pour moi, la fondationun architecte dont le souci est d’enrichir l’unité <strong>de</strong> l’œuvre àGuggenheim est d’abord un musée et le bâtiment <strong>de</strong>vrait êtred’une hiérarchie. Dans l’opéra, l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> autres métiersl’inverse <strong>de</strong> certains édifices commandés à <strong><strong>de</strong>s</strong> équipes d’architectesdifférentes. Pour être harmonieuse, la compositionF.-B. Michel – Mais dans les opéras représentés aujourd’hui,un contenant <strong><strong>de</strong>s</strong>tiné à mettre en valeur les œuvres. Or, jedoit servir la musique.suis allé quatre fois à Bilbao, par beau temps, par temps gris :doit être orchestrée.la place essentielle est-elle toujours donnée à la musique ? F.-B. Mâche – La transversalité suppose en effet une unitéles formes organiques et le jeu <strong><strong>de</strong>s</strong> matières et <strong><strong>de</strong>s</strong> lumièressupérieure à la diversité <strong><strong>de</strong>s</strong> techniques employées, mais aussi<strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> Gehry sont très visibles et parfaitement misF.-B. Mâche – Ce n’est pas si clair. Par exemple, dans unune hiérarchie <strong><strong>de</strong>s</strong> composantes permettant le choix d’unen valeur : le visiteur entre en effet dans <strong><strong>de</strong>s</strong> zones d’expositionoù ces jeux <strong>de</strong> lumière varient constamment. Mais lemise en scène, le chant et l’orchestre sont écartés. On assiste<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>rniers numéros <strong>de</strong> L’Avant-scène intitulé Opéra etmaître d’œuvre.14 | | 15résultat est que l’œil est contraint d’accommo<strong>de</strong>r tous lestrente mètres… et l’on ne voit plus les œuvres ! Bilbao estun mauvais musée parce qu’il n’a pas été conçu comme unmusée. Le bâtiment ne sait pas se faire oublier. L’échec <strong>de</strong>cette architecture vient <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong> transversalité dansle projet ! L’architecte ne travaille pas avec <strong><strong>de</strong>s</strong> sculpteurspuisqu’il se dit sculpteur lui-même.A. Poncet – Je confirme ce que vous dites. Certains architectesse considèrent eux-mêmes comme sculpteurs et il m’a étéparfois été difficile <strong>de</strong> collaborer sur certains programmes…C. Abeille – L’essentiel, dans un projet transversal est <strong>de</strong>gar<strong>de</strong>r le langage spécifique <strong>de</strong> l’œuvre. Dans un opéra, cequi <strong>de</strong>meure essentiel, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la forme opéra, c’est lamusique. Il existe un langage spécifique <strong>de</strong> la musique commeil existe un langage spécifique <strong>de</strong> la sculpture. La sculpture,la gravure, la peinture, l’architecture, existent en elles-mêmeset pour elles-mêmes.F.-B. Mâche – Certains musiciens sont d’ailleurs centrés surun projet non transversal. Tous les arts sont autonomes maisil est presque impossible d’en définir la spécificité car à l’origineces arts sont confondus et leur séparation est postérieureà l’activité symbolique. Je fais actuellement une recherchesur les universaux <strong>de</strong> la musique. Un ethnologue, parmi lesauteurs que j’ai étudiés, souligne que l’on trouvera toujoursquelque part quelqu’un qui dit qu’il fait <strong>de</strong> la musique alorsque cela ne correspond pas à ce que nous entendons parmusique… Les archétypes sont tellement profonds que touten se manifestant <strong>de</strong> différentes façons, gestes, mots, sons,costumes…, ils correspon<strong>de</strong>nt à <strong><strong>de</strong>s</strong> pulsions universelles.Dans mon travail sur le langage musical, j’ai cerné une partie<strong>de</strong> ces archétypes, liés à la répétition et donc, immédiatementaprès, à la variation.aujourd’hui à la prise <strong>de</strong> pouvoir d’artistes qui ont longtempseu le sentiment d’être <strong><strong>de</strong>s</strong> régisseurs. Le débat est très vif.Mais je vous rejoins sur ce point, dans un opéra, seule lamusique <strong>de</strong>meure. La transversalité n’est jamais une synthèseéquilibrée <strong>de</strong> différents métiers, et dans l’opéra celaest difficile à assumer. Le musicien pense que son œuvre estessentielle et le librettiste, lorsqu’il possè<strong>de</strong> un talent littéraire,pense la même chose ! J’ai ainsi le souvenir d’un auteurqui tenait absolument à son monologue <strong>de</strong> douze minutes.Or ce monologue cassait le rythme <strong>de</strong> la musique que j’avaiscomposée… Et je ne parle pas <strong><strong>de</strong>s</strong> conflits entre compositeuret metteur en scène, entre Ligeti et Mesguich pour Le GrandMacabre par exemple… En fait, rédiger son propre livretpermet au musicien <strong>de</strong> créer une unité entre l’architecturemusicale et celle du texte. Mais les expériences où le compositeurfait tout ne sont pas toujours concluantes… Je pense parexemple au Saint François d'Assise <strong>de</strong> Messiaen.Les mêmes problèmes se posent au cinéma. Le compositeurn’a aucun contrôle sur l’image. Lorsque j’ai composé la musiquedu film d’Alain Cuny, L’Annonce faite à Marie, le metteuren scène ne voulait aucune musique sur les paroles <strong>de</strong>Clau<strong>de</strong>l. La transversalité dans les œuvres collectives consistesouvent à dominer <strong><strong>de</strong>s</strong> conflits !Retenir l’expression“ spécifique d’un art estextrêmement difficileaujourd’hui dans unprojet collectif, et latransversalité consistesouvent à dominer<strong><strong>de</strong>s</strong> conflits !”L . H a r a m b o u r g –Comme vous le soulignez,retenir l’expressionspécifique d’un art estextrêmement difficileaujourd’hui. La mise enscène d’œuvres lyriquesrequiert <strong><strong>de</strong>s</strong> corporationsprécises dans <strong><strong>de</strong>s</strong> disciplinescomplémentaires: chanteur, costumier,éclairagiste, décorateur, metteur en scène et surtout chefd’orchestre. Or, <strong>de</strong>puis quelques années, le metteur en scènefait fi <strong>de</strong> cette complémentarité pour prendre le pouvoir etsoumettre nombre d’ouvrages à sa seule lecture. Cette usurpationa lieu au détriment <strong>de</strong> la musique qui n’est plus que lefaire valoir d’une démonstration d’ego. Priorité est donnée àla vue et à la pensée interprétative. Le metteur en scène doitau contraire être au service <strong>de</strong> l’œuvre dont il doit mettre enespace le sujet et diriger les chanteurs afin <strong>de</strong> donner corps àun univers sonore particulier. C’est pourquoi celui qui prétendmaîtriser l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> techniques, sans respecter la spécificité<strong>de</strong> chaque langage, <strong><strong>de</strong>s</strong>sert l’œuvre lyrique. L’expressionéminemment originale <strong>de</strong> l’opéra, inscrite dans une traditionsollicitant et exigeant la pluralité <strong>de</strong> disciplines spécifiquesau service du compositeur et <strong>de</strong> sa musique, est trahie par lescénographe, qui exerce alors une transversalité inversée.L. Harambourg – Ainsi Giacometti peint parfois mais ilse définit comme sculpteur, disant volontiers que rien nelui est jamais apparu sous la forme <strong>de</strong> tableau, rarement ☛


DossierCi-contre : sculpture <strong>de</strong> Giacometti <strong>de</strong>vant le Museum ofMor<strong>de</strong>n Art, New-York. Photo Loona.A droite : séance <strong>de</strong> travail à l'Académie. Photo CmPezon.BIBLIOGRAPHIE SELECTIVEOuvrages générauxAdorno T.W., Théorie esthétique, Kliencksieck, 1996Ar<strong>de</strong>nne P., Goumarre L., Beausse P.,L’Art comme expérience, Dis voir, 1999Belting Hans, L’Histoire <strong>de</strong> l’art est-elle finie ? Folio essais, 1989Clair Jean, Considérations sur l’état <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong>,Critique <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>rnité, Gallimard, 1983Dagen Philippe, La Haine <strong>de</strong> l’art, Grasset, 1997Jimenez Marc, La querelle <strong>de</strong> l’art contemporain,Folio essais, 2006Jimenez Marc, Qu’est-ce que l’esthétique ? Folio essais, 1997Lyotard J.