42<strong>Mondomix</strong>.comlégende« Sans savoir ni lire ni écrire la musique,il y a une précision dans chacun de ses mouvements.Comme si les notes passaientd’abord par son âme. »Silvia Coarelli, sa managerALGÉRIELe retourde larockeuse du désertHasnael BechariaTexte Nadia AciPhotographies Elodie GaillardLa France a découvert Hasna el Becharia aufestival « Femmes d’Algérie » il y a dix ans. Elle yavait consumé un Cabaret Sauvage déjà brûlant àcoups de riffs du désert. En 2009, elle fait le bilanavec Smaa Smaa, fruit d’un retour aux sourceset de rencontres transversales qui ravivent unetradition remise au goût du jour.Celle que l’on surnomme la « rockeuse du désert » est loin d’êtreune inconnue en son pays. Née en 1950 à Béchar, une ville ausud de l’Algérie dont elle porte le nom, fille d’un père marocain,Hasna découvre son instrument de prédilection à ses côtés : legumbri, un luth de tradition gnawa réservé aux hommes. Malgréles interdictions, elle apprend à en jouer en cachette et, de soiréesen mariages, devient célèbre dans tout le sud du pays. Lesreprises de Cheb Hasni et autres stars du raï déclenchent les crisdu public, à tel point qu’elle ne s’entend plus jouer et se met alorsà la guitare électrique !LES NOTES DE L’ÂMERestée en France après son succès au Cabaret Sauvage, grâceà l’appui de <strong>Mondomix</strong>, celle qui refusait d’enregistrer un disquepar manque de confiance envers les producteurs sort finalementDjazaïr Johara réalisé en 2001par Camel Zekri pour Label Bleu.Elle poursuit l’aventure cette année avec Smaa smaa, un deuxièmealbum aux couleurs du Sud, témoin d’une autre rencontre, celleavec son actuelle manager Silvia Coarelli. Spécialiste des traditionsorales, co-fondatrice du projet Taranta Power avec le Napolitainen concert1 juin Angoulême (16), Musiques Métisses17 Juin: Toulouse (31), Festival Rio Locoà suivreLa saga d’Hasna el Becharia sur mondomixhttp://hasna_el_becharia.mondomix.comEugenio Bennato, elle invite Hasna en 2004 à participer à unfestival dans le sud de l’Italie: « Elle joue une musique hypnotique,on croirait qu’elle invite ses ancêtres avec elle sur scène. J’ai toutde suite été très touchée par Hasna, par sa façon de travailleret d’appréhender la musique, instinctivement, organiquement.Sans savoir ni la lire ni l’écrire, il y a une précision dans chacun deses mouvements. Comme si les notes passaient d’abord par sonâme. Elle a une noblesse d’écoute et de présence qui la rendentcapable d’absorber toutes les musiques. Elle s’inspire de sestraditions, mais avec une approche contemporaine. » Aujourd’huiproductrice du « Canto di Lilith », une association qui prône la libertéde la femme à travers la musique, Silvia continue de promouvoircette étoile discrète à la rage rythmique sans failles.LE SON DU DÉSERTPour retrouver le souffle lunaire qui anime les mélodies de sonSahara natal, elles décident de partir enregistrer en Algérie, dansle désert, cette atmosphère mystique et sans limites où Hasnapuise sa force tranquille. « On a passé trois semaines à Taghiten avril 2008. Elle a enregistré avec des musiciens de là-bas.C’était incroyable de travailler dans ces conditions, si adaptéeset pourtant sans confort. L’acoustique des maisons en font desstudios d’enregistrement naturels. On a tourné un clip avec unevieille 404 bâchée. Tout ce contexte accentuait le sentimentd’harmonie entre Hasna et la magie du paysage. »De retour en Italie avec trente-deux morceaux, elles retravaillentles arrangements : « Je voulais que ce disque représente non plusla musique gnawa mais une Hasna libre ! » Grâce à la collaborationde Teofilo Chantre, musicien capverdien d’exception qui fait le lienentre les différents intervenants, l’ensemble acquiert une touchemoderne et nomade, tissée entre le sacré et le profane, entrecette soif de révolte et cette paix intérieure qui attisent la transed’Hasna.En juillet prochain, Hasna sera l’invitée du Festival Panafricaind’Alger qui fêtera sa deuxième édition après 40 ans de silence.« Symboliquement, c’est un évènement de taille. Hasna et samusique représentent une « Afrique algérienne ». Avec ce retourofficiel, elle reprend une place d’honneur dans son pays. »n°34 mai/juin 2009
