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Chaos sans K.O. : le défi de la relation dite thérapeutique

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Journée pédopsychiatrique régiona<strong>le</strong>Pavillon Ro<strong>la</strong>nd-SaucierCentre Hospitalier <strong>de</strong> <strong>la</strong> SagamieCONFÉRENCECHAOS SANS K.O. : LE DÉFI DE LA RELATION DITE THÉRAPEUTIQUEPrésentée par :Réal Lajoie, m.d.Psychiatre, psychanalysteMé<strong>de</strong>cin-conseil en santé publiqueRRSSS-02Octobre 2001


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiqueC’est avec enthousiasme que j’ai, juste avant Noël l’an <strong>de</strong>rnier, accepté l’invitation<strong>de</strong> m’adresser à vous aujourd’hui.Depuis plus <strong>de</strong> 20 ans, <strong>le</strong>s 800 intervenants avec qui j’ai eu plus <strong>de</strong> 3 500 sessions<strong>de</strong> groupe afin <strong>de</strong> <strong>le</strong>s supporter dans <strong>le</strong>urs interventions – j’en reconnais plusieursparmi vous – m’ont appris à comprendre différemment <strong>le</strong>s problèmes <strong>de</strong>s jeunes et<strong>de</strong>s moins jeunes ainsi que <strong>le</strong>s difficultés <strong>de</strong>s intervenants. J’en ai témoigné àquelques reprises à l’extérieur <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong>puis quelques années et aujourd’huiest une excel<strong>le</strong>nte opportunité d’en témoigner chez nous.Comme être humain, nous avons tous un besoin fondamental d'être aimé. Laréponse à ce besoin est essentiel<strong>le</strong> au développement moteur, intel<strong>le</strong>ctuel etpsychosocial <strong>de</strong> l'enfant. Ce<strong>la</strong> implique <strong>le</strong> développement <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>confiance. Cette re<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> confiance est tributaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité, <strong>la</strong> stabilité et <strong>la</strong>continuité <strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions que nous avons eues avec ceux qui se sont occupés <strong>de</strong>nous. Cette re<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> confiance, même si el<strong>le</strong> est très marquée par ce qui se passedans <strong>le</strong>s premières années <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie, el<strong>le</strong> continue d'évoluer toute notre vie.Dit autrement, que l'on soit intervenant, jeune ou adulte en difficulté ou non, êtrehumain en général, nous avons tous un même cheminement qui est à <strong>la</strong> foisuniversel (<strong>sans</strong> <strong>le</strong>quel il n'y a pas <strong>de</strong> survie possib<strong>le</strong>) et à <strong>la</strong> fois unique (il n'y en apas un <strong>de</strong> pareil), ce cheminement, c'est celui <strong>de</strong> nos histoires d'amour. Nos vies àtous sont faites d'une succession d'histoires d'amour. En fait, chacune <strong>de</strong> nosre<strong>la</strong>tions est une histoire d'amour et est marquée par notre capacité à juger à qui etjusqu'à quel point nous pouvons faire confiance.Régie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 2


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiqueNous savons que prises dans ce sens, <strong>le</strong>s histoires d'amour varient à l'infini.Certaines sont très longues, d'autres très courtes peuvent nous marquer pour <strong>la</strong> vie,ou sont <strong>sans</strong> conséquence. Certaines nous enrichissent, d'autres nous emprisonnent.Certaines histoires touchent <strong>le</strong>s <strong>de</strong>ux personnes impliquées <strong>de</strong> façon parfois trèsinéga<strong>le</strong> : ex.: on connaît l'histoire <strong>de</strong> l'élève très marqué par un professeur qui ne serappel<strong>le</strong> pas <strong>de</strong> l'avoir eu comme élève. Certaines histoires d'amour sont évi<strong>de</strong>ntes,d'autres passent inaperçues, certaines sont publiques, d'autres secrètes, etc.Nous savons que <strong>le</strong>s premières histoires d'amour sont particulièrementdéterminantes. Plus l'enfant est jeune et vulnérab<strong>le</strong>, plus ses besoins sont grands,plus <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion doit être nourrissante, stab<strong>le</strong> et fiab<strong>le</strong>.Nous savons, même si souvent nous l'oublions, qu'aucune histoire d'amour n'estéternel<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> commence, se vit et inévitab<strong>le</strong>ment se termine. On ne peut donc paspar<strong>le</strong>r d'histoire d'amour, <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tion, <strong>sans</strong> par<strong>le</strong>r <strong>de</strong> séparation temporaire(interruption) ou permanente (terminaison ou rupture). La terminaison volontaireou non implique toujours un processus <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil. Le processus <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil, nel'oublions pas, est un processus <strong>de</strong> vie. Ce terme est utilisé ici au sens <strong>la</strong>rge <strong>de</strong>réaction à une perte. Dans ce contexte, <strong>le</strong> <strong>de</strong>uil est un processus qui permet <strong>de</strong>lâcher prise, <strong>de</strong> désinvestir et terminer une re<strong>la</strong>tion, une histoire d'amour afin <strong>de</strong>faire <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce à cel<strong>le</strong>s à venir. La façon dont se termine une histoire d'amour, <strong>le</strong>scirconstances qui en entourent <strong>la</strong> terminaison, ont un impact important sur <strong>la</strong>capacité <strong>de</strong> faire <strong>le</strong> <strong>de</strong>uil qu'implique <strong>la</strong> fin d'une re<strong>la</strong>tion et par <strong>le</strong> fait même, sur <strong>la</strong>capacité <strong>de</strong> conserver et d'utiliser dans <strong>le</strong>s histoires d'amour qui suivent <strong>la</strong>nourriture affective reçue dans cel<strong>le</strong> qui s'est terminée. Ainsi, une histoire d'amourest influencée par <strong>la</strong> façon dont s'est terminée l'histoire d'amour précé<strong>de</strong>nte et <strong>la</strong>façon dont el<strong>le</strong> va se terminer influencera <strong>le</strong>s histoires d'amour à venir.Régie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 3


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiqueJ'ai observé en clinique que <strong>la</strong> meil<strong>le</strong>ure façon d'ai<strong>de</strong>r quelqu'un qui a <strong>de</strong> <strong>la</strong> misèreà nouer <strong>de</strong> nouvel<strong>le</strong>s re<strong>la</strong>tions satisfaisantes, c'est <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong>r à terminer <strong>le</strong>s <strong>de</strong>uilsinachevés <strong>de</strong> ses anciennes re<strong>la</strong>tions. Ce qui permet <strong>de</strong> récupérer graduel<strong>le</strong>ment <strong>la</strong>partie nourrissante <strong>de</strong> ou <strong>de</strong>s anciennes re<strong>la</strong>tions. La réaction instinctive « ça faitmal, je ne m'y ferai plus prendre » pourra se transformer en « ça fait mal, mais ce<strong>la</strong>a valu <strong>la</strong> peine, je vais m'impliquer à nouveau ».Au début <strong>de</strong> cet exposé, j'ai utilisé <strong>le</strong> mot intervenant et je vais l'utiliser encore àplusieurs reprises. Pour éviter tout ma<strong>le</strong>ntendu, voici ce que j'entends par ce terme :c'est un être humain re<strong>la</strong>tivement sain qui a eu jusqu'à maintenant une séried'histoires d'amour dont dépend sa propre capacité à faire confiance et à avoir <strong>de</strong>sre<strong>la</strong>tions personnel<strong>le</strong>s satisfaisantes. C'est quelqu'un qui, dans sa vieprofessionnel<strong>le</strong> pour gagner sa vie et/ou se rendre uti<strong>le</strong>, intervient dans <strong>la</strong> vie <strong>de</strong>quelqu'un en besoin avec mandat d'ai<strong>de</strong>r. Le mandat peut venir d'une institution,d'un organisme communautaire ou même <strong>de</strong> quelqu’un en besoin,!etc.; <strong>le</strong>sintervenants peuvent avoir une formation très variée, appartenir ou non à unecorporation, être bénévo<strong>le</strong>s ou payés, être membres d'une famil<strong>le</strong> d'accueil, etc. Lesintervenants sont ordinairement fiab<strong>le</strong>s, consciencieux, dévoués, ils sont sensib<strong>le</strong>sà <strong>la</strong> souffrance et Dieu sait qu'ils veu<strong>le</strong>nt <strong>la</strong> sou<strong>la</strong>ger. Les intervenants sedébrouil<strong>le</strong>nt ordinairement bien avec ceux qui <strong>le</strong>ur sont confiés. Ils y mettent tout<strong>le</strong>ur cœur; ils sont disponib<strong>le</strong>s et généreux.Cependant, <strong>le</strong>s intervenants peuvent rencontrer <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s difficultés d'interventionavec certains types <strong>de</strong> clients. Lorsque ceci se produit, il s'agit ou <strong>de</strong> personnes quiont presque toutes eu une suite d'histoires d'amour pathétiques (que ce soit parcequ'el<strong>le</strong>s ont été <strong>la</strong>issées à el<strong>le</strong>s-mêmes très tôt dans <strong>la</strong> vie, négligées, abusées,transp<strong>la</strong>ntées à répétition), ou qu'el<strong>le</strong>s se sont senties rejetées <strong>de</strong> façon bruta<strong>le</strong>,Régie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 4


