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Projet de film documentaire en stéréoscopie ... - Philip Beesley

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SYLVA<strong>Projet</strong> <strong>de</strong> <strong>film</strong> <strong>docum<strong>en</strong>taire</strong> <strong>en</strong> stéréoscopieRapport <strong>de</strong> recherche et synopsis<strong>Philip</strong>pe Baylaucq — Février 2013


SYLVA<strong>Projet</strong> <strong>de</strong> <strong>film</strong> <strong>docum<strong>en</strong>taire</strong> <strong>en</strong> stéréoscopieRapport <strong>de</strong> recherche et synopsis<strong>Philip</strong>pe Baylaucq — Février 2013


ésuméUn petit groupe <strong>de</strong> g<strong>en</strong>s remarqUABLes explore<strong>de</strong> noUVeLLes réalités spatiales à l’intersection<strong>de</strong> l’architecture et <strong>de</strong>s domaines numériques<strong>de</strong> l’inteLLig<strong>en</strong>ce artificieLLe.À cheval <strong>en</strong>tre l’art et la recherche sci<strong>en</strong>tifique, ces formes étranges nousinterpell<strong>en</strong>t. Cette architecture quasi vivante nous t<strong>en</strong>d la main et nous toucheau plus profond. Elle parle à notre corps, elle taquine nos s<strong>en</strong>s, elle annoncel’av<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> l’architecture <strong>de</strong> <strong>de</strong>main.Pourquoi ce travail extraordinaire a-t-il été imaginé ?Qui l’a exécuté et comm<strong>en</strong>t ?Sylva, un <strong>docum<strong>en</strong>taire</strong> 3D stéréoscopique, nous plonge dans l’univers d’unartiste étonnant qui poursuit, avec un groupe <strong>de</strong> collaborateurs tal<strong>en</strong>tueux,une av<strong>en</strong>ture innovante, singulière et inspirée.Sol Hylozoïque : Champ AlamedaMexico, Mexique, 2010


Table <strong>de</strong>s matièresINTRODUCTION 2note D’INTENTION 6VUE D’ENSEMBLE 10Placer le sujet dans un contexte général 10Placer l’œuvre dans un contexte culturel 12Mettre l’œuvre <strong>en</strong> rapport avec ses racines architecturales 13Idées maîtresses 14L’architecture et les formes platonici<strong>en</strong>nes 16L’architecture et les nouveaux paradigmes 17Vers une architecture organique 18Architecture et hylozoïsme 20L’architecture et le corps 23L’architecture sans frontières 24INSPIRATION 27Événem<strong>en</strong>t décl<strong>en</strong>cheur 27PROPOSITION 38La réponse <strong>de</strong> l’artiste 38SYNOPSIS 49Prés<strong>en</strong>ter l’élém<strong>en</strong>t humain 49Montrer l’œuvre 52Récit <strong>de</strong> la r<strong>en</strong>contre 56Conclusion 64


2 INTRODUCTIONÀ quoi assistons-nous ?À la création d’un universsculptural interactif.Qui suivons-nous ?Son créateur principal,<strong>Philip</strong> <strong>Beesley</strong>, et ses collaborateurs.Où cela se déroule-t-il ?Au cœur <strong>de</strong> l’œuvre elle-même,dans l’atelier et ailleurs,<strong>en</strong> territoire national et international.Quel est cet objet que nous voyons ?Une œuvre d’art quasi vivante.Pourquoi l’a-t-on créée ?Pour nous inciter à imaginer<strong>de</strong> nouvelles formes d’architecture.En quoi consiste ce travail ?Terre Hylozoïque est un <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t immersif interactif. Elle faitPARtie <strong>de</strong> la Série Hylozoïque <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> <strong>Philip</strong> <strong>Beesley</strong>. Dix-huitéditions* <strong>de</strong> l’œuvre ont été prés<strong>en</strong>tées dans une douzaine <strong>de</strong> pays<strong>de</strong>puis cinq ans.* Les projets réalisés <strong>de</strong>puis 2007 inclu<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s installations à Madrid, Moscou, Linz, Ensche<strong>de</strong>, Bruxelles, New York, Los Angeles, La Nouvelle-Orléans,Mexico et Cop<strong>en</strong>hague. En 2010, <strong>Philip</strong> Beelsey Architects a été choisi pour représ<strong>en</strong>ter le Canada à la Bi<strong>en</strong>nale d’architecture <strong>de</strong> V<strong>en</strong>ise. Les réalisationsréc<strong>en</strong>tes inclu<strong>en</strong>t une exposition perman<strong>en</strong>te au Leonardo, Musée <strong>de</strong>s sci<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> Salt Lake City, <strong>en</strong> Utah, et l’exposition Sargasso au Festival Luminato<strong>de</strong> Toronto <strong>en</strong> 2011. En 2012, <strong>de</strong>s expositions ont eu lieu à Edmonton, Madrid, Wellington et Sydney. Le travail <strong>de</strong> <strong>Beesley</strong> a été salué dans <strong>de</strong>s revuesspécialisées telles que Wired et Mark, ainsi que sur la page frontispice <strong>de</strong> Leonardo et <strong>de</strong> Artificial Life. Les distinctions internationales reconnaissant letravail <strong>de</strong> <strong>Beesley</strong> inclu<strong>en</strong>t la RAIC Allied Arts Medal, le Prix <strong>de</strong> Rome (Canada). FEIDAD, VIDA11.0, et ACADIA Emerging Digital Practic.


4 INTRODUCTIONINTRODUCTION 5Le titre <strong>de</strong> l’œuvre d’art fait référ<strong>en</strong>ceà l’hylozoïsme, une anci<strong>en</strong>ne croYAnce selonLAquelle toute matière possè<strong>de</strong> la vie.Hylozoic Soil, Madrid, Espagne, 2009Lors <strong>de</strong> la douzième Bi<strong>en</strong>nale d’architecture <strong>de</strong> V<strong>en</strong>ise <strong>en</strong>2010, Terre Hylozoïque a transformé le pavillon canadi<strong>en</strong><strong>en</strong> un <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t immersif interactif combinant <strong>de</strong>sdizaines <strong>de</strong> milliers <strong>de</strong> composantes légères fabriquées numériquem<strong>en</strong>t,dotées <strong>de</strong> microprocesseurs et <strong>de</strong> s<strong>en</strong>seursmaillés. Cette forêt artificielle, fragile comme du verre, estconstituée d’un treillis complexe <strong>de</strong> raccords acryliques transpar<strong>en</strong>ts<strong>en</strong>trelacés et recouverts d’un réseau <strong>de</strong> feuilles, tigeset filtres mécaniques interactifs. Tel un récif <strong>de</strong> coraux, cet<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t suit <strong>de</strong>s cycles d’ouverture, <strong>de</strong> fermeture, <strong>de</strong>filtrage et <strong>de</strong> digestion. Des maillages <strong>de</strong> capteurs tactilescré<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s vagues <strong>de</strong> mouvem<strong>en</strong>ts respiratoires diffus, conçuspour attirer les visiteurs dans les profon<strong>de</strong>urs chatoyantesd’une forêt <strong>de</strong> lumière.Terre Hylozoïque ouvre la voie à une nouvelle génération d’architecture vivante et interactive. L’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> TerreHylozoïque se compare à un géotextile susp<strong>en</strong>du qui assimileraitgraduellem<strong>en</strong>t un sol hybri<strong>de</strong> à partir d’ingrédi<strong>en</strong>tstirés du milieu ambiant. Une intellig<strong>en</strong>ce artificielle intégrée,semblable à celle <strong>de</strong>s systèmes vivants, permet aux humainsd’interagir avec cet <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t et d’y décl<strong>en</strong>cher <strong>de</strong>smouvem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> respiration, <strong>de</strong> caresse et <strong>de</strong> déglutition,ainsi que <strong>de</strong>s échanges métaboliques hybri<strong>de</strong>s. Ces mouvem<strong>en</strong>tsempathiques éman<strong>en</strong>t d’un conglomérat <strong>de</strong> valveset <strong>de</strong> pores cinétiques. Comme autant <strong>de</strong> vagues péristaltiques,ils cré<strong>en</strong>t un pompage diffus qui tire l’air, l’humidité etles matières organiques éparses à travers les membraneshylozoïques filtrantes. Ces échanges chimiques vivants sontvus comme étant les premières étapes <strong>de</strong>s fonctions autogènesqui pourrai<strong>en</strong>t, dans l’av<strong>en</strong>ir, pr<strong>en</strong>dre racine à l’intérieurmême <strong>de</strong> l’architecture.


6 NOTE D’INTENTION NOTE D’INTENTION 7ORA, danseurs captés <strong>en</strong> thermographie HD stéréoscopique, 2011Endothelium, Los Angeles, Californie, 2008Pourquoije voudrais réaliserun <strong>film</strong> surce sujet ?L‘expéri<strong>en</strong>ce sur mon réc<strong>en</strong>t <strong>film</strong> ORA, produit et lancépar l’Office national du <strong>film</strong> du Canada <strong>en</strong> 2011, a été à lafois pr<strong>en</strong>ante et excitante. Excitante parce que j’ai eu lachance <strong>de</strong> me remplir les yeux <strong>de</strong>s possibilités remarquableset <strong>en</strong>core inexploitées <strong>de</strong> l’écriture d’une histoire dansun espace virtuel. Depuis l’achèvem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ORA, je cherchaisune histoire appropriée pour la suite, tout <strong>en</strong> sachantbi<strong>en</strong> que peu <strong>de</strong> sujets conv<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t à l’approche exploratoireque j’<strong>en</strong>visageais.De passage à Toronto, à l’occasion du lancem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> mon<strong>film</strong> ORA au TIFF, j’ai repris contact avec un vieil ami, l’architecteet artiste <strong>Philip</strong> <strong>Beesley</strong>. J’étais loin <strong>de</strong> me douteralors que cette r<strong>en</strong>contre amicale allait donner lieu à unevéritable révélation artistique. Lorsque je suis <strong>en</strong>tré dansl’imm<strong>en</strong>se espace <strong>de</strong> son atelier <strong>de</strong> la rue Sterling, j’ai ress<strong>en</strong>tila fulgurance d’une belle découverte. Je v<strong>en</strong>ais <strong>de</strong>trouver le sujet <strong>de</strong> mon prochain <strong>film</strong> <strong>en</strong> stéréoscopie 3D.