24 heures <strong>Mondomix</strong>.com 43Que mange un maître du sitar au petit-déjeuner ? Comment se déroule la journée d'une directrice de festival de tango?Qu'écoute un chanteur polyphonique à l’heure du thé ? Où un programmateur passe-t-il la soirée ? Autant de questionsauxquelles la rubrique « une journée avec ... » peut répondre, tout en offrant un portrait à vif de personnalités passionnantes.Texte Patrick LabessePhotographie Sunara Begum24hUnejournéeavec TundeJegedeCompositeur, violoncelliste etjoueur de kora, métis londonienné d’un père nigérian et d’unemère anglaise originaired’Irlande, dandy éclairé, TundeJegede célèbre l’utopie d’unemusique universelle sansâge reliant les mondes et lesépoques.Il était invité au festival de Saint-Denis (banlieueparisienne) en 2003, par Talvin Singh, poursa création Songs For The Inner World. Ily revient cette année, artiste en résidenceet maître d’œuvre d’un projet transversal,Fleuve Niger, ligne de vie, impliquant sonAfrican Classical Ensemble, un quatuor àcordes anglais (Brodsky Quartet) et des starsdu Mali (Oumou Sangaré, Toumani Diabaté,Kassé Mady Diabaté).Le 2 avril, Tunde Jegede s’est réveillé dansun hôtel parisien, près de la Gare du Nord.Carnet de bord.Matin« Le matin est un moment toujours trèsimportant pour moi car c’est là que je suisle plus créatif. » Tunde Jegede s’est levé tôt.Entre 6 et 8, c’est la meilleure heure. Le petitdéjeuner ? Ni thé ni café, mais du yaourt, desfruits. « L’habitude du bien manger me vientde ma mère, très branchée bio et produitssains ». Le matin, c’est un moment pour lui.Celui où les questions qu’il pouvait se poser laveille trouvent leurs réponses. « La nuit porteconseil» ? Tunde Jegede adhère au dicton.« Aujourd’hui est une journée particulièrepuisque je suis à Paris ». Il doit y rencontrerdes gens avec qui il travaille, notammentOumou Sangaré, qui était en concert laveille. Il ira l’écouter ce soir, à Pierrefitte, enbanlieue.Midi« C’est le moment où la journée bascule. Lafin de la première période. Après l’espace dumatin réservé pour moi, j’entre dans une phased’interaction avec les autres. » L’Ipod qui lequitte rarement va être en pause prolongée. Ilcontient 40 Go de musique. Cela représentepeut-être un quart de sa discothèque. Hier,dans le train, il écoutait Sorry Kandia Kouyatéet la musique du film de Steven Spielberg, LaListe de Schindler, écrite par John Williams.Un compositeur dont il apprécie le travailpour l’image, comme il apprécie celui deMaurice Jarre qui vient de décéder. Il avaitfailli travailler avec lui pour la B.O. du film IDreamed of Africa (2000), réalisé par HughHudson, avec Kim Basinger. « Tout à l’heure,j’écoutais Jessye Norman, chantant Purcell ».Et s’il ne devait emmener qu’un seul disqueavec lui – terrifiante hypothèse –, ça seraitsans doute Exodus de Bob Marley.Après-midiPas de sieste au programme. Tunde Jegedeva profiter de cette après-midi pour rencontrerCrystal Night, une chanteuse de nu soul / jazzavec qui il collabore. Il sera son invité lors desconcerts que celle-ci doit donner en juin àl’Albany Theater de Londres. Tunde Jegedea également prévu de voir Juldeh Camara,musicien gambien, installé à Londres, joueurde riti, un violon traditionnel à une corde. Ilparticipera à la création. Camara se produisaithier soir avec le guitariste Justin Adams, enpremière partie d’Oumou Sangaré, mais ill’a raté. « Je ne savais pas dans quelle salleil jouait. » La nuit n’a pas tous les pouvoirs.Elle ne lui a pas fourni la clé pour retrouverCamara hier soir.SoirDirection l’église Sainte-Thérèsedes Joncherolles, à Pierrefitte-sur-Seine, où chante Oumou Sangaré.Après le concert, Tunde Jegedeparle avec elle du projet. Leschoses s’affinent petit à petit, lesidées se mettent en place. La bellehistoire s’écrit lentement. De retourà l’hôtel, l’heure est à la réflexion.« J’essaie de réfléchir aux chosesqui attendent des réponses, ce quim’amène, déjà, à la journée dulendemain. » Un peu de musiqueavant de plonger dans le sommeil? Peut-être ou peut-être pas. Ceserait alors éventuellement ArvoPärt ou de la kora, du jazz, Bach...« Je suis fait de tout cela ». Quellesera la journée de demain ? « Pourconnaître ton futur, regarde tonpassé », dit un proverbe qui faitsens pour lui. Bonne nuit, MonsieurTunde Jegede. Que celle-ci voussoit encore porteuse de bonsconseils.Tunde Jegede, avec l’AfricanClassic Ensemble,Espace Paul Eluard, le 28 avril(20h30), à Stains (93).Création Fleuve Niger,ligne de vie,Basilique de Saint-Denis (93),le 30 juin (20h30).Interview surmondomixhttp://tunde_jegede.mondomix.comNIGÉRIA / ANGLETERRE2009 MAi/juin n°34