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiqueparce que <strong>le</strong>urs premières histoires d'amour se sont terminées <strong>de</strong> façon tropsoudaine et incompréhensib<strong>le</strong>. Pour ces personnes que je qualifierais <strong>de</strong> « grandsb<strong>le</strong>ssés re<strong>la</strong>tionnels », ce qui se met en p<strong>la</strong>ce au contact d'un intervenant estinstinctif et relève <strong>de</strong>s réactions psychologiques <strong>de</strong> base.En effet, ces « grands b<strong>le</strong>ssés re<strong>la</strong>tionnels » vont soit d'emblée repousserl'intervenant, soit s'accrocher à lui « comme <strong>la</strong> personne en train <strong>de</strong> se noyer vas'agripper désespérément à une souche à <strong>la</strong> dérive ». Dans <strong>le</strong>s <strong>de</strong>ux cas, c'est <strong>le</strong>même phénomène : ils sont en manque d'un point <strong>de</strong> vue affectif <strong>de</strong>puis silongtemps … Ceci fait naître chez eux beaucoup d'espoir … mais ils ont <strong>de</strong> <strong>la</strong>mémoire : « chat échaudé craint l'eau froi<strong>de</strong> ». Pour <strong>la</strong> personne b<strong>le</strong>ssée, plus <strong>le</strong>potentiel <strong>de</strong> rapprochement, <strong>de</strong> cha<strong>le</strong>ur, <strong>de</strong> réconfort est grand, plus est grand aussi<strong>le</strong> potentiel <strong>de</strong> b<strong>le</strong>ssure, d'abandon, <strong>de</strong> trahison. El<strong>le</strong> a alors une réactioninstinctive!: el<strong>le</strong> va vouloir se protéger du danger, el<strong>le</strong> va tenter <strong>de</strong> saboter <strong>la</strong>re<strong>la</strong>tion. El<strong>le</strong> a été abandonnée, trahie à répétition, toute tentative <strong>de</strong>rapprochement porte en el<strong>le</strong> <strong>la</strong> menace <strong>de</strong> rupture. El<strong>le</strong> y met obstac<strong>le</strong>; el<strong>le</strong> est en« crise <strong>de</strong> confiance », c'est ce que j'appel<strong>le</strong> <strong>le</strong> cul-<strong>de</strong>-sac (chaos) re<strong>la</strong>tionnel. Lapersonne b<strong>le</strong>ssée y donne ren<strong>de</strong>z-vous à l'intervenant qui l'y rejoint.La personne b<strong>le</strong>ssée dans ses re<strong>la</strong>tions n'a plus confiance et entraîne tous ceux quis'en approchent dans un chaos re<strong>la</strong>tionnel : c'est d'ail<strong>le</strong>urs pour ce<strong>la</strong> qu'el<strong>le</strong> seretrouve en re<strong>la</strong>tion d'ai<strong>de</strong>. C'est dans et par <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion qu'el<strong>le</strong> a établie avec lui quel'intervenant peut donc espérer lui redonner confiance. C'est au niveau <strong>de</strong> cettere<strong>la</strong>tion que rési<strong>de</strong> <strong>le</strong> potentiel thérapeutique, <strong>le</strong> potentiel d'une expérience nouvel<strong>le</strong>qui va lui redonner l’espoir et plus l'intervenant est humain, cha<strong>le</strong>ureux, plus <strong>la</strong>personne risque <strong>de</strong> lui faire douter <strong>de</strong> son pouvoir <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong>r, <strong>de</strong> sa capacité <strong>de</strong>continuer <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion. L’intervenant risque <strong>de</strong> se faire mettre K.O.Régie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 5


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiqueC'est là que <strong>la</strong> tâche <strong>de</strong> l'intervenant, qui est <strong>de</strong> redonner confiance à <strong>la</strong> personne enbesoin dans <strong>le</strong>s re<strong>la</strong>tions, <strong>de</strong>vient diffici<strong>le</strong> : il doit reconnaître que l'impassedécou<strong>le</strong> <strong>de</strong> ce que l'autre a appris dans ses histoires d'amour antérieures; il doitreconnaître que cette personne lui donne <strong>de</strong>s « coups <strong>de</strong> pied » parce qu'el<strong>le</strong>commence à l'aimer et que ça lui fait peur. Il doit ai<strong>de</strong>r cette personne à reconnaîtrequ'el<strong>le</strong> est en train <strong>de</strong> saboter une re<strong>la</strong>tion qui pourrait être bonne pour el<strong>le</strong>.L’intervenant doit rester inébran<strong>la</strong>b<strong>le</strong> dans sa prétention qu'il est très importantpour el<strong>le</strong> et que c'est pour ça que cel<strong>le</strong>-ci a peur. Or, c'est à ce moment-là que <strong>le</strong>travail thérapeutique, que <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion d'ai<strong>de</strong> doit continuer, en i<strong>de</strong>ntifiant <strong>le</strong>problème <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tion que cette personne est en train <strong>de</strong> lui faire vivre, à luil'intervenant en y travail<strong>la</strong>nt avec el<strong>le</strong>.Le drame, c'est que cette re<strong>la</strong>tion porte tel<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> souffrances et <strong>de</strong> difficultés :<strong>la</strong> personne est en rupture <strong>de</strong> confiance, el<strong>le</strong> ne veut plus rien savoir. Même sil'intervenant peut être généreux et disponib<strong>le</strong>, il finit par avoir envie <strong>de</strong> <strong>la</strong>repousser lui aussi. Mais, c'est justement parce que <strong>la</strong> personne a été b<strong>le</strong>ssée qu'el<strong>le</strong>est parfois si diffici<strong>le</strong> à approcher et à ai<strong>de</strong>r. Alors <strong>la</strong> tâche <strong>de</strong> l'intervenant, peuimporte sa formation, atteint un niveau <strong>de</strong> difficulté très important. Ce <strong>de</strong>rnier estordinairement très sensib<strong>le</strong> : c'est cette sensibilité dont il a besoin pour faire du bontravail, qui est aussi son talon d'Achil<strong>le</strong>. Un individu normal et sain s'éloigneinstinctivement <strong>de</strong> ceux qui <strong>le</strong> repoussent, <strong>le</strong> déprécient ou qui ne sont jamaissatisfaits. Ce qui est diffici<strong>le</strong> pour un intervenant, c'est d'al<strong>le</strong>r à contre-courant :c'est d'entrer en re<strong>la</strong>tion et <strong>de</strong> continuer même s'il a envie <strong>de</strong> réagir au rejet par <strong>le</strong>rejet. Une fois, <strong>de</strong>ux fois, ça va, mais à <strong>la</strong> longue, travail<strong>le</strong>r avec <strong>de</strong>s grands b<strong>le</strong>sséscomporte <strong>de</strong>s risques <strong>de</strong> b<strong>le</strong>ssures, d'épuisement.Régie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 6


