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Recrudescence

Court métrage. Scénario de Frédérique Alain. Écrit dans le cadre du cours "Projet en Cinéma", Département de Communication, Cégep André-Laurendeau.

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<strong>Recrudescence</strong><br />

par<br />

Frédérique Alain<br />

27 novembre 2015<br />

Version 4 - noire<br />

FRÉDÉRIQUE ALAIN<br />

frederique_alain@hotmail.com<br />

514-974-2945


1- INT. - CHAMBRE - MATIN<br />

Un vieillard (JEAN-PAUL) se lève de son lit après avoir<br />

enfilé ses pantalons. La lumière se diffuse à travers le<br />

mince voile devant sa fenêtre. Il est seul dans la pièce.<br />

Seulement son côté du lit est défait. La chambre est décorée<br />

de couleurs pastel. Des coussins fleuris reposent sur une<br />

petite chaise dans un des coins de la chambre. Une lampe<br />

trône sur sa table de chevet. Un buffet placé devant le mur<br />

reflète sa silhouette tassée et lourde. Tout est en effet<br />

très ordonné et rangé avec soin.<br />

Jean-Paul passe une main couverte de taches de vieillesse<br />

sur son crâne clairsemé et peigne ses cheveux poivre et sel.<br />

Il enfile une chemise. Ses doigts noueux ont de la<br />

difficulté à enfiler les boutons.<br />

2- INT. - SALON - MATIN<br />

Jean-Paul s’assoit au bord de la fenêtre, une assiette sur<br />

les genoux. La décoration du salon de son appartement<br />

s’apparente à celle de sa chambre: motifs fleuris, meubles<br />

clairs et pas très luxueux. On sent une forte présence<br />

féminine. Des cadres de photo et différents bibelots sont<br />

déposés quelques tablettes et autres surfaces planes. On<br />

peut voir quelques livres dans la bibliothèque au coin de la<br />

pièce. L’appartement est propre et bien rangé.<br />

Assis dans son fauteuil, Jean-Paul prend une bouchée de sa<br />

rôtie puis repose celle-ci dans son assiette. Il essuie<br />

discrètement ses doigts sur son pantalon, comme pour ne pas<br />

être vu, même s’il est seul. Il tire alors légèrement le<br />

rideau de la fenêtre de manière à pouvoir observer les<br />

voitures passer et les piétons suivre leur chemin. Les SONS<br />

EXTÉRIEURS brisent le silence de l’appartement.<br />

3- INT. - ENTRÉE - APRÈS-MIDI<br />

Jean-Paul enfile ses chaussures. Il porte un manteau<br />

d’automne brun pâle et une casquette en tweed. Il ajuste<br />

cette dernière sur sa tête en se regardant dans le miroir<br />

posé derrière la porte de l’entrée. Il soupire et fixe son<br />

reflet. Il prend ses clés sur le comptoir et sort de son<br />

appartement.


2.<br />

4- INT. - COULOIR - APRÈS-MIDI<br />

Jean-Paul marche dans le corridor. Il croise NICOLE, sa<br />

voisine de palier. Elle lui sourit, et il hoche poliment la<br />

tête en retour, puis poursuit son chemin d’un pas lent.<br />

5- EXT. - PARC - APRÈS-MIDI<br />

Jean-Paul se promène dans le parc. Sa démarche est lente et<br />

lourde, maladroite. Il marche sans canne, mais son pas lent<br />

et difficile pourrait en être facilité.<br />

Il regarde les feuilles des arbres qui changent de couleurs.<br />

Le ciel commence à s’obscurcir. Jean-Paul s’assoit sur un<br />

banc et observe en silence.<br />

Une jeune femme (MADELEINE) s’assoit près de lui. Ses<br />

cheveux bruns bouclés frôlent ses minces épaules. Elle porte<br />

une robe d’été, trop légère pour la saison. Leurs regards se<br />

croisent. Madeleine lui sourit. Jean-Paul regarde ailleurs<br />

et part. Sa promenade est terminée, il rentre chez lui.<br />

6- INT. - SALLE À MANGER - SOIR<br />

Jean-Paul est assis, seul à la table, enveloppé par le<br />

silence. Une nappe brodée est déposée sur la table avec<br />

soin. Un bol contenant des petits bonbons est posé sur la<br />

table. Les murs sont beiges avec des accents de bleu et<br />

d’orangé. Un bol de soupe est déposé devant lui. Il mange,<br />

en trempant parfois un morceau de pain dans sa soupe.<br />

7- INT. - HALL DE LA RÉSIDENCE - APRÈS-MIDI<br />

Jean-Paul est assis dans le hall de la résidence sur un<br />

petit fauteuil inconfortable. La lumière de début<br />

d’après-midi perce à travers le feuillage maintenant orange<br />

et rouge des arbres et inonde la salle par les grandes<br />

fenêtres. La réceptionniste (CLAUDINE) s’affaire à son<br />

bureau. Le téléphone SONNE, elle répond. Un autre résident<br />

passe dans le couloir avec sa marchette.<br />

Jean-Paul prend un journal déposé sur une des tables basses<br />

devant lui. Il l’ouvre, mais ne le lit pas; il observe<br />

plutôt les gens autour de lui et les allées et venues du<br />

personnel de la résidence. Aucun visiteur ne passe la porte.


