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MERCREDI 15 MARS 2017 // SUPPLÉMENT GRATUIT AU NUMÉRO 22404 |ISSN 0.153.4831 |NEPEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT<br />
SPÉCIAL<br />
LESECHOS.FR/<br />
TERRITOIRES<br />
Enjeux Baliser le parcoursdel’industrie du futur // P. 2 | Témoignage iXblue ou l’art de naviguer dans <strong>les</strong>torrents de l’industrie high-tech // P. 3 | Filières<br />
Union sacréepour l’innovation dans la santé // P. 4 | Cas d’école Statice, RD-Biotech et d’autres jeunespousses // P. 5 | Transformation Lesnouveaux<br />
visagesdel’horlogerie et du luxe // P. 6 | Interview Jean Kallmann, de Breitling Services // P. 7 | Ecosystèmes Femto-ST,uninstitut de recherche XXL // P. 8 |<br />
LeGrandBesançon<br />
laboratoiredel’industrie4.0<br />
Al’avantgarde<br />
Arnaud Le Gal<br />
L’institut Femto-ST,leplusgros<br />
laboratoire de recherche<br />
français en sciences de l’ingénieur.<br />
Photo CC Ludovic Godard-UFC<br />
Latransformationnumériqueestlaclef<br />
de l’avenir de l’industrie, et le levier le<br />
plusefficientpourqueladésindustrialisation,<br />
contrairement à ce que l’ona<br />
beaucoup entendu depuis quelques<br />
années, ne soitfinalement pas une fatalité<br />
pour l’économie française.<br />
Vous ne trouverez plus grand monde<br />
pour contester cet axiome. Mais au-delà<br />
de ce nouveau consensus,que fait-on ?<br />
Comme aurait pu le dire le général de<br />
Gaulle, ilnesuffit pas de sauter sursa<br />
chaise comme un cabri en disant :<br />
« Transformons!Transformons !Transformons<br />
! » pour réussircette digitalisation.<br />
La courbed’apprentissage, il est<br />
vrai,estabrupte.Ils’agitcertesdemettre<br />
à profit <strong>les</strong>solutionsnumériques afin<br />
d’apporter à son offre de produits et de<br />
services une valeur ajoutéeperceptible<br />
en terme d’usage par ses clients. Mais ce<br />
n’est que la partie émergéedel’iceberg.<br />
En fait, <strong>les</strong> implications sont bien plus<br />
nombreusesetamp<strong>les</strong>. Les entreprises<br />
industriel<strong>les</strong> doivent se (re)mettre en<br />
situation de prendre des risques, de<br />
trouver <strong>les</strong> idées, <strong>les</strong> process, <strong>les</strong> talents,<br />
<strong>les</strong> ressources leur permettant de<br />
gagner le fameux « quart d’heure<br />
d’avance ».Etl’innovation étant pervasive,<br />
il leur faudra au passage remettre à<br />
plat leurfaçon de travailler,eninterne,<br />
maisaussiavec<strong>les</strong> autresmaillons de<br />
leurchaîne de valeur:clients, partenaires,<br />
investisseurs acteurs publics de la<br />
recherche ou de l’aménagement du territoire…<br />
L’immensité du chantierexplique<br />
que maints acteurs en soient encore<br />
àunstadeexploratoire.Tous ?Non.Certainsn’ontpasattenduquel’industriedu<br />
futur devienne une priorité nationale<br />
pour en faire leurprésent. Et force est de<br />
constater que le territoire du Grand<br />
Besançon possède une singulière densité<br />
de ces innovateurs. En toute discrétion,<br />
à la franc-comtoise serait-on tenté<br />
d’écrire, entrepreneurs, chercheurs et<br />
élusontdepuisplusieursannéessufaire<br />
converger leursefforts, fédérer<strong>les</strong> énergieset<strong>les</strong><br />
compétences, non seulement<br />
pour réinventer un avenir aux activités<br />
traditionnel<strong>les</strong> du territoire, tel<strong>les</strong>que<br />
l’horlogerie et <strong>les</strong> microtechniques,<br />
maisaussi aborder de nouveaux domaines<br />
d’excellencecomme l’e-santé.<br />
Un événement, <strong>les</strong> Journées Granvelle,<br />
du 19 au 21 mars, va faire clignoter<br />
Besançonunpeuplusqu’àl’accoutumée<br />
sur le radar des professionnels de<br />
l’industrie. « Les Echos » ne pouvaient<br />
manquer une telle occasion de faire partager<br />
l’expérience de cet écosystème très<br />
avancé.Iln’y adécidément pas que dans<br />
la Silicon Valley,<strong>les</strong> mégapo<strong>les</strong> des pays<br />
émergents ou <strong>les</strong> « start-up nations »<br />
que<strong>les</strong>passionnésd’innovationpeuvent<br />
benchmarker des idées « pour action ».<br />
Le Doubs,cen’est pas mal non plus !<br />
Visite guidée. n
02 // SPÉCIAL TERRITOIRES Mercredi 15 mars 2017 Les Echos<br />
ENJEUX// Négocierleviragenumérique de l’industrie4.0 est une prioritééconomique pour la France.<br />
Sur le territoire du Grand Besançon,acteurs privésetpublics n’ont pas attenduque le sujet soit en vogue<br />
pour fédérer <strong>les</strong> énergies autour des entreprises loca<strong>les</strong>. Un casd’école à découvrir.<br />
Baliserleparcoursdel’industriedufutur<br />
La4 e révolution industrielleest<br />
en marche, et çavatout changer,<br />
affirme Bruno Teboul,<br />
senior vice-président science et<br />
innovation du groupeKeyrus<br />
(société de conseil en data intelligence<br />
et transformation numérique).<br />
Al’origine, l’industrie4.0 est un<br />
concept venu d’Allemagne qui a<br />
décidé de numériser et d’automatiser<br />
sesprocessindustriels avec notammentlarobotiqueindustrielle,laconnectique<br />
intelligente et le traitement<br />
du Big Data. » Mais,au-delà de cette<br />
nouvelle donne technologique, c’est<br />
toute l’architecture du secteur<br />
industriel qui s’en trouve bouleversé,estime<br />
l’expert. « L’automatisationducognitif<br />
redéfinit l’organisation<br />
de l’usine, modifie <strong>les</strong> rapports<br />
managériaux et sociaux,redessine la<br />
matrice des compétences », ajoute<br />
BrunoTeboul,quipointeégalement<br />
<strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> relations qui s’établissent<br />
entre donneurs d’ordres et<br />
sous-traitants.<br />
Outre-Rhin, on parie « sur l’efficience,ladiversification,<br />
la multiplicationdes<br />
relations et unenouvelle<br />
forme de compétitivité :lacompétitivité<br />
relationnelle »,expliquent DorothéeKohler<br />
et Jean-Daniel Weisz. Il<br />
s’agit de construire « une nouvelle<br />
économiedes complémentarités »,<br />
soulignent<strong>les</strong> auteurs, qui notent<br />
que « <strong>les</strong> industrielsallemands font le<br />
choix de s’allier pour croîtreplus vite,<br />
trouver de nouvel<strong>les</strong> sources de création<br />
de valeur,mutualiser <strong>les</strong> compétences<br />
et <strong>les</strong> moyens d’innovation,<br />
multiplier <strong>les</strong> gains d’opportunitéset<br />
conquérir de nouveaux marchés ».<br />
Le modèle bisontin<br />
Un modus operandi qui inspire à<br />
l’évidence la renaissance industrielle<br />
de Besançon. L’agglomérationfranc-comtoise<br />
asurmonté <strong>les</strong><br />
crises du passé qui ont miné son<br />
économie(Lip, Kelton-Timexdans<br />
l’horlogerie, Weil,Rhodiacetadans<br />
le textile), pour reconstruire un<br />
tissu industriel performant dans<br />
une sortedelaboratoire grandeur<br />
nature de l’industrie 4.0.<br />
Le Grand Besançon affiche un<br />
taux de chômage de 9%,bien en<br />
deçà de lamoyenne nationale, et<br />
compte « plus de 10.000 entreprises,<br />
ETI, PME et start-up », se félicite<br />
Jean-Louis Fousseret, maire<br />
(PS) etprésident de la communauté<br />
d’agglomération. « Nous<br />
Ilsont dit<br />
«Ilfaut moderniser<br />
l’appareil productif<br />
desPME en portant<br />
la vision d’uneusine<br />
innovante, compétitive,<br />
performante,<br />
sûre et attractive,<br />
en balisant l’accès<br />
aux financements<br />
et en encourageant<br />
<strong>les</strong>alliances pour<br />
le portage de projets<br />
collaboratifs<br />
ponctuels à haute<br />
valeurajoutée. »<br />
DOMINIQUE ROY<br />
Président de la CCI du Doubs<br />
Photo CCIDoubs<br />
sommestoujours une terred’innovation<br />
technologique et industrielle<br />
», s’enorgueillit l’élu, pour<br />
qui l’industrie locale asucapitaliser<br />
sur ses savoir-faire ancestraux<br />
(micro-mécanique etmicro-technologie)<br />
etses capacités (adaptabilité,<br />
circuits courts…) pour se<br />
réinventer. « Aujourd’hui, il s’agit<br />
d’aider <strong>les</strong> entreprises à réussir <strong>les</strong><br />
paris du numérique et de la montée<br />
en compétences », note l’élu. Ambition<br />
partagéepar la CCI du Doubs,<br />
dont le président Dominique Roy<br />
veut « moderniser l’appareil productif<br />
des PME en portant la vision<br />
d’une usine innovante, compétitive,<br />
performante, sûre et attractive, en<br />
balisant l’accès aux financements<br />
et en encourageant <strong>les</strong> alliances<br />
pour le portage deprojets collaboratifs<br />
ponctuels à haute valeur<br />
ajoutée. »<br />
L’Université de Franche-Comté<br />
(UFC) « joue égalementunrôle essentiel<br />
dans cette stratégie pour initier et<br />
accompagner le passage à l’industrie<br />
4.0enfavorisant la création de startupet<strong>les</strong>transfertsdetechnologiesvers<br />
«Nous sommes<br />
toujoursune terre<br />
d’innovation<br />
technologique<br />
et industrielle […]<br />
Aujourd’hui,<br />
il s’agit d’aider <strong>les</strong><br />
entreprises à réussir<br />
<strong>les</strong>paris du numérique<br />
et de la montée<br />
en compétences. »<br />
JEAN-LOUIS FOUSSERET<br />
Maire(PS)etprésident de la<br />
communauté d’agglomération<br />
Photo AFP<br />
l’industrie, notamment avec l’institut<br />
Femto ST », souligne Jacques Bahi,<br />
président de l’UFC. « C’estleplus<br />
grandlaboratoiredesciencesdel’ingénieurenFrance,centrésurlamaîtrise<br />
des micros et nanotechnologies et le<br />
développement de nouveaux composantsetsystèmes<br />
»,seféliciteJacques<br />
Bahi, qui note que « 93 start-up ont<br />
été créées par desenseignants-chercheurs<br />
oudes étudiants de l’UFC,<br />
depuis l’an 2000 ».Surtout, l’universitéestaucœurdecequifaitlaspécificité<br />
industrielle de Besançon, à<br />
savoir <strong>les</strong> liens créésentre <strong>les</strong> microtechniques<br />
et le biomédical dans<br />
une logique de complémentarité<br />
