INTERVIEWSQuels sont vos critères pour choisir lesanches ?Une des raisons pour lesquelles je mesuis lié à Vandoren, c'est d'abord parceque j'aime le produit et aussi parce quej'ai la chance de pouvoir essayer différentsmodèles de <strong>bec</strong>s et d'anches.J’aime différentes anches selon lesmoments, je ne sais pas si un jeune peutse le permettre… Depuis que je joue lesVandoren, je les trouve régulières ; jen'ai plus essayé d'autres matérielsdepuis. La V16 n°3 1/2 estla plus proche de ce que je recherchesur scène.J'ai appris que vous utilisez aussi detemps en temps les anches traditionnelles(boites bleues)…Difficile de vous dire pourquoi. Je regardecomment l'anche vibre. Mais généralement,j'utilise l'anche V16 qui est pourmoi la plus souple au point de vue utilisation.Je ne veux pas savoir commentcela fonctionne dans mon jeu ; j'aimegarder une part de mystère…Avez-vous un sujet que vous aimeriezpartager avec la communauté dessaxophonistes ? Donnez-vous desmasterclasses ?Jouant depuis une soixantaine d'années(j'ai commencé à 11 ans) pour moi l'actede jouer est essentiel. L'éducation joueun grand rôle dans le plaisir de jouer.Lorsque cela m'arrive de donner unemasterclass, je n'enseigne pas dans lebut de préparer des professionnels,j'essaie d'enseigner à quelqu'un qui ale plaisir de jouer en lui.Un autre sujet de préoccupation pourles musiciens, c’est de pouvoir répéterchez soi dans de bonnes conditions.Beaucoup d'entre nous n'ont pas destudio pour pratiquer chaque jour ; on doitprendre en compte ses voisins, j'ai faitcela toute ma vie, et j'ai réalisé un jourque je ne donnais pas tout le volume quej'aurais dû sur scène. Je conseille aux étudiantsde mettre quelque chose dans leurpavillon ou d'utiliser une sourdine, et detravailler le contrôle de l'air.(…)<strong>Le</strong>s instrumentistes à anche changent souventde matériel et en demandent toujoursplus à leur instrument. Je suis heureuxd'avoir choisi le saxophone. Je ne pensepas que j'aurais forgé un son personnelaussi facilement avec un autre instrumentcomme le piano ou la guitare…Pierre Boulez m'a écouté un jouret m'a dit que mon type de son pourraitêtre le standard des orchestressymphoniques…Avez-vous fait des expériences avecdes orchestres symphoniques ?Il y a ce nouveau CD avec le MetropoleOrchestra. Et il y a quelques années, BillHolman m'a écrit une pièce qui est unecombinaison un peu de Bartok et du jazztraditionnel. Et je joue en novembre enallemagne une pièce avec orchestrequ’on a écrite pour moi.◆Guy DeplusPROFESSEUR HONORAIRE AU C.N.S.M. DE PARISActuellement quel type de <strong>bec</strong> jouezvous?J’en suis au B45•. Actuellement, je fais -comme je l’ai souvent fait - des essaissur un prototype ; on évolue, l’oreilleaussi…Lorsque le B45 a été mis au point, j’aitout de suite ressenti que j’étais à l’aise ;je venais d’un <strong>bec</strong> beaucoup plus ferméqui ne me donnait pas assez d’ampleurde son.Je suis passé par la plupart des <strong>bec</strong>s de lamaison, non seulement pour les essayer,mais parce que je leur trouvais à chacunun bon côté.J’aime bien recommander aux élèvesdébutants le 5RV Lyre, moins fermé quele 5RV, et pas trop ouvert pour ne pastrop fatiguer une embouchure qui n’estpas encore solide. Je connais aussi desélèves plus avancés qui contiuent à lejouer, et à bien le jouer, au Japon entreautres.Pour sélectionner un <strong>bec</strong> :Dans chaque modèle de <strong>bec</strong>, il est bonde se faire aider par quelqu’un quiconnait bien ce modèle. Si on n’a passuffisamment d’expérience, prendre sontemps pour faire ce <strong>choix</strong>.Il m’arrive de choisir des B40 pour lesélèves ; je choisi des modèles relativementfaciles.Pour un élève qui aurait une sonoritétrop agressive, le B40 va adoucir sasonorité et lui apporter une solution.<strong>Le</strong> souffle n’avait pas d’importanceautrefois, mais aujourd’hui il y a toujoursun micro quelque part…Il y a quelques années, est-ce qu’onrecherchait une sonorité plus rondesans avoir le matériel adéquat, ou bien14
était-ce une sonorité parfois plus acidequi plaisait ?Non, on recherchait un son très timbré.<strong>Le</strong>s goûts ont évolué ; mais on revient unpeu en arrière, car on s’est aperçu qu’unesonorité très ronde, sombre ou sourde nepassait pas.Si on pouvait se dédoubler, et qu’on puisses’écouter, je suis sûr qu’on changeraitde sonorité, et peut-être de matériel aussi.Il faudrait trouver un ami ayant les mêmesgoûts et qui aille dans la salle… on auraitquelques surprises ! (cela est vrai pour les<strong>bec</strong>s, les anches, les ligatures,…).Si la sonorité est trop mate, cela ne faitplaisir qu’à soi-même et à ceux qui vousentourent dans un rayon proche.Si on veut un <strong>bec</strong> moins “retenu”, onaura quelque chose de plus “clair” ; sitant est que les mots aient le même senspour tout le monde.Quels conseils donneriez-vous à unélève débutant ?