MEME PAS PEUR 12 leg

8 / Même pas peur N o 12 / OCTOBRE 2016 OCTOBRE 2016 / Même pas peur N o 12 / 9
couille molle a des choses à dire
Manifester ? Couille Molle se tâte...
Ce matin, j’ai croisé mon pote Couille
Molle 1 devant la machine à café. Je lui
ai demandé s’il irait à la manif et s’il
ferait grève. Il a eu l’air ennuyé du gars
qui ne veut déplaire à personne.
- Écoute, fieu. Monsieur Proetmacher
pense que ça ne serait pas une bonne
idée. Et Monsieur Proetmacher, c’est
quand même un chef de service, hein.
Un homme qui sait ce qu’il dit.
Remarque, ce n’est pas que je ne suis
pas solidaire, hein. Défendre le pouvoir
d’achat, les services publics, la
sécurité sociale, l’emploi, une fiscalité
plus juste, et patati et patata… tout ça
c’est très bien. Je suis d’accord qu’il ne
faut pas se laisser faire. Mais, comme
dit Monsieur Proetmacher, quand tu
penses à tous ces pauvres gens qui ont
subi un tremblement de terre et qui
sont sous les décombres, tu te dis qu’il
y a des choses plus graves dans la vie
que nos petits problèmes, non ? Sans
parler de nos SDF…
Alors, moi je dis qu’on est de privilégiés
qui s’ignorent, et que défendre ses
privilèges, c’est quand même un peu
insulter ceux qui sont plus malheureux
que nous, non ?
Ce bobo gauchiste de Poil Decul 1 dit
que c’est le patronat qui crée et qui
entretient le chômage pour s’assurer
une main d’œuvre docile et pas chère,
au lieu de diminuer le temps de travail
de tous pour donner du travail à tout
le monde.
Je ne dis pas qu’il a tort, mais Monsieur
Proetmacher dit qu’on ne va pas
contre les lois du marché. Qu’il faut
regarder la réalité en face. On n’est pas
sur terre pour rigoler. La vie n’est pas
une promenade de santé, hein. On est
dans un monde concurrentiel.
Tu comprends, fieu, moi j’ai travaillé
dur pour arriver où j’en suis. J’en ai
chié. Alors, il n’y a pas de raison que les
autres n’en chient pas aussi. Moi, les 38
heures, je les fais en trois jours. Parce
que partir trop tôt du boulot, quand
tu as des responsabilités, ça ne se fait
pas. C’est mal vu. Et, de toute façon, si
c’est pour me retrouver en tête à tête
avec bobonne, hein… autant rester au
bureau.
Moi je dis, quand tu as un boulot,
tu ne vas pas aller manifester et faire
grève et risquer de le perdre. Ça arrangerait
qui ? Monsieur Proetmacher dit
que les grèves et les manifs, il ne faudrait
faire ça que le dimanche. Pour ne
pas prendre tout le monde en otage. Ou
alors, laisser faire ça aux chômeurs. On
les paie quand même à ne rien faire.
D’un autre côté, ce gauchiste de Poil
Decul dit que manifester pour le pouvoir
d’achat et l’emploi, ça ne remet
pas vraiment en cause le système, que
c’est quand même pas ça qui va faire la
révolution et abattre le capitalisme. Il
dit que ça ne sert à rien. Du coup, j’irais
bien manifester, rien que pour le faire
chier.
Seulement, tu comprends les trains
vont être bondés. Et si, justement, il y a
un chirurgien qui doit prendre le train
et qu’il ne trouve pas de place assise
parce que c’est plein de manifestants
avec des pancartes et des drapeaux,
André Clette
et qui parlent fort. Et que, du coup, il est
énervé et fatigué au moment où il doit
opérer. Et qu’à cause de ça, il fait un faux
mouvement avec son bistouri. Et que,
du coup, la femme à qui il refait le nez
pour qu’elle ressemble à Penelope Cruz,
voilà qu’il lui fait la tête d’Arielle Dombasle…
hein. Tu ne te sentirais pas un peu
responsable ?
Ce que je crains surtout, c’est les débordements.
Si je prends un mauvais coup
et que je ne sais plus assurer mon service,
hein. Tu as pensé à ça ? Alors que
Monsieur Proetmacher m’a confié une
mission. Je dois compter les gobelets de
la machine à café. Il paraît que les gens
les volent. 1
1 NDLR : les noms et prénoms ont été changés pour
préserver l’anonymat des personnes.
Le Scoop de WATRIN
Êtes-vous un con incapable de manifester ?
Le test de dépistage 100% remboursé, sauf qu’il est gratuit
Manifester, c’est une tradition bien ancrée en Belgique, mais c’est aussi un don. Et un don, c’est comme le sens
du commerce (équitable) ou le virus de la politique (honnête) : on l’a ou on ne l’a pas. Afin de mieux vous situer
sur l’échelle des manifestants à la sensibilité qui va de Staline (tout à gauche, après avoir tué plein de bons
camarades) à Léon Degrelle (tout à droite, mais il n’était pas tout seul), voici un test en dix questions.