propre à l’industrie 4.0.<br />
Temis<br />
« L’agglomération apour cela fortementinvestidanssonpôled’enseignement<br />
<strong>sup</strong>érieur et dans <strong>les</strong> infrastructures<br />
adéquates », revendiqueJean-<br />
Louis Fousseret, qui donne en<br />
exemple <strong>les</strong> deux technopo<strong>les</strong><br />
Temis (microtechniques et biotechnologies),qui<br />
regroupent campus<br />
universitaire,entreprises,centresde<br />
«L’Université<br />
de Franche-Comté<br />
joue un rôle<br />
essentiel pour initier<br />
et accompagner le<br />
passage à l’industrie<br />
4.0enfavorisant la<br />
création de start-up<br />
et <strong>les</strong>transferts<br />
de technologies<br />
vers l’industrie. »<br />
JACQUES BAHI<br />
Président de l’Université<br />
de Franche-Comté<br />
Photo UFC,LudovicGodard—CC<br />
recherche et laboratoires pour<br />
encourager la fertilisation croisée<br />
du territoire industriel. « Al’origine,<br />
en 2001, Temis était centré sur <strong>les</strong><br />
microtechniques, constate Jean-<br />
LouisFousseret. Il apermis la création<br />
de 250 entreprises et de plus de<br />
3.000 emplois. Aujourd’hui, nous<br />
sommes en train de reproduire ce<br />
modèle dans le biomédical pour faire<br />
de Besançon une des capita<strong>les</strong> européennes<br />
du secteur. » Une dimension<br />
internationale fondatrice de l’industrie<br />
du futur,qui s’exprime dans<strong>les</strong><br />
communautéstransfrontalières de<br />
la recherche appliquée existant<br />
entre la Franche-Comté et la Suisse,<br />
et dans le projet de développement<br />
d’un triangle des microtechniques<br />
qui mobiliserait le FemtoST de<br />
Besançon, l’Ecole polytechnique de<br />
LausanneetleKarlsruheInstituteof<br />
Technologyallemand.<br />
— Philippe Flamand<br />
« Industrie 4.0. Les défis de la transformation<br />
numérique du modèle industrielallemand<br />
»,LaDocumentation<br />
française, Paris,mars2016.<br />
Partenariatentre<br />
entreprises :l’exemple<br />
BigUpforStartup<br />
La convention d’affaires<br />
visant à mettre en relation<br />
<strong>les</strong> jeunes pousses et des<br />
poids lourds de l’économie<br />
fait étape à Besançon.<br />
LesJournéesGranvelleorganiséesà<br />
Besançon des 19 au 21 mars<br />
accueilleront la convention d’affaires<br />
BigUp for Startup. Cet événement<br />
parrainé par le Groupe La<br />
Poste vise à faire se rencontrerd’un<br />
côté des start-up et des PME innovantes<br />
et de l’autre de grands groupesayant<br />
des besoins numériques à<br />
satisfaire. Lancé en 2015 dans le<br />
cadre de la French Tech à Montpellier,<br />
BigUp for Startup mobilise,<br />
outre La Poste, le groupe Cisco,<br />
Orange, EDF et la Caisse desDépôts.<br />
« Généralement ce sont <strong>les</strong> start-up<br />
qui tentent de rencontrer <strong>les</strong> grands<br />
groupes pour développer un volume<br />
d’affaires. Nous avons voulu renverser<br />
<strong>les</strong> choses en amenant <strong>les</strong> grands<br />
groupesdans <strong>les</strong> territoires pour leur<br />
permettre de sourcer efficacement et<br />
rapidement <strong>les</strong> start-up répondant à<br />
leurs besoins d’innovation », expliquent<br />
Lucie Phaosady et Pierre<br />
Billet, qui pilotent le programme<br />
pour La Poste.<br />
Ces entreprises lancent en amont<br />
des appels à projets relayés sur le<br />
terrain parl’écosystèmeauprès des<br />
jeunes pousses susceptib<strong>les</strong> d’être<br />
concernées. « Les entrepreneurs<br />
sélectionnés ont ainsi la certitude de<br />
pouvoir rencontrer en one to one <strong>les</strong><br />
directeurs innovation des grands<br />
groupes », précise Lucie Phaosady.<br />
« En 2016, 450 start-up ont participé<br />
aux conventionsd’affaires BigUp<br />
for Startup qui ont généré quelque<br />
388tête-à-têteavec,enmoyenne,trois<br />
rendez-vous avec des grandsgroupes<br />
parjeunepousse,pourplusde25contrats<br />
signés », détaille Pierre Billet.<br />
Rendez-vous régionaux<br />
Ces événements sont désormais<br />
organisés à l’échelon des régions<br />
avecdes appels à projets lancéssur<br />
<strong>les</strong> principa<strong>les</strong>vil<strong>les</strong> même si le rendez-vous<br />
BigUp est, lui, forcément<br />
localisé géographiquement. Le<br />
9février,une convention aainsieu<br />
lieu à Nancy quand <strong>les</strong> appels à projets<br />
préalab<strong>les</strong> avaient été diffusés<br />
sur Strasbourg,Metz et Reims.Prochains<br />
rendez-vousen2017:Montpellier-Toulouse,<br />
Nantes pour le<br />
GrandOuest, Marseille, Lille, Lyon<br />
pour Auvergne-Rhône-Alpes en<br />
octobre et Bordeaux en décembre.<br />
— P. F.<br />
450<br />
START-UP<br />
ont participé aux conventnios<br />
BigUp for Startup en 2016.<br />
Lesrencontres entrestart-up et PME innovantes, d’une part,<br />
et de grands groupes, d’autre part, se dérouleront à Besançon<br />
des 19 au 21 mars. PhotoPierreGleizes/RÉA<br />
COOPÉRATION<br />
S’allierpouraider<strong>les</strong>entreprisesàentrer<br />
dansla4 e révolutionindustrielle<br />
L’Alliance pour l’industrie<br />
du futur se déploie en<br />
régions pour accompagner<br />
<strong>les</strong> ETIetPMI à prendre<br />
le virage numérique de la<br />
4 e révolution industrielle.<br />
Diagnostic de l’un de ses<br />
représentants en régions.<br />
Olivier Bourgeois est à la tête d’une<br />
ETIfranc-comtoise (R-Bourgeois,<br />
800 salariéset140 millions d’euros<br />
de chiffre d’affairesannuel) emblématiquedel’industrie<br />
du futurdont<br />
i<strong>les</strong>t,parailleurs,porte-étendard.Ce<br />
chef d’entreprise quadragénaire,<br />
directeur général de l’entreprise<br />
familiale crééeen1929 à Besançon,<br />
pilote l’un des leaders mondiaux du<br />
découpagehaute précision de tôleries<br />
pour moteurs électriques et<br />
transformateurs. Depuis 2016, il est<br />
également l’ambassadeur régional<br />
de l’Alliance pour l’industrie du<br />
futur. Samission :mobiliser <strong>les</strong><br />
entreprisesdeBourgogne-Franche-<br />
Comté,detoutes tail<strong>les</strong> et de tous<br />
secteurs d’activité,pour <strong>les</strong> aider à<br />
prendre conscience de l’urgence<br />
qu’il yapour el<strong>les</strong> à se moderniser.<br />
« L’industriefrançaise apris beaucoup<br />
de retardet<strong>les</strong>aut à faireest<br />
d’autant plus important, estime<br />
l’industriel, alors que la mondialisation<br />
est plus forte que jamais. »<br />
L’Alliance pour l’industrie du<br />
futur est néedelavolonté des pouvoirs<br />
publics de moderniser l’appareil<br />
productif et d’accompagner <strong>les</strong><br />
entreprises industriel<strong>les</strong> dans la<br />
transformation de leurs modè<strong>les</strong><br />
d’affaires, de leur organisation,de<br />
leurs modes de conception et de<br />
commercialisation par le numérique.<br />
Cette fameuse « nouvelle<br />
France industrielle » appeléedeses<br />
vœux par le président de la République,<br />
François Hollande,en<br />
septembre 2013. C’est pour mieux<br />
accompagner ce mouvement de<br />
modernisation qu’a été créée<br />
l’Alliancequi réunit des industriels,<br />
des éco<strong>les</strong>d’ingénieurs,des organismes<br />
de recherche. Objectifs :aider<br />
<strong>les</strong> entreprises à entrer dans la<br />
4 e révolution industrielle pour produire<br />
autrement,gagner en réactivité<br />
et en compétitivité,relocaliser<br />
enFrance<strong>les</strong>activitésenagissantsur<br />
toutes <strong>les</strong> étapes delachaîne de<br />
valeur,delaconception au service<br />
après-vente en passantpar la production<br />
et la logistique. Sept grandes<br />
prioritésd’actions ont été définies<br />
pour soutenir le développement de<br />
projets industriels (digitalisation,<br />
«Ilfaut identifier<br />
<strong>les</strong> verrous<br />
existants, humains<br />
ou organisationnels,<br />
limitant l’accès<br />
aux innovations. »<br />
OLIVIER BOURGEOIS<br />
Ambassadeur de l’Alliancepour<br />
l’industrie du futur<br />
virtualisation et Internet des objets ;<br />
place de l’homme dans l’usine, cobotique<br />
et réalité augmentée;fabricationadditive(impression3D)<br />
;monitoring<br />
etcontrôle ;composites,<br />
nouveauxmatériauxetassemblage;<br />
automatique et robotique ;efficacité<br />
énergétique) etdes programmes<br />
d’accompagnement ont été mis en<br />
placedepuismai2015danslatotalité<br />
des régions avec pour objectif<br />
d’accompagner 2.000 PMI et ETI.<br />
« L’Alliancedisposepourcefaireen<br />
région de correspondants techniques<br />
capab<strong>les</strong> de réaliser des diagnostics<br />
personnalisésetdefaireconnaître<br />
aux chefs d’entreprise <strong>les</strong> technologies<br />
disponib<strong>les</strong>, explique Olivier Bourgeois.<br />
Il s’agit également d’identifier<br />
<strong>les</strong> verrous existants, humains ou<br />
organisationnels,limitantl’accèsàces<br />
innovations, d’intégrer <strong>les</strong> nouveaux<br />
concepts dans une vision “chaîne de<br />
valeur” et de réinventer le modèle économique<br />
des entreprises du futur. »<br />
Création d’une dynamique<br />
Autremission :faireconnaître aux<br />
industriels <strong>les</strong>solutions de financement<br />
existantes(prêts de bpifrance,<br />
dispositifs fiscauxd’aide à l’investissement)<br />
pour « lever <strong>les</strong> freins à<br />
l’investissement en mobilisant <strong>les</strong> ressources<br />
et <strong>les</strong> compétences »,précise<br />
Olivier Bourgeois. L’ambassadeur<br />
régional de l’Alliance note égalementque<br />
le dispositifdoit « faire<br />
remonter aux conseilsrégionaux <strong>les</strong><br />
préoccupations des chefs d’entreprise<br />
pourparvenir à mettreenplace un<br />
plan d’action.Une bonne dynamique<br />
s’estainsicrééequinousadéjàpermis<br />
d’accompagner une cinquantaine<br />
d’entreprises franc-comtoises », se<br />
féliciteOlivier Bourgeois.<br />
— P. F.
