La pratique réflexive en FGA pour revoir sa façon d'enseigner

Octobre 2012La pratique réflexive en FGA pour revoir sa façon d’enseignerPar Frédéric Dénommée, conseiller pédagogique, Commission scolaire des Hautes-RivièresCette année, j’ai eu le privilège d’accompagner trois enseignants du centre d’éducation desadultes La Relance (Francine Cartier – math, Monique Brunel – français, Daniel Choquette-Riel – français) dans une expérimentation de la pratique réflexive. Nous avons travailléensemble afin de revoir leurs pratiques et la dynamique d’apprentissage dans leur classe. Lebut du projet? Amener l’équipe à pouvoir déterminer son propre référentiel pédagogique etensuite, tenter de l’appliquer en l’intégrant à sa pratique. J’ai constaté qu’à la suite de cetteexpérimentation, le processus d’apprentissage s’est dynamisé. Il est devenu plus efficace etsignifiant pour non seulement l’élève, mais aussi l’enseignant.QU’EST-CE QUE LA PRATIQUE RÉFLEXIVE?Pour accompagner mes collègues, je mesuis inspiré du modèle de Kolb (1984) 1 .Celui-ci permet pour un enseignant derelier d’une part la pratique et la théorie etd’autre part, la réflexion et l’action. Pour cefaire, nous avons utilisé une cible oùchacun a été invité à définir ce quisemblait important pour lui, selon son rôle(enseignant ou conseiller pédagogique).Quatre champs spécifiques ont étéidentifiés : les croyances, les stratégies,les ressources et l’évaluation.Figure 1 - La cible utilisée par l’équipe afin d'identifier les prioritésdes membres du projetDe cette analyse, plusieurs discussionsont eu lieu au cours desquelles chacunsouhaitait axer sa réflexion sur les prioritésénumérées par les différents membres del’équipe. Il a été ensuite souhaité d’en faireune généralisation ou une théorie personnelle qui pourrait pouvoir s’appliquer à presque toutesles expériences en classe. Comment donc modéliser ce qui nous rejoignait tous, tout en étant àla fois conscient des préoccupations de l’équipe? Il nous fallait un référentiel pédagogiquecommun.1 Selon David Kolb, l’apprentissage est un processus constitué de quatre phases formant un cycle pouvant êtrerépété à l’infini. Les quatre phases sont : l’expérience concrète d’une action/idée, l’observation réfléchie etattentive, la conceptualisation abstraite et théorique, et la mise en application de l’idée/action en fonction del’expérience initialeOctobre 2012 1

LE RÉFÉRENTIEL PÉDAGOGIQUEFigure 2 Le schéma du référentiel utilisé en classe par l'équipe du projetEn tentant d’unir les priorités définiespar la cible précédente, plusieursregroupements ont été possibles.Maintenant, comment les définir entermes d’étapes ou de phases? Or,après une longue réflexion et analyseet en priorisant nos intentions respectives,nous avons pu en arriver ànotre référentiel que nous avonscommunément appelé l’œuf. Il estalors apparu évident que plusieursétapes étaient incontournables dansle développement de l’élève enclasse.D’abord, l’individu. On doit tenir compte de celui qui se trouve devant nous en classe, maissurtout de ce qu’il porte en lui comme expériences, sa personnalité et ce qu’il est. Ensuite, ledegré affectif implique ce qu’un élève ressent, ses humeurs, mais aussi, sa « charge émotive ».Est-il disposé à apprendre? Il faut impérativement se poser la question. Par la suite vient lanotion de sens, en termes de la signifiance des apprentissages pour un élève. À quoi peutservir ce qui est vu, est-ce adapté en fonction de la réalité de l’élève, celui-ci y trouve-t-il soncompte? Après cela viennent les savoirs. À cette étape, il y a bien sûr les connaissances, maisaussi les stratégies et les outils qui permettent à un élève d’apprendre. Finalement, on peutcroire que l’élève sera disposé à la pratique et que le transfert pourra se faire dans unesituation semblable ou vers un contexte différent. Il semble toutefois important de noter quel’élève revient parfois dans une des phases précédentes et que cela peut « bloquer » leprocessus d’apprentissage. Il est alors important d’en tenir compte et de cerner la problématiqueafin de passer à l’étape suivante.UNE EXPÉRIMENTATION DU RÉFÉRENTIEL, UN CHANGEMENT DE PRATIQUESUne fois le référentiel identifié comme cadre de référence pour changer les pratiques en classe,les enseignants ont adapté leurs pratiques pour intégrer les différentes étapes. Je leur ai remisun cahier de bord. Ils étaient invités à répondre à des questions réflexives et à exprimercomment ils allaient appliquer le référentiel en classe.Ainsi, l’accueil de l’élève en classe a été passablement modifié afin de le centrer sur l’individu.Fini le moment où l’on remettait seulement le cahier et une feuille de route à l’élève. Il fautmaintenant tenir compte de son parcours scolaire, ses expériences et sa personnalité. Nous ensommes même actuellement à redéfinir le concept de l’apprentissage individualisé en formationgénérale des adultes (FGA) pour le transformer en apprentissage PERSONNALISÉ… unenuance qui mérite d’être entendue. L’élève peut certes travailler seul, de façon individuelle, maisil doit apprendre de manière personnalisée. Cette distinction pour notre équipe s’est avérée unerévélation dans la prise de conscience à faire quant aux pratiques qui doivent être privilégiéesen classe.Octobre 2012 2

