LA PUISSANCE DU SAVOIR
Nagelmackersmagazine_FR_2016-06
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Année 1, numéro 3<br />
<strong>LA</strong> <strong>PUISSANCE</strong><br />
<strong>DU</strong> <strong>SAVOIR</strong><br />
Big data : la pêche aux trésors<br />
La Belgique : un centre d’innovation numérique et de haute technologie<br />
L’art d’investir selon la ‘nouvelle normalité’
Knowledge-based<br />
Economy<br />
Selon Francis Bacon, la connaissance est assimilée au pouvoir.<br />
Sa célèbre citation « Le vrai pouvoir, c’est la connaissance<br />
» date du 16 e siècle. Bien qu’il s’agisse d’un instrument<br />
pour améliorer la société, la connaissance n’était accessible<br />
qu’à l’élite intellectuelle à cette époque. Le lien entre la<br />
connaissance et le pouvoir m’a toujours semblé un peu bizarre,<br />
voire menaçant.<br />
Après le démantèlement des mines de charbon (matières premières)<br />
entre 1964 et 1992 et la fermeture des usines iconiques<br />
telles que Renault à Vilvoorde (industrie manufacturière) à la fin<br />
des années 90, le message était que nos neurones devaient devenir<br />
notre nouvelle matière première. La connaissance résoudrait tout.<br />
Cela avait quelque chose d’un peu désespérant…<br />
Aujourd’hui, Idriss Aberkane parle de la connaissance comme une source<br />
inépuisable. « En transférant la connaissance, on ne la perd pas. Mieux<br />
encore, lorsque l’on rassemble plusieurs domaines de connaissance, on en<br />
crée de nouveaux. » Dans un certain sens, il est un successeur de Bacon.<br />
Mais plutôt que de voir la connaissance comme un instrument de pouvoir,<br />
il la considère comme une matière première pour le développement économique<br />
et culturel, qui est accessible à tous. Pour ma part, je trouve que<br />
l’interview avec Aberkane, qui ouvre le dossier de ce numéro, est très surprenante<br />
et passionnante.<br />
Les articles captivants, notamment sur imec & iMinds, Data Fellas et les MOOC<br />
illustrent comment la connaissance mène réellement à de nouvelles perspectives<br />
dans la pratique.<br />
Plusieurs collègues de Nagelmackers prennent également la parole. Et ce n’est pas<br />
un hasard. En associant notre connaissance technico-financière à un certain nombre<br />
de sciences humaines, notre vision sur le client, et donc aussi sur la gestion de notre<br />
entreprise, a été profondément et positivement revue ces dix dernières années.<br />
Je vous souhaite une agréable lecture.<br />
4 brèves<br />
6 passion<br />
Supernova :<br />
l’amour de la musique<br />
10 visite<br />
Quatre expositions<br />
à découvrir<br />
12 investir<br />
L’art d’investir selon<br />
la ‘nouvelle normalité’<br />
40 sous la loupe<br />
Investir durablement<br />
devient-il la norme ?<br />
42 vision<br />
Les diffuseurs deviennent<br />
récepteurs à la VRT<br />
48 sous la loupe<br />
Liquidités ou marchés ?<br />
50 en coulisse<br />
Rencontre avec<br />
Christian Dugardeyn<br />
DANS CE NUMÉRO<br />
18 perspective<br />
Idriss Aberkane sur la nouvelle Renaissance :<br />
l’Economie de la connaissance<br />
22 chiffres<br />
Connaissances et données,<br />
les nouvelles matières premières<br />
24 fusion<br />
La Belgique : un centre d’innovation numérique<br />
et high-tech<br />
27 big data<br />
Data Fellas : Andy Petrella sur le nouvel or<br />
30 connaissance<br />
MOOC : étudier dans les nuages<br />
32 table ronde<br />
Personnel, clair et sur mesure<br />
36 point de vue<br />
Caroline Pauwels<br />
38 en savoir plus<br />
Des applications qui<br />
changent le monde<br />
42<br />
Koert Verbruggen,<br />
directeur commercial Nagelmackers<br />
Colophon<br />
Une édition de la Banque Nagelmackers S.A. – Année 1 / Numéro 3 / Q3 2016<br />
Éditeur responsable : Jef Vandenbergh, Banque Nagelmackers S.A., avenue de l’Astronomie 23, 1210 Bruxelles Plus d’infos : www.nagelmackers.be<br />
Comité de rédaction : Martin Brichet, Benoît Burnotte, Rigo Dens, Erwin Drenth, Christine Orban, Koen Troosters, Jef Vandenbergh, Eric Vanhaelen,<br />
Yves Van Laecke, Koert Verbruggen. Ont collaboré à ce numéro : Anke Claassen, Anke De Backer, Jean-Jacques De Neyer, Marjorie Hoyaux, Lies Lekeux,<br />
Peyo Lissarrague, Michiel Mertens, Ruth Nys, Filip Van Loock.<br />
Concept et réalisation : www.propaganda.be<br />
La rédaction du présent magazine a été clôturée le 17 juin 2016 et tient compte de la législation en vigueur à ce moment. La Banque Nagelmackers S.A. a pris toutes les mesures raisonnables pour rédiger le présent<br />
magazine avec le plus grand soin. Toute copie ou reproduction des informations issues du présent magazine est autorisée moyennant accord écrit préalable de l’éditeur responsable. Le contenu du présent magazine<br />
a uniquement un but informatif et ne peut en aucun cas être considéré comme un conseil financier, fiscal, juridique, comptable ou en placements, ni comme une offre de produits et/ou de services bancaires et/ou<br />
d’assurance. Sauf dol ou faute grave, ni la Banque Nagelmackers S.A., ni ses préposés ou mandataires ne sont responsables de l’éventuelle inexactitude, du caractère incomplet ou non actuel des informations mises<br />
à disposition, ni des dommages directs ou indirects que vous ou des tiers subiriez à la suite de la consultation ou de l’utilisation des informations du présent magazine.<br />
54 horizon<br />
L’échec de Doha<br />
En couverture :<br />
Andy Petrella,<br />
fondateur de la start-up<br />
belge Data Fellas<br />
« Avec le boom des médias sociaux, on s’est rendu<br />
compte que les ‘intellectuels’ pouvaient très bien<br />
regarder ‘Vis ma vie’ le vendredi soir. »<br />
Dieter Boen, directeur Recherche et Innovation à la VRT<br />
2<br />
magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
3
èves<br />
nouveau CEO<br />
lu pour vous<br />
Le Dr Dashu Zhu<br />
devient le nouveau CEO<br />
de la Banque<br />
Nagelmackers S.A.<br />
Lors de son assemblée générale du 10 mai, le Conseil<br />
d’administration de la Banque Nagelmackers S.A. a nommé<br />
le Dr Dashu Zhu nouveau CEO de la banque.<br />
Dashu Zhu succède à Piet Verbrugge qui a pris sa retraite en<br />
mars dernier. M. Zhu dispose d’une longue expérience bancaire<br />
à la fois en Chine et au Canada.<br />
Dashu Zhu a obtenu son doctorat en sciences économiques<br />
en 1991 à la Management School of Economics de la Xi’an<br />
Jiaotong University.<br />
Il a débuté sa carrière bancaire à la Bank of China à Pékin. En<br />
2001, il est parti au Canada où il est devenu CEO et Président<br />
de la Bank of China, dont il a assuré avec succès le développement<br />
et la croissance.<br />
En 2011, il est reparti en Chine pour devenir Executive vicepresident<br />
de la Bank of Jiangsu. L’an dernier, il a été nommé<br />
Chairman of the supervisory board de la Bank of Jiangsu.<br />
Dashu Zhu a déclaré : « Je suis très heureux d’avoir<br />
Nagelmackers Private Banking events<br />
Cette année, le Private Banking de Nagelmackers organisera à nouveau<br />
une série d’événements informatifs. Ceux-ci constituent l’occasion idéale<br />
de faire plus ample connaissance. Vous y êtes donc les bienvenus.<br />
l’opportunité de poursuivre le développement des activités de<br />
Nagelmackers. La Belgique est un marché important dans le plan de<br />
développement global d’Anbang et je me réjouis de continuer à offrir<br />
les meilleurs produits et services à nos clients, en collaboration avec les<br />
employés et les managers très compétents de Nagelmackers. »<br />
Ming He, Président du Conseil d’administration de Nagelmackers,<br />
précise : « Nous sommes très contents que Dashu Zhu devienne<br />
notre nouveau CEO. Après le retour fructueux de la marque<br />
Nagelmackers sur le marché, suite à l’acquisition de Delta Lloyd<br />
Bank par Anbang Insurance Group l’an dernier, la banque est à<br />
présent prête à grandir et à se développer, tout en continuant<br />
à proposer le meilleur service possible à ses clients existants.<br />
La grande expérience bancaire internationale dont dispose<br />
Dashu Zhu fait de lui la personne idéale pour mener à bien<br />
notre stratégie. »<br />
Comme l’an dernier, nous organisons également plusieurs<br />
visites d’entreprises dont Arcelor Liège le<br />
22 juin et Bekaert le 3 octobre.<br />
Pas d’argent,<br />
pas de civilisation.<br />
– William N. Goetzmann<br />
Sans argent, pas de civilisation. Voilà en résumé le<br />
contenu du nouveau livre de l’éminent historien financier<br />
William N. Goetzmann. Suite à la crise financière,<br />
notre système financier occidental est trop souvent<br />
considéré comme quelque chose de mauvais qui rend<br />
nos normes et valeurs floues et fait perdre de l’emploi<br />
et des capitaux. Selon lui, c’est l’inverse. Notre<br />
système financier a permis la croissance et de là, le<br />
développement de notre civilisation. Goetzmann décrit<br />
notre système comme une machine à remonter le<br />
temps permettant, grâce à la technologie moderne et<br />
à l’innovation, de déplacer la ‘valeur’ du présent vers<br />
l’avenir. Cette donnée a drastiquement changé notre<br />
manière de penser par rapport à cet avenir. A chacun<br />
des grands tournants de notre histoire, l’argent a toujours<br />
joué un rôle important, selon Goetzmann, et ce<br />
sera encore le cas à l’avenir.<br />
A l’aide de différents exemples, il montre que les<br />
choses que nous associons à notre économie moderne<br />
comme les marchés d’actions, le commerce international<br />
et de nombreux produits financiers complexes,<br />
ont été développées, oubliées et redéveloppées<br />
à plusieurs reprises dans l’histoire.<br />
enquête<br />
Cher lecteur,<br />
que pensez-vous<br />
du magazine Nagelmackers ?<br />
Le magazine Nagelmackers vous est tout particulièrement destiné.<br />
Voilà pourquoi nous aimerions savoir ce que vous en pensez.<br />
Faites-nous part de votre avis en répondant à notre petite enquête,<br />
disponible en ligne. Cela ne vous prendra que quelques minutes.<br />
Un petit aperçu des questions<br />
... Trouvez-vous le contenu du magazine Nagelmackers intéressant ?<br />
... Trouvez-vous que le magazine reflète bien l’image<br />
de Nagelmackers ?<br />
... Trouvez-vous que le magazine renforce votre relation avec<br />
Nagelmackers ?<br />
Comment compléter l’enquête ?<br />
Allez sur https://www.nagelmackers.be/fr/magazine/enquete et<br />
selon le type de question, répondez soit librement, soit en cochant<br />
l’une des réponses proposées.<br />
Sous l’appellation ‘Meet the private banker @Nagelmackers’, nous<br />
prévoyons plusieurs sessions d’informations sur les thèmes ‘Les investissements<br />
et la macroéconomie’ et ‘L’Estate Planning et la planification<br />
successorale’.<br />
L’avenir de votre patrimoine : comment optimaliser ?<br />
11/10/2016 Petit-Enghien La Réserve 19.00 – 22.00<br />
Comment investir à bon escient votre patrimoine en période<br />
de faibles taux d’intérêt ?<br />
24/05/2016 Modave Domaine du Château de Modave 19.00 – 22.00<br />
31/05/2016 Froyennes Domaine Domrémy 19.00 – 22.00<br />
02/06/2016 La Bruyère Ferme de Mehaignoul 19.00 – 22.00<br />
29/09/2016 Waterloo Bivouac de l’Empereur 19.00 – 22.00<br />
Si l’une de ces sessions ou visites vous intéresse,<br />
contactez votre private banker ou votre agence<br />
Nagelmackers.<br />
Vous pouvez également vous y<br />
inscrire par le biais de notre site sur<br />
https://www.nagelmackers.be/fr/evenements/detail/<br />
nagelmackers-private-banking-events<br />
Ce livre est un récit richement illustré sur le rôle de<br />
l’argent dans le développement du monde et de ses<br />
diverses civilisations. Par ailleurs, les innovations de<br />
notre système financier contribueront à trouver des<br />
solutions pour faire face aux défis contemporains, tels<br />
que le vieillissement de la population et l’explosion<br />
de la croissance démographique, selon Goetzmann.<br />
Money changes everything:<br />
how finance made civilization possible<br />
William N. Goetzmann<br />
ISBN: 9780691143781<br />
Cette édition n’a été publiée jusqu’à présent qu’en<br />
anglais.<br />
Et pour vous remercier ?<br />
Nous apprécions vraiment votre collaboration. En répondant à<br />
notre enquête, vous remporterez peut-être l’un des cinq stylos-bille<br />
Montblanc Meisterstück Classique.<br />
4 magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
5
passion<br />
Ils sont jeunes, ambitieux et ont très envie d’accéder<br />
aux podiums musicaux nationaux. Cette année, trois<br />
ensembles ont remporté Supernova, le concours destiné<br />
aux jeunes talents de la musique classique. Une superbe<br />
opportunité de se faire connaître du grand public et de<br />
partager leur passion pour la musique.<br />
De gauche à droite : Liesbeth Baelus, Bram Decroix, Hélène Koerver,<br />
Wouter Vercruysse, Noémi Tiercet, Anke Steenbeke, Alexander<br />
Vocking, Simone van der Weerden, Géraldine Clément, Diede<br />
Verpoest, Alexandra Lelek, Sara Vujadinovic, Panagiota Giannaka<br />
musique<br />
L’AMOUR DE <strong>LA</strong><br />
6<br />
magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
7
passion<br />
« C’est fantastique de jouer<br />
ensemble, de sentir qu’on<br />
se comprend et qu’on<br />
partage vraiment quelque<br />
chose. »<br />
Des portes qui s'ouvrent...<br />
Les jeunes musiciens de Roffa<br />
Tango Trio, Tmesis et St. George<br />
Quintet vont avoir une année chargée<br />
car en remportant Supernova,<br />
ces trois lauréats se positionnent<br />
sur la carte mondiale de la musique.<br />
Ils sont récompensés par<br />
une série de représentations dans<br />
des centres culturels et bénéficient<br />
d’une attention médiatique<br />
sur Klara et Canvas. « Ce coup de<br />
pouce est plus que le bienvenu »,<br />
explique Panagiota, clarinettiste<br />
de l’ensemble Tmesis. « Le monde<br />
de la musique classique est très<br />
vaste et on s’y sent parfois perdu.<br />
Ce prix nous lance vraiment et<br />
nous ouvre des portes. Notre<br />
agenda est déjà bien rempli pour<br />
les prochains mois. » L’ambition de<br />
ces jeunes musiciens est limpide :<br />
faire de la musique, composer et<br />
transporter leur public.<br />
Dans le monde de la musique classique,<br />
il n’est pas évident de se faire<br />
une place. Le concours Supernova<br />
jouit d’une excellente réputation.<br />
« Il suscite la confiance des<br />
organisateurs de concerts », explique<br />
Bram, contrebassiste de<br />
St. Georges Quintet. « Même s’ils<br />
ne nous connaissent pas, ils nous<br />
sollicitent. Nous saisissons à deux<br />
mains toutes les opportunités qui<br />
se présentent à nous. » Même s’ils<br />
ont bien failli passer à côté de cette<br />
chance… « En fait, nous avions<br />
quasi ‘oublié’ que nous avions envoyé<br />
un enregistrement », ajoute<br />
Bram en riant. « A un certain moment,<br />
nous avons reçu des mails de<br />
félicitations de nos parents et amis.<br />
Nous étions sélectionnés. A partir<br />
de là, nous nous sommes donnés<br />
à 200%. »<br />
Pour un jeune ensemble classique,<br />
acquérir de la notoriété est peutêtre<br />
même plus difficile que de<br />
jouer. Le talent permet certes d’aller<br />
loin mais avoir un petit coup de<br />
pouce supplémentaire peut faire<br />
des miracles. Anke, pianiste du<br />
Roffa Tango Trio précise : « Grâce<br />
à l’attention médiatique dont nous<br />
bénéficions aujourd’hui, nous pouvons<br />
toucher un public plus large<br />
avec notre musique. Avant, nous<br />
jouions par exemple surtout aux<br />
Pays-Bas. Aujourd’hui, la Belgique<br />
s’ouvre à nous. »<br />
Amour et mariage<br />
L’amour est grand, la faim aussi.<br />
Chacun de ces ensembles apporte<br />
sa propre interprétation innovante<br />
de la musique classique. Ils ambitionnent<br />
tous une carrière musicale,<br />
même si le principal pour eux<br />
est de jouer ensemble. Des jeunes<br />
gens qui travaillent ou étudient encore,<br />
qui ont leur caractère et leur<br />
propre agenda. Selon Bram, cela<br />
ressemble parfois un peu au mariage.<br />
« Il faut aimer la musique,<br />
bien entendu, mais il faut aussi s’aimer<br />
un peu. Cela demande un véritable<br />
engagement et, de temps en<br />
temps, il y a des sacrifices à faire.<br />
Il faut se donner à 100%. Mais si<br />
l’on trouve le bon équilibre, c’est<br />
tout simplement magique et...<br />
très addictif ! »<br />
Lorsqu’on parle de musique classique,<br />
on ne pense peut-être pas<br />
tout de suite à des jeunes gens modernes<br />
qui sont sur Facebook et<br />
YouTube. Pourtant, ces trois ensembles<br />
sont actifs sur les réseaux<br />
sociaux. Et ils ne le font pas spécialement<br />
pour attirer des jeunes.<br />
« Enthousiasmer et émouvoir le<br />
public, voilà ce que nous recherchons<br />
», explique Bram. « Tout le<br />
travail de préparation nécessaire<br />
pour trouver le ton juste et le bon<br />
style est bien sûr très agréable,<br />
mais lorsque nous parvenons à<br />
vraiment toucher le public et à<br />
communiquer avec lui par le biais<br />
de la musique, c’est tout simplement<br />
fantastique. Que ce public<br />
soit jeune ou moins jeune, cela n’a<br />
que peu d’importance. » Anke est<br />
tout à fait d’accord. « Le principal<br />
est que la musique plaise au public.<br />
Si vous faites de la musique avec<br />