3.<br />

8- INT. - SALON - SOIR<br />

Jean-Paul, assis derrière sa fenêtre, observe les voitures<br />

passer en tenant le rideau en retrait.<br />

Il se lève et tourne en rond. Il replace les différents<br />

cadres et bibelots sur les tablettes.<br />

Il se penche et prend un album photo dans la bibliothèque.<br />

Il s’assoit sur un divan et l’ouvre.<br />

9- INT. - SALLE À MANGER - SOIR<br />

Jean-Paul mange un plat de jambon, sans trop d’appétit.<br />

Soudain, on cogne QUATRE PETITS COUPS SECS à la porte.<br />

Jean-Paul est étonné. Il se lève et va ouvrir.<br />

Sa fille VÉRONIQUE et sa petite-fille VIRGINIE se tiennent<br />

sur le pas de la porte. La mère porte un long manteau gris.<br />

Ses cheveux noirs sont attachés en un chignon propre sur le<br />

dessus de sa tête. Elle tient son téléphone et ses clés de<br />

voiture dans une main et un sac en plastique dans l’autre.<br />

Virginie porte une robe rayée bleu et blanc tachée de sauce<br />

tomate sous son manteau de pluie jaune. Ses cheveux bruns et<br />

frisés sont rassemblés en une couette relâchée sur son cou<br />

après une longue journée passée à jouer. Son visage est<br />

couvert de taches de rousseurs.<br />

Virginie saute dans les bras de son grand-père.<br />

Papi!<br />

VIRGINIE<br />

Elle entre en courant dans l’appartement. Elle laisse tomber<br />

son sac à dos sur le sol, monte sur une chaise et se penche<br />

sur la table pour attraper un bonbon dans un petit bol.<br />

Véronique tend le sac en plastique à son père en parlant.<br />

VÉRONIQUE<br />

(soupir, exaspérée)<br />

J’m’excuse d’arriver de même, mais<br />

j’ai besoin de quelqu’un pour<br />

garder Virginie ce soir, je<br />

commence un cours du soir et j’ai<br />

pas eu le temps de trouver personne<br />

pendant que Benjamin et Catherine<br />

sont au soccer avec Marc-André,<br />

merci de la prendre pour quelques<br />

heures, je reviendrai pas trop tard<br />

la chercher.<br />

(CONTINUED)


CONTINUED: 4.<br />

Pendant qu’elle parle, Jean-Claude regarde le contenu du sac<br />

en plastique (un pyjama de fillette rose et une peluche très<br />

abîmée de girafe jaune) et écoute sa fille qui parle trop<br />

rapidement. Véronique se penche pour l’embrasser sur la<br />

joue.<br />

VÉRONIQUE<br />

Merci papa, je t’aime, laisse la<br />

pas manger trop de bonbons, elle<br />

dormira pas!<br />

Elle quitte la pièce d’un pas pressé et regarde son<br />

téléphone en marchant. Le bruit de ses talons claque dans le<br />

corridor silencieux.<br />

Jean-Paul regarde le sac en plastique, puis sa petite fille<br />

Virginie, toujours penchée au-dessus de la table. Cette<br />

dernière, âgée de 7 ans, lui sourit, la bouche pleine de<br />

bonbons.<br />

10- INT. - SALON - SOIR<br />

Virginie est assise en indien sur le divan, une dizaine<br />

d’emballages de bonbons autour d’elle. Elle parle rapidement<br />

et avec énergie d’une petite voix d’enfant. Elle gesticule<br />

beaucoup.<br />

VIRGINIE<br />

Pis la c’est son abuela qui venait<br />

la chercher au service de garde et<br />

là -<br />

Son quoi?<br />

JEAN-PAUL<br />

VIRGINIE<br />

(rigolant parfois)<br />

Son abuela, je pense que c’est sa<br />

mamie, elle avait les cheveux tout<br />

blancs et frisés, mais elle en<br />

avait beaucoup plus que toi. Mais<br />

c’est ca. Qu’est-ce que je disais?<br />

Ah oui! (rit) Son abuela est venue<br />

la chercher au service de garde et<br />

Maxime l’éducatrice comprenait pas<br />

qu’est-ce que abuela disait parce<br />

qu’elle parlait pas fort et Maxime<br />

à disait ’Quoi? Quoi?’ et là, la<br />

abuela elle a crié ’JE CHERCHE<br />

SOFIA’ et Maxime a eu vraiment<br />

peur! ah ah ah ah!<br />

(CONTINUED)


CONTINUED: 5.<br />

JEAN-PAUL<br />

Elle a peur facilement, ton<br />

éducatrice!<br />

VIRGINIE<br />

(riant plus fort)<br />

Même que une fois, elle a crié<br />

quand je m’suis cachée dans<br />

l’armoire et que j’ai sorti en<br />

criant BOO! Elle a crié tellement<br />

fort que Xavier a fait pipi dans<br />

son pantalon!<br />

JEAN-PAUL<br />

(taquin, un regard en coin)<br />

... Es-tu en train de me conter des<br />

menteries toi là?<br />

Noooon!<br />

VIRGINIE<br />

Jean-Paul lui lance un regard sceptique mais joueur.<br />

VIRGINIE<br />

(rit)<br />

Ok, c’est pas vrai.<br />

JEAN-PAUL<br />

(rit)<br />

Je le savais!<br />

Virginie rit et se lève du divan.<br />

VIRGINIE<br />

Yé où ton ordinateur Papi?<br />

J’aimerais ça écouter un vidéo que<br />

Camille m’a montré à l’école<br />

aujourd’hui...<br />

JEAN-PAUL<br />

J’en ai pas, d’ordinateur...<br />

VIRGINIE<br />

(incrédule)<br />

... T’as pas d’ordinateur Papi?<br />

(elle rit)<br />

Ça se peut, ça?<br />

Jean-Paul fait semblant d’être insulté et de la trouver<br />

effrontée.<br />

(CONTINUED)


