Les Guinguettesdes parolesAux Envies Rhônements, la convivialité s’épanouit aussidans les débats. Les Guinguettes des paroles proposentd’interroger notre relation au territoire, en tissant desliens entre des problèmes sociaux, culturels, artistiques etenvironnementaux. En délocalisant le débat dans lanature, en proposant de cuisiner tout en discutant, cesGuinguettes donnent la parole à ceux qui habituellementl’ont peu, croisent « paroles de sage » et « paroles de fou »,et stimulent les échanges. On y prend à bras le corpsdes problématiques comme la pollution, les déchets, laconsommation, le risque d’inondation... Pour StéphaneMarche (PNRC), le festival est l’endroit où le public peuts’accaparer des questions comme celle du réchauffementclimatique. « Un film comme Home de Yan-Arthus Bertrandest lointain : ce sont de belles images qu’il est difficilede s’approprier. Ici, le public se rendra peut-être compteque les problèmes de l’environnement ont un impactsur son quotidien. Car les conséquences directes duchangement climatique sur la Camargue existent bel etbien ! » Comme le précise le paysagiste Rémi Duthoit,« le paysage étant le miroir de l’installation des humainssur terre, parler du paysage, c’est aussi réfléchir à lasociété dans laquelle on vit ». Indirectement, ces causeriestouchent à des questions politiques essentielles : « quelssont les liens entre le local et le global ? », « quels choixfaire collectivement ? », « comment faire société ? »...De l’utilité des catastrophes ?Guinguettes des paroles du 4 août <strong>2009</strong> aux Marais du VigueiratPour suivre la Guinguette des paroles sur l’utilité descatastrophes, il fallait se rendre dans un marais asséché.Se déchausser, enfiler des tongs, puis s’installer autourd’une table, sous le soleil encore chaud qui déclinedoucement. A côté, une marmite de bouillon mijotesur un réchaud sous le regard de Yann Le Couviour,du CPIE. Le cuisinier réclamera bientôt notre aide pourconfectionner la soupe. Ici, on débat dans la détente,comme on le ferait avec des invités en préparant le dîner.Avant cela, pour aiguillonner les échanges, trois spécialistesnous livrent leurs points de vue sur la catastrophe. Lesociologue Bernard Picon revient sur l’inondation de 2003qui a submergé Arles. Cette catastrophe technique arendu visible une réalité : la Camargue n’est pas un milieusauvage mais une terre exploitée, façonnée parl’Homme. Pour Bernard Picon, la leçon à tirer est simple :il faut « envisager l’humain et la nature comme un tout ».La catastrophe peut être aussi un moyen de contrôle,c’est ce qu’a développé le psychanalyste Christian Nots.Selon lui, les autorités publiques et les médias terrorisentles populations en agitant le spectre de la catastrophe.A l’opposé, la journaliste Camille Saïsset a évoqué le rôlepositif des médias lorsqu’ils couvrent des catastrophesréelles. Elle a suggéré que ces derniers informentdavantage sur le fonctionnement des systèmes à risquesinvisibles dans le quotidien, tels que les digues. Et soulignéla nécessité d’entretenir la mémoire des catastrophes. 20
21Après les exposés, vient le temps de la discussion : chaqueintervenant rejoint l’une des trois tablées pour participer àune discussion informelle, avant de changer de groupe. Touten hachant menu des échalotes pour agrémenter la soupeturbide, qui se révèlera être un potage aux écrevisses deCamargue - une espèce envahissante - les discussions vontbon train. La question des médias revient. Dans quellemesure peut-on leur faire confiance ? Comment être bieninformé dans une situation d’urgence ? On se souvient desTooza, Imaginer la crue (Paysage Inondé), ateliers au centre aéré de Griffeuille (Arles)rumeurs tenaces qui accusaient les villes en amont du fleuved’avoir fait sauter les digues.Tout à coup, un filet d’eau vient rafraîchir nos orteils. Ons’interrompt, on s’émeut, on se laisse envahir par la gaieté.Lentement, l’eau recouvre le sol et monte jusqu’aux chevilles.C’est une perturbation ludique et contrôlée, une minusculesensation de l’inondation. Certains convives se mettent àparler de la catastrophe de 2003 de manière très concrète :« ce n’était pas une eau claire comme celle-ci qui a stagnéà l’intérieur des maisons, rappelle une Arlésienne, c’étaitun mélange de boue et de rejets d’eaux usées, c’étaitde la m... ! » Ce bain de pied collectif inopiné a servi demétaphore. L’image lointaine de la catastrophe s’est soudainrapprochée, pour prendre corps dans les esprits.Un espace de sensibilisationLe festival est un espace pour sensibiliser le publicaux questions liées à l’environnement, en particulier lepublic adulte, que les associations ont souvent du malà contacter. François-Renaud Siebauer de l’Agence dedéveloppement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe)estime que la manifestation fait de l’éducation àl’environnement de manière exemplaire. « C’est plus efficacequ’une campagne de communication, précise-t-il. Aux EnviesRhônements, le discours est plus construit que sur unesimple affiche et, ici, la protection de l’environnementn’est pas une fin en soi. Le public ne vient pas écouter lamesse du développement durable, il vient chez des gensconvaincus qui agissent. C’est plus facilement audible ».