passion, vous pouvez toucher les<br />
gens avec du rock comme avec de<br />
la musique classique. Mais nous<br />
sommes contents lorsque nous parvenons<br />
à convaincre des jeunes.<br />
Car souvent, ils se font une fausse<br />
idée de la musique classique et sont<br />
surpris de voir à quel point elle est<br />
accessible. »<br />
Depuis la plus tendre<br />
enfance<br />
Qu’elle soit née par hasard ou dès<br />
la plus tendre enfance, la passion<br />
pour la musique classique était<br />
présente très tôt pour chacun<br />
de ces musiciens. Et il ne faisait<br />
aucun doute qu’elle occuperait<br />
une place importante dans leur<br />
vie. Panagiota avait 12 ans lorsqu’elle<br />
a été séduite. « Je jouais<br />
de la clarinette dans un modeste<br />
orchestre et je suis tombée follement<br />
amoureuse du son de cet instrument<br />
dans un morceau. Depuis<br />
lors, cet amour n’a fait que grandir.<br />
C’était ce que je voulais faire tous<br />
les jours ! » Pour Anke et Bram,<br />
la musique était plutôt une évidence.<br />
Ils sont tombés dedans dès<br />
leur plus jeune âge et ils ont rapidement<br />
su qu’ils continueraient à<br />
étudier la musique. Anke : « Mon<br />
amour pour le tango est arrivé un<br />
peu par hasard, mais aujourd’hui,<br />
je suis complètement conquise et<br />
je transmets mon enthousiasme à<br />
mes élèves. »<br />
Une belle complémentarité<br />
Il est clair pour chacun d’entre eux<br />
que la musique, c’est pour la vie.<br />
Pourtant, ils n’ont pas fait de plans<br />
d’avenir bien précis et tous s’occupent<br />
d’autres projets à côté. « En<br />
plus du trio, je donne des cours de<br />
musique », raconte Anke. « J’adore<br />
combiner ces deux choses : faire<br />
soi-même de la musique et l’apprendre<br />
aux autres. » Au sein du<br />
département musique de son école,<br />
Anke a mis en place un ensemble<br />
de tango parce qu’elle trouve qu’il<br />
est enrichissant de partager et de<br />
transmettre ses connaissances.<br />
Panagiota, qui est encore aux<br />
études, laisse les choses suivre leur<br />
cours. « Dans notre ensemble, nous<br />
entretenons d’excellentes relations<br />
tant d’un point de vue amical que<br />
musical. Ce qui nous importe pour<br />
le moment est de pouvoir partager<br />
la musique entre nous et avec<br />
le public et de pouvoir travailler<br />
ensemble pour arriver à un morceau<br />
qui nous est vraiment propre.<br />
Des opportunités que nous offre<br />
Supernova. » Malgré leur formation<br />
classique, ces jeunes musiciens sont<br />
également ouverts à d’autres styles<br />
musicaux et formes d’art. Bram :<br />
« Avec St. George Quintet, nous<br />
aimons participer à d’autres projets<br />
artistiques comme le théâtre,<br />
la danse et le hip-hop. Cela donne<br />
une dimension supplémentaire à<br />
nos représentations et cette interaction<br />
est vraiment passionnante. »<br />
Tout simplement magique<br />
L’impressionnant tango du Roffa<br />
Tango Trio, la puissance de St.<br />
George Quintet ou la sonorité saisissante<br />
de Tmesis. Il faut avoir vu<br />
ces jeunes gens à l’œuvre pour vraiment<br />
sentir à quel point leur musique<br />
est puissante. Le public joue<br />
un rôle unique, selon Panagiota.<br />
« Lorsque le public ressent notre<br />
musique et que nous pouvons lui<br />
transmettre notre énergie, un<br />
véritable lien s’établit. » Bram<br />
confirme : « Jouer ensemble et<br />
sentir que l’émotion passe est<br />
tout simplement magique. Nous<br />
ne nous en lassons pas, c’est pour<br />
ça que nous le faisons ! » « Cette<br />
magie, nous la trouvons aussi lors<br />
des répétitions », ajoute Anke.<br />
« Apprendre un nouveau morceau,<br />
chercher les bons accords,<br />
voir comment nous pouvons nous<br />
l’approprier... Tout ce processus est<br />
passionnant, même si cela n’égale<br />
pas une représentation réussie.<br />
A ce moment-là, vous sentez<br />
vraiment l’interaction, vous êtes<br />
hyper-concentré et donnez toujours<br />
le meilleur de vous-même. »<br />
Les belles histoires ne durent jamais<br />
longtemps, dit-on ? Ça ne devrait<br />
pas être le cas pour ces jeunes<br />
musiciens qui ont toutes les clés en<br />
main pour vivre leur rêve musical.<br />
© Anke De Backer<br />
Nagelmackers sponsorise des talents musicaux<br />
Qui est qui ?<br />
St. George Quintet<br />
George Onslow, un musicien peu<br />
connu de l’époque de Beethoven,<br />
est leur source d’inspiration. Ils<br />
forment un quintet composé d’un<br />
violoncelliste, de deux violonistes,<br />
d’une altiste, et d’un contrebassiste.<br />
C’est surtout la présence de ce<br />
dernier qui confère à leur musique<br />
sa sonorité et son style particuliers.<br />
Ils rêvent d’enregistrer un CD<br />
d’Onslow.<br />
Tmesis<br />
Quintet original composé d’un<br />
violoniste, d’une pianiste, d’une<br />
flutiste, d’une clarinettiste et d’une<br />
violoncelliste. Ils se scindent parfois<br />
en duo ou en trio, ce qui apporte<br />
un dynamisme supplémentaire. Ils<br />
n’ont pas spécialement de rêves à<br />
long terme mais ils ont simplement<br />
envie de faire de la musique<br />
ensemble et de lui donner leur<br />
propre style.<br />
Roffa Tango Trio<br />
Leur nom dit tout. Il s’agit d’un<br />
trio composé d’une pianiste,<br />
d’un contrebassiste et d’une<br />
bandonéoniste. C’est à Roffa,<br />
surnom de Rotterdam, qu’ils se<br />
sont rencontrés, au département<br />
tango du conservatoire. Ils<br />
font un mélange particulier<br />
et contemporain de tango<br />
traditionnel, de musique classique<br />
et de jazz.<br />
En tant que sponsor principal, Nagelmackers est heureuse d’associer son nom à<br />
Supernova. « Ce concours prône l’ambition, la qualité et l’accessibilité. Des valeurs<br />
dans lesquelles nous croyons car elles nous correspondent parfaitement. Offrir à<br />
des jeunes passionnés l’occasion de réaliser leur rêve musical, c’est tout simplement<br />
fantastique ! C’est aussi la philosophie de la banque. Nous voulons en effet aider<br />
nos clients à réaliser leurs ambitions et leurs rêves. Et pour ce faire, nous nous<br />
intéressons à ce qu’ils font, nous essayons de vraiment les connaître et de chercher<br />
des solutions financières inventives qui les aident à avancer », déclare Koert<br />
Verbruggen, directeur commercial chez Nagelmackers.<br />
8 magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3 9
visite<br />
Jeunes Restaurateurs<br />
A DÉVORER DES YEUX<br />
1<br />
Miroir des musées<br />
Le 28 janvier 2017, le S.M.A.K.<br />
ouvrira le ‘Broodthaerskabinet –<br />
Projet pour M.B’. Pour le musée<br />
gantois, l’œuvre de Marcel<br />
Broodthaers revêt une importance<br />
capitale en tant que miroir<br />
de la pensée sur le sens des<br />
musées. En prélude au futur<br />
Broodthaerskabinet, des œuvres<br />
d’artistes de la collection du<br />
S.M.A.K. créées entre 1964 et<br />
1976 sont exposées depuis avril<br />
2016. Ces douze années ont été<br />
marquées par plusieurs révolutions<br />
en art moderne, mais c’est<br />
aussi à cette époque que Marcel<br />
Broodthaers a été particulièrement<br />
actif en tant que plasticien.<br />
—————<br />
S.M.A.K., Gand<br />
‘Broodthaerskabinet – Projet pour M.B.’<br />
Du 28/2016 au 04/09/2016<br />
————————————————————<br />
Lunettes<br />
Pour l’expo ‘Luc Tuymans.<br />
Glasses’, au Museum Aan de<br />
Stroom (MAS), Luc Tuymans<br />
porte pour la première fois<br />
un regard thématique sur son<br />
œuvre. Avec les lunettes pour fil<br />
rouge, l’expo présente des portraits<br />
d’‘anonymes’ et de personnages<br />
historiques. Comme les<br />
lunettes font partie intégrante<br />
de l’apparence, elles s’imposent<br />
comme un outil précieux pour<br />
l’artiste-investigateur.<br />
—————<br />
MAS, Anvers<br />
‘Luc Tuymans. Glasses’<br />
Du 13/05/2016 au 18/09/2016<br />
2<br />
3<br />
Le peintre du Roi-Soleil<br />
Pour la première fois en cinquante<br />
ans, le Louvre-Lens présente<br />
une exposition solo. Cette<br />
exposition est entièrement consacrée<br />
à Charles Le Brun, l’un des<br />
principaux artistes de la seconde<br />
moitié du 17 e siècle et peintre à<br />
la cour de Louis XIV. ‘Charles Le<br />
Brun, le peintre du Roi-Soleil’ suit<br />
chronologiquement le parcours<br />
de l’œuvre de cet artiste.<br />
—————<br />
Louvre-Lens<br />
‘Charles Le Brun, le peintre du Roi-Soleil’<br />
Du 18/05/2016 au 29/08/2016<br />
4<br />
Nouveau temple de la<br />
culture<br />
Le nouveau fer de lance culturel<br />
de Liège a ouvert ses portes le<br />
5 mai dernier : La Boverie abrite<br />
le Musée des Beaux-Arts de la<br />
ville. La rénovation du bâtiment<br />
a été dirigée par l’architecte Rudy<br />
Ricciotti, en collaboration avec<br />
le bureau d’architectes p.HD<br />
Immense, le nouveau vitrage<br />
estompe la frontière entre intérieur<br />
et extérieur. Ce n’est pas<br />
pour rien que la première<br />
exposition a été baptisée ‘En plein<br />
Air’. Organisée en collaboration<br />
avec le Louvre, l’exposition<br />
développe le lien entre le parc et<br />
le musée. Vous pourrez notamment<br />
y contempler des Gauguin,<br />
Picasso et Magritte.<br />
—————<br />
La Boverie, Liège<br />
‘En plein Air’<br />
Du 05/05/2016 au 15/08/2016<br />
1 Panamarenko,<br />
Kreem-glace · 1966<br />
[métal-plastique]<br />
Collection privée,<br />
prêt à long terme<br />
S.M.A.K.<br />
2 La Boverie, Rudy<br />
Ricciotti du bureau<br />
d’architectes p.HD<br />
3 Luc Tuymans<br />
Portrait · 2000<br />
Collection privée<br />
4 Charles Le Brun<br />
Le Chancelier<br />
Séguier<br />
Ils sont jeunes, ils sont créatifs<br />
et ils mettent la Belgique<br />
à l’honneur hors de nos<br />
frontières. La branche belge<br />
des JRE – Jeunes Restaurateurs<br />
réunit les plus talentueux<br />
représentants de la nouvelle<br />
génération de cuisiniers, au sein<br />
d’une association qui met en<br />
avant l’innovation autant que<br />
le savoir-faire. Une brochette<br />
de chefs à découvrir dans ce<br />
magazine, avec des créations<br />
visuellement surprenantes,<br />
qui témoignent de l’immense<br />
qualité de la scène culinaire<br />
belge.<br />
Chef : Mario Elias<br />
Plat : canard de la ferme de la<br />
sauvenière au foie gras, langoustine<br />
cuite sur pierre, fumée de mousse,<br />
betterave et émulsion de roquette<br />
et noix de cajous<br />
Restaurant : Le Cor de Chasse,<br />
Wéris<br />
www.lecordechasse.be<br />
© JRE – Belgique<br />
10 magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
11
investir<br />
L’art<br />
d’investir selon<br />
<strong>LA</strong> ‘NOUVELLE<br />
NORMALITÉ’<br />
“We sense that ‘normal’ isn’t coming<br />
back, that we are being born into a new<br />
normal: a new kind of society, a new<br />
relationship to earth, a new experience<br />
of being human” – Charles Eisenstein<br />
Lors des répliques de la crise financière<br />
de 2007-2008, une ‘nouvelle<br />
normalité’ a été introduite<br />
en analyse économique, dans le<br />
monde des affaires et sur les marchés<br />
financiers. Ce terme connaît<br />
une application étendue et une<br />
foule d’acceptions. Par exemple,<br />
ce qui était auparavant complètement<br />
anormal est soudain devenu<br />
une évidence. Ou nous considérions<br />
quelque chose comme normal,<br />
mais c’était le contraire et<br />
nous nous trompions. Bill Gross<br />
(Janus Capital, anciennement chez<br />
Pimco) a encore donné un autre retentissement<br />
au terme. La nouvelle<br />
normalité est une période où l’économie<br />
et les marchés ralentissent<br />
et où l’intervention publique joue<br />
un rôle de premier plan, où la<br />
peur et les principes de précaution<br />
nous empêchent de revenir<br />
directement à l’ancienne normalité.<br />
Quelle que soit la façon dont<br />
nous interprétons le terme, la réalité<br />
est que les marchés financiers<br />
ont significativement évolué après<br />
le krach de 2008. Cet article va se<br />
pencher sur le sujet, étudier l’impact<br />
qu’il a pu et pourrait avoir sur<br />
la gestion de patrimoine classique<br />
et voir comment Nagelmackers en<br />
tient compte au quotidien dans sa<br />
gestion de patrimoine.<br />
De l'ancienne à la nouvelle<br />
dynamique de marché<br />
Depuis la crise financière, trois<br />
tendances ont grandement contribué<br />
à la transition de l’ancienne<br />
vers une nouvelle dynamique de<br />
marché : les banques centrales,<br />
la réglementation et les technologies.<br />
Le principal impact se traduit<br />
par la liquidité et la volatilité<br />
en général.<br />
Par : Christofer Govaerts,<br />
chief strategy, Asset Management Nagelmackers<br />
Les banques centrales sont aujourd’hui<br />
omniprésentes à l’échelle<br />
mondiale. De nouvelles expérimentations<br />
monétaires sont appliquées<br />
et les banques centrales<br />
sont des acteurs très dominants<br />
sur différents marchés, des obligations<br />
aux actions, en passant par<br />
les produits structurés. Pour les<br />
plus optimistes, les banques cen-<br />
12<br />
magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
13
investir<br />
trales ont préservé le monde d’une<br />
catastrophe totale (cf. 1929) grâce<br />
à leur interventionnisme musclé.<br />
Un autre coup d’œil au microscope<br />
nous apprend que, animées des<br />
meilleures intentions, les banques<br />
centrales sont aussi la cause de très<br />
nombreux effets indésirables. Il y<br />
a en effet un paradoxe : elles ont<br />
voulu assurer la liquidité après<br />
2008, mais sur de nombreux marchés,<br />
c’est devenu pire qu’avant<br />
2008. L’assouplissement quantitatif<br />
tire les taux vers le bas et rend<br />
le financement public bon marché,<br />
mais il occasionne en même<br />
temps une pénurie de sous-jacents<br />
sans risque sur le marché. Et si les<br />
liquidités s’assèchent, le marché ne<br />
fonctionne pas bien en termes de<br />
fixation et de stabilité des prix. Il y<br />
a donc de la volatilité.<br />
Pile ou face<br />
Force est de constater qu’une nouvelle<br />
réglementation était indispensable<br />
après 2008, en particulier<br />
dans le cadre du contrôle<br />
prudentiel des marchés et de la<br />
prévention de ‘l’aléa moral’ ; autrement<br />
dit, ‘pile, je gagne, face,<br />
tu paies’. Une nouvelle réglementation<br />
peut toutefois être contreproductive.<br />
Vu le renchérissement<br />
du coût du capital, une bonne part<br />
de l’activité du marché s’est éteinte<br />
dans la nouvelle normalité. Les<br />
courtiers et les institutions financières<br />
ne remplissent plus à 100%<br />
leur fonction d’intermédiaire. Ils<br />
se cantonnent au statut d’interface<br />
et ne prennent plus de positions<br />
pour leur propre compte.<br />
Par conséquent, les liquidités s’assèchent<br />
et les fluctuations des prix<br />
sont très marquées. Les principales<br />
victimes sont le marché des titres<br />
à revenu fixe et le marché des devises<br />
étrangères. Pourtant, ce dernier<br />
est censé être un des marchés<br />
mondiaux les plus liquides.<br />
Le franc suisse (15/01/15) et<br />
plus récemment le yen japonais<br />
sont des exemples de fluctuation<br />
extrême des devises. Les cygnes<br />
noirs reviennent soudain hanter<br />
le paysage.<br />
Mathématiques et<br />
mondialisation<br />
Ces dernières décennies, les technologies<br />
et la mondialisation ont renforcé<br />
la tendance à la non- liquidité<br />
et à la volatilité. Des plates-formes<br />
mathématiques particulièrement<br />
rapides prennent de plus en plus<br />
la place des initiatives humaines.<br />
Actuellement, les modules informatiques<br />
à haute fréquence (de l’ordre<br />
des nanosecondes) automatiques<br />
sont par exemple responsables de<br />
plus de 70% des volumes de transactions<br />
sur les actions du NYSE.<br />
La mondialisation y met aussi du<br />
sien. Plus que jamais, on peut parler<br />
d’economics of big volume and<br />
speed. En 2000, l’encours total des<br />
produits dérivés représentait environ<br />
100% du produit national brut<br />
mondial. Aujourd’hui, il est passé à<br />
plus de 700%.<br />
Les refuges<br />
sont-ils encore sûrs ?<br />
Enfin, on constate que la nouvelle<br />
normalité génère des paradoxes<br />
sur le plan de la volatilité et des<br />
primes de risque. Il reste courant<br />
d’attribuer le statut de valeur refuge<br />
à certains actifs. Pour la préservation<br />
du capital, d’aucuns recommandent<br />
des actifs notés AAA<br />
ou des actifs exceptionnels tels<br />
que certaines matières premières<br />
et les métaux précieux. Ceux-ci<br />
sont censés résister à la tempête<br />
et connaître une évolution relativement<br />
stable de leur prix durant<br />
la perturbation, quelle que soit la<br />
cause du coup de tabac. Ces dernières<br />
années, le prix de certaines<br />
valeurs refuges a toutefois été très<br />
volatil, dans les deux sens. Quand<br />
on se penche enfin sur les primes<br />
de risque, on voit que l’impact des<br />
banques centrales via leur politique<br />
des taux 0% est un point très<br />
délicat. La rémunération d’une<br />
obligation peut par exemple se réduire<br />
en grande partie aux facteurs<br />
élémentaires suivants : la prime de<br />
durée, la prime de liquidité, la rémunération<br />
du risque de crédit et<br />
la rémunération pour l’inflation<br />