-F., La Condition post-mo<strong>de</strong>rne, Minuit, 1979Florence <strong>de</strong> Méredieu, <strong>Arts</strong> et nouvelles technologies,Larousse, 2003Florence <strong>de</strong> Méredieu, Histoire matérielle et immatérielle<strong>de</strong> l’art mo<strong>de</strong>rne, Bordas, 1994Pouivert Roger, L’Œuvre d’art à l’âge <strong>de</strong> sa mondialisation.Un essai d’ontologie <strong>de</strong> l’art <strong>de</strong> masse, La lettre volée, 2003Sourgins Christine, Les Mirages <strong>de</strong> l'art contemporain,La Table ron<strong>de</strong>, 2005,Steiner Georges, Réelles présences, Folio essais, N°255, 1991Articleswww.almanart.com/vers-la-transversalite.html - 61k, 2008Magazine littéraire, « Philosophie et art : la fin <strong>de</strong>l’esthétique ? », N° 414, novembre 2002Le Mon<strong>de</strong>, Dagen P., « <strong>Arts</strong> : <strong>de</strong>rnières nouvelles du front.Face à ses détracteurs, l’art contemporain doit reconnaître sadiversité et sa fragilité », 29 avril 1994« L’art contemporain en question », Jeu <strong>de</strong> Paume, 1994Esprit, N° 173, juillet-août 1991, N° 179, février 1992,août-septembre 1999Télérama, Hors-série, « Art contemporain ; le grand bazar »,octobre 1992Art Press, Hors-série, « Ce n’est qu’un début, l’art continue »,N°13, 1992☛ même sous la forme <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>sin : « Je ne <strong><strong>de</strong>s</strong>sine pas l'œil, jesculpte le regard ». Dans la première biennale <strong>de</strong> sculptureque je viens d’organiser à Yerres, mon propos était <strong>de</strong> montrerque la sculpture, comme langage spécifique, était vivante,<strong>de</strong> rappeler que le métier et sa transmission, par l’atelier etpar les maîtres, inscrivent la sculpture dans une longue etriche tradition, remontant aux tailleurs <strong>de</strong> pierre, à ceux quimodèlent, qui fon<strong>de</strong>nt, <strong>de</strong>puis les Egyptiens, en passant parles sculpteurs <strong><strong>de</strong>s</strong> cathédrales.A. Poncet – Le sculpteur est seul avec la matière qu’il travaille.Il entretient un dialogue amoureux avec elle.G. <strong>de</strong> Rougemont. – Mais la sculpture <strong>de</strong> peintre a enrichila sculpture et je regrette que l’histoire <strong>de</strong> cet art retracéedans cette première biennale n’y fasse pas référence. Lafiliation établie évoque Couturier mais elle oublie Picasso.Réaffirmons que les pratiques croisées ne signifient pas nécessairementun appauvrissement… La pluridisciplinarité nedate pas d’aujourd’hui comme nous l’avons vu, et ne menacepas la pratique d’un moyen d’expression unique. Selon moi,elle n’est ni supérieure ni inférieure à une pratique artistiquecloisonnée. Simplement, elle permet au plasticien <strong>de</strong> renouvelerses moyens d’expression, <strong>de</strong> donner plus d’ampleur àson projet. Dès lors qu’elle est ressentie par l’artiste commeune nécessité, dès lors qu’elle s’impose avec sincérité à sonesthétique, nous ne pouvons considérer cette pratique nicomme une démarche opportuniste, ni comme une recherchedésespérée d’originalité.Je pratique la transversalité <strong><strong>de</strong>s</strong> moyens d’expression <strong>de</strong>puisquarante ans. Mon travail <strong>de</strong> peintre est lié <strong>de</strong> façon nécessaireau mon<strong>de</strong>, à l’espace public, à l’univers urbain. Il est enrelation avec la vie et la société, et ce lien porte et justifie monprojet esthétique. Ce travail n’est donc pas exactement celuidu peintre mais plutôt celui du plasticien dans la ville, ce quim’a conduit à la création d’une oeuvre en trois dimensions oùl’on passe du plan au volume. Aujourd’hui, l’apport <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvellestechnologies offre aux jeunes générations <strong><strong>de</strong>s</strong> possibilitésinfinies. Je ne connais pas ces nouvelles technologies, cequi constitue pour moi un obstacle pour regar<strong>de</strong>r et comprendrela création <strong><strong>de</strong>s</strong> jeunes artistes. Je peux dire simplementque la transversalité <strong><strong>de</strong>s</strong> moyens d’expression est intéressantedès lors qu’elle s’inscrit dans un projet. Autrement dit, il nefaut pas qu’il y ait « trucage ». Etre attiré par ces nouvellestechnologies ne peut être une fin en soi… Mais ce n’est pas lapratique <strong>de</strong> la transversalité qui est en cause.C. Abeille – Pour aller dans votre sens, on peut dire en effetque la sculpture du peintre Matisse a eu une influence enrichissantesur Couturier. Cependant la transversalité que nousévoquons dans notre débat va au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> ces recherches :lorsque j’entreprends <strong>de</strong> peindre une sculpture, je me poseévi<strong>de</strong>mment la question <strong>de</strong> la sculpture peinte, qui a toujoursexisté. Je ne suis pas sûr cependant que cette démarche puisseêtre considérée comme une démarche transversale.En fait, la transposition d’un co<strong>de</strong> à un autre fait partie intégrante<strong>de</strong> toute création artistique. Dans son récent essai surle portrait <strong>iconique</strong> Décrire et peindre, Gilbert Dagron montreque l’icône a désormais <strong>de</strong>ux fonctions, celle du souvenir etcelle <strong>de</strong> la relique. Mais il reste à inventer cet art du portraiten tenant compte <strong><strong>de</strong>s</strong> contraintes théologiques et politiques.Gilbert Dagron montre que les portraitistes, loin <strong>de</strong> créerex-nihilo, s’appuient sur une longue tradition judiciaire etlittéraire grecque et romaine : l’ekphrasis d’une part, dont lebut était <strong>de</strong> peindre avec les mots, <strong>de</strong> raconter l’image par lebiais <strong>de</strong> l’hypotypose par exemple, et l’eikonismos d’autre part,qui permet <strong>de</strong> décrire un individu à travers une typologie <strong><strong>de</strong>s</strong>ignes caractéristiques limités, grâce en particulier à l’emploid’adjectifs qualificatifs appropriés. Ces « portraits en mots »ont ainsi permis <strong>de</strong> fixer très précocement à Byzance unenorme figurative pour la reconnaissance d'un assez grandnombre <strong>de</strong> saints et ce sont bien <strong><strong>de</strong>s</strong> formes littéraires quinourrissent les types adoptés par l’iconographie : le peintre nereproduit pas le Christ mais l’idée du Christ, conformémentà la tradition néo-platonicienne. Il désigne celui qu’il figuremais il ne l’imite pas… « L’icône est une porte. » Ainsi peut-onla vénérer sans encourir l’accusation d’idolâtrie.L. Harambourg – Le cinéma est sans doute l’expressionmixte par excellence, celle où la transversalité est la plusperceptible, car il fait appel à <strong><strong>de</strong>s</strong> disciplines bien précisespour une expression fondamentalement novatrice et originale.Il requiert <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences artistiques qui associent<strong><strong>de</strong>s</strong> expressions aussi diverses que le sont le texte, l’image, lamusique, le décor recréé ou naturel. Métiers, disciplines quise fédèrent, s’affrontent, se fon<strong>de</strong>nt, en fonction d’adaptationsou d’exigences au service d’une œuvre unique.F.-B. Mâche – Je pense que nous pourrions, au terme <strong>de</strong> cedébat, proposer <strong>de</strong>ux pôles pour définir la transversalité : lemétissage, qui suppose d’unir les disciplines <strong>de</strong> façon à définir16 | un art nouveau (mais je n’y crois guère, sauf peut-être dans le| 17cas du cinéma), et, plus probante sans doute, la métaphore, quitraite un ensemble <strong>de</strong> données comme si c’en était un autre.L’artiste rapproche ainsi <strong>de</strong>ux arts, par exemple un art <strong>de</strong>“Au terme <strong>de</strong> ce débat, nous pourrions proposer <strong>de</strong>uxpôles pour définir la transversalité : le métissage, quisuppose d’unir les disciplines <strong>de</strong> façon à définir un artnouveau (mais je n’y crois guère, sauf peut-être dans lecas du cinéma), et, plus probante sans doute,la métaphore, qui traite un ensemble <strong>de</strong> données commesi c’en était un autre.”l’espace comme l’architecture, et un art du temps comme lamusique, en nourrissant une discipline grâce aux propriétés<strong>de</strong> l’autre. On peut aussi penser à <strong><strong>de</strong>s</strong> tentatives comme celle<strong>de</strong> Rimbaud, qui pratique une transversalité métaphoriquedans Voyelles en fixant les perceptions chromatiques <strong><strong>de</strong>s</strong> cinqvoyelles <strong>de</strong> l'alphabet français. Mais dans son cas, on peut se<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si ce n’est pas l’impossibilité d’un métissage entrele son et la couleur qui ramène inévitablement le poète à ladémarche métaphorique, comme fon<strong>de</strong>ment essentiel <strong>de</strong> lapoésie. Si c’est bien le son, et non la forme graphique <strong><strong>de</strong>s</strong>voyelles qui est en cause dans le fameux sonnet <strong>de</strong> Rimbaud,l’utopie d’une audition colorée n’est pas plus partageable quecelle développée par Messiaen durant toute sa carrière.Propos recueillis par Patricia Mazoyer


Le cinéma est, comparé aux six qui l’ont précédé, unart nouveau. Depuis ses origines récentes, il a puisédans tous les autres. Né <strong>de</strong> la volonté <strong>de</strong> photographierle mouvement, le cinéma a trouvé son premier publicdans les fêtes foraines où se projetaient les premiers « rouleaux» <strong>de</strong> son histoire. L’influence <strong>de</strong> ses origines forainess’est perpétuée à travers les clowns du cinéma burlesque, etjusqu’aux arts <strong>de</strong> la casca<strong>de</strong> équestre ou automobile. Méliès,le premier « metteur en scène créateur » <strong>de</strong> l’histoire ducinéma, était illusionniste <strong>de</strong> profession. Certains cinéastespuisent leur inspiration dans la littérature, d’autres dans lesdifférentes composantes du spectacle vivant, le mime, ladanse, les arts du cirque. J’aime fusionner, alterner, passerdu Nom <strong>de</strong> la Rose à L’Ours.Nous sommes avant tout les héritiers du théâtre et <strong>de</strong> laphotographie. Pathé, qui a longtemps été la première firme<strong>de</strong> cinéma au mon<strong>de</strong>, a établi sa suprématie en fixant surpellicule les pièces du répertoire. On enregistre le spectacleà l’intérieur du cadre <strong>de</strong> scène, comme un tableau vu <strong>de</strong>puisle siège du spectateur le mieux placé au centre <strong>de</strong> l’orchestre.La caméra à manivelle ne peut pas être très mobile : onfilme le motif