CONTINUED: 6.<br />

VIRGINIE<br />

(riant)<br />

C’est pas grave, la prochaine fois<br />

j’amènerai le mien.<br />

(souriant et battant des cils)<br />

Est-ce que je peux avoir d’autres<br />

bonbons?<br />

Jean-Paul roule les yeux et rit. Il lui fait un clin d’oeil.<br />

Virgine se précipite vers le bol de bonbons.<br />

11- INT. - HALL DE LA RÉSIDENCE - APRÈS-MIDI<br />

Jean-Paul prend place dans le même fauteuil de la résidence.<br />

Il porte une chemise à carreaux. Il tient l’édition du jour<br />

du journal et fait semblant de lire les nouvelles. Il<br />

observe à nouveau les employés. À travers la fenêtre, on<br />

voit que les feuilles commencent à tomber et sont emportées<br />

par le vent. Le ciel est sombre, et la pluie MARTELLE les<br />

fenêtres. On voit quelques éclairs au loin. Le tonnerre se<br />

fait entendre faiblement.<br />

Jean-Paul se lève et se déplace vers le kiosque de la<br />

réception pour s’adresser à la dame (CLAUDINE) qui y<br />

travaille. Celle-ci n’est pas jeune, mais ne s’habille pas<br />

de son âge.<br />

CLAUDINE<br />

(d’un ton complaisant, comme<br />

on s’adresse à un enfant)<br />

Bonjour mon p’tit monsieur,<br />

qu’est-ce que je peux faire pour<br />

vous aujourd’hui? Avez-vous besoin<br />

d’aide pour monter chez vous?<br />

JEAN-PAUL<br />

Écoutez, là, madame, ça a pas de<br />

bon sang, y’a ben trop de bruits<br />

chez nous, je peux même pas écouter<br />

la télévision à l’heure du dîner<br />

quand vous passez avec le chariot<br />

de lunch dans le corridor ou quand<br />

l’ascenseur arrive et r’part. C’est<br />

ben fatigant.<br />

CLAUDINE<br />

(surprise par le commentaire,<br />

sur le même ton)<br />

Euh... Ben, euh... je suis désolée<br />

mon p’tit monsieur, je peux<br />

demander à un concierge d’aller<br />

vérifier l’isolation de votre<br />

porte.<br />

(CONTINUED)


CONTINUED: 7.<br />

JEAN-PAUL<br />

... Avez-vous de la famille,<br />

madame?<br />

Jean-Paul sort son portefeuille<br />

CLAUDINE<br />

(de plus en plus surprise)<br />

Euh...<br />

Jean-Paul lui montre une photo de sa fille quand elle avait<br />

12 ans, photo qu’il conserve dans son portefeuille.<br />

JEAN-PAUL<br />

Ça, c’est ma fille quand elle avait<br />

12 ans. Elle était vraiment gênée<br />

dans ce temps-là, elle parlait pas<br />

ben ben à l’école, mais à la<br />

maison, on pouvait pas l’arrêter.<br />

Maintenant, est ben occupée,<br />

j’pense qu’elle retourne à l’école.<br />

À prend un cours en tout cas. Est<br />

pas mal vieille cette photo-là, y<br />

va m’en falloir une nouvelle. Même<br />

chose pour mes petits-enfants, j’ai<br />

presque juste des photos de bébé...<br />

Me semble que... ah ben oui. Ça<br />

c’est Catherine, pis là c’est<br />

Benjamin. C’est ses plus vieux, y<br />

doivent avoir 11 pis 13<br />

maintenant... le bébé ici c’est<br />

Virgine, est pas mal tannante. Je<br />

sais pas pourquoi sa mère s’entête<br />

à lui faire mettre des belles<br />

robes, est tellement tannante,<br />

j’pense qu’à passe ses journées à<br />

se rouler par terre.<br />

Nicole passe, Jean-Paul la salue d’un hochement de tête en<br />

parlant. Nicole est tendue. Elle frissonne en voyant un<br />

éclair au loin. Elle s’accoude au comptoir de la réception<br />

et écoute ce que raconte Jean-Paul.<br />

JEAN-PAUL<br />

L’autre jour, elle m’a raconté une<br />

histoire ben drôle de son école.<br />

Y’avait une abuela qui voulait<br />

aller chercher sa petite fille mais<br />

elle parlait pas assez fort, alors<br />

Maxime - Maxime, ça c’est son<br />

éducatrice - ben à comprenait pas<br />

qu’est-ce qu’à voulait dire la<br />

abuela, pis (...)