attendue. Vu les taux artificiellement<br />
bas actuellement, on peut<br />
légitimement se demander si cela<br />
correspond toujours à la réalité.<br />
Nagelmackers<br />
maintient le cap<br />
La nouvelle normalité a donc bien<br />
marqué de son empreinte la fin de la<br />
crise. La question n’est pas de savoir<br />
si on est d’accord, mais comment<br />
aborder le problème en pratique.<br />
Surtout quand il s’agit de la gestion<br />
quotidienne d’avoirs et de leur transfert<br />
à la génération suivante.<br />
Nagelmackers a une tradition d’approche<br />
pragmatique classique de<br />
la gestion de patrimoine à moyen<br />
terme, qui porte assurément ses<br />
fruits. La nouvelle normalité ne<br />
joue ici pas les trouble-fêtes, mais<br />
elle ne fait qu’appuyer cette approche<br />
et confirmer qu’il faut plus<br />
que jamais maintenir le cap. Le<br />
département Asset Management<br />
n’est pas préoccupé par le cours<br />
des événements, mais il est<br />
conscient qu’il doit rester vigilant.<br />
Dans ce cadre, il opère clairement<br />
une distinction entre ‘the signal’<br />
et ‘the noise’, entre les ‘évolutions/<br />
changements de tendance’ et les<br />
‘éléments perturbateurs temporaires’<br />
et ce, à travers des périodes<br />
fréquentes de volatilité. Il s’y est<br />
pleinement employé ces dernières<br />
années. L’Investment Research<br />
Center (IRC) a été élargi et des<br />
analystes et gestionnaires de portefeuilles<br />
expérimentés jonglent<br />
avec les pièces du puzzle politicoéconomique<br />
mondial pour les principales<br />
classes d’investissement.<br />
Chaque jour, nous consacrons<br />
beaucoup de temps et d’attention<br />
à la sélection de fonds et à leur intégration<br />
dans les différents profils<br />
de risque et portefeuilles d’investissement.<br />
Une analyse des<br />
risques ex-ante et ex-post est essentielle.<br />
Il faut y porter l’attention<br />
nécessaire, surtout depuis<br />
2008. Dans le contexte actuel<br />
de volatilité et de manque de liquidité,<br />
associé à la corrélation<br />
entre les divers actifs d’investissement,<br />
il ne s’agit toutefois pas<br />
d’un exercice d’équilibre au quotidien,<br />
mais l’Asset Management<br />
s’acquitte de sa mission et ne s’arrête<br />
pas là. Le département tire<br />
parti de son savoir-faire, mais il<br />
demande aussi régulièrement<br />
conseil à des sociétés externes.<br />
Très récemment, un des profils<br />
actuels a passé un deux ième<br />
test pointu chez BlackRock Asset<br />
Management Solutions. Les résultats<br />
ont été à la fois très instructifs<br />
et rassurants. Instructifs parce<br />
que dans les conditions actuelles<br />
et avec les limitations fixées, il est<br />
difficile d’avoir une solution optimale<br />
et il y aura toujours certaines<br />
sensibilités. Rassurants parce que<br />
l’ensemble des actifs a brillamment<br />
résisté à des tests de résistance<br />
précis dans le temps. Les chocs<br />
économiques ont évidemment un<br />
impact, mais pas au point de faire<br />
sombrer tous les navires dans un<br />
port dangereux. Nagelmackers<br />
n’a certainement pas à rougir<br />
face à la concurrence et à d’autres<br />
benchmarks.<br />
Une bonne nuit<br />
de sommeil<br />
« May you live in interesting<br />
times. » Selon certaines sources,<br />
cette expression viendrait de la<br />
Chine antique. Ironiquement, il<br />
s’agirait en fait d’une malédiction<br />
que l’on jetterait sur un ennemi.<br />
Une autre source attribue<br />
cependant ces célèbres paroles<br />
au politicien Frederic Coudert. En<br />
1939 (!), il témoignait ainsi :<br />
« Some years ago, in 1936, I had<br />
to write to a very dear and<br />
honored friend of mine, Sir<br />
Austen Chamberlain, brother<br />
of the present Prime Minister,<br />
and I concluded my letter with<br />
a rather banal remark: ‘that<br />
we were living in an interesting<br />
age.’ Evidently he read the whole<br />
letter, because by return mail<br />
he wrote to me and concluded<br />
as follows: ‘Surely’, he said, ‘no<br />
age has been more fraught with<br />
insecurity than our own present<br />
time.’ That was three years ago. »<br />
Loin de nous l’idée de tirer la sonnette<br />
d’alarme sur les marchés<br />
financiers et les évolutions politiques<br />
ou sociologiques dans le<br />
monde, mais on ne peut nier que<br />
l’impact de la nouvelle normalité<br />
à l’heure actuelle est aussi<br />
perceptible en (géo)politique,<br />
dans les médias (économiques)<br />
et dans l’interprétation ‘objective’<br />
des évènements. Avec la polarisation<br />
qui en découle à tous les<br />
carrefours de notre grand village<br />
qu’est le monde. Nous nous devons<br />
donc d’être attentifs à toutes<br />
ces perspectives, tant dans la vie<br />
courante qu’en matière d’Asset<br />
Management. Concentration,<br />
nuance et sang-froid sont de mise<br />
chez Nagelmackers. Car la nuit<br />
porte conseil, que l’on soit<br />
dans une nouvelle ou une<br />
ancienne normalité.<br />
14<br />
magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
15
Jeunes Restaurateurs<br />
18<br />
« La connaissance est notre<br />
plus grande richesse. Elle<br />
va nous permettre d’évoluer<br />
encore, comme nous le<br />
faisons depuis l’apparition de<br />
la première cellule il y a<br />
4 milliards d’années. »<br />
22<br />
« En Belgique, 69% des<br />
investissements en R&D<br />
sont faits par les entreprises<br />
privées. »<br />
24<br />
« Lorsque les solutions sont<br />
d’ordre technologique,<br />
c’est à nous d’éveiller les<br />
consciences politiques sur les<br />
questions urgentes. »<br />
27<br />
« Le terme ‘big data’ est vide<br />
de sens. Les données ne<br />
deviennent pertinentes que<br />
lorsqu’elles sont analysées et<br />
interprétées. »<br />
30<br />
« Les nouvelles technologies<br />
ne peuvent pas tout<br />
remplacer. Un ordinateur ne<br />
peut pas réfléchir de manière<br />
critique. »<br />
Chef : Steven Dehaeze<br />
Plat : cerf grillé, crème et rôti de<br />
butternut, polenta à la poudre<br />
d’estragon<br />
Restaurant : Culinair, Lauwe<br />
www.restaurantculinair.be<br />
© JRE – Belgique<br />
32<br />
« La connaissance et le<br />
savoir ne valent rien sans<br />
une certaine éthique. C’est<br />
la raison pour laquelle<br />
nous choisissons des<br />
solutions claires avec un<br />
bon rendement sur le long<br />
terme. »<br />
36<br />
« Le nouveau paradigme de<br />
la connaissance suscite de<br />
grandes questions sociétales<br />
et éthiques. »<br />
La puissance<br />
du savoir<br />
7 perspectives intéressantes<br />
16
la puissance<br />
du savoir<br />
Economie de la connaissance,<br />
une nouvelle Renaissance<br />
Penseur brillant et atypique, Idriss Aberkane est<br />
un homme qui croit en l’avenir. Passé par les plus<br />
prestigieuses écoles françaises, Normale Sup et<br />
Polytechnique, titulaire de trois doctorats, il nourrit<br />
néanmoins plus d’admiration pour le patron du restaurant<br />
parisien où nous avons rendez-vous, un un self-mademan<br />
pur jus, que pour les produits d’un système éducatif<br />
élitiste dont il n’apprécie ni les modes de sélection ni la<br />
pédagogie. Expert à la fois en neurosciences, en géopolitique<br />
et en économie de la connaissance, il nous explique comment<br />
cette dernière est en train de bouleverser en profondeur notre<br />
monde et comment elle le rend meilleur.<br />
18<br />
magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
19
la puissance<br />
du savoir<br />
On associe souvent l’économie de la connaissance<br />
aux nouvelles technologies. A tort ou à raison ?<br />
Idriss Aberkane : « La connaissance est tout autour de<br />
nous. La nature est notre première bibliothèque, riche<br />
de milliards d’informations et d’innovations. Les nouvelles<br />
technologies ne sont qu’un des vecteurs de l’économie<br />
de la connaissance. Celle-ci est bien plus ancienne.<br />
C’est d’ailleurs l’économie la plus ancienne qui soit. Nous<br />
échangions des savoirs longtemps avant d’échanger des<br />
biens ou de l’argent. Le feu est le parfait exemple de ce<br />
qu’est l’économie de la connaissance. Je peux le partager<br />
sans le perdre et je peux le multiplier sans l’épuiser. Mais<br />
si l’économie de la connaissance existe depuis toujours,<br />
elle connaît aujourd’hui une accélération, facilitée en effet<br />
par les nouvelles technologies. Nous sommes à un tournant<br />
historique, comparable à celui de la Renaissance. »<br />
L’économie de la connaissance est radicalement<br />
différente de nos modes d’échanges actuels ?<br />
Idriss Aberkane : « Oui. Nous vivons dans un monde<br />
où l’économie est exclusivement basée sur les biens matériels.<br />
Or les biens matériels s’épuisent. Ce sont des ressources<br />
finies, y compris les produits agricoles ou les<br />
énergies renouvelables. Alors que la connaissance, par<br />
essence immatérielle, est infinie. Et ce n’est pas tout, sa<br />
croissance est endogène. Cela signifie qu’elle se nourrit<br />
d’elle-même. Si je transmets une connaissance, je ne la<br />
perds pas. Je n’épuise pas cette ressource. Et si je place<br />
deux savoirs ensemble, si je les associe, j’obtiens de nouvelles<br />
connaissances, à nouveau sans épuiser ma ressource.<br />
Ce sont les deux premières règles de l’économie<br />
de la connaissance : les échanges de connaissances sont<br />
à somme positive et ils sont non linéaires. »<br />
La connaissance est également une richesse<br />
disponible partout et pour tous ?<br />
Idriss Aberkane : « L’économie de la connaissance a une<br />
‘monnaie’ de base. Cette monnaie, c’est le produit de notre<br />
temps et de notre attention. Nous sommes en ce moment<br />
en train de réaliser une transaction commerciale. Vous<br />
m’accordez votre temps et votre attention, et je vous transmets<br />
en échange une information. Or tout le monde a, potentiellement,<br />
du temps et de l’attention. Dans l’économie<br />
de la connaissance, nous naissons tous riches. »<br />
Nous naissons tous riches, mais nous n’avons<br />
ensuite pas tous accès de façon équitable au<br />
savoir…<br />
Idriss Aberkane : « Il y a une vraie faillite de l’école de<br />
ce point de vue. Nos systèmes d’éducation sont comme<br />
un grand buffet de savoirs, mais qu’on nous oblige à ingurgiter<br />
selon des règles inadaptées. Imaginez-vous devant<br />
une fantastique quantité de nourriture, vous voulez<br />
goûter et savourer, choisir, revenir essayer un autre plat…<br />
mais non, l’école vous impose de tout avaler, sans discuter,<br />
et qui plus est en un temps limité. »<br />
On n’y encourage pas non plus le partage des connaissances,<br />
alors que c’est justement ce qui permet de générer<br />
du savoir. On le sait depuis l’Antiquité. La bibliothèque<br />
d’Alexandrie en est l’exemple. Mettre les savoirs<br />
en commun, les rapprocher les uns des autres et les<br />
rendre accessibles à tous, c’est le moyen de les faire prospérer<br />
et croître. Regardez ce que fait Elon Musk, le PDG<br />
de Tesla. Il rend ses brevets publics, et ça marche. Non<br />
seulement les actions Tesla montent en flèche, mais il<br />
génère de nouvelles innovations. A l’école, partager des<br />
connaissances ou mettre en place une réflexion collective<br />
s’appelle tricher… »<br />
Il faut pourtant bien établir une sélection entre les<br />
étudiants ?<br />
Idriss Aberkane : « Un des pires préjugés concernant<br />
l’apprentissage est de croire que tout le monde<br />
n’est pas ‘capable’ de tout apprendre. C’est faux. Les<br />
neurosciences le montrent. J’ai travaillé sur le cas de<br />
Nelson Dellis, le champion du monde de mémorisation.<br />
Ce n’est pas quelqu’un qui avait des facilités au<br />
départ. Rien ne le ‘prédisposait’ à acquérir une telle<br />
faculté de mémorisation. Il y a consacré du temps et<br />
de l’attention, parce qu’il voulait atteindre ce but.<br />
Quand on analyse les modes d’apprentissage des<br />
prodiges, on voit qu’il y a un déclic à l’origine.<br />
Sans ce déclic, sans envie d’apprendre, les heures<br />
passées à étudier ne servent à rien. Encore une<br />
fois, notre monnaie d’échange dans l’économie<br />
de la connaissance, c’est le temps multiplié par<br />
l’attention. Les deux sont indissociables. »<br />
Pour donner envie d’apprendre, il faut<br />
aussi changer d’approche ?<br />
Idriss Aberkane : « On néglige totalement<br />
l’aspect ludique, amusant, de l’apprentissage.<br />
Pourtant, les jeux sont<br />
une excellente manière d’apprendre<br />
et de donner envie d’apprendre. Via<br />
le jeu vidéo par exemple, on voit des<br />
élèves en situation d’échec scolaire<br />
capables de se consacrer à des réflexions<br />
extrêmement évoluées et<br />
de résoudre des problèmes largement<br />
plus complexes que ceux<br />
proposés à l’école. De plus,<br />
beaucoup de jeux reposent<br />
sur des systèmes collectifs ou<br />
d’échanges d’informations.<br />
Ils développent un sens de la<br />
pensée collective qui nous<br />
fait souvent défaut. »<br />
« La nature est notre première<br />
bibliothèque, riche de<br />
milliards d’informations et<br />
d’innovations. »<br />
Idriss Aberkane est professeur chargé<br />
de cours à Centrale-Supélec Paris, et<br />
chercheur associé à l’Université de<br />
Stanford aux Etats-Unis.<br />
www.idrissaberkane.org<br />
Puisque la connaissance<br />
s’affirme comme une<br />
richesse économique, ne<br />
risque-t-on pas de voir<br />
émerger une privatisation<br />
des savoirs ?<br />
Idriss Aberkane : « Il y a une menace<br />
bien pire que la privatisation,<br />
c’est l’étatisation. Aujourd’hui, qui<br />
s’approprie nos données et les utilise<br />
de façon plus que contestable ?<br />
Ce n’est pas Google, c’est la NSA. Et<br />
quand le FBI demande des données à<br />
Apple, quelle est la réponse de celui-ci ?<br />
Il maintient le cryptage des données et<br />
refuse de transmettre les informations.<br />
Nous avons tous aujourd’hui une identité<br />
numérique polymorphe, un ‘datasome’ en<br />
quelque sorte. C’est une nouvelle donne qui<br />
devrait logiquement engendrer une révision<br />
de la Déclaration Universelle des Droits de<br />
l’Homme. Car je pense que l’ère de la connaissance<br />
va sonner le réveil de la société civile.<br />
Les politiques sont encore trop déconnectés de<br />
la réalité. Ils ont oublié qu’ils étaient au service de<br />
la société civile, et non l’inverse. L’accès à l’information<br />
et la capacité de trublions comme Edward<br />
Snowden à générer un chaos créateur vont bouleverser<br />
cela. »<br />
Vous parlez de Renaissance, mais nous vivons<br />
une époque troublée. Peut-on réellement être si<br />
optimiste ?<br />
Idriss Aberkane : « Nous entrons dans un âge de raison<br />
de l’humanité. Un âge pour lequel nous étions programmés<br />
depuis le départ. Nous ne nous sommes pas baptisés<br />
nous-mêmes Homo materialensis, mais bien Homo sapiens.<br />
La connaissance est notre plus grande richesse. Elle va nous<br />
permettre d’évoluer encore, comme nous le faisons depuis<br />
l’apparition de la première cellule il y a 4 milliards d’années.<br />
Cela veut-il dire que nous ne traversons pas des temps<br />
troublés ? Pas du tout. La Renaissance fut aussi l’époque des<br />
guerres de religion, avec des massacres sanglants. Personne<br />
n’avait d’ailleurs à l’époque conscience de vivre une renaissance.<br />
Notre instinct nous entraîne toujours à accorder plus<br />
d’importance aux dangers qu’aux gains. Parce que, dans la<br />
nature, ne pas accorder d’attention au danger, c’est mourir.<br />
J’ai trois doctorats, mais je ferais plus vite la une des journaux<br />
si j’agresse une vieille dame dans la rue que si je parle de mes<br />
recherches. Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt<br />
qui pousse. Continuons à essaimer et à partager la connaissance,<br />
pour faire pousser les forêts de demain. »<br />
Nos remerciements au Paradis du Fruit, boulevard des Batignolles à<br />
Paris, de nous avoir accueillis pour cette interview.<br />
20 magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
21
la puissance<br />
du savoir<br />
De plus en plus de données,<br />
tout autour de nous. Traitées<br />
CONNAISSANCES<br />
les nouvelles<br />
Apprendre, chercher, découvrir…<br />
ET DONNÉES,<br />
matières premières<br />
Part de la population active diplômée de l’enseignement supérieur<br />
et analysées, elles deviennent<br />
des informations qui, à leur<br />
8,2 MRD<br />
69%<br />
63.207<br />
44% USA<br />
39,8% Belgique<br />
42,4% Japon<br />
34,8% France<br />
tour, nourrissent la recherche<br />
et l’apprentissage. L’économie<br />
de la connaissance et ses<br />
La Belgique a investi<br />
8,2 milliards d’euros<br />
dans la R&D<br />
en 2011<br />
En Belgique, 69% des<br />
investissements en R&D<br />
sont faits par les entreprises<br />
privées<br />
La Belgique compte<br />
63 207 chercheurs.<br />
[45% de ces chercheurs<br />
travaillent dans des<br />
entreprises privées]<br />
42,2% Corée du Sud<br />
34% Pays-Bas<br />
41,5% Grande-Bretagne<br />
28,6% Allemagne<br />
cercles vertueux sont dans<br />
l’air du temps. La Belgique<br />
% du PIB investi dans la R&D en 2013<br />
Taux de croissance de la R&D et du PIB en Belgique<br />