Les Echos Mercredi 15 mars 2017 SPÉCIAL TERRITOIRES // 03<br />
TÉMOIGNAGES<br />
iXblueoul’artdenaviguer<br />
dans<strong>les</strong>torrentsdel’industriehigh-tech<br />
De l’explosion de la bulle<br />
Internet au développement<br />
d’iXblue, groupeanimé<br />
comme une fédération de<br />
PME présent dans le spatial,<br />
la défense et le maritime,<br />
le parcours d’Henri Porte<br />
illustre <strong>les</strong> capacités<br />
de résilience des entrepreneurs<br />
de l’industrie.<br />
Patricia Salentey<br />
Pour cet ancien directeurde<br />
rechercheaulaboratoired’optique<br />
du CNRS à Besançon, devenu<br />
entrepreneur, <strong>les</strong> dix-sept dernières<br />
années sont riches en expériences<br />
et en rebondissements.<br />
Henri Porte, comme beaucoup de<br />
créateurs embarquéspar le maelströmd’Internet<br />
et des télécoms au<br />
tout début decesiècle, avuson<br />
marché s’effondrer un an seulement<br />
après s’être lancé. « J’ai créé à<br />
Besançon Photline Industries en<br />
2000 avec d’autres chercheurs, dans<br />
le cadredelaloi sur l’innovation et<br />
la recherche(incubateurs).C’était à<br />
la demande d’Alcatel, intéressé<br />
alorspar notretechnologie photonique.<br />
Or,dès 2001, j’ai constaté que ce<br />
marché s’effondrait. Trop d’acteurs<br />
et pas encorederevenus à la clef.A<br />
posteriori, je me dis que c’était finalement<br />
une chance pour nous, qui<br />
avions développé une technologie<br />
qu’on pouvait adapter à d’autres<br />
applications, parce que cela nous a<br />
permis d’aller plus loin », raconte<br />
celui qui est devenu directeur de la<br />
division photonique de la société<br />
qui aintégré puis racheté Photline<br />
en 2013 :iXblue (550 salariés,<br />
100 millions d’euros de chiffre<br />
d’affaires).<br />
1 PREMIÈRE RÈGLE :<br />
N’ÊTRE JAMAIS<br />
MONOMARCHÉ !<br />
Parce que <strong>les</strong> composants optiques<br />
fabriqués par Photline pouvaient<br />
être utilisésdans d’autres applications,<br />
la start-upest contactéedès la<br />
création en 2000 par iXSea, l’ancêtre<br />
d’iXblue, qui entre même au<br />
capital de la société bisontine.<br />
iXSea, spécialiste des capteurs à<br />
fibre optique pour systèmes de<br />
navigation inertiels, abesoin des<br />
modulateurs optiques développés<br />
et fabriqués par Photline. « Cette<br />
nouvelleactivité,même si<br />
aujourd’hui encorenous travaillons<br />
(environ 10 %) pour <strong>les</strong> télécoms,<br />
nousaoffert une toutautreorientationstratégiqueetdonné<br />
accès aux<br />
marchésdelanavigation maritime,<br />
la défense et l’industrie spatiale.<br />
iXSeaest alorsdevenu notre principal<br />
client et nous aouvert <strong>les</strong> portes<br />
du CNES, de l’Agence spatiale européenne,<br />
la Nasa, l’agence spatiale<br />
japonaise etc. », raconte l’entrepreneur<br />
marqué par « la leçon cruelle<br />
des télécoms ».<br />
2<br />
ACCEPTER DE SE<br />
VENDRE POUR RÉUSSIR<br />
LE REPOSITIONNEMENT<br />
« Pour aborder le marché forcément<br />
internationalduspatial, ce n’estpas<br />
évident quandonest une petite PME<br />
de 40 personnes. Même si 20 %de<br />
l’équipe est dédiée à la R&D, qu’on<br />
publie des brevets et que notretechnologie<br />
est reconnue au niveaumondial,<br />
c’est mieux d’êtreungroupe de<br />
550 personnes qui réalise 80 %de<br />
son chiffred’affaires à l’international,<br />
comme c’est le cas pour iXblue »,<br />
reconnaîtHenri Porte, qui durant<br />
«Quandonserepositionne,onsemet<br />
ensituationdefragilitéextrême »<br />
Les dirigeants de start-up<br />
industriel<strong>les</strong> doivent<br />
souvent faire pivoter leur<br />
stratégie et leur organisation<br />
par rapport à leur<br />
projet initial pour trouver<br />
leur place sur des marchés<br />
en transformation permanente.<br />
Le témoignage de<br />
Marc Bouvrot, CEO de<br />
Crystal Device Technology.<br />
Confrontésaux difficultésdePhotline Industries, Henri Porte arebondi aveciXSea, l’ancêtre de iXblue.<br />
ces dernières années négociera<br />
l’absorption de Photline pariXblue.<br />
« Le plus compliqué a été de détricoter<br />
la structurecapitalistique mise en<br />
place à l’origine delacréation,<br />
raconte HenriPorte. Je connaissais<br />
le créateur d’iXblue, fédérateur de<br />
PME dans <strong>les</strong> technologies de fibres<br />
optiques, depuis 1984, nous avons<br />
des liens industriels et personnels et<br />
partageons <strong>les</strong> mêmes aspirations<br />
technologiques.Noussommes devenus<br />
filiale en 2013 et avons intégré<br />
économie<br />
innovation<br />
société<br />
totalement le groupe iXblue en 2015.<br />
C’était le bon choix pour continuer<br />
notre développement!»<br />
Ixblue<br />
«Aborder le<br />
marché forcément<br />
international du<br />
spatial, ce n’est pas<br />
évidentquand on<br />
est une petitePME<br />
de 40 personnes. »<br />
HENRI PORTE<br />
Directeur de la division<br />
photonique d’iXblue<br />
3 JOUER LA SYNERGIE<br />
DES UNITÉS<br />
STRATÉGIQUES<br />
REGROUPÉES EN FILIÈRE<br />
« iXblue fonctionnecomme une fédération<br />
de PME constitutives d’une<br />
filièreindustrielle et technologique<br />
tournéeversl’océan et le monde de la<br />
mer.Les fonctions marketing, finances,budget<br />
RH etc.sont regroupées à<br />
Saint-Germain-en-Laye, mais nous<br />
restonsautonomes pournotredéveloppementstratégique<br />
et technologique.<br />
Et, depuis un an et demi, nous<br />
enregistrons <strong>les</strong> bénéfices de notre<br />
choix avec des signatures de contrat<br />
pourl’optique dansl’espace important<br />
», explique Henri Porte ajoutant<br />
: « Sur notresite de Besançon,<br />
sur la Technopolemicrotechnique et<br />
scientifique (Temis),qui a été inauguré<br />
le 9mars2017, nous maîtrisons<br />
tout de A à Z. Ce sont des marchésde<br />
petits volumes à valeur ajoutée, <strong>les</strong><br />
opérations d’intégration sous binoculairenesontpas<br />
robotisées. Pour<br />
nous, l’industrie 4.0, c’est l’industrie<br />
spatiale, l’exploration océanique, <strong>les</strong><br />
satellites qui communiquent entre<br />
eux par faisceaux laser…mais aussi<br />
l’héritagedusavoir-faireenmatière<br />
de microtechnique de la filière horlogère<br />
locale. » n<br />
`<br />
SUR<br />
LESECHOS.FR<br />
•L’usine du futur sera<br />
numérique :Internet<br />
desobjets, cobotique,<br />
simulation... <strong>les</strong><strong>echos</strong>.fr/<br />
thema/cloud-2016<br />
•Les«smart buildings »<br />
réorganisent et bousculent<br />
l’industrie du bâtiment<br />
<strong>les</strong><strong>echos</strong>.fr/thema<br />
MarcBouvrot-Parratte acréé CrystalDevice Technologyen2011.<br />
Photo Crystal Device Technology<br />
QuandilcréeCrystalDevice Technology<br />
en2011 à Besançon, Marc<br />
Bouvrot-Parratte (4 salariés,<br />
200.000 eurosdechiffre d’affaires)<br />
vise le marché des télécoms par<br />
fibre optique. Fort du développement<br />
d’une technologie originale<br />
de microcomposants électro-optiques,développéedanslecadredesa<br />
thèse de physique, il réalise au bout<br />
de deux ans que le marché en questionestdéjàmatureetdécided’anticiper<br />
sans plus attendre unereconversion<br />
sur des marchésplus<br />
porteurs.<br />
« En 2013 et pendant un an,<br />
accompagnés par un cabinet extérieur,<br />
nous avons regardé ce qu’on<br />
pouvait faireavecnotretechnologie<br />
pour d’autres matériauxetusages.<br />
La grande tendance qui s’imposait<br />
était le tout connecté », observe-t-il.<br />
« Aussi nous nous sommes inscrits<br />
dans la problématique de l’énergie<br />
auto-rechargeable, pour rendre<br />
autonomes ces objets. C’estdevenu le<br />
cœur de notrenouveau champ<br />
d’action. Notretechnologie est compatible<br />
avec <strong>les</strong> matériaux intelligents,<br />
aussi nousproposons dessolutions<br />
innovantes et performantes<br />
pour améliorer la récupération<br />
d’énergie. » Un premier exemple<br />
concret :recharger la batterie d’un<br />
smartphone avec des semel<strong>les</strong> de<br />
chaussures connectées. « Nous<br />
avons réalisé le premier prototype en<br />
2016 », expliqueleCEO de la<br />
start-up qui développe également<br />
des solutions pour l’horlogerie<br />
(montressuisses)etlebiomédical.<br />
«Ilafallu<br />
s’autofinancer<br />
pendant six mois<br />
et absorber <strong>les</strong><br />
ressources que nous<br />
avions. Si celaavait<br />
duré deux mois de<br />
plus, on n’existait<br />
plus ! »<br />
MARC BOUVROT-PARRATTE<br />
CEO de Crystal Device<br />
Technology<br />
Tributaire des choix<br />
des gros acteurs<br />
« Nous avons anticipé la fermeture<br />
du marché des télécomsetdonc accéléré<br />
notrerepositionnement », explique<br />
le jeune président. « Nossolutions<br />
de récupération de l’énergie<br />
produitelorsdedéplacements (mouvements,<br />
marche, voiture…)pour des<br />
objets connectésont immédiatement<br />
suscité de l’intérêtetgénéréde nombreux<br />
contacts. Mais le temps des<br />
gros acteurs de l’électronique n’est<br />
pas le même quecelui des start-up.<br />
Les commandesfermesnesont pas<br />
venues vite. Pendant six mois, ila<br />
fallu s’autofinancer et absorber <strong>les</strong><br />
ressources que nous avions. Si cela<br />
avait duré deux mois de plus, on<br />
n’existait plus !»constate rétrospectivement<br />
Marc Bouvrot-Parratte,<br />
quienregistre une remontée<br />
du chiffre d’affaires depuisledébut<br />
de l’année. Et d’ajouter « c’est extrêmement<br />
difficile pour une start-up<br />
de se repositionner, on se metsituation<br />
de fragilité extrême. On ne maîtrise<br />
pas notre avenirqui dépenddes<br />
choix de gros clients. L’industrie 4.0,<br />
c’est compliqué pour <strong>les</strong> technologies<br />
en amont.Aussiinnovantes et performantes<br />
soient-el<strong>les</strong>,onest tributairedes<br />