- Un <strong>bec</strong> pas trop ouvert, pour ne pas lefatiguer inutilement. Il n’aurait pas demeilleurs résultats, au contraire. Il fautque l’élève trouve une facilité, une sécuritéet qu’il cherche le son qui se rapprochede son idéal. Par la suite, en abordantun plus large répertoire, et notammentcelui de la musique contemporaine,on a besoin de beaucoup de puissance.S’il se sent “à l’étroit”, on peut essayerun <strong>bec</strong> un peu plus ouvert. Celui quipasse directement d’un <strong>bec</strong> plutôt ferméà un <strong>bec</strong> plutôt ouvert s’expose à desproblèmes d’embouchure.Cet avis n’engage que moi. Jouer un <strong>bec</strong>très ouvert n’est pas souhaitable nonplus. On y passe tous un jour ou l’autreparce qu’on recherche une certaine largeurde son, une puissance. La projectiondu son est surtout une question de timbre(dans le bon sens du terme).On avait perdu cette notion de timbre àune certaine époque, et l’on disait queceux qui jouaient “timbré” avaient unson agressif. Pas forcément, le timbre,c’est une couleur. C’est ce qui a fait qu’àune certaine époque, et j’en ai été partiellementresponsable d’ailleurs, jedemandais aux élèves de jouer moins“agressif”, et ils finissaient par ne plusavoir de couleur de son. Il faut revenir àun juste milieu.La maison Vandoren propose une grandevariété de <strong>bec</strong>s et d’ouvertures.Beaucoup de musiciens font des essais.Quant à celui qui n’a pas la mentalité de“chercheur”, il écoute aveuglément lespréceptes de son professeur, et en reste là; il est peut-être heureux comme cela. Jene pense pas que ce soit une bonne solution.Celui qui fait des essais va peut-êtrepasser par des excés pour finalementrevenir à son juste milieu.Chaque individu a une morphologie différente.Celui qui a une mâchoire large,puissante ne jouera pas forcément lemême matériel que celui qui a unemâchoire “relâchée”, c’est la nature. Auprofesseur de le guider. Un élève qui estpetit, et a une petite cage thoracique n’apas intérêt à jouer un <strong>bec</strong> ouvert.Je ne suis pas partisan d’imposer un <strong>bec</strong> à unélève ; je cherche avec lui ce qui lui convient.Personnellement, mon idéal va vers unesonorité ample, pleine, avec de la couleur,sans être désagréable à l’oreille.Quels sont vos critères de <strong>choix</strong> d’uneanche ?Choisir des anches est très délicat.Prendre une anche, la mouiller à peine etla jouer immédiatement ne donne pas uneidée de ce qu’elle donnera par la suite.<strong>Le</strong>s salives sont de nature différente, etfont réagir les anches différemment.Uneanche doit être bien plate pour êtrejugée, ne pas gondoler, et être bienhumectée. Certains musiciens ne sontpas partisans de les mouiller ; et pourtantelles seront humectées de toutemanière durant le jeu. Souvent je lesassouplis légèrement avec l’ongle aubout, pour les amener comme elles serontaprès avoir vibré un certain temps.Comme le disait Monsieur Robert VanDoren, “une anche, ça se rôde commeune voiture, si on veut qu’elle dure longtemps”.En arrivant à la maison, j’ai parfoisfait l’erreur que commettent beaucoupde musiciens : j’ai trouvé unebonne anche, je la joue. Il faut la laissersécher un ou deux jours, la reprendre, lamouiller. Robert Van Doren disait même :la mouiller et ne pas la jouer. Ensuite, on15INTERVIEWScommence à la jouer. Surtout pas dans lesuraigu ni staccato. Cela fatigue une anche.Si on joue toujours la même anche, ellen’aura plus de couleur de timbre. Il m’arrivede jouer de vieilles anches, mais quin’ont pas beaucoup été jouées.Quels sont les facteurs qui vont avoirune incidence sur l’anche ?<strong>Le</strong>s conditions climatiques. Si on a untemps très humide ou au contraire trèssec, les résultats seront évidemment trèsdifférents. <strong>Le</strong> roseau “bouge”, vit.Lorsque le temps est très sec, les anchesvibrent moins facilement.Un temps très humide aura tendance àdonner des anches plus sourdes.Je conseille aux élèves de ne pas jeter leursanches. On juge parfois mal et trop viteune anche neuve. Une anche trop sourdeservira peut-être un autre jour, ou dans unlieu à l’acoustique différente !C’est pourquoi il est bon d’avoirun éventail d’anches, en particulieren voyage ; ainsi qu’une souplesse d’embouchurepour s’adapter à des situationsdifférentes. Dans certaines circonstances,cela vous sauve de jouer une anche jugéeautrefois trop facile ou trop forte…Outre le fait de bien aplatir l’anche surle <strong>bec</strong> pour qu’elle ne frise pas, il faut aussibien la positionner sur le <strong>bec</strong>.Il n’y a pas de secret ; une anche quia une résistance égale des deux côtés,ce qu’on appelle une anche bien balancée,bien équilibrée, sera de qualité supérieure.Une anche doit également être bientablée. <strong>Le</strong>s variations d’humidité de l’airpeuvent voiler une anche qui n’est pasmaintenue à plat.Beaucoup de facteurs ont une influencesur le comportement des anches : le climat,l’acoustique de la salle, l’air conditionné(très défavorable, surtout pourl’anche forte, qui se déssèche).<strong>Le</strong>s anches évoluent, ainsi que nousmêmes.On joue plus à l’aise avec unmatériel qu’on s’est choisi. L’importantest de se faire plaisir.