comme le peintre assis <strong>de</strong>rrière son chevalet.Le cinéma est encore muet : on remplace provisoirementl’art <strong>de</strong> la déclamation par celui <strong>de</strong> la pantomime. Le sens<strong><strong>de</strong>s</strong> mots est confié à la situation représentée, à l’expressivité<strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs. La pellicule étant très peu sensible et ne sachantrendre avec précision les traits du visage, on fait appel auxmaquillages outranciers du cirque, <strong><strong>de</strong>s</strong> arts théâtraux <strong>de</strong>l’Extrême-Orient, <strong><strong>de</strong>s</strong> marionnettes ou <strong><strong>de</strong>s</strong> traditions néessur les tréteaux <strong>de</strong> foire. Très vite néanmoins, dès les annéesvingt, les cinéastes sentent qu’une part du sens et une gran<strong>de</strong>part <strong>de</strong> l’émotion vient <strong>de</strong> la force <strong>de</strong> l’image, du cadre, <strong>de</strong>l’angle, du décor, <strong>de</strong> la lumière. C’est la révolution expressionniste,qui là encore, s’appuie sur le travail <strong><strong>de</strong>s</strong> peintres,comme Munch, Nol<strong>de</strong> et leur précurseur Goya.En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> sa branche documentaire, héritière <strong>de</strong> la traditioninstaurée par les témoignages animés enregistrés par leséquipes <strong>de</strong> Louis Lumière, la branche fictionelle a immédiatementchoisi <strong>de</strong> raconter <strong><strong>de</strong>s</strong> histoires. Le rapprochement avecla littérature romanesque, le pillage <strong>de</strong> l’immense trésor accumulé<strong>de</strong>puis <strong><strong>de</strong>s</strong> siècles, a été immédiat. Aujourd’hui les réservesayant été épuisées, les romanciers <strong>de</strong>viennent scénaristes,les scénaristes <strong>de</strong>viennent cinéastes, les cinéastes écrivent <strong><strong>de</strong>s</strong>romans qui <strong>de</strong>viennent <strong><strong>de</strong>s</strong> films. L’union du cinéma et <strong>de</strong> la littératureest incontournable, consanguine, incestueuse. Chaquecinéaste vit avant <strong>de</strong> tourner en « couple intellectuel » avec uncréateur <strong>de</strong> l’écrit, qui d’ailleurs peut être l’autre moitié <strong>de</strong> luimême.Un film, c’est d’abord écrire pour décrire. Décrire lesimages potentielles, les situations, les attitu<strong><strong>de</strong>s</strong>, les images, lessons, écrire les répliques qui seront échangées par les acteurs.Cependant, tandis qu’un écrivain laisse au lecteur le soin <strong>de</strong>fabriquer ses images, le cinéaste, comme le peintre, doit parleraux yeux pour émouvoir le cœur. Tandis que nous adaptionsL’Amant, Marguerite Duras répétait : « Tu vas filmer ma vie, tuvas tourner mes images ». Je rétorquais invariablement « NonMarguerite, pas ta vie mais ton roman. Pas tes images, qui sont<strong><strong>de</strong>s</strong> mots sur une page, mais les miennes qui sont ce que j’airetenu <strong>de</strong> tes mots. Tu décris une jeune fille au bastingage surun bac qui traverse le Mékong. Celle que tu verras à l’écran nesera pas toi, mais celle que j’ai vue en te lisant ».Le film ne parle pas d’abord à l’intelligence conceptuellecomme le font les œuvres littéraires, mais montre d’abordaux yeux et fait entendre aux oreilles pour toucher les instincts.Nous sommes <strong><strong>de</strong>s</strong> peintres musiciens qui racontons<strong><strong>de</strong>s</strong> romans dans une salle <strong>de</strong> théâtre avec <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs à l’intérieurd’un cadre qui a emprunté ses proportions <strong>de</strong> hauteuret <strong>de</strong> largeur à la peinture, en format « académique »(1 <strong>de</strong> haut sur 1,33 <strong>de</strong> large) ou « paysage », ou « marine »(jusqu'à 1 sur 2,35).Dans Le Nom“ <strong>de</strong> la Rose,(Georges) La Tours’est évi<strong>de</strong>mmentLorsque je commence un film,je me réfère toujours à quelquespeintres. Le substrat d’émotions,dans mes films, vient tout droitproche du cinéma en noir et blanc <strong><strong>de</strong>s</strong> origines. Certainesimages du Nom <strong>de</strong> la Rose ont été gravées avant d’être <strong><strong>de</strong>s</strong>sinées,et avant que les décors soient construits.Il est impossible <strong>de</strong> ne pas évoquer le dialogue fructueuxdéroule ses tableaux selon un rythme imposé, qui participeau récit et au sens, comme le tempo <strong><strong>de</strong>s</strong> aria <strong>de</strong> n’importequel opéra. Après être sorti <strong>de</strong> la tête d’un homme <strong>de</strong> littérature,un film passe aux mains d’un photographe-peintre,<strong><strong>de</strong>s</strong> musées. Pour La Guerre duqu’entretiennent <strong>de</strong>puis les origines le cinéma et la ban<strong>de</strong> qui confie l’esquisse à un musicien.imposé... feu, je me suis inspiré <strong><strong>de</strong>s</strong> paysagistesdu Nord, en particulierAcadémie) : le cinéma a emprunté le storyboard à ce art et phie, sculpture : le cinéma est au cœur <strong>de</strong> la transversalité<strong><strong>de</strong>s</strong>sinée (que j’espère voir un jour représentée dans notre Musique, théâtre, peinture, littérature, mime, photogra-”<strong>de</strong> la sévère école islandaise. Leurs images aux ciels foncés,inversement la ban<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>sinée a pris au cinéma ses angulations<strong><strong>de</strong>s</strong> arts, obligés que nous sommes <strong>de</strong> faire converger le talentbruns, bistres, sont bouleversantes. Dans Le Nom <strong>de</strong> la Rose,La Tour s’est évi<strong>de</strong>mment imposé mais Le Nain, Vermeeret Caravage aussi, idolâtré par mon chef opérateur italien.Pour le casting, je me suis inspiré <strong><strong>de</strong>s</strong> trognes <strong>de</strong> Breughel,<strong>de</strong> Van Osta<strong>de</strong>, <strong>de</strong> Jan Steen, parfois, dans les cas extrêmes<strong>de</strong> Bosch. L’Ours doit aux paysages tourmentés <strong><strong>de</strong>s</strong> peintresdu réalisme patriotique norvégien comme Dahl ou <strong><strong>de</strong>s</strong>romantiques allemands comme Kaspar Friedrich. Quantaux hollandais Van Goyen et Ruysdael, ils m’ont donné lessolution <strong>de</strong> cadrage et <strong>de</strong> lumière pour L’Amant, où il s’agissait<strong>de</strong> rendre fascinantes les plates rizières <strong><strong>de</strong>s</strong> « flandresasiatiques » <strong>de</strong> Cochinchine.Pour mon film sur l’épopée <strong>de</strong> l’Aéropostale en troisdimensions Les Ailes du courage, tourné en relief pour lessalles Imax comme celles qu’on trouve au Futuroscope, jesuis retourné aux musées <strong>de</strong> sculptures. Comme un peintrehabitué à restituer en plat et qui s’attaque au mon<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>hauts reliefs, j’ai dû tout réapprendre. J’ai commencé par lemusée Rodin, j’ai enchaîné avec Guimet. Le cinéma en reliefest une ambition ancienne qui nous met en fusion avec laextrêmes, ses effets <strong>de</strong> courte focale, son montagespectaculaire. Libérés <strong><strong>de</strong>s</strong> contraintes financières <strong><strong>de</strong>s</strong> cinéastes,les <strong><strong>de</strong>s</strong>sinateurs comme Bilal ou Druillet ont enrichiles techniques visuelles plus audacieuses encore, avec <strong><strong>de</strong>s</strong>contre-plongées violentes, <strong><strong>de</strong>s</strong> angulations extravagantes quiont à leur tour enrichi l’art <strong><strong>de</strong>s</strong> cinéastes.Je terminerai cette traversée <strong><strong>de</strong>s</strong> disciplines artistiques parla musique et l’architecture. Pour visualiser un décor, unepièce, une ville, une abbaye, celle <strong>de</strong> mes rêves, puis pourréaliser ce décor, les architectes sont indispensables. Ainsipour Stalingrad, il me fallait un décor <strong>de</strong> ville, en ruine…mais soli<strong>de</strong>, sans le risque qu’une brique éprise <strong>de</strong> libertévienne fracasser le crâne <strong>de</strong> Ju<strong>de</strong> Law ou <strong>de</strong> Ed Harris !J’avais besoin pour Le Nom <strong>de</strong> la Rose d’une cour <strong>de</strong> monastèremystérieuse et inquiétante. Le rôle du « production<strong><strong>de</strong>s</strong>igner » au cinéma est <strong>de</strong> trouver les réponses architecturalesà un problème narratif.Le musicien a un rôle similaire puisqu’il doit suppléer àune carence du pouvoir cinématographique en apportantun poids d’émotions à une image qui n’en est pas suffisamment<strong><strong>de</strong>s</strong> autres vers notre volonté pour fabriquer ce 7 e Art qui estl’alliage où se fon<strong>de</strong>nt les six autres métaux antérieurs.J’ai vécu cette nécessité <strong>de</strong> fusion comme le plus grandprivilège et le bonheur cardinal <strong>de</strong> ma vie. ◆18 |problématique <strong><strong>de</strong>s</strong> sculpteurs, une profession avec laquellepourvue. C’est ainsi que dans La Guerre du feu, une| 19je collabore régulièrement.Le cinéma doit évi<strong>de</strong>mment aussi beaucoup au <strong><strong>de</strong>s</strong>sin etd’abord à l’art <strong>de</strong> la gravure. Souvent monochrome, elle estimage souvent insuffisante a été chargée <strong>de</strong> sens par unemusique inspirée.Comme la musique, le cinéma est un art du temps. IlCi-contre : Georges <strong>de</strong> la Tour, La Diseuse <strong>de</strong> bonne aventure,1635, Metropolitan Museum of Art (New York).En bas : sur le tournage <strong>de</strong> Deux frères, 2004.Photos DR.DossierLe cinéaste est à la croisée <strong><strong>de</strong>s</strong> artsPar Jean-Jacques Annaud, membre <strong>de</strong> la section <strong><strong>de</strong>s</strong> Créations artistiques dans le Cinéma et l’Audiovisuel


