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NOTE D’INTENTION<br />
« Je reconnais dans Love at First Heist ces héros vulnérables<br />
typiques du personnage de Don Quichotte au cinéma : déceptifs,<br />
faibles et tricheurs, mais démasquant une imposture.<br />
Je crois en ces personnages depuis l’enfance et faire un film<br />
sur la rencontre de deux parias m’a longtemps trotté dans<br />
la tête. Puis d’un seul coup, le film s’est déclenché en janvier<br />
2015. Une date loin d’être innocente. Et sa forme aussi ;<br />
celle d’un film sans mots, et sans barrières.<br />
Les scènes de cette étrange comédie romantique se<br />
passent à Paris, sous le règne d’une société totalitaire<br />
futuriste ayant pris le contrôle de ses citoyens, détruisant la<br />
liberté pour la protéger. On devine ses habitants promis à<br />
une existence dormante, sans chocs ni chaos. Et c’est dans<br />
cette communauté dure et verticale qu’Emile et Blanche,<br />
deux jeunes âmes vivantes, doivent trouver leur place.<br />
À travers leurs yeux, les citoyens sont chosifiés, revêtis de<br />
vêtements à l’image de leurs relations ; gris, synthétiques et<br />
inconfortables ! Leur présence : purement corporelle. Leur<br />
visage : hors-champ.<br />
Emile et Blanche grandissent, comme deux enfants perdus<br />
dans les jambes de leurs parents, pour montrer l’excentricité<br />
et la richesse de la vie que les jeunes garçons et les jeunes<br />
filles acquièrent à l’entrée à l’âge adulte. C’est le parallèle le<br />
plus honnête que j’ai choisi pour parler du monde tel que je<br />
le vois aujourd’hui : celui de la vitalité d’une nouvelle génération,<br />
celui d’une période de remarquable vulnérabilité où les<br />
choses s’enregistrent profondément dans notre inconscient,<br />
car le ciment y est encore frais.<br />
Intervient alors le contraste bien réel de l’innocence et de<br />
la réalité, du bon et du mauvais. Visuellement, je voulais<br />
capter l’atmosphère de cette inquiétante étrangeté. Les décors<br />
se libèrent des codes du classicisme, les perspectives<br />
se brisent, les espaces sont trop étroits pour laisser tranquille<br />
la culture de l’individualité. Les intérieurs sont chauds,<br />
baignés de vapeur et se rapprochent de salles de machines.<br />
La seule vraie bouffée d’air ? La rue, plongée dans un bleu<br />
cobalt, froide et dangereuse si domptée seule, mais romantique<br />
et chaleureuse une fois à deux.<br />
J’attire d’ailleurs votre attention sur la destinée effrayante<br />
de ces âmes vivantes et prisonnières de la sécurité qu’on<br />
leur a imposée. Chacun trouve un moyen de survivre dans<br />
son environnement, mais tous y sont encore perdus. Alors,<br />
les personnages naviguent dans un rythme bien spécial<br />
; entre accélérations et décélérations. Car il s’agit de nous<br />
transporter dans une composition exubérante et rapide,<br />
dans un monde difforme, avec des choix disproportionnés,<br />
à la manière dont peut fonctionner un esprit fou qui est,<br />
parfois, une réponse convenable à la réalité !<br />
Love at First Heist est un conte pour enfants gonflés d’âge,<br />
avec un fantastique poétique à la pointe du surréalisme.<br />
Il joue les funambules entre le bien et le mal pour y tracer<br />
une ligne bien humaine. Le but n’est pas se cloîtrer dans<br />
un esprit complexe mais de le libérer, cet inconscient. Et le<br />
dispenser de savoir ce qu’il se passe ensuite. Car au final,<br />
ce n’est pas l’histoire d’une société policée. Ce n’est pas<br />
l’histoire d’un citoyen désadapté. C’est l’histoire d’hommes<br />
et de femmes devant arrêter d’imiter ce qui devrait être<br />
pour affronter ce qui est. »<br />
RÉMI ANFOSSO<br />
Réalisateur<br />
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