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Haiti Liberte 28 Janvier 2015

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Cuba, Nicaragua, Panama : vers une<br />

nouvelle architecture géopolitique<br />

de l’Amérique latine<br />

Par Emir Sader<br />

Il a suffi qu’intervienne la normalisation<br />

des relations diplomatiques entre<br />

Cuba et les Etats-Unis – qui laisse entrevoir<br />

la fin de l’embargo imposé par<br />

Washington à La Havane – pour que<br />

bougent les pièces sur l’échiquier commercial<br />

et géopolitique de l’Amérique<br />

latine. Dans ce contexte, le port de<br />

Mariel, rénové et élargi, ainsi que sa «<br />

zone spéciale de développement » [1],<br />

sont appelés à jouer un rôle stratégique<br />

majeur. Mariel sera l’un des nœuds par<br />

lesquels passeront les nouveaux flux<br />

commerciaux qui s’intensifient dans<br />

le monde et qui comptent parmi leurs<br />

acteurs les plus importants la Chine et<br />

l’Amérique latine.<br />

Toutefois, d’autres dynamiques<br />

régionales contribuent à façonner la<br />

nouvelle configuration de la géopolitique<br />

mondiale. Le canal de Panama<br />

avait changé celle du monde lorsqu’il<br />

fut inauguré il y a un peu plus d’un<br />

siècle. A cette époque, les États-Unis<br />

avaient repris le projet, qui avait<br />

échoué et avorté, la construction du<br />

canal par la France. Cela mettait fin à<br />

une étape du commerce mondial, pour<br />

en ouvrir une nouvelle.<br />

Avant l’ouverture du canal de Panama,<br />

la totalité du commerce et de la circulation<br />

entre l’Atlantique et le Pacifique se<br />

réalisait en effet par le Cône Sud, avec<br />

tout ce que cela représentait de perte de<br />

temps et de ressources. En reprenant<br />

en main le projet en 1903 après son<br />

abandon par la France, Washington a<br />

poussé à la séparation du Panama avec<br />

la Colombie pour donner naissance à<br />

un pays qui existerait autour du canal,<br />

placé sous tutelle nord-américaine.<br />

C’est ainsi que le canal devint la chasse<br />

gardée des Etats-Unis durant cent ans.<br />

C’est également de cette manière<br />

que surgit ce que les Panaméens appellent<br />

« l’avenue du monde », la seule<br />

voie de communication entre les deux<br />

océans les plus importants de la planète,<br />

entre les deux plus importantes<br />

régions du monde. Malgré la volonté<br />

manifestée par les États-Unis de faire<br />

avec la zone du canal ce qu’ils font<br />

encore aujourd’hui avec la base de<br />

Guantanamo à Cuba, c’est-à-dire en<br />

prolonger indéfiniment l’occupation,<br />

le dirigeant nationaliste panaméen<br />

Omar Torrijos avait exigé le respect<br />

de l’accord (Carter- Torrijos- [2]) et<br />

obtenu que le canal passe sous contrôle<br />

du gouvernement panaméen le<br />

31 décembre 1999. Ce qui n’empêche<br />

nullement Washington de continuer à<br />

jouer un rôle de surveillance militaire<br />

de la zone.<br />

A mesure que le commerce maritime<br />

s’est accru, de même que la taille<br />

des bateaux, le canal de Panama s’est<br />

révélé insuffisant pour assurer les communications<br />

maritimes entre les deux<br />

océans. Le 22 octobre 2006, le pays<br />

approuvait, par référendum national,<br />

un projet de modernisation du canal<br />

(conclu avec une entreprise espagnole),<br />

soit pratiquement la construction<br />

d’un autre canal dont l’inauguration<br />

est prévue fin <strong>2015</strong>. La date initiale a<br />

dû être repoussée suite à de difficiles<br />

renégociations liées à l’augmentation<br />

des coûts des travaux.<br />

pe un autre, beaucoup plus ambitieux<br />

en termes de communication<br />

maritime et de redistribution des cartes<br />

stratégiques. Il s’agit de la construction<br />

par le Nicaragua d’un nouveau canal<br />

entre les deux océans. Le projet, encouragé<br />

depuis longtemps par la géographie<br />

même du Nicaragua – un pays<br />

qui dispose de grands lacs pouvant être<br />

utilisés pour la construction d’un tel<br />

ouvrage – va finalement se concrétiser<br />

[3].<br />