8 NOTE D’INTENTION NOTE D’INTENTION 9Atelier <strong>Beesley</strong>, Toronto, CanadaC’est l’histoire<strong>de</strong> QUOI ?<strong>Beesley</strong> est un architecte qui utilise lasculpture pour explorer et interrogerl’av<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> l’architecture. Poussant toujoursplus loin les limites <strong>de</strong> ses investigations,son travail évolue d’édition <strong>en</strong>édition <strong>de</strong>puis déjà une dizaine d’années.Sa proposition n’est pas utilitaire, elleest artistique. Dans une certaine mesure,il s’agit d’une architecture <strong>de</strong>hasard et d’imprévisibilité. Elle estconçue et construite à partir <strong>de</strong> plans,mais ceux-ci boug<strong>en</strong>t <strong>de</strong> manière organique.Les choses évolu<strong>en</strong>t et pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>tforme, graduellem<strong>en</strong>t, étape parétape, comme cela arrive naturellem<strong>en</strong>tdans le processus <strong>de</strong> créationd’une œuvre d’art.Le <strong>film</strong> que nous souhaitons réaliser,Sylva, mettra <strong>en</strong> lumière une démarche<strong>de</strong> création unique. Il mettra <strong>en</strong> scène<strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s qui inv<strong>en</strong>teront avec leur espritet avec leurs mains un univers spécialem<strong>en</strong>tconçu pour le cinéma 3D.Le récit nous permettra <strong>de</strong> suivre lecréateur principal, <strong>Philip</strong> <strong>Beesley</strong>, etun groupe dynamique <strong>de</strong> collaborateurstravaillant aux nombreuses facettesdu projet. Leur prés<strong>en</strong>ce humainese démarquera à travers <strong>de</strong>s<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>ts visuellem<strong>en</strong>t saisissants.Les yeux 3D <strong>de</strong> la caméra trouverontcontinuellem<strong>en</strong>t les manièresd‘étonner, grâce aux riches sous-textesvisuels, porteurs <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s et <strong>de</strong> poésie.De ses origines anci<strong>en</strong>nes et mystérieusesà Rome, à la haute voltigetechno logique <strong>de</strong> sa mise <strong>en</strong> espacedans le studio <strong>de</strong> Toronto et à traversle mon<strong>de</strong>, la série Terre Hylosoïque etSylva, sa mouture prévue pour le <strong>film</strong>,appell<strong>en</strong>t une approche cinématographiqueoriginale.Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> sa dim<strong>en</strong>sion « <strong>en</strong>quête surla création d’une œuvre », Sylva, uneœuvre <strong>film</strong>ique <strong>en</strong> soi, sera donc unobjet cinématographique autoportant,un <strong>film</strong> innovateur.Pourquoi est-ce le bon sujet ?Parce qu’il est original : visuellem<strong>en</strong>t, sa thématique riche constitueun formidable défi technique. Il se passe là quelque chose <strong>de</strong>noVAteur et <strong>de</strong> mystérieux que je désire explorer cinématographiquem<strong>en</strong>t.Le <strong>docum<strong>en</strong>taire</strong> Sylva fera le pont <strong>en</strong>tre les disciplinessci<strong>en</strong>tifique et artistique, soulignant cette complém<strong>en</strong>taritéqui donne forme au travail <strong>de</strong> <strong>Beesley</strong>. Le <strong>film</strong> célèbreraainsi la nature hybri<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’approche formelle et esthétique<strong>de</strong> l’artiste.Le <strong>docum<strong>en</strong>taire</strong> Sylva fera le pont <strong>en</strong>tre différ<strong>en</strong>tes géographies,l’œuvre sera issue <strong>de</strong>s caractéristiques contrastées<strong>de</strong> lieux disparates, naturels comme urbains, chacuncontribuant au récit. Établie sur plusieurs contin<strong>en</strong>ts, elleracontera une histoire universelle.Installation <strong>de</strong> Protocell Field, Rotterdam, Pays Bas, 2012Le <strong>docum<strong>en</strong>taire</strong> Sylva sera un tremplin vers l’av<strong>en</strong>ir, l’œuvreremettra <strong>en</strong> question certaines idées reçues à propos <strong>de</strong>la nature <strong>de</strong>s espaces architecturaux où nous pourrions vivreet travailler dans l’av<strong>en</strong>ir. Tout <strong>en</strong> reconnaissant l’influ<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>l’art et <strong>de</strong> l’architecture du passé, le <strong>film</strong> proposera une vision<strong>de</strong> l’architecture <strong>de</strong> l’av<strong>en</strong>ir à travers l’innovation technique,l’expérim<strong>en</strong>tation et les concepts visionnaires prés<strong>en</strong>ts dansl’œuvre.


10 VUE D’ENSEMBLE VUE D’ENSEMBLE 11Sibyl, Sydney, Australie, 2012Placer le sujet dans un contexte généralQuelle est la nature<strong>de</strong> cette œuvre ?Elle est hybri<strong>de</strong>Comm<strong>en</strong>t compr<strong>en</strong>dre et classer une structure construite ?En tant qu’objet, l’œuvre relève d’une palette <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s élargie où :> L’humanité n’est jamais divorcée <strong>de</strong> la nature.> On perçoit la nature comme incluant les rapports mécaniques.> Les formes et structures <strong>de</strong>s composantes mécaniques et électroniques réfèr<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t à l’organique.> L’œuvre échappe à la catégorisation parce qu’elle est hybri<strong>de</strong> et <strong>en</strong> constante évolution.


12 VUE D’ENSEMBLE VUE D’ENSEMBLE 13Placer l’œuvredans un contexte culturelMettre l’œuvre <strong>en</strong> rapportavec ses racines architecturalesD’où émanecette architecture ?De quoiPARLe cette œUVRe ?eLLe està l’intersection<strong>de</strong> la sci<strong>en</strong>ceet <strong>de</strong> l’artEn tant que forme d’architecture, <strong>en</strong>tant qu’œuvre d’art post-humaniste :> L’œuvre se situe aux limites <strong>de</strong> sondomaine.> Elle exprime le vertige <strong>de</strong>s technologies<strong>en</strong> émerg<strong>en</strong>ce dans une èrepost-humaniste.> elle émane <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux champs d’interactionet d’impact : la nature et lasci<strong>en</strong>ce d’un côté, l’art et la culture<strong>de</strong> l’autre.Bi<strong>en</strong> qu’inSPiréePAR le passé, ellePARLe <strong>de</strong> l’AV<strong>en</strong>irEn tant qu’<strong>en</strong>semble d’<strong>en</strong>quêtes phénoménologiqueset esthétiques, la sérieTerre Hylozoïque s’intéresse à <strong>de</strong>s <strong>en</strong>jeuxconcernant l’architecture.D’emblée, elle poseles questions suivantes :> <strong>de</strong> quoi sera faite l’architecture<strong>de</strong> l’av<strong>en</strong>ir ?> dans quels types d’espacespourrions-nous vivre un jour ?Pour répondre à ces questions, l’œuvreest à la fois une recherche artistique etintellectuelle qui imagine <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong>technologies vivantes. Elle propose auvisiteur une expéri<strong>en</strong>ce tout à fait unique.En tant que prototype <strong>de</strong> l’architecturedu futur, l’œuvre est sculpturale et<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tale. Elle est conçue àl’échelle d’un espace donné, et sollicitel’att<strong>en</strong>tion <strong>de</strong>s visiteurs individuels ou<strong>en</strong> petits groupes. L’œuvre interpelle levisiteur par une relation émotionnelle,esthétique, spatiale et cinétique. Surplace, le visiteur vit l’expéri<strong>en</strong>ce d’unéchange s<strong>en</strong>suel avec l’œuvre. Elle luipermet d’<strong>en</strong>trevoir les possibilités <strong>de</strong>formes d’architectures interactives,dotées <strong>de</strong> la capacité <strong>de</strong> ress<strong>en</strong>tir.Sibyl, Sydney, Australie, 2012Dans les processus créatifs <strong>de</strong> laconception, <strong>de</strong> la fabrication et <strong>de</strong> laprés<strong>en</strong>tation <strong>de</strong> l’œuvre, ces champsne sont pas perçus comme opposésmais plutôt comme <strong>de</strong>s cadres<strong>de</strong> référ<strong>en</strong>ce et <strong>de</strong>s domaines d’action<strong>en</strong> converg<strong>en</strong>ce.L’œuvre artistique à porter à l’écranpeut ainsi être vue à travers plusieursprismes. Un <strong>film</strong> sur le travail <strong>de</strong> <strong>Beesley</strong>portera autant sur la sci<strong>en</strong>ce quesur l’art et l’architecture. Le <strong>film</strong> traite raaussi <strong>de</strong> questions philosophiques etéthiques soulevées par les rapports<strong>en</strong>tre la vie et la technologie, les humainset les machines, le corps et lamatière synthétique.Détail du retable d’Iss<strong>en</strong>heim <strong>de</strong> Grünewaldfin 15 e siècle


14 Idées maîtressesAtelier <strong>Beesley</strong>, Toronto, CanadaLa section suivante résume les gran<strong>de</strong>s lignes thématiques,les quatre idées maîtresses <strong>de</strong> l’œuvre et du <strong>film</strong> Sylva :> L’idée que dans un mon<strong>de</strong> numérique <strong>en</strong> pleine effervesc<strong>en</strong>ce,ce qui définissait jadis les normes architecturalespuisse être réinv<strong>en</strong>té, reformulé. D’anci<strong>en</strong>s paradigmestomb<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> nouveaux paradigmes émerg<strong>en</strong>t…> L’idée que la matière inerte puisse être dotée d’une certain<strong>en</strong>otion <strong>de</strong> vie.Qu’une forme d’architecture vivante puisse un jour exister.> L’idée que l’architecture puisse être <strong>en</strong> rapport direct etactif avec le corps humain.> L’idée que cette architecture puisse être, dorénavant, sansfrontières rectilignes. L’espace qu’elle définit autour <strong>de</strong> sesoccupants serait dorénavant un réel espace d’échangephysiologique.Pourquoi faut-il raconter cette histoire ?Parce que le travail <strong>de</strong> <strong>Beesley</strong>et <strong>de</strong> son équipe nous met au défi <strong>de</strong> revoiret <strong>de</strong> redéfinir notre rapport à l’eSPAce, notrerapport au mon<strong>de</strong> bâti tel que nous leconnaissons.Voyons comm<strong>en</strong>t…


16 Idées maîtresses Idées maîtresses 17L’architecture et les formes platonici<strong>en</strong>nesPrémiSSe : Les formes<strong>de</strong> l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t bâtitraditionnel noUS serv<strong>en</strong>teLLessi bi<strong>en</strong> que ceLA ?Dans le mon<strong>de</strong> qui nous a vus grandir, dans la culture quinous a nourris, il existe une forme d’orgueil dans le décapage<strong>de</strong> la couche organique <strong>de</strong> terre, le défrichage d’unespace où bâtir, à partir <strong>de</strong> ri<strong>en</strong>, <strong>de</strong> manière assumée etautoritaire. En créant cet espace que nous appelons chezsoi, l’instinct territorial, une prérogative mâle souv<strong>en</strong>t synonyme<strong>de</strong> solidité – nous posons les fondations <strong>de</strong> cet<strong>en</strong>racinem<strong>en</strong>t.Dans bon nombre <strong>de</strong> cultures et <strong>de</strong> nations, on pr<strong>en</strong>d lamesure d’un orgueil national par la construction d’une sociétéséculière, mo<strong>de</strong>rne, citoy<strong>en</strong>ne. Un mon<strong>de</strong> exist<strong>en</strong>tiel,qu’on ress<strong>en</strong>t, comme indép<strong>en</strong>dant <strong>de</strong> la nature.Mais peut-on réellem<strong>en</strong>t atteindre une telle indép<strong>en</strong>dance ?C’est une chose <strong>de</strong> minimiser notre empreinte, c’<strong>en</strong> estune très différ<strong>en</strong>te <strong>de</strong> nous couper complètem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> lanature parce que nos principes d’architecture vis<strong>en</strong>t avanttout la sécurité, la fermeture aux hasards du mon<strong>de</strong> naturel.Avec le temps, cela a produit <strong>de</strong>s formes d’architecturequi isol<strong>en</strong>t les humains les uns <strong>de</strong>s autres et les humainsdu bâti.Cet orgueil issu <strong>de</strong> l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t bâti et <strong>de</strong> sa rigiditécaractéristique, célèbre la prés<strong>en</strong>ce, l’hubris et la dominance<strong>de</strong>s humains. Dans ce contexte polarisé, l’humanitéoccupe le sommet dans un mon<strong>de</strong> façonné selon l’idéalplatonici<strong>en</strong> <strong>de</strong>s formes et <strong>de</strong>s volumes géométriques parfaitstels les cubes, les pyrami<strong>de</strong>s, les sphères.Par exemple, la sphère est un modèle d’affirmation pur,réducteur, transc<strong>en</strong>dantal. Une forme cristalline idéale, lasphère possè<strong>de</strong> une clarté et une simplicité lumineuse danssa volumétrie. Elle <strong>en</strong>ferme un maximum <strong>de</strong> territoire, aumoy<strong>en</strong> d’une surface minimale.La sphère, par contre, est aussi une machine qui résisteà l’échange...Aucune autre forme ne permet moins d’interaction avecle mon<strong>de</strong> <strong>en</strong>vironnant que la sphère. Elle est au c<strong>en</strong>tre d’unprogramme d’affirmation territoriale et <strong>de</strong> repli déf<strong>en</strong>sif. Elleoccupe un espace déterminé et résiste à la pénétration.Ainsi, une désespérante insécurité s’installe parce que, inévitablem<strong>en</strong>t,l’échange est difficile et quelque chose se per<strong>de</strong>n cours <strong>de</strong> route.L’architecture et les nouveaux paradigmesPropositionImaginons un programme différ<strong>en</strong>t, fondé sur l’interactionet l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t, l’échange et l’oscillation. Visualisons unordre du jour qui propose <strong>de</strong>s exemples <strong>de</strong> matrices ouvertes,dans la quête d’un <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t maximum, et plus radicalem<strong>en</strong>t,avec le mon<strong>de</strong>. Une proposition qui ne vise pasà créer <strong>de</strong> l’intelligibilité à tout prix, sur fond d’orgueil, maisqui veut plutôt nous surpr<strong>en</strong>dre et nous toucher avec <strong>de</strong>smilliers <strong>de</strong> petits contacts, à travers l’imbrication dans <strong>de</strong>sespaces complexes et fertiles.Il s’agit d’une architecture dont le propos n’est pas l’expansion,mais plutôt l’échange.<strong>Philip</strong> <strong>Beesley</strong> et son équipe imagin<strong>en</strong>t ces formes alternativesd’architecture.Par l’exploration d’options qui sont à la fine pointe <strong>de</strong> la recherche,<strong>Beesley</strong> t<strong>en</strong>te <strong>de</strong> découvrir <strong>de</strong> nouveaux mo<strong>de</strong>s<strong>de</strong> relations au mon<strong>de</strong>. Il démontre comm<strong>en</strong>t les bâtim<strong>en</strong>ts<strong>de</strong> l’av<strong>en</strong>ir pourrai<strong>en</strong>t bouger, et même ress<strong>en</strong>tir et p<strong>en</strong>ser. Iltrace le portrait <strong>de</strong> possibilités vibrantes et d’exaltantes nouvellesrelations <strong>en</strong>tre les humains et leurs espaces <strong>de</strong> vie.Construites à partir <strong>de</strong> matériaux inertes, ses créations explor<strong>en</strong>tla possibilité que les choses pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t vie, que lesmatériaux puiss<strong>en</strong>t savoir et répondre, que l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tsoit à l’écoute, que l’espace <strong>en</strong>tre <strong>en</strong> relation avec nous.Une forme d’architecture qui n’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>t pas un rapportservile, puisqu’il s’agit d’une <strong>en</strong>tité avec laquelle nous pourrionsmême <strong>en</strong>trer <strong>en</strong> conversation.Il s’agit d’une architecture dont le proposn’est pas l’expansion, mais plutôt l’échange


