LA PUISSANCE DU SAVOIR
Nagelmackersmagazine_FR_2016-06
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sous la loupe<br />
Investissements durables :<br />
VERS UNE<br />
NOUVELLE NORME<br />
Par Levi Sarens,<br />
head of Investment Research Center Nagelmackers<br />
ESG, SRI, UNPRI : tous ces acronymes renvoient aux ‘investissements<br />
durables’. ESG signifie Environmental, Social &<br />
(Corporate) Governance. SRI a deux sens : Socially Responsible<br />
Investing, mais aussi Sustainable, Responsible and Impact<br />
Investing. UNPRI est une initiative des Nations Unies et désigne<br />
United Nations Principles for Responsible Investment. Les institutions<br />
financières y adhèrent volontairement, s’engageant à<br />
respecter six principes ESG et à tendre vers des objectifs (sustainable<br />
goals). Ces principes fêtent cette année leur dixième anniversaire<br />
et l’histoire se perpétue. Le nombre d’institutions participantes<br />
et le patrimoine associé ne cessent d’augmenter.<br />
Engagement<br />
Tous les adhérents à l’UNPRI n’investissent pas forcément chaque dollar<br />
de manière durable. Au contraire, selon des estimations des Nations<br />
Unies, ils ne seraient même pas la moitié à le faire. Il ne s’agit donc pas<br />
d’un engagement contraignant. Les signataires<br />
de l’UNPRI s’engagent principalement<br />
à tenir compte des facteurs<br />
ESG dans leur stratégie d’investissement.<br />
Aucune obligation n’est fixée<br />
ni contrôlée par une instance supérieure.<br />
Le principal atout de l’UNPRI,<br />
c’est que les investisseurs du monde<br />
s’engagent de plus en plus à investir<br />
de manière durable, même si cet engagement<br />
volontaire est interprété différemment<br />
par chacun. Néanmoins,<br />
plus le groupe prend de l’ampleur, plus il trouve d’écho et plus l’impact est<br />
grand sur le long terme. « Sustainable investing is here to stay. »<br />
Exclusion...<br />
L’investissement durable devient une norme, comme en témoigne l’intérêt<br />
grandissant des investisseurs, notamment des fonds de pension.<br />
Ces derniers fixent de plus en plus d’obligations au niveau de la gestion<br />
de leurs actifs. Ces obligations sont surtout motivées par la conférence<br />
de Copenhague sur le climat (COP 21). Le changement climatique est<br />
le thème central des investissements durables. Dans ce cadre, les fonds<br />
de pension fixent des restrictions à leurs gestionnaires. Par exemple,<br />
sur les investissements dans les entreprises utilisant les combustibles<br />
fossiles, notamment les compagnies pétrolières. Cette ‘exclusion policy’<br />
s’étend souvent au-delà de l’exclusion des combustibles fossiles. Parmi<br />
les autres secteurs généralement exclus, on trouve le secteur de l’armement,<br />
des bombes à sous-munitions, l’industrie des jeux de hasard, du<br />
porno, etc. Pour désigner ces valeurs, on emploie le terme de ‘sin stocks’,<br />
des actions immorales.<br />
... ou engagement ?<br />
La question est de savoir dans quelle mesure la stratégie<br />
d’exclusion est la bonne. De plus en plus de voix s’élèvent<br />
en faveur de l’engagement. L’actionnaire peut ainsi exercer<br />
une pression sur les entreprises pour qu’elles empruntent<br />
une voie durable. Prenons l’exemple des pays<br />
asiatiques (Cambodge, Bangladesh, etc.), où les travailleurs<br />
doivent souvent produire des vêtements pour<br />
Armani, Adidas, H&M et d’autres grandes marques dans<br />
des conditions scandaleuses. Qu’est-ce qui est préférable<br />
à long terme ? Des actionnaires idéalistes qui n’investissent<br />
pas dans ces entreprises, appliquant donc une politique<br />
d’exclusion, mais qui n’ont alors aucune influence<br />
sur l’avenir ? Ou des actionnaires qui exercent une pression<br />
sur la direction de l’entreprise pour faire bouger les<br />
choses, appliquant donc une politique d’engagement ?<br />
Ce dilemme se pose aussi avec les nombreux indices<br />
éthiques et durables qui parsèment le monde financier :<br />
ils adoptent souvent une politique d’exclusion. Par conséquent,<br />
les fonds qui s’engagent à respecter ces indices<br />
sont contraints d’exclure automatiquement certains secteurs<br />
et entreprises, sans pouvoir exercer une influence<br />
sur la direction de l’entreprise.<br />
Etoiles, médailles et globes<br />
En mars, Morningstar, l’une des plus grosses bases de<br />
données financières au monde, a ajouté une nouvelle<br />
dimension à son évaluation des fonds. Jusqu’à présent,<br />
Morningstar était surtout connue pour les étoiles et les<br />
médailles qu’elle décernait aux fonds sur la base des résultats<br />
enregistrés et de la qualité de la gestion. Depuis<br />
mars, les fonds sont également évalués sur la base des<br />
critères ESG : les ‘globes’ reflètent l’approche durable des<br />
fonds. Plus un fonds a de globes, meilleure est sa performance<br />
dans ce domaine. Ici aussi, il y a une certaine<br />
politique d’exclusion, car même si des entreprises moins<br />
durables ne sont pas exclues par Morningstar, elles se<br />
voient pour la plupart automatiquement pénalisées,<br />
sans tenir compte des éventuels engagements en coulisse.<br />
Pratiquement au même moment que Morningstar,<br />
MSCI a attribué en avril un score ESG à 21 000 fonds et<br />
trackers. Cela ressemble un peu à une lutte de prestige...<br />
Domaine du subjectif<br />
Les initiatives de Morningstar et MSCI sont louables.<br />
Tous deux essaient de chiffrer la thématique du développement<br />
durable, qui a toujours été un point délicat.<br />
En effet, si le thème du développement durable<br />
n’est pas neuf, il n’a jamais été évident de déterminer<br />
avec certitude si une entreprise pouvait être<br />
considérée comme durable. On entre ici dans le<br />
domaine du subjectif : ce qui est durable pour<br />
l’un ne l’est pas forcément pour l’autre. Cela a été<br />
confirmé par le criblage mené par Morningstar<br />
sur quelque 550 fonds, censés être durables,<br />
sur la base de leur nom ou de leur prospectus.<br />
Selon Morningstar, il en ressort que 35% des<br />
entreprises obtiennent un score moyen à<br />
mauvais, alors qu’on attend au moins un<br />
score supérieur à la moyenne de telles<br />
entreprises. Pour les optimistes : deux<br />
tiers des fonds durables répondent tout<br />
de même aux attentes.<br />
Morale de l’histoire : investir durablement<br />
ne sera jamais une science<br />
exacte, mais on peut affirmer que<br />
c’est en train de devenir une nouvelle<br />
‘norme’. Tout n’a pas encore<br />
été dit. Nous nous pencherons<br />
davantage sur ce sujet dans un<br />
prochain numéro.<br />
40 magazine Nagelmackers – année 1, numéro 3 41