LA PUISSANCE DU SAVOIR

vision
se fait massivement à travers les réseaux sociaux), mais comment les intégrer.
Pour des marques réputées qui souhaitent proposer des services ciblés, et encore
plus pour des médias publics financés par le contribuable, la question de
la protection de la vie privée est un sujet sensible. A l’échelle européenne, la
chaîne britannique Channel 4 est la première à utiliser un lecteur vidéo en
ligne personnalisé. La VRT développe elle aussi un lecteur qui sera personnalisé
à l’avenir. Dieter Boen est convaincu que dans l’univers des médias, une
entreprise qui entretient une relation personnelle avec ses consommateurs
met finalement au point de meilleurs produits. « Techniquement, on peut
déjà faire beaucoup, mais il faut recevoir les données requises. Les diffuseurs
ont l’habitude de diffuser le dernier épisode d’une série parce qu’il
vient tout juste de sortir, mais à quoi bon le faire si on sait que certains
téléspectateurs n’ont pas encore vu les épisodes précédents ? »
Pour Dieter Boen, il est plus simple pour les médias commerciaux de
passer aux médias personnalisés, car ils n’ont pas de mission publique
et ne sont pas contraints de proposer, en plus du divertissement,
de l’information, de la culture et du contenu pédagogique. « C’est
beaucoup plus facile si vous avez un client qui regarde les Simpson
70 heures par semaine et ingurgite tous les spots publicitaires
insérés, qui peuvent être personnalisés. Il s’agit d’une situation
win-win, dont nous pouvons beaucoup moins profiter. Pour un
média public, qui a une mission publique, il est important de
tirer les gens de cette bulle de filtres, de leur faire découvrir
des choses et de les informer. »
La tâche n’est pas aisée, alors que les consommateurs
prennent de plus en plus les commandes et choisissent euxmêmes
ce qu’ils veulent voir. Ce qu’on leur propose est important,
mais aussi le moment où on le fait. De plus, les
consommateurs sont beaucoup moins prévisibles qu’on l’a
toujours pensé. C’est en grande partie leur humeur qui
va déterminer s’ils veulent voir une fiction ou un débat
politique sur Canvas. Des recherches approfondies
sont également menées sur ce point. Sur la base des
capteurs d’un smartphone, on peut déjà déterminer
à 80% si quelqu’un est disposé à regarder l’actualité
ou plutôt à s’affaler dans son divan pour regarder
Nick et Sharon dans la série ‘Les feux de l’amour’.
Cette technologie n’est toutefois qu’en phase de
Une nouvelle maison pour la VRT
Fin 2021, les collaborateurs de la VRT changeront de site.
Les bureaux d’architectes Robbrecht en Daem et
Dierendonckblancke ont décroché ce projet prestigieux. Le
nouveau bâtiment de la radiotélévision publique flamande
sera construit à côté de l’ancien, qui sera ensuite démoli.
Ce ‘mediapark’ moderne entend devenir un centre culturel
et de rencontres. Il sera en partie accessible au public. On
y trouvera notamment une cafétéria publique. Le nouveau
site passera d’une superficie de 95 000 m 2 à 55 000 m 2 . Le
bâtiment pourra malgré tout accueillir cinq studios, dotés des
technologies dernier cri pour la production et la distribution
des médias audiovisuels modernes. Le coût du projet s’élève
à 105 millions d’euros.
« Pour un média public,
il est important de tirer les
gens de cette bulle de filtres,
de leur faire découvrir des
choses et de les informer. »
test. « Avec le boom des réseaux sociaux, on s’est
rendu compte que les ‘intellectuels’ pouvaient très
bien regarder ‘Vis ma vie’ le vendredi soir.
Simplement parce qu’ils ont eu une journée chargée
et qu’ils n’ont pas envie d’assister à un débat
politique. Quand on détient ces informations, on
peut proposer du divertissement à ce moment-là et
un débat politique à un autre moment. Le CEO de
Netflix dit qu’en 2025, il compte proposer au maximum
trois choses aux consommateurs. On n’y est
pas encore, mais cette évolution verra le jour. »
François de Brigode dans votre salon
S’il est techniquement possible de faire beaucoup
plus que ce que nous voyons au final sur nos écrans,
c’est parce que l’expérience des médias qu’ont les
consommateurs n’évolue pas aussi vite que les
technologies. Même si cette expérience évolue
très vite, surtout chez les jeunes, les médias traditionnels
coexisteront encore longtemps avec toutes
ces nouvelles technologies médias. Il y a quelques
années, on pensait que la réalité virtuelle et augmentée
(technologie qui relie le monde virtuel à la
réalité) trouverait rapidement un public, mais ce
n’est que maintenant qu’elle prend vraiment son
essor. Selon Dieter Boen, des études intensives sont
menées à l’échelle internationale et nous finirons
bien par franchir le pas. « L’impact de la réalité virtuelle
et augmentée sur les médias est énorme.
Imaginons que vous passiez une demi-heure devant
le JT tout en étant plongé, en Syrie, au cœur
de la ville d’Alep en ruines. Cela va complètement
bouleverser votre vision du monde. La question est
de savoir si le consommateur va bel et bien utiliser
les outils nécessaires, à savoir des lunettes ou une
boîte en carton pour le smartphone. Des tests sont
en cours ; on en sait toujours plus chaque mois. »
Il faudra donc encore attendre avant que le présentateur
du JT François de Brigode se balade dans
votre salon pour présenter l’actualité. Le fait est que
la façon dont nous vivons les médias évolue sans
cesse, selon Dieter Boen. « Longtemps encore, plusieurs
générations vont aborder les médias d’une
autre manière. Si nous pouvons agir avec flexibilité
et que nous avons les connaissances technologiques
nécessaires, nous n’avons pas à nous inquiéter. C’est
le consommateur qui est aux commandes et qui
choisira quand nous franchirons ce pas. »
46 magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3
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