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiqueAu contact <strong>de</strong> ces personnes, <strong>la</strong> sensibilité <strong>de</strong>s intervenants est durement mise àl'épreuve. Faute d'êtres supportés, souvent <strong>le</strong>s intervenants, en raison <strong>de</strong> <strong>le</strong>ursensibilité, risquent <strong>de</strong> se brû<strong>le</strong>r, ou parfois <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir s'anesthésier pour survivre.En fait, pour repousser plus loin <strong>le</strong>s limites rencontrées dans <strong>le</strong>s impassesre<strong>la</strong>tionnel<strong>le</strong>s, l'intervenant doit être tenace et rester en re<strong>la</strong>tion avec <strong>la</strong> personneb<strong>le</strong>ssée; mais y rester signifie s'exposer à se sentir lui-même impuissant,désorienté, <strong>sans</strong> espoir, révolté : el<strong>le</strong> lui communique ses émotions et l'intervenantfinit par croire que ce sont <strong>le</strong>s siennes : il n'y voit plus c<strong>la</strong>ir. L'intervenant comme<strong>la</strong> personne b<strong>le</strong>ssée se sent dans un cul-<strong>de</strong>-sac (chaos). Les enjeux sont majeurs :d'une part, <strong>la</strong> personne b<strong>le</strong>ssée est sûre qu'el<strong>le</strong> va se faire rejeter à nouveau, que <strong>la</strong>ron<strong>de</strong> <strong>de</strong>s ruptures va continuer. D'autre part, pour l'intervenant, l'opportunité <strong>de</strong>pouvoir lui prouver <strong>le</strong> contraire est mise en grand péril. Dans ce contexte, ce quel'on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aux intervenants est presque inhumain. Pour moi, ça équivautpresque à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à quelqu'un <strong>de</strong> travail<strong>le</strong>r dans <strong>de</strong> l'aci<strong>de</strong> <strong>sans</strong> gants.Laissez-moi à ce point-ci vous résumer ce que j'ai appris <strong>de</strong> particulier dans montravail avec <strong>le</strong>s intervenants : peu importe <strong>la</strong> profession (<strong>de</strong> psychiatre à ai<strong>de</strong>ménagèrebénévo<strong>le</strong>), quand il y a rencontre entre un intervenant, un aidant et unepersonne en besoin, un immense ma<strong>le</strong>ntendu s'instal<strong>le</strong> : d'un côté, l'intervenant apour mandat, dépendant <strong>de</strong> sa profession, <strong>de</strong> donner <strong>de</strong>s services médicaux,psychologiques, sociaux, infirmiers, <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> rééducation, d'enseignement,<strong>de</strong> réadaptation, d’orthopédagogie, d’ergothérapie, etc. De l'autre côté, <strong>la</strong> personneen besoin, en crise veut que sa souffrance soit sou<strong>la</strong>gée, ses besoins d'amourcomblés et, rapi<strong>de</strong>ment, <strong>de</strong> façon d'autant plus impérieuse qu'el<strong>le</strong> a été soumise àplus d'abandon, el<strong>le</strong> va se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r « puis-je faire confiance », certaines ne seposent même pas <strong>la</strong> question, car el<strong>le</strong>s sont sûres que non.Régie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 7


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiqueLe ma<strong>le</strong>ntendu vient du fait que chaque intervenant a beau avoir une interventionspécifique, une formation spécifique et un mandat institutionnel spécifique, <strong>la</strong>personne en besoin <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à tous <strong>la</strong> même chose, c'est-à-dire « sou<strong>la</strong>ge masouffrance » et aussitôt vérifie dans <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion qui s'établit avec l'intervenantqu'el<strong>le</strong> a raison <strong>de</strong> se méfier <strong>de</strong> lui. Le reste, c'est à dire <strong>la</strong> profession <strong>de</strong>l'intervenant, son mandat, <strong>le</strong>s phases d'évaluation ou <strong>de</strong> prise en charge,l'établissement concerné, <strong>la</strong> personne b<strong>le</strong>ssée s'en ba<strong>la</strong>nce ! La tâche primordia<strong>le</strong> à<strong>la</strong>quel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s intervenants à <strong>le</strong>ur insu sont confrontés est <strong>de</strong> tenter <strong>de</strong> « gagner <strong>le</strong>urconfiance ».Ainsi, l'expérience clinique très particulière que j'ai acquise en travail<strong>la</strong>nt avecautant d'intervenants différents, en même temps et sur tant d'années, m'a appris unechose que je formu<strong>le</strong>rais comme ceci : pour <strong>le</strong>s enfants, ado<strong>le</strong>scents ou adultes queje qualifierais <strong>de</strong> « b<strong>le</strong>ssés re<strong>la</strong>tionnels », <strong>le</strong>s intervenants ont tous à prouverd'abord s'ils sont dignes <strong>de</strong> confiance, et, ce<strong>la</strong> ils ne peuvent <strong>le</strong> faire qu'à travers <strong>la</strong>re<strong>la</strong>tion qui se crée entre eux et <strong>le</strong>s personnes en besoin : peu importe <strong>la</strong> durée(ponctuel<strong>le</strong>, courte ou longue); peu importe l’objectif <strong>de</strong> l’intervenant (évaluation,protection, suivi, remp<strong>la</strong>cement, etc.); peu importe <strong>le</strong> lieu (bureau, domici<strong>le</strong>,hôpital, éco<strong>le</strong>, etc.). Chaque rencontre, chaque re<strong>la</strong>tion peut avoir un pouvoirthérapeutique; mais plus c’est court, plus c’est diffici<strong>le</strong>.Nous n’avons pas besoin d’y réfléchir très longtemps pour réaliser que <strong>la</strong> tâche <strong>de</strong>sintervenants prend une tournure beaucoup plus comp<strong>le</strong>xe et <strong>de</strong>vient beaucoup pluscritique et dangereuse et beaucoup plus importante pour <strong>le</strong>urs clients qu'on ne <strong>le</strong>soupçonne. Les interruptions, transferts, vacances, bris <strong>de</strong> continuité divers souventd'ail<strong>le</strong>urs inévitab<strong>le</strong>s, provoquent donc <strong>de</strong>s crises dans <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion thérapeutique quiRégie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 8


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutique<strong>de</strong>viennent <strong>de</strong>s opportunités d'un apprentissage nouveau que seul l'intervenant encause peut ai<strong>de</strong>r l'autre à faire, car, c'est avec lui que ça se passe.L'intervenant doit alors démê<strong>le</strong>r ce que l'autre lui fait sentir, déco<strong>de</strong>r ce qu'il y a<strong>de</strong>rrière ses comportements, mieux comprendre pourquoi l'autre ne fait plusconfiance. Ce<strong>la</strong> oblige à prendre intérieurement <strong>de</strong> <strong>la</strong> distance, à mettre <strong>le</strong>s limitesnécessaires, à ne pas se <strong>la</strong>isser paralyser par l’impuissance que lui communique <strong>la</strong>personne en besoin. L’intervenant, pour passer à travers cette phase très péril<strong>le</strong>use,mais nécessaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion d’ai<strong>de</strong> doit maintenir <strong>la</strong> barque <strong>de</strong> sa re<strong>la</strong>tion aveccel<strong>le</strong>-ci à flot, lui prouver dans <strong>le</strong>s faits qu'el<strong>le</strong> peut apprendre à faire plusconfiance dans ses histoires d'amour malgré <strong>le</strong>s déceptions qu’inévitab<strong>le</strong>mentl’intervenant provoque. L'intervenant doit neutraliser l'impasse re<strong>la</strong>tionnel<strong>le</strong> c'està-direréussir à continuer quand rien ne va plus, gar<strong>de</strong>r confiance quand il se sentmis en échec, comprendre que son impuissance est cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> l'autre, non <strong>la</strong> sienne.Un <strong>de</strong>s éléments central du travail <strong>de</strong> l’intervenant est d'ai<strong>de</strong>r <strong>la</strong> personne b<strong>le</strong>ssée ài<strong>de</strong>ntifier <strong>le</strong>s multip<strong>le</strong>s pertes passées et actuel<strong>le</strong>s auxquel<strong>le</strong>s el<strong>le</strong> est confrontée et àamorcer avec el<strong>le</strong> <strong>le</strong> travail <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil qui s'impose. Ce<strong>la</strong> implique aussi <strong>le</strong> <strong>de</strong>uil <strong>de</strong>sespoirs irréalistes qu'el<strong>le</strong> met dans l'intervenant, dont el<strong>le</strong> est toujours rapi<strong>de</strong>mentdéçue: il n'est pas toujours là quand el<strong>le</strong> a besoin, il s'absente, prend <strong>de</strong>s vacances,va à <strong>de</strong>s congrès, etc.Gagner et gar<strong>de</strong>r <strong>la</strong> confiance <strong>de</strong> ceux qui sont <strong>le</strong>s plus vulnérab<strong>le</strong>s aux ruptures,c'est-à-dire <strong>le</strong>s plus b<strong>le</strong>ssés, exige un maximum <strong>de</strong> continuité re<strong>la</strong>tionnel<strong>le</strong> et quandil y a discontinuité, il est important <strong>de</strong> reconnaître <strong>la</strong> façon dont <strong>la</strong> personne b<strong>le</strong>sséese protège; il est important <strong>de</strong> reconnaître que sa colère est justifiée; ceci estparticulièrement important car, nous avons tendance à minimiser <strong>le</strong>s réactions <strong>de</strong>sRégie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 9


