entrevueFrançois Cluzetdans 11.6FrançoisComédienCLUZETFrançois Cluzet,convoyeur de films!Paris. François Cluzet connaît du succès au grand écran depuis plus de 30 ans. On l’adécouvert dans Force majeure de Jolivet, vu dans <strong>Le</strong> Vent du Wyoming de Forcieret dans L’Enfer de Chabrol. L’an passé, il s’est retrouvé en haut de l’affiche d’Intouchables,devenu l’une des comédies les plus populaires de l’histoire du cinéma français.On a croisé l’acteur récemment alors qu’il faisait la promotion de deux films : lacomédie d’Yvan Attal Do not Disturb et le drame de Philippe Godeau 11.6. Ce dernier,fort réussi, raconte l’histoire véridique de Toni Musulin, un convoyeur de fonds qui s’estsauvé avec 11,6 millions d’euros et qui, durant son procès, s’est gagné la faveur populaire,devenant un symbole de la lutte face au pouvoir patronal et financier.Éditions <strong>Le</strong> <strong>Clap</strong> : Dans 11.6, vous incarnez Toni Musulin : c’est un personnage aussifort qu’intrigant, qui se révolte contre le système, contre ses patrons…François Cluzet : Tout à fait. Il est fascinant! Et vous savez, ona enlevé la plupart des dialogues dans le script. Moi, je voulaisen faire un personnage taiseux, presque muet. Et en accord avecPhilippe Godeau, c’est ce que nous avons fait. Ce qui est intéressant,c’est le maelstrom qu’il y a dans sa tête. Comment vat-ilsortir de l’humiliation du boulot? Et la réponse à cettehumiliation, c’est de faire ce casse. Au-delà de l’argent, cequ’il veut, c’est faire virer ses supérieurs, montrer qu’ilssont mauvais, montrer que les consignes de sécurité nesont pas respectées et que le salaire ne correspond pasaux risques du métier; c’est démesuré. <strong>Le</strong> type est seul,il veut se donner la force de passer à l’acte du casse.E.L.C. : Est-ce que vous connaissiez l’histoire originale?Magazine <strong>Le</strong> <strong>Clap</strong> n° 177 · mars et avril · 201312F.C. : Oui, on la connaissait parce que c’est un faitdivers qui a beaucoup remué à Paris. Et les gens onttous pensé : « C’est un héros, le type s’est barré, il agagné au loto. » Moi, ce qui m’intéressait, c’est depenser que le type n’avait pris aucun risque pratiquement.Il était au volant de son fourgon, iln’a fait qu’accélérer avec 11 millions 6. Mais cequi est plus intéressant encore, c’est la crised’identité du personnage. Ce type immatureest radin, mais il se promène en Ferrari.Il aime penser qu’il appartient à cemonde, il veut faire partie du jet-set.clap.ca
entrevuepar Pierre BlaisPour lui, c’est ça un type bien. Il est immature, mais face à sasituation, c’est ce qu’il croit.E.L.C. : C’est un personnage qui semble à l’abandon, non?F.C. : Il vit son drame en solitaire. Il est, de plus, humilié autravail, car sous-payé. Ça m’est arrivé aussi à mes débuts aucinéma. Et plus jeune encore, à huit ans, j’ai eu ma crise d’identité!Je me levais à six heures pour livrer les journaux dans laneige, je détestais ma vie; très vite, je suis tombé dans la mythomanie.Quand je voyais mes camarades plus fortunés, je lesenviais terriblement. J’ai fait le film parce que j’y trouvais unécho dans ce que je suis.E.L.C. : <strong>Le</strong>s gens se sont reconnus en lui?F.C. : Oui, bien sûr! Mais on voulait aussi montrer sa viecachée : ça ne se passe pas très bien avec sa femme, son pote; saseule façon d’être héroïque, c’est qu’il se fâche avec ceux qu’ilaime pour qu’ils ne s’inquiètent pas pour lui. Ça, c’était intéressant.Ce supposé héros, il a eu peur. Mais bizarrement, il aété condamné comme arnaqueur face à son assureur et noncomme voleur. L’idée de la fin de cette histoire, c’est qu’il étaitconvaincu de s’en sortir. Mais il a pris cinq ans. Vous savezqu’ici, si vous volez de l’argent et que vous le rendez deux joursaprès, vous n’êtes plus accusé de vol, mais d’emprunt.E.L.C. : Vous venez aussi de jouer dans le film Do not Disturb,dans lequel votre personnage voue une grande amitié à celuiinterprété par Yvan Attal – aussi réalisateur du film. Votre personnageici, au contraire de celui dans 11.6, ne se gêne pas pourmontrer ses émotions, non?F.C. : Effectivement, et c’est intéressant pour un comédien,car c’est montrer sa féminité, en quelque sorte. Robert Mitchumdisait : « Une actrice, c’est plus qu’une femme, et unacteur, c’est moins qu’un homme. » Ça veut dire aussi que lesacteurs doivent être ouverts. L’ouverture est plus féminine, carl’homme se blinde davantage. Mais nous sommes constituésd’une part de virilité et de féminité. D’ailleurs, l’écoute est plusféminine. Un acteur doit accepter sa féminité pour devenir unbon acteur. Ça nous permet, d’un rôle à l’autre, de mieux saisirle monde dans sa complexité.François Cluzet terminera l’entretien en soulignanttout le plaisir qu’il a eu de travailler aufilm En solitaire, en décembre 2012, aux Canaries.Il a d’ailleurs tourné une scène avec KarineVanasse, avec laquelle il partage, aux cotés deGuillaume Canet, l’affiche de ce long métragede Christophe Offenstein qui a été filmé pendantle Vendée Globe, la plus célèbre course devoiliers monocoques en solitaire et sans escaleautour du monde. <strong>Le</strong> film sortira en France l’automneprochain. (P.B.)<strong>Le</strong>s frais de ce voyage ont été payés par Unifrance.clap.ca13Magazine <strong>Le</strong> <strong>Clap</strong> n° 177 · mars et avril · 2013