DossierUn homme qui n’a jamaissu aller tout droitPar Clau<strong>de</strong> Parent, membre <strong>de</strong> la section d’ArchitectureJe dois avoir un mauvais dictionnaire et cela me trouble quatre-vingt ans par le chemin détourné <strong>de</strong> l’Académie <strong><strong>de</strong>s</strong>parce que j’y ai très fréquemment recours. Habituellementc’est même mon meilleur compagnon d’écriture. Adieu Polytechnique ! Vive la traverse initiale <strong>de</strong> l’Ecole<strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> (j’envie toujours Paul Andreu !).Hélas le mot <strong>de</strong> « transversalité » n’y figure pas.Me voilà tout déconfit car, par contre, à « transversal », cedictionnaire rétif en rajoute et rien que du mauvais.Par exemple « disposé en travers, qui coupe en travers »,il n’ose pas dire <strong>de</strong> travers, mais c’est tout juste. D’où mondésarroi vis-à-vis du Professeur Michel qui m’a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong>venir ici vous raconter la transversalité <strong>de</strong> ma vie et <strong>de</strong> monaction d’architecte.Or, voilà que même la mé<strong>de</strong>cine s’en mêle puisqueau mot « transverse », relatif à l’anatomie, je trouve :« placé dans une direction transversale par rapportà l’axe du corps ».Me voilà toujours aussi mal parti, car noussavons tous que l’axe est le fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> l’équilibredu corps, et partant <strong>de</strong> l’architecture.Me voilà donc désaxé dès l’origine, jamaisdroit, ce qui n’est certainement pas bon pourmes gènes et… ma cervelle conséquemment.Passons.A dix-sept ans, j’ai eu mon bac <strong>de</strong> mathématiquesélémentaires (comme on disait) mais enmême temps en juillet, celui <strong>de</strong> philosophieavec mention bien.La mention passable en math nem’alarmait pas et je me lançais à l’assaut<strong>de</strong> Polytechnique. Trois ans <strong>de</strong> « taupe »<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong>, section Architecture ! Et là, panique, pas<strong>de</strong> règle, pas <strong>de</strong> discipline scientifique, dans cette école <strong>de</strong>Toulouse mais un flou mémorable, <strong>de</strong> quoi déboussoler unadolescent, à vie, en le projetant sans qu’il le souhaitât dansune transversalité démoniaque mais finalement, commenous le verrons, salutaire.Après les différents avatars <strong>de</strong> la « classe 1923 » (chantiers<strong>de</strong> jeunesse, service du travail obligatoire, mobilisation,école d’officier), bref après quatre annéesinutiles, la vie n’était pas rose, pour undémobilisé <strong>de</strong> 1945. Souhaitant retrouverun axe vertical rassurant, je retournaichez Charles Lemaresquier, académicienet Grand Prix <strong>de</strong> Rome, dans sonatelier <strong>de</strong> la rue Jacques Calot, où j’étaisdéjà trop âgé, trop désaxé pour accepterl’enseignement désuet et classique, trop bienca<strong>de</strong>nassé que l’on y pratiquait.A moi les chemins <strong>de</strong> traverse, le refus <strong>de</strong>l’enseignement officiel, mon amour pour toutce qui me confortait dans mon refus… <strong>de</strong>l’architecture : le théâtre, la mo<strong>de</strong>, la poésie,et surtout les arts que je n’ai jamais pratiquéscomme la peinture, la sculpture, la photographieet le cinéma, activités que j’admirais trop pourm’y engager autrement qu’en amateur.où je ne comprenais rien, même enS’ensuit une très longue errance, où dès lors pourapprenant par cœur. Mais je m’obstinais pour mille raisons, moi, il y eut <strong>de</strong>ux mon<strong><strong>de</strong>s</strong> bien séparés, les artistesLa rencontre <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ou trois bannis <strong>de</strong> La rencontre Le Corbusier, que j’admirais par-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus tout,comme un père ingénieur <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Arts</strong> et Métiers et pilote, on fous d’un côté et les gens banals, ennuyeux, professionnels <strong>de</strong>mon genre me confirma dans ma cavale. Jen’a pas fait naître en moi, cette implantation<strong>de</strong> “ <strong>de</strong>ux ou troisdisait aviateur avant 14-18, un amour déraisonnable pour les l’autre. Or, l’architecture, malédiction suprême se situait entrecite pêle-mêle André Bloc et « l’architecturepermanente <strong>de</strong> l’architecture dans un futurautomobiles (qui ne m’a jamais quitté, j’aime toujours mieux les <strong>de</strong>ux : juste dans l’axe. J’abandonnai les architectes.d’aujourd’hui », Ionel Schein, plus tard Paul bannis <strong>de</strong> mon genre à découvrir, seuls les artistes, par le détourles autos que les maisons) et une mère ambitieuse qui me Toutes les années cinquante et la moitié <strong><strong>de</strong>s</strong> annéesVirilio et tous les artistes qui m’armèrent me confirma dans d’une démarche transversale, sont arrivés àsouhaitait bicorne et épée, lesquels je n’ai obtenus enfin qu’à soixante, je les ai consacrées à cette lutte intérieure (etet firent mon éducation <strong>de</strong> paria. Je cite le ma cavale. me communiquer mon engagement architecturaldéfinitif.extérieure), à essayer <strong>de</strong> trancher ce débat qui finalement« Groupe Espace » et les abstraits géométriques,la galerie Denise René, les souvenirs <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>rniers J’ai pris d’un coup l’architecture comme une aventure,”constitua en moi, sans le savoir, sans doute une richesse, maisen même temps un mélange <strong><strong>de</strong>s</strong> genres, très mal vu dansle milieu <strong>de</strong> l’architecture. Et ce fut pourtant ce méli-mélotransversal qui me permit <strong>de</strong> l’abor<strong>de</strong>r autrement, cette architecturerétive, grâce à <strong><strong>de</strong>s</strong> compagnons <strong>de</strong> fortune, les artistes,qui firent mon éducation et défirent <strong>de</strong> ce fait définitivementtout lien avec l’enseignement qui ne cessa jamais pour moid’être trop rigi<strong>de</strong> et obsolète, même lorsque les mo<strong>de</strong>rnesmembres vivants du néoplasticisme comme Del Marle, lesanciens Kandinsky, Arp, Malevitch, Mondrian etc.Je suivais toutes les manifestations du groupe <strong>de</strong>puis lesjeunes, Dewasne et Pillet ou <strong><strong>de</strong>s</strong> confirmés Fernand Léger(qui militait au Groupe Espace avec Sonia Delaunay),Vassarely, Soulages, etc.Je m’occupais <strong>de</strong> la scénographie <strong>de</strong> toutes les expositionscomme une nécessité d’inventer un mon<strong>de</strong> qui restait àdéfricher. Il n’y avait, autour <strong>de</strong> mes travaux, plus aucunelimite. Avec Schöffer en 1952, j’entrai <strong>de</strong> plein pieddans l’Utopie. Nous exposions ensemble aux « RéalitésNouvelles » avec Schein la « ville spatiodynamique », puisen 60 avec Mirabaud les « villes-cônes » émergeant à 200mètres au-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus <strong>de</strong> la végétation et <strong>de</strong> l’urbain existant.20 | dites <strong>de</strong> la « synthèse <strong><strong>de</strong>s</strong> arts » et bientôt après avoir Plus aucune inquiétu<strong>de</strong> ne m’habitait.Ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus : Clau<strong>de</strong> Parent, Tentative bestiales’en emparèrent et triomphèrent <strong>de</strong> l’académisme.<strong>de</strong> transversalité, 2009.| 21A droite : Clau<strong>de</strong> Parent, Transversalité « visuelle »et du « parcours du continu », exemples 1 et 2, 2009.Le refus <strong>de</strong> passer le diplôme d’architecte fut le signemarquant <strong>de</strong> mon indiscipline et <strong>de</strong> mon désaccord avec ceque j’appelais le système <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> si bien rodé.fait mes preuves, j’exposai avec eux au sein <strong>de</strong> mouvementscomme « architecture sculpture » ou sous l’égi<strong>de</strong> <strong>de</strong> MichelRagon dans « Où vivrons-nous <strong>de</strong>main ? ». Ce que mêmeJ’entrais dans l’Utopie et je lui restais fidèle jusqu’àaujourd’hui avec comme <strong>de</strong>rnier défi à l’axe vertical le basculementet le déséquilibre <strong>de</strong> la « fonction oblique ». ☛