tendances quedécident <strong>les</strong><br />
grands industriels ».<br />
— P. S.<br />
Comment<br />
l’industrie<br />
et <strong>les</strong> serviCes<br />
se réinventent<br />
grâCe au numérique ?<br />
19-20-21<br />
mars 2017<br />
www.investin<strong>besancon</strong>.fr<br />
JC.AUGÉ -2017
04 // SPÉCIALTERRITOIRES Mercredi 15 mars 2017 Les Echos<br />
FILIÈRES// Structuresderecherche,organismes de formation,entreprises et collectivitéssesont rapprochéspour<br />
constituer un cercle vertueux et développer <strong>les</strong> dispositifs médicaux et médicamentsdedemain. ABesançon, le<br />
terreau local des microtechniques et recherches en biothérapie afacilité l’émergence d’un écosystème innovant.<br />
Entreprises,collectivités,enseignement :<br />
danslasanté,unionsacréepourl’innovation<br />
Monique Clemens<br />
@mo_clemens<br />
—Correspondante à Besançon<br />
Recherche:trois exemp<strong>les</strong>denouvel<strong>les</strong>solutions<br />
S’il est un domaine qui fait<br />
des pas de géant, c’est bien<br />
celui de la santé. L’avenir<br />
est aujourd’hui aux biomédicaments,<br />
aux implants biorésorbab<strong>les</strong>,<br />
à la chirurgie mini-invasive.<br />
Mais suivre le mouvement et<br />
industrialiser de façon réactiveces<br />
nouveaux médicaments et dispositifsmédicaux<strong>sup</strong>poseunécosystème,<br />
une convergence de vues des<br />
organismes de recherche, des<br />
industriels, et des acteurs publics,<br />
dont <strong>les</strong> collectivités. Cette convergence<br />
et cette union sacrée existent<br />
à Besançon,el<strong>les</strong> sontici liées<br />
à l’histoire :unsavoir-faire microtechnique<br />
–toujourslui –, hérité de<br />
l’horlogerie et dont la grande précision<br />
atrouvé une voie de diversification<br />
dans le médical, gourmand<br />
de petit, mini,microet<br />
même nano, d’unepart ;et<br />
l’implantation de l’Etablissement<br />
français du sang(EFS)Bourgogne-<br />
Franche-Comté, d’autre part, très<br />
actif sur <strong>les</strong> cellu<strong>les</strong> souches hématopoïétiques.I<strong>les</strong>tsituétoutcontre<br />
le CHU Jean-Minjoz, précieux partenaire,<br />
sur le site des Hauts-de-<br />
Chazal, qui est en train de se transformer<br />
en un pôle Santé. Ou, plus<br />
précisément, en une déclinaison<br />
santé de Témis, le parc technologique<br />
et scientifique que pilote le<br />
Grand Besançon.<br />
Emmanuel Eme<br />
L’anti-inflammatoirenaturel de Med’in’Pharma<br />
Trois ans après avoir déposé son brevet,Sylvain<br />
Perruche, chercheur intégréàl’UMR 1098 de l’Inserm,<br />
rattachée à l’EFS, à Besançon, vient tout juste de créer<br />
Med’Inn’Pharma, la start-up qui lui permettradelancer<br />
SuperMApo, un médicament de thérapie innovantepour<br />
traiter <strong>les</strong>maladiesinflammatoires,tel<strong>les</strong>que la polyarthriterhumatoïde<br />
ou la maladie de Crohn.SuperMApo<br />
estissud’unphénomène naturel:la mort naturelle des<br />
cellu<strong>les</strong>, ou apoptose, qui produit desfacteursantiinflammatoires.Les<br />
essais cliniquespourraient<br />
commencer dans dix-huit mois.<br />
DR<br />
Le gène suicide de Side by CIDe<br />
L’UMR 1098(encoreelle)est à l’origine d’un médicament<br />
de thérapie génique qui aobtenu en 2016 le feuvert de<br />
l’Agencenationale de sécurité du médicament pour la<br />
phase de production du protocole. Le premier patient en<br />
bénéficieraavant l’été dans le service de greffeduCHU<br />
Minjoz. Développé par MarinaDeschamps et Christophe<br />
Ferrand, Side by CIDeest destinéàprévenir <strong>les</strong>fréquentescomplications<br />
desgreffes de moelle osseuse.<br />
« L’idéeest d’inclureungène suicide déclenché<br />
par une molécule-médicament », explique Pascal Morel,<br />
directeur de l’EFS Bourgogne-Franche-Comté.<br />
DR<br />
UCPVax, le vaccinthérapeutique anticancer<br />
Depuis 2009,une équipebisontined’une quinzaine de<br />
chercheurs et médecins oncologuesduCHRU, de<br />
l’Inserm, du CIC et de l’EFS travaille sur un vaccin anticancer<br />
universel. Baptisé «UCPVax »,cevaccin esten<br />
phase clinique,testé sur 54 patientsatteintsd’uncancer<br />
despoumons dans<strong>les</strong> CHU de Besançon, Dijon, Paris et<br />
Strasbourg. Conçu pour activer descellu<strong>les</strong>dusystème<br />
immunitaireparticulièrement efficaces contrelatumeur,<br />
il cible la télomérase, une enzyme présentedans la<br />
plupart descancersetqui leur confèreunpouvoir<br />
d’immortalité.<br />
Un cercle vertueux<br />
Al’histoire s’ajoutent souvent des<br />
histoires d’hommes. Florent<br />
Guyon,àluiseul,incarneassezbien<br />
l’écosystème local. Chargé de développement<br />
chez Statice Santé,une<br />
« grande sœur » pour de nombreuses<br />
PME et start-up venues s’installer<br />
dansl’ex-capitale horlogère, il a<br />
participé àla création de l’ISIFC,<br />
l’Institut de formation d’ingénieurs<br />
de Franche-Comté spécialisé en<br />
biomédical,oùiloccupeunposte<br />
d’enseignant à mi-temps.Mais il est<br />
aussileprésident d’Innov’Health, le<br />
cluster impulsé parlepôle de compétitivité<br />
Microtechniques, lancé<br />
en 2016, après la labellisation<br />
FrenchTechduGrandBesançonen<br />
catégorie « biotech medtech », et<br />
qui rassemble 95 start-up ouPME<br />
de Bourgogne-Franche-Comté.<br />
Des histoires d’hommes et de cerc<strong>les</strong><br />
vertueux comme celle-ci, il yen<br />
a beaucoup d’autres entre Temis et<br />
<strong>les</strong>Haut-de-Chazal. Même si Statice<br />
fait figure de pionnier : son fondateur,<br />
Serge Piranda, avait, le premier,<br />
initié une commission santé<br />
au pôle de compétitivité Microtechniques.<br />
Benoît Studlé, son actuel<br />
président, fait d’ailleurs partie<br />
de la commission start-up<br />
d’Innov’Health. « Il peut ainsi indiquer<br />
comment éviter <strong>les</strong> obstac<strong>les</strong> »,<br />
avanceFlorentGuyon.« Ilyaicitout<br />
ce qu’il faut : des circuits courts, de<br />
l’expérience cumulée, des compétences<br />
techniques », ajoute l’intéressé.<br />
« Oui, clairement, il yaune vraie<br />
convergence et une politique de site<br />
de tous <strong>les</strong> acteurs », confirme<br />
Macha Woronoff,vice-présidente<br />
du CHU Jean-Minjoz en charge de<br />
la recherche clinique et de l’innovation.<br />
« Un vrai système qui nous conforte<br />
<strong>les</strong> uns <strong>les</strong> autres :leCentre<br />
d’investigation clinique avec un<br />
module technologique et un<br />
deuxième axesur <strong>les</strong> biothérapies ;<br />
l’EFS et sa plate-forme de développement<br />
de médicaments de thérapies<br />
innovantes;l’institutFemtoquiestla<br />
plus grosse concentration en France<br />
de recherche ensciences del’ingénieur<br />
;leCHU ;<strong>les</strong> politiques… Cette<br />
convergence, c’est notreforce. Quant<br />
aux circuits courts, ils nous permettent<br />
de nous mobiliser très vite. »<br />
De cet écosystème naissent de<br />
«Ilya[àBesançon]<br />
tout ce qu’il faut :<br />
des circuitscourts,<br />
de l’expérience<br />
cumulée,<br />
des compétences<br />
techniques. »<br />
FLORENT GUYON<br />
Chargé de développement<br />
chezStatice Santé<br />
nombreux projets. Entre l’outil<br />
CIC-IT (unité mixte de recherche<br />
hospitalière labellisée Inserm,<br />
crééeen2006), destinéàindustrialiser<br />
des procédés ouprocessus,<br />
que dirige le professeur Emmanuel<br />
Haffen, et l’équipe Inserm (UMR<br />
1098)del’EFS, par exemple, le courant<br />
passe très bien. « L’EFS développedes<br />
innovationsenrecherche<br />
préclinique que nous testons chez<br />
des premiersmalades avant d’élargir.<br />
Et, de plus en plus, nous cherchons<br />
à associer de nouveaux dispositifs<br />
médicaux auxnouveaux<br />
médicaments.C’est le cas, par exemple,<br />
avec le projet Smart Transfuser,<br />
qui automatise la transfusion sanguine<br />
avec testsaulit du malade. »<br />
Directeur de l’EFS Bourgogne-<br />
Franche-Comté, Pascal Morel se<br />
félicitelui aussi du cercle vertueux<br />
localdans lequel est venu s’impliquer<br />
Femto-ST, notamment avec<br />
Biom’@x, un axederecherche pluridisciplinaire.<br />
« Nous avons maintenant<br />
le terrain de jeu dont nous<br />
avons besoin. » Il évoque un projet<br />
en gestation, structurant, et qui<br />
impliquera chercheurs etentreprises.<br />
Nom decode :MiMedI, pour<br />
« microtechniques pour médicamentsinnovants<br />
».« Nousvendrons<br />
un concept complet :lalicence du<br />
médicament et <strong>les</strong> entreprises loca<strong>les</strong><br />
qui viendront installer, sur place,<br />
l’outil industriel pour fabriquer le<br />
médicament. Ce sera unnouveau<br />
modèle en santé. » Une piste pour<br />
l’industrie 5.0, peut-être ? n<br />
FORMATION<br />
L’ISIFC,l’écoled’ingénieursàlatripleculture<br />
L’école forme chaque année<br />
50 ingénieurs très demandéspour<br />
la complémentarité<br />
de leur bagage.<br />
Autre originalité :Biotika,<br />
son entreprise intégrée.<br />
Despatchssoup<strong>les</strong>,desinstruments<br />
chirurgicaux,desvalvescardiaques,<br />
des prothèses actives, des matériaux<br />
biorésorbab<strong>les</strong>… Dispositifs<br />
médicaux et implants de toutes sortes<br />
s’affichent dans<strong>les</strong> couloirsde<br />
cette école d’ingénieurs à taille<br />
humaine(156étudiants),spécialisée<br />
dans le dispositif médical. L’ISIFC<br />
avait été crééepar l’Université de<br />
Franche-Comté en 2001 et forme<br />
chaque année50ingénieursbiomédicaux,dont50%sontembauchésà<br />
la fin de leur stage de troisième<br />
annéeet80%deux mois après avoir<br />
été diplômés. Parmi eux, 22 %restent<br />
dans le tissulocal, 22 %partent<br />
en Suisse et 22 %partent en Rhône-<br />
Alpes. « Nos élèvessont très demandés.<br />
L’un d’entre eux est parti au<br />
CNES, en Hollande, un autre à Singapour,<br />