La responsabilité de sa construction<br />

et de son financement a été confiée<br />

à un milliardaire chinois et à sa<br />

société de travaux publics. Le projet a<br />

été élaboré en peu de temps et a recueilli<br />

l’approbation du gouvernement<br />

du président Daniel Ortega, mais il est<br />

confronté à des difficultés dans sa mise<br />

Port de Mariel-Cuba | Crédits photo : cubadebate.cu<br />

en œuvre.<br />

D’une part, la construction de<br />

ce canal changera l’avenir du Nicaragua.<br />

Avec lui, le pays disposera de son<br />

principal instrument de développement<br />

économique grâce à son important trafic,<br />

d’autant que s’y ajouteront d’autres<br />

constructions annexes, entre autres un<br />

nouvel aéroport, et une zone franche.<br />

D’autre part, des mouvements populaires<br />

se sont organisés contre le projet<br />

pour protester contre les conséquences<br />

qu’entraînera sa réalisation. Il a en effet<br />

été conçu sans élaboration d’un<br />

plan de réglementation des dommages<br />

environnementaux et sans réelles négociations<br />

avec les quelque trente mille<br />

paysans qui seront déplacés de leurs<br />

terres. Le gouvernement et l’entreprise<br />

chinoise ont simplement indiqué qu’ils<br />

recevront une juste indemnisation. Au<br />

moment où devaient commencer les<br />

travaux, se sont produites de grandes<br />

mobilisations, non seulement dans les<br />

zones concernées, mais aussi dans la<br />

capitale, Managua, donnant lieu à des<br />

affrontements avec la police et à des<br />

dizaines d’arrestations.<br />

Un projet de cette envergure,<br />

avec toutes ses retombées potentielles,<br />

est mis en œuvre avec une absence<br />

quasi totale de mesures de prévention<br />

des effets que sa construction va<br />

entraîner, et il provoque l’hostilité au<br />

lieu de susciter la fierté de posséder une<br />

telle infrastructure. Le gouvernement<br />

peut continuer à répondre aux mobilisations<br />

en les faisant réprimer par la<br />

police, mais l’occupation par une partie<br />

des paysans des territoires sur lesquels<br />

devraient commencer les travaux en<br />

rend concrètement l’ouverture difficile.<br />

Cette situation oblige le gouvernement<br />

à d’épineuses négociations de dernière<br />

minute avec les paysans qui disent<br />

refuser les indemnisations et vouloir<br />

rester sur leurs terres.<br />

La construction du canal du<br />

Nicaragua aura de nombreuses conséquences,<br />

à commencer par la fin du<br />

monopole du canal de Panama et de la<br />

tutelle des États-Unis sur la circulation<br />

maritime interocéanique. En synergie<br />

avec le port de Mariel, il va faciliter les<br />

flux impliquant des pays qui connaissent<br />

une expansion à la fois de leur<br />

commerce et de leur influence politique,<br />

comme c’est le cas de la Chine<br />

et du Brésil.<br />

Les transformations du paysage<br />

international, qui seront accélérées par<br />

les très importants accords des BRICS<br />

signés à Fortaleza au Brésil en juillet<br />

2014 [4], trouvent une expression régionale<br />

avec l’inauguration du port de<br />

Mariel et les travaux de construction<br />

du canal du Nicaragua.<br />

Notes<br />

[1] Situé à 40 kilomètres de La<br />

Havane, ce port est destiné à recevoir<br />

les porte-conteneurs « post-panamax »<br />

qui peuvent transporter jusqu’à 13 000<br />

conteneurs (ou boîtes). Il vise à placer<br />

Cuba au cœur des nouvelles routes<br />

commerciales maritimes Atlantique/<br />

Pacifique.<br />

[2] Signé en 1977 entre Omar<br />

Torrijos et Jimmy Carter, cet accord a<br />

organisé la restitution du canal au 31<br />

décembre 1999. Il est désormais placé<br />

sous la responsabilité exclusive de<br />

l’Autorité du canal de Panama, agence<br />

du gouvernement panaméen.<br />

[3] Le projet de canal interocéanique<br />

du Nicaragua (278 kilomètres<br />

de long) reliera l’océan Atlantique à<br />

l’océan Pacifique en utilisant le lac du<br />

Nicaragua (ou lac Cocibolca). Il devrait<br />

permettre le transit des « post-postpanamax<br />

» de 250 000 tonnes mesurant<br />