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutique« b<strong>le</strong>ssés re<strong>la</strong>tionnels » aux ruptures que nous <strong>le</strong>ur imposons, à <strong>la</strong> diversitéd'intervenants qu'ils ont à rencontrer, etc. : <strong>le</strong>urs émotions sont réel<strong>le</strong>s et reliées ànous mais sont gran<strong>de</strong>ment amplifiées par <strong>le</strong>s mémoires émotionnel<strong>le</strong>s intolérab<strong>le</strong>sprovenant <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs anciennes histoires d'amour. Souvent pour eux, dans <strong>le</strong> présent,il y a confusion : ils vivent <strong>le</strong>s petites déceptions comme si c’était <strong>de</strong>s bris <strong>de</strong>confiance dramatiques.Ils ne sont pas ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s : ils ont amèrement appris qu'ils ne pouvaient pas comptersur <strong>le</strong>s autres, ils sont en rupture <strong>de</strong> confiance, ils ont <strong>de</strong> grands besoins affectifsmais, pour se protéger du rejet certain anticipé, ils repoussent, <strong>de</strong> façon trèsefficace, ceux qui veu<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s ai<strong>de</strong>r et ils <strong>le</strong>s repoussent aussi vigoureusement qu'ilsont envie <strong>de</strong> se <strong>la</strong>isser prendre soin. Il nous faut donc ajuster nos services à <strong>le</strong>ursbesoins spécifiques. Nous <strong>le</strong> faisons pour <strong>le</strong>s b<strong>le</strong>ssés physiques en chaise rou<strong>la</strong>ntequi ne peuvent franchir <strong>de</strong>s marches. Nous ne <strong>le</strong>ur présentons pas d'autres marches,nous aménageons <strong>de</strong>s rampes.L'expérience démontre que <strong>le</strong>s « b<strong>le</strong>ssés re<strong>la</strong>tionnels » peuvent apprendre à faireconfiance à nouveau : c'est toujours long et pénib<strong>le</strong>, l'amour ne suffit pas. Ça prendun environnement re<strong>la</strong>tionnel adapté. La « rampe re<strong>la</strong>tionnel<strong>le</strong> » dont ils ont besoinest constituée <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur re<strong>la</strong>tion avec l'intervenant, être humain comme eux, à qui ilschoisissent <strong>de</strong> faire passer <strong>le</strong> « test <strong>de</strong> confiance ». Ceci implique une visiondifférente, du travail <strong>de</strong>s intervenants qui s'impliquent avec eux et <strong>de</strong>s outils dontils ont besoin pour éviter que <strong>le</strong> chaos re<strong>la</strong>tionnel qu’ils rencontrent ne setransforme en K.O.; ceci implique aussi une vision différente du travail <strong>de</strong>partenariat interprofessionnel, interréseau que dictent <strong>le</strong>urs besoins, pour nementionner que ces éléments.Régie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 10


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiqueJe viens <strong>de</strong> vous faire une synthèse <strong>de</strong> l’essentiel que j’ai appris dans mon travailprofessionnel <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 30 ans. Bien sûr, beaucoup <strong>de</strong> points mériteraientd’être é<strong>la</strong>borés ou c<strong>la</strong>rifiés, beaucoup <strong>de</strong> vi<strong>de</strong>s mériteraient d’être comblés,beaucoup <strong>de</strong> nuances mériteraient d’être apportées. Il y a <strong>de</strong> quoi nourrir <strong>de</strong>longues pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> réf<strong>le</strong>xion et <strong>de</strong> discussion, j’en suis sûr.Avant <strong>de</strong> passer à <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong>s questions, j’aimerais abor<strong>de</strong>r brièvement quelquesaspects théoriques et quelques expériences scientifiques qui soutiennent ce dont jeviens <strong>de</strong> vous par<strong>le</strong>r.Les connaissances sur <strong>le</strong> fonctionnement <strong>de</strong> l’être humain se sont beaucoupdéveloppées au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière décennie surtout avec <strong>le</strong>s développementsrécents <strong>de</strong> <strong>la</strong> neurophysiologie et <strong>de</strong> <strong>la</strong> génétique. Ces connaissances nous amènentà comprendre un peu mieux <strong>le</strong>s interactions neuro-bio-psycho-socia<strong>le</strong>s impliquéesdans <strong>la</strong> genèse <strong>de</strong>s comportements et <strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions interpersonnel<strong>le</strong>s.Au <strong>de</strong>uxième congrès <strong>de</strong> l’Association mondia<strong>le</strong> <strong>de</strong> santé menta<strong>le</strong> <strong>de</strong>s Nourrissons,à Montréal en juil<strong>le</strong>t 2000, <strong>la</strong> conférence plénière a été faite par Peter Fonagy,directeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> recherche au Centre Anna Freud à Londres et à <strong>la</strong> FondationMenninger aux États-Unis. J’ai été très stimulé par <strong>le</strong> contenu <strong>de</strong> cette conférence,car il y fait une remarquab<strong>le</strong> intégration <strong>de</strong>s recherches récentes, <strong>de</strong>s diversesthéories sur <strong>le</strong> développement normal et <strong>la</strong> psychopathologie dont <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong>l’attachement. Pour moi, ce<strong>la</strong> donnait fina<strong>le</strong>ment <strong>de</strong>s bases scientifiques à <strong>de</strong>sintuitions cliniques et à ce qui était jusqu’à maintenant <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> <strong>la</strong> théorie.Un mot d’abord sur <strong>la</strong> Théorie <strong>de</strong> l’attachement que nous sommes amenés àcomprendre <strong>de</strong> façon différente et « moins naïve » (Fonagy).Régie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 11


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiqueComment l’être humain passe-t-il d’un petit bébé très immature, p<strong>le</strong>in <strong>de</strong> besoins et<strong>sans</strong> idée <strong>de</strong> sa propre existence ni <strong>de</strong> cel<strong>le</strong> <strong>de</strong>s autres à une personne ayant acquis<strong>le</strong>s capacités menta<strong>le</strong>s nécessaires pour avoir une image <strong>de</strong> soi qu’el<strong>le</strong> estsuffisamment capab<strong>le</strong> <strong>de</strong> distinguer <strong>de</strong> l’image qu’el<strong>le</strong> se fait <strong>de</strong>s autres pour avoir<strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions interpersonnel<strong>le</strong>s satisfaisantes ?La théorie <strong>de</strong> l’attachement (Bowlby 1969) dont vous entendrez par<strong>le</strong>r davantagedans un atelier, rend bien compte du dérou<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessaire interre<strong>la</strong>tionentre <strong>le</strong> bébé et sa mère (ou substitut) et <strong>de</strong> l’importance <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité, <strong>de</strong> <strong>la</strong>stabilité et <strong>de</strong> <strong>la</strong> continuité <strong>de</strong> cette interre<strong>la</strong>tion pour <strong>le</strong> développement <strong>de</strong> l’enfant.L’expérience <strong>de</strong> sécurité est <strong>le</strong> but du système <strong>de</strong> l’attachement. Si cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong>gran<strong>de</strong> dépendance et <strong>de</strong> proximité se passe bien, on par<strong>le</strong>ra <strong>de</strong> l’attachementsécure. L’absence d’attachement sécure amène plus tard <strong>de</strong>s difficultés importantes<strong>de</strong> socialisation caractérisées par <strong>de</strong> l’anxiété, du retrait, <strong>de</strong> <strong>la</strong> dépendance, <strong>de</strong>l’ambiva<strong>le</strong>nce, <strong>de</strong> l’agressivité ou carrément <strong>de</strong> <strong>la</strong> désorganisation.Un <strong>de</strong>s problèmes avec <strong>la</strong> théorie c<strong>la</strong>ssique <strong>de</strong> l’attachement c’était que toutfina<strong>le</strong>ment dépendait <strong>de</strong>s parents. C’était très réducteur <strong>de</strong> <strong>la</strong> comp<strong>le</strong>xité dudéveloppement humain.D’un autre côté, <strong>la</strong> première série <strong>de</strong> recherches en génétique comportementa<strong>le</strong>nous a amenés à l’autre extrême « Tout dépend <strong>de</strong>s gènes ». Ce n’est plus <strong>le</strong>comportement <strong>de</strong>s parents qui façonne celui <strong>de</strong>s enfants, c’est <strong>le</strong> contraire. Cesrecherches suggéraient alors <strong>de</strong> réinterpréter <strong>la</strong> corré<strong>la</strong>tion qu’on faisait entre <strong>le</strong>scaractéristiques <strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions parenta<strong>le</strong>s précoces et <strong>le</strong>s comportements <strong>de</strong> l’enfant<strong>de</strong> façon à ce que ce soit <strong>le</strong>s caractéristiques génétiques <strong>de</strong> l'enfant qui déterminentRégie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 12