est dans le peloton de tête<br />
international dans ces<br />
domaines, aussi bien du point<br />
4,15%<br />
Corée du Sud<br />
8,4%<br />
R&D<br />
9,1%<br />
4,5%<br />
PIB<br />
3,9%<br />
de vue universitaire que pour<br />
la Recherche et<br />
le Développement (R&D).<br />
Japon 3,47%<br />
2,83%<br />
Allemagne<br />
2010<br />
2011<br />
2010<br />
2011<br />
Big(ger) data<br />
USA 2,77%<br />
2,43%<br />
Belgique<br />
2.300.000.000.000.000.000<br />
2,3 trillions de gigabytes de data sont créés chaque jour<br />
6.000.000.000<br />
France 2,24%<br />
40.000.000.000.000.000.000<br />
Notre planète compte<br />
6 milliards de smartphones pour<br />
7 milliards d’habitants<br />
1,96%<br />
Pays-Bas<br />
D’ici à 2050, 40 trillions de data seront créés, soit 300 fois plus que<br />
tout le data présent en 2005<br />
Un mois de data =<br />
1,93%<br />
Europe des 28<br />
400 millions<br />
de tweets<br />
Note : R&D = Recherche et Développement.<br />
PIB = Produit Intérieur Brut.<br />
Sources : OCDE, Belspo, IBM<br />
OBJECTIF<br />
EUROPÉEN<br />
POUR 20203%<br />
1,66%<br />
Grande-Bretagne<br />
30 milliards<br />
de posts sur Facebook<br />
40 milliards<br />
d’heures de vidéo regardées sur YouTube<br />
22<br />
magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
23
la puissance<br />
du savoir<br />
Le CEO de l’imec, Luc Van den hove, et celui d’iMinds,<br />
Danny Goderis, sont de grands optimistes de l’innovation.<br />
Tous deux sont intimement convaincus que pour<br />
relever les défis économiques et sociétaux tels que l’explosion<br />
des coûts des soins de santé, le changement<br />
climatique et la congestion routière, il faut investir<br />
dans l’intelligence numérique, également qualifiée de<br />
deuxième âge de la machine. Si cette révolution a surtout<br />
touché le monde de l’ICT ces trente dernières années,<br />
c’est au tour des secteurs industriels de s’attendre<br />
à des bouleversements dans les vingt années à venir.<br />
La fusion du géant du hardware imec et de l’innovateur<br />
numérique iMinds permettra aux entreprises belges de<br />
jouer un rôle majeur sur la scène mondiale. Alors que<br />
des critiques s’élèvent pour dénoncer l’inspiration politique<br />
de cette union, les deux hommes les réfutent d’une<br />
même voix.<br />
entretien avec<br />
Luc Van den hove<br />
(photo) et Danny<br />
Goderis<br />
<strong>LA</strong> BELGIQUE :<br />
un centre d’innovation<br />
numérique et de haute<br />
technologie<br />
La fusion entre le géant technologique imec et l’institut de recherche numérique<br />
iMinds sera accomplie à la fin de l’année 2016. Cette union est un choix stratégique,<br />
car dans les années à venir, l’innovation sera guidée par une combinaison de<br />
hardware et de software. « We ain’t seen nothing yet ». Ou en d’autres termes : en<br />
route pour ‘l’Internet of Everything’.<br />
Deux initiatives flamandes<br />
Fondé en 1984 par les autorités flamandes,<br />
l’imec est devenu le plus grand centre de<br />
recherche indépendant d’Europe dans le<br />
domaine de la nanoélectronique. L’entreprise<br />
a réalisé un chiffre d’affaires de 415 millions<br />
d’euros en 2015 et compte 2 417 collaborateurs.<br />
L’année dernière, l’imec a introduit 180 brevets<br />
et a publié 998 articles scientifiques. Luc Van<br />
den hove est CEO de l’organisation depuis 2009.<br />
Le centre de recherche flamand pour<br />
l’innovation numérique iMinds est né vingt<br />
ans plus tard. iMinds emploie plus de 900<br />
chercheurs dans des domaines comme l’ICT, les<br />
médias, la santé et les Smart Cities. Il est connu<br />
pour son fructueux soutien aux start-up. iMinds<br />
a été élu numéro 4 mondial dans la catégorie<br />
‘Top University Business Accelerators’ en 2015.<br />
La même année, Danny Goderis a repris le<br />
flambeau du fondateur Wim De Waele.<br />
Luc Van den hove : « Les négociations étaient déjà en<br />
cours avant que Bruxelles n’entre en jeu, mais le secteur<br />
politique partage notre vision stratégique commune<br />
selon laquelle l’intégration du hardware et du software<br />
constitue la clef pour résoudre les grandes questions<br />
technologiques. »<br />
Danny Goderis : « iMinds devient une unité distincte au<br />
sein de l’imec. C’est ainsi que nos starters reçoivent l’accès<br />
au réseau international de clients et d’universités mis<br />
sur pied par l’imec ces vingt dernières années. Cette expansion<br />
présente un énorme potentiel de rendement. »<br />
La start-up miDiagnostics, laboratoire médical sur<br />
puce développé par l’imec, a recueilli 60 millions<br />
d’euros auprès de l’industrie. iMinds jouera-t-il un<br />
rôle dans la suite du développement ?<br />
Luc Van den hove : « Absolument. Cette puce jetable<br />
de quelques centimètres carrés va complètement transformer<br />
le diagnostic médical. Le patient se pique le bout<br />
du doigt, la puce absorbe un peu de sang et l’analyse<br />
s’affiche après dix minutes. Trente secondes plus tard,<br />
un signal sur votre smartphone indique s’il faut consulter<br />
le médecin ou non. Les premiers produits sont mis à<br />
disposition sur le marché pendant quatre ans pour subir<br />
des tests médicaux et cliniques. Après validation et approbation<br />
de la FDA, un mini-labo suivra à l’attention<br />
des consommateurs. Ce développement repose sur la<br />
technologie des capteurs et des télécommunications,<br />
mais les données réunies sont d’une valeur tout aussi<br />
fondamentale. »<br />
Danny Goderis : « Si des techniques de ce genre se<br />
généralisent, cela donnera le jour à une base de données<br />
contenant des informations médicales permettant<br />
d’identifier des profils pathologiques. C’est dans cette<br />
analyse, la fusion de données, que réside l’une de nos<br />
expertises. Toutes ces données doivent également être<br />
traitées et sauvegardées en toute sécurité. Et en tant<br />
qu’experts des données, la question de la vie privée relève<br />
aussi de nos compétences. »<br />
24 magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
25
la puissance<br />
du savoir<br />
Danny Goderis<br />
Y a-t-il d’autres domaines où la combinaison de<br />
la technologie des capteurs et d’algorithmes<br />
intelligents entraînera des (r)évolutions ?<br />
Danny Goderis : « Nous collaborons en ce moment à<br />
Anvers à l’initiative City of Things, le plus grand labo<br />
de tests sans fil d’Europe. L’imec a développé un capteur<br />
mesurant la pollution de l’air, dont les véhicules bpost<br />
sont équipés pour circuler dans la ville. iMinds a créé<br />
des centaines de passerelles sans fil pour recueillir ces<br />
signaux, qui sont ensuite traités directement dans nos<br />
salles de contrôle. La synergie entre plusieurs disciplines<br />
s’accroît de plus en plus. Cela simplifie donc les choses<br />
si nous ne formons qu’une seule et même entreprise. »<br />
Luc Van den hove : « Nous évoluons de l’Internet of<br />
Things vers l’Internet of Everything où les objets intelligents<br />
communiquent constamment entre eux. Imaginez<br />
par exemple une voiture autonome en communication<br />
avec des drones observant le trafic routier pour pouvoir<br />
adapter sa vitesse ou choisir un autre itinéraire<br />
sans intervention humaine. Cette évolution est plus<br />
rapide qu’on le pense. Tout simplement parce que des<br />
problèmes comme la congestion routière deviennent<br />
ingérables. Je considère que c’est à nous d’éveiller<br />
les consciences politiques sur les questions urgentes,<br />
du moins lorsque la technologie peut y apporter des<br />
réponses, ce qui est souvent le cas. »<br />
Plus de collaboration avec Bruxelles et la Wallonie<br />
De quelle façon cette fusion va-t-elle contribuer à<br />
l’économie belge ?<br />
Luc Van den hove : « Traditionnellement, notre pays<br />
compte de nombreuses PME qui sont souvent spécialisées<br />
dans une niche. A l’heure actuelle, le seuil d’innovation<br />
est trop élevé pour les petites entreprises ; traduire<br />
notre technologie de pointe en un produit réel exige en<br />
effet de lourds investissements en R&D. Dès lors, si nous<br />
pouvons aussi fournir les applications, cela deviendra<br />
gérable pour les petites entreprises.<br />
Par exemple, nous travaillons aujourd’hui avec Samsung<br />
à une plateforme pour la nouvelle génération de<br />
smartwatches, qui mesure certains paramètres corporels<br />
comme la tension artérielle relative. C’est cette<br />
même plateforme que nous utilisons également pour des<br />
applications de niche comme ce pansement intelligent<br />
pour femmes enceintes, qui mesure les contractions et le<br />
rythme cardiaque du bébé. Une start-up locale a été mise<br />
sur pied à cet effet. Nous développons des structures similaires<br />
dans l’industrie alimentaire et le secteur agricole.<br />
C’est ainsi que nous avons développé récemment<br />
un capteur spécial permettant de suivre avec précision<br />
les taux de nutriment et d’humidité des cultures à l’aide<br />
de drones survolant les champs, de manière à accroître<br />
le rendement du processus agricole. »<br />
Danny Goderis : « 25% de nos start-up numériques vont<br />
finalement devoir faire le pas vers la conception de puces<br />
et tableaux d’affichage, mais c’est aujourd’hui inabordable<br />
en édition restreinte. Or, grâce au réseau international<br />
et aux cleanrooms de l’imec (des salles blanches<br />
totalement dépourvues de poussières et de vibrations<br />
pour la production de puces), cette possibilité leur est offerte.<br />
Nous rassemblons différents acteurs de niche pour<br />
créer une entité de taille. C’est totalement inédit que des<br />
start-up puissent innover à si bas prix. Et un nombre<br />
accru d’innovations peut ainsi subitement connaître une<br />
marge de croissance réaliste. La solide combinaison de<br />
brain science et d’entrepreneuriat donne aux jeunes<br />
entreprises la technologie leur permettant d’exceller<br />
au plan mondial. Nous en retrouverons sans doute certaines<br />
sur le Nasdaq dans quelques années. We will pick<br />
the winners and make them great. »<br />
Un tout grand merci au Radisson Blu Hotel Brussels pour son<br />
accueil lors de l’interview.<br />
Malgré les racines flamandes des deux organisations, la collaboration avec Bruxelles et la Wallonie va<br />
s’intensifier. Dans les années à venir, de grandes innovations vont avoir lieu dans des secteurs plus<br />
traditionnels comme l’industrie pharmaceutique et le secteur biomédical, où la partie francophone du<br />
pays est aussi fortement représentée. La demande en analyses ADN a explosé en raison de la rapidité<br />
du processus (une reconstruction du génome humain peut se faire en deux heures alors que la norme de<br />
référence est de cinq jours) et de la réduction du prix en dix ans (on est passé d’un million de dollars à<br />
moins de mille dollars par analyse). La technique est utilisée dans le monde judiciaire, mais aussi pour le<br />
dépistage précoce de certains syndromes.<br />
Big ou pas, le data est<br />
le nouvel eldorado. Les<br />
données font frémir la<br />
planète. Les entreprises<br />
veulent les exploiter, les<br />
chercheurs en tirer la<br />
substantifique moelle et<br />
monsieur tout le monde<br />
hésite entre dissimuler<br />
les siennes ou les<br />
monnayer. Sans bruit, à<br />
Liège, une start-up belge,<br />
Data Fellas, invente<br />
de nouvelles manières<br />
de récolter et de faire<br />
DATA,<br />
fructifier ces données<br />
tant convoitées. Eloge du<br />
data local et intelligent<br />
avec l’un de ses deux<br />
fondateurs, Andy<br />
Petrella.<br />
<strong>LA</strong> PÊCHE AUX TRÉSORS<br />
26<br />
magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
27
la puissance<br />
du savoir<br />
Le big data, c’est vraiment la nouvelle poule aux<br />
œufs d’or ?<br />
Andy Petrella : « Je n’aime pas utiliser ce terme de ‘big<br />
data’. Il est vide de sens. Grâce aux nouvelles technologies<br />
notamment, nous parvenons à récupérer de plus<br />
en plus de données sur le monde qui nous entoure et sur<br />
nos modes de vie, mais à l’état brut, elles ne veulent rien<br />
dire. Sans intervention humaine, ces données ne sont<br />
rien. Il faut les analyser et les interpréter pour qu’elles<br />
se transforment en informations pertinentes. C’est à ce<br />
moment-là qu’elles prennent leur valeur. »<br />
Est-il vraiment difficile de transformer les données<br />
en informations ?<br />
Andy Petrella : « La récupération des données brutes<br />
est a priori l’affaire des techniciens IT, selon des protocoles<br />
définis généralement par les analystes de données.<br />
Mais ces derniers sont totalement démunis face<br />
au résultat de la collecte, parce que les outils IT sont<br />
incompréhensibles pour eux. Notre premier but chez<br />
Data Fellas a été de créer les passerelles entre l’IT et<br />
les analystes, sans passer par une multitude d’acteurs<br />
et d’étapes intermédiaires. Comme toutes les sources<br />
d’informations, les données perdent de leur valeur avec<br />
le temps. Il faut donc pouvoir les analyser le plus vite<br />
possible. Il ne s’agit pas de réduire le nombre de personnes<br />
qui travaillent sur les données, mais de rendre leur<br />
tâche plus efficace. »<br />
Exploitons-nous toutes les données disponibles ?<br />
Andy Petrella : « Non. Il y a beaucoup de données inexploitées.<br />
Ou plus exactement, il y a beaucoup de données<br />
dont on néglige le potentiel. Dans certains secteurs<br />
d’activités, les données sont depuis longtemps une base<br />
incontournable. Dans les assurances par exemple, les<br />
données constituent le core business. Améliorer la collecte<br />
et l’analyse de celles-ci leur permet de mieux servir<br />
leurs clients. Or, le flux de données à leur disposition<br />
explose. La domotique ou les GPS fournissent à eux<br />
seuls une masse de données exploitables et particulièrement<br />
intéressantes. »<br />
Il faut donc des ordinateurs de plus en plus<br />
puissants pour traiter ce volume de données ?<br />
Andy Petrella : « Pas forcément. Il existe ce qu’on appelle<br />
le distributed computing, qui est au cœur de notre<br />
travail chez Data Fellas. Grâce à lui, même une petite entreprise<br />
peut collecter des masses importantes de données.<br />
Concrètement, il s’agit d’utiliser la capacité de calcul<br />
dormante des ordinateurs. Plutôt que de louer ou<br />
d’acheter une grosse machine, puis de payer encore la<br />
collecte des données, ou bien de s’en remettre à un collecteur<br />
de données qui facture au prix fort chaque opération,<br />
on va solliciter les ordinateurs sous-exploités et<br />
les faire travailler. »<br />
Le grand public s’inquiète souvent de l’usage qui<br />
sera fait de ses données. A tort ou à raison ?<br />
Andy Petrella : « Il est quasiment impossible de garder<br />
ses données pour soi. Je crois que nous en sommes tous<br />
conscients. Mais ces données nous permettent d’accéder<br />
à toute une série de services. Elles sont donc une monnaie<br />
d’échange. Rien n’est jamais vraiment gratuit…<br />
A nous de décider quand et comment nous voulons laisser<br />
exploiter nos données. »<br />
A quoi vont servir toutes ces données et ces<br />
informations récoltées et analysées ?<br />
Andy Petrella : « Les données sont une ressource à<br />
la fois inépuisable et à croissance exponentielle. Une<br />
même donnée peut être exploitée plusieurs fois et de<br />
plusieurs façons, et quand on associe deux données, on<br />
obtient plus d’informations qu’en traitant chaque donnée<br />
à part. Mais ce n’est pas tout. Récupérer et analyser<br />
les données a un coût, mais les générer ne coûte rien.<br />
Ce que nous pouvons en faire ? Cela dépend de nous et<br />
autant de nos choix de récolte que d’analyse. »<br />
La collecte et l’analyse de données permettent<br />
aussi de vraies avancées positives ?<br />
Andy Petrella : « Bien sûr. L’Université de Berkeley, en<br />
Californie, a utilisé la puissance du distributed computing<br />
dans un cas très intéressant. Un garçon de 14 ans<br />
souffrait de migraines aiguës. Personne n’en trouvait la<br />
cause, à tel point qu’il a fallu le mettre en coma artificiel.<br />
On a alors fait une analyse génétique de son sang.<br />
Pas uniquement de sa séquence à lui, mais de toutes<br />
les séquences présentes, complètes ou incomplètes.<br />
Un processus énorme qui aurait pris des années sans<br />
l’utilisation de systèmes distribués. Grâce à la puissance<br />
de calcul de ceux-ci, on a pu isoler la bactérie responsable<br />
des migraines, administrer le bon antibiotique et<br />
guérir le garçon. »<br />
Vous travaillez également avec Data Fellas sur un<br />
projet génomique…<br />
Andy Petrella : « Nous faisons partie du projet Global<br />
Alliance for Genomics and Health, qui réunit 375 institutions<br />
dans le monde. Le but de ce projet est de mettre<br />
en place des processus de partage des données génomiques<br />
et cliniques afin de faire avancer la recherche<br />
médicale. C’est à nouveau un parfait exemple de ce que<br />
les données peuvent nous apporter. A condition de créer<br />
les synergies et de les utiliser à bon escient. »<br />
Mathématicien de formation, Andy Petrella<br />
a fondé Data Fellas en 2015, avec son<br />