18 Idées maîtressesIdées maîtresses 19Vers une architecture organiqueVoici un espace formé par l’assemblage<strong>de</strong> petits espaces conting<strong>en</strong>ts, chacunconstituant une pochette conçuepour l’échange. La réunion <strong>de</strong> formessemblables à <strong>de</strong>s villages, <strong>en</strong> réseau,comme sur une carte, invite au contact.Dans l’œuvre, on célèbre l’architecturecomme une ext<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> la nature.Les matériaux inertes <strong>de</strong>s composantespr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t vie grâce au jeu <strong>de</strong> la lumière,<strong>de</strong> l’ombre, du mouvem<strong>en</strong>t et <strong>de</strong>la profon<strong>de</strong>ur.Au sein <strong>de</strong> l’œuvre, partout où on posele regard, les formes, les mouvem<strong>en</strong>tset les impressions <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur sembl<strong>en</strong>tbrouiller la division traditionnelle<strong>en</strong>tre le royaume <strong>de</strong> l’organique et dutechnologique, <strong>en</strong>tre la nature et l’architecture.Dans ces métabolismes distribués, cesvolumes formant un filet, circule <strong>de</strong>l’empathie. En propageant <strong>de</strong>s vagues,ils sembl<strong>en</strong>t communiquer. Ces groupem<strong>en</strong>ts<strong>de</strong> formes diffuses offr<strong>en</strong>t unmaximum <strong>de</strong> réticulation, d’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>tet <strong>de</strong> création <strong>de</strong> passerelles avec l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t.De fait, ils <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>tl’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t.Mais notons que par nature, les formesdiffuses sont grotesques, souv<strong>en</strong>t baroques,excessives et irrésolues, puissanteset, par-<strong>de</strong>ssus tout, bouillonnantesd’histoires et <strong>de</strong> possibilités ouvertes.Sol Hylozoïque : Champ AlamedaMexico, Mexique, 2010Loin <strong>de</strong> l’ordreidéal platoniqueet <strong>de</strong>s polaritésmaniché<strong>en</strong>nes,le travail <strong>de</strong><strong>Beesley</strong> célèbrePLUtôt un rapportcyclique. Il favoriseune dynamiquequi oscille <strong>en</strong>treLA croissance etLA décomposition,l’effloresc<strong>en</strong>ceet la putridité,LA précision etle débor<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t,l’économie et l’excès,le z<strong>en</strong> et leBARoque.Détail du retable d’Iss<strong>en</strong>heim <strong>de</strong> Grünewaldfin 15 e siècle


20 idées maîtressesIdées maîtresses 21Bassin volcanique, Rotorua, Nouvelle-Zélan<strong>de</strong>Architecture et hylozoïsmePrémiSSe : qu’est-ce qui est viVAntet qu’est-ce qui ne l’est pas ?L’hylozoïsme recadre la question <strong>de</strong> la définition <strong>de</strong> la vie :> la vie surgit <strong>de</strong> la matière> la vie est inséparable <strong>de</strong> la matièreAu comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la vie sur cette planète,comm<strong>en</strong>t la matière a-t-elle acquis la vie ?Comm<strong>en</strong>t la vie a-t-elle surgi <strong>de</strong> la chimie terrestre,<strong>de</strong> la soupe primordiale ?À l’av<strong>en</strong>ir, comm<strong>en</strong>t la matière inerte pourrait-elle <strong>de</strong>v<strong>en</strong>irvivante ?Est-ce qu’une vie synthétique pourrait émerger<strong>de</strong> technologies spécialisées ?Est-ce possible et si oui, quelles formespourrait-on imaginer ?Qu’est-ce que ceLA signifie pourl’architecture <strong>de</strong> l’AV<strong>en</strong>iR ?De quelle manière l’œuvre est-elle inspirée <strong>de</strong> ces questionnem<strong>en</strong>ts? Les matériaux provi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>de</strong> sources diverses,et se réfèr<strong>en</strong>t, dans certains cas, à <strong>de</strong>s instrum<strong>en</strong>ts et <strong>de</strong>smo<strong>de</strong>s d’action biomédicaux. Ces matériaux émett<strong>en</strong>t etréfléchiss<strong>en</strong>t la lumière. Toutes les composantes sont synthétiques,métalliques ou liqui<strong>de</strong>s. En majeure partie, ellessont inertes. Pourtant, combinées comme elles le sont dansl’installation, elles donn<strong>en</strong>t nettem<strong>en</strong>t l’impression d’êtrevivantes.Une forme d’hylozoïsme est donc déjà à l’œuvre, même<strong>de</strong> façon indirecte, par suggestion, par illusion, par métaphore.Configuré dans un univers <strong>en</strong> appar<strong>en</strong>ce organique,alim<strong>en</strong>té par l’électricité et géré par ordinateur, l’hylozoïsmeest prés<strong>en</strong>t dans cet objet artificiel. Il nous faitcroire qu’il répond vraim<strong>en</strong>t, qu’il est <strong>en</strong> un s<strong>en</strong>s vivant.Formation organique, égoûts <strong>de</strong> Tokyo, par Naoya Hakateyama, 2000C’est vivant...mais est-ce une forme <strong>de</strong> vie ?


Idées maîtresses 23L’œuvrem’interpelle,moi etmon corpsL’architecture et le corpsPrémiSSe : Quand le corpset l’eSPAce font un> c’est une architecture <strong>de</strong> s<strong>en</strong>sibilité : l’œuvre explore lerapport <strong>en</strong>tre les humains et leur <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t bâti. Elles’intéresse à ce qui se passe quand nous pénétrons dansun espace architectural. Dans quelle mesure les composantes<strong>de</strong> cet espace réagiss<strong>en</strong>t-elles, d’une manière oud’une autre, à notre prés<strong>en</strong>ce ?> C’est une architecture <strong>de</strong> personnalisation : l’œuvre neconcerne pas tant la forme structurale que sa s<strong>en</strong>sualité.Elle n’est <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> statique ou neutre, elle n’att<strong>en</strong>d pasd’être remplie. Elle nous <strong>en</strong>veloppe, au s<strong>en</strong>s physique etmétaphorique. Elle <strong>en</strong>gage le corps et l’esprit dans unprocessus d’exploration.> C’est une architecture <strong>de</strong> proximité : elle se manifest<strong>en</strong>on pas dans une géométrie et un espace formel rectiligne,mais plutôt dans la lumière et la chaleur. L’œuvre seprojette et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que nous nous projetions. Elle va au<strong>de</strong>là<strong>de</strong> ce que l’œil peut voir, elle fonctionne avec ce quele corps <strong>en</strong>tier peut s<strong>en</strong>tir. C’est une architecture physiologique.> c’est une architecture quasi biologique : elle suggère, auplan métaphorique, les fonctionnem<strong>en</strong>ts internes du corps.Elle propose un <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t où la physiologie humaineest reflétée dans les composantes <strong>de</strong> l’espace ambiant.> c’est une architecture d’échelle ambival<strong>en</strong>te : au départ,l’œuvre semble monum<strong>en</strong>tale, elle nous <strong>en</strong>veloppe et paraîttellem<strong>en</strong>t plus gran<strong>de</strong> que nous. Paradoxalem<strong>en</strong>t, nousla ress<strong>en</strong>tons comme très intime. Chaque nœud et chaquefaisceau <strong>de</strong> la trame générale répond à l’échelle <strong>de</strong> notrepropre corps.> c’est une architecture d’interactivité : la proposition netraite pas tant <strong>de</strong>s matériaux, que <strong>de</strong> la tactilité, <strong>de</strong> la possibilité<strong>de</strong> toucher ces matériaux et <strong>de</strong> provoquer une réponse<strong>de</strong> leur part. L’œuvre est conçue pour rehausser leséchanges par le biais <strong>de</strong> va-et-vi<strong>en</strong>t physiques. Vous bougez,elle bouge. Elle bouge... vous êtes remué.