à l’InstitutPasteur », explique<br />
VincentArmbruster,ledirecteur.<br />
Anticiper la réglementation<br />
européenne<br />
Alors que l’UT Compiègne et l’Isis<br />
de Castres forment respectivement<br />
des spécialistesdel’ingénierie hospitalière<br />
et de l’e-santé,l’originalité<br />
de l’ISIFCréside danssatriple culture<br />
:technique, médicale et réglementaire.<br />
Cette dernière matière<br />
est enseignéepar Stéphanie François.<br />
Enseignante-chercheuse associée,<br />
elle partageson temps entre<br />
l’ISIFC et le CHU Jean-Minjoz, où<br />
elle pilote des essaiscliniques. « On<br />
essaie d’anticiper la réglementation<br />
européenne pour <strong>les</strong> dispositifs<br />
L’école d’ingénieursspécialiséedansledispositif médical<br />
et installé sur Temis compte156 étudiants. PhotoF-ZahraAit Aqqa<br />
médicaux qui devrait tomberd’ici fin<br />
2017.Al’ISIFC,onprend une petite<br />
avance. C’est l’avantage d’avoir un<br />
pieddans le monde du travail,onest<br />
danslecircuit court », indique-t-elle.<br />
Responsable des stages industriels,Florent<br />
Guyon,lui aussi, partage<br />
sontemps entre l’ISIFCetStatice,<br />
entreprise locale pionnière<br />
(voir page 5). Lui s’occupedebâtir<br />
des ponts entrel’école et le monde<br />
économique, du tissu local à l’international.<br />
En troisième année, ils<br />
sont 80 % à partirenstage à l’étranger,<br />
sur toute laplanète. Florent<br />
Guyon afait partie des fondateurs<br />
de l’école et il est à l’initiative de<br />
la Rentrée dudispositif médical,<br />
une rencontre professionnelle et<br />
technique qui réunit 200 personnes<br />
chaqueannée.<br />
L’ISIFC dispose de ses propres<br />
locaux depuis 2009, sur Témis, à<br />
quelques centainesdemètres de<br />
l’ENSMM. Al’étage,une salle de travaux<br />
pratiques aveccolon artificiel,<br />
vidéoscope, fibroscope… « Les élèves<br />
reproduisent <strong>les</strong> gestes du chirurgien<br />
», raconte le directeur. « Pour<br />
cette maquette de colon, par exemple,<br />
ils vont aller chercher <strong>les</strong> polypes qui<br />
sont à l’intérieur. Le but est de comprendre<br />
lejargon dumétier et <strong>les</strong><br />
besoins. » Acôté,une salle électronique<br />
pour la mise en œuvre de systèmes<br />
comme le pacemaker ou l’éthylotest.Plusloin,unesallepourtoutce<br />
qui touche à la physique des ondes,<br />
puisuneautredédiéeauprototypage<br />
3D, équipéededeux imprimantes.<br />
Le dernier bureau est celui de<br />
Biotika, une junior entreprise dont<br />
le concept et le nomont été déposés<br />
à l’Inpi, qui recrute sur CV et lettre<br />
de motivation et est éligible au créditimpôt-recherche.«<br />
C’estaussiun<br />
bureau d’études, un module de fin<br />
d’étudesetune cellule de préincubation<br />
», explique sa responsable,<br />
Nadia Butterlin. — M. Cl.
LesEchos Mercredi 15 mars 2017 SPÉCIAL TERRITOIRES // 05<br />
CASD’ÉCOLE<br />
Dispositifsmédicaux:Statice<br />
toujoursenpoleposition<br />
CASD’ÉCOLE<br />
RD-Biotechs’impose<br />
dans<strong>les</strong>anticorps<br />
monoclonaux<br />
Fondéepar deux anciens<br />
de Lip, la société de R&D et<br />
de production d’implants et<br />
de dispositifs mini-invasifs<br />
vient d’investir dans une<br />
machine d’électrofilage.<br />
MoniqueClemens<br />
@mo_clemens<br />
—Correspondante à Besançon<br />
Chez Statice, l’industrie 4.0, « on y<br />
est », assureson président. Le travail<br />
à la maincôtoie <strong>les</strong> machines<br />
« tout-numérique », notamment<br />
pour la transformation de la<br />
matière. En février 2016, la société<br />
spécialiséedans <strong>les</strong> implants et <strong>les</strong><br />
dispositifs mini-invasifs avait<br />
investi dansune machine d’électrofilage<br />
(électrospinning) permettant<br />
de réaliserdel’ingénierie tissulaire<br />
et, par exemple,dereconstituer des<br />
organes. « Avant, nous utilisionsdu<br />
silicone médical ;aujourd’hui, nous<br />
avons desmatériaux plus pointus:<br />
des polymères techniques, transforméspar<br />
moulageouélectrofilage, et<br />
dontlemaillagealéatoirepermetaux<br />
cellu<strong>les</strong> souches de bien s’accrocher,<br />
explique Benoît Studlé, président<br />
de Statice. Le corps accepte mieux ce<br />
type de matériaux. »<br />
Statice avait été créé en 1978 par<br />
Char<strong>les</strong> Naly et SergePiranda, deux<br />
ex-ingénieurs de Lip, l’entreprise<br />
horlogère dont lalutte sociale<br />
venaitdefaire vibrer toute la<br />
France.Cesont sans doute eux qui,<br />
Staticeemploie aujourd’hui 100 personnes,dont 30 en R&D<br />
et 70 à la production. Photo Statice<br />
<strong>les</strong> premiers,avaient sentilepotentiel<br />
de diversification des microtechniques<br />
horlogères dans le<br />
médical. En 1991, Serge Piranda<br />
avait d’ailleurs lancé Statice Santé,<br />
une filiale spécialiséedans <strong>les</strong>dispositifsmédicaux<br />
qui, depuis, joue<br />
un rôle de chef de file de la filière<br />
locale.<br />
Trente ans après la création, <strong>les</strong><br />
fondateursont transmis la sociétéà<br />
trois de leurscadres, qui l’ont réorganiséeen2012<br />
:plusdefilia<strong>les</strong>anté<br />
désormais mais une R&Dcommune,<br />
microtechniques et biomatériaux,<br />
au sein de Statice Innovation,<br />
d’unepart,ettoute la<br />
productionréunieauseindeStatice<br />
Manufacturing,d’autre part. Ainsi<br />
structurée, la société vend du service<br />
et sait produire, essentiellement<br />
pour des start-up (<strong>les</strong> deux<br />
tiersdesesclients).« Lesdeuxactivitéssont<br />
raresdans unemême société<br />
et s’enrichissent mutuellement :<br />
ainsi, on connaît<strong>les</strong> comportements<br />
des procédésenproduction », ajoute<br />
BenoîtStudlé.<br />
Aujourd’hui, Statice emploie<br />
100 personnes, dont 30 en R&Det<br />
70 à la production, et aréalisé, en<br />
2016, un chiffred’affaires de 10 millions<br />
d’euros, dont 18 % à l’export.<br />
« Nous sommes à 10 millions depuis<br />
trois ans, mais nous devrions faire<br />
2%de mieux en 2017. Quant à<br />
l’export, nous visons un tiers d’ici à<br />
cinqans.Nous avonsune bonne cote<br />
en France,nous devons maintenant<br />
nous faire connaître à l’extérieur<br />
avec nos implants polymères<br />
implantab<strong>les</strong>,par exemple. »<br />
Une centaine<br />
de projets par an<br />
Labellisé SRC (société de recherche<br />
sous contrat), Statice est<br />
impliqué dans une centaine de<br />
projets par an, et, parmi eux, quelques-uns<br />
très prometteurs :le<br />
projet de pancréas artificiel Mailpan,<br />
mené depuis 1998 avec la<br />
société alsacienne Defymed et le<br />
Centre de transfert de technologie<br />
du Mans (CTTM), qui en est au<br />
stade des essais cliniques ;leprojet<br />
retenu par le FUI et baptisé<br />
« Fassil », encollaboration avec<br />
Lyonbiopôle, Alsace BioValley et<br />
le pôle Microtechniques, qui vise<br />
un prototype d’imprimante 3D<br />
pour du silicone médical implantable<br />
;ouencore le projet européen<br />
Esotrac, qui vient de démarrer<br />
et apour objectif d’intégrer,<br />
dans des cathéters, deux technologies<br />
complémentaires, ultrasons<br />
et opto-acoustique. n<br />
La PME de Besançon a<br />
racheté Diaclone en 2012,<br />
puis participéàla<br />
création d’une start-up<br />
belge en 2015. Elle est<br />
en pleine croissance.<br />
Docteur en biochimie,Philippe<br />
Dulieu est en traindeconstituer<br />
unpetitgroupequicomptedansle<br />
monde des anticorps monoclonaux.<br />
Ces molécu<strong>les</strong> issues d’une<br />
seule souche de lymphocytes –<strong>les</strong><br />
mêmes que le système immunitaire<br />
produit naturellement –<br />
étaient, à l’origine, destinées à des<br />
méthodesdediagnostic,maissont<br />
de plus en plus utilisées comme<br />
solutions thérapeutiques.<br />
Complémentarité<br />
En 2002, Philippe Dulieu avait<br />
fondéàBesançon RD-Biotech.<br />
Cette société de services s’adresse<br />
à l’industrie pharmaceutique et<br />
aux industrielsdes biotechnologiesenFrance,<br />
en Suisse,en<br />
Europeetaux Etats-Unis :detrès<br />
gros industriels commeSanofi, et<br />
destoutpetits,quin’ontpasencore<br />
de laboratoire, mais ont déjà levé<br />
desfonds,etpour<strong>les</strong>quelsl’équipe<br />
bisontine construit des prototypes.<br />
« Notresavoir-faire, c’estd’élaborer<br />
des molécu<strong>les</strong> au stade préclinique,<br />
puis des médicaments »,<br />
explique-t-il. Dix ans plus tard, en<br />
2012,RD-Biotech rachetait Diaclone,<br />
un « spin-off » de l’EFS<br />
Bourgogne-Franche-Comté,<br />
repris quelques années plus tôt<br />
par un groupe américain, Gen<br />
Probe, quin’avait passulevaloriser.Leholding<br />
BiotechInvestissementest<br />
né cette année-là pour<br />
porter <strong>les</strong> deux structures.<br />
Ce retour à des capitaux français<br />
et à une stratégie claire allait<br />
redonner à Diaclone toute sa<br />
dimension. Créé en1986, Diaclone<br />
produit des tests de diagnostic et<br />
des anticorps qui font référence.<br />
« Les savoir-fairedeRD-Biotechet<br />
de Diaclone sont complémentaires,<br />
<strong>les</strong> deux entreprisessontclientsfournisseurs<br />
l’une de l’autre »,<br />
ajoute PhilippeDulieu, président<br />
de Biotech Investissement. Le troisième<br />
étagedelafuséeest venu<br />
s’ajouter fin 2015 aveclaparticipation<br />
dugroupe à la création de<br />
Synabs, une start-up belge qui<br />
exploite une licence pour d’autres<br />
anticorps développéspar l’université<br />
de Louvain. « Nous avons ainsi<br />
une expertise complète, une complémentarité<br />
de marchés etune<br />
synergie dans <strong>les</strong> technologies. »<br />
Basé àBesançon, le groupe<br />
emploie 55 personnes. Il aréalisé<br />
6millions d’euros dechiffre<br />
d’affaires en 2016, marqué parla<br />