1) Qu’emportez-vous en priorité lorsque vous partez à une manifestation ?
a- Ma femme, elle m’oblige
b- Mon bouclier, ma matraque et mon spray qui pique fort
c- Un sac de pavés, je préfère les miens, ils se lancent mieux
2) Que buvez-vous dans une manifestation ?
a- Des bières, des bières et, parfois, encore des bières
b- Je n’arrive pas à boire à cause de mon casque
c- Les paroles des orateurs à la fin de la manif, mais je ne comprends rien
3) Quel est, pour vous, le nombre idéal de personnes dans une manifestation ?
a- N’importe quel nombre de personnes, mais sans ma femme
b- Zéro personne, je déteste les manifestations
c- Selon la police ou selon les manifestants ?
4) Quel est votre record personnel de lancer de poteau de signalisation ?
a- 200 mètres, mais j’ai peut-être mal calculé, j’avais bu beaucoup de bières
b- Je ne les lance pas, je contre-attaque
c- Dix centimètres, mais j’avais glissé sur un œuf cru que j’avais jeté
5) Quel est votre manifestant préféré ?
a- Daniel Cohn-Bendit
b- Le Roi (et aussi la loi, la liberté)
c- Moi
6) Quelle est la dernière manifestation à laquelle vous avez participé ?
a- Je ne sais pas, demandez à ma femme
b- Le défilé du 21 juillet
c- Une manifestation où on était contre
Dominique Watrin
7) Qu’est-ce qui vous énerve le plus dans une manifestation ?
a- Les copains qui rigolent parce que je suis venu avec ma femme
b- Les manifestants
c- Les pétards qui explosent dans ma main, parce que je ne les lance pas assez vite
8) Que faites-vous si, dans une manifestation, un officier de policier se précipite vers
vous avec un spray au poivre irritant ?
a- Je m’irrite et je le frappe
b- Je lui dis : « Hé, chef, c’est moi ! »
c- Je lui demande s’il n’a pas plutôt un spray au sel (ou au paprika)
9) Qu’écririez-vous sur un calicot que vous brandiriez à une manifestation ?
a- Femme à vendre, premier propriétaire, contrôle technique OK
b- Non aux manifestations
c- Je ne porte jamais de calicot, je ne sais jamais dans quel sens les tenir
10) Pensez-vous qu’il y a trop de manifestations en Belgique ?
a- Non, j’adore les congés
b- Oui, ça me fait des ampoules à la main qui tient la matraque
c- Non, parce que ce sont les seuls jours où je suis sûr que les trains ne sont pas en
grève
Résultats : Si vous avez plus de réponses a ou de réponses c, arrêtez toute manifestation,
vous n’êtes pas fait pour la défense des travailleurs. Si vous avez plus de réponses b,
faites gaffe, on vous a repéré, vous êtes un flic. Si vous avez plus de réponses d, il faut
vous faire interner d’urgence. Et, si vous n’avez rien répondu, bravo, vous avez compris
que c’est… un test de con !
Bonnes manifestations à tous !
La cuisine désobéissante
desobeissante
Jean-Philippe Querton
appel d’urgence
De Robert du wagon de tête à Josiane qui
doit être avec les porteurs de caliquots
des Ultras : peux-tu, ma Josiane, dire à Francine
de dire à Marc de ne pas stresser. J’ai
loupé le 7h24 mais que je suis dans le 7h47
avec la soupe aux oignons des camarades. Ah
oui, j’oubliais : j’ai la louche !
déviation pour
cause de déviance
La manifestation ne passera pas devant
le pénis de la barrière de Saint-Gilles.
Charles Michel « ne veut pas que ses enfants
voient cette « chose » répugnante (et grosse) à
la télévision d’état ».
les contes qu’on nous raconte
à contre-emploi !
Combat pour le renforcement
du droit du travail, fin de la
propriété privée des moyens
de production, le PTB n’a qu’à
bien se tenir : le MR vient
chasser sur ses terres !
Charles Michel - Premier ministre,
MR -, martial, baïonnette au canon, à
bâbord toute !, sus à l’ennemi ! « Nous
allons combattre Caterpillar pour faire
respecter les droits des travailleurs » ! « On
touche aux limites du système » ! Olivier
Chastel - Président du MR -, embraye
« Il faut utiliser tous les moyens à la disposition
des pouvoirs publics pour récupérer
le site, ses bâtiments, l’outil. Il faut
(…) réquisitionner ». Et comprendre si
on licencie plus facilement en Belgique
qu’en France : « si c’est le cas, est-ce qu’il
n’y a pas quelques éléments à changer ? ».
La N-VA a trouvé son maître
en mépris !
La N-VA par la voix de la parlementaire
Zuhal Demir s’étrangle de rage :
le refus de la direction de Caterpillar
de se rendre à l’invitation des parlementaires
« c’est du mépris, un manque
de respect » (vis-à-vis des parlementaires,
bien sûr !).
Le PS retrouve les accents du
capitalisme d’État.