Dossier☛ Certes, je reste alerté par les lettristes d’Isidore Isou,bien sûr par Antonin Artaud et surtout Julien Gracq, mesmaîtres à penser.Mais j’ai fini ma traversée au point où l’architecture et lesartistes, en se fondant en moi, m’ont forcé à <strong><strong>de</strong>s</strong>siner nonplus comme un architecte, mais un peu comme un artiste,pour qui le crayon, le crayon tout seul, frêle et bête commeun simple bout <strong>de</strong> bois, <strong>de</strong>vient un outil mystérieux qui fait,pour le plaisir, pour vivre et survivre, naître <strong><strong>de</strong>s</strong> mon<strong><strong>de</strong>s</strong>inconnus. C’est à ce moment que j’accomplis ma définitivetransversalité. Je <strong><strong>de</strong>s</strong>sine en solitaire, <strong><strong>de</strong>s</strong> heures durant,avec une simple mine <strong>de</strong> plomb et une feuille <strong>de</strong> Canson,sans grain ; je suis heureux et libre.Mais l’architecture, ma tutélaire gardienne, m’empêche<strong>de</strong> dépasser certaines limites, m’impose une certaine discipline; il n’empêche que je lui échappe assez pour déci<strong>de</strong>rd’exposer mes <strong><strong>de</strong>s</strong>sins, ce qui, tout le mon<strong>de</strong> le sait, est ledanger suprême. Exposer, c’est montrer aux autres qui onest, ce qu’on attend <strong>de</strong> ceux qui regar<strong>de</strong>nt ou non, <strong>de</strong> ceuxqui regar<strong>de</strong>ront plus tard, après…Mais, comme j’ai encore besoin d’un appui pour mes <strong><strong>de</strong>s</strong>sins,j’ai appris à écrire sur eux pour les ai<strong>de</strong>r à avoir un sens,un contenu, pour mes compagnons d’art.Cette écriture, ces petits livres donnés en pâture auxincrédules seront ma <strong>de</strong>rnière transversalité, je vous le jureProfesseur Michel.Cette petite histoire trop personnelle à mon avis n’a pasd’autre intérêt que <strong>de</strong> servir d’illustration à une généralisation<strong>de</strong> cette notion <strong>de</strong> transversalité. Je dirais même qu’elle<strong>de</strong>vient, dans le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’éducation, une nécessité.J’en ai été témoin pendant les trois années où j’ai représenténotre Académie <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> au « Haut-conseil <strong>de</strong> l’enseignementartistique et culturel <strong>de</strong> l’Education Nationale ».Le mot <strong>de</strong> transversalité, avec la notion qu’il contient,<strong>de</strong>venait peu à peu la clé la plus disponible dans nos échangesd’idées.Au point que j’ai <strong>de</strong>mandé la réécriture d’un rapport pourque ce qui se tramait sous ce mot, <strong>de</strong>venu à tout faire, soitéclairci et que le contenu <strong>de</strong> transversalité soit précisémentdéfini, car il gagne désormais le mon<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> affaires, les carrièresdans la banque et l’industrie. Il règne en maître dansles colloques.C’est dire le chemin parcouru <strong>de</strong>puis l’après-guerre <strong>de</strong>45, où le vocable en question était plutôt réduit à un rôle<strong>de</strong> touche-à-tout peu apprécié. Mon vieux dictionnaire lepensait lui aussi sans doute.Certains d’entre nous se souviendront qu’en <strong>de</strong>hors duconcours Lépine, l’homme du touche-à-tout n’était pasintégré dans le mon<strong>de</strong>, on s’en méfiait, on l’écartait, quitteà monter en épingle quelques génies du genre Einstein etautres décalés <strong>de</strong> la science orthodoxe.Aujourd’hui, plus mo<strong><strong>de</strong>s</strong>tement mais tout aussi nécessairement,la transversalité sert <strong>de</strong> vase communiquant auxdomaines réservés, préservés et cloisonnés.Pour moi, je considère la transversalité comme la chanceextraordinaire, pour peu qu’on s’y livre avec courage,d’échapper aux prisons <strong>de</strong> la pensée mo<strong>de</strong>rne qui s’évertueà dresser <strong><strong>de</strong>s</strong> barrières entre disciplines, toujours pour protégerun patrimoine personnel.Et, cher Professeur Michel, il faut se souvenir que dans lesannées qui précè<strong>de</strong>nt et suivent la guerre <strong>de</strong> 39-45, la transversalitén’était pas admise, même pas reconnue en tant quetelle comme une posture possible. Les jeunes <strong>de</strong> ce tempslà,en révolte, la pratiquaient sans savoir qu’elle existait, avecle courage <strong>de</strong> l’inconscience et le goût du risque.Là est mon seul mérite.A l’encontre, sachez que je n’ai jamais eu l’extrême volontéd’être un vrai artiste, juste un « transversal ». ◆La transversalitédans l’artPar Louis-René Berge, membre <strong>de</strong> la section <strong>de</strong> GravurePour moi, une <strong><strong>de</strong>s</strong> formes <strong>de</strong> la transversalité est d’exprimerune même pensée en utilisant <strong><strong>de</strong>s</strong> moyens d’expressionsdifférents, qui l’enrichiront sans la déformer et peut être laprolongeront justement, par une nouvelle approche expressive.Pour mieux me faire comprendre, je vais prendre l’exempled’une pensée écrite et graphiquement représentée. J’ai doncchoisi un <strong><strong>de</strong>s</strong> poèmes <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong> Louis-Combet, qui estromancier, poète et philosophe.Ce poème intitulé Géographies intérieures (1) , exprime, parl’utilisation <strong>de</strong> la poésie, sa pensée philosophique, que j’ai tenté<strong>de</strong> traduire graphiquement en utilisant mon outil habituel <strong>de</strong>graveur qui est le burin. Cette tentative a été approuvée parl’écrivain (voir texte).Voilà une <strong><strong>de</strong>s</strong> formes <strong>de</strong> la transversalité : celle <strong>de</strong> l’écrit à l’image.Bien sûr il y en bien d’autres : toutes celles qui utilisent <strong><strong>de</strong>s</strong>techniques différentes pour mieux réaliser le projet <strong>de</strong> l’artiste.Mais comme le dit très justement Pierre Carron, « s’il n’existe pas<strong>de</strong> maîtrise disciplinaire, il ne peut y avoir croisement entre lesdisciplines ». ◆(1)Le petit œuvre poétique, Éditions José Corti.En haut, <strong>de</strong> gauche à droite : Clau<strong>de</strong> Parent, 2009 :Basculement facilitant la transversalité ;Nevers, dynamique transversale ;Manifestation <strong>de</strong> l'artiste italien La Pietra sur une plage à Venise.Déséquilibre, expression transversale ;Transversalité oblique évi<strong>de</strong>nte ;Transversalité besogneuse ;22 |Ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus : Géographies intérieures, texte <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong> Louis-Combet, gravure au burin <strong>de</strong>Louis-René Berge, Ed. Berzelius-Paris, 2003. Photo CmPezon| 23


DossierNotes sur la transversalitéPar Jean Cortot, membre <strong>de</strong> la section <strong>de</strong> PeintureLe terme <strong>de</strong> transversalité peut, il me semble, êtreentendu et compris <strong>de</strong> plusieurs manières. Il s’agitclairement d’un transport d’idées ou <strong>de</strong> choses quitraversent latéralement un système quelconque mental ouphysique.Voici donc ma réponse à la question posée.Mon travail <strong>de</strong> peintre <strong>de</strong>puis <strong>de</strong> nombreuses années estconstitué – j’emploie à <strong><strong>de</strong>s</strong>sein comme à <strong><strong>de</strong>s</strong>sin ce verbe –car il s’agit bien <strong>de</strong> la constitution physique,picturale du tableau qui est l’objet du transportd’un texte dans une peinture.Pourquoi ? On est bien légitimement en droit<strong>de</strong> me questionner là-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus ! Je me le suis<strong>de</strong>mandé à moi-même et maintenant je me suishabitué à ne plus trop m’interroger à ce sujet.Parce que je me suis aperçu que le besoin<strong>de</strong> peindre, l’appel <strong>de</strong> « créer » suscitait dèsl’instant du commencement obscur la recherchenécessaire d’une énergie d’invention ailleurs qu’en soi,ainsi j’ai découvert peu à peu et aussi abruptement dans mavie que les idées rencontrées dans les textes me donnaientplus que d’autres approches le goût, l’envie, la volonté <strong>de</strong>répondre à ce besoin, <strong>de</strong> « faire quelque chose à mon tour »,c’est-à-dire peindre.Est-ce qu’on peint <strong><strong>de</strong>s</strong> idées ? Est-ce qu’on peint <strong><strong>de</strong>s</strong>couleurs, <strong><strong>de</strong>s</strong> formes, <strong><strong>de</strong>s</strong> sentiments, <strong><strong>de</strong>s</strong> choses, <strong><strong>de</strong>s</strong> êtres ?Des réalités, <strong><strong>de</strong>s</strong> abstractions ?On peint les idées qu’on se fait <strong><strong>de</strong>s</strong> choses, <strong><strong>de</strong>s</strong> êtres, <strong><strong>de</strong>s</strong>sentiments, <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux.Est-ce que cela veut dire que les créateurs sont <strong><strong>de</strong>s</strong>recréateurs ? « L’artiste » est un inutile indispensable pourlui, d’abord, pour les autres possiblement ensuite. Cela adéjà été dit évasivement ou clairement.Mais en matière <strong>de</strong> transversalité, il est une évi<strong>de</strong>ncepersonnelle que je me sens tenu d’affirmer – puisque jesuis sollicité <strong>de</strong> dire ce que je pense à cet égard –, c'est quele besoin <strong>de</strong> trouver quelque part un surcroît d‘énergie estdans mon cas fondamental et je reconnais le trouver dansles textes, particulièrement <strong>de</strong> la langue poétique et <strong>de</strong> lalangue philosophique parce que, sans doute, l’éclat du motou <strong>de</strong> la pensée prend dans ces <strong>de</strong>ux disciplines <strong>de</strong> l’espritles formes qui m’ont toujours parues les plus fortes, les plusévi<strong>de</strong>ntes, les plus neuves, les plus nécessaires au bonheuret à l’intelligence <strong>de</strong> la vie.On peint les“ idées qu’on sefait <strong><strong>de</strong>s</strong> choses,<strong><strong>de</strong>s</strong> êtres,<strong><strong>de</strong>s</strong> sentiments,<strong><strong>de</strong>s</strong> lieux.”exaltent l’esprit est un acte prédateur sans doute, mais quiengendre l’état d’adéquation intime qui permet dans uneautre discipline, celle <strong>de</strong> la main du peintre peignant, d’accomplirà son tour une œuvre différente par le propos et lesmoyens, et qui, loin <strong>de</strong> toute duplication directe, consonneavec l’émotion <strong>de</strong> la rencontre.