24 Idées maîtressesQu’est-ce quecet espace et oùsuis-je exactem<strong>en</strong>t?Où comm<strong>en</strong>ceet où finitl’architecture?L’architecture sans frontièresPrémiSSe : redéfinirles notions <strong>de</strong> la forme et<strong>de</strong> l’eSPAce constRUitDans son travail, <strong>Beesley</strong> cherche à faire tomber les frontières<strong>de</strong> l’architecture, littéralem<strong>en</strong>t et métaphoriquem<strong>en</strong>t.En décrivant cet espace architectural autrem<strong>en</strong>t qu’<strong>en</strong> termes<strong>de</strong> ce qui définit habituellem<strong>en</strong>t l’architecture, ses frontièresper<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> leur netteté.> d’abord, il s’agit d’un objet flou, sans limites franches ou<strong>de</strong> périmètre rectiligne.> À la différ<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s autres édifices ou espaces, on netrouve plus ici <strong>de</strong> murs, <strong>de</strong> portes ou <strong>de</strong> plafonds, et pas<strong>de</strong> fondations non plus – la structure est susp<strong>en</strong>due.> L’objet n’est pas perçu par ses surfaces matérielles, soli<strong>de</strong>s<strong>en</strong> elles-mêmes, mais plutôt par une transpar<strong>en</strong>cequi ouvre <strong>de</strong> multiples perspectives dans l’espace qu’iloccupe.> nous voyons toutes les composantes structurales. Nousavons accès à tous les mécanismes internes.> La lumière semble émaner <strong>de</strong> l’intérieur <strong>de</strong> la pièce, commesi elle sortait du cœur d’un organisme vivant, pourvu<strong>de</strong> souffle.> Ses limites, <strong>de</strong> multiples rebords complexes, définiss<strong>en</strong>tun profil qui est organique et asymétrique.> Son corps aux formes irrégulières semble <strong>en</strong>tier pourtant.Ses frontières sont à la fois une barrière et une voie<strong>de</strong> pénétration. Sa peau est perméable.Or, on peut sout<strong>en</strong>ir que l’intégrité d’un corps fermé dansune <strong>en</strong>veloppe constitue <strong>en</strong> fin <strong>de</strong> compte un facteur d’isolem<strong>en</strong>t.La non-intégrité <strong>de</strong> ce corps, son caractère poreux, l’ouvrealors à la pénétration, et ultimem<strong>en</strong>t à sa mise <strong>en</strong> réseau.Dans l’expéri<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la série Terre Hylozoïque, il y a une mise<strong>en</strong> réseau <strong>de</strong> notre imagination, avec la chaleur et le mouvem<strong>en</strong>t<strong>de</strong> notre corps, avec notre prés<strong>en</strong>ce par le toucher...Tous ces mo<strong>de</strong>s d’échange t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt vers <strong>de</strong> nouvellesformes d’architecture capables <strong>de</strong> ress<strong>en</strong>tir.Sol Hylozoïque : Champ AlamedaMexico, Mexique, 2010


INSPIRATION 27Quellesquestionsl’artistes’est-ilposées ?Événem<strong>en</strong>t décl<strong>en</strong>cheurLa section suivante effectue un survol du parcours créatif<strong>de</strong> l’artiste.Depuis le décl<strong>en</strong>chem<strong>en</strong>t du projet à Rome il y a bi<strong>en</strong>tôtvingt ans, <strong>Beesley</strong> puise dans une gamme d’expéri<strong>en</strong>cestant <strong>en</strong> archéologie, <strong>en</strong> histoire <strong>de</strong> l’art et <strong>en</strong> <strong>de</strong>sign qu’<strong>en</strong>biologie, <strong>en</strong> physique et <strong>en</strong> phénoménologie. Il va s’<strong>en</strong> inspirerpour imaginer une architecture où l’empathie et l’échangeseront au cœur <strong>de</strong> sa proposition.<strong>Philip</strong> <strong>Beesley</strong>Voyons comm<strong>en</strong>t tout cela s’est mis <strong>en</strong> place, alim<strong>en</strong>té parle travail d’<strong>en</strong>seignant universitaire <strong>de</strong> <strong>Beesley</strong>, ses nombreusescollaborations ici et à l’étranger, ses voyages à traversle mon<strong>de</strong> et, bi<strong>en</strong> sûr, sa propre recherche intellectuelle,esthétique et spirituelle.


INSPIRATION 29Événem<strong>en</strong>t décl<strong>en</strong>cheurDebout sur le sol<strong>Beesley</strong> et la croûte terrestre.La relation avec un espace comm<strong>en</strong>cepar la définition <strong>de</strong> sa propre positiondans un lieu donné.Dans les villes, où nous vivons pour laplupart, nous nous t<strong>en</strong>ons sur <strong>de</strong>s plancherscreux ou sur <strong>de</strong>s dalles <strong>de</strong> bétonou sur <strong>de</strong> l’asphalte. Nous sommesrarem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> contact direct avec le solproprem<strong>en</strong>t dit.Notre posture originale, pourtant, celleque nous avons connue tout au long <strong>de</strong>notre évolution comme espèce, am<strong>en</strong>aitnos pieds <strong>en</strong> contact direct avecla terre ou le roc. Ce contact avec lapleine terre nous fournissait une informationbi<strong>en</strong> différ<strong>en</strong>te sur notre placedans le mon<strong>de</strong> et notre <strong>en</strong>racinem<strong>en</strong>t.Debout sur le sol dans un milieu sauvagedu Bouclier canadi<strong>en</strong>, on peutpr<strong>en</strong>dre consci<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> l’int<strong>en</strong>sité <strong>de</strong> cesocle rocheux. En l’abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> toutetrace <strong>de</strong> transformation du paysagepar les humains, nous faisons l’expéri<strong>en</strong>ced’une connexion avec <strong>de</strong>s énergiestrès anci<strong>en</strong>nes. L’histoire humain<strong>en</strong>’a pas eu <strong>de</strong> prise ici. Nous pouvonsress<strong>en</strong>tir les formes d’un temps géologiquequi s’ét<strong>en</strong>d sur <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>taines<strong>de</strong> millions d’années.Dans ce contexte, le paysage est uneprés<strong>en</strong>ce imm<strong>en</strong>se, intemporelle etsouv<strong>en</strong>t bouleversante.Historiquem<strong>en</strong>t, notre société industrielle,fondée sur l’exploitation <strong>de</strong>s ressources,a traité le territoire comme uneréalité à assujettir. Nous continuons <strong>de</strong>vouloir assurer notre subsistance, mais,peut-être aussi nous s<strong>en</strong>tons-nous m<strong>en</strong>acéspar sa simple puissance naturelle.Nous avons besoin <strong>de</strong> dompter leterritoire.Collectivem<strong>en</strong>t, notre bi<strong>en</strong>-être noussemble assuré par une activité économiqueconc<strong>en</strong>trée dans <strong>de</strong> vastes contextesurbains. Notre survie paraît liéeà notre capacité <strong>de</strong> récolter et d’exploiterles ressources <strong>de</strong> notre <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t.C’est ce que nous faisons etavons fait <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s siècles.Paradoxalem<strong>en</strong>t, loin du théâtre <strong>de</strong>cette activité collective, nous sommes<strong>en</strong>core capables individuellem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>ress<strong>en</strong>tir une relation d’un autre ordreavec le territoire. Nous pouvons alorsfaire l’expéri<strong>en</strong>ce d’un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong>participation à cette puissance et nousrecherchons cet affranchissem<strong>en</strong>t.Pourquoi ?La question que pose <strong>Beesley</strong> se déclinecomme suit : quelle est la nature<strong>de</strong> ce s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’être partie pr<strong>en</strong>antedu mon<strong>de</strong> naturel ? Et lorsque ce type<strong>de</strong> connexion avec la nature se produit,comm<strong>en</strong>t peut-elle inspirer le travail <strong>de</strong>création <strong>de</strong>s architectes ? Comm<strong>en</strong>t lesespaces futurs pourrai<strong>en</strong>t-ils <strong>en</strong>velopperleurs occupants et <strong>en</strong>trer dans ceg<strong>en</strong>re <strong>de</strong> dialogue avec eux ?Certains aspects <strong>de</strong>s relations qu<strong>en</strong>ous sommes capables d’établir avecle mon<strong>de</strong> sauvage peuv<strong>en</strong>t-ils êtretransposés dans un rapport avec <strong>de</strong>nouvelles formes d’architecture capables<strong>de</strong> ress<strong>en</strong>tir ?


30 INSPIRATIONÉvénem<strong>en</strong>t décl<strong>en</strong>cheurAttiré DANS la cAVerne<strong>Beesley</strong> et la caverne.Les premiers humains ont été attirésdans les cavernes il y a <strong>de</strong>s millionsd’années. Évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t, Homo sapi<strong>en</strong>s,notre ancêtre le plus réc<strong>en</strong>t, était intimem<strong>en</strong>tintégré à son <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tnaturel. Il recherchait les rochers <strong>en</strong> surplomb,les falaises et les cavernes qui luiprocurai<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s abris indisp<strong>en</strong>sables.Pénétrer sous la terre, avec le seul éclairage<strong>de</strong>s torches pour explorer <strong>de</strong>s passagessouterrains inconnus, était unacte <strong>de</strong> courage int<strong>en</strong>se. On imaginecombi<strong>en</strong> la combinaison <strong>de</strong> la peur, <strong>de</strong>l’obscurité et <strong>de</strong>s ombres dansantesgénérées par les flammes sur la paroirocheuse ont pu faire naître <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s<strong>de</strong> rêves et nourrir l’imaginaire.À l’aube <strong>de</strong> la culture, ces volumes souterrainssont <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us <strong>de</strong>s sanctuairesou <strong>de</strong>s espaces cérémoniaux sacrés. Onles perçoit comme les berceaux d’unart originel. Pour Homo Sapi<strong>en</strong>s, l’occupation<strong>de</strong> ces cavernes naturelles aconstitué la première expéri<strong>en</strong>ce d’un<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t immersif.La caverne et les créations <strong>de</strong> <strong>Beesley</strong>ont beaucoup <strong>en</strong> commun. D’abord,il s’agit dans les <strong>de</strong>ux cas d’espaces<strong>en</strong>veloppants, généralem<strong>en</strong>t sombres,avec la prés<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> l’eau sous une formeou une autre. Les formations géologiquesspectaculaires <strong>de</strong> stalactiteset <strong>de</strong> stalagmites <strong>de</strong> certaines grottespeuv<strong>en</strong>t aussi être vues comme uneinspiration pour certaines formes structuralesprés<strong>en</strong>tes dans les installations<strong>de</strong> <strong>Beesley</strong>.Par-<strong>de</strong>ssus tout, c’est assurém<strong>en</strong>t lefacteur spatial, soit la relation du corpshumain aux structures <strong>en</strong>veloppantes,qui constitue le parallèle le plus fort <strong>en</strong>treles cavernes naturelles et les créations<strong>de</strong> <strong>Beesley</strong>.Si les cavernes sont sculptées par l’eaudans la masse rocheuse, les structuressusp<strong>en</strong>dues <strong>de</strong> <strong>Beesley</strong>, elles, font l’objetd’un assemblage minutieux, à partir <strong>de</strong>milliers d’élém<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> petite taille.Malgré cette différ<strong>en</strong>ce fondam<strong>en</strong>tale,paradoxalem<strong>en</strong>t, les <strong>de</strong>ux partag<strong>en</strong>t unemanière <strong>de</strong> façonner l’espace qui, aumom<strong>en</strong>t où nous y pénétrons, produit<strong>de</strong>s effets similaires sur notre psyché.Nous sommes aspirés, embrassés,immergés, avalés dans un espaceque nous ress<strong>en</strong>tons plus ou moinscomme vivant.Grotte Chauvet, Ardèche, France