croissance de 50 %deRD-Biotech<br />
ces deux dernières années et<br />
par une petite croissance retrouvée,<br />
depuis son rachat, pour Diaclone,<br />
grâce à des économies de<br />
gestion et à l’apport en soustraitancedugroupe.Aveclamontée<br />
enpuissance des biothérapies,<br />
RD-Biotech adebeaux jours<br />
devant lui. Prochaine étape:des<br />
locaux propres. — M. Cl.<br />
CASD’ÉCOLE<br />
Biotech,medtech,e-santé:<br />
placeauxjeunespousses<br />
Une solution de télémédecine,<br />
un guidage 3D pour<br />
la chirurgie orthopédique,<br />
un traitement des varices<br />
par vapeur d’eau ou une<br />
méthode de chirurgie<br />
pour cordes voca<strong>les</strong>…<br />
Les start-up arrivent.<br />
Plusieursstart-up bisontines<br />
ont déjàétéreprisespar de<br />
grands groupes. Photo Shutterstock<br />
Onefit Medical, Stemcis, Smaltis,<br />
Miravas, Amarob…El<strong>les</strong> sont<br />
encore petites et, pour certaines, à<br />
peine nées, mais ces start-up sont<br />
promises à un belavenir.Comme<br />
Covalia, qui s’était spécialisé dans<br />
<strong>les</strong> solutions de télémédecine et<br />
avait intégré le groupe IDO-in en<br />
2014 (qui vient à son tour d’être<br />
repris par l’éditeur desolutions<br />
dédiées aux établissements de<br />
santé Maincare), <strong>les</strong> deux premiers<br />
ont déjàétérachetéspar plus gros<br />
qu’eux :OnefitMedical, le bébé de<br />
SébastienHenry, quiavaitconçuun<br />
logiciel deplanification et de guidage3Dpour<br />
la chirurgiedelaprothèse<br />
de hanche, avait rejoint la<br />
société parisienneEOS Imaging en<br />
2013, deux ans après sa création. Un<br />
an plus tard, il obtenait l’agrément<br />
de la FDA pour aborder le vaste<br />
marché américain et employait<br />
20 salariés.<br />
Néen2008surl’îledelaRéunion,<br />
où s’étaient rencontrésRégis Roche<br />
et Franck Festy, sesdeux créateurs<br />
docteurs en biologie cellulaire,<br />
Stemcis s’était finalement implanté<br />
à Besançon en 2013 pour se rapprocherd’Alcis<br />
et Statice, ses partenaires<br />
industriels.Son credo :letissu<br />
adipeux, qu’il prélève, traite et réinjecte<br />
au patient dans le même<br />
temps opératoire pour desapplications<br />
esthétiques ou de régénération,<br />
en chirurgie musculo-squelettique<br />
ou en urologie, par exemple.<br />
« On a également une étude clinique<br />
en courspour le traitement de l’arthrose,<br />
et on développe aussi, avec<br />
l’UMR 1098, un nouveau produit<br />
permettant de purifier <strong>les</strong> plaquettes<br />
sanguines », confie Régis Roche.<br />
C’est lui qui acréé et pilote <strong>les</strong>ite<br />
bisontinemployant 7des 13 salariés<br />
du petitgroupe racheté en 2015par<br />
le français DMS (Diagnostic Medical<br />
System), un concurrentd’EOS<br />
Imaging, justement. Stemcis aréalisé<br />
0,5 million d’euros de chiffre<br />
d’affaires en 2016,mais viseledouble<br />
pour 2017 et devrait recruter<br />
deux personnes <strong>sup</strong>plémentaires<br />
cette année, notamment pour le<br />
développement international.<br />
Smaltis est juste en face, sur le<br />
même palier,audeuxième étage de<br />
Bioparc 1, sur Témis Santé. Cette<br />
troisièmestart-up, quiemploiedéjà<br />
six personnes,aétécrééeen<br />
avril 2014 par Cédric Muller et<br />
Sophie Guénard, tous deux docteurs<br />
en bactériologie –etpursproduits<br />
de l’université de Franche-<br />
Comté –, pour assurer des<br />
prestations de servicesenbactériologieetenbiologie<br />
moléculaire et<br />
cellulaire. « Nosclients, ce sont des<br />
laboratoirespublicsouprivésquitravaillent<br />
dans ces trois domaines et<br />
nous confient des prestations sur<br />
mesure », explique Sophie Guénard.<br />
« Pour l’un d’eux, nous testons<br />
une nouvelle molécule antibactérienne.<br />
Nous sommes aussi en train<br />
de développerune technique particulière<br />
d’inactivationgéniquedesbactéries<br />
pour identifier <strong>les</strong> fonctions<br />
d’une protéine, et nous travaillons<br />
également avec l’EFS surdes kits de<br />
diagnostics pour choisirlameilleure<br />
thérapie pour un cancer. » En 2016,<br />
pour son deuxième exercice, Smaltis<br />
apulvérisé son business plan en<br />
réalisant336.000eurosdechiffre<br />
d’affaires enprestation, contre<br />
220.000 attendus.<br />
Le prix Galien 2016<br />
Plus jeunes, Miravas et Amarob<br />
sonttout aussi prometteurs.Lepremieraétéfondé<br />
par Nicolas<br />
Rauber,ingénieur microtechnique<br />
formé au génie biomédical, qui a<br />
mis au point la Vbox,undispositif<br />
de traitement des varices par<br />
vapeur d’eau. Crééedébut2015,la<br />
start-up a été sélectionnéepour le<br />
prestigieuxprixGalien2016récompensant<br />
la recherche pharmaceutique<br />
et <strong>les</strong> innovations thérapeutiques,etelleestenpleindéveloppement<br />
commercial. Quant à Amarob,<br />
en incubateur sur Témis, il<br />
peaufine une solution de chirurgie<br />
laser pour réparer <strong>les</strong> cordesvoca<strong>les</strong><br />
grâce à un endoscope équipé<br />
d’un microrobot.C’est d’ailleurs la<br />
microrobotique, une expertise de<br />
Femto-ST, qui avait attiré ce Péruvien<br />
installé àParis dans la ville<br />
microtechnique. n
06 // SPÉCIALTERRITOIRES Mercredi 15 mars 2017 Les Echos<br />
TRANSFORMATION//Les grandes heures horlogères de Besançon se sont envolées avec Lip. Mais <strong>les</strong> savoir-faire sont<br />
restés, qui inspirent de jeunes créateurs indépendants ou qui se sont diversifiésdans le cuir,labijouterie ou la joaillerie.<br />
Lesnouveauxvisages<br />
del’horlogerieetduluxe<br />
Monique Clemens<br />
@mo_clemens<br />
— Correspondante à Besançon<br />
Le luxe change devisage.<br />
L’enjeu, aujourd’hui, est<br />
celui de la transparence et<br />
de la traçabilité. « C’est ceque<br />
demandent <strong>les</strong> générations X, Yet<br />
Millennium, en plus d’une qualité<br />
irréprochable et, désormais, d’un<br />
moindreimpact des fabrications sur<br />
l’environnement », explique<br />
Mathilde Passarin, directrice de<br />
l’association Luxe &Tech, qui<br />
fédère 30 PME loca<strong>les</strong>, entre<br />
Besançon et la Suisse, soit près de<br />
1.500 emplois et 18 %del’emploi<br />
total duluxe enFranche-Comté,<br />
indique-t-elle. Des découpeurs,<br />
polisseurs, spécialistes de microtechniques<br />
qui, après avoir longtemps<br />
vécu dans la plus grande discrétion,<br />
sans souci dulendemain,<br />
se positionnent aujourd’hui<br />
comme apporteurs de solutions<br />
avec des savoir-faire ultra-précis et<br />
complémentaires.<br />
Pendant ce temps, à Besançon,<br />
une nouvelle génération d’horlogers<br />
est en train de naître, qui<br />
répond à cette aspiration à plus de<br />
transparenceet deraison. Lesmarques<br />
Lornet, Phenomen, Humbert-Droz,<br />
M. Benjamin… commencent<br />
à se faire un nom chez <strong>les</strong><br />
amateurs de bel<strong>les</strong> mécaniques.<br />
El<strong>les</strong> ne remplaceront pas <strong>les</strong> grandes<br />
marques suisses, ne créeront<br />
pas des dizaines de milliers<br />
d’emplois, comme l’ancienne capitale<br />
horlogère apuenconnaître<br />
avant la crise du quartz, mais el<strong>les</strong><br />
sont <strong>les</strong> nouveaux visages de l’horlogerie<br />
:descréateursquiaimentle<br />
produit, associent leurs sous-traitants<br />
à leur image, visent un prix<br />
juste et plus astronomique, et utilisent<br />
<strong>les</strong> réseaux de distribution<br />
qu’ils ont sous la main :lavente<br />
directe, Internet,<strong>les</strong> réseaux<br />
sociaux.<br />
« Prises de risques »<br />
C’est ce lien direct avec le client qu’a<br />
voulu créer PhilippeLebru,<br />
l’homme qui aréveillé l’horloge<br />
comtoise et l’auteur,aussi, d’horlogesmonumenta<strong>les</strong>comme<br />
cellede<br />
la gare TGVdeBesançon. Fin2015,<br />
il aouvert une boutique-atelier en<br />
face du Musée duTemps pour<br />
montrerson travail et celui<br />
d’autres créateurs desatrempe.<br />
« Des créateurs comme FOB, MarchLab<br />
ou OlivierJonquet, qui<br />
assemblent leurs montres à Besançon<br />
et qui, comme moi, sont dans la<br />
droite ligne d’une nouvelle horlogerie<br />
françaiserespectantle pluspossible<br />
la fabrication locale », expliquet-il.<br />
Lui croit aurenouveau porté<br />
par des créateurs indépendantset<br />
inscrits dans une démarche qualitativeetartistique.<br />
« Une démarche<br />
qui adusens, avec des prises de risques,<br />
de petites entreprises d’une à<br />
dix personnes, mais des personnes<br />
physiquement atteignab<strong>les</strong>, etpas<br />
un concept de groupe. »<br />
Dans son concept-store, <strong>les</strong> horlogers<br />
bisontins viennent rencontrer<br />
leurs clients. On ytrouve la<br />
HD1, sortie en juin 2016 et que son<br />
créateur, Julien Humbert-Droz,<br />
vientdéjàderééditer,maisaussi<strong>les</strong><br />
chronos de légende Dodane qu’a<br />
ressortis lereprésentant de la<br />
sixième génération. Quant à la<br />
marque Lornet,lancéeennovembre<br />
2016 et vendue exclusivement<br />
sur Internet, elle abien démarré et<br />
vient de présenter un modèle féminin.<br />
Pendant ce temps, Phenomen<br />
prépare son premier modèle futuriste<br />
enpépinière, sur Témis, et<br />
SMB cartonne aveclaréédition des<br />
modè<strong>les</strong> mythiques de Lip.<br />
Dans sa compétence<br />
économique, le Grand<br />
Besançon joue la carte<br />
de ces précieux savoirfaire<br />
pour attirer de<br />
nouvel<strong>les</strong> entreprises.<br />
Arrivé par l’horlogerie, le luxea<br />
peu à peucoloré le tissu industriel<br />
local. Le polissage aattiré ici bijoutiers<br />
et joailliers. La fabrication des<br />
bracelets de montre s’est élargie au<br />
travail du cuir, comme en témoigne<br />
la success-story de SIS, entre<br />
Besançon et la Suisse. SIS emploie<br />