8.<br />

Claudine est abasourdie par le flot de paroles du vieillard.<br />

Nicole se calme doucement, elle oublie l’orage qui gronde<br />

dehors.<br />

12- INT. - SALON - MATIN<br />

Jean-Paul est assis sur son divan. Il porte un pantalon noir<br />

et une chemise beige. Il feuillette un album photo à la<br />

recherche d’une page vide. Des cadres qui trônaient sur une<br />

tablette sont déposés sur la table devant lui, la face vers<br />

le bas. Il en prend un, retire la photo, et la place dans<br />

l’album. Il prend ensuite une photo plus récente de BENJAMIN<br />

et la dépose dans le cadre.<br />

Il recommence avec un nouveau cadre alors qu’il tourne les<br />

pages à la recherche d’un espace vaquant.<br />

Il s’arrête sur une page et regarde la photo qui s’y trouve.<br />

Il la touche du bout des doigts. On ne peut pas voir de quoi<br />

il s’agit.<br />

13- EXT. - PARC - APRÈS-MIDI<br />

Jean-Paul est au parc avec Virginie. Les feuilles des arbres<br />

sont presque toutes tombées. La journée semble très froide.<br />

Virginie porte un manteau jaune et des bottes de pluie. Elle<br />

court, fait peur aux pigeons, danse avec les feuilles qui<br />

tombent. Elle rit beaucoup. Son grand-père est assis sur un<br />

banc et la regarde faire. Il porte un manteau brun et un<br />

pantalon gris. Sa casquette de tweed est encore sur sa tête.<br />

Il sourit.<br />

Madeleine s’assoit à l’autre extrémité du banc et regarde<br />

aussi la petite fille. Elle penche la tête, sourit et<br />

regarde Jean-Paul. Jean-Paul, cette fois, soutient son<br />

regard quelques secondes. Il se lève et va jouer avec<br />

Virginie. Il danse avec elle dans les feuilles. Ils rient.<br />

14- INT. - SALON - NUIT<br />

Virginie s’est assoupie sur le divan. Elle est couchée sur<br />

le ventre, en étoile. Elle y prend beaucoup de place. Un de<br />

ses bras est replié sur elle et sert sa vieille peluche de<br />

girafe. Jean-Paul dort, la tête penchée vers l’arrière, dans<br />

son fauteuil au bord de la fenêtre. Il ronfle légèrement. On<br />

cogne doucement à la porte. Véronique pousse délicatement la<br />

porte et passe la tête dans l’appartement.<br />

(CONTINUED)


CONTINUED: 9.<br />

VÉRONIQUE<br />

(très faiblement)<br />

Coucou...<br />

Jean-Paul se réveille.<br />

JEAN-PAUL<br />

(encore endormi)<br />

Oh c’est toi...<br />

VÉRONIQUE<br />

(murmure)<br />

Oui... Ça s’est bien passé?<br />

JEAN-PAUL<br />

(murmurant en retour)<br />

Ben oui, est pas ben difficile.<br />

VÉRONIQUE<br />

(léger sourire en coin)<br />

On parle tu de la même Virginie?<br />

Virginie roule sur le divan. Les deux adultes la regarde en<br />

poursuivant leur discussion à voix basses. Leur ton est<br />

monotone, peu convaincu. Le malaise entre eux est tangible<br />

dans l’air.<br />

JEAN-PAUL<br />

C’est sur qu’à déplace de l’air,<br />

mais à l’a un meilleur caractère<br />

que sa mère...<br />

Papa!<br />

VÉRONIQUE<br />

Court silence.<br />

JEAN-PAUL<br />

J’te niaise, t’sais ben.<br />

JEAN-PAUL<br />

C’était comment ton cours?<br />

VÉRONIQUE<br />

Ça peut aller... Pour être honnête,<br />

c’est plate à mort.<br />

JEAN-PAUL<br />

(rieur)<br />

C’t’un cours de quoi? De mécanique<br />

automobile?<br />

(CONTINUED)


CONTINUED: 10.<br />

VÉRONIQUE<br />

Presque. Un cours d’espagnol.<br />

JEAN-PAUL<br />

Hein? Pourquoi? J’pensais que<br />

c’était pour ta job...<br />

VÉRONIQUE<br />

Non non, ça me tentait...<br />

Un silence s’installe entre eux. Véronique est nerveuse,<br />

elle tappe légèrement du pied.<br />

VÉRONIQUE<br />

Bon, ben... on va y aller nous<br />

autres.<br />

Véronique se dirige vers sa fille, toujours assoupie sur le<br />

divan.<br />

JEAN-PAUL<br />

T’es sure? On pourrait prendre un<br />

café si ça te tente...<br />

VÉRONIQUE<br />

C’est gentil mais j’ai ma journée<br />

dans le corps, j’ai bin hâte<br />

d’arriver chez nous. Pis y faut que<br />

je couche la p’tite aussi...<br />

Jean-Paul désigne Viriginie de la tête.<br />

JEAN-PAUL<br />

Tsé, c’est pas comme si à dormait<br />

pas déjà...<br />

VÉRONIQUE<br />

(Hésite)<br />

Ouain, c’est vrai, mais... J’suis<br />

vraiment épuisée... Pis j’ai une<br />

longue journée demain... Pis si je<br />

prends un café je dormirai pas...<br />

Pis j’ai vraiment besoin de me<br />

reposer... Une autre fois ok?<br />

JEAN-PAUL<br />

(Déçu)<br />

Ok... Me semble que ça fait<br />

longtemps...<br />

VÉRONIQUE<br />

J’sais ben mais... c’est pas<br />

tellement le bon moment.<br />

(CONTINUED)