32 INSPIRATION inspiration 33Événem<strong>en</strong>t décl<strong>en</strong>cheurDu SAng DANS LA teRRe<strong>Beesley</strong> et le fils aîné.L’activité archéologique qu’observait<strong>Beesley</strong> portait sur <strong>de</strong>s dépôts rituelsaux limites fortifiées <strong>de</strong> la ville anci<strong>en</strong>ne.Le principal site <strong>de</strong> fouilles étaiti<strong>de</strong>ntifié comme la Porta Mugonia, l’une<strong>de</strong>s trois portes originales <strong>de</strong> la cité,remontant à la fondation <strong>de</strong> Rome auhuitième siècle av. J.-C.Sur ce champ <strong>de</strong> fouilles, <strong>Beesley</strong> aassisté à l’exhumation <strong>de</strong>s restes d’unbébé mâle. La nature du sacrifice <strong>en</strong>cause ici est un rituel consistant à verserle sang pour sanctifier un <strong>en</strong>droitspécifique sous la porte <strong>de</strong> la cité.Voici comm<strong>en</strong>t il décrit ce qu’il a vu :Au pied du mur, aux limites <strong>de</strong> la ville,on a creusé une fosse dans le tuf volcaniquemêlant pierre et boue, aux dim<strong>en</strong>sionsdu récipi<strong>en</strong>t d’argile, dit dolium,où reposait le petit corps.Du matériau tamisé remplissait les vi<strong>de</strong>s<strong>en</strong>tre le dolium et le trou. Des petitsfragm<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> la sépulture <strong>de</strong>meurai<strong>en</strong>t: une broche, une <strong>de</strong>nt. Révélés.Les traces <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants <strong>en</strong>sevelis sembl<strong>en</strong>tconfirmer plusieurs fragm<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>rituels <strong>de</strong> fondation décrits par <strong>de</strong> nombreuxauteurs, selon lesquels le premierfruit <strong>de</strong> la première famille <strong>de</strong> laville avait été sacrifié à la porte, pourprotéger la frontière <strong>de</strong> la ville. Pourla r<strong>en</strong>dre sacrée.La ville à l’intérieur <strong>de</strong>s murs, un mundus,un petit mon<strong>de</strong> offert <strong>en</strong> lieu etplace du mon<strong>de</strong> qui l’<strong>en</strong>toure.Ici, <strong>en</strong> brisant la surface du sol et <strong>en</strong>creusant dans la terre, nous <strong>en</strong>tronsdans l’histoire. Nous trouvons qu’un <strong>en</strong>fanta été sacrifié, le sang répandu, sonpetit corps placé dans un vaisseau et<strong>en</strong>seveli dans le sol. Quelle est la signification<strong>de</strong> ces rituels ? Comm<strong>en</strong>t pouvons-nousles interpréter aujourd’hui ?Offran<strong>de</strong> votive <strong>de</strong> substitution étrusque5 e siècle av. JCLe mont Palatin, Rome, ItalieÉvénem<strong>en</strong>t décl<strong>en</strong>cheurSépulture à la Porta MugoniaDebout SUR l’Histoire<strong>Beesley</strong> et le mont Palatin.En 1995, <strong>Philip</strong> <strong>Beesley</strong> a reçu le prix<strong>de</strong> Rome <strong>en</strong> architecture. Il a passéun an et <strong>de</strong>mi dans la Ville éternelle.P<strong>en</strong>dant son séjour, il s’est intéresséà <strong>de</strong>s recherches archéologiques m<strong>en</strong>éesau mont Palatin, une montagneartificielle formant un labyrinthe aucœur <strong>de</strong> l’anci<strong>en</strong>ne Rome. Les origines<strong>de</strong> ce site remont<strong>en</strong>t à une époqueoù les humains, abandonnant unmilieu sauvage agité, <strong>en</strong>treprir<strong>en</strong>t <strong>de</strong>gérer la création <strong>de</strong>s premières villes.Les étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la topographie localeont démontré que la structure originaledu Palatin pr<strong>en</strong>ait la forme <strong>de</strong> collinesagricoles arrondies, <strong>en</strong>tourées <strong>de</strong>marais. Des fortifications ont progressivem<strong>en</strong>tété ajoutées au pied <strong>de</strong> lacolline pour protéger un pâturage intérieur.Les couches <strong>de</strong>nses qui se sontajoutées au fil <strong>de</strong>s millénaires ont transforméle paysage <strong>en</strong> un précipice synthétiquequi surplombe aujourd’hui leForum.Debout sur le mont Palatin, <strong>Philip</strong> <strong>Beesley</strong>a connu l’expéri<strong>en</strong>ce singulière <strong>de</strong>ress<strong>en</strong>tir <strong>de</strong>s siècles d’histoire sous sespieds. Des couches d’activités culturelleset <strong>de</strong> viol<strong>en</strong>ces parlai<strong>en</strong>t à traversles semelles <strong>de</strong> ses souliers.En fait, sur quoi était-il monté ?Le sol est poreux, sédim<strong>en</strong>té <strong>en</strong> coucheset compressé. Les formes se sont<strong>de</strong>puis longtemps effritées, les traces<strong>de</strong> la mémoire humaine sont retournées<strong>en</strong> poussière. Voilà une impressionradicalem<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>te <strong>de</strong> celleque l’on ress<strong>en</strong>t sur le Bouclier canadi<strong>en</strong>,avec les pieds soli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t ancréssur le manteau <strong>de</strong> granite.Ici, c’est sur l’histoire humaine que l’onse ti<strong>en</strong>t. Voilà la poussière <strong>de</strong> la civilisation...C’est une terre produite par leshumains.


34 inspiration inspiration 35Événem<strong>en</strong>t décl<strong>en</strong>cheurT<strong>en</strong>dre la main<strong>Beesley</strong> et la re-sépulture.L’expéri<strong>en</strong>ce au mont Palatin est déterminantepour <strong>Beesley</strong>. Elle amène l’artisteà considérer un sacrifice rituel <strong>en</strong>face à face. Elle le force à voir la contradictionqui rési<strong>de</strong> dans le fait <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dreune vie pour assurer le bi<strong>en</strong>-être <strong>de</strong>la communauté. Elle souligne le paradoxed’infliger la mort pour assurer lafertilité et la survie.Au niveau personnel, la r<strong>en</strong>contre avecla sépulture rituelle d’un bébé inspire <strong>de</strong>l’empathie, suscite l’impulsion <strong>de</strong> t<strong>en</strong>drela main vers une jeune vie sacrifiéesur l’autel <strong>de</strong> la cité, l’autel <strong>de</strong> l’architecture,<strong>en</strong> quelque sorte.Annoncée, dès sa conception à Rome,comme une forme <strong>de</strong> témoignage à cefils premier-né, l’œuvre <strong>de</strong> <strong>Beesley</strong> aévolué pour <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un acte <strong>de</strong> réparation,une forme <strong>de</strong> re-sépulture artistiqueet architecturale.Cela a m<strong>en</strong>é l’artiste à interroger la natureparadoxale <strong>de</strong> ce site <strong>de</strong> sépultureperturbé. Il se pose la question suivante,fondam<strong>en</strong>tale pour sa quête artistiqueet sa réflexion sur l’av<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> l’architecture: quel matériau serait appropriépour couvrir un tel <strong>en</strong>droit ?Au départ, sa réponse a été d’imaginer<strong>de</strong>s manières <strong>de</strong> construire du terrain,<strong>de</strong> couvrir rituellem<strong>en</strong>t et métaphoriquem<strong>en</strong>tl’<strong>en</strong>fant et la tombe. En t<strong>en</strong>tant<strong>de</strong> répondre à la question, dansl’espoir <strong>de</strong> recouvrir le site, <strong>Beesley</strong> selance dans une longue investigation <strong>de</strong>la nature du sol, sol qui, nous le verronsbi<strong>en</strong>, inspirera et donnera forme à sontravail pour la déc<strong>en</strong>nie à v<strong>en</strong>ir.N.B : Avec le <strong>film</strong>, nous voudrons voir dans le sol. Nous voudrons voir dans le sang et même dans la cellule sanguine. L’imagerie <strong>de</strong>scriptive <strong>de</strong> ces espaceset structures microscopiques (<strong>de</strong>s nano-architectures <strong>en</strong> quelque sorte) constitue quelques-unes <strong>de</strong>s référ<strong>en</strong>ces visuelles et thématiques quialim<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t l’œuvre <strong>de</strong> <strong>Beesley</strong>.Événem<strong>en</strong>t décl<strong>en</strong>cheurCanes léchant le sang <strong>de</strong> Taurus sacrifié, peinture murale ~ 150 av. JCGrotte mithriaque sous le Palazzo Barberini, RomeSang humain sous le microscopeRi<strong>en</strong> ne se perd<strong>Beesley</strong> et le cycle sacré.L’expéri<strong>en</strong>ce souligne le li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre lesflui<strong>de</strong>s et la fertilité, comm<strong>en</strong>t le sol estcapable <strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s richesses parceque – et seulem<strong>en</strong>t parce que – il estcombiné à <strong>de</strong> l’eau.Dans le cas du site du mont Palatin,symboliquem<strong>en</strong>t, le déversem<strong>en</strong>t d’unautre liqui<strong>de</strong>, le sang, est une manifestationd’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t, une manière <strong>de</strong>sanctifier le li<strong>en</strong> avec la terre et le sitesur lequel la ville se construit.C’est une sépulture dans la terre.Par définition, la terre porte la vie : elleest le lieu <strong>de</strong> la fertilité et <strong>de</strong> la croissance.Chez les créatures vivantes, du sanget d’autres flui<strong>de</strong>s coul<strong>en</strong>t au cœur<strong>de</strong> l’organisme biologique, <strong>en</strong> son sein.Dans le rituel, le sang est répandu surle sol, et ils se combin<strong>en</strong>t. Dans la mort,le sol absorbe la vie : dans le lieu <strong>de</strong> sépultureet <strong>de</strong> décomposition. Le corpsretourne à la terre, reconstituant <strong>en</strong>partie ses capacités nutritives. Ainsi,<strong>de</strong> manière symbolique et organique, lesang fertilise la terre et vice versa. Lerituel romain anci<strong>en</strong> célèbre le cycle dusang à la terre et <strong>de</strong> la terre au sang.Profondém<strong>en</strong>t marqué par cette exhumation,<strong>Beesley</strong> explore et interprète<strong>de</strong>puis lors cette notion <strong>de</strong> cyclesacré.


36 inspiration inspiration 37Sol forestier, nord <strong>de</strong> la Thailan<strong>de</strong>Événem<strong>en</strong>t décl<strong>en</strong>cheurHylozoic Series : Vesica, Wellingon, Nouvelle-Zélan<strong>de</strong>, 2012PAR-<strong>de</strong>SSUS la surface,sorti du sol<strong>Beesley</strong> et la fertiliténée <strong>de</strong> la décomposition.Avant d’aller <strong>de</strong> l’avant, <strong>Beesley</strong> <strong>de</strong>vaitse r<strong>en</strong>seigner sur la nature du terrainproprem<strong>en</strong>t dit. De quelle substances’agit-il et où se trouve-t-elle ?L’humus est à la surface et la surfaceest l’horizon <strong>de</strong> séparation <strong>en</strong>trele sous-sol et l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t habitableau-<strong>de</strong>ssus. C’est à la surface queles matériaux se dépos<strong>en</strong>t, que la sédim<strong>en</strong>tationpr<strong>en</strong>d place, c’est là quela matière inerte s’éro<strong>de</strong>, est dissouteet absorbée par les bactéries et lesvers <strong>de</strong> terre, puis désagrégée <strong>en</strong> composantes<strong>de</strong> vies nouvelles.À la surface se trouve le sol, le lieu <strong>de</strong>cette activité <strong>de</strong> transformation, ce recyclage<strong>de</strong> matière, d’inerte à vivante,<strong>de</strong> minérale à organique. C’est là quela fertilité r<strong>en</strong>contre la décompositiondans un état intermédiaire, dans unlieu <strong>de</strong> transformation et d’échange.Au cours <strong>de</strong> ses voyages, <strong>en</strong> particulierdans le nord <strong>de</strong> la Thaïlan<strong>de</strong>, <strong>Beesley</strong>a observé cette activité organiqueint<strong>en</strong>se dans les écosystèmes grouillantsdu plancher <strong>de</strong> la forêt tropicale.Plus près <strong>de</strong> chez lui, dans le Nord <strong>de</strong>l’Ontario, il a ress<strong>en</strong>ti la fascination <strong>de</strong>l’activité bourdonnante <strong>de</strong>s tourbièresqui repos<strong>en</strong>t sur les formations imperméablesdu Bouclier canadi<strong>en</strong>. Ici, laputréfaction et la r<strong>en</strong>aissance se mesur<strong>en</strong>tdans les pointes et les creux<strong>de</strong> l’activité saisonnière.Dans chaque cas, il a observé que lesol est un hybri<strong>de</strong> fertile <strong>de</strong> vie et <strong>de</strong>mort, une source d’inspiration.Cette fascination a <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dré l’idéed’un sol architectural hybri<strong>de</strong>.