« L’homme <strong>de</strong> génie est celui qui m’en donne » a ditl’auteur <strong>de</strong> La soirée avec Monsieur Teste.Evi<strong>de</strong>mment je ne parle ici qu’expérimentalement,n’en faisant pas un système généralni a fortiori une loi psychologique.C’est une constatation personnelle.C’est ainsi que <strong>de</strong>puis <strong>de</strong> nombreuses annéesj’ai vécu avec les auteurs <strong>de</strong> mon choix dans uncommerce avec leurs œuvres, qui m’a donné lesentiment du bonheur <strong>de</strong> leur présence dansmon travail.Ainsi donc, André Frénaud, Jean Tardieu, Guillevic,Raymond Queneau, Barbey d’Aurevilly, René Char, Pessoa,T.S.Eliott, Ezra Pound, Piran<strong>de</strong>llo, Paul Morand, Léon-PaulFargue, Valéry Larbaud, Cervantès, Machiavel, Louise Labé,William Blake, Giono, Paul Valéry, Dante et d’autres <strong>de</strong>puis<strong><strong>de</strong>s</strong> années m’ont tenu compagnie et la main.Voilà pourquoi je dois reconnaître que la transversalité <strong><strong>de</strong>s</strong>arts est un grand privilège <strong>de</strong> l’esprit. ◆Retrouvez le texte <strong>de</strong> Jean Cortot sur Canal Académie,la radio sur internet <strong><strong>de</strong>s</strong> cinq académies <strong>de</strong> <strong>l'Institut</strong> <strong>de</strong><strong>France</strong> : www.canalaca<strong>de</strong>mie.comDans les jeux où je suis engagé – tenter <strong>de</strong> réfléchir sur24 |la transversalité <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Arts</strong> –, l’obligation <strong>de</strong> suivre la règle du« Je » est difficilement contournable.| 25Donc, j’avance que la recherche d’un surcroît d’énergie A gauche : Jean Cortot, Eloge <strong>de</strong> Blaise Cendrars, 1999.dans les textes <strong>de</strong> poètes, <strong>de</strong> philosophes, d’écrivains qui Ci-contre : Blaise Cendrars. Photo Frédéric Louis Sauser


DossierTraverserla peinture26 |Par Béatrice Casa<strong><strong>de</strong>s</strong>us, peintre, sculpteurTransversal, du latin transversus, signifie « qui tourneen travers dans un espace donné » et, au sens figuré,« qui coupe à travers plusieurs disciplines ». Cettedéfinition correspond à mon travail.Entrée à l'Ecole <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> pour <strong>de</strong>venir peintre, j'aibifurqué vers la sculpture. Poussée par mon professeur H-GAdam, j’ai collaboré avec <strong><strong>de</strong>s</strong> architectes : Antoine Stinco,Antoine Grumbach, Christian <strong>de</strong> Portzamparc, PhilippeRobert, Alain Sarfati, Gérard Thurnauer... Un <strong>de</strong>uxièmesecond Prix <strong>de</strong> Rome <strong>de</strong> Sculpture en 1964, quelques boursesdont celle <strong>de</strong> la Fondation <strong>de</strong> la Vocation, m'ont permis<strong>de</strong> poursuivre mon travail d'artiste parallèlement à l'enseignementque j'ai prodigué aux architectes.A la fin <strong><strong>de</strong>s</strong> années 1960, il n'était plus possible pour moi<strong>de</strong> continuer la sculpture inscrite dans une tradition <strong>de</strong> laforme et du volume. J'avais besoin d'un temps <strong>de</strong> repli, <strong>de</strong>réflexion. Les œuvres <strong>de</strong> Vinci, <strong>de</strong> Malevitch, <strong>de</strong> Seuratsurtout, m'ont amenée à un travail sur le point, la trame,le grain, la vibration. La question <strong>de</strong> Kandinsky, « un pointsuffit-il à faire une œuvre ? » a surgi. L'ombre naît <strong>de</strong> l'accumulation<strong>de</strong> points et la lumière <strong>de</strong> leur dispersion.Après l’exposition d’une première œuvre exprimant leprocessus d’apparition/disparition en 1969 à la Biennaleinternationale <strong>de</strong> Paris, intitulée Lieu échappatoire, je mesuis donc intéressée au point qui permet <strong>de</strong> passer du vagueau précis, du près au loin… comme dans Le sourire <strong>de</strong> Nadja(1978), hommage à Breton, où l’image évanouie resurgitgrâce aux points en relief dans le ciment <strong><strong>de</strong>s</strong> 450m² <strong>de</strong> lafaça<strong>de</strong> du Théâtre <strong>de</strong> la Rose <strong><strong>de</strong>s</strong> Vents à Villeneuve d'Ascq.Le point comme base <strong>de</strong> la trame sur laquelle se construitle visible apparaît dans d’autres réalisations publiques tellesque Masque noir à Lomé au Togo (1978), Image Travelling<strong>de</strong> Mona Lisa à Trith Saint-Léger (1983), Tramorelief rue duBeauregard à Paris (1984) ou Point <strong>de</strong> mire du Cinéma pourl'espace <strong><strong>de</strong>s</strong> Quatre Temps à la Défense (réalisé en 1981,restauré en 2007). Dans toutes ces réalisations, le regard enmarche du spectateur accentue le mouvement d'apparition<strong>de</strong> l'image. Au contraire, dans Le grand livre <strong><strong>de</strong>s</strong> pas <strong>de</strong>l'Ecole <strong>de</strong> Danse <strong>de</strong> l'Opéra <strong>de</strong> Christian <strong>de</strong> Portzamparc, jeme sépare <strong>de</strong> l'image pour me concentrer sur l'évanescence :le visiteur qui emprunte les quatre niveaux <strong>de</strong> l'escalier principaldécouvre la suite rythmique <strong><strong>de</strong>s</strong> panneaux <strong>de</strong> sycomoreperforé, référence aux plans chorégraphiques en usage auXVII e siècle.Parallèlement à ces travaux réalisés pour l'architecture, j'aidéveloppé un travail <strong>de</strong> peinture, petits et grands formats,exposé à New York, Hong Kong, Barcelone, Paris ainsi queEn haut : Béatrice Casa<strong><strong>de</strong>s</strong>sus, Le Fond <strong><strong>de</strong>s</strong> Choses, 1995.dans divers lieux <strong>de</strong> <strong>France</strong>, musées, galeries et centres d’art.En 2009, onze pièces sont entrées dans les collections duM.N.A.M. Trois sont actuellement présentées dans l'accrochageElles du Centre Pompidou. Mes grands rouleaux <strong>de</strong>peinture dressés dans l'espace sont inspirés par l’esthétiquechinoise et évoquent l’idée <strong>de</strong> peinture sans fin tandis queLes mues me permettent <strong>de</strong> passer du tableau à l'espace. Cespeintures sur intissé, plutôt teintes que peintes, conservent,telles <strong><strong>de</strong>s</strong> membranes, leur translucidité. Jetées au sol, ellesconstituent un amas <strong>de</strong> peinture, mo<strong>de</strong>lé en fonction <strong>de</strong>l'espace. La peinture est pour moi espace et transparenceet si elle retourne parfois au tableau, c'est pour explorerles moyens matériels propices à la capture <strong>de</strong> l'insaisissablemouvement <strong>de</strong> vibration <strong>de</strong> la lumière.Monet ne s'intéressait pas au sexe <strong><strong>de</strong>s</strong> nénuphars, mais aumoyen <strong>de</strong> représenter la lumière par la peinture. Matisseregardant les peintures <strong>de</strong> Giotto à Padoue ne se souciaitpas <strong>de</strong> savoir quelle scène <strong>de</strong> la vie du Christ il avait <strong>de</strong>vantles yeux. Il y puisait les rapports plastiques propres à nourrirson œuvre.Les points d'or ont surgi dans mon travail après l'observation<strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres du Quattrocento, le temps passé dans lestemples d'Asie, les églises byzantines, ou celles plus baroquesd'Europe <strong>de</strong> l'est... Ils vibrent en moi comme les notesd'une partition <strong>de</strong> Bach pour clavecin tempéré. Ils ont aussiinvesti mes livres réalisés avec <strong><strong>de</strong>s</strong> poètes comme MauriceBenhamou, Michel Deguy, Christian Doumet, GilbertLascault, Jean-Dominique Rey, Jean-Louis Schefer, EstherTellerman, Céline Zins...