CONTINUED: 11.<br />

JEAN-PAUL<br />

On se reprendra...<br />

VÉRONIQUE<br />

(faible sourire)<br />

Ouais. Une autre fois.<br />

Un silence gêné s’installe entre eux. La distance entre le<br />

père et sa fille semble infranchissable. Véronique tripote<br />

nerveusement la gance de son sac à main et tappe du pied.<br />

15- INT. - SALON - MATIN<br />

Jean-Paul est assis sur son divan et caresse du bout des<br />

doigts la photo dans l’album. Il porte encore un pantalon<br />

noir et une chemise beige. Il sort la photo de l’album et<br />

l’amène plus près de son visage, pour mieux la regarder. Sa<br />

main tremble. La photo lui glisse des mains et tombe sous un<br />

fauteuil.<br />

JEAN-PAUL<br />

Non! Non, non, non, non, non...<br />

Il se lève et tente désespérément d’aller la chercher, mais<br />

n’y arrive pas. Il étire le bras, frotte sa main sur le sol,<br />

cherche à tâtons la précieuse photographie sans succès. Les<br />

larmes lui montent aux yeux. Il frappe le sol de son poing.<br />

Visiblement fâché, il se laisse choir sur le sol. Il est au<br />

bord des larmes.<br />

À ce moment, Véronique, au téléphone, fait irruption dans la<br />

pièce avec Virginie.<br />

VÉRONIQUE<br />

(agacée)<br />

Papa, ça fait deux minutes que je<br />

cogne, ça te tente pas de venir<br />

ouvrir? J’suis pressée là, j’ai pas<br />

juste ça à... Ben voyons qu’est-ce<br />

que tu fais sur le plancher?! T’es<br />

tu tombé?!<br />

(à son interlocutrice au<br />

téléphone)<br />

Excuse-moi Marie, j’vais te<br />

rappeler, mon père vient de tomber.<br />

Elle raccroche. Virginie court pour aider son grand-père à<br />

se relever, suivie de sa mère.<br />

JEAN-PAUL<br />

Ben non, j’essayais juste de<br />

ramasser -<br />

(CONTINUED)


CONTINUED: 12.<br />

Jean-Paul s’assoit sur le divan.<br />

VÉRONIQUE<br />

(l’interrompant)<br />

Virginie, arrête, tu vas te faire<br />

mal. Franchement papa, à ton âge,<br />

c’est normal de tomber, niaises-moi<br />

pas.<br />

JEAN-PAUL<br />

Mais je suis pas tombé, je voulais<br />

juste -<br />

VÉRONIQUE<br />

T’as pas de bon sang papa, tu peux<br />

mettre ton orgueil de côté, j’suis<br />

ta fille. Si tu t’entêtes à vouloir<br />

faire le fier j’va être obligée de<br />

t’acheter les p’tites patentes<br />

d’alerte pour les vieux qui<br />

tombent, je niaiserais pas avec<br />

ça...<br />

JEAN-PAUL<br />

(fâché)<br />

Puisque je te dis que j’suis pas<br />

tombé!!<br />

VÉRONIQUE<br />

T’es chanceux que je sois en retard<br />

parce que ça se passerait pas de<br />

même. On en reparlera quand je vais<br />

venir chercher Virginie.<br />

(murmure)<br />

Coudonc, ça se peut-tu, être<br />

orgueilleux de même...<br />

Véronique sort de la pièce, en rappelant son amie. Virginie<br />

s’assoit près de son grand-père sur le fauteuil.<br />

SILENCE.<br />

VIRGINIE<br />

Tu sais Papi, moi aussi quand je<br />

tombe, des fois je pleure un p’tit<br />

peu. C’est pas grave. Pis après, on<br />

peut encore continuer à jouer.<br />

Veux-tu que je te montre un jeu de<br />

carte que j’ai appris à l’école<br />

aujourd’hui?<br />

Elle enlève son sac à dos et sort un paquet de cartes très<br />

mal attaché.<br />

(CONTINUED)


CONTINUED: 13.<br />

VIRGINIE<br />

Ça s’appelle ’Pige dans le lac’,<br />

c’est vraiment l’fun. C’est facile<br />

check : on a chacun, euh... 6, non<br />

7 cartes dans nos mains pis là il<br />

faut faire des paquets de trois<br />

cartes pareilles alors -<br />

Jean-Paul sourit et écoute sa petite fille.<br />

16- INT. - SALLE À MANGER - SOIR<br />

On peut voir, à travers la fenêtre, la neige tomber dans la<br />

lumière des lampadaires. Virginie a amené un ordinateur pour<br />

écouter un film avec son grand-père. Ils sont assis à la<br />

table de cuisine, Jean-Paul aux commandes.<br />

VIRGINIE<br />

(rigolant)<br />

Non, mais Papi, y faut que tu<br />

cliques dessus.<br />

JEAN-PAUL<br />

Mais comment je clique déjà?<br />

VIRGINIE<br />

(riant)<br />

Avec le carré ici, là, comme je te<br />

l’ai dit!<br />

JEAN-PAUL<br />

T’es sure que tu veux pas le faire<br />

à ma place?<br />

VIRGINIE<br />

Mais c’est plus drôle si toi<br />

t’essayes!<br />

JEAN-PAUL<br />

Ben oui, très drôle, hein...<br />

VIRGINIE<br />

Ah ah ah bon clique ici là, oui pis<br />

maintenant ici et... là. Bon.<br />

Une fenêtre pop-up apparait dans l’écran. On peut lire ‘HOT<br />

SINGLES IN YOUR AREA WANT TO MEET YOU’ flashant sur l’image<br />

d’une femme à moitié nue.<br />

VIRGINIE<br />

Ah non! Y faut pas que tu cliques<br />

sur ça Papi, maman va être fâchée.<br />

(MORE)<br />

(CONTINUED)