38 PROPOSITIONPROPOSITION 39Madone, école <strong>de</strong> Fra Angelico, ~ 1450(gauche)Sol Hylozoïque : Champ AlamedaMexico, Mexique, 2010(droite)La réponse <strong>de</strong> l’artisteAu-<strong>de</strong>SSUS du sol,et VERS le ciel<strong>Beesley</strong> et le sol hybri<strong>de</strong>.Dans la culture occi<strong>de</strong>ntale, le modèleapollini<strong>en</strong> <strong>de</strong> l’occupation du sol l’aemporté. Mais <strong>Beesley</strong> est las <strong>de</strong> lacomplaisance avec laquelle ce paradigmemâle dominant, avec ses fondationsprofon<strong>de</strong>s, son empreinte puissanteet son affirmation orgueilleuse,est généralem<strong>en</strong>t accepté <strong>en</strong> tant quemo<strong>de</strong> <strong>de</strong> construction.Il est à la recherche d’un retournem<strong>en</strong>ttemporaire vers un modèle dionysiaque<strong>de</strong> la fertilité, un paradigme où ladiffusion est la principale caractéristique,où les formes <strong>de</strong> l’aura associéeau féminin pourrai<strong>en</strong>t <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir l’inspirationformelle <strong>de</strong> l’architecture <strong>de</strong> l’av<strong>en</strong>ir.Une architecture qui <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dre, quinourrit et qui interagit.En bout <strong>de</strong> ligne, <strong>Beesley</strong> imagine unepratique architecturale qui réconcilieles modèles apollini<strong>en</strong> et dionysiaque,rassemblant les <strong>de</strong>ux s<strong>en</strong>sibilités dansune nouvelle proposition hybri<strong>de</strong>. <strong>Beesley</strong>parle <strong>de</strong> mériter une structure <strong>en</strong>construisant par laminage, par tissageet assemblage dans l’espace. Il imagine<strong>de</strong> travailler pour croître <strong>en</strong> hauteur àpartir <strong>de</strong> la surface. Les fondations <strong>de</strong> saconstruction ne plong<strong>en</strong>t pas dans lesol parce qu’il n’y a pas <strong>de</strong> fondation proprem<strong>en</strong>tdite. La structure repose surla surface et <strong>en</strong> émane, faisant échoau sol <strong>en</strong> <strong>en</strong> imitant la composition. Ilcrée <strong>de</strong> l’espace intermédiaire susp<strong>en</strong>du.Il crée donc un sol hybri<strong>de</strong>, uneforme d’humus artificiel, imaginant <strong>de</strong>sstructures qui sont à la fois inertes etvivantes, poreuses et interconnectées,où <strong>en</strong> fin <strong>de</strong> compte, l’occupation mâledu terrain et la notion d’échange plusféminin, sont réconciliées et combinées.


40 PROPOSITION PROPOSITION 41Hylozoic Soil, Madrid, Espagne, 2009Haystack veil, Dear Isle, Maine, U.S.A., 1997La réponse <strong>de</strong> l’artisteDe bas <strong>en</strong> haut<strong>de</strong> haut <strong>en</strong> bas<strong>Beesley</strong> et l’évolution d’une œuvre.L’œuvre <strong>de</strong> <strong>Beesley</strong> a évolué sur cesaxes tout au cours <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière déc<strong>en</strong>nie.Les premières structures ontémergé du sol <strong>en</strong> tant qu’ext<strong>en</strong>sionsdu sol. Graduellem<strong>en</strong>t, ces structuresassemblées ont gagné <strong>de</strong> l’indép<strong>en</strong>dancepar rapport au paysage et à leursemplacem<strong>en</strong>ts spécifiques.Elles ont continué à s’élancer <strong>en</strong> hauteur,et d’un geste audacieux, se sontretrouvées susp<strong>en</strong>dues par-<strong>de</strong>ssus latête <strong>de</strong>s observateurs. Les leçons apprises<strong>en</strong> travaillant à partir du sol ontalors été transférées vers <strong>de</strong> nouvellespropositions qui ressemblai<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>svoûtes <strong>de</strong> forêts synthétiques. Commeles observateurs pouvai<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>antpénétrer physiquem<strong>en</strong>t sous et à l’intérieur<strong>de</strong> nouveaux volumes, il <strong>de</strong>v<strong>en</strong>aitalors possible d’élaborer les notions <strong>de</strong>réponse et d’interactivité.


PROPOSITION 43La réponse <strong>de</strong> l’artisteVers et au travers,ComBLer la distancequi séPARe <strong>de</strong>l’AUtre<strong>Beesley</strong> et l’espace interstitiel.L’architecte crée un nouveau lieu <strong>de</strong>r<strong>en</strong>contre. Ici, le fond et la forme fusionnerontun jour, <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dront un.L’ob servateur est maint<strong>en</strong>ant capable<strong>de</strong> pénétrer dans l’œuvre et <strong>de</strong>faire l’expéri<strong>en</strong>ce d’y être immergé,d’<strong>en</strong> haut, <strong>en</strong> <strong>de</strong>ssous, et <strong>de</strong>puis lepourtour.<strong>Beesley</strong> s’intéresse à l’espace qui existe<strong>en</strong>tre le sujet humain et les délimitations<strong>de</strong> l’espace qui l’<strong>en</strong>toure. Il posela question <strong>de</strong> la nature du bord <strong>de</strong> cetespace et, ce faisant, pose la questiondu corollaire, <strong>de</strong>s limites mêmes <strong>de</strong> notrepropre corps physique.Comm<strong>en</strong>t peut-on activem<strong>en</strong>t lancerun pont <strong>en</strong>tre les <strong>de</strong>ux ?<strong>Beesley</strong> est inspiré par l’observationd’organismes unicellulaires comme lesamibes, qui se déplac<strong>en</strong>t et exist<strong>en</strong>tpar une relation d’aspiration et <strong>de</strong> rejetchimique avec l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t liqui<strong>de</strong>où ils baign<strong>en</strong>t. Il suggère qu’<strong>en</strong>tant que créatures biologiques complexes,nous ne sommes pas moinsporeux. Consciemm<strong>en</strong>t et inconsciemm<strong>en</strong>t,nous <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ons un rapports<strong>en</strong>suel <strong>en</strong> oscillation constante avecl’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t.Si chaque frontière est à sa manièreperméable, comm<strong>en</strong>t cela redéfinit-illa relation <strong>de</strong> nos corps humains avecl’espace architectural ?Comm<strong>en</strong>t l’architecture peut-elle <strong>en</strong>cadreret favoriser cet échange ?Hylozoic Veil,Salt Lake City, U.S.A, 2011


44 PROPOSITIONPROPOSITION 45La réponse <strong>de</strong> l’artisteLa matière parle<strong>Beesley</strong> et les manifestations d’empathie.Détail <strong>de</strong> Sibyl, Sydney, Australie, 2012En s’appuyant sur l’anci<strong>en</strong>ne notiongrecque d’hylozoïsme, l’idée que toutesubstance inanimée est vivanteselon <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s que nous ne soupçonnonspas, <strong>Beesley</strong> suggère que ladistance <strong>en</strong>tre l’occupant et les bords<strong>de</strong> l’espace est meublée par une empathieactive. Il veut faire interv<strong>en</strong>irl’empathie <strong>de</strong>s humains à l’égard <strong>de</strong>schoses. Il imagine et conçoit donc <strong>de</strong>sstructures qui sembl<strong>en</strong>t manifester <strong>de</strong>l’empathie à l’égard <strong>de</strong>s humains.Son œuvre est une exploration dudialogue pot<strong>en</strong>tiel <strong>en</strong>tre nos êtresphysiques et <strong>de</strong> nouvelles formesd’architecture qui sont s<strong>en</strong>siblesà notre prés<strong>en</strong>ce et capables <strong>de</strong> ledémontrer.La réponse <strong>de</strong> l’artisteImage tirée du <strong>film</strong> ORARAYonnem<strong>en</strong>ts et phYSiologies accRUes<strong>Beesley</strong> et les champs élargis d’énergie : auras et auréoles.Ainsi, grâce à l’empathie, nous créons<strong>de</strong>s ponts <strong>en</strong>tre l’espace qui nous sépare<strong>de</strong>s autres et du mon<strong>de</strong>. <strong>Beesley</strong>pousse cette idée <strong>en</strong>core plus loin etl’exprime visuellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> créant sesstructures.Elles occup<strong>en</strong>t l’espace <strong>de</strong> telle manièreque le spectateur est attiré versl’intérieur, physiquem<strong>en</strong>t et perceptuellem<strong>en</strong>t.Il avance l’idée que chacun d’<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>ous émet autour <strong>de</strong> son corps <strong>de</strong>schamps invisibles tels <strong>de</strong>s traînées <strong>de</strong>chaleur, <strong>de</strong>s déplacem<strong>en</strong>ts d’air, <strong>de</strong>sémissions <strong>de</strong> phéromones et une activitémagnétique.Les prochaines générations du travail<strong>de</strong> <strong>Beesley</strong> t<strong>en</strong>teront d’articuler davantagel’<strong>en</strong>trelacem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ces phénomènesdans la fertile zone d’échanges quiexiste <strong>en</strong>tre l’œuvre (l’espace) et lespectateur (le protagoniste humain).Comme ce fut le cas pour la thermographiedans le <strong>film</strong> ORA, à titre <strong>de</strong>part<strong>en</strong>aire dans la recherche et dansla création <strong>de</strong> Sylva, mon rôle <strong>de</strong> cinéastesera aussi d’explorer comm<strong>en</strong>t<strong>de</strong> nouvelles technologies <strong>de</strong> captationmontrerai<strong>en</strong>t aux spectateurs <strong>de</strong>smanifestations qui <strong>de</strong>meur<strong>en</strong>t généralem<strong>en</strong>tinvisibles.Image thermique <strong>de</strong> Schlier<strong>en</strong>


46 PROPOSITION PROPOSITION 47Cellules du cerveauobservées au microscopeUn flacon protocellule<strong>en</strong> contexteLa réponse <strong>de</strong> l’artisteLa réponse <strong>de</strong> l’artisteLa lumière<strong>de</strong> la p<strong>en</strong>sée<strong>Beesley</strong> et le modèle d’une idée.Plus souv<strong>en</strong>t qu’autrem<strong>en</strong>t, l’œuvre estprés<strong>en</strong>tée dans l’obscurité, <strong>en</strong> partiepour minimiser la prés<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> l’espaced’accueil, mais surtout pour mettre <strong>en</strong>valeur le rôle <strong>de</strong> la lumière. Dans cetteexpéri<strong>en</strong>ce immersive, la lumière agitcomme une métaphore <strong>de</strong> la vie, maisaussi <strong>de</strong> l’énergie et <strong>de</strong> la p<strong>en</strong>sée. Uneévocation du cerveau…L’esprit y est imaginé comme le sited’archivage d’un vaste terrain d’expéri<strong>en</strong>cesoù il génère sa propre boucle<strong>de</strong> rétro-information (feedback). Il traiteun mon<strong>de</strong> d’expéri<strong>en</strong>ces, réelles etimaginées, et <strong>en</strong> retour, par le canal<strong>de</strong>s s<strong>en</strong>s, il est reconfiguré par ce qu’ilperçoit.Quelle est alors la forme d’une p<strong>en</strong>sée? Les idées ont-elles <strong>de</strong>s formes ?Où se log<strong>en</strong>t-elles dans le cerveau ?Pouvons-nous imaginer la forme quepr<strong>en</strong>drait la trace d’une p<strong>en</strong>sée dansla matière grise ?On peut concevoir l’œuvre <strong>de</strong> <strong>Beesley</strong>comme le modèle d’une idée, unereprés<strong>en</strong>tation <strong>de</strong> la p<strong>en</strong>sée. C’est untravail qui incarne <strong>de</strong>s concepts et leurdonne une forme.Il cherche à faire voir l’incompréh<strong>en</strong>sible.Évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t, ce faisant, il soulèveune série <strong>de</strong> questions. Mais est-cequ’à sa manière, il ne se représ<strong>en</strong>teraitpas, lui-même, aussi, sous formed’interrogation ?P<strong>en</strong>ser DANS l’œUVRe,l’eSPAce <strong>en</strong> tant quemétaphore<strong>Beesley</strong> et son œuvre poly-forme.L’œuvre est finalem<strong>en</strong>t la métaphored’une vaste palette <strong>de</strong> phénomènesqui ont inspiré sa création au fil <strong>de</strong>sannées. La lecture et l’interprétation<strong>de</strong> ce que nous percevons doiv<strong>en</strong>t sefaire par couches multiples. Ainsi, àdéco<strong>de</strong>r ce qu’on voit, il pourrait s’agiraussi bi<strong>en</strong> d’un échantillon <strong>de</strong> sol sousmicroscope que d’une mer <strong>de</strong> cellulesou même <strong>de</strong> la structure du sang. Avecson réseau <strong>de</strong> formes <strong>de</strong> vie synthétiséessusp<strong>en</strong>dues et ses réactionschimiques localisées, l’œuvre suggèreaussi <strong>de</strong>s états gazeux, les cieux oumême la virtuelle Noosphère, un nuage,ou une forêt <strong>de</strong> gènes. Elle pourraitfinalem<strong>en</strong>t rassembler toutes cesdim<strong>en</strong>sions pour les combiner <strong>en</strong> unemême <strong>en</strong>tité hybri<strong>de</strong>.Comme dans la nature, le tout infini estsuggéré dans chaque élém<strong>en</strong>t fini.L’œuvre est un rappel constant dujeu hyperbolique <strong>de</strong>s échelles, <strong>de</strong>snano-dim<strong>en</strong>sions jusqu’à l’échelleplanétaire et au-<strong>de</strong>là.La poésie multiplie sa résonnance, au<strong>de</strong>là<strong>de</strong> ses puissances évocatrices évi<strong>de</strong>ntes.Totalem<strong>en</strong>t nouvelle, mais aussi marquéepar une familiarité rassurante, elles’affirme, dans toute sa beauté et sonétrangeté. Ce n’est pas tout à fait unespace… mais c’est bi<strong>en</strong> plus qu’un objet.Il s’agit à la fois d’art… et <strong>de</strong> recherchefondam<strong>en</strong>tale.