comparse Xavier Tordoir. Leur start-up<br />
fait aujourd’hui partie de l’accélérateur<br />
liégeois The Faktory et, performance<br />
rare pour une entreprise belge,<br />
développe également son activité à<br />
San Francisco, au sein d’Alchemist,<br />
un des accélérateurs les plus à la<br />
pointe des Etats-Unis.<br />
www.data-fellas.guru<br />
www.thefaktory.com<br />
« Sans intervention humaine,<br />
ces données ne sont rien. »<br />
28<br />
magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3 29
la puissance<br />
du savoir<br />
Lorsqu’ils ont fait leur apparition en 2011, les<br />
premiers MOOC (Massive Open Online Course),<br />
ces cours en ligne de nouvelle génération, ont<br />
immédiatement provoqué des réactions de<br />
panique. Signifiaient-ils la fin de l’université<br />
telle que nous la connaissons ? Notre système<br />
éducatif, pourtant si discuté et si discutable,<br />
allait-il s’effondrer ? Le point sur ces questions<br />
avec Julien Jacqmin, chargé de cours en<br />
économie à HEC-Liège-Université de Liège.<br />
MOOC,<br />
apprendre dans<br />
un NUAGE<br />
Lorsque les premiers MOOC ont été créés, de<br />
nombreuses voix ont exprimé leur inquiétude.<br />
L’université virtuelle semble faire peur. A raison ?<br />
Julien Jacqmin : « Depuis l’arrivée des premiers<br />
MOOC, les choses se sont beaucoup calmées. Ceux-ci<br />
représentent surtout un progrès en interne pour les<br />
universités, amenées à réfléchir sur leurs méthodes<br />
d’enseignement et à repenser leur pédagogie. Il y a<br />
toujours eu une sorte de monopole sur le savoir. Ceux<br />
qui le détiennent le transmettent selon leurs termes.<br />
Les nouvelles technologies, et donc ces cours en ligne,<br />
changent la donne. Aujourd’hui, tout le monde a accès<br />
à la connaissance. Ce qui ne veut pas dire que tout le<br />
monde peut enseigner ou transmettre cette connaissance.<br />
L’université ne détient pas uniquement le savoir,<br />
elle est également dépositaire d’une compétence<br />
pédagogique. Les nouvelles technologies ne peuvent<br />
pas se substituer à tout. Un ordinateur ne sait pas réfléchir<br />
de manière critique. Il n’est pas capable de synthétiser<br />
les informations comme un être humain peut<br />
le faire. Sans contenu pédagogique pertinent, et sans<br />
contenu tout court d’ailleurs, les MOOC ne sont qu’une<br />
enveloppe vide. Il faudra donc toujours des professeurs<br />
pour les créer. »<br />
En quoi les MOOC se différencient-ils d’un simple<br />
cours sur internet ?<br />
Julien Jacqmin : « Les MOOC ne se limitent pas à de<br />
simples vidéos postées sur internet. Ils mettent à profit<br />
les nouvelles technologies pour offrir d’autres méthodes<br />
d’apprentissage. Par l’interactivité, des quiz, des jeux<br />
interactifs ou des forums par exemple, mais aussi en<br />
permettant d’avancer à son propre rythme. L’étudiant<br />
pourra ainsi choisir de visionner d’abord toutes les vidéos<br />
ou de plutôt s’attarder sur un point spécifique… Ils<br />
incitent l’étudiant à jouer un rôle proactif en le plaçant<br />
au centre d’un apprentissage qui s’adapte aux besoins<br />
de chacun beaucoup plus facilement. »<br />
Comment les MOOC peuvent-ils faire évoluer notre<br />
façon d’enseigner et d’apprendre ?<br />
Julien Jacqmin : « Jusqu’à présent, les théories pédagogiques<br />
ont été peu étudiées de manière scientifique.<br />
Elles se basaient pour une grande partie sur des a priori<br />
idéologiques et sur un champ expérimental somme toute<br />
limité. En donnant accès à des informations dont nous<br />
ne disposions pas auparavant, les MOOC permettent de<br />
répondre à des questions jusqu’ici insolubles. Faut-il privilégier<br />
la pratique avant la théorie ou bien le contraire ?<br />
Tel ou tel type de validation des connaissances est-il<br />
efficace ? Grâce aux données recueillies de cette manière,<br />
nous pourrons analyser les actions des étudiants<br />
et leurs réactions aux différentes approches. Et nous<br />
pourrons également mesurer ces résultats sur le long<br />
terme. Par exemple en comparant leur trajet avec leur<br />
accès à l’emploi dans les années suivant leur formation. »<br />
Quel avenir pour les MOOC ?<br />
Julien Jacqmin : « Les MOOC vont certainement se<br />
développer comme une nouvelle ressource pédagogique.<br />
Des ‘livres interactifs’ dans lequel les étudiants<br />
viendront piocher, mais aussi découvrir. Cette filière me<br />
convient-elle ou me plaît-elle ? En suivant ce type de<br />
cursus en ligne, l’étudiant peut faire l’expérience d’une<br />
matière, s’initier, et éventuellement changer d’avis. C’est<br />
un véritable changement de paradigme dans notre approche<br />
de l’apprentissage et une ouverture indéniable.<br />
Les MOOC auront un impact sur l’université, mais pas<br />
celui que l’on attendait au départ. Ils ne se substitueront<br />
pas à celle-ci, ils la compléteront tout en permettant de<br />
faire évoluer sa pédagogie. Ils favoriseront aussi l’interdisciplinarité,<br />
aujourd’hui peu valorisée dans l’enseignement<br />
ou la recherche. Des progrès sans doute moins intéressants<br />
du point de vue des médias, mais qui n’en<br />
restent pas moins essentiels. »<br />
Qu’est-ce qu’un MOOC ?<br />
L’acronyme MOOC signifie en anglais Massive Open Online<br />
Course. En clair, il s’agit d’un cursus universitaire en ligne,<br />
ouvert à tous, gratuitement et sans prérequis. Le premier<br />
MOOC a été mis en place par l’Université de Stanford aux<br />
Etats-Unis, en 2011.<br />
Certains MOOC sont aujourd’hui suivis par plusieurs<br />
millions d’étudiants, dans toutes sortes de disciplines.<br />
Les trois plus importants sont :<br />
• Coursera (plus de 600 cours et 21 millions d’inscrits)<br />
• edX (2,4 millions d’inscrits, c’est la plateforme à laquelle<br />
participe notamment l’UCL)<br />
• Udacity (1,6 million d’inscrits)<br />
30<br />
magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
31
la puissance<br />
du savoir<br />
Cinq spécialistes de Nagelmackers se sont<br />
mis autour de la table, dans le décor unique<br />
de l’Atomium, le symbole par excellence<br />
de l’Expo 58 qui illustre l’ambition belge<br />
de développer une économie de la<br />
connaissance.<br />
PERSONNEL,<br />
C<strong>LA</strong>IR ET<br />
SUR MESURE<br />
Aujourd’hui, ce ne sont plus les produits<br />
financiers qui permettent de faire la<br />
différence dans le monde bancaire,<br />
mais plutôt la manière dont on aborde<br />
ses clients et dont on les perçoit. Une<br />
approche personnelle, une communication<br />
claire, des solutions simples et sur mesure,<br />
voilà à quoi s’engage Nagelmackers.<br />
Nous optons pour une approche holistique : tout tourne autour<br />
du client. Nous l’écoutons activement, listons ses besoins<br />
et partageons nos connaissances avec lui pour qu’il<br />
puisse prendre ses décisions de façon autonome et même<br />
réaliser ses rêves.<br />
Commençons par le commencement. Un client arrive<br />
avec une question concrète.<br />
Kathleen Massonnet, directrice d’agence (Bruxelles,<br />
avenue Louise) : « Lors du premier entretien, nous laissons<br />
les clients nous parler de leur projet. Et progressivement,<br />
nous les encourageons à réfléchir à tous leurs objectifs.<br />
Cela va donc bien au-delà de leur question initiale. Au<br />
final, ils ont une idée précise de ce qu’ils veulent et d’où ils<br />
en sont. Nous pouvons alors élaborer une solution globale<br />
leur offrant une véritable valeur ajoutée. Bien sûr, cela nécessite<br />
plus d’un entretien. Le Guide Financier (voir encadré<br />
page 35) nous aide énormément à avoir un aperçu clair et<br />
précis de la situation. »<br />
32<br />
magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
33
la puissance<br />
du savoir<br />
Kathleen Massonnet<br />
Quand faites-vous intervenir les<br />
experts de la banque ?<br />
Michele Cordaro, regiomanager :<br />
« Tout dépend de la situation. Si le<br />
client dispose d’un patrimoine mobilier<br />
important, nous faisons intervenir<br />
un private banker ou un wealth<br />
manager. Nous réglons les questions<br />
relatives à la transmission de patrimoine<br />
avec un estate planner et les<br />
demandes complexes de crédits sont<br />
confiées à un credit advisor. »<br />
Françoise Lesenne, analyste crédits<br />
: « Lorsqu’une agence me pose<br />
une question, je commence par<br />
faire une analyse. Le dossier cadret-il<br />
dans l’approche de la banque ?<br />
Offrons-nous le type de solution recherchée<br />
par le client ? Je rencontre<br />
ensuite le client pour en discuter.<br />
Cette proximité et le fait de prendre<br />
le temps de se rencontrer sont très<br />
appréciés par le client. Cela lui donne<br />
confiance. Dans de nombreuses<br />
banques, les dossiers crédits sont discutés<br />
en coulisse. Je ne cherche pas<br />
de solutions depuis ma tour d’ivoire,<br />
je viens vraiment sur le terrain.<br />
Cette interaction engendre des solutions<br />
étonnantes qui dépassent les<br />
attentes du client. J’examine aussi la<br />
situation dans son ensemble. Si un<br />
client veut acheter un bien immobilier<br />
parce que l’épargne rapporte<br />
peu pour l’instant, j’explique toutes<br />
les options possibles et nous choisissons<br />
ensemble celle qui lui convient<br />
le mieux. J’évoque aussi les conséquences<br />
fiscales, car on les oublie<br />
souvent. Et à ce moment, je fais intervenir<br />
notre spécialiste en fiscalité<br />
de l’Estate Planning. »<br />
Sandrine Geirnaert, estate planner<br />
: « Nous pouvons alors définir<br />
une structure de financement sur<br />
mesure intégrant la fiscalité des<br />
crédits hypothécaires. Cette matière,<br />
en partie régionalisée, s’est<br />
relativement complexifiée depuis<br />
2015 et nous y accordons une attention<br />
particulière. Toujours en<br />
tenant compte de la situation globale<br />
de notre client : s’il s’agit d’un<br />
dirigeant d’entreprise, nous envisageons<br />
par exemple de faire participer<br />
sa société au remboursement du<br />
crédit par le biais de dividendes et/<br />
ou d’avances sur son engagement<br />
individuel de pension. A l’instar de<br />
nos collègues, nous tenons compte<br />
de tous les aspects en vue d’une optimisation<br />
fiscale. »<br />
Michele Cordaro : « En résumé,<br />
nous nous réunissons pour faire le<br />
point et proposons ensuite la combinaison<br />
de solutions idéales en matière<br />
de crédits, d’investissements et<br />
de fiscalité. »<br />
Sandrine Geirnaert<br />
Cette approche diffère-t-elle<br />
pour les patrimoines plus<br />
conséquents ?<br />
Lionel Henrion, wealth manager :<br />
« Non, là aussi, nous optons pour<br />
une approche personnelle globale.<br />
Par contre, nous faisons parfois intervenir<br />
des experts externes. Des<br />
experts dans le domaine de l’immobilier<br />
ou de l’art par exemple,<br />
des spécialistes qui évaluent une<br />
entreprise familiale, des experts<br />
dans des domaines de luxe bien<br />
précis comme les bijoux ou les voitures...<br />
Sur la base de ces informations,<br />
nous optons pour une gestion<br />
de patrimoine dotée d’une stratégie<br />
sur mesure. »<br />
La gamme d’instruments<br />
financiers n’est pas très large<br />
chez Nagelmackers. Est-ce un<br />
choix délibéré ?<br />
Lionel Henrion : « Nous ne proposons<br />
en effet ni une grande gamme<br />
ni des solutions très complexes, car<br />
les phénomènes de mode ne cadrent<br />
pas avec notre approche. Nous préférons<br />
la sécurité, la simplicité et la<br />
qualité. Nous nous fixons des limites<br />
et évitons de prendre des risques<br />
inconsidérés. Dans ce cadre, nous<br />
pouvons néanmoins élaborer des<br />
solutions tout à fait personnalisées<br />
pour nos clients. Ce n’est certainement<br />
pas un point faible, au<br />
contraire. A terme, cela est très<br />
souvent même plus rentable. Les<br />
produits à la mode, avec un rendement<br />
élevé à court terme, sont souvent<br />
compliqués et le client ne les<br />
comprend pas toujours. Par ailleurs,<br />
ce type d’instruments financiers requiert<br />
parfois de multiples achats/<br />
ventes, ce qui engendre des frais<br />
élevés et pèse considérablement<br />
sur le rendement. La connaissance<br />
et l’expertise ne sont rien sans une<br />
certaine éthique. Et sur ce point,<br />
nous faisons clairement le choix de<br />
solutions claires, compréhensibles<br />
et offrant un bon rendement à long<br />
terme pour l’investisseur, et non<br />
pour l’émetteur ou le distributeur<br />
des produits. C’est la raison pour laquelle<br />
nous accordons autant d’attention<br />
à la constitution d’un portefeuille.<br />
Cela ne donne peut-être pas<br />
rapidement de rendements élevés<br />
mais une croissance positive contrôlée<br />
à long terme. Et c’est là que se<br />
situe notre force. »<br />
Lionel Henrion<br />
Françoise Lesenne<br />
Une communication claire et<br />
transparente est-elle le point<br />
faible des banques ?<br />
Françoise Lesenne : « Cela s’est<br />
grandement amélioré. Pour nous,<br />
il est primordial de donner des explications<br />
transparentes dans un<br />
langage que le client comprend<br />
vraiment. »<br />
Sandrine Geirnaert : « La fiscalité,<br />
par exemple, n’est pas une matière<br />
facile. Mais si le client comprend<br />
parfaitement les solutions que je lui<br />
explique et leurs conséquences, il<br />
apprécie énormément. »<br />
Michele Cordaro : « Même en période<br />
de crise, s’il n’y a pas spécialement<br />
de bonnes nouvelles à<br />
annoncer, nous continuons à communiquer<br />
ouvertement. Nous restons<br />
transparents et nous disons les<br />
choses telles qu’elles sont. »<br />
Kathleen Massonnet : « Le Guide<br />
Finan cier nous aide. Grâce à cet<br />
outil, les objectifs, les possibilités et<br />
les solutions sont présentés de manière<br />
très visuelle. Le client comprend<br />
mieux sa situation. La communication<br />
en est dès lors facilitée. Si<br />
nous sommes tous sur la même longueur<br />
d’onde, le client a davantage<br />
confiance et on arrive à bien plus. »<br />
Il est donc très important de<br />
rencontrer régulièrement votre<br />
client ?<br />
Kathleen Massonnet : « L’un de<br />
nos engagements est en effet de<br />
rencontrer régulièrement notre<br />
client et de le contacter proactivement.<br />
C’est le conseiller du client<br />
qui le fait. L’agence est et reste à tout<br />
moment le premier point de contact<br />
du client. C’est là que tout est coordonné,<br />
il s’agit vraiment de la plaque<br />
tournante. Et nos clients apprécient<br />
énormément cette continuité. »<br />
Sandrine Geirnaert : « Nous suivons<br />
l’histoire du client, de A à Z.<br />
Et si nécessaire, nous adaptons<br />
Qu’est-ce que le Guide Financier ?<br />
Michele Cordaro<br />
nos solutions. Nous développons<br />
ainsi une véritable relation de<br />
confiance sur le long terme avec nos<br />
clients. Cela vaut aussi bien pour<br />
le conseiller que pour les experts.<br />
Nous nous concertons et travaillons<br />
en équipe. »<br />
Michele Cordaro : « Pour nouer ce<br />
genre de relation, il est primordial<br />
de bien connaître notre client.<br />
Nous essayons de nous mettre à<br />
sa place, pour l’aider à réfléchir à<br />
ses objectifs et aux solutions pour<br />
les atteindre. Chez Nagelmackers,<br />
nous ne sommes pas liés à un cadre<br />
strict et notre système de fonctionnement<br />
permet une meilleure<br />
synergie entre les personnes. Nous<br />
collaborons donc de façon naturelle,<br />
quasi sans barrières et dans<br />
la même direction. Tous ensemble,<br />
nous poursuivons le même objectif :<br />
la satisfaction de notre client. »<br />
Quel est votre objectif ? Où en êtes-vous aujourd’hui ? Quel chemin suivre ?<br />
Le Guide Financier est un outil qui vous aide, vous et votre conseiller, à avoir<br />
une vue globale. Il permet d’élaborer un plan de patrimoine personnalisé pour<br />
réaliser vos objectifs. Vous n’avez pas encore de plan personnalisé ? Votre<br />
conseiller se fera un plaisir de vous aider.<br />
34 magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
35
la puissance<br />
du savoir<br />
KOTK<br />
Le terme ‘économie de la connaissance’ est né de la métaphore de<br />
la société de l’information, société dans laquelle l’information est la<br />
matière première qui dominerait le monde. Il est rapidement apparu<br />
que sans la connaissance, l’information n’avait pas de valeur. A la fin<br />
du siècle dernier, il est devenu de plus en plus évident que les données<br />
étaient la clé des défis sociétaux de l’avenir. La seule chose que nous<br />
avions à faire était de craquer le code. Les technologies numériques,<br />
l’Internet of Things, nous ont en effet projetés dans une société guidée<br />
par les données. Et il est un fait que bon nombre de ces technologies et<br />
applications orientées données rendront ce monde meilleur. Le product<br />
management axé données signifiera notamment moins de pollution<br />
et les algorithmes nous permettront de développer des soins de santé<br />
personnalisés.<br />
<strong>LA</strong> MÉTAPHORE<br />
DE <strong>LA</strong> CONNAISSANCE<br />
ais ce nouveau paradigme de la connaissance<br />
suscite aussi de grandes<br />