« J'ai emprisonné la violence la plus absolue dans chaquecm² <strong>de</strong> ma peinture ». Cette phrase <strong>de</strong> Rothko correspond àma quête d’une peinture sereine qui, grâce aux chemins <strong>de</strong>traverse empruntés, ferait violence à la violence.La transversalité concerne pour moi la liberté dans l'inventivité,une façon <strong>de</strong> métamorphoser l'horreur en art. ◆Je peux dire que la création m’asauvé la vie. Je fais partie <strong>de</strong> cesartistes pour lesquels l’art estune nécessité intérieure. Mon lienavec le mon<strong>de</strong> et avec les autres s’estexprimé à travers l’art. Commentrejoindre l’histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> autres danscette quête qui se fait dans le silence<strong>de</strong> l’atelier ? J’ai conçu, par exemple,une œuvre dans l’espace <strong>de</strong> culte <strong>de</strong>l’aéroport <strong>de</strong> Roissy. Dans ce territoireparticulier, les trois religions duLivre se côtoient. L’espace religieuxest partagé entre un prêtre, un pasteur,un rabbin, un imam. J’ai croiséleurs chemins, leurs langages en laissantmon propre mon<strong>de</strong> s’exprimerdans son essence et dans sa forme.J’appelle ces émotions <strong><strong>de</strong>s</strong> « émotionsmiroirs ». Dans ce lieu humble, j’aiconçu un triptyque, miroir <strong><strong>de</strong>s</strong> troisreligions du Livre, symbole du lienentre les Hommes, du respect <strong>de</strong>leurs différences, une image <strong>de</strong> paix,comme un pont entre <strong><strong>de</strong>s</strong> histoires,<strong><strong>de</strong>s</strong> pensées, qui se rejoignent dansune présence universelle, mystérieuseet sacrée. Je fais apparaître lasensation d’une image, d’un mon<strong>de</strong>indicible et ineffable qui dit autrechose et restitue ce qui échappeau sens lui-même. L’œuvre incarnel’éternité ou l’éphémère et les motssont leur propre miroir. Quand ontouche une part essentielle <strong>de</strong> l’être,il est impossible que cela ne touchepas l’humanité toute entièreJe me suis emparée, pour créer, <strong>de</strong> différentes matières,(légen<strong>de</strong> à venir)soie, papiers, pigments, parfums, mots. Cela m’a permis,chaque fois, d’atteindre une nouvelle évi<strong>de</strong>nce, d’ouvrir unnouveau champ au réel et à l’imaginaire. La création se vità chaque respiration, à chaque geste <strong>de</strong> matière. Créer mepermet d’explorer <strong><strong>de</strong>s</strong> mon<strong><strong>de</strong>s</strong> sans lesquels je ne peux pasvivre. Je <strong><strong>de</strong>s</strong>sine avec <strong><strong>de</strong>s</strong> crayons, <strong><strong>de</strong>s</strong> pastels, bien sûr, maisaussi en sculptant <strong><strong>de</strong>s</strong> papiers, en imaginant <strong><strong>de</strong>s</strong> parfumsavec <strong><strong>de</strong>s</strong> parfumeurs, en modifiant l’espace lui-même, encréant <strong><strong>de</strong>s</strong> architectures à l’image d’un « cerveau sensible ».C’est en touchant la matière que je parviens à savoir ceque je pense, ce que je ressens. Créer n’est pas d’ordreintellectuel, même si cela le <strong>de</strong>vient. C’est l’émotion quirévèle le sens qui se fait et se défait. Comme une penséedu sensible.En haut : Claudine Drai, sans titre, 2004, papier <strong>de</strong> soie sur papierPhoto: François Parrot, courtesy galerie Jérôme <strong>de</strong> Noirmont, ParisLe silence est aussiune pensée ParIl existe <strong><strong>de</strong>s</strong>“ émotions silencieusesqui ont besoin, pourtraverser, <strong>de</strong> trouverla matière qui leurressemble.”Claudine Drai, sculpteurLes matières travailléesm’ont permis d’i<strong>de</strong>ntifier<strong><strong>de</strong>s</strong> mon<strong><strong>de</strong>s</strong>, visibles etinvisibles : l’abîme, la texturedu temps, <strong>de</strong> l’espace,proche ou lointain. C’estainsi que j’ai utilisé le parfum,cette matière volatile,vouée à disparaître qui s’échappe dès lors qu’elle apparaît.A l’image d’une métaphore <strong>de</strong> l’invisible.Tout un mon<strong>de</strong> estcontenu dans cette absence/présence éphémère.Chaquematière a en effet ses limites. Là on peut aller au-<strong>de</strong>là ducrayon, du papier, <strong><strong>de</strong>s</strong> murs… La matière parfum traverseles lieux, les êtres ; l’imaginaire se prolonge toujours mêmesi la réalité l’interrompt. Lors <strong>de</strong> l’exposition <strong>de</strong> 2005 àla galerie Jérôme <strong>de</strong> Noirmont, j’ai re<strong><strong>de</strong>s</strong>siné l’espace enplusieurs sas où sculptures, parfums, mots, l’espace-même,inventaient <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux intérieurs, un être « rassemblé ».Pour les parois <strong>de</strong> ce labyrinthe, j’ai utilisé une matièrequi retienne le parfum, comme une peau autour <strong>de</strong> l’air.L’espace, <strong>de</strong>venu un cerveau sensible, permettait d’entrer ensoi, <strong>de</strong> se promener à l’intérieur <strong>de</strong> soi. Cela touche l’âme :« Le silence est aussi une pensée ». ◆| 27


ExpositionExposition(légen<strong><strong>de</strong>s</strong> à venir)A gauche : Ernst Ludwig Kirchner,Moulin à vent à Fehmarn, 1913Ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sous : Wilhelm Morgner,Autoportrait numéro 8, 1912© Von <strong>de</strong>r Heydt-Museum Wuppertal“ anima ”L’Académie <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> présenteL’Académie <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> présentependant trois semaines, à partir du 29octobre, le travail <strong>de</strong> Jean-FrançoisSpricigo, lauréat <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième éditiondu Prix <strong>de</strong> Photographie créé en 2007.anima, mot latin désignant l’âme ou le souffle <strong>de</strong> vie,est une série d’une cinquantaine <strong>de</strong> photographies ennoir et blanc, consacrée aux animaux et réalisée <strong>de</strong>novembre 2008 à juin 2009. Fruit d’une année <strong>de</strong> rechercheset <strong>de</strong> promena<strong><strong>de</strong>s</strong> nocturnes, anima offre un regard particuliersur la perception <strong>de</strong> ces animaux qui nous entourent au quotidien,mais dont nous avons peut-être perdu la sensation. Aucunanthropomorphisme dans ce « bestiaire photographique »cependant, mais pour Jean-François Spricigo plutôt un vif désir<strong>de</strong> raconter une histoire, celle <strong>de</strong> ses rencontres avec la natureet les animaux. En prenant le temps <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r, <strong>de</strong> s’arrêterpour voir <strong>de</strong> plus près leur univers, Jean-François Spricigodécouvre le mon<strong>de</strong> du silence qui aiguise son esthétique photographique: celle qui consisterait à « photographier aussi avecses oreilles » pour dépasser le simple constat et aller au mystère<strong>de</strong> chaque être. Jean-François Spricigo est né en 1979 à Tournai(Belgique). Il vit et travaille entre la <strong>France</strong> et la Belgique.Du 28 octobre au 21 novembre 2009Académie <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong>23, quai <strong>de</strong> Conti – Paris VI eM U S É E MARMOTTAN- M O N E TFauves et Expressionnistes allemandsDe Van Dongen à Otto Dix, chefs-d’œuvre du musée Von <strong>de</strong>r HeydtLe Musée Marmottan Monet présente cinquante œuvres d’artistes expressionnisteset fauves, issues <strong><strong>de</strong>s</strong> collections du musée Von <strong>de</strong>r Heydt <strong>de</strong>Wuppertal. Cette exposition est réalisée dans le cadre d’un échange entrele musée Marmottan Monet et le musée Von <strong>de</strong>r Heydt qui présentera uneexposition consacrée à Clau<strong>de</strong> Monet d'octobre 2009 à janvier 2010.Atravers ces chefs-d’œuvre, l’exposition offre un panorama <strong>de</strong> l’évolution <strong>de</strong> l’art mo<strong>de</strong>rne,<strong>de</strong> l’expressionnisme à la Nouvelle Objectivité. Elle met l’accent sur les <strong>de</strong>ux principauxmouvements qui marquèrent l’avènement <strong>de</strong> l’art mo<strong>de</strong>rne en Allemagne avant la PremièreGuerre mondiale : les expressionnistes du groupe Die Brücke fondé à Dres<strong>de</strong> en 1905 – Kirchner,Heckel, Schmidt-Rottluff... – et ceux <strong>de</strong> la NKVM, Nouvelle Association <strong><strong>de</strong>s</strong> artistes <strong>de</strong> Munich,mouvement qui donnera naissance en 1911 au Blaue Reiter – Kandinsky, Jawlensky, Marc, Mackeet Münter. Ainsi, la sélection s’étend <strong>de</strong> Munch, Nol<strong>de</strong>, <strong><strong>de</strong>s</strong> Fauves français Dufy, Braque, Vlamincket van Dongen, <strong><strong>de</strong>s</strong> artistes du Brücke et du Blaue Reiter, aux représentants <strong>de</strong> l’expressionnismeautrichien comme Kokoschka et Oppenheimer, et jusqu’aux principaux protagonistes <strong>de</strong> la NouvelleObjectivité, Beckmann, Otto Dix et George Grosz. Cette confrontation entre les différents courantsrévèle <strong><strong>de</strong>s</strong> parallèles, mais aussi <strong><strong>de</strong>s</strong> différences dans les conceptions <strong><strong>de</strong>s</strong> expressionnistes allemandset <strong><strong>de</strong>s</strong> Fauves français. L’exposition tient compte également <strong><strong>de</strong>s</strong> précurseurs <strong>de</strong> l’expressionnismeet <strong>de</strong> ses gran<strong><strong>de</strong>s</strong> figures indépendantes. En invitant l'expressionnisme dans le haut lieu <strong>de</strong> l'impressionnisme,le musée Marmottan Monet poursuit sa démarche innovante.28 |En haut : Franz Marc, Renard d'un bleu noir, 1911Ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus : Ernst Ludwig Kirchner,Femmes dans la rue, 1914© Von <strong>de</strong>r Heydt-Museum WuppertalDu 28 octobre 2009 au 20 février 2010Musée Marmottan Monet2, rue Louis-Boilly - Paris XVI e| 29Photos : JeanFrançois Spricigo, 2008-2009