D’ailleurs, pour bien cerner toute la complexité de l’apprenant, celui-ci a utilisé un portfolio. Ilpouvait ainsi y consigner des activités, notions et ressources diverses qui aident à pouvoirdéfinir la notion de l’affectif de l’élève et personnaliser le parcours en classe pour lui donneraussi du sens. En mathématique, Francine Cartier a axé ses interventions et sa pédagogie surla reconnaissance de l’autre, de sa « couleur » personnelle et de son unicité. Plusieurs activitésde coopération ont aussi été expérimentées afin de permettre à chacun de jouer un rôle biendéfini et contribuer à sa façon à l’apprentissage en classe. Des exemples de situation de la viepersonnelle d’élève en classe ont même servi à la résolution de problème mathématique engroupe.En français, parmi les stratégies utilisées par Monique Brunel, la mise en plan et laschématisation ont été grandement efficaces avec les élèves. De nombreuses notions ont étérevues et représentées sous forme de tableaux, schémas, images et autres. Cette façon de fairea donné de bons résultats, les élèves trouvaient enfin le français « logique »! Appuyée de DanielChoquette-Riel qui intégrait les TIC en classe, Monique a pu transposer plusieurs notionsthéoriques en matériel adapté à la réalité des élèves. Ceux-ci ont même été invités à construireleur propre grammaire personnalisée afin d’intégrer la matière et faciliter sa rétention.En fait, une foule de ressources pédagogiques ont été développées par les trois enseignants.Le tout se retrouvera d’ailleurs dans un guide de l’enseignant. Il devrait être complété d’ici la finde l’année scolaire 2012.En somme, l’analyse réflexive qui a mené à notre référentiel pédagogique a été déterminante.Son apport pour permettre de redéfinir les pratiques susceptibles de faire une différence enclasse a été inestimable. Bien que nous soyons au fait des stratégies existantes et desdifférents courants pédagogiques, le référentiel nous a aussi aidés à mettre l’unicité, lescompétences et les ressources de chacun au service de l’expérience en classe. Le processusd’apprentissage se voit alors dynamisé, efficace et signifiant pour non seulement l’élève, maisaussi l’enseignant.Nous avons constaté vers la fin du processus d’expérimentation, deux conclusions évidentes : L’enseignant se redonne la liberté d’enseigner à sa façon dans sa classe et y prend plaisir; l’élève prend le pouvoir sur ses apprentissages et s’engage à exploiter son plein potentiel entant qu’apprenant.Pour l’an prochain, nous aimerions que les élèves s’engagent dans le processus d’analyseréflexive pour déterminer leur propre référentiel d’apprentissage, permettant ainsi d’élaborerune sorte de profil personnel d’apprenant.Pour en savoir plus sur la pratique réflexive, consulter l’ouvrage suivant :Développer la pratique réflexive dans le métier d’enseignant –Philippe Perrenoud, 2008.Octobre 2012 3