Paul Magnette quitte son rôle de
beau-fils des familles. Ayant découvert
que même le premier magistrat du
pays pouvait traiter l’État de « voyou »,
de nouveaux horizons irrévérencieux
s’offrent à lui. Il traite les patrons de
Caterpillar de « voyous » et, hardi !,
hardi !, en avant, il promet, « formellement
», « Nous reprendrons le contrôle
du site de Caterpillar ». Il sait que promettre
l’intenable n’est pas sanctionné
en politique.
Populiste en diable, le PTB,
cannibalise la lutte à venir.
Raoul Hedebouw (PTB) joue la
mouche du coche. Il est dans tous les
médias, appelant les gouvernements à
« créer le rapport de forces », s’appropriant
le combat passé, payé si cher,
des syndicalistes de Clabecq, allant et
répétant «nous les travailleurs », sans
même laisser aux travailleurs et aux
délégués de Carterpillar le temps de
construire les termes et les conditions
de ce qui sera leur combat, dont ils
paieront le prix, que ce soit celui de la
réussite ou de l’échec.
L’hypocrisie pue de la gueule.
Quand on vient de se prendre un 15
tonnes dans la gueule, l’union sacrée
de l’hypocrisie fait sans doute du bien.
Moi, cela aurait tendance à me foutre
en rogne, mais bon, moi, c’est moi.
Parce que c’est moche, très moche, de
se faire jeter, à soi tout seul, à 80, à 650
ou à 2.000. La colère scandalisée, les
Sokolov
travailleurs y ont droit et plus encore.
Mais, la feinte surprise, l’étonnement
vertueux, les déclarations va-t-enguerre
et matamoresques des politiques
qui semblent découvrir le capitalisme
auquel ils collaborent, ce n’est
pas joli, joli. C’est même puant.
Pendant ce temps-là, business
as usual,
la FEB plaide pour la signature de
deux traités de libre-échange (Canada
et Etats-Unis) qui enlèveront encore un
peu du pouvoir d’action des gouvernements
et des syndicats, d’autres MR
rappellent qu’il ne faut pas critiquer
toutes les multinationales, seulement
celles qui sont grossières, les patrons
ne perdent pas le nord et demandent la
réduction des impôts, le maintien des
intérêts notionnels et la diminution
des cotisations sociales, pour rester en
Belgique, vous comprenez, le gouvernement
fédéral n’a pas annoncé qu’il
retirait de son programme l’allégement
de la procédure Renault, le fédéral
cherche (au moins) 2,4 milliards
pour l’équilibre du budget, le ministre
des finances veut que Belfius reprenne
Ethias, au risque de licenciements collectifs...
Moi, au moment de construire
les alliances nécessaires au combat, je
me méfierais tout de même de l’union
sacrée de l’hypocrisie.
suggestions culinaires
à l’usage du manifestant
Du spray au poivre
sur la bidoche.
Pour s’en aller casser le patronat et
les mesures d’austérité, il faut que le
manifestant se sustente, la journée
sera longue, la marche épuisante et
les cordes vocales seront mises à rude
épreuve.
Pour la voix, une infusion de thym
avec un peu de miel ; pour le reste, des
protéines à foison : du fromage blanc,
une omelette de six œufs bien baveuse
ou un pavé de bœuf de belle taille
(que vous saisirez à peine pour qu’il
saigne encore) vous procureront suffisamment
d’énergie pour interpeller
les gras ministres pleins de cholestérol
qui font rien que de nous embêter !
Manger local !
Sur place, soutenez le commerce
local et surtout, fuyez les enseignes
aux relents de capitalisme outrancier,
symboles d’une malbouffe généralisée,
ces multinationales qui chantent (faux)
des slogans aussi délirants que « Nous,
c’est le goût » et hurlez plutôt « Les
hamburgers dans l’égout ! »
Bruxelles regorge d’enseignes
typiques où le kebab, le dürüm, la pitta,
le gyros font les délices des contrôleurs
de l’AFSCA, c’est soutenir le petit commerce
que de profiter de votre séjour
dans la capitale européenne pour
savourer ces mets que bientôt nous
ne pourrons plus prétendre déguster
dans leurs pays d’origine, puisque
nous n’aurons plus les moyens de nous
y rendre. C’est également faire preuve
de savoir vivre ensemble que d’honorer
de la présence colorée des manifestants
affamés ces lieux baignés par des
accents chantants et des musiques du
monde.
Recycler, c’est tendance.
L’afflux de ces masses en colère provoque
une pression énorme sur les
épaules des préposés de Bruxelles-Propreté.
Jetez donc vos déchets sur les
policiers, ils ont droit aussi à une collation.
C’est aussi réconcilier les masses
laborieuses (ou pas) avec les forces de
l’ordre que de poser ce geste de courtoisie.
Et puis, quoi de plus beau qu’un
pandore maculé de mayonnaise, de
rondelles de cornichon et de carottes
râpées ?
Ne pas oublier de s’hydrater.
Deux suggestions pour une manifestation
en douceur : la trappiste de
Rochefort 10° servie sur un lit de Porto
blanc ou une Chimay bleue sur sa dose
généreuse de Picon. Ne point trop abuser,
après trois verres, prendre un café.
À tous, bon appétit et belle manif’ !
Faut que ça pète, faut que ça gueule,
faut que ça bouge !