questions sociétales et éthiques. Nous<br />
sommes à un tournant et nous nous<br />
rendons compte que ce qui existait<br />
avant ne suffit plus. Il faut lancer des<br />
débats difficiles, remettre en cause des sujets inébranlables,<br />
faire tomber des murs et cela, dans un seul et unique<br />
but : avoir une société de la connaissance conviviale et<br />
accessible à tous.<br />
L’économie de la connaissance ne va pas seulement<br />
dépasser les frontières de ce qui s’était jusque là avéré<br />
irréfutable, mais elle va aussi nous obliger à apprendre à<br />
composer avec des frontières qui deviennent plus floues,<br />
et ce, dans de nombreux domaines. Apprendre, de manière<br />
formelle et informelle, l’interactivité et le ‘serious<br />
gaming’ feront partie du paradigme éducatif. De nouveaux<br />
services comme Uber, Airbnb ou d’autres start-up<br />
disruptives mettent nos anciens modèles sociétaux, économiques<br />
et juridiques sous pression. Les compétences<br />
changent elles aussi : le menuisier de l’avenir devra aussi<br />
bien savoir se servir de la technique 3D que le cardiologue<br />
devra pouvoir effectuer des opérations robotisées. Les<br />
étudiants d’établissements très prestigieux tels que Yale<br />
et Harvard partagent leurs connaissances en la matière<br />
par le biais de cours en ligne. En même temps, les étudiants<br />
devront partager leur exclusivité sur la recherche<br />
scientifique avec des citoyens-scientifiques qui, à l’instar<br />
de Galaxy Zoo, vont eux-mêmes classifier l’univers.<br />
D’ailleurs comment sera brevetée une recherche menée<br />
par environ 20 000 citoyens ? Il faut faire tomber les<br />
Caroline Pauwels<br />
A étudié la philosophie (UFSIA) et<br />
les sciences de la communication<br />
(VUB) et est actuellement<br />
présidente du département des<br />
sciences de la communication à<br />
la VUB. En 1995, elle a soutenu<br />
une thèse de doctorat sur l’étude<br />
de la politique audiovisuelle<br />
de l’Union européenne. Depuis<br />
2000, elle est aussi directrice<br />
du centre de recherche SMIT<br />
spécialisé dans la recherche en<br />
technologies de l’information et de<br />
la communication. Fin avril, elle a<br />
été nommée nouvelle rectrice de<br />
la VUB. Son mandat de quatre ans<br />
débutera au début de la prochaine<br />
année académique.<br />
murs entre les sciences exactes et les sciences sociales.<br />
Car pour formuler des réponses à ces grands défis sociétaux,<br />
nous ne pourrons plus continuer à innover confortablement<br />
dans notre domaine. Nous devrons nous écouter<br />
et vouloir nous comprendre, sinon, nous ne parviendrons<br />
jamais à faire tomber ces murs et le potentiel de la société<br />
de la connaissance ne sera jamais atteint.<br />
Il ne faut pas sous-estimer l’impact de l’économie de la<br />
connaissance sur la vie des hommes. Car tout ce qui est<br />
technologiquement possible n’est pas pour autant socialement<br />
souhaitable, économiquement durable ou juridiquement<br />
légitime. Cela nous force à réfléchir à la manière<br />
dont nous redéfinissons ces anciens modèles sans perdre<br />
pour autant nos valeurs humanistes. Il est important que<br />
l’économie de la connaissance soit favorable aux citoyens.<br />
Tout comme il est important que les citoyens ne soient<br />
pas opposés aux avantages résultant de ce changement<br />
de paradigme, voire privés de ceux-ci.<br />
Le Professeur Idriss Aberkane exprime l’idée sympathique<br />
que dans une société qui est portée par la connaissance,<br />
tout le monde naît riche (pages 20 et 21). Les seules<br />
choses dont on a besoin pour acquérir la connaissance,<br />
c’est du temps et de l’attention, un faible tribut pour la<br />
richesse qui en découle. Pourtant, nous savons tous que<br />
les personnes qui voient le jour dans un bidonville en Inde<br />
sont fort peu concernées par cette économie des données.<br />
Si la connaissance est réellement la métaphore de la richesse,<br />
nous devons utiliser ce virage dans l’histoire pour<br />
rendre cette richesse accessible à tous. Et à cet égard,<br />
l’enseignement reste le facteur le plus critique.<br />
36 magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3 37
en savoir plus<br />
Jeunes Restaurateurs<br />
Ces applications<br />
qui changent notre monde<br />
L’économie de la connaissance est en plein essor en<br />
Belgique. Chaque année, des milliers de chercheurs se<br />
penchent sur notre avenir numérique et des centaines<br />
de start-up tentent de conquérir le monde à l’aide de<br />
nouvelles technologies. Pourtant, toutes les bonnes<br />
idées ne débouchent pas de facto sur un produit ou<br />
une application. Aujourd’hui, il est encore difficile de<br />
s’imaginer quel sera l’impact du ‘smart world’ sur notre<br />
vie. Ci-dessous, quelques exemples dont vous entendrez<br />
certainement encore parler.<br />
Grâce à LimeDS, les entreprises peuvent facilement<br />
combiner des données provenant de diverses sources<br />
et élaborer rapidement de nouvelles applications<br />
intéressantes. Le système intelligent tient compte des<br />
besoins, des préférences et de la situation individuelle<br />
de l’utilisateur.<br />
Ainsi, LimeDS a récemment été utilisé pour développer<br />
une application pour les voyageurs en train. Le<br />
système rassemble en permanence des informations<br />
actualisées provenant de différentes sources de données<br />
et de divers canaux (tels qu’une application mobile,<br />
mais aussi via des informations sur des écrans<br />
publics) et le voyageur reçoit des informations sur<br />
mesure. Sur la base des informations de transport en<br />
temps réel, des points d’intérêt et des informations<br />
météorologiques, les données sont intégrées à l’aide<br />
de LimeDS et converties en informations utiles.<br />
L’application et magasin en ligne Gustaf, ainsi nommée<br />
d’après le célèbre compositeur Gustav Mahler, est<br />
l’iTunes des partitions de musique numériques. Grâce<br />
à cette application, l’entreprise neoScores est devenue<br />
l’une des start-up les plus prometteuses au monde en<br />
2014. L’application a été conçue pour et par des musiciens<br />
et permet d’acheter, de faire et d’arranger de<br />
la musique interactive et numérique. L’application<br />
couvre 60% du marché des partitions musicales, soit<br />
quelque 200 000 partitions.<br />
L’avenir est aux voitures intelligentes et l’entreprise<br />
Be-Mobile est un acteur mondial dans le domaine des<br />
technologies smart dans l’industrie de l’automobile.<br />
Par le biais de capteurs sur les routes et d’opérateurs<br />
de circulation, Be-Mobile génère 24 heures sur 24 des<br />
données de millions de véhicules. Cette ‘plateforme<br />
big data’ essaie d’optimaliser les flux de circulation et<br />
le système communique ces informations par le biais<br />
des signalisations routières ou même de manière personnalisée,<br />
sur le tableau de bord de l’automobiliste.<br />
Chef : Lisa Calcus<br />
Plat : suprêmes de pigeonneau rôtis,<br />
mousseline de légumes, gaufre de<br />
pomme de terre aux épices douces,<br />
pickles de légumes, jus corsé<br />
Restaurant : Les Gribaumonts,<br />
Mons<br />
www.lesgribaumonts.be<br />
© JRE – Belgique<br />
38<br />
magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
39
sous la loupe<br />
Investissements durables :<br />
VERS UNE<br />
NOUVELLE NORME<br />
Par Levi Sarens,<br />
head of Investment Research Center Nagelmackers<br />
ESG, SRI, UNPRI : tous ces acronymes renvoient aux ‘investissements<br />
durables’. ESG signifie Environmental, Social &<br />
(Corporate) Governance. SRI a deux sens : Socially Responsible<br />
Investing, mais aussi Sustainable, Responsible and Impact<br />
Investing. UNPRI est une initiative des Nations Unies et désigne<br />
United Nations Principles for Responsible Investment. Les institutions<br />
financières y adhèrent volontairement, s’engageant à<br />
respecter six principes ESG et à tendre vers des objectifs (sustainable<br />
goals). Ces principes fêtent cette année leur dixième anniversaire<br />
et l’histoire se perpétue. Le nombre d’institutions participantes<br />
et le patrimoine associé ne cessent d’augmenter.<br />
Engagement<br />
Tous les adhérents à l’UNPRI n’investissent pas forcément chaque dollar<br />
de manière durable. Au contraire, selon des estimations des Nations<br />
Unies, ils ne seraient même pas la moitié à le faire. Il ne s’agit donc pas<br />
d’un engagement contraignant. Les signataires<br />
de l’UNPRI s’engagent principalement<br />
à tenir compte des facteurs<br />
ESG dans leur stratégie d’investissement.<br />
Aucune obligation n’est fixée<br />
ni contrôlée par une instance supérieure.<br />
Le principal atout de l’UNPRI,<br />
c’est que les investisseurs du monde<br />
s’engagent de plus en plus à investir<br />
de manière durable, même si cet engagement<br />
volontaire est interprété différemment<br />
par chacun. Néanmoins,<br />
plus le groupe prend de l’ampleur, plus il trouve d’écho et plus l’impact est<br />
grand sur le long terme. « Sustainable investing is here to stay. »<br />
Exclusion...<br />
L’investissement durable devient une norme, comme en témoigne l’intérêt<br />
grandissant des investisseurs, notamment des fonds de pension.<br />
Ces derniers fixent de plus en plus d’obligations au niveau de la gestion<br />
de leurs actifs. Ces obligations sont surtout motivées par la conférence<br />
de Copenhague sur le climat (COP 21). Le changement climatique est<br />
le thème central des investissements durables. Dans ce cadre, les fonds<br />
de pension fixent des restrictions à leurs gestionnaires. Par exemple,<br />
sur les investissements dans les entreprises utilisant les combustibles<br />
fossiles, notamment les compagnies pétrolières. Cette ‘exclusion policy’<br />
s’étend souvent au-delà de l’exclusion des combustibles fossiles. Parmi<br />
les autres secteurs généralement exclus, on trouve le secteur de l’armement,<br />
des bombes à sous-munitions, l’industrie des jeux de hasard, du<br />
porno, etc. Pour désigner ces valeurs, on emploie le terme de ‘sin stocks’,<br />
des actions immorales.<br />
... ou engagement ?<br />
La question est de savoir dans quelle mesure la stratégie<br />
d’exclusion est la bonne. De plus en plus de voix s’élèvent<br />
en faveur de l’engagement. L’actionnaire peut ainsi exercer<br />
une pression sur les entreprises pour qu’elles empruntent<br />
une voie durable. Prenons l’exemple des pays<br />
asiatiques (Cambodge, Bangladesh, etc.), où les travailleurs<br />
doivent souvent produire des vêtements pour<br />
Armani, Adidas, H&M et d’autres grandes marques dans<br />
des conditions scandaleuses. Qu’est-ce qui est préférable<br />
à long terme ? Des actionnaires idéalistes qui n’investissent<br />
pas dans ces entreprises, appliquant donc une politique<br />
d’exclusion, mais qui n’ont alors aucune influence<br />
sur l’avenir ? Ou des actionnaires qui exercent une pression<br />
sur la direction de l’entreprise pour faire bouger les<br />
choses, appliquant donc une politique d’engagement ?<br />
Ce dilemme se pose aussi avec les nombreux indices<br />
éthiques et durables qui parsèment le monde financier :<br />
ils adoptent souvent une politique d’exclusion. Par conséquent,<br />
les fonds qui s’engagent à respecter ces indices<br />
sont contraints d’exclure automatiquement certains secteurs<br />
et entreprises, sans pouvoir exercer une influence<br />
sur la direction de l’entreprise.<br />
Etoiles, médailles et globes<br />
En mars, Morningstar, l’une des plus grosses bases de<br />
données financières au monde, a ajouté une nouvelle<br />
dimension à son évaluation des fonds. Jusqu’à présent,<br />
Morningstar était surtout connue pour les étoiles et les<br />
médailles qu’elle décernait aux fonds sur la base des résultats<br />
enregistrés et de la qualité de la gestion. Depuis<br />
mars, les fonds sont également évalués sur la base des<br />
critères ESG : les ‘globes’ reflètent l’approche durable des<br />
fonds. Plus un fonds a de globes, meilleure est sa performance<br />
dans ce domaine. Ici aussi, il y a une certaine<br />
politique d’exclusion, car même si des entreprises moins<br />
durables ne sont pas exclues par Morningstar, elles se<br />
voient pour la plupart automatiquement pénalisées,<br />
sans tenir compte des éventuels engagements en coulisse.<br />
Pratiquement au même moment que Morningstar,<br />
MSCI a attribué en avril un score ESG à 21 000 fonds et<br />
trackers. Cela ressemble un peu à une lutte de prestige...<br />
Domaine du subjectif<br />
Les initiatives de Morningstar et MSCI sont louables.<br />
Tous deux essaient de chiffrer la thématique du développement<br />
durable, qui a toujours été un point délicat.<br />
En effet, si le thème du développement durable<br />
n’est pas neuf, il n’a jamais été évident de déterminer<br />
avec certitude si une entreprise pouvait être<br />
considérée comme durable. On entre ici dans le<br />
domaine du subjectif : ce qui est durable pour<br />
l’un ne l’est pas forcément pour l’autre. Cela a été<br />
confirmé par le criblage mené par Morningstar<br />
sur quelque 550 fonds, censés être durables,<br />
sur la base de leur nom ou de leur prospectus.<br />
Selon Morningstar, il en ressort que 35% des<br />
entreprises obtiennent un score moyen à<br />
mauvais, alors qu’on attend au moins un<br />
score supérieur à la moyenne de telles<br />
entreprises. Pour les optimistes : deux<br />
tiers des fonds durables répondent tout<br />
de même aux attentes.<br />
Morale de l’histoire : investir durablement<br />
ne sera jamais une science<br />
exacte, mais on peut affirmer que<br />
c’est en train de devenir une nouvelle<br />
‘norme’. Tout n’a pas encore<br />
été dit. Nous nous pencherons<br />
davantage sur ce sujet dans un<br />
prochain numéro.<br />
40 magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3 41
vision<br />
LES DIFFUSEURS<br />
DEVIENNENT<br />
RÉCEPTEURS<br />
À <strong>LA</strong> VRT<br />
Il ne faudra plus longtemps avant que nous décidions nous-mêmes<br />
ce que nous voulons regarder, au moment où nous le voulons,<br />
selon notre humeur. La radiotélévision publique flamande (VRT)<br />
va investir dans l’innovation et bouleverser notre expérience des<br />
médias dans les prochaines années.<br />
Entretien avec Dieter Boen, directeur<br />
Recherche et Innovation, VRT<br />
42 magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3 43
vision<br />
Les affaires vont bien pour la radiotélévision publique<br />
flamande (VRT). Presque aucun média<br />
public européen n’a réussi à grossir aussi bien les<br />
rangs de ses téléspectateurs et de ses auditeurs. Des<br />
programmes TV tels que Thuis, Iedereen beroemd<br />
et même le JT battent tous les records d’audience<br />
flamands. La chaîne publique dépasse ainsi largement<br />
les objectifs fixés par le gouvernement. Pour<br />
maintenir cette position exceptionnelle, l’entreprise<br />
publique doit se transformer de bloc monolithe<br />
en organisation en réseau qui dompte l’univers<br />
numérique. Et ce, toujours avec moins de moyens,<br />
en témoignent les millions d’euros que la chaîne<br />
publique doit économiser.<br />
Dieter Boen, directeur Recherche et Innovation<br />
à la VRT, est chargé de l’organisation de cette transformation.<br />
Son département met au point, teste et<br />
déploie de nouvelles technologies qui dessineront<br />
le paysage médiatique de demain. L’accent est mis<br />
sur la collaboration et la flexibilité, explique Dieter<br />
Boen. « Les technologies évoluent à un rythme effréné,<br />
mais personne ne sait lesquelles seront retenues<br />
par le consommateur. Il est donc important de<br />
pouvoir se redéployer rapidement sur le terrain. »<br />
C’est justement cette flexibilité qui a permis l’installation<br />
à Bruxelles du premier studio de télévision IP<br />
au monde à être complètement basé sur internet et<br />
qui a poussé les géants de l’audiovisuel tels que la<br />
BBC en Angleterre et la RAI en Italie à collaborer<br />
avec le département de Dieter Boen. Grâce à cette<br />
collaboration internationale, la VRT fait partie du<br />
top européen dans le domaine de l’innovation des<br />
médias. Elle a déjà pris en charge deux projets européens<br />
pesant des millions et subventionnés par<br />
la Commission européenne. « Nous attirons ainsi<br />
une foule de connaissances dans notre pays et tous<br />
les médias belges pourront en profiter », explique<br />
Dieter Boen.<br />
Communiquer<br />
La vidéo en ligne évolue à la vitesse de l’éclair ;<br />
il est remarquable de voir que le public suit cette<br />
tendance pratiquement sans broncher. Tous les<br />
médias utilisent désormais des animations numériques.<br />
Lors d’une prochaine étape, on aura l’expérience<br />
vidéo en direct. « C’est une bonne chose<br />
que nous nous forgions une expérience dans ce<br />
domaine, car les réseaux sociaux y adhèrent aussi<br />
sans réserve, explique Dieter Boen. Facebook met<br />
le paquet sur les vidéos en ligne et a récemment<br />
lancé ‘Facebook Live’. »<br />
Le projet européen Icosole va encore plus loin et<br />
tente l’expérience des événements en direct. La<br />
VRT a testé le concept au festival de Dranouter.<br />
Les téléspectateurs ont pu suivre le festival ‘en live’<br />