680 salariés, dont 400 formésdans<br />
son école intégrée, pour coudre <strong>les</strong><br />
jolis sacs de grandes marques de<br />
luxefrançaise, maisaussi faire du<br />
gainage, une opération qui consiste<br />
à habiller de cuir,pour <strong>les</strong> rendre<br />
plus chics, stylos ou téléphones<br />
portab<strong>les</strong>. Dans sacompétence<br />
économique, le Grand Besançon<br />
joue la carte de ces précieux savoirfaire<br />
pour attirer de nouvel<strong>les</strong><br />
entreprises. C’est ainsi que vient<br />
d’arriver Hadoro, une société parisienne<br />
qui conçoit des coques pour<br />
téléphones portab<strong>les</strong> ou tablettes<br />
et des bracelets pour <strong>les</strong> Apple<br />
Watch en métaux précieux, cuir<br />
d’autruche, galuchat... L’objectif,<br />
avec ce site, est d’intégrer au maximum<br />
la production jusque-là réaliséeensous-traitance.<br />
Remettre de l’humain<br />
Née en2006, Luxe &Tech amis<br />
autour d’une même table des PME<br />
qui n’avaient pas l’habitude de<br />
communiquer entre el<strong>les</strong>, aparticipéàla<br />
création du diplôme<br />
« Microtechniques et design » de<br />
l’ENSMM (voir ci-dessous), tissé<br />
des liens avec <strong>les</strong> structures loca<strong>les</strong><br />
et communiqué, surtout, sur <strong>les</strong><br />
savoir-faire. « L’enjeu,aujourd’hui,<br />
c’est aussi d’expliquer letemps<br />
nécessaireauluxe », ajoute<br />
Mathilde Passarin. « Il faut montrer<br />
le petit horloger dans son atelier,<br />
le séchagedel’émail. » Remettre de<br />
l’humain dans des relations déshumanisées<br />
« et passer de l’image du<br />
sous-traitant à celle d’experts réactifs<br />
et porteurs devaleur ajoutée ».<br />
Tout un programme. n<br />
Installé entre Besançon et la Suisse, SIS s’est spécialisé dans<br />
le travail du cuir. L’entreprise aformé dans son écoleintégrée<br />
une partie de ses680 salariés. PhotoSIS<br />
«Microtechniquesetdesign »,uneformation<br />
d’ingénieurenapprentissageuniqueensongenre<br />
Pour accompagner<br />
la diversification desPME<br />
vers <strong>les</strong> métiersduluxe,<br />
l’ENSMM avait lancé un<br />
cursus sur mesure. Objectif :<br />
préparerdes ingénieurs<br />
formésaudesign.<br />
Ce cursus d’ingénieur en alternance<br />
« microtechniques et<br />
design » –unique en France et sans<br />
doute en Europe–avait été créé en<br />
2010 pour satisfaire aux besoins<br />
des entreprises loca<strong>les</strong>,horlogères,<br />
mais pas seulement. Il s’agissait<br />
d’ajouter aux précieuses compétences<br />
microtechniques des connaissances<br />
enmicromatériaux,<br />
travailducuir,gemmologie, taille<br />
des métauxprécieux…etdeformer<br />
des ingénieurs aptes à dialoguer<br />
avec des designers, voire aptes à<br />
jouer unrôle de designer. C’est à<br />
Guy Monteil, qui enseignait <strong>les</strong><br />
sciences des matériaux à<br />
l’ENSMM, l’Ecole nationale <strong>sup</strong>érieure<br />
de micromécanique de<br />
Besançon, qu’avait été confié la<br />
création delamaquette pédagogique<br />
et le pilotage de la filière. Elle<br />
accueille 14 nouveaux élèves à chaque<br />
rentrée, dont une moitié vient<br />
de Franche-Comté et l’autre de<br />
toute la France. La première promotion<br />
avait été parrainée par la<br />
responsable design des mouvements<br />
de Cartier.Unbon début.<br />
Partenaires historiques<br />
La formationest adosséeauCFAI<br />
Sud Franche-Comté,qui n’est qu’à<br />
deux battements d’ai<strong>les</strong> de<br />
l’ENSMM, sur le technopôle Témis,<br />
etquis’occupedesrelationsavec<strong>les</strong><br />
entreprises–loca<strong>les</strong> ou non. Parmi<br />
el<strong>les</strong>, des partenaires historiques<br />
comme Silvant, le groupe Cœur<br />
d’Or ou encore le maroquinier SIS,<br />
à Avoudrey, pour ceux qui acceptentd’être<br />
cités. Car,dans le luxe, la<br />
nécessité de transparence n’a pas<br />
encore convaincu tout le monde...<br />
L’Ecole nationale <strong>sup</strong>érieure de micromécaniquedeBesançon a été crééeen2010pour répondre<br />
auxbesoins des entreprisesloca<strong>les</strong>, horlogères ou autres. PhotoENSMM/P1br<br />
Au-delà des PME loca<strong>les</strong>, <strong>les</strong> grandes<br />
marques françaises commencent<br />
el<strong>les</strong>aussi à s’intéresser à ces<br />
ingénieurs formés à leurs codes.<br />
« Les grands donneurs d’ordre du<br />
luxe commencent à nous prendre<br />
des apprentis », confirme Guy Monteil.<br />
« Face à la montée encompétence<br />
de leurssous-traitants,ils leur<br />
confient de plus enplusdemissions<br />
de conception. Du coup, l’autretendance<br />
lourde, c’est que <strong>les</strong> PME se<br />
mettent à embaucher des bac +5.»<br />
Pourmieuxcollerauxréalitésdu<br />
terrain, cel<strong>les</strong> de PME horlogères<br />
loca<strong>les</strong> qui, pour contrer ce marché<br />
capricieux, se diversifient de plus<br />
en plus dans le médical, la formation<br />
vient de lancer une nouvelle<br />
option. Depuis la rentrée deseptembre,<br />
<strong>les</strong> élèves peuvent choisir<br />
entre « luxeetprécision »,l’option<br />
« historique »,etdésormais<br />
« microtechniques et santé ».<br />
Concrètement, <strong>les</strong> apprentis ingé-<br />
«Les grands<br />
donneurs d’ordredu<br />
luxecommencent<br />
à nous prendre<br />
des apprentis.<br />
Ils leur confient<br />
de plus en plus<br />
de missions<br />
de conception. »<br />
GUY MONTEIL<br />
Enseignant à l’ENSMM<br />
et pilotedelafilière<br />
«microtechniquesetdesign »<br />
nieurssuiventtroissemestrescom-<br />
muns puis trois autres, où leur spécialité<br />
monte en puissance. Ainsi,<br />
par exemple, la gemmologie est<br />
remplacée par la réglementation<br />
spécifique aux produits de santé,<br />
qui répondent à des normes de<br />
qualité très sévères. Et l’enseignementdesmétauxprécieuxpardela<br />
biochimie pour la santé. « Celacorrespond<br />
à 254 heures sur la totalité<br />
de la formation, c’est vraiment une<br />
grosse option », poursuit Guy Monteil.<br />
Une partiedes coursest mutualiséeavecl’Isifc,<br />
l’école d’ingénieurs<br />
biomédicale voisine. « Jusqu’à<br />
maintenant, <strong>les</strong> entreprises embauchaient<br />
un ingénieurENSMM avec<br />
ses compétences en fabrication, conception,<br />
R&D, et un ingénieur ISIFC<br />
davantage tourné vers l’hôpital et <strong>les</strong><br />
médecins. Désormais, nos ingénieurs<br />
seront plus spécialisés en<br />
médical. » — M. Cl.<br />
P2RFormations,unpetit<br />
nouveaudansl’horlogerie<br />
etlepolissage<br />
Le centre de formation<br />
vient d’ouvrir dans le<br />
quartier de Palente.<br />
Passionnésd’horlogerie,<br />
ils veulent former<br />
<strong>les</strong> professionnels<br />
dont <strong>les</strong> PME ont besoin.<br />
Dans l’atelier d’horlogerie, douze<br />
postes attendent <strong>les</strong> stagiaires. A<br />
côté des hauts établis, avec leurs<br />
repose-coudes et leur éclairage<br />
impeccable, une machine à nettoyer<strong>les</strong><br />
mouvements, un chrono<br />
comparateur pour vérifier la marche<br />
et deux postes de microscopes<br />
pour mieux analyser <strong>les</strong> pièces<br />
complètent l’équipement pédagogique.<br />
L’atelier voisin compte six<br />
postes de polissage, ce métierque<br />
l’on apprend généralement sur le<br />
tas, très recherché en horlogerie,<br />
mais pas seulement,etqui consiste<br />
à apporterune finition parfaite.<br />
P2R Formations vient d’ouvrir<br />
ses portes dans l’immeuble Le<br />
Cadran, à Palente, l’ancienquartier<br />
horloger de Besançon,oùfut<br />
notamment implanté Lip. Passionnés<br />
d’horlogerie, Arnaud Rollier,<br />
horloger formateur,David Ronsin,<br />
polisseur depuis vingt-cinq ans et<br />
Benjamin Perruche, chargé de<br />
clientèle, avaient ce projetentête<br />
depuis plus d’un an. Les deux premiers<br />
s’étaient rencontrésdans un<br />
centre de formation bisontin qui ne<br />
leuravaitpassemblésérieux.Aleur<br />
frustation s’était ajouté le constat<br />
d’une trop longue attente à l’Afpa<br />
pour se former à l’horlogerie et la<br />
demande toujours plus forte, dans<br />
<strong>les</strong> PME de la région, maisaussi en<br />
Suisse, pour de bons polisseurs.<br />
« C’était lebon moment », estime<br />
Arnaud Rollier.<br />
Organisme privé au statut de<br />
SAS, P2R Formations est en train de<br />
se faire connaître auprès deplusieurs<br />
entreprises loca<strong>les</strong>. Ses<br />
modu<strong>les</strong> deformation sont en<br />
cours de validation dans <strong>les</strong> bases<br />
de données des différents organismes.<br />
Pour la première annéescolaire<br />
pleine, 2017-2018, <strong>les</strong> formateurs<br />
prépareront <strong>les</strong> stagiaires à<br />
passer leCAP horloger en candidats<br />
libres au lycéeEdgar-Faure de<br />
Morteau.Ils assurent aussides formations<br />
en entreprise et desprestationsdesous-traitance.<br />
Objectif :une nouvelle<br />
spécialité par an<br />
Les trois associés sont confiants:<br />
<strong>les</strong>besoins sont réels etleur business<br />
plan modeste. Dès que l’activité<br />
décollera, ils compléteront le<br />
catalogue de formations avec, dans<br />
l’idéal, une nouvelle spécialité par<br />
an :sertissage,tribofinition,taillage<br />
de pierres. Al’atelier de polissage,<br />
Ingrid est la première stagiaire. En<br />
reconversion, elle semble avoir<br />
trouvé sa voie et adéjàsuiviune formation<br />
en horlogerie qu’elle souhaitait<br />
compléter. « Il faut êtrepolyvalent<br />
aujourd’hui »,estime-t-elle.<br />
— M. Cl.<br />
Leschiffresclefs<br />
12<br />
POSTES DE STAGIAIRE<br />
à l’atelier d’horlogerie<br />
de P2R Formations.<br />
6POSTES<br />
à l’atelier polissage. Un métier<br />
très recherché en horlogerie,<br />
qui consiste à apporter<br />
une finition parfaite.