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutique<strong>la</strong> réponse <strong>de</strong>s parents plutôt que ce soit <strong>le</strong> parentage qui influence l'enfant, ce<strong>la</strong>aussi était trop simp<strong>le</strong> pour être vrai.Mais, plus <strong>le</strong>s recherches avancent, mieux nous comprenons comment et pourquoi<strong>le</strong>s premières re<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> l’enfant sont si importantes. L’interre<strong>la</strong>tion entre <strong>la</strong>génétique, <strong>la</strong> biologie, l’environnement re<strong>la</strong>tionnel, <strong>la</strong> psychologie est mise enévi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> façon spécifique; ce n’est pas <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong> l’attachement qui expliquetout, ce ne sont pas nos gènes non plus, mais l’interaction <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux. qui nous donneune compréhension nouvel<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong> l’attachement.Une étu<strong>de</strong> c<strong>la</strong>ssique fin<strong>la</strong>ndaise (Tienari et Ass., 1994), sur <strong>de</strong>s famil<strong>le</strong>s adoptivespar rapport à <strong>la</strong> schizophrénie, suggère que <strong>le</strong>s enfants avec un parent biologiqueschizophrène étaient plus susceptib<strong>le</strong>s <strong>de</strong> développer <strong>de</strong>s problèmes psychiatriquessi et seu<strong>le</strong>ment s’ils étaient adoptés dans <strong>de</strong>s famil<strong>le</strong>s dysfonctionnel<strong>le</strong>s.Bohman (1996) rapporte exactement <strong>la</strong> même chose, mais pour <strong>la</strong> criminalité quiapparaît être associée à un risque génétique seu<strong>le</strong>ment si ceux dont <strong>le</strong>s parentsétaient criminels étaient adoptés dans <strong>de</strong>s famil<strong>le</strong>s dysfonctionnel<strong>le</strong>s. C’estencourageant, <strong>le</strong>s expériences d’attachement précoces peuvent faire que certaines<strong>de</strong>s caractéristiques personnel<strong>le</strong>s dont nous avons hérité vont se manifester ou pas.Un enfant peut avoir un parent schizophrène mais statistiquement avoir autant <strong>de</strong>chance qu’un autre <strong>de</strong> faire une vie norma<strong>le</strong> si on en prend bien soin et qu’ildéveloppe un attachement sécure.D’autres expériences cette fois chez <strong>de</strong>s singes (Suomi), qu’on peut transposerchez <strong>le</strong>s humains, nous <strong>la</strong>issent entrevoir qu’en plus un maternage très adéquatpeut transformer une fragilité génétique en avantage.Régie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 13


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiqueDes singes, dont certains ont une carence génétique qui touche une neurohormone(sérotonine) sont soumis à <strong>la</strong> même carence maternel<strong>le</strong> (é<strong>le</strong>vés <strong>sans</strong> <strong>le</strong>ur mère,entre eux). Ceux avec carence génétique sont plus affectés que <strong>le</strong>s autres. Lessinges avec <strong>la</strong> même carence génétique mais qui sont é<strong>le</strong>vés par <strong>le</strong>ur mère ont undéveloppement normal.Dans d’autres expériences, Suomi a choisi <strong>de</strong>s singes qui en raison <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur bagagegénétique ont un tempérament très instab<strong>le</strong> : ils <strong>le</strong>s a soumis à différents types <strong>de</strong>maternage <strong>de</strong> façon expérimenta<strong>le</strong> : <strong>le</strong>s bébés singes assignés à <strong>de</strong>s mèresparticulièrement maternantes et calmes se sont développés plus précocement, etétaient <strong>de</strong> façon surprenante sécures; ils étaient particulièrement habi<strong>le</strong>s à s’allieraux autres membres du groupe; <strong>de</strong> plus, ils se sont é<strong>le</strong>vés et maintenus à <strong>de</strong> hautespositions dans l’échel<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> hiérarchie <strong>de</strong> domination. Ainsi, <strong>de</strong>s traits génétiquesqui risquaient <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur nuire se sont avérés <strong>de</strong>s avantages si soumis à un excel<strong>le</strong>ntmaternage. De plus, fait intéressant, plus tard, <strong>la</strong> capacité maternel<strong>le</strong> <strong>de</strong>s femel<strong>le</strong>sau tempérament instab<strong>le</strong> é<strong>le</strong>vées par <strong>de</strong>s mères très maternantes a reflété plus <strong>le</strong>sty<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur mère adoptive que celui <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur propre tempérament. Ainsi, <strong>le</strong>sbénéfices d’un bon maternage peut, <strong>de</strong> façon évi<strong>de</strong>nte être transmis à <strong>la</strong> générationfuture même à travers un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> transmission <strong>de</strong> nature non génétique. Lematernage <strong>de</strong> ces individus génétiquement vulnérab<strong>le</strong>s ne réduit pas <strong>le</strong> risqueassocié à ce génotype mais, un maternage particulièrement adéquat permet à cesindividus <strong>de</strong> développer <strong>de</strong>s capacités <strong>de</strong> résilience.Mais pourquoi l’attachement précoce sécure a-t-il <strong>de</strong>s répercussions si importanteset si durab<strong>le</strong>s ? En raison <strong>de</strong> <strong>la</strong> sécurité ? Surprise ! Les conclusions <strong>de</strong> certainesrecherches récentes indiqueraient que ce n’est pas <strong>la</strong> sécurité qui en soi estimportante. La fonction principa<strong>le</strong> <strong>de</strong> l’attachement serait <strong>de</strong> créer un climatRégie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 14


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiquefavorab<strong>le</strong> qui faciliterait chez l’enfant <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s mécanismespsychologiques nécessaires à <strong>la</strong> mentalisation : mentaliser, c’est d’être capab<strong>le</strong> <strong>de</strong>se faire à l’intérieur <strong>de</strong> soi l’idée <strong>de</strong> soi-même et une idée <strong>de</strong>s autres comme étantdifférents <strong>de</strong> soi. Fonagy appel<strong>le</strong> cette capacité <strong>le</strong> « mécanisme d’interprétationinterpersonnel<strong>le</strong> », je cite : « Cette capacité d’interprétation interpersonnel<strong>le</strong> joueun rô<strong>le</strong> clé dans l’évolution <strong>de</strong> l’expérience socia<strong>le</strong>; son niveau <strong>de</strong> fonctionnementva se refléter dans <strong>la</strong> capacité à fonctionner dans <strong>le</strong>s re<strong>la</strong>tions intimes <strong>sans</strong> avoirbesoin <strong>de</strong> stratégies pour amplifier <strong>la</strong> distinction entre <strong>le</strong>s représentations <strong>de</strong> soi et<strong>de</strong> l’autre ».Fonagy et coll. dans plusieurs <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs travaux récents expliquent bien <strong>le</strong>s multip<strong>le</strong>smécanismes mentaux qui permettent au bébé <strong>de</strong> se faire une idée <strong>de</strong> soi et <strong>de</strong>sautres. Le dicton popu<strong>la</strong>ire définissant l’image <strong>de</strong> soi comme étant « ce que l’onvoit dans <strong>le</strong>s yeux <strong>de</strong>s autres quand ils nous regar<strong>de</strong>nt » est très approprié. Lesmécanismes psychologiques impliqués sont bien sûr comp<strong>le</strong>xes. En gros, <strong>le</strong>nourrisson acquiert éventuel<strong>le</strong>ment une vision <strong>de</strong> lui-même qui est <strong>le</strong> ref<strong>le</strong>t <strong>de</strong>sréactions <strong>de</strong> sa mère à ses besoins : vous avez déjà vu un nouveau-né qui a faim : ilse tortil<strong>le</strong>, il p<strong>le</strong>ure et s’il n’est pas nourri, il crie; c’est <strong>la</strong> fin du mon<strong>de</strong>, c’est <strong>le</strong>chaos. Sa mère est calme, el<strong>le</strong> <strong>le</strong> prend doucement, <strong>le</strong> nourrit, <strong>le</strong> caresse, etc. Avec<strong>le</strong> temps, <strong>le</strong>s répétitions, <strong>le</strong> bébé finit par se faire à l’idée que ses « fins du mon<strong>de</strong> »ne sont pas si graves que ça … Il peut reprendre <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> sur ses émotions; il estaimé; il se perçoit comme aimab<strong>le</strong>. Avec ce que l’on comprend maintenant, ilfaudrait peut-être changer <strong>le</strong> fameux « je pense, donc je suis » <strong>de</strong> Descartes pour« ma mère pense que je suis, donc je suis ».Régie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 15