« Avec le boom des réseaux sociaux,<br />
on s’est rendu compte que<br />
les ‘intellectuels’ pouvaient<br />
très bien regarder ‘Vis ma vie’<br />
le vendredi soir. »<br />
depuis leur fauteuil. Une appli permet aux spectateurs<br />
sur place de transmettre les temps forts à la<br />
rédaction, qui peut alors directement proposer du<br />
nouveau contenu ‘live’. « Actuellement, les médias<br />
audiovisuels sont littéralement des diffuseurs, mais<br />
la situation va bientôt changer. Avec l’essor des réseaux<br />
sociaux, nous savons ce que le public aime :<br />
communiquer. Il faut maintenir une interaction<br />
permanente avec le public. En tant qu’entreprise,<br />
on ne veut pas être dépendante des plates-formes<br />
sociales sur lesquelles ceci se fait déjà. On préfère<br />
toucher directement le public. Les médias traditionnels<br />
doivent apprendre à se mettre dans la peau<br />
du consommateur. Cela exige une grande capacité<br />
d’adaptation des rédactions, qui dictent depuis<br />
longtemps ce que le public peut voir et entendre. »<br />
Se fier au big data<br />
Pour savoir qui veut voir quoi et quand, nous avons<br />
besoin de données personnelles. La question n’est<br />
pas de savoir comment récolter ces données (cela<br />
Innovation x 4<br />
La VRT a quatre mécanismes d’innovation. Le département<br />
Recherche & Innovation de Dieter Boen se concentre surtout<br />
sur la recherche à moyen terme (2 à 3 ans). Avec VRT Sandbox,<br />
la radiotélévision stimule l’innovation dans l’industrie des<br />
médias en collaboration avec l’EBU (European Broadcasting<br />
Union) et iMinds (centre de recherche numérique de Flandre).<br />
« Les start-up et les PME proposent un produit, par exemple une<br />
appli, et peuvent le tester pendant quelques semaines à la VRT,<br />
explique Dieter Boen. Un collaborateur interne fait constamment<br />
le lien entre les innovateurs et les collaborateurs dans nos<br />
segments. VRT Sandbox a démarré en 2014 avec une étude de<br />
cas. Depuis, 19 entreprises se sont adressées à la plate-forme<br />
d’innovation. »<br />
VRT Start-up fonctionne comme une ‘lean-start-up’ et met<br />
l’accent sur la cocréation avec de (jeunes) consommateurs des<br />
médias et les nouveaux talents. Les connaissances acquises sont<br />
transmises aux réseaux et marques de la VRT.<br />
Et il y a aussi Open VRT, la communauté des créatifs numériques,<br />
qui ont ainsi la chance de partager leurs idées et d’améliorer<br />
leurs compétences.<br />
44<br />
magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
45
vision<br />
se fait massivement à travers les réseaux sociaux), mais comment les intégrer.<br />
Pour des marques réputées qui souhaitent proposer des services ciblés, et encore<br />
plus pour des médias publics financés par le contribuable, la question de<br />
la protection de la vie privée est un sujet sensible. A l’échelle européenne, la<br />
chaîne britannique Channel 4 est la première à utiliser un lecteur vidéo en<br />
ligne personnalisé. La VRT développe elle aussi un lecteur qui sera personnalisé<br />
à l’avenir. Dieter Boen est convaincu que dans l’univers des médias, une<br />
entreprise qui entretient une relation personnelle avec ses consommateurs<br />
met finalement au point de meilleurs produits. « Techniquement, on peut<br />
déjà faire beaucoup, mais il faut recevoir les données requises. Les diffuseurs<br />
ont l’habitude de diffuser le dernier épisode d’une série parce qu’il<br />
vient tout juste de sortir, mais à quoi bon le faire si on sait que certains<br />
téléspectateurs n’ont pas encore vu les épisodes précédents ? »<br />
Pour Dieter Boen, il est plus simple pour les médias commerciaux de<br />
passer aux médias personnalisés, car ils n’ont pas de mission publique<br />
et ne sont pas contraints de proposer, en plus du divertissement,<br />
de l’information, de la culture et du contenu pédagogique. « C’est<br />
beaucoup plus facile si vous avez un client qui regarde les Simpson<br />
70 heures par semaine et ingurgite tous les spots publicitaires<br />
insérés, qui peuvent être personnalisés. Il s’agit d’une situation<br />
win-win, dont nous pouvons beaucoup moins profiter. Pour un<br />
média public, qui a une mission publique, il est important de<br />
tirer les gens de cette bulle de filtres, de leur faire découvrir<br />
des choses et de les informer. »<br />
La tâche n’est pas aisée, alors que les consommateurs<br />
prennent de plus en plus les commandes et choisissent euxmêmes<br />
ce qu’ils veulent voir. Ce qu’on leur propose est important,<br />
mais aussi le moment où on le fait. De plus, les<br />
consommateurs sont beaucoup moins prévisibles qu’on l’a<br />
toujours pensé. C’est en grande partie leur humeur qui<br />
va déterminer s’ils veulent voir une fiction ou un débat<br />
politique sur Canvas. Des recherches approfondies<br />
sont également menées sur ce point. Sur la base des<br />
capteurs d’un smartphone, on peut déjà déterminer<br />
à 80% si quelqu’un est disposé à regarder l’actualité<br />
ou plutôt à s’affaler dans son divan pour regarder<br />
Nick et Sharon dans la série ‘Les feux de l’amour’.<br />
Cette technologie n’est toutefois qu’en phase de<br />
Une nouvelle maison pour la VRT<br />
Fin 2021, les collaborateurs de la VRT changeront de site.<br />
Les bureaux d’architectes Robbrecht en Daem et<br />
Dierendonckblancke ont décroché ce projet prestigieux. Le<br />
nouveau bâtiment de la radiotélévision publique flamande<br />
sera construit à côté de l’ancien, qui sera ensuite démoli.<br />
Ce ‘mediapark’ moderne entend devenir un centre culturel<br />
et de rencontres. Il sera en partie accessible au public. On<br />
y trouvera notamment une cafétéria publique. Le nouveau<br />
site passera d’une superficie de 95 000 m 2 à 55 000 m 2 . Le<br />
bâtiment pourra malgré tout accueillir cinq studios, dotés des<br />
technologies dernier cri pour la production et la distribution<br />
des médias audiovisuels modernes. Le coût du projet s’élève<br />
à 105 millions d’euros.<br />
« Pour un média public,<br />
il est important de tirer les<br />
gens de cette bulle de filtres,<br />
de leur faire découvrir des<br />
choses et de les informer. »<br />
test. « Avec le boom des réseaux sociaux, on s’est<br />
rendu compte que les ‘intellectuels’ pouvaient très<br />
bien regarder ‘Vis ma vie’ le vendredi soir.<br />
Simplement parce qu’ils ont eu une journée chargée<br />
et qu’ils n’ont pas envie d’assister à un débat<br />
politique. Quand on détient ces informations, on<br />
peut proposer du divertissement à ce moment-là et<br />
un débat politique à un autre moment. Le CEO de<br />
Netflix dit qu’en 2025, il compte proposer au maximum<br />
trois choses aux consommateurs. On n’y est<br />
pas encore, mais cette évolution verra le jour. »<br />
François de Brigode dans votre salon<br />
S’il est techniquement possible de faire beaucoup<br />
plus que ce que nous voyons au final sur nos écrans,<br />
c’est parce que l’expérience des médias qu’ont les<br />
consommateurs n’évolue pas aussi vite que les<br />
technologies. Même si cette expérience évolue<br />
très vite, surtout chez les jeunes, les médias traditionnels<br />
coexisteront encore longtemps avec toutes<br />
ces nouvelles technologies médias. Il y a quelques<br />
années, on pensait que la réalité virtuelle et augmentée<br />
(technologie qui relie le monde virtuel à la<br />
réalité) trouverait rapidement un public, mais ce<br />
n’est que maintenant qu’elle prend vraiment son<br />
essor. Selon Dieter Boen, des études intensives sont<br />
menées à l’échelle internationale et nous finirons<br />
bien par franchir le pas. « L’impact de la réalité virtuelle<br />
et augmentée sur les médias est énorme.<br />
Imaginons que vous passiez une demi-heure devant<br />
le JT tout en étant plongé, en Syrie, au cœur<br />
de la ville d’Alep en ruines. Cela va complètement<br />
bouleverser votre vision du monde. La question est<br />
de savoir si le consommateur va bel et bien utiliser<br />
les outils nécessaires, à savoir des lunettes ou une<br />
boîte en carton pour le smartphone. Des tests sont<br />
en cours ; on en sait toujours plus chaque mois. »<br />
Il faudra donc encore attendre avant que le présentateur<br />
du JT François de Brigode se balade dans<br />
votre salon pour présenter l’actualité. Le fait est que<br />
la façon dont nous vivons les médias évolue sans<br />
cesse, selon Dieter Boen. « Longtemps encore, plusieurs<br />
générations vont aborder les médias d’une<br />
autre manière. Si nous pouvons agir avec flexibilité<br />
et que nous avons les connaissances technologiques<br />
nécessaires, nous n’avons pas à nous inquiéter. C’est<br />
le consommateur qui est aux commandes et qui<br />
choisira quand nous franchirons ce pas. »<br />
46 magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
47
sous la loupe<br />
Par Wim Antoons,<br />
head of Asset Management Nagelmackers<br />
est élevée. Pourtant, cet argument ne tient pas la route<br />
: les investisseurs jettent généralement l’éponge après<br />
une première baisse marquée, juste au moment où les<br />
chasseurs de bonnes affaires entrent en scène.<br />
Jeunes Restaurateurs<br />
LIQUIDITÉS<br />
ou marchés ?<br />
a volatilité actuelle préoccupe bien des<br />
investisseurs. Depuis l’année passée,<br />
elle s’est sensiblement accrue sur les<br />
marchés : il ne faut plus espérer gagner<br />
aussi facilement de l’argent. La question<br />
qui taraude de nombreux investisseurs<br />
est de savoir s’il faut accumuler les liquidités<br />
en cas de marchés baissiers. En d’autres termes,<br />
faut-il vendre ou pas ? Par ailleurs, le rendement sur<br />
les liquidités est nul, ce qui rend la décision encore plus<br />
difficile. L’histoire nous montre que la meilleure stratégie<br />
consiste à digérer la baisse.<br />
La peur fait vendre<br />
Basculer vers les liquidités, c’est ce qu’on appelle du<br />
market timing dans le jargon. La stratégie consistant<br />
à changer de position est motivée par la peur. La peur<br />
a beau être mauvaise conseillère, on s’y fie toujours.<br />
Les investisseurs aussi se laissent influencer. Pourtant,<br />
de célèbres investisseurs et théoriciens déconseillent<br />
le market timing. Le professeur Daniel Kahneman<br />
a décrit ce phénomène d’aversion à la perte dans sa<br />
théorie des perspectives, qui lui a valu un prix Nobel.<br />
Psychologiquement, la douleur ressentie lorsqu’on<br />
perd de l’argent est deux fois plus intense que le plaisir<br />
éprouvé lorsqu’on réalise un bénéfice. L’homme est donc<br />
plus enclin à éluder les pertes qu’à réaliser des gains.<br />
Des hauts et des bas<br />
Cependant, en évitant les débâcles, on passe généralement<br />
à côté des profits. Les marchés volatils sont marqués<br />
par de fortes fluctuations, tant à la hausse qu’à la<br />
baisse. Lorsqu’on examine les 25 meilleures et les 25<br />
pires journées boursières de l’indice S&P 500 (01/1961-<br />
12/2015), on se rend compte que les deux tendances<br />
surviennent toujours ensemble : les 10 meilleures journées<br />
de l’indice se situent entre septembre 2008 et mars<br />
2009, période où les marchés ont fortement baissé.<br />
Selon les partisans de l’approche ‘buy-and-hold’, les investisseurs<br />
feraient mieux de continuer à investir. Sur<br />
cette période, l’indice S&P 500 a rapporté 9,87% par<br />
an (en USD). Ce rendement a également été obtenu en<br />
investissant durant les 81 meilleures journées du S&P<br />
500 sur 13 644 jours d’ouverture de la Bourse (01/61-<br />
12/15), donc sur seulement 0,6% de cette période !<br />
Si l’on était sorti du marché à ce moment-là, le rendement<br />
aurait été de 0% ! Les détracteurs de l’approche<br />
‘buy-and-hold’ avancent qu’en manquant les pires<br />
journées boursières, on fait également l’impasse sur<br />
les meilleures. C’est logique, puisque la Bourse enregistre<br />
de fortes hausses et baisses lorsque la volatilité<br />
Une simple étude sur le market timing donne tort aux<br />
partisans. Les études menées sur le pouvoir divinatoire<br />
du market timing vont toutes dans le même sens : il est<br />
impossible de suivre systématiquement le marché. Les<br />
gestionnaires de fonds, les lettres d’informations qui<br />
prodiguent des conseils basés sur le market timing et<br />
les prévisions des gourous ont été passés au crible. Sur<br />
le long terme, aucun ne dégage une plus-value avec<br />
cette stratégie.<br />
De nombreux investisseurs préfèrent sortir du marché,<br />
quitte à s’en tirer avec quelques points de pourcentage<br />
en moins. La sérénité a visiblement un coût.<br />
Pourtant, dans ce cas, les investisseurs passent à côté<br />
de ce qu’Einstein considérait comme la force la plus<br />
puissante dans l’univers : les intérêts composés. Par<br />
exemple, la différence entre 4% et 6% est gigantesque<br />
sur une longue période.<br />
Timing is everything<br />
La question fondamentale reste de savoir si l’investisseur<br />
moyen peut accroître son rendement par le market<br />
timing. C’est en fin de compte l’objectif ultime de tout<br />
investisseur : viser un bon rendement et constituer un<br />
capital-pension. Depuis plus de 20 ans, l’institut américain<br />
Dalbar étudie l’impact du market timing sur les<br />
rendements des investisseurs particuliers dans son<br />
rapport ‘Quantitative Analysis of Investor Behavior’.<br />
Les résultats sont ahurissants. Sur une période de 30<br />
ans, l’investisseur américain moyen a dilapidé son<br />
capital-pension. Là où le S&P500 a obtenu un rendement<br />
de 11,06% sur cette période (fin 2014), l’investisseur<br />
moyen en actions s’est contenté de 3,79%.<br />
L’investisseur en obligations a encore fait pire : une<br />
stratégie ‘buy-and-hold’ dans un indice obligataire<br />
(Barclays Aggregate Bond) a eu un rendement annuel<br />
de 7,36%, contre 0,72% pour l’investisseur obligataire<br />
moyen. Ces mauvais résultats s’expliquent uniquement<br />
par de mauvaises décisions de timing de la part des<br />
investisseurs.<br />
Patience<br />
Si votre horizon de placement est lointain, mieux vaut<br />
rester sur le marché. Le rendement sur les liquidités est<br />
négatif, déduction faite de l’inflation. Bien des investisseurs<br />
rêvent d’éviter les baisses boursières, mais les<br />
études montrent que ces personnes obtiennent de bien<br />
moins bons rendements.<br />
La baisse des cours constitue une occasion d’achat pour<br />
ceux qui savent faire preuve de patience. Comme le disait<br />
le baron Rothschild : « Buy when there’s blood in<br />
the streets, even if the blood is your own. »<br />
Chef : Martin Volkaerts<br />
Plat : saumon Ecossais label rouge,<br />
mandarines, fromage de chèvre<br />
de Chimay.<br />
Restaurant : L’Amandier, Genval<br />
www.amandier.be<br />
© JRE – Belgique<br />
48 magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
49
en coulisse<br />
<strong>DU</strong>GA,<br />
<strong>LA</strong> PEINTURE<br />
DANS <strong>LA</strong><br />
PEAU<br />
Matin tranquille. Gare déserte. Nous sommes à Mont-Saint-Guibert, entre<br />
Ottignies et Gembloux, en compagnie de Martin Biebuyck, directeur de<br />
l’agence Nagelmackers de Champion, dans l’atelier de Christian Dugardeyn.<br />
Sur les murs, quelques-unes de ses grandes ‘toiles’, des citations peintes<br />
à la main, des statuettes africaines et des dessins d’enfants. Pour qui sait<br />
déchiffrer les indices, tout son univers est là. Celui d’un artiste à part, mipeintre,<br />
mi-médecin, sorte de chaman belge, qui taille des totems dans les<br />
arbres et fait du geste sa parole.<br />
Christian Dugardeyn, Duga de<br />
son nom d’artiste, dessine comme<br />
on respire. Il ne s’arrête jamais. Et<br />
quand il ne dessine pas, il pense à<br />
son prochain dessin. Son inspiration,<br />
il la puise dans la vie, dont<br />
il aime retrouver les racines, et<br />
dans son ‘autre métier’. Docteur<br />
Christian, Mister Duga, il cumule<br />
en effet les fonctions de radiologue<br />
et de plasticien. Pas peintre du dimanche,<br />
plutôt hyperactif, tendance<br />
écorché vif.<br />
Un regard d’enfant<br />
De son propre aveu, il a mis longtemps<br />
à se considérer comme un<br />
artiste. Pourtant son parcours est<br />
éloquent. Il débute ses études supérieures<br />
aux Beaux-Arts, mais il<br />
est si doué en chimie et en physique<br />
que son entourage et ses professeurs<br />
le poussent à ‘faire médecine<br />
aussi’. Carabin, il choisit alors<br />
comme spécialité l’imagerie médicale.<br />
Logique implacable.<br />
Son œuvre marie sans accroc ces<br />
deux versants. Ses tableaux sont de<br />
véritables mises à nu. Croisement<br />
de rendus anatomiques et de dessins<br />
d’enfants, où les membres et<br />
les proportions se disloquent, pour<br />
mieux nous faire voir notre vraie<br />
nature.<br />
« On se rapproche de la vérité en<br />
déformant les choses. On les met<br />
en question », ajoute-t-il. « Dans<br />
les dessins de ma fille de sept ans,<br />
il y a une reconstruction, une réinvention<br />
totale de l’histoire de<br />
l’homme. C’est pour ça que les<br />
dessins d’enfants m’inspirent. Tout<br />
comme mon travail de radiologue,<br />
ils me permettent de revenir aux<br />
sources du corps. Et de dévoiler ce<br />
que nous sommes. »<br />