LesEchos Mercredi 15 mars 2017 SPÉCIAL TERRITOIRES // 07<br />
INTERVIEW // JEANKALLMANN PrésidentdeBreitling Services<br />
«Ilyaunecarteàjoueràtravaillerensous-traitance »<br />
Propos recueillis par<br />
MoniqueClemens<br />
@mo_clemens<br />
— Correspondante à Besançon<br />
Le patron deBreitling Services<br />
est arrivéàBesançon il y<br />
aplus de vingt ans. Il nous<br />
parle de la nécessité de transparence<br />
et porte un regard plutôt<br />
bienveillant sur le tissu microtechnique<br />
local. En 1995, attiréepar la<br />
qualité de la main-d’œuvre, la maison<br />
horlogère suisse avait créé ici<br />
sa filiale France dédiée auservice<br />
après-vente et à la formation. Elle a<br />
confirmé son ancrage en 2013 en<br />
s’installant dans des locaux signés<br />
Alain Porta, l’architecte du siège de<br />
Breitling et de sa manufacture, en<br />
Suisse. Jean Kallmann a été de<br />
toute l’aventure.<br />
Breitling était arrivé<br />
à Besançon sur la pointe<br />
des pieds, avant d’avoir pignon<br />
sur rue. Qu’est-ce qui achangé ?<br />
Ce qui achangé,c’est l’image qu’on<br />
veut donner du service aprèsvente.<br />
Nous avions créé l’antenne<br />
de Breitling à Besançon pour organiser<br />
ce nouveau service, nous<br />
étions sept à l’époque et nous nous<br />
étions installés dans d’anciens<br />
locaux de Lip. Nous ysommes restés<br />
jusqu’en 2013. Aujourd’hui,<br />
nous sommes 47, dont 24 horlogers<br />
etune formatrice qui forme<br />
nos horlogers aux évolutions du<br />
produit, mais aussi <strong>les</strong> éco<strong>les</strong><br />
d’horlogers et nos détaillants.<br />
Entre-temps, Breitling est monté<br />
en gamme et en qualité,lamarque<br />
adésormais son propre mouvement<br />
et <strong>les</strong> locaux ne répondaient<br />
plus à ces exigences. La décision<br />
avait alors été prise de trouver un<br />
terrain et de construire unbâtiment<br />
à son image. Etpuis comment<br />
demander à du personnel de<br />
travailler sur du haut-de-gamme<br />
sans lui offrir un environnement<br />
de qualité ?<br />
Il est désormaispossible,<br />
pour une marque suisse, de<br />
revendiquer une implantation<br />
française?La transparence<br />
est-elle devenue nécessaire ?<br />
On parleplus volontiers<br />
aujourd’hui de service clients que<br />
de service après-vente. Nous traitons<br />
avec <strong>les</strong> détaillants qui viennent<br />
ici, nous parlons de bel<strong>les</strong><br />
montres, ils veulent voir <strong>les</strong> horlogers,<br />
et nos nouveaux locaux ont<br />
été conçus pour offrir une vue sur<br />
l’atelier. Onpeut faire le parallèle<br />
avec <strong>les</strong> grands restaurants qui<br />
montrent leurs cuisines.<br />
Aujourd’hui, chez Breitling, tout<br />
est absolument transparent, le<br />
client est devenu extrêmement exigeant,et<strong>les</strong>ervice,<br />
lui, est devenu<br />
essentiel. L’exigence que la marque<br />
s’impose, elle l’impose aussi à ses<br />
points de venteet<strong>les</strong> forme à présenter<br />
le produit, à accueillir le<br />
client, à raconter son histoire, à<br />
porter l’héritage de la marque.<br />
Quel regard portez-vous<br />
sur le paysage microtechnique<br />
bisontin et sur la montée<br />
Jean Kallmann : « Le client est devenu extrêmementexigeant, et le service,lui,est devenu essentiel. »<br />
Photo Breitling<br />
en puissance de la filière luxe?<br />
Quelques autres marques sont<br />
venues s’installer à Besançon, attirées<br />
peut-être par Breitling… Il ya<br />
ici <strong>les</strong> SAV d’Audemars-Piguet et<br />
Swatch, par exemple. En matière<br />
de formation, <strong>les</strong> choses ont bien<br />
évolué :l’Afpa adéveloppé sa formation<br />
en horlogerie, le lycée<br />
Edgar-Faure de Morteau a étoffé<br />
son diplôme métiers d’art. De ce<br />
point de vue-là,par rapport à<br />
d’autres pays,onest assez gâtésen<br />
France. L’environnement industriel<br />
de Besançon est également<br />
intéressant.Denoslocaux,àdroite,<br />
nous voyons l’ENSMM, l’école<br />
d’ingénieurs en microtechniques,<br />
qui est au milieu de la zone Témis.<br />
Agauche, <strong>les</strong> entreprises iX-Blue,<br />
Sophysa… qui ont besoin de leurs<br />
ingénieurs –nous aussi, nous prenons<br />
des élèves en stage comme<br />
« chasseurs de qualité ». Avec son<br />
histoire microtechnique, Besançon<br />
joue la bonne carte :celle de la<br />
sous-traitance.<br />
Besançon accueille<br />
un nouveau venu, P2R, qui va<br />
former à l’horlogerie mais aussi<br />
au polissage. Un métier<br />
très demandé,non ?<br />
Le polissage, c’est un métier difficile,<br />
qui demande beaucoup de<br />
précision et des qualités manuel<strong>les</strong><br />
indéniab<strong>les</strong>. Les polisseurs se<br />
forment sur le tas, jusqu’à maintenant<br />
iln’y avait pas d’école, donc<br />
oui, ça peut être intéressant. La<br />
demande est large et dépasse<br />
l’horlogerie, elle intéresse de<br />
nombreux sous-traitants et<br />
notamment ceux de la maroquinerie,<br />
qui se développe bien ici.<br />
Nous avons Hermès, pas très loin<br />
de Besançon…<br />
On annonce régulièrement<br />
la renaissance imminente<br />
de l’horlogerie française à<br />
Besançon. De jeuneshorlogers<br />
se sont lancés.<br />
Qu’enpensez-vous ?<br />
Je pensequ’on n’arrivera pas,ici, à<br />
relancer une grande marque, et<br />
que le haut de gamme restera de<br />
l’autre côté de la frontière. Par<br />
contre, avec la proximité de la<br />
Suisse, il yaune carte à jouer à travailler<br />
en sous-traitance. Je trouve<br />
la démarche d’un jeune horloger<br />
comme Lornet extrêmementcourageuse<br />
mais, pour lancer une<br />
marque, il faut des moyens consid<br />
é rab<strong>les</strong> ou accrocher une<br />
vedette… Mais il yasans doute<br />
quelques petits créneaux et de la<br />
place pour de bel<strong>les</strong> initiatives.Ce<br />
qui attire ici, ce sont <strong>les</strong> microtechniques.<br />
Dans le bassinlocal, il<br />
yaénormément decompétences<br />
et de sérieux, qui attirent<br />
aujourd’hui <strong>les</strong> acteurs des filières<br />
aérospatialeetmédicale. n<br />
Leboeufsculpteetmoule<strong>les</strong>présentoirsd’horlogersetjoailliers<br />
Le secteur du luxe<br />
représente aujourd’hui 80 %<br />
du chiffre d’affaires<br />
de ce spécialistedelarésine,<br />
du moulage et du cuir.<br />
Installée à Dannemarie-sur-Crête,<br />
dansleGrand Besançon, la société<br />
Leboeuf réalise aujourd’hui 80 %<br />
d’un chiffre d’affaires de 2millions<br />
d’euros auprès de clients horlogers<br />
et joailliers de luxe. Auprèsdedeux<br />
grands noms principalement, qui<br />
exigent la confidentialité de leur<br />
sous-traitant. D’ailleurs, chacun<br />
dispose de son showroom dans<br />
l’entreprise…« Lerestedel’activitése<br />
partageentredes contreparties pour<br />
<strong>les</strong> imprimeurs, pour réaliser des<br />
impressions gