Le 4 juin, nous retrouvons à 8 H 30 àChalon-sur-Saône, le car venu <strong>du</strong> Juradéjà à moitié rempli. Nous voici à cinquante,direction Saint-Lô où nousdébarquons à 22 heures à l’Hôtel desVoyageurs, entre la gare d’un côté, laVire et de l’autre les remparts de la vieilleville qui ont résisté aux destructions dela libération.Dès le lendemain 5 juin, une journéebien chargée nous attend. Au petitmatin, départ vers la Manche à GrandCamp Maisy, petit port de pêche oùnous embarquons sur un bateau pêchepromenade« Le colonel Rudder » <strong>du</strong>nom <strong>du</strong> chef <strong>du</strong> <strong>com</strong>mando qui a donnél’assaut et enlevé la pointe <strong>du</strong> Hoc. Leléger brouillard que nous avons traversépar nappes dans le bocage s’est dissipé,un beau soleil nous ac<strong>com</strong>pagne.Après avoir quitté le chenal, tournantle dos à Utah-Beach, nous mettons lecap sur l’est. Nous voyons se dérouler levillage qui a encore de belles villas, avecune plage de sable remplacée plus loinpar des galets, avant de nous retrouverdevant la falaise qu’il a fallu prendred’assaut en l’escaladant par surprise,afin de pouvoir neutraliser les puissantesbatteries allemandes avant l’arrivée desbarges de <strong>débarquement</strong>. Le paysageest magnifique. Les falaises sont l’asilede centaines de goélands dont le vols’enchevêtre dans les airs, au milieu deleurs cris.Nous avons écouté, sur le bateau, detrès passionnants <strong>com</strong>mentaires d’unguide intarissable sur les événements etqui nous a lu des poèmes. Nous nerésistons pas à ces quelques vers :« Ils s’embarquèrent le cœur serré,Sur des péniches ballottées,Avec une mer folle ce matin là,L’aube s’était nappée de brouillard,Comme si le ciel ne voulait voirL’enfer qui s’annonçait déjà, … »Grand Camp Maisy est un port entièrementartificiel. Pour gagner le bassin, ilfaut passer une écluse qui est ouverte àArromanches 6 juin 2004, cérémonie interalliée.heure d’étale et suivre un large chenalqui n’est guère profond - environ deuxmètres - à l’heure de notre passage !Dans le port, à côté de nous, flotte unbeau chalutier entièrement remis en étatpar le patrimoine, tel qu’il était avantguerre.Le <strong>com</strong>mando <strong>du</strong> colonel RUDDER<strong>com</strong>prenait 229 hommes. Seulement177 ont mis pied sur la plage et ils n’enrestait que 92 après l’assaut.C’est alors qu’ils découvrirent quecinq des grosses pièces d’artillerie,qu’ils s’attendaient à trouver, avaient étédémontées et évacuées <strong>du</strong> site.En fin de matinée, nous gagnons unrestaurant <strong>du</strong> port de Maisy. Le restaurantde la mer est au premier étage, lasalle est spacieuse et le repas excellent.Départ à 12 h 40 direction Sainte-Mère-Église. Il y a foule, la route est chargée,on roule au pas. C’est de notre car quenous verrons les gros-porteurs larguer,par paquets de 30 ou 40, les 600 parachutisteset passer, à plusieurs reprisesau dessus de nous et à basse altitude, laformation de la patrouille de France.La route jusqu’à Sainte-Mère-Égliseétant fort chargée, nous changeons d’itinéraireet partons directement versMontbourg. Nous cherchons et retrouvonsle petit jardin où nous nous étionsrecueillis lors de notre précédent voyagedevant le monument à l’honneur de la101 ème division d’infanterie U.S., libératricede la ville. Nous y observons unminute de silence.Nous repartons vers Sainte-Mère-Église : même embouteillage car toutesles voies d’accès sont gardées et interdites.Il faut parlementer, vétérans quenous sommes, pour avoir le droit d’approcher.Nous sommes malgré tout bloquéscinq cents mètres avant le village.Toute circulation automobile est interdite,il faut abandonner le car. Quelquesuns d’entre nous, obtiennent de la gendarmeriequ’une voiture nous prennejusqu’au centre…La ville est en liesse, civils et militaires,jeunes gens et familles, françaiset étrangers, photographes et journalistes.Porteurs de nos calots, de nosinsignes, de nos décorations, de nosbadges, nous sommes arrêtés de partout,interrogés, photographiés et noussignons des autographes sur les programmes,les imprimés, les magazines.Le retour au car est prévu pour 18 H30. Nous attendons les retardataires jusqu’àprès de 20 H et nous sommes àSaint-Lô