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Quelles ont été vos influences lors de l’écriture du scénario ?<br />
Du thriller à la comédie d’animation… Par exemple, j’ai revu<br />
avec attention certains films de David Lean, Ernst Lubitsch,<br />
et Bong Joon-Ho. Le magicien pickpocket Apollo Robbins<br />
était aussi très intéressant à observer.<br />
Vous semblez avoir une attirance particulière pour l’expressionnisme,<br />
pourquoi ce choix ?<br />
J’ai longtemps étudié Fritz Lang, Weise et Murnau. L’histoire<br />
de personnages se retrouvant dans des situations qu’ils ne<br />
comprennent pas, je trouve ça irrésistible.<br />
Quels sont les thèmes de votre film ?<br />
LAFH est une fable sur le pouvoir, mais aussi la distraction<br />
qui nous fait perdre notre attention. Elle symbolise<br />
l’envie d’évasion d’une génération vouée à abandonner sa<br />
liberté, domptée par des rêves qui ne sont pas les leurs.<br />
Des thèmes, il y en a : la culture de l’individualité, la faiblesse<br />
de l’homme, le mensonge, l’incertitude… Celui de l’échec<br />
est le plus central : nous créons souvent les obstacles nous<br />
empêchant d’atteindre nos buts.<br />
Pouvez-vous nous présenter les personnages principaux ?<br />
Comment s’est passé le casting, les répétitions ? Le choix<br />
de l’équipe technique et de la production ?<br />
Emile, le Magicien, c’est un roi dans ses bottes, un voleur,<br />
un chérubin à la frontière d’une certaine noirceur qu’il<br />
sait habilement camoufler par des tics amusants. J’ai vu<br />
François-David dans un western français qu’il a imaginé<br />
[Templeton] et il était parfait, spirituellement libre, et<br />
reprenant les mêmes ingrédients qu’Emile mais dans un<br />
autre registre ! Nous avons rencontré un magicien professionnel<br />
qui nous a montré des tours, des tics, des gestes,<br />
guidant François-David lors des répétitions. Puis, il a retravaillé<br />
ses expressions et ses positions dans les décors avec<br />
sa partenaire.<br />
Pour Annabelle Lengronne, la serveuse, ce fut une sorte<br />
d’évidence. Son personnage, Blanche, est une sorte de<br />
bohème frustrée. Elle a une énergie qu’elle camoufle<br />
soigneusement, pour se mélanger dans une société qui ne<br />
lui convient pas. Elle n’est ni une rebelle, ni une victime, mais<br />
l’une des deux âmes vivantes dans un monde d’automates.<br />
L’alchimie entre les deux comédiens a été instantanée,<br />
ils ont entamé une valse avec Olivier Bonjour, qui interprète<br />
le Manager. Olivier s’est reconnu dans une des phrases du<br />
scénario : « il est bien trop grand pour cette cuisine… ou<br />
peut-être est-ce l’inverse.”<br />
Répéter un film sans dialogue n’est pas commun. Habituellement,<br />
les personnages se cachent derrière les mots qu’ils<br />
racontent. Là, il nous fallait trouver la bonne poésie entre<br />
les gestes, le regard, et tous les autres départements du film<br />
pour répondre à l’histoire que l’on voit, et celle que l’on ne<br />
voit pas. Il va sans dire que je suis ravi de travailler avec une<br />
équipe impliquée, enthousiaste et concentrée. La co-production<br />
a réuni Bambule Films, société de production de<br />
films indépendante française et Attic Light Films, studio<br />
américain. Je tiens à souligner aussi l’incroyable énergie<br />
déployée par Filmar, la production executive et l’enthousiasme<br />
créatif de Black Lab le studio qui est chargé des<br />
effets spéciaux…<br />
Pourquoi cette affection pour les fabulateurs ?<br />
Parce que leurs choix sont dirigés par la peur, et qu’ils ont<br />
donc tant de choses à apprendre ! Emile et Blanche jouent<br />
les funambules entre le bien et le mal, parce qu’il n’y a rien<br />
de plus humain – nous mentons tous, consciemment ou<br />
non ! Mais au final, ce n’est pas l’histoire de fabulateurs.<br />
C’est l’histoire se personnages devant cesser d’imiter ce qui<br />
devrait être, pour affronter ce qui est.<br />
L’humour joue un rôle en filigrane dans votre film, la dystopie<br />
que vous mettez en scène reflète-t-elle l’une de vos réflexions<br />
sur le monde actuel ?<br />
Évidemment, la valse mécanique du triptyque porte à<br />
sourire, voire à rire. Et l’humour aide à prendre du recul.<br />
J’aime l’accessibilité et la distance que ce genre nous<br />
apporte – pour un cinéaste, c’est une grande liberté. Tout est<br />
alors un peu imagé : on peut voir LAFH comme l’histoire de<br />
deux enfants gonflés d’âge dans un monde d’adultes trop<br />
grands pour eux. Ou une rencontre entre deux égoïstes dans<br />
une société (trop) policée… Pour moi, c’est quelque chose de<br />
très actuel.<br />
Quel impact aura LAFH* selon vous ? Un film muet a-t-il<br />
une portée universelle ?<br />
Je voulais que l’action définisse les personnages, pas le<br />
langage. Car le sujet du film n’est pas le dialogue. Le sujet<br />
est le comportement humain : pourquoi les gens se comportent<br />
comme ils le font ? Heureusement, c’est une question<br />
qui se pose dans tous les continents… Et j’espère qu’un<br />
Français, un Américain, un Africain ou un Japonais ressentira<br />
la même chose en voyant les dernières minutes du film.<br />
Mais si je n’en touche qu’un seul, tout sera gagné ! »<br />
* LAFH : « Love At First Heist »<br />
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