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiqueJ’aimerais décrire une petite expérience décrite par Perner (1991) qui ai<strong>de</strong> àvisualiser mieux <strong>le</strong> concept <strong>de</strong> mentalisation. Ceci est important, parce que çaillustre <strong>le</strong>s conséquences <strong>de</strong>s difficultés <strong>de</strong> mentalisation <strong>de</strong> nos clients.Vous êtes avec <strong>de</strong>ux petits garçons. Un <strong>de</strong> 3 ans et un <strong>de</strong> 5 ans dans une sal<strong>le</strong>d’observation. Vous regar<strong>de</strong>z ensemb<strong>le</strong> <strong>de</strong> l’autre côté du miroir, un ado<strong>le</strong>scent quis’apprête à manger un morceau <strong>de</strong> choco<strong>la</strong>t. À ce moment-là, l’expérimentateurentre dans <strong>la</strong> sal<strong>le</strong> où se trouve l’ado<strong>le</strong>scent et lui dit : « cache ton choco<strong>la</strong>t, va à <strong>la</strong>cantine te chercher une boisson gazeuse, reviens et tu mangeras alors tonchoco<strong>la</strong>t ». L’ado<strong>le</strong>scent regar<strong>de</strong> : sur <strong>la</strong> tab<strong>le</strong>, il y a une boîte avec couvert fermé;il se tourne et voit sur <strong>la</strong> tab<strong>le</strong>tte d’en haut <strong>de</strong> l’étagère, un panier. Il déci<strong>de</strong> <strong>de</strong>mettre son morceau <strong>de</strong> choco<strong>la</strong>t dans <strong>le</strong> panier, c’est plus sécuritaire, et sortchercher son breuvage. Aussitôt que l’ado<strong>le</strong>scent est sorti, l’expérimentateur prend<strong>le</strong> choco<strong>la</strong>t dans <strong>le</strong> panier et va <strong>la</strong> mettre dans <strong>la</strong> boîte sur <strong>la</strong> tab<strong>le</strong>. Vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>zalors à vos <strong>de</strong>ux jeunes <strong>de</strong> 3 et 5 ans <strong>de</strong> prédire où l’ado<strong>le</strong>scent va al<strong>le</strong>r chercherson choco<strong>la</strong>t à son retour. Celui <strong>de</strong> 3 ans, après réf<strong>le</strong>xion, va dire : « dans <strong>la</strong> boîtesur <strong>la</strong> tab<strong>le</strong> ». Celui <strong>de</strong> 5 ans, comme vous l’avez <strong>de</strong>viné : « dans <strong>le</strong> panier ». Celui<strong>de</strong> 3 ans base sa prédiction sur sa propre représentation <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalité. Il sait lui oùest <strong>le</strong> choco<strong>la</strong>t, il a vu l’expérimentateur dép<strong>la</strong>cer <strong>le</strong> choco<strong>la</strong>t. Il assume quel’ado<strong>le</strong>scent a <strong>la</strong> même image dans sa tête. Celui <strong>de</strong> 5 ans mentalise à un <strong>de</strong>grésupérieur : il est capab<strong>le</strong> d’attribuer à l’ado<strong>le</strong>scent une croyance autre que <strong>la</strong> siennepropre. Il est capab<strong>le</strong> maintenant, contrairement à celui <strong>de</strong> 3 ans, <strong>de</strong> se représenterce qui se passe dans <strong>la</strong> tête <strong>de</strong> l’ado<strong>le</strong>scent même si c’est différent <strong>de</strong> ce qui sepasse dans <strong>la</strong> sienne, l’ado<strong>le</strong>scent n’ayant pas vu l’expérimentateur dép<strong>la</strong>cer <strong>le</strong>choco<strong>la</strong>t. J’ajouterais un autre exemp<strong>le</strong>, chez un adulte qui illustre <strong>le</strong>sconséquences d’un problème <strong>de</strong> mentalisation : quelqu’un passe <strong>de</strong>vant unparanoï<strong>de</strong> et ne <strong>le</strong> regar<strong>de</strong> pas. Le paranoï<strong>de</strong> qui croit que tous sont contre lui va seRégie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 16


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiquedire : « il m’en veut ». Il ne lui vient pas à l’esprit que <strong>la</strong> personne peut avoird’autres raisons <strong>de</strong> ne pas <strong>le</strong> regar<strong>de</strong>r : comme être préoccupée, myope, distraite,etc. Il juge ce qui se passe dans <strong>la</strong> tête <strong>de</strong> l’autre en fonction <strong>de</strong> ce qui se passedans <strong>la</strong> sienne.En passant, <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s dans <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s <strong>de</strong>s sujets <strong>de</strong>vinent l’état mental <strong>de</strong>s autresdémontrent à l’imagerie par résonance magnétique que l’activité associée à <strong>la</strong>mentalisation se situe au niveau du cortex préfrontal médian. Des étu<strong>de</strong>s faiteschez <strong>de</strong>s enfants adoptés <strong>de</strong> Roumanie qui ont été privés d’expériencesinterpersonnel<strong>le</strong>s démontrent un retard <strong>de</strong> développement <strong>de</strong> cette structurecérébra<strong>le</strong> qui générerait <strong>le</strong> mécanisme d’évaluation interpersonnel<strong>le</strong>. D’ail<strong>le</strong>urs,dans <strong>la</strong> c<strong>la</strong>ssification d’attachement, ces enfants <strong>de</strong>meurent à l’âge <strong>de</strong> 3 ans dans <strong>la</strong>catégorie « désorganisé » et <strong>le</strong>ur comportement social <strong>de</strong>meure anormal à l’âge <strong>de</strong>8 ans.D’autres étu<strong>de</strong>s démontrent que chez <strong>le</strong>s jeunes enfants, l’abus et <strong>la</strong> négligence, <strong>le</strong>sruptures importantes <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tions significatives peuvent inhiber <strong>la</strong> capacité <strong>de</strong>mentalisation; <strong>le</strong> suivi <strong>de</strong> ces enfants démontre que plus tard ils continuent d’avoir<strong>de</strong>s limites significatives en ce domaine. Pour ceux que ça intéresse, l’InstitutCanadien <strong>de</strong>s recherches avancées a publié en avril 1999 « Étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> petiteenfance ». On y résume toute une série <strong>de</strong> recherches neurophysiologiques etautres sur entre autres <strong>le</strong>s conséquences <strong>de</strong> diverses carences sur <strong>le</strong> développementcérébral <strong>de</strong>s bébés.Mais, me direz-vous, c’est effrayant ! Si un enfant n’a pas <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tion sécure avecsa mère, c’est fini ? Non, ce n’est pas aussi simp<strong>le</strong>; <strong>le</strong>s mesures <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tiond’attachement démontre que <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion d’attachement est spécifique à <strong>la</strong> personneRégie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 17


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiqueel<strong>le</strong>-même : un enfant peut avoir un attachement très perturbé avec sa mère.Cependant, rien ne l’empêche si quelqu’un d’autre entre en re<strong>la</strong>tion avec lui et enprend bien soin, <strong>de</strong> développer en même temps une re<strong>la</strong>tion d’attachement sécureavec cette autre personne dans son environnement. Cette autre personne peut êtreune grand-mère, une gardienne, <strong>le</strong> père, etc. C’est encourageant malgré unmaternage inadéquat, un « ange gardien » peut se manifester et faire <strong>la</strong> différence;c’est un facteur <strong>de</strong> protection, <strong>de</strong> résilience.Beaucoup d’autres étu<strong>de</strong>s appuient ce dont je vous ai parlé jusqu’à maintenant etrenforcissent encore plus mes convictions, déjà fortes, <strong>de</strong> l’importance <strong>de</strong> ce quej’ai appris et que vous m’avez confirmé à répétition dans mon travail <strong>de</strong> supportclinique. Permettez-moi <strong>de</strong> partager avec vous brièvement ces convictions.Les problèmes <strong>de</strong> mentalisation sont au centre <strong>de</strong>s difficultés que rencontrent dans<strong>la</strong> vie <strong>le</strong>s « b<strong>le</strong>ssés re<strong>la</strong>tionnels »; nous rencontrons avec eux <strong>le</strong>s mêmes difficultésquand nous essayons <strong>de</strong> <strong>le</strong>s ai<strong>de</strong>r. Ce<strong>la</strong> signifie qu’ils se comportent <strong>de</strong> façoncohérente avec <strong>le</strong>ur perception d’eux-mêmes et <strong>de</strong>s autres (dont nous faisonspartie). Pour qu’ils adoptent <strong>de</strong>s comportements différents et plus appropriés à <strong>la</strong>réalité présente, une partie centra<strong>le</strong> <strong>de</strong> notre tâche va être <strong>de</strong> modifier <strong>le</strong>urperception d’eux-mêmes et <strong>de</strong>s autres. Nous n’avons pas <strong>de</strong> trucs, ni <strong>de</strong> solutionsmirac<strong>le</strong>s : nous n’avons fondamenta<strong>le</strong>ment que <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion que nous établissonsavec eux. Souvent, cependant, nos habi<strong>le</strong>tés naturel<strong>le</strong>s même si el<strong>le</strong>s sont bienadéquates et développées, peuvent ne pas être suffisantes : on doit alors passer enmo<strong>de</strong> re<strong>la</strong>tion d’ai<strong>de</strong> ou thérapeutique.Le concept <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tion d’ai<strong>de</strong> est souvent mal compris. La re<strong>la</strong>tion d’ai<strong>de</strong> estnécessaire seu<strong>le</strong>ment quand nos habi<strong>le</strong>tés naturel<strong>le</strong>s ne suffisent plus à <strong>la</strong> tâche. ÇaRégie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 18