50 magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
51
en coulisse<br />
« Dans les dessins de ma<br />
fille de sept ans, il y a<br />
une reconstruction, une<br />
réinvention totale de<br />
l’histoire de l’homme.<br />
C’est pour ça que les dessins<br />
d’enfants m’inspirent. »<br />
A l’instinct<br />
Les œuvres de Duga sont des miroirs.<br />
Miroirs de notre humanité,<br />
de notre mémoire, de nos vanités,<br />
de nos failles et de nos fractures.<br />
Figures brisées mais joyeuses, explosant<br />
de vie, ses personnages,<br />
toujours seuls en scène, ont le cœur,<br />
et le corps, à nu. Ils rappellent la figuration<br />
libre d’un Combas, mais<br />
aussi l’expression isme de Cobra<br />
(un mix improbable entre la fureur<br />
colorée de Corneille et les espaces<br />
cadrés d’Alechinsky). Mais<br />
ils évoquent tout autant Basquiat,<br />
l’art brut, les frères Di Rosa… Sans<br />
oublier celui dont il tant appris, l’artiste<br />
belge Julien Marinetti.<br />
Duga appartient à toutes<br />
ces familles. Sans exclusive.<br />
Polymorphe, sa technique lui permet<br />
de varier les supports, et de<br />
s’aventurer sur des terrains où il<br />
peut pleinement laisser parler sa<br />
puissance physique. Ses totems<br />
en bois, taillés à la tronçonneuse,<br />
en sont un exemple de poids. Mais<br />
son œuvre toute entière est placée<br />
sous le signe de l’énergie et du<br />
geste instinctif.<br />
Sa dernière série en date, qu’il exposera<br />
à Bruxelles du 16 juin au<br />
24 juillet, est entièrement réalisée<br />
sur des plaques d’aluminium.<br />
Il y peint une première couche au<br />
pinceau, à la façon d’un Jackson<br />
Pollock, à même le sol, dans une<br />
danse instinctive. Il y dessine ensuite,<br />
à l’encre noire, des portraits.<br />
Puis il creuse au couteau, dans la<br />
matière, des sillons, des symboles,<br />
des reliefs, des mots…<br />
Mutatis mutandis<br />
Ce n’est là qu’une des facettes de<br />
son travail. Duga évolue, change,<br />
mute. Aucun support ne le rebute.<br />
Sur ses anciens livres de médecine,<br />
il dessine des corps, ectoplasmes<br />
filiformes qui recouvrent le texte<br />
tout en le démultipliant. Des palimpsestes<br />
modernes, à ne surtout<br />
pas déchiffrer mais à ressentir,<br />
sans autre forme de procès.<br />
Le trait continu, qui consiste à dessiner<br />
d’un seul geste sans lever le<br />
crayon, est le fil rouge de son travail.<br />
Il le résume finalement assez<br />
bien : exigence technique, liberté<br />
totale à l’instant de la création et<br />
préparation parfaite en amont.<br />
L’enfant prodigue d’une improvisation<br />
de Sonny Rollins et d’un slam<br />
de Grand Corps Malade.<br />
Des cœurs en bronze, des lapins<br />
colorés, des figures totémiques<br />
taillées dans le bois, des visages<br />
à l’encre noire, aux profondes entailles,<br />
couchés sur des explosions<br />
chromatiques, des silhouettes asymétriques.<br />
L’atelier de Duga distille<br />
minute après minute sa magie.<br />
Tout comme l’œuvre de son hôte.<br />
Des toiles dont il faut, de l’œil,<br />
gratter la surface, pour en découvrir<br />
les secrets cachés, les scories<br />
volontaires et les aspérités toutes<br />
humaines.<br />
Une relation de confiance<br />
Christian ‘Duga’ Dugardeyn<br />
www.christiandugardeyn.com<br />
Expositions à venir :<br />
Galerie Rollebeek<br />
Rue de Rollebeek 28 – 1000 Bruxelles<br />
Du 16 juin au 24 juillet 2016<br />
www.rollebeekgallery28.com<br />
Colors or Nothing<br />
<strong>DU</strong>GA-WADO – Doyenné-Maison des Arts d’Uccle<br />
16-17-18 septembre 2016<br />
Salon International d’Art Contemporain<br />
Parc des Expositions – Bruxelles<br />
23-25 septembre 2016<br />
A quoi ressemblent les dialogues entre un banquier et un créateur ? A ceux<br />
qu’ont régulièrement Christian Dugardeyn et Martin Biebuyck, directeur de<br />
l’agence Nagelmackers de Champion, venu ce matin dans l’atelier du peintre<br />
pour parler de leur collaboration : « Nous nous voyons au minimum une fois par<br />
an, à la maison, autour d’un verre, pour faire un bilan », explique Christian. « Et<br />
puis quand j’ai un projet, une idée, et que j’ai besoin de financement, je l’appelle.<br />
Même le dimanche. Et il sait me dire si mon idée est réalisable ou farfelue. »<br />
« Nous nous concentrons sur les professions auxquelles nous pouvons apporter un<br />
plus. Beaucoup de professions libérales et d’indépendants, mais sans exclusive »,<br />
intervient Martin Biebuyck. « C’est un public particulier, qui demande une attention<br />
spécifique. La créativité et la spontanéité, qui sont des qualités dans leurs domaines,<br />
nécessitent des réponses très rapides de notre part. Nous connaissons donc leurs<br />
dossiers sur le bout des doigts. D’où l’importance de se voir régulièrement pour faire<br />
le point. Quand Christian m’appelle pour un projet, je peux directement lui dire si c’est<br />
réalisable. »<br />
Pour garantir cette qualité de service, Martin Biebuyck limite volontairement le nombre<br />
de ses clients : « Nous privilégions ceux à qui nous pouvons apporter une réelle plus-value.<br />
Chaque interlocuteur est différent et nous devons accorder suffisamment de temps à chacun.<br />
Je me sens personnellement responsable vis-à-vis de mes clients. Faire croire que tout est<br />
possible, ce n’est pas raisonnable. Nous donnons aux indépendants une vision globale de leur<br />
situation financière. Cela leur permet de ne pas dilapider leurs acquis et de gérer sainement,<br />
à moyen et à long terme, le fruit de leur travail. »<br />
52 magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
53
horizon<br />
DE L’ÉCHEC DE<br />
DOHA À PLUS<br />
DE 45 DOL<strong>LA</strong>RS<br />
LE BARIL : UN<br />
TOURNANT<br />
DÉCISIF POUR<br />
LE PÉTROLE ?<br />
n pas vers la coordination ?<br />
Après presque deux ans de baisse continue<br />
des prix de l’or noir sur les marchés<br />
internationaux, un premier pas dans la<br />
direction d’une coordination entre pays<br />
producteurs a été initié par l’Arabie saoudite<br />
et la Russie en février. Ils ont en effet<br />
décidé de ne plus augmenter la production<br />
de brut et de la geler au niveau du mois de<br />
janvier. Le Qatar et le Venezuela ont également<br />
consenti à prendre part au gel de la production<br />
et l’Irak s’est montré prêt à aller dans le<br />
même sens pour autant qu’un accord soit conclu au<br />
sein de l’OPEP. L’intention était clairement d’enrayer<br />
l’effondrement du pétrole qui n’avait plus atteint pareil<br />
plancher depuis 13 ans. Et cela a manifestement<br />
plu au marché qui a alors salué cet accord par un rebond<br />
significatif.<br />
Cela aurait dû être de bon augure pour la<br />
réunion de l’OPEP…<br />
Mais, deux mois plus tard, face aux divergences d’objectifs<br />
de ses membres et à l’intransigeance de son pilier<br />
saoudien, le sommet de Doha s’est achevé sans<br />
accord. En dernière minute, un officiel saoudien de<br />
premier plan, exigeant que l’Iran fasse partie de tout<br />
accord, a fait capoter les pourparlers. L’impossibilité<br />
de conclure un accord résulte du refus de l’Arabie<br />
saoudite de céder en raison de la rivalité géopolitique<br />
sur le plan régional entre l’Iran et l’Arabie saoudite.<br />
Cet échec affaiblit grandement l’OPEP qui a déjà considérablement<br />
perdu de sa capacité à influencer les prix<br />
mondiaux. Il est vrai que ce constat ne date pas d’hier.<br />
D’une part, les dissensions manifestes entre membres<br />
de l’OPEP et d’autre part, la hausse de la production<br />
des pays hors OPEP ces dernières années, dont les<br />
Etats-Unis et la Russie, remettent en cause le pouvoir<br />
traditionnel de l’OPEP sur les cours mondiaux<br />
du pétrole.<br />
Par Olivier Colsoul,<br />
macroéconomiste Nagelmackers<br />
La manœuvre est à l’intimidation<br />
Suite à cet échec de l’OPEP, les spéculations aur aient<br />
dû aller bon train quant à une hausse possible de la<br />
production pétrolière par l’Arabie saoudite et ses rivaux<br />
et ainsi ouvrir un nouveau chapitre dans la<br />
guerre des prix. La production de l’Arabie saoudite a<br />
atteint un record de 10,6 millions de barils par jour<br />
l’an dernier. Selon le prince Mohammed, celle-ci pourrait<br />
facilement grimper jusqu’à 11,5 millions (voire<br />
12,5 millions) de barils par jour, si la demande se<br />
manifeste. Après avoir soufflé le chaud en février,<br />
le royaume saoudien souffle le froid. La manœuvre<br />
54<br />
magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
55
horizon<br />
« Les Saoudiens sont dans une situation un peu<br />
délicate, puisqu’ils savent qu’à un moment<br />
donné, il leur faudra faire un effort. »<br />
est à l’intimidation. Les Saoudiens ne voient pas d’un<br />
bon œil le retour de l’Iran sur le marché, avec ses<br />
3,1 millions de barils par jour. En outre, l’Iran, qui détient<br />
les troisièmes plus grandes réserves mondiales,<br />
souhaite accroître sa production jusqu’à son niveau<br />
de pré-sanctions internationales (à savoir 4 millions<br />
de barils par jour). Mais c’est aussi un jeu dangereux.<br />
En fait, les Saoudiens sont dans une situation délicate :<br />
ils savent qu’à un moment donné, ils devront faire un<br />
effort. Leurs finances publiques sont, elles aussi, impactées<br />
par la chute du prix du pétrole et le prix du<br />
pétrole actuel. Cependant, ils ont la capacité, bien plus<br />
que d’autres, d’attendre et de trouver une solution qui<br />
ménage avant tout leurs propres intérêts.<br />
Comment s’explique la poursuite du<br />
redressement des cours du brut dans ce<br />
contexte ?<br />
D’une part, la baisse continue des prix du brut a fini<br />
par impacter négativement les investissements dans<br />
des projets complexes (comme le développement du<br />
pétrole de schiste et l’exploitation marine à grande<br />
profondeur) et la production qui en découle. Le principal<br />
pays touché n’est autre que les Etats-Unis. Dirigé<br />
par l’essor de l’exploitation des schistes bitumineux,<br />
la production américaine de pétrole brut a presque<br />
doublé ces dernières années (de 5 millions de barils<br />
par jour en 2008 à 9,7 millions en avril 2015). Mais<br />
depuis lors, ce pic a glissé d’au moins 5% (source :<br />
Energy Information Administration). D’autre part,<br />
on s’attend à une amélioration – certes timide – de la<br />
production industrielle mondiale, notamment dans<br />
les pays émergents. D’ailleurs, la Chine, par exemple,<br />
a augmenté son plan d’importation pétrolière au premier<br />
trimestre de cette année à la suite des récents<br />
prix bas de l’or noir. Ce qui est de nature à stimuler<br />
la demande mondiale. De plus, le marché est en train<br />
d’intégrer un risque d’approvisionnement alors que<br />
la capacité excédentaire est en train de disparaître.<br />
L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) prévoit que<br />
les stocks de pétrole s’élèvent à 1,5 million de barils<br />
par jour au cours des six premiers mois de 2016 mais,<br />
seulement à 200 000 barils par jour dans la seconde<br />
moitié de l’année. Dans leur ensemble, ces facteurs<br />
effacent donc l’effet de saturation qui dominait le marché<br />
début janvier. Et enfin, il y a la contribution des<br />
marchés financiers. L’affaiblissement continu du dollar<br />
depuis trois mois est historiquement une bonne<br />
chose pour l’évolution des prix des matières premières<br />
et de l’or noir en particulier. En conséquence, les spéculateurs<br />
et traders en énergie ont assez vite tourné<br />
casaque pour se repositionner à la hausse sur le pétrole.<br />
Le yin et le yang d’un retour vers plus d’équilibre<br />
entre l’offre et la demande et un dollar plus faible expliquent<br />
la résilience des prix du brut et ont exercé une<br />
influence certaine sur la performance des marchés<br />
financiers au cours des derniers mois.<br />
Quelle perspective envisager pour le prix<br />
du pétrole à long terme ?<br />
D’une part, le camp des haussiers, comprenant l’OPEP<br />
et l’AIE, a récemment renforcé sa cible de 80 dollars<br />
le baril en 2020. Cette vision se base sur ‘la lutte pour<br />
l’approvisionnement’, faisant valoir que les bas prix<br />
se traduiront par des investissements reportés ou annulés<br />
et une perte permanente de capacités de production.<br />
Combiné à des perspectives optimistes pour<br />
la demande de pétrole, cela permettrait au cartel de<br />
reprendre le contrôle et de maintenir des prix élevés.<br />
D’autre part, le camp des baissiers croit en des<br />
prix bas pour longtemps, au-dessous du cours actuel<br />
et plus faible que les 50 dollars le baril actuellement<br />
sous- entendus par les contrats à terme de 2020. La vue<br />
baissière met en avant ‘la bataille pour la demande’,<br />
où les produits pétroliers raffinés sont en concurrence<br />
directe avec des sources et technologies énergétiques<br />
alternatives, ce qui éroderait la puissance oligopolistique<br />
du cartel. Outre ces deux visions antagonistes,<br />
une nouvelle réalité semble s’imposer et provient de<br />
la bouche même du secrétaire-général de l’OPEP :<br />
« A un prix du pétrole de 60 dollars, une grande partie<br />
de la production américaine de pétrole de schiste peut<br />
revenir sur le marché en six mois de temps. » Au plancher<br />
de l’OPEP succède le plafond du schiste !<br />
Le pétrole, la fin d’un marché mondial ?<br />
Un autre scénario, articulé sur la géopolitique, pourrait<br />
très bien être de mise si l’on en croit le spécialiste<br />
en stratégie et ancien diplomate américain Peter<br />
Zeihan. Il suggère que le pétrole cessera d’être un marché<br />
mondial. Les Etats-Unis ont atteint l’autosuffisance<br />
énergétique, ce qui signifie qu’ils n’ont plus vraiment<br />
besoin de défendre autant que par le passé des intérêts<br />
pétroliers ailleurs dans le monde. Cela pourrait aiguiser<br />
quelques appétits voraces et déboucher sur des tensions,<br />
voire des conflits ouverts pour faire main basse<br />
sur une manne pétrolière. Reste à voir si, en pareil cas,<br />
le gendarme du monde n’interviendrait quand même<br />
pas comme il l’a fait lors de l’invasion du Koweït par<br />
l’Irak en 1990. Cela étant, une recrudescence de l’instabilité<br />
géopolitique se traduirait par une offre de brut<br />
plus erratique, conduisant à des pics de prix. Qu’en sera-t-il<br />
réellement ? Méditons à cet égard la citation de<br />
l’humoriste français Pierre Dac : « Les prévisions sont<br />
difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir. »<br />
56<br />
magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
57
Jeunes Restaurateurs<br />
Association de<br />
bienfaiteurs<br />
Ils ont entre 23 et 34 ans. Ils sont<br />
propriétaires de leur restaurant et figurent<br />
dans les guides de référence, avec ou<br />
sans étoile, mais toujours en bonne place.<br />
Ils maîtrisent la cuisine classique, mais<br />
ils innovent dans chaque composition et<br />
réinventent les classiques. Et ils ont une<br />
vision de la gastronomie qui dépasse les<br />
frontières et les époques.<br />
Ils, ce sont les JRE - Jeunes Restaurateurs, une association<br />
dynamique qui compte 320 membres dans<br />
12 pays différents. Leur philosophie se résume en un<br />
slogan simple et percutant : ‘Talent, passion et innovation’.<br />
On pourrait y ajouter ‘émulation’. En effet, les<br />
JRE ne se contentent pas seulement de partager un<br />
label de qualité, ils échangent aussi idées et techniques,<br />
lors des rencontres annuelles qu’ils organisent<br />
entre eux.<br />
Belgium’s got talent<br />
Avec 23 membres, la Belgique fait bonne figure au<br />
sein des JRE. Notre branche nationale regroupe ainsi<br />
la fine fleur des fourneaux, nouvelle génération :<br />
Maxime Collard, Martin Volkaerts, Lisa Calcus, Steven<br />
Dehaeze, Sam Van Houcke, Mario Elias… Une affiche<br />
de rêve qui reflète parfaitement la place de notre pays<br />
dans le top mondial.<br />
Chef : Maxime Collard<br />
Plat : filet de maigre rôti sur sa peau/<br />
couteau de mer farci au saucisson<br />
d’Ardenne/tomate confite et herbes<br />
vertes/émulsion de fenouil<br />
Restaurant : La Table de Maxime,<br />
Our-Paliseul<br />
www.maximecollard.be<br />
© JRE – Belgique<br />
De façon générale, les JRE démontrent la vitalité et la<br />
créativité de la cuisine européenne. Une cuisine aux<br />
racines profondes, basée sur le savoir-faire et la technique,<br />
mais que les jeunes créateurs font évoluer. Il<br />
suffit pour s’en convaincre de voir les assiettes du chef<br />
de L’Air de Rien, Stéphane Diffels, l’un des derniers<br />
à avoir rejoint l’association. Ou celles du benjamin<br />
Martin Volkaerts. A 25 ans, le chef de L’Amandier est<br />
l’un des cuisiniers les plus prometteurs du moment.<br />
Et que deviennent les Jeunes Restaurateurs quand<br />
ils prennent de la bouteille ? Eh bien, les ‘anciens’<br />
ne quittent pas pour autant l’association. Ils continuent<br />
à faire partie de la famille en recevant le titre de<br />
‘Table d’honneur’. Le secret d’une éternelle jeunesse,<br />
sans doute…<br />
58 magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3<br />
59
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