vers 21 H. Demain ce seraArromanches-les-Bains pour la grandecérémonie <strong>com</strong>mémorative <strong>du</strong> 6 Juin…Le 6 juin, D Day, Jour J. Nous quittonsSaint-Lô à 8 H 15. Comme il seraittrop simple d’aller directement versBayeux et Arromanches, il nous estimposé de nous présenter dans un grandparking en périphérie de Caen, où nousserons contrôlés et d’où des navettesnous emmèneront sur le site. Un magnifiquesoleil est au rendez vous, mais<strong>com</strong>me hier matin nous traversons desnappes de brouillard. La circulation eststrictement réglementée, les carrefourssurveillés, les bretelles fermées. La gendarmerieest partout, y <strong>com</strong>pris sur lesponts sous lesquels nous passons. Enfinle parking ! Il est immense et déjà denombreux cars y stationnent. L’accueilréservé aux vétérans de toutes nationalitésest considérable. Des élèves infirmierset infirmières, des étudiants et desmilitaires nous distribuent des boissons.Après les palabres nécessaires,notre groupe passe sous la tente et lesportiques de sécurité pour gagner lanavette qui nous est réservée. DepuisCaen, la route est entièrement libérée,des motards nous ac<strong>com</strong>pagnent. Nousarrivons enfin à Arromanches. Il fautencore respecter les consignes. On nousachemine finalement sur le site. Ce n’estpas la canicule, mais on continue à nous20
distribuer de l’eau, puis on nous offre lerepas, tandis que des marches militaireset des chansons de l’époque 1940 sontdiffusées.Nous sommes en place dans l’unedes deux tribunes qui encadrent celleréservée aux officiels. Pour nous faireprendre patience jusqu’à la cérémonie,une parade <strong>com</strong>mence avec les fanfaresmilitaires tchèques, grecs « Les enfants<strong>du</strong> Pirée », anglaises, néerlandaises,canadiennes, polonaises, norvégiennes,américaines et françaises.Puis l’arrivée des chefs d’état estannoncée. Les musiques de la Garderépublicaine et de l’armée de l’air semettent en place. Une frégate passe aularge et tire 21 coups de canon. Onassiste au défilé de soldats ayant participéau <strong>débarquement</strong>, manœuvre au<strong>com</strong>mandement. Puis, Jacques CHIRACprocède à la remise de la Légion d’honneurà 14 d’entre eux, tous de nationalitédifférente, avant de prononcer sondiscours :« A vous, héros légendaires de cetteaube <strong>du</strong> 6 juin 1944, rougie par la mort.A vous, enfants <strong>du</strong> monde jetés si jeunesdans le feu de la guerre… »Le défilé des troupes <strong>com</strong>mence :régiments, gardes d’honneur, écolesmilitaires de plusieurs pays. Il est suivid’une parade aérienne puis d’une revuenavale. L’hommage aux <strong>com</strong>battants dela liberté s’étend ensuite à toutes les victimesde la folie humaine, les civils, lesrésistants, les déportés, avant la guerreet pendant, jusqu’au message tantatten<strong>du</strong> <strong>du</strong> jour J : « Les sanglots longsdes violons de l’automne… ».Hommage est ren<strong>du</strong> aux ForcesFrançaises de l’Intérieur et à tous ceuxqui se sont battus contre la barbarie. Onentend alors le chant des partisans.Puis c’est un appel aux jeunes : « Jevoudrais m’adresser aux plus jeunesd’entre vous, ceux qui ont entre 16 et 20ans. N’oubliez pas, ceux qui ont débarquéil y a 60 ans avaient votre âge, l’âged’être lycéens. N’oubliez pas, la paix, laliberté, les droits de l’homme sont desvaleurs fragiles. Le <strong>com</strong>bat pour la libertéest un <strong>com</strong>bat permanent. Vous êtesles enfants d’un nouveau siècle, je voussouhaite chance et courage pourconstruire un siècle de paix. N’oubliezpas, ne les oubliez pas… Don’t forget,don’t forget them… » En souvenir devous des milliers de normands se sontrassemblés pour vous dire qu’ils n’oublientpas !