ExpositionLa Biennale <strong>de</strong> Sculpture<strong>de</strong> YerresPar Lydia Harambourg, correspondant <strong>de</strong> l’Académie <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong>,commissaire <strong>de</strong> la Biennale <strong>de</strong> Sculpture <strong>de</strong> YerresLa création en 2007 <strong>de</strong> la Biennale <strong>de</strong> Sculpture dans la Propriété Caillebotteà Yerres misait sur l’avenir d’une manifestation pérenne pour une lisibilitérenouvelée <strong>de</strong> la sculpture. Et c’est en effet le cas, puisqu’en 2009 la <strong>de</strong>uxièmeédition est bien au ren<strong>de</strong>z-vous.Avec 73 sculpteurs invités, parmi lesquels figurent lesmembres <strong>de</strong> l’Académie <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong>, représentantcet art majeur, la Biennale confirme la vitalité d’unlangage immémorial tout en réaffirmant le lien indéfectiblequi unit les membres <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> famille <strong>de</strong> la sculpture par<strong><strong>de</strong>s</strong> rencontres fécon<strong><strong>de</strong>s</strong> garantes <strong>de</strong> sa vérité ontologique.« Pourquoi la sculpture est-elle ennuyeuse ? » interrogeaitBau<strong>de</strong>laire. La réponse infirme l’interrogation rendue caduquepar la diversité <strong><strong>de</strong>s</strong> expressions. Celle <strong><strong>de</strong>s</strong> matériaux et<strong><strong>de</strong>s</strong> formes pour une sculpture revendiquant sa consistancematérielle au service <strong>de</strong> l’énergie <strong>de</strong> la forme qui brûle <strong>de</strong>toute son énergie radieuse et donne vie à une vision, vraie.Ce champ d’expériences mis au jour et offert à la plus richecomme à la plus foisonnante moisson laissait présager <strong>de</strong>l’importance d’un événement grâce auquel les sculpteurs etleurs œuvres permettraient <strong>de</strong> rétablir un dialogue privilégiéavec le public.Dans l’héritage d’un métier régénéré par <strong><strong>de</strong>s</strong> conquêtes,consécutives aux nouvelles techniques, la sculpture continued’inventorier ses arcanes les plus diversifiés dansune filiation ininterrompue, du classicisme àl’abstraction, garante <strong>de</strong> l’inaliénabilité <strong>de</strong> l’espritau service du geste et du matériau. Dégrossir lemarbre, tailler la pierre, le bois, mo<strong>de</strong>ler laterre, la cire, découper, marteler ciseler le métal,sou<strong>de</strong>r l’acier, l’inox, forger le fer, fondre, maisaussi mouler les résines et les polyesters, sontautant d’actions qui n’excluent ni les ruptures- qu’en apparence avec le passé -, ni lesinterrogations suscitées par <strong>de</strong> nouveauxmatériaux. Sa création est sans limitescomme le sont nos désirs et nos peurs. Ilen résulte un éclectisme, caractéristique<strong>de</strong> notre époque pour une invention qui ararement été aussi libre. C’est qu’au-<strong>de</strong>làdu problème <strong>de</strong> la représentativité et <strong>de</strong> lalibération du sujet, s’impose la prégnanced’une forme et d’une émotion prioritaire,faisant <strong>de</strong> la sculpture l’ancrage insigned’une action poétique.Enfin, faut-il réaffirmer que la sculptureest l’art <strong>de</strong> tous, parce qu’il est le plussocial ? La Biennale <strong>de</strong> Sculpture <strong>de</strong> Yerresréaffirme la permanence <strong>de</strong> la sculpture et sanécessaire présence au sein <strong>de</strong> la cité. ◆Jusqu’au 29 novembre • Propriété Caillebotte.Yerres (Essonne)Membres <strong>de</strong> l’Académie<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> participantà la Biennale :Clau<strong>de</strong> Abeille, Jean Cardot,Eugène Do<strong>de</strong>igne, William Chattaway,Pierre-Edouard, Gérard Lanvin,Antoine Poncet, Brigitte Terziev,Yves Millecamps, Vladimir Velickovic,Pierre-Yves Trémois.Et les correspondants :Gualtiero Busato, Caroline Lee,Robert Rigot.Antoine Poncet à la Fondation <strong>de</strong> CoubertinL’exposition d’Antoine Poncet à la Fondation <strong>de</strong> CoubertinPage <strong>de</strong> gauche : Antoine Poncet, Jamais à jamais, 1987, bronze patiné.met ses sculptures en résonances poétiques avec Jean Arp etAu centre : Jean Cardot, L’envol, 1961, bronze cire perdue, fonte Coubertin.Philippe Jaccottet. Un dialogue entre <strong><strong>de</strong>s</strong> formes aux courbesEn haut, à gauche : Brigitte Terziev, Dans la forêt, 2008, grès et fer.voluptueuses libérées avec audace du marbre ou du bronze etA droite, <strong>de</strong> haut en bas :les mots <strong><strong>de</strong>s</strong> poèmes d’Arp et <strong>de</strong> Jaccottet, en écho aux rêves <strong>de</strong>Clau<strong>de</strong> Abeille, La Coquette, 2009, plâtre.pierre d’Antoine Poncet pour une poétique <strong>de</strong> l’espace.Pierre-Edouard, N° 27 Petit torse Eve penchée sur socle,30 |Jusqu’au 8 novembre • Fondation <strong>de</strong> Coubertin.2006, bronze.Trémois, Un + un = 1, 1995, bronze patiné| 31Saint-Rémy-lès-Chevreuse (Yvelines)Ci-contre : Gérard Lanvin, Le grand Samouraï,1980-2009, plâtre original.


C a l e n d r i e r d e s A c a d é m i c i e n sClau<strong>de</strong> AbeilleExposition <strong>de</strong> groupe à la GalerieGendarmenmarkt, à Berlin,jusqu'au 27 septembre.Invité d'honneur du Salon <strong>de</strong>Garches, à la mairie <strong>de</strong> Garches,du 14 au 29 novembre.Participe au Groupe <strong><strong>de</strong>s</strong> 109, à laCité <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Arts</strong>, Paris,du 23 novembre au 13 décembre.Charles ChaynesMembre du jury du Concours<strong>de</strong> composition Prince Pierre <strong>de</strong>Monaco, du 10 au 13 octobre.Création <strong>de</strong> la Suite poursaxophone et piano,Marc Sieffert, saxophone etChristine Marchais, piano,à la Salle Cortot, à Paris,le 5 novembreFrançois-Bernard MâcheKorwar, pour clavecin mo<strong>de</strong>rneet sons enregistrés, par ElisabethChojnacka, à Varsovie,le 23 septembre.L'œuvre électroacoustique Terre<strong>de</strong> Feu diffusée en concert auConservatoire Henri Dutilleux <strong>de</strong>Clamart, le 28 novembre.Le quatuor à cor<strong><strong>de</strong>s</strong> Éridan par lequatuor Satie, à Clermont-Ferrand,le 8 décembre.Les pièces Kubatum etDumuzi, pour voix <strong>de</strong> femme etéchantillonneur, du recueil intituléKengir, 5 chants d'amour sumériens,en concert à Athènes,le 10 décembre.Antoine PoncetExposition « Résonnancespoétiques », à la Fondation <strong>de</strong>Coubertin (78), jusqu'au 8 novembre.Zao Wou-KiPrésentera une sélection d'œuvressur papier (aquarelles et encres<strong>de</strong> Chine) <strong>de</strong> 1954 à 2006, dans lecadre d'Europalia China, festivalinternational <strong><strong>de</strong>s</strong> arts en Belgique,à la Fondation Folon, du 11 octobreau 17 janvier.Parution d'une importantemonographie avec 300 reproductionset une étu<strong>de</strong> inédite <strong>de</strong> Dominique<strong>de</strong> Villepin, aux Ed. Flammarion.Ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sous et page 1 : Léonard <strong>de</strong> Vinci,reproductions extraites <strong><strong>de</strong>s</strong> carnets conservésà la Bibliothèque <strong>de</strong> <strong>l'Institut</strong> <strong>de</strong> <strong>France</strong>.De haut en bas :Etu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> proportions <strong>de</strong> la tête d'un chien,manuscrit I, 1497-1498.Etu<strong>de</strong> d'un cavalier pour la bataille d'Anghiari,manuscrit K, vers 1503-1505.Photos CmPezonL'ACADÉMIEDES BEAUX-ARTSSecrétaire perpétuel : Arnaud D’HAUTERIVESB U R E A U 2 0 0 9Prési<strong>de</strong>nt : Antoine PONCETVice-Prési<strong>de</strong>nt : Roger TAILLIBERTS E C T I O N I - P E I N T U R EGeorges MATHIEU • 1975Arnaud d’HAUTERIVES • 1984Pierre CARRON • 1990Guy <strong>de</strong> ROUGEMONT • 1997Chu TEH-CHUN • 1997Yves MILLECAMPS • 2001Jean CORTOT • 2001Zao WOU-KI • 2002Vladimir VELICKOVIC • 2005S E C T I O N I I - S C U L P T U R EJean CARDOT • 1983Gérard LANVIN • 1990Clau<strong>de</strong> ABEILLE • 1992Antoine PONCET • 1993Eugène DODEIGNE • 1999Brigitte TERZIEV • 2007PIERRE-EDOUARD • 2008S E C T I O N I I I - A R C H I T E C T U R ERoger TAILLIBERT • 1983Paul ANDREU • 1996Michel FOLLIASSON • 1998Yves BOIRET • 2002Clau<strong>de</strong> PARENT • 2005Jacques ROUGERIE • 2008Aymeric ZUBLENA • 2008S E C T I O N I V - G R A V U R EPierre-Yves TRÉMOIS • 1978René QUILLIVIC • 1994Louis-René BERGE • 2005Erik DESMAZIÈRES • 2008S E C T I O N V - C O M P O S I T I O N M U S I C A L EJean PRODROMIDÈS • 1990Laurent PETITGIRARD • 2000Jacques TADDEI • 2001François-Bernard MÂCHE • 2002Edith CANAT DE CHIZY • 2005Charles CHAYNES • 2005Michaël LEVINAS • 2009S E C T I O N V I - M E M B R E S L I B R E SMichel DAVID-WEILL • 1982Pierre CARDIN • 1992Henri LOYRETTE • 1997François-Bernard MICHEL • 2000Hugues R. GALL • 2002Marc LADREIT DE LACHARRIÈRE • 2005William CHRISTIE • 2008S E C T I O N V I IC R É A T I O N S A R T I S T I Q U E S D A N SL E C I N É M A E T L’ A U D I O V I S U E LPierre SCHŒNDŒRFFER • 1988Roman POLANSKI • 1998Jeanne MOREAU • 2000Régis WARGNIER • 2007Jean-Jacques ANNAUD • 2007S E C T I O N V I I - P H O T O G R A P H I ELucien CLERGUE • 2006Yann ARTHUS-BERTRAND • 2006A S S O C I É S É T R A N G E R SS.M.I. Farah PAHLAVI • 1974Ieoh Ming PEI • 1983Philippe ROBERTS-JONES • 1986Ilias LALAOUNIS • 1990Andrzej WAJDA • 1994Antoni TAPIÉS • 1994Leonardo CREMONINI • 2001Leonard GIANADDA • 2001Seiji OZAWA • 2001William CHATTAWAY • 2004Seiichiro UJIIE • 2004Woody ALLEN • 2004SA Karim AGA KHAN IV • 2007SA Sheikha MOZAH • 2007Sir Norman FOSTER • 200732 |L'Académie <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> est l'une <strong><strong>de</strong>s</strong> cinqacadémies qui constituent <strong>l'Institut</strong> <strong>de</strong> <strong>France</strong> :l'Académie française, l'Académie <strong><strong>de</strong>s</strong> Inscriptions et Belles-Lettres,l'Académie <strong><strong>de</strong>s</strong> Sciences, l'Académie <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong>,l'Académie <strong><strong>de</strong>s</strong> Sciences Morales et Politiques.

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