entrevueisabelle BoulayÀ quatorze ans, Isabelle Boulay écrit dans son agenda scolaire: « Je ne suis pas née pour être l’esclave, mais la souverainede mon existence ». Vingt-cinq ans plus tard, toujours fidèle àelle-même, elle revendique sa liberté créative. « J’ai une âme deconquérante », avoue-t-elle. Femme de paroles et de chansons,Isabelle Boulay est aussi femme d’images et de cinéma. Pournotre invitée, « les plus belles chansons sont de petits films ». Àla veille d’une tournée européenne, Isabelle Boulay a accepté defaire un arrêt sur image pour partager son amour du cinéma.Éditions <strong>Le</strong> <strong>Clap</strong> : Quel est votre premier souvenir cinématographique?Isabelle Boulay : Mon grand-père maternel était propriétaire d’uncinéma à Murdochville. <strong>Le</strong>s premiers films dont je me souvienssont Slap Shot (George Roy Hill, 1977) et E.T. (Steven Spielberg,1982). Sinon, j’ai un souvenir des films français qu’on pouvait voirà la télévision. <strong>Le</strong>s Charlots, Louis de Funès, mais surtout Jean-Paul Belmondo dont j’étais totalement amoureuse. Un jour, j’aidemandé à mon père de l’inviter pour mon anniversaire. J’étais certainequ’il viendrait, mais il n’est pas venu. Il y a quelques années, jel’ai vu à une terrasse dans un quartier de Paris. Je n’ai pas osé allerlui parler. J’avais les mêmes papillons que lorsque j’étais enfant.E.L.C. : Et que se passe-t-il par la suite?I.B. : <strong>Le</strong> cinéma est une activité que je vis avec ma mère. Ellem’amène voir des films québécois comme Bonheur d’occasion(Claude Fournier, 1983) qui m’a profondément marquée.E.L.C. : Quel est le film qui change complètement votre relationavec le cinéma?Magazine <strong>Le</strong> <strong>Clap</strong> n° 177 · mars et avril · 2013IsabelleBOU<strong>LA</strong>Y« LES PLUS BELLES CHANSONSSONT DE PETITS FILMS »28I.B. : Bleu de Krzysztof Kieslowski (1993)). J’avais vingt ans et j’enai eu pour des semaines à m’en remettre. J’étais impressionnée parla force d’amour du personnage, un amour qui était porté par lagrâce et qui n’avait rien à voir avec la dépendance. Juliette Binocheest remarquable. Bleu est un film qui ouvre le cœur.E.L.C. : Que demandez-vous au cinéma?I.B. : Tout dépend. Par exemple, j’aime vraiment les comédies.J’adore rire. Mais par-dessus tout, ce que je demande à un film,c’est de me laisser bouche bée. Je suis souvent sortie d’un cinémasans être capable de parler et ça me faisait du bien. Je demande à unfilm de m’élever, de me faire sortir de moi-même et de mes limites.Lars von Trier est un cinéaste qui m’a fait cet effet avec Breakingthe Waves (1996) et Dancer in the Dark (2000). Atom Egoyan m’afendu le cœur avec son film De beaux lendemains (1997).E.L.C. : Quel genre de spectatrice êtes-vous?I.B. : Je suis très bon public, mais je déteste les films où on sent ladirection. Quand je vois la mécanique, je décroche.E.L.C. : Diriez-vous que votre métier qui nécessite quand même un soucide la mise en scène vous rend encore plus sensible à cette dimension?I.B. : Tout à fait. Je connais les coulisses. J’ai eu accès à des plateauxde tournage. Je le sens lorsque cela n’est pas fluide.E.L.C. : S’il fallait identifier trois films pour avoir accès à une partiede votre continent intérieur, quels seraient-ils?clap.ca
<strong>Le</strong> cinéma vu par...Par Serge PallascioI.B. : Breaking the Waves pour sa soif d’absolu et sa liberté. C’est unfilm qui nous fait réfléchir sur le vrai sens de l’amour. Je choisiraisSur la route de Madison (Clint Eastwood, 1995) pour à peu prèsles mêmes raisons. Mon troisième film serait Little Miss Sunshine(Jonathan Dayton et Valerie Faris, 2006). Je me retrouve danscette histoire. La joie de vivre de la jeune fille et la force de vivredu grand-père vont permettre aux autres membres de la famille des’extirper de leur mal-être.E.L.C. : Quel est le film dans lequel vous auriez aimé jouer?I.B. : J’aurais aimé jouer le rôle d’Édith Piaf interprété par MarionCotillard dans le film La Vie en rose (Olivier Dahan, 2007). Piaf estla plus grande chanteuse au monde. J’ai pour elle une admirationsans retenue même dans ses côtés sombres.E.L.C. : Quelle est l’actrice que vous auriez aimé être?I.B. : Monica Bellucci pour sa beauté fatale et non pas pour les filmsdans lesquels elle a joué. Sinon, j’aimerais être Jessica Lange à causede son immense talent.E.L.C. : Quelle est votre perception du cinéma québécois?I.B. : Notre cinéma a une signature qui témoigne de sa jeunesse avecdes réalisateurs comme Xavier Dolan. Il a la qualité de ce que l’onest comme nation. Il prend son souffle large et loin.E.L.C. : Vous complétez la phrase suivante : « Si le cinéma n’existait pas… »I.B. : Si le cinéma n’existait pas, j’aurais essayé de l’inventer. Commela littérature et la chanson, le cinéma est une forme d’art essentielleà l’évolution humaine.Comme Édith Piaf, Isabelle Boulay pourrait chanter « Non!Rien de rien. Non! Je ne regrette rien ». Celle qui, adolescente,rêvait de quitter Matane pour vivre à Québec a intituléson treizième et dernier opus <strong>Le</strong>s Grands Espaces où l’onretrouve des titres comme « Partir au loin », « Voyager léger »et « Mille après mille ». Qu’on prenne note! On n’enfermepas Isabelle la conquérante dans un genre musical, encoremoins dans une cage dorée. Pour l’instant, Isabelle Boulaygarde en tête cette phrase d’Oscar Wilde : « Il est importantd’avoir des rêves assez grands pour ne pas les perdre devue »… même lorsqu’on parcourt les grands espaces.LE MUSÉE IMAGINAIRED’ISABELLE BOU<strong>LA</strong>YUn auteur : <strong>Le</strong> romancier français Laurent Gaudé qui a écrit unlivre magnifique, <strong>Le</strong> Soleil des Scorta.Une œuvre littéraire : <strong>Le</strong> Dur Désir de durer du poète Paul Éluard.Un musicien : Richard Desjardins.Une œuvre musicale : Un opéra du compositeur Richard Wagner.Un artiste visuel : <strong>Le</strong> peintre Michel Farruggello.Une œuvre visuelle : Mère à l’enfant de Gustav Klimt.Un lieu géographique : Un petit village de la Corse dont le nom est Veru.Magazine <strong>Le</strong> <strong>Clap</strong> n° 177 · mars et avril · 2013clap.ca29