« L’Ode à la joie » résonne, la cérémoniese termine, la tribune officielle sevide dans un impressionnant déploiementde gardes en civil. Pour nous, ilfaudra attendre les ordres d’évacuerencore une heure ou deux. Une musiquemilitaire américaine va nous tenir <strong>com</strong>pagnieavec des airs classiques, de jazz,de folklore américain, pour notre plaisiret certainement le leur.A 19 h 30 les délégations polonaises,américaines, anglaises sont appelées.Nous étions arrivés les premiers, nousrepartirons les derniers direction Saint-Lô.Lundi 7 juin, départ à 9 heures pourune journée de détente et de tourismevers la baie <strong>du</strong> Mont-Saint-Michel etSaint-Malo. Au programme, visite de labaie, petites emplettes…, puis déjeunerau restaurant « La Rôtisserie ». Noussommes à Saint Malo vers 15 H pourune promenade sur les remparts et àtravers la vieille ville. A travers les nomsde rue, les hôtels, les statues, nous revivonsl’histoire de France. Au retour,nous nous arrêtons à Villedieu-les-Poêles et traversons la rue principaleavec ses magasins de dinanderies puisnous visitons un important atelier defabrication.Après dîner, nous sommes allés fairequelques pas dans le vieux Saint-Lô.Comme dans presque toutes les villesde Normandie, il ne restait plus, après lalibération, que des ruines dont quelquespans <strong>du</strong> mur de l’église abbatiale et uneporte de l’ancienne prison devenuemonument <strong>com</strong>mémoratif et où se trouvele nom des soldats tués, ceux de tousles civils disparus dans les bombardements,ainsi que ceux des résistants,des fusillés et des déportés.Mardi 8 juin, nous partons faire lavisite <strong>du</strong> Mémorial de Caen et desplages de <strong>débarquement</strong>. Nous gagnonssans difficulté le Mémorial. Nous visionnonsle film historique, diffusé surdouble écran, retraçant sur l’un l’assaut,la défense, la bataille <strong>du</strong> côté destroupes alliées et sur l’autre, les mêmesactions <strong>du</strong> côté allemand ; images terriblesdes <strong>com</strong>bats, des villes et des villagesdétruits. Puis nous visitons lemusée retraçant l’avant guerre, avec lamontée <strong>du</strong> nazisme, et la guerre ellemême.Avec nos calots, nos insignes etnos décorations, nous sommes l’objetde beaucoup d’attention. Il nous fautexpliquer ce que nous avons fait <strong>com</strong>merésistants FFI dans le maquis et notreengagement dans la première arméefrançaise. Dans le grand hall, sous unSpitfire, le diplôme <strong>du</strong> 60 ème <strong>anniversaire</strong>nous est remis.Nous déjeunons dans une brasseriede Caen. En sortant, nous longeonsl’Abbaye aux hommes conservée malgréEtape à Caen, en route sur Arromanches.les destructions considérables de la villelors de la libération et visitons la villeavec ses boulevards et des placessuperbes, plantés de tilleuls, d’ormes etd’acacias.De retour au car, nous prenons ladirections de la mer, à 17 km de Caen,vers Ouistreham, Riva Bella où ont débarquéles anglais (1 er bataillon de fusiliersmarins). Un monument rappelle le <strong>débarquement</strong>associé au 1 er <strong>com</strong>mando <strong>du</strong><strong>com</strong>mandant Kieffer. Nous passons Lionsur-Mer,Luc-sur-Mer où se trouve unchar Churchill et une pyramide avec lenom des 41 marins et officiers tués, puistraversons Ouistreham. Nous nous arrêtonsquelques instants à Courseulles-sur-Mer, nom de code « Junod Beach » quifut le premier point fort allié. Les canadiensarrivèrent à 8 H, et à 10 H, la villeétait libérée. Au soir <strong>du</strong> D-Day, ce sont24 000 hommes et 10 000 véhicules quiont été débarqués. Le petit pont avait étéremis en état en 48 H.A Arromanches, on est déjà en trainde démonter les installations. Le soleilbrille et on peut voir les barges <strong>du</strong><strong>débarquement</strong> qui ont été amarrées etsont à demeure devant le site. On passeà Port en Bessin, direction la Pointe <strong>du</strong>Hoc. Cette fois, de l’intérieur on retrouveles casemates et les vallonnements destrous d’obus. Mais des barrières desécurités ont été montées de tous côtéset le site est moins à l’état « brut » qu’en1994. Destination le cimetière allemandde la Campe quelques kilomètres plusloin, où un beau mémorial a été érigédevant 22 000 tombes avec des croixde granit noir. La moitié des soldatsavaient 18 ans, folie meurtrière de notreennemi…Le 9 juin, <strong>com</strong>me prévu, retour surLyon et dans le Jura, avec pause déjeunerà Thoiry.Nous sommes tous fatigués, heureux,satisfaits de ce voyage et reconnaissantsà ceux qui l’ont mis sur pied,à savoir Béatrice BOUQUERANT,Robert PERRAUT et surtout LucienTHIBAUT qui à fait toutes lesdémarches auprès des autorités deLyon et Paris afin d’avoir les accréditationsnécessaires.21