48 SYNOPSIS SYnopsis 49Prés<strong>en</strong>ter l’élém<strong>en</strong>t humainQueLLe est la nature<strong>de</strong> l’<strong>en</strong>treprise ?C’est une formidable énergie qui anime les lieux où, sousla direction visionnaire <strong>de</strong> <strong>Beesley</strong>, <strong>de</strong>s douzaines <strong>de</strong> g<strong>en</strong>sassembl<strong>en</strong>t ce Golem <strong>de</strong>s temps nouveaux.Qu’est-ce qui fascine chacun <strong>de</strong> ces participants ? La curiositésûrem<strong>en</strong>t, mais aussi le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> participer à une<strong>en</strong>treprise porteuse <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s, unique au mon<strong>de</strong>. Il y a ledéfi technologique, la promesse esthétique, le r<strong>en</strong><strong>de</strong>z-vouspoétique, et l’illusion, certes grisante, <strong>de</strong> donner la vie à lamatière. C’est tout l’art <strong>de</strong> créer un être, un organisme quiabsorbe et r<strong>en</strong>d l’énergie déployée à le concevoir.Mais, si le projet pr<strong>en</strong>d forme, c’est aussi grâce à l’effort <strong>en</strong>amont. Cette effervesc<strong>en</strong>ce humaine d’idées, <strong>de</strong> solutions<strong>de</strong> problèmes et <strong>de</strong> créativité inspirée qui ont fait avancercette histoire hors du commun.


50 SYNOPSIS SYNOPSIS 51Prés<strong>en</strong>ter l’élém<strong>en</strong>t humainC’est l’histoire <strong>de</strong> qui ?À la création <strong>de</strong> l’œuvre — qui allons-nous r<strong>en</strong>contrer ?> <strong>Philip</strong> <strong>Beesley</strong>, le créateur principal, initie les nouvelles idéeset fait progresser l’équipe dans la réalisation <strong>de</strong> l’œuvre. Àtravers une série d’installations expérim<strong>en</strong>tales qui ont attirél’att<strong>en</strong>tion du mon<strong>de</strong> <strong>en</strong>tier, l’architecte <strong>Beesley</strong> continue àdiriger un groupe d’experts <strong>de</strong>s arts et <strong>de</strong>s sci<strong>en</strong>ces dansla création d’une architecture expérim<strong>en</strong>tale canadi<strong>en</strong>ne aucaractère unique. Étant l’artiste, il signe l’œuvre.> Ses collaborateurs exprim<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s idées, mèn<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s rechercheset contribu<strong>en</strong>t au territoire d’investigation <strong>de</strong> l’œuvre.> Ses organisateurs planifi<strong>en</strong>t et adapt<strong>en</strong>t l’œuvre auxexig<strong>en</strong>ces <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>ts contextes d’exposition.> Une petite troupe <strong>de</strong> fabricants, <strong>de</strong> programmeurs etd’assistants particip<strong>en</strong>t à la conception, à l’assemblageet à l’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> <strong>de</strong> l’œuvre.> Finalem<strong>en</strong>t, au fil <strong>de</strong>s r<strong>en</strong>contres et <strong>de</strong>s échanges, lesspectateurs et participants complèt<strong>en</strong>t l’œuvre. Aprèstout, elle est conçue à leur int<strong>en</strong>tion.Tous employés à l’élaboration et à la production d’une sculpturehylozoïque intégrale. Ils résolv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s problèmes <strong>en</strong> collaboration.Des t<strong>en</strong>sions surgiss<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t autour <strong>de</strong> défistechniques et <strong>de</strong> création r<strong>en</strong>dus plus aigus à cause <strong>de</strong> lapression <strong>de</strong>s échéances. Aux stages initiaux <strong>de</strong> la fabrication<strong>en</strong> atelier et <strong>de</strong> l’installation sur place, le processus comportel’appr<strong>en</strong>tissage <strong>de</strong> jeunes étudiants <strong>en</strong> architecture bénévolesqui particip<strong>en</strong>t au montage <strong>de</strong> chaque prés<strong>en</strong>tation <strong>de</strong>l’œuvre. Fort <strong>de</strong> son expéri<strong>en</strong>ce, <strong>Beesley</strong> répète cette formulegagnante partout dans le mon<strong>de</strong>.La création <strong>de</strong> l’œuvre appelle un processus <strong>de</strong> collaborationint<strong>en</strong>se, le travail d’équipe relevant <strong>de</strong> multiples compét<strong>en</strong>ces,techniques, expertises et s<strong>en</strong>sibilités. L’œuvre émergecomme une vision singulière, mais aussi collective, planifiée,mais aussi adaptée à l’espace dans lequel elle sera insérée.Prés<strong>en</strong>ter l’élém<strong>en</strong>t humainQue font-iLS ?L’assemblage <strong>de</strong> chacune <strong>de</strong>s éditions <strong>de</strong> Terre Hylosoïquese divise <strong>en</strong> trois étapes principales.Dans un premier temps, <strong>en</strong> studio à Toronto, divers tests etpré-assemblages <strong>de</strong> composantes sont effectués, bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>amont <strong>de</strong> la livraison au site d’exposition.Dans un <strong>de</strong>uxième temps, un pré-assemblage <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>sarticulations ainsi que <strong>de</strong>s exercices <strong>de</strong> visualisation se font<strong>en</strong> studio afin d’écrire la nouvelle pièce et <strong>de</strong> tester les nouvellesidées qui la démarqueront <strong>de</strong> l’édition précé<strong>de</strong>nte.Ainsi, <strong>de</strong>s élém<strong>en</strong>ts à relativem<strong>en</strong>t gran<strong>de</strong> échelle peuv<strong>en</strong>têtre assemblés pour vérification, puis désassemblés afind’<strong>en</strong> faciliter le transit vers l’étranger. Le studio est donc àla fois un laboratoire continu et l’antichambre <strong>de</strong> l’assemblagein situ.Finalem<strong>en</strong>t, sur le site <strong>de</strong> prés<strong>en</strong>tation, l’assemblage comm<strong>en</strong>ceet se poursuit sur une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> plusieurs semaines.On assiste tout d’abord à la sécurisation <strong>de</strong>s élém<strong>en</strong>tsd’accrochage puis, <strong>en</strong> parallèle, au désemballage <strong>de</strong>s boîtes.Suit alors l’assemblage <strong>de</strong>s petites composantes qui,configurées <strong>en</strong>tre elles, donneront naissance aux grandspans <strong>de</strong> la structure <strong>de</strong> la pièce.À observer le procesus, on a l’impression <strong>de</strong> suivre unepetite armée <strong>de</strong> paléontologues du temps prés<strong>en</strong>t qui assembl<strong>en</strong>tminutieusem<strong>en</strong>t le squellette géant d’une bêtev<strong>en</strong>ue du futur. Comme celle-ci est ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t composée<strong>de</strong> lumière et d’arboresc<strong>en</strong>ces transluci<strong>de</strong>s, il y aun énorme travail d’accrochage, <strong>de</strong> filage, <strong>de</strong> connexions,<strong>de</strong> tests <strong>de</strong> programmation et à peaufiner avant <strong>de</strong> déclarerl’œuvre achevée et <strong>de</strong> la r<strong>en</strong>dre accessible au public.C’est fascinant <strong>de</strong> voir ces jeunes g<strong>en</strong>s blottis dansune forêt <strong>de</strong> formes, tous conc<strong>en</strong>trés sur la tâche préciseet indisp<strong>en</strong>sable qu’on leur a assignée. L’image est étonnante,tous ces collaborateurs susp<strong>en</strong>dus dans une mer<strong>de</strong>s Sargasses électronique qui semble les avaler.


52 SYNOPSIS SYNOPSIS 53Montrer l’œuvrePourquoi racontercette histoire <strong>en</strong> 3DS ?Alain Baril effectuant <strong>de</strong>s tests <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> vue stéréoscopiqueSibyl, Sydney, Australie, 2012Parce qu’on y traite <strong>de</strong> l’espace et <strong>de</strong> la relation du corpshumain avec l’espace.En étant là, virtuellem<strong>en</strong>t, <strong>de</strong>vant l’œuvre, <strong>en</strong> <strong>de</strong>ssous, aubeau milieu, et partie pr<strong>en</strong>ante <strong>de</strong> son volume, on vit uneexpéri<strong>en</strong>ce singulièrem<strong>en</strong>t spatiale.Il s’agit d’un sujet <strong>de</strong> choix pour un <strong>film</strong> <strong>en</strong> 3D stéréoscopique(3DS). Une occasion spl<strong>en</strong>di<strong>de</strong> <strong>de</strong> pousser plus loincette technologie, une invitation à écrire dans l’espace et àle faire avec un s<strong>en</strong>s, associant la profon<strong>de</strong>ur et le volumeau processus même <strong>de</strong> narration. L’objectif est donc ambitieux.Montrer l’œuvreComm<strong>en</strong>t allons-noUS le voiR ?Dans le <strong>film</strong>, la création <strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t le foyer visuelet la toile <strong>de</strong> fond pour la prés<strong>en</strong>tation <strong>de</strong>s idées qui soust<strong>en</strong><strong>de</strong>ntl’œuvre. Le récit est c<strong>en</strong>tré sur la création d’unepièce conçue spécifiquem<strong>en</strong>t pour le <strong>film</strong> et définie pour<strong>en</strong>g<strong>en</strong>drer un effet <strong>de</strong>s plus intéressants avec les camérasstéréoscopiques. Un sujet taillé sur mesure pour unlangage cinématographique qui utilise la profon<strong>de</strong>ur pourraconter une histoire.Prés<strong>en</strong>ter un sujet <strong>en</strong> 3DS consiste à faire plus que simplem<strong>en</strong>tcapturer sa réalité avec la profon<strong>de</strong>ur comme valeurajoutée. Il s’agit <strong>de</strong> prés<strong>en</strong>ter le sujet d’une manière quiserait autrem<strong>en</strong>t impossible avec <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s conv<strong>en</strong>tionnels.D’une manière que seule la méthodologie <strong>de</strong> prise <strong>de</strong>vue <strong>en</strong> 3DS peut r<strong>en</strong>dre possible. L’objectif est <strong>de</strong> découvrir<strong>de</strong> nouvelles dim<strong>en</strong>sions <strong>de</strong> l’œuvre à travers le processusspécifique <strong>de</strong> la mise <strong>en</strong> récit 3DS. Aussi, pour chercherune manière <strong>de</strong> transmettre, <strong>de</strong> transposer <strong>en</strong> 3DS la magie<strong>de</strong> voir l’œuvre pour la première fois, et <strong>de</strong> montrer quelquechose <strong>de</strong> l’œuvre qui n’a pas été vu ou expérim<strong>en</strong>té ailleurs.L’œuvre <strong>de</strong> <strong>Beesley</strong> est un exemple unique et fascinant d’unart immersif et total, faisant interv<strong>en</strong>ir l’espace, la lumière, leson, la profon<strong>de</strong>ur, l’échelle et l’émotion. Tous les s<strong>en</strong>s sontinterpelés. C’est l’opportunité <strong>de</strong> créer un <strong>film</strong> où la forme etle cont<strong>en</strong>u s’<strong>en</strong>trelac<strong>en</strong>t harmonieusem<strong>en</strong>t.


