DOSSIER - L’évolution <strong><strong>de</strong>s</strong> rôles masculin <strong>et</strong> féminin <strong>au</strong> <strong>sein</strong> <strong>de</strong> la familleDu côté <strong>de</strong> la famille, la progression du travail <strong><strong>de</strong>s</strong>femmes contribue à fixer un nouve<strong>au</strong> type <strong>de</strong> famille :les familles à <strong>de</strong>ux actifs équivalents (en 1970, 60 % <strong><strong>de</strong>s</strong>femmes mariées étaient professionnellement inactives ;à la fin <strong><strong>de</strong>s</strong> années 1980 elles ne sont plus que 30 % àl’être). Dans le même temps, la législation atteste cestransformations, lorsqu’elle défend en 1983 l’égalitéprofessionnelle entre hommes <strong>et</strong> femmes <strong>et</strong> que se créeun ministère <strong><strong>de</strong>s</strong> Droits <strong><strong>de</strong>s</strong> femmes.Ces évolutions vont dans le sens d’une plus gran<strong>de</strong><strong>au</strong>tonomie <strong><strong>de</strong>s</strong> individus dans la famille, <strong>et</strong> d’une reconnaissance<strong>de</strong> droits ég<strong>au</strong>x, rendant plus accessible lavie séparée. Les divorces se multiplient, témoignant <strong>de</strong>la difficulté à concilier désormais ce double rôle, à lamaison <strong>et</strong> <strong>au</strong> bure<strong>au</strong>, <strong>et</strong> facilités sans doute par une plusgran<strong>de</strong> <strong>au</strong>tonomie financière <strong>de</strong> chacun <strong><strong>de</strong>s</strong> partenaires.Cela conduit à une multiplication <strong><strong>de</strong>s</strong> unités parentales.À côté <strong><strong>de</strong>s</strong> couples à <strong>de</strong>ux actifs, majoritaires, se développeune nouvelle forme familiale : la monoparentalité.Sur le marché du travail, outre l’introduction <strong>de</strong>la flexibilité, le principal phénomène concerne le raccourcissement<strong>de</strong> la durée <strong>de</strong> la vie active à ses <strong>de</strong>uxextrémités. Ceci est dû <strong>au</strong>x eff<strong>et</strong>s durables <strong>de</strong> la criseéconomique, qui a engendré nombre <strong>de</strong> suppressionsd’emploi <strong>et</strong> mises en prér<strong>et</strong>raites du fait <strong><strong>de</strong>s</strong> restructurationsdu secteur industriel. Le chômage s’étend alorsà d’<strong>au</strong>tres catégories <strong>de</strong> main-d’œuvre, en particulierles jeunes, qui entrent plus tardivement sur le marchédu travail, ce qui contribue à réduire, par le bas c<strong>et</strong>tefois-ci, la durée <strong>de</strong> la vie active.Mais, tandis que le secteur tertiaire continue <strong>de</strong> créer<strong><strong>de</strong>s</strong> emplois <strong>et</strong> reste donc dynamique, on constate que,simultanément, la flexibilité se développe à travers lescontrats à durée déterminée (CDD), <strong>et</strong> les emplois àtemps partiel (plus spécifiquement <strong><strong>de</strong>s</strong>tinés <strong>au</strong>x femmes)qui priment dans le domaine <strong><strong>de</strong>s</strong> nouve<strong>au</strong>x services.Le « parentalisme »,ou la vie « en CDD »Il y a, dans les décennies 1990 <strong>et</strong> 2000, un mouvementgénéral <strong>de</strong> parcellisation <strong>et</strong> <strong>de</strong> multiplication <strong><strong>de</strong>s</strong>temps, que ce soit dans la vie privée comme dans la vieprofessionnelle. « On est ainsi passé <strong>de</strong> parcours longs,durables, à vie, à <strong><strong>de</strong>s</strong> cheminements contractualisés,temporaires, momentanés » (Barrère-M<strong>au</strong>risson, 2009).Auparavant, la vie familiale était envisagée surle long terme, avec un couple unique pour la vie. Demême pour le travail : un emploi, une carrière. Travail<strong>et</strong> famille se déroulaient à travers <strong><strong>de</strong>s</strong> temps longs <strong>et</strong> lestrajectoires évoluaient <strong>de</strong> façon parallèle. Aujourd’hui,avec l’allongement <strong>de</strong> la durée <strong>de</strong> la vie <strong>et</strong> les conditionssocio-économiques, les parcours sont hachés,segmentés. On a plusieurs emplois <strong>et</strong> l’on forme souventplusieurs couples <strong>au</strong> cours d’une même vie. Les inser-Table<strong>au</strong> 2. Hommes <strong>et</strong> femmes, famille <strong>et</strong> emploi, à l’âge du FéminismeAnnées 1980 Famille Régulation sociale Marché du travailÉvénements, mesures Fin d’un siècle <strong>de</strong> famille conjugale(1982)Égalité professionnelleCréation du Ministère <strong><strong>de</strong>s</strong> Droits<strong><strong>de</strong>s</strong> FemmesAllocation parentale d’éducationFemme Tertiaire dynamique (1985)Chômage <strong>de</strong> longue duréeMesures JeunesCollectivités localesNouve<strong>au</strong>x services(APE) (1983)Modèle dominant Familles à <strong>de</strong>ux actifs actifséquivalentsFéminismeDéveloppement <strong>de</strong> l’activité féminineTertiarisationPartage du travail Homme : 30 %Conciliation travailfamilleHomme : 63 %familialou professionnelFemme : 70 %• pour les femmes dansFemme : 37 %entre hommes<strong>et</strong> femmes (a)l’emploi• « conciliation »travail-famille• via les politiquesd’emploi(a) voir note table<strong>au</strong> 1.©M.-A.Barrère-M<strong>au</strong>risson, 2012.Source : D’après Barrère-M<strong>au</strong>risson M.-A. (2009). Version actualisée.4Cahiers français N° 371
DOSSIER - L’évolution <strong><strong>de</strong>s</strong> rôles masculin <strong>et</strong> féminin <strong>au</strong> <strong>sein</strong> <strong>de</strong> la famill<strong>et</strong>ions se vivent à moyen terme, <strong>de</strong> façon contractuelle.On ne parle plus <strong>de</strong> plein-emploi mais <strong>de</strong> pleine activité(on connaîtra différentes pério<strong><strong>de</strong>s</strong> avec <strong><strong>de</strong>s</strong> activitésvariées <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> sa vie). De même, avec la montéedu nombre <strong>de</strong> séparations conjugales <strong>et</strong> <strong>de</strong> divorces,on pourrait parler <strong>de</strong> « couples à durée déterminée ».Sur le marché du travail, on a assisté à une véritableenvolée <strong><strong>de</strong>s</strong> formes particulières d’emploi (FPE) <strong>et</strong> dutravail à temps partiel. Le travail à temps partiel, <strong>de</strong>fait, représentait déjà un emploi sur huit en 1990 ; dixans après, c’est un emploi sur six <strong>et</strong> même un emploisur trois pour les femmes. Si l’on inclut le travail àtemps partiel dans les formes particulières d’emploi,il en représente, à la fin <strong>de</strong> la décennie, les trois-quarts.L’ensemble FPE-temps partiel est ainsi passé, <strong>au</strong> cours<strong>de</strong> la pério<strong>de</strong>, d’environ 15 % (moins <strong>de</strong> un sur six) à24 % (presque un sur quatre) <strong>de</strong> l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> emplois.« Quand près d’un emploi sur quatre est désormais hors<strong>de</strong> la norme du contrat à temps plein <strong>et</strong> durable, on peutparler <strong>de</strong> changement structurel <strong>de</strong> norme d’emploi »(Barrère-M<strong>au</strong>risson, 2009). Celle-ci <strong>de</strong>vient, pour unepart importante, temporaire <strong>et</strong> flexible.Du côté <strong>de</strong> la famille, le phénomène <strong>de</strong> doubleactivité dans les couples est acquis. <strong>La</strong> proportion<strong>de</strong> femmes actives âgées <strong>de</strong> 25 à 49 ans est, en eff<strong>et</strong>,passée <strong>de</strong> près <strong>de</strong> 50 % en 1970 à 80 % en 2000, <strong>et</strong>84 % en 2010. Les mères elles-mêmes sont majoritairementactives : c’est le cas <strong>de</strong> près <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mères<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux enfants sur trois, <strong>et</strong> <strong>de</strong> la moitié <strong><strong>de</strong>s</strong> mères<strong>de</strong> trois enfants ou plus.L’obj<strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> politiques <strong>et</strong> du droit <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>vientl’enfant, seul repère désormais par rapport à une structurefamiliale <strong>de</strong>venue instable. L’enfant constitue alorsle ciment <strong>de</strong> la famille <strong>et</strong> il convient <strong>de</strong> garantir sonavenir <strong>et</strong> ses droits en dépit <strong><strong>de</strong>s</strong> aléas <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> sesparents. <strong>La</strong> réforme du Co<strong>de</strong> civil, en 1993, inscritedans la Loi sur l’<strong>au</strong>torité parentale conjointe relative<strong>au</strong>x enfants, marque officiellement c<strong>et</strong>te évolution. Elleassure ainsi à l’enfant <strong><strong>de</strong>s</strong> droits <strong>et</strong> <strong>de</strong>voirs équivalents<strong>de</strong> la part <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux parents ; elle a été renforcéepar la loi <strong>de</strong> 2002 qui apporte <strong><strong>de</strong>s</strong> éléments juridiquespour les familles recomposées à travers le principe <strong>de</strong>coparentalité. Les pères sont <strong>de</strong> fait <strong>de</strong> plus en plusprésents <strong>au</strong>près <strong>de</strong> leurs enfants, y compris après laséparation (le système <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> alternée est <strong>de</strong> plusen plus adopté par les parents).Car le mouvement d’éclatement, suite à la montéedu nombre <strong><strong>de</strong>s</strong> divorces <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> séparations, se pour-Cahiers français N° 371 5