CONTINUED: 14.<br />

VIRGINIE (cont’d)<br />

Une fois, Benjamin a cliqué sur ça<br />

pis maman l’a vu pis elle était<br />

vraiment fâchée. Il avait pas droit<br />

d’ordi pendant une semaine. Après,<br />

elle est allée dire à papa qu’il<br />

était temps qu’il aille une<br />

conversation avec son fils. Y faut<br />

pas qu’elle t’enlèves ton temps<br />

d’ordi a toi aussi. Imagine si elle<br />

demande aussi à papa de venir avoir<br />

une conversation avec toi! Ça<br />

serait pas drôle ça... c’est ben<br />

plus l’fun de jouer à la place.<br />

JEAN-PAUL<br />

... doux seigneur.<br />

Jean-Paul est perplexe, mais intrigué.<br />

17- INT. - CHAMBRE - SOIR<br />

Jean-Paul se regarde dans le miroir de sa chambre. Ses<br />

cheveux sont peignés sur le côté, un peu léchés par le gel.<br />

Il replace une mèche rebelle. Il ajuste son cardigan bleu<br />

marine et le col de sa chemise pâle. On COGNE à la porte.<br />

18- INT. - ENTRÉE - SOIR<br />

Il se déplace dans l’entrée et ouvre la porte. Une petite<br />

femme ronde de 48 ans (MARIE) se tient sur le pas de la<br />

porte. Ses joues sont lourdement maquillées, tout comme ses<br />

lèvres. Par contre, ses yeux sont nus, mais pétillants. Elle<br />

porte un manteau rouge sur sa chemise fleurie qui date d’une<br />

ancienne mode. Ses pantalons sont un peu trop serrés pour<br />

elle.<br />

Bonsoir!<br />

MARIE<br />

JEAN-PAUL<br />

(timidement)<br />

Bonsoir. Entrez, bienvenue.<br />

Elle entre dans l’appartement, et lui sourit. Ils se<br />

serrent la main gauchement. Ils se regardent, hésitant. Un<br />

grand silence s’installe.<br />

JEAN-PAUL<br />

Hum... vous, vous pouvez passer au<br />

salon. Voulez-vous boire quelque<br />

(MORE)<br />

(CONTINUED)


CONTINUED: 15.<br />

JEAN-PAUL (cont’d)<br />

chose? Quelque chose à manger<br />

peut-être?<br />

MARIE<br />

Non, merci, j’ai déjà mangé. Je<br />

prendrais bien un verre d’eau par<br />

contre.<br />

JEAN-PAUL<br />

Euh, oui pas de problème.<br />

Jean-Paul s’empresse de lui servir un verre d’eau. Marie<br />

s’assoit au salon sur le divan. Elle observe la pièce.<br />

MARIE<br />

C’est beau chez toi, c’est bien<br />

décoré...<br />

JEAN-PAUL<br />

C’était pas mal toutes des affaires<br />

de ma femme, j’ai rien à voir<br />

la-dedans... Vous savez, moi pis<br />

les coussins...<br />

Ah...<br />

MARIE<br />

Nouveau silence.<br />

MARIE<br />

D’habitude, je demande à être payée<br />

d’avance. C’est juste une question<br />

de principes...<br />

JEAN-PAUL<br />

Oh, oui ok je comprends, pas de<br />

problème.<br />

Jean-Paul sort son portefeuille de la poche arrière de son<br />

pantalon et l’ouvre.<br />

MARIE<br />

(assez mal à l’aise)<br />

Je demande 50$ si c’est pour une<br />

p’tite job, mais pour la totale<br />

pendant une heure, c’est<br />

cent-cinqu... trente. 130$.<br />

Jean-Paul l’interrompt et lui tend quelques billets qu’il<br />

pige sans compter dans son portefeuille.<br />

(CONTINUED)


CONTINUED: 16.<br />

JEAN-PAUL<br />

Est-ce que c’est correct?<br />

MARIE<br />

Euh... ben ça dépend de ce que vous<br />

voulez.<br />

JEAN-PAUL<br />

On pourrait pas discuter un peu<br />

avant?<br />

MARIE<br />

(perplexe)<br />

...Ok.<br />

JEAN-PAUL<br />

Est-ce un problème?<br />

MARIE<br />

Non, non, c’est juste pas de même<br />

que ça se passe d’habitude.<br />

(silence)<br />

Mais bon, le changement ça fait pas<br />

de mal à personne!<br />

Jean-Paul s’assoit dans le fauteuil à l’autre bout de la<br />

pièce.<br />

MARIE<br />

Ben là, reste pas dans ton coin,<br />

j’mords pas.<br />

JEAN-PAUL<br />

Ben c’est vrai que, dans votre<br />

profession, ça doit pas être<br />

winner...<br />

...<br />

MARIE<br />

(estomaquée)<br />

JEAN-PAUL<br />

Euh, excusez-moi, c’était une<br />

blague, je -<br />

MARIE<br />

Ah ah, tu sais, dans mon métier,<br />

c’est pas les surprises qui<br />

manquent...


17.<br />

19- INT. - SALON - SOIR<br />

Jean-Paul et Marie sont assis sur le divan du salon,<br />

beaucoup plus à leur aise qu’au départ. Il lui montre un<br />

album photo.<br />

JEAN-PAUL<br />

Ça c’est Virginie, c’est la plus<br />

jeune. L’autre jour, elle m’a<br />

raconté qu’elle avait fait de la<br />

peinture à doigt à l’école, pis<br />

qu’un petit gars était venu lui en<br />

mettre dans les cheveux. Elle s’est<br />

retournée et elle lui a etampé sa<br />

peinture dans l’visage.<br />

MARIE<br />

À s’en laisse pas imposer!<br />

JEAN-PAUL<br />

Non! J’espère juste qu’à finira pas<br />

paquet de nerfs comme sa mère...<br />

MARIE<br />

(taquine)<br />

Ben ça court dans la famille...<br />

JEAN-PAUL<br />

(rieur)<br />

J’suis paquet de nerfs moi?<br />

MARIE<br />

(clin d’oeil)<br />

J’ai jamais dit ça...<br />

JEAN-PAUL<br />

Heille avez-vous entendu ce qui est<br />

arrivé à Québec à matin?<br />

MARIE<br />

(inquiète)<br />

Hein, quoi??<br />

JEAN-PAUL<br />

(prenant son temps,<br />

articulant)<br />

Un autobus.<br />

MARIE<br />

Ahahahahaha *renifle de rire*<br />

Tout deux pouffent de rire encore plus.<br />

Marie regarde l’heure.<br />

(CONTINUED)