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiqueimplique donc <strong>le</strong> développement d’habi<strong>le</strong>tés dont nous ne nous servonshabituel<strong>le</strong>ment pas dans <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion naturel<strong>le</strong>. On n’utilise pas <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion d’ai<strong>de</strong>avec nos amis à moins <strong>de</strong> vouloir <strong>le</strong>s perdre. La re<strong>la</strong>tion d’ai<strong>de</strong>, c’est du travail : çane vient pas naturel<strong>le</strong>ment, ça ne s’apprend pas tout seul.Ceux qui n’ont pas <strong>de</strong> problèmes n’en ont pas besoin : ils obtiennent naturel<strong>le</strong>mentce qu’ils ont besoin dans <strong>le</strong>ur environnement. Ce n’est pas <strong>le</strong> cas <strong>de</strong>s « b<strong>le</strong>ssésre<strong>la</strong>tionnels » que vous rencontrez : ce qu’ils provoquent chez <strong>le</strong>s autres,conséquence <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur problème <strong>de</strong> mentalisation, conduit souvent à l’impasse dans<strong>le</strong>ur re<strong>la</strong>tion en général et aussi en particulier dans <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion avec <strong>le</strong>s intervenants.Les b<strong>le</strong>ssés re<strong>la</strong>tionnels ne peuvent pas tous, pour <strong>de</strong>s raisons évi<strong>de</strong>ntes, avoir unpsychothérapeute d’autant plus que souvent ils sont très réfractaires au cadreformel que ça implique habituel<strong>le</strong>ment. D’un autre côté, il n’est pas question <strong>de</strong>faire <strong>de</strong> tous <strong>le</strong>s intervenants <strong>de</strong>s psychothérapeutes.Les intervenants ont en général une bonne formation pour <strong>le</strong>s tâches spécifiquesqu’ils ont à accomplir. Pour travail<strong>le</strong>r avec <strong>de</strong>s personnes présentant <strong>de</strong>s difficultésre<strong>la</strong>tionnel<strong>le</strong>s tenaces, <strong>le</strong>ur formation <strong>de</strong> base est minima<strong>le</strong>. Dans <strong>le</strong>ur formationprofessionnel<strong>le</strong> peu ou pas d’attention est portée à ces aspects si importants <strong>de</strong> <strong>le</strong>urtravail et ce<strong>la</strong>, pour une bonne raison : ça ne s’apprend pas dans <strong>le</strong>s livres ou àl’université : ça s’apprend en cours d’emploi, quand <strong>le</strong>s difficultés apparaissent eten étant accompagné pour <strong>le</strong> faire : c’est là que <strong>le</strong> support aux intervenantsintervient : c’est <strong>la</strong> façon d’apprendre à utiliser en plus <strong>de</strong> son expertise spécifique<strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tion d’ai<strong>de</strong> qui peuvent faire toute <strong>la</strong> différence pour <strong>la</strong>personne en besoin et pour l’intervenant. Les <strong>de</strong>ux changent <strong>le</strong>ur vision d’euxmêmeset <strong>de</strong> l’autre. Il y a espoir : tout n’est pas parfait, loin <strong>de</strong> là, mais <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong>peut être reçue, et il est possib<strong>le</strong> d’en donner.Régie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 19


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiqueJe ne peux que témoigner <strong>de</strong> ce que j'ai vu : <strong>le</strong> support qui est disponib<strong>le</strong> auxintervenants est insuffisant et arrive souvent seu<strong>le</strong>ment en pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> crise, troptard.Ils ont besoin selon moi d'un support systématique, continu et proportionnel à <strong>la</strong>gran<strong>de</strong> pression que <strong>le</strong>s besoins du « b<strong>le</strong>ssé re<strong>la</strong>tionnel » exercent sur eux etproportionnel à <strong>la</strong> difficulté <strong>de</strong> « gagner <strong>le</strong>ur confiance ». D'après mon expérience,ce support peut diffici<strong>le</strong>ment être intégré à <strong>la</strong> structure hiérarchique actuel<strong>le</strong>. Leurpatron, même s'il en a <strong>la</strong> compétence, est en situation précaire : son rô<strong>le</strong> est <strong>de</strong>partager <strong>le</strong> travail, <strong>de</strong> se préoccuper <strong>de</strong> productivité, d'évaluer, <strong>de</strong> transmettre àl'intervenant <strong>la</strong> pression qui lui vient <strong>de</strong> <strong>la</strong> société, etc. L'intervenant, lui est entre<strong>de</strong>ux feux : <strong>le</strong>s besoins <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne b<strong>le</strong>ssée et <strong>le</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> son patron; ce<strong>de</strong>rnier est en conflit d'intérêt et n'a pas <strong>la</strong> neutralité requise pour fournir <strong>le</strong> supportrequis.Depuis 15 ans, je passe 20 heures par semaine à donner ce genre <strong>de</strong> support; je <strong>le</strong>fais en petits groupes, sur une base volontaire, <strong>sans</strong> lien d'autorité, sur une basehebdomadaire au rythme d'environ 30 sessions par groupe, par année sur quelquesannées. C'est une façon <strong>de</strong> <strong>le</strong> faire. Le support clinique doit cependant êtreorganisé, être disponib<strong>le</strong>, être systématique et être reconnu comme légitime, êtrevalorisé plutôt qu'être vu comme un signe <strong>de</strong> dépendance <strong>de</strong>s intervenants. Il fautréhabiliter à l'intérieur <strong>de</strong>s organisations <strong>la</strong> fonction <strong>de</strong> support clinique auxintervenants afin d’alléger <strong>le</strong>ur tâche, d’augmenter <strong>le</strong>ur pouvoir d’intervention et<strong>de</strong> rendre <strong>le</strong>ur travail plus satisfaisant et plus efficace.Je connais peu ou pas <strong>de</strong> professionnels formés spécifiquement pour remplir cettefonction <strong>de</strong> support aux intervenants. Ça prend un bon bagage clinique et çaRégie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 20


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiques’apprend sur <strong>le</strong> tas, en mettant <strong>le</strong>s mains à <strong>la</strong> pâte. C’est non seu<strong>le</strong>ment possib<strong>le</strong>,mais c’est aussi agréab<strong>le</strong> et satisfaisant.Il y a <strong>de</strong> l’espoir, dans notre réseau, il y a toute une gamme <strong>de</strong> professionnels quipourraient être mobilisés pour remplir cette fonction <strong>de</strong> support aux intervenants.Mais ils sont pris dans un cerc<strong>le</strong> vicieux : moins <strong>le</strong>s intervenants dans <strong>la</strong>communauté ont <strong>de</strong> support clinique, plus ils ont tendance à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong>sconsultations, <strong>de</strong>s évaluations, <strong>de</strong>s prises en charge. Plus <strong>le</strong>s intervenantsspécialisés alors sont submergés par <strong>le</strong> travail, moins ils ont <strong>le</strong> temps <strong>de</strong> donner dusupport clinique.Le problème c’est que l’opportunité d’une re<strong>la</strong>tion « correctrice » se situeprincipa<strong>le</strong>ment au niveau <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> l’intervenant et <strong>de</strong> l’enfant. Parfois,l’enfant n’aurait pas besoin d’être vu en consultation : c’est plutôt alorsl’intervenant qui aurait besoin du support clinique d’un « consultant » pour sortirsa re<strong>la</strong>tion thérapeutique <strong>de</strong> l’impasse, pour continuer à ai<strong>de</strong>r l’enfant. Noussommes confrontés autant à un problème <strong>de</strong> manque <strong>de</strong> ressources et d’expertisequ’au besoin <strong>de</strong> modifier <strong>de</strong> part et d’autre, nos mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fonctionnement.Je voudrais ici faire ressortir <strong>le</strong> besoin <strong>de</strong> faire <strong>la</strong> différence entre perfectionnementet support clinique. Le perfectionnement, souvent ponctuel, ouvre l’esprit, é<strong>la</strong>rgit<strong>le</strong>s perspectives, fait sortir <strong>de</strong> <strong>la</strong> routine, permet <strong>de</strong> rencontrer d’autresintervenants, etc., mais ça n’ai<strong>de</strong> pas à déco<strong>de</strong>r ce qui se passe quand il y aimpasse, chaos re<strong>la</strong>tionnel. Le support clinique aux intervenants lui se fait à <strong>la</strong>petite semaine, car son objectif est <strong>de</strong> faire en sorte que <strong>la</strong> « re<strong>la</strong>tion correctrice »ne soit pas mise K.O. Le perfectionnement ne peut pas remp<strong>la</strong>cer <strong>le</strong> supportclinique.Régie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 21