54 SYNOPSIS SYNOPSIS 55Montrer l’œuvreOù cette histoire sedéroULe-t-elle ?Dans le cadrage large, nous compr<strong>en</strong>ons que nous noustrouvons dans un quartier industriel du début du 20 e siècleà Toronto. Dans un vaste bâtim<strong>en</strong>t regroupant <strong>de</strong>s ateliersd’artistes, nous sommes am<strong>en</strong>és vers un grand atelier spécifiquem<strong>en</strong>tdédié aux recherches <strong>de</strong> <strong>Beesley</strong>.Dans ce site spécifique, on trouve <strong>en</strong> périphérie un atelierscellé où l’on fabrique les composantes à l’ai<strong>de</strong> d’une découpeuselaser <strong>de</strong> précision. On trouve divers espaces <strong>de</strong> discussionet <strong>de</strong> travail dans une aire c<strong>en</strong>trale où l’on imagine,conçoit et prépare les composantes.Dans l’aire ouverte <strong>de</strong> travail, nous découvrons la sculpture<strong>en</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir, sous la forme <strong>de</strong> petites composantes que l’onfaçonne et assemble graduellem<strong>en</strong>t : une gran<strong>de</strong> diversité<strong>de</strong> pièces, créées par plusieurs équipes <strong>de</strong> participants, assembléespar <strong>de</strong>s vagues <strong>de</strong> mains habiles.Nous assistons à la fabrication <strong>de</strong>s diverses composantes,puis suivons l’assemblage <strong>de</strong>s élém<strong>en</strong>ts qui constitu<strong>en</strong>t lacolonne vertébrale du squelette <strong>de</strong> l’œuvre et les détailscomplexes <strong>de</strong> la pièce.


56 SYNOPSISSibyl, Sydney, Australie, 2012Récit <strong>de</strong> la r<strong>en</strong>contreComm<strong>en</strong>t vit-on cette expéri<strong>en</strong>ce ?L’œuvre vue <strong>de</strong> loin.Où sommes-nous ? De quoi s’agit-il ? Qu’avons-nous exactem<strong>en</strong>t<strong>de</strong>vant les yeux ?Alors que nous <strong>de</strong>meurons <strong>en</strong> retrait pour observer, nouscomm<strong>en</strong>çons par nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à quelle échelle il faut lirecette œuvre.S’agit-il d’un modèle miniature <strong>de</strong> quelque chose <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>plus grand... ou s’agit-il <strong>de</strong> l’agrandissem<strong>en</strong>t géant d’un objetou d’un organisme microscopique ?R<strong>en</strong>contre<strong>de</strong> l’œuvre comPLétéedans l’atelier oudans un autre eSPAceacceSSible aux visiteursNous voyons l’œuvredans son intégRALitéOn pénètre dans l’eSPAce<strong>de</strong> prés<strong>en</strong>tationDe loin, au premier contact, nous saisissons les schémas<strong>de</strong> l’<strong>en</strong>semble. Cela apparaît et est ress<strong>en</strong>ti comme étantorganique. Il pourrait s’agir d’un lich<strong>en</strong> ou d’une éponge ou<strong>en</strong>core d’un nuage ? Ce corps se projette dans <strong>de</strong>s branchescomme un cristal <strong>de</strong> neige.D’une manière ou d’une autre, cela ressemble à un organismevivant vu dans son <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t. L’espace conv<strong>en</strong>tionnel(galerie, musée, espace public) qui héberge habituellem<strong>en</strong>tla pièce mettra <strong>en</strong> valeur, par contraste, le profil organique<strong>de</strong> l’œuvre.Aussitôt qu’un humain s’<strong>en</strong> approche, un rapport d’échellefixe est établi <strong>de</strong>vant objet similaire à un arbre, une sorte <strong>de</strong>voûte végétale susp<strong>en</strong>due, un milieu évoquant une forêt.Alors que nous cherchons à déco<strong>de</strong>r la relation <strong>de</strong> l’objet àson contexte, nous faisons face à une autre énigme : s’agitild’un objet ou d’un espace ?


SYNOPSIS 6164 SYNOPSIS<strong>de</strong> la proximitéà l’intimité,l’architectureet la r<strong>en</strong>contreérotiqueRécit <strong>de</strong> la r<strong>en</strong>contreSi elle bouge…est-eLLe viVAnte ?Alors que nous avançons, notre prés<strong>en</strong>ce est détectée, avantmême que nous touchions ou frôlions les plumeaux s<strong>en</strong>sibles<strong>de</strong> ces excroissances imitant la vie.Un dialogue est <strong>en</strong>gagé. Cet espace, cette masse vivante,bouge. Avec <strong>de</strong>s impulsions <strong>de</strong> lumière, <strong>de</strong>s gestes localisés,elle nous répond. Il s’agit là d’une vie artificielle donnantl’impression d’être réelle.En appar<strong>en</strong>ce inerte, la matière rappelle une terre synthétique,un humus hybri<strong>de</strong>...Ce géotextile évoque un g<strong>en</strong>re <strong>de</strong> linceul <strong>de</strong> haute technologie.Une impression <strong>de</strong> peau, vivante et poreuse, capable<strong>de</strong> ress<strong>en</strong>tir.On résout les discontinuités par la répétition <strong>de</strong> pièces miniatures.Des élém<strong>en</strong>ts uniques intégrés dans <strong>de</strong>s assemblagesformant <strong>de</strong>s vagues <strong>de</strong> trame géotextile qui lèch<strong>en</strong>t, respir<strong>en</strong>tet aval<strong>en</strong>t.Et puis, il y a le feu, les éclairs miniatures d’orages localisés.Des éclairs blanc phosphore, <strong>de</strong>s rougeoiem<strong>en</strong>ts r<strong>en</strong>flés <strong>en</strong>pulsations, une chau<strong>de</strong> respiration…Organisées <strong>en</strong> nœuds <strong>de</strong> faisceaux, ces actions cré<strong>en</strong>t unitinéraire qui <strong>en</strong>toure et immerge le visiteur.Dans une structure déc<strong>en</strong>tralisée, se révèl<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s nœuds<strong>de</strong> capteurs électroniques.Terres Hylozoïques : Espacio, Madrid, Espagne, 2012Ces mini-processeurs d’intellig<strong>en</strong>ce localisés sont les cerveauxqui se cach<strong>en</strong>t <strong>de</strong>rrière l’appar<strong>en</strong>te empathie <strong>de</strong> l’œuvreà notre <strong>en</strong>droit.


62 SYNOPSIS SYNOPSIS 63Récit <strong>de</strong> la r<strong>en</strong>contreR<strong>en</strong>contre paradoxaleTous nos s<strong>en</strong>s sont sollicités. Nous sommes invités à sortir<strong>de</strong> nous-mêmes, à faire taire notre discours intérieur, à interagiravec un milieu s<strong>en</strong>sible.L’œuvre semble rechercher la prés<strong>en</strong>ce humaine, elle se déploiedans une interaction subtile, naturelle, empreinte <strong>de</strong>réflexion. Dans toute sa complexité et sa fragilité résili<strong>en</strong>te,ce sol aéri<strong>en</strong>, cette trame immersive sont à la fois insolites etétrangem<strong>en</strong>t familiers... déroutants et pourtant débordants<strong>de</strong> s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>talité !Les <strong>en</strong>fants sav<strong>en</strong>t quoi faire ici, comm<strong>en</strong>t agir et comm<strong>en</strong>tbouger, instinctivem<strong>en</strong>t...Paradoxalem<strong>en</strong>t, l’œuvre appelle un jeu <strong>de</strong> réactions complexeset <strong>en</strong> appar<strong>en</strong>ce contradictoires :RévuLSIon < > ATTRACTIonInconfort < > EmPAThIEPeur < > FascinationmENACE < > SymPAThIERécit <strong>de</strong> la r<strong>en</strong>contrePlongé au cœurdu microscopique,voir l’invisiBLel’univers<strong>de</strong>s piècese t d escompoSAntesAu cœur <strong>de</strong> l’œuvre se trouve une variété d’espaces individuelsque seules la caméra et la construction infographiquepeuv<strong>en</strong>t explorer avec succès. À l’intérieur <strong>de</strong> gour<strong>de</strong>s<strong>en</strong> verre <strong>en</strong> forme <strong>de</strong> vessies et <strong>de</strong>s îles hygroscopiques sedéroul<strong>en</strong>t les réactions chimiques qui <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dr<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s formessynthétiques, mi vivantes. À l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> macro-stéréoscopie etd’imagerie informatique stéréoscopique, nous irons bi<strong>en</strong> au<strong>de</strong>là<strong>de</strong> ce que peut saisir l’œil nu.


64 conclusionSol HylozoïqueMontréal, Canada, 2007CONCLUSionPour résumer, le <strong>docum<strong>en</strong>taire</strong> Sylva établira <strong>de</strong>s li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>trele sujet <strong>de</strong> l’architecture vivante et les nombreux thèmes,perspectives et idées qui ont jalonné les recherches créatives<strong>de</strong> <strong>Beesley</strong> au fil <strong>de</strong>s années.Comm<strong>en</strong>t pouvons-nous montrer cela dans un <strong>film</strong> ?Au moy<strong>en</strong> d’un médium capable <strong>de</strong> nous immerger dans unespace palpable.En outre, l’objectif du <strong>film</strong> est <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre compte, à travers lelangage du 3D stéréoscopique, <strong>de</strong> l’expéri<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la découverte<strong>de</strong> l’œuvre. Nous visons aussi à utiliser le médium du3DS pour pousser plus loin l’expéri<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> Terre Hylozoïque.Nous comptons nous r<strong>en</strong>dre dans un territoire où seul le <strong>film</strong>stéréoscopique peut nous m<strong>en</strong>er.Par ce canal, le cinéaste <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t un collaborateur du processuscontinu <strong>de</strong> recherche <strong>de</strong> la série Terre Hylozoïque.Le <strong>film</strong> <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t une <strong>en</strong>treprise artistique et expérim<strong>en</strong>taleà part <strong>en</strong>tière.


Pour toute information complém<strong>en</strong>taire au projet<strong>Philip</strong>pe Baylaucqbureau 514 523 2902 | cellulaire 514 702 2902p.baylaucq@vi<strong>de</strong>otron.caPour toute information complém<strong>en</strong>taire à l’œuvre<strong>Philip</strong> <strong>Beesley</strong>philipbeesley.com

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