CONTINUED: 18.<br />

MARIE<br />

Oh boy, as-tu vu l’heure? Va<br />

falloir que je parte...<br />

JEAN-PAUL<br />

Ah, excusez, j’ai dépassé mon temps<br />

je pense... Tenez.<br />

Jean-Paul se lève, sort son portefeuille et lui tend plus<br />

d’argent.<br />

MARIE<br />

Non, ben oui, mais non c’est pas<br />

ça, je travaille demain, faut que<br />

je parte. Je suis secrétaire<br />

pendant la journée. C’est moi qui<br />

ouvre, faut pas que je sois en<br />

retard.<br />

JEAN-PAUL<br />

Prenez quand même, pour le taxi.<br />

MARIE<br />

Non, c’est correct. Bonne nuit!<br />

Marie se lève. Jean-Paul l’accompagne jusqu’à la porte. Ils<br />

se serrent maladroitement dans leurs bras. Jean-Paul donne<br />

deux tapes amicales sur la tête de Marie. Marie quitte, un<br />

peu gênée. Jean-Paul sourit. Il retourne s’assoir sur le<br />

divan et reprend l’album, en tourne les pages. Il tombe sur<br />

une page où une photo manque.<br />

20- EXT. - PARC - APRÈS-MIDI<br />

Jean-Paul marche dans le parc. La neige recouvre les arbres<br />

nus et le sol gelé. Madeleine apparait au loin debout au<br />

bout du sentier, appuyée sur un arbre. Il croise son regard.<br />

Elle lui sourit et part. Jean-Paul la suit.<br />

21- INT. - SALON - SOIR<br />

Jean-Paul déplace avec un peu de difficulté le fauteuil sous<br />

lequel la photo est tombée.<br />

22- EXT. - PARC - APRÈS-MIDI<br />

Jean-Paul suit Madeleine à travers les arbres. Ils<br />

débouchent dans une clairière. Elle se tient à l’autre<br />

extrémité. Tous deux se regardent.


19.<br />

23- INT. - SALON - SOIR<br />

Jean-Paul se penche et ramasse la photo avec difficulté.<br />

24- EXT. - PARC - APRÈS-MIDI<br />

Jean-Paul et Madeleine se regardent. Soudain, ils marchent<br />

l’un vers l’autre, lentement. À mesure qu’ils s’approchent,<br />

Madeleine vieillit. Elle n’a plus 20 ans, mais bientôt 25,<br />

33, 46, 57, 66. Lorsqu’ils se retrouvent finalement face à<br />

face, seulement 11 ans les séparent.<br />

25- INT. - SALON - SOIR<br />

Jean-Paul regarde la photo. On peut y reconnaître Madeleine,<br />

coiffée de la même manière qu’au parc, et lui à leur<br />

mariage. Il caresse le doux visage de Madeleine du bout des<br />

doigts. Sa main tremble.<br />

26- EXT. - CIMETIÈRE - APRÈS-MIDI<br />

Jean-Paul se tient bien droit, devant une pierre tombale. Il<br />

s’agenouille davant la tombe. On peut y lire le nom de<br />

Madeleine, décédée 11 ans plus tôt.<br />

JEAN-PAUL<br />

Excuse-moi, mon ange, excuse-moi.<br />

Ça fait tellement longtemps...<br />

Excuse-moi, mon ange, excuse-moi.<br />

Jean-Paul fond en larme.<br />

27- INT. - SALLE À MANGER - SOIR<br />

Jean-Paul s’assoit à la table de sa cuisine, la photo dans<br />

ses mains. Il la dépose sur la table.<br />

Fondu Black.<br />

28- INT. - ENTRÉE - APRÈS-MIDI<br />

On cogne à la porte.<br />

Jean-Paul va ouvrir. Sa voisine de palier, Nicole, est sur<br />

le pas de sa porte.<br />

(CONTINUED)


CONTINUED: 20.<br />

NICOLE<br />

Bonjour!Je m’appelle Nicole Denis,<br />

je suis votre voisine depuis<br />

quelques mois maintenant. Ça fait<br />

plusieurs fois que je vous croise,<br />

et vous avez l’air d’un habitué de<br />

la place, alors je me demandais si<br />

vous voudriez pas m’accompagner au<br />

souper de Noêl de la résidence la<br />

semaine prochaine. Vous avez<br />

surement quelque chose de prévu,<br />

mais c’est parce que je connais pas<br />

beaucoup de monde, vous savez,<br />

alors je me suis dit que peut-être<br />

ça vaudrait la peine de tenter ma<br />

chance...<br />

Jean-Paul se tourne vers la table où se trouve toujours la<br />

photo de sa femme. Il se retourne vers Nicole.<br />

JEAN-PAUL<br />

Pourquoi pas! Je suis pas sorteux,<br />

ça peut pas faire de mal.<br />

29- INT. - SALLE À MANGER DE LA RÉSIDENCE - SOIR<br />

Plusieurs aînés sont rassemblés en petits groupes et mangent<br />

un repas des Fêtes. Les murs sont décorés de guirlandes de<br />

sapin et de boules en verre de toutes les couleurs. Un sapin<br />

trône au centre de la pièce. Jean-Paul mange avec Nicole.<br />

Ils mangent.<br />

NICOLE<br />

C’est sûr, c’est sûr.<br />

JEAN-PAUL<br />

Écoutez, c’est pas moi qui va dire<br />

le contraire!<br />

NICOLE<br />

Vous pouvez me tutoyez, vous savez.<br />

JEAN-PAUL<br />

Ben je t’invite à faire de même.<br />

NICOLE<br />

Alors Monsieur Jean-Paul Paré: à<br />

quoi ça ressemble, la vie de<br />

mécanicien?<br />

(CONTINUED)