jusqu’à 450 mètres de long et pouvant<br />

transporter plus de 14 000 boîtes.<br />

Pour la réalisation des ces travaux, le<br />

gouvernement de Daniel Ortega a octroyé,<br />

en juin 2013, une concession<br />

de cinquante ans (renouvelable une<br />

fois) à Hongkong Nicaragua Development<br />

Investment (HKND), une société<br />

dirigée par l’homme d’affaires chinois<br />

Wang Jing.<br />

Sur l’ensemble du sujet, lire<br />

François Musseau, « Fièvre des<br />

canaux en Amérique centrale », Le<br />

Monde diplomatique, septembre 2014<br />

(http://www.monde-diplomatique.<br />

fr/2014/09/MUSSEAU/50759 ).<br />

[4] Lire « Les BRICS passent à<br />

la vitesse supérieure », Mémoire des<br />

luttes (http://www.medelu.org/Les-<br />

BRICS-passent-a-la-vitesse ).<br />

Source : Página 12<br />

Traduction et annotations :<br />

Mireille Azzoug<br />

Edition et annotations : Mémoire<br />

des luttes 14 janvier <strong>2015</strong><br />

Suite de la page (6)<br />

nan dyaspora a te leve kanpe,<br />

nan okazyon lanmò diktatè<br />

Franswa Divalye ak prestasyon<br />

sèman pitit li Janklod kòm prezidan<br />

avi, pou mete sou pye yon<br />

gwo mouvman pwotestsasyon<br />

ak rezistans. Pou denonse rejim<br />

ereditè a ak sipò peyi enperyalis<br />

yo t ap ba li kont enterè pèp ayisyen<br />

an e pou pote kole ak lit ki<br />

t ap mennen anndan peyi a pou<br />

dechouke gouvènman makout<br />

sanginè a. Nou te siyale kouman<br />

mouvman an te limite depi<br />

li parèt, akoz karaktè tiboujwa li<br />

epi koneksyon li pa t genyen ase<br />

ak mouvman revolisyonè anndan<br />

peyi a ki dayè te trè fèb. Sa<br />

pèmèt nou konstate aksyon patriyotik<br />

la pa t ka rive lwen toutotan<br />

yon mouvman revolisyonè<br />

pa t rive devlope ann Ayiti. Nou<br />

admèt sepandan, gen kèk bon<br />

bagay ki te reyalize pandan eksperyans<br />

sa a. Gen yon pakèt lide<br />

ki te diskite. Gen yon bann lide<br />

reyaksyonè moun te bije foure<br />

nan pòch dèyè yo. Gen yon pakèt<br />

lide pwogresis tou patriyòt yo te<br />

atrap e aksepte pou yo vanse pi<br />

devan. Pi gwo verite a se te rive<br />

admèt : chanjman veritab ki pou<br />

fèt nan enterè mas popilè yo, se<br />

Ayiti pou li fèt e se ayisyen ki<br />

pou fè l. Gen anpil lòt tèm ki ta<br />

merite debat, anpil lòt aspè lan<br />

mouvman an pou nou ta sènen.<br />

Men, kad travay sa a pa pèmèt<br />

nou grandi demach la plis toujou.<br />

Li lè li tan pou espesyalis<br />

syans sosyal yo al fouye zo nan<br />

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pan istwa sa a anpil moun ap<br />

tann pou dekouvri. Dayè istwa<br />

rejim Divalye yo poko fin ekri e<br />

li poko janm ap fin ekri.<br />

Nòt<br />

(Endnotes)<br />

1 Kò represif militè konseye<br />

ameriken ede gouvènman<br />

Janklod Divalye a mete kanpe<br />

pou pwoteje prezidan an epi<br />

konbat kominis.<br />

2 Biznis Minis Enteryè<br />

Lucner Cambronne monte pou<br />

vann plasma ak kadav ayisyen<br />

bay inivèsite ameriken.<br />

3 Twa patriyòt ayisyen<br />

(2gason, yon fi) kidnape anbasadè<br />

ak konsil ameriken an<br />

(Clinton Knox ak Ward Christensen)<br />

23 janvye 1973. Kòmando<br />

Champosin, se te non<br />

gwoup la, te boukante diplomat<br />

yo kont liberasyon 12 prizonye<br />

politik.<br />

4 Politisyen chalatan ki<br />

fè gwo bwi lan Nouyòk pandan<br />

detwa mwa lan dezyèm mwatye<br />

ane 70 yo, monte gouvènman<br />

an egzil pou sifonnen lajan<br />

konpatriyòt ayisyen nan bi pou<br />

rantre sang rate tèt an Ayiti epi<br />

ranplase Janklod Divalye ak sipò<br />

depatman deta meriken.<br />

5 Ibid.<br />

6 Jeneral Paul Eugène<br />

Magloire, prezidan Ayiti 1950-<br />

1956.<br />

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et pour Haïti Liberté, Kim Ives.<br />

En direct avec Bénédict Gilot depuis Haïti.<br />

Soyez à l’écoute sur Radyo Panou &<br />

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18 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />

Vol. 8 • No. 29 • du <strong>28</strong> janvier au 3 février <strong>2015</strong>

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