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiqueLe support clinique, d’un autre côté, ne règ<strong>le</strong> pas tout. Le « b<strong>le</strong>ssé re<strong>la</strong>tionnel »,vous <strong>le</strong> savez, si nous regardons <strong>le</strong>ur parcours, ont souvent affaire à plusieursintervenants en succession et/ou en même temps, passe souvent d’un système àl’autre, etc. Ceci est inévitab<strong>le</strong> et souvent nécessaire. Vous vous ren<strong>de</strong>z compte quece<strong>la</strong> pose tout un problème cependant pour <strong>la</strong> « re<strong>la</strong>tion correctrice » dont ils onttant besoin. À notre insu, nous pouvons renforcer <strong>le</strong>ur perception qu’ils ne peuventse fier à personne : nous faisons alors partie du problème plutôt que <strong>de</strong> <strong>la</strong> solution.Permettez-moi <strong>de</strong> comparer <strong>le</strong> travail <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tion d’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’intervenant à unecourse. Le « b<strong>le</strong>ssé re<strong>la</strong>tionnel » y met <strong>de</strong>s obstac<strong>le</strong>s, l’intervenant <strong>le</strong>s surmonte, <strong>la</strong>re<strong>la</strong>tion continue et progressivement <strong>le</strong> pouvoir réparateur <strong>de</strong> cette re<strong>la</strong>tion prendp<strong>la</strong>ce. C’est ce que j’appel<strong>le</strong>rais <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> <strong>de</strong> course à obstac<strong>le</strong> : <strong>le</strong> support cliniquey prend alors tout son sens.Si vous observez l’organisation <strong>de</strong> nos services cependant, force est <strong>de</strong> constaterque souvent c’est <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> course à re<strong>la</strong>is qui est privilégié : une premièreévaluation est faite par l’un, <strong>le</strong> suivi par l’autre, il y a mutation <strong>de</strong> poste, un autreprend <strong>la</strong> relève, etc., l’équipe <strong>de</strong> base n’y arrive plus, nous passons <strong>le</strong> dossier et <strong>la</strong>personne avec à l’équipe spécialisée, <strong>la</strong> personne en besoin est confiée à <strong>de</strong>sintervenants en interne, puis <strong>le</strong>s intervenants en externe prennent <strong>la</strong> relève, l’enfantva passer d’un foyer à l’autre, etc. Dans ce modè<strong>le</strong> <strong>de</strong> course à re<strong>la</strong>is, nous nouspassons <strong>la</strong> personne en besoin <strong>de</strong> l’un à l’autre. Un dossier, ça se passe – unere<strong>la</strong>tion, non. Le problème s’accentue davantage si nous regardons <strong>le</strong>fonctionnement <strong>de</strong>s différents réseaux : <strong>le</strong> sco<strong>la</strong>ire, <strong>la</strong> justice, <strong>le</strong> psychosocial, <strong>la</strong>protection <strong>de</strong> <strong>la</strong> jeunesse, <strong>le</strong> médical, <strong>la</strong> pédopsychiatrie, <strong>la</strong> réadaptation, etc.Chaque réseau a ses propres façons <strong>de</strong> faire, ses règ<strong>le</strong>s et a tendance à opérerindépendamment l’un <strong>de</strong> l’autre. Nous sommes bien organisés, structurés, chacun àRégie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 22


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiquesa tâche et ça rou<strong>le</strong>, pour <strong>le</strong> système peut-être; ceux qui sont <strong>le</strong>s plus vulnérab<strong>le</strong>s nes’en tirent pas toujours si bien.Je n’é<strong>la</strong>borerai pas davantage. Pour moi, il est très c<strong>la</strong>ir qu’il y a un écart importantentre ce que nous savons individuel<strong>le</strong>ment et ce que nous faisons col<strong>le</strong>ctivement.Nous avons comme société un problème d’ordre éthique que nous <strong>de</strong>vons abor<strong>de</strong>rsi nous voulons prendre mieux soin <strong>de</strong>s plus vulnérab<strong>le</strong>s.J’ai l’impression que <strong>de</strong>s fois nous nous comportons comme <strong>de</strong>s ingénieurs quiconstruiraient <strong>de</strong>s ponts <strong>sans</strong> tenir compte <strong>de</strong>s lois <strong>de</strong> <strong>la</strong> gravité. Dans notre cas,malheureusement, ce ne sont pas <strong>de</strong>s ponts qui s’écrou<strong>le</strong>nt…Il y a cependant <strong>de</strong> l’espoir. Ce que nous faisons et comment nous <strong>le</strong> faisonsdépend col<strong>le</strong>ctivement <strong>de</strong> nous. Nous pouvons récupérer notre pouvoir. Nouspouvons changer nos façons <strong>de</strong> faire, ce sont <strong>le</strong>s nôtres.Nous sommes une petite région, un petit groupe. Serait-ce rêver en cou<strong>le</strong>ur <strong>de</strong>penser que nous pourrions nous donner un moyen, un lieu, un espace où <strong>de</strong>s gens<strong>de</strong>s divers milieux qui se préoccupent du bien-être <strong>de</strong>s plus b<strong>le</strong>ssés et qui ont <strong>de</strong>l’influence sur <strong>le</strong>s décisions qui se prennent, pourraient échanger entre eux au sujet<strong>de</strong>s contraintes auxquel<strong>le</strong>s ils sont soumis, chacun <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur côté, <strong>de</strong> sorte que chacunpourrait avoir une plus gran<strong>de</strong> compréhension <strong>de</strong>s difficultés <strong>de</strong>s autres et pourraitregar<strong>de</strong>r quel<strong>le</strong>s modifications apporter dans <strong>le</strong>s décisions re<strong>le</strong>vant d’eux afind’améliorer <strong>le</strong>s chances <strong>de</strong> réussite <strong>de</strong> nos interventions auprès <strong>de</strong>s plusvulnérab<strong>le</strong>s.Régie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 23


Conférence : <strong>Chaos</strong> <strong>sans</strong> K.O. : Le défi <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>dite</strong> thérapeutiqueEn terminant, je voudrais vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> retenir <strong>de</strong>ux choses : <strong>la</strong> première, c’estque <strong>le</strong>s intervenants ont une tâche exigeante, diffici<strong>le</strong>, dangereuse et jamaiscomplétée : <strong>le</strong> support exigé pour remplir cette tâche est insuffisant. Ils sont euxaussi victimes <strong>de</strong> négligence jusqu’à un certain point. Nous <strong>de</strong>vons <strong>le</strong> reconnaîtreet y remédier.La <strong>de</strong>uxième chose, c'est que <strong>le</strong>s intervenants font un travail admirab<strong>le</strong>. Je suisémerveillé par <strong>le</strong> cœur qu’ils mettent à l’ouvrage. Je <strong>le</strong>ur dis : "Bravo" ! Quandvous quittez un <strong>de</strong> vos clients, si vous pouvez vous faire <strong>la</strong> réf<strong>le</strong>xion suivante : "aumoins, il pourra dire que j'ai essayé tant que j'ai pu", c'est, "mission accomplie".N'oubliez pas que dans notre travail clinique, nous ne sommes pas obligés <strong>de</strong>réussir mais d'essayer.Je vous remercie <strong>de</strong> votre attention.Régie régiona<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s services sociaux (02) – Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique Page 24

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