CONTINUED: 21.<br />

JEAN-PAUL<br />

Aujourd’hui, je saurais pu dire,<br />

mais dans le temps oû j’avais mon<br />

garage -<br />

NICOLE<br />

T’avais ton garage!<br />

JEAN-PAUL<br />

Ouais, pis y marchait bien. Mais<br />

j’pouvais pu m’en occuper. Ça a été<br />

ben dur de m’en débarrasser. Dur<br />

sur le coeur, par pour trouver<br />

quelqu’un pour prendre la relève<br />

j’veux dire.<br />

NICOLE<br />

Tu l’as vendu?<br />

JEAN-PAUL<br />

Ouais, quand ma femme est tombée<br />

malade, j’avais pu le temps de m’en<br />

occuper. Quand est morte, c’est la<br />

que j’ai mis la clé dans la morte<br />

pour de bon. Je l’avais nommé après<br />

elle.<br />

NICOLE<br />

Oui? A s’appelait pas Madame<br />

Muffler, toujours?<br />

JEAN-PAUL<br />

(petit rire)<br />

Non, non. Madeleine. J’avais appelé<br />

ça ’Madeleine Mécanique’. C’était<br />

un peu une blague entre nous, parce<br />

que a parlait tout le temps, comme<br />

une machine.<br />

Nicole sourit. Une serveuse arrive.<br />

SERVEUSE<br />

Excusez-moi mon bon monsieur,<br />

j’vais prendre votre assiette.<br />

NICOLE<br />

Vous pouvez prendre la mienne<br />

aussi, j’ai terminé.<br />

SERVEUSE<br />

Ben là ma p’tite madame, va falloir<br />

manger plus que ça! À votre âge,<br />

c’est pas en picorant ses patates<br />

qu’on va garder des os en santé!<br />

(CONTINUED)


CONTINUED: 22.<br />

NICOLE<br />

Ah, ben oui, c’est vrai qu’après 73<br />

ans de vie, on oublie c’est quoi<br />

manger à sa faim. Tsé, c’est<br />

important de se bourrer ben comme<br />

il faut.<br />

La serveuse quitte, emportant les deux assiettes. Un léger<br />

silence s’installe.<br />

JEAN-PAUL<br />

(imitant la serveuse)<br />

Ma petite madame, si vous mangez<br />

pas vos légumes, va falloir que je<br />

le dise à vos enfants, qui vous en<br />

fasse bouillir un peu plus à chaque<br />

repas là là...<br />

NICOLE<br />

(riant, imitant à son tour la<br />

serveuse)<br />

Pis vous mon bon monsieur, vous<br />

mangez toute votre assiette comme<br />

un grand, attendez de voir le beau<br />

dessert qui vous attend.<br />

JEAN-PAUL<br />

Coudonc, j’espère qu’a voudra pas<br />

me faire l’avion!<br />

Ils rient de bon coeur.<br />

30- INT. - SALON - APRÈS-MIDI<br />

Le printemps est de retour. On apperçoit la neige fondante à<br />

travers la fenêtre du salon. Virginie est accoudée à la<br />

fenêtre. Il pleut des cordes.<br />

JEAN-PAUL<br />

(boudeur)<br />

C’est plate, je voulais aller au<br />

parc.<br />

VIRGINIE<br />

C’est pas grave, on ira sauter des<br />

les flaques d’eau, j’ai mes bottes<br />

de pluie! Nicole va aimer ça, c’est<br />

sur!<br />

Le tonnerre gronde et les éclairs déchirent le ciel.<br />

(CONTINUED)


CONTINUED: 23.<br />

VIRGINIE<br />

Oh non! Nicole a peur des orages,<br />

elle me l’a dit l’autre fois! Elle<br />

aime pas ça les éclairs, même si<br />

moi je trouve ça très beau.<br />

Penses-tu qu’elle va avoir trop<br />

peur aujourd’hui Papi?<br />

JEAN-PAUL<br />

On peut l’inviter à venir avec nous<br />

si tu t’inquiètes trop pour elle,<br />

ma grande.<br />

Oui!<br />

VIRGINIE<br />

Virginie court dans le couloir cogner à la porte de Nicole.<br />

Jean-Paul attend dans le salon. Il replace ses cheveux. Il<br />

met en marche un lecteur de musique. Les premières notes<br />

Stand by Me(Ben E. King) envahissent la pièce. Jean-Paul<br />

fredonne les paroles. Virginie revient en compagnie de<br />

Nicole.<br />

NICOLE<br />

(souriante, mais légèrement<br />

tendue)<br />

Bonjour, bonjour!<br />

JEAN-PAUL<br />

La grande visite!<br />

Jean-Paul embrasse les joues de Nicole. Ils fredonnent<br />

ensemble les paroles de la chanson. Ils dansent en écoutant<br />

de la musique de leur jeunesse, Virginie virevoltant à leurs<br />

côtés.<br />

31- EXT. - PARC - APRÈS-MIDI<br />

Jean-Paul est assis sur un banc de parc et regarde Virginie<br />

jouer dans la boue. Elle saute à pied joint dans les flaques<br />

et rit de bon coeur.<br />

Il tourne la tête vers l’autre extrémité du banc. Il n’y a<br />

personne. Il regarde le ciel, sourit, puis tourne la tête<br />

vers Virginie. Nicole s’est jointe à elle. Elle le regarde<br />

et sourit.<br />

Jean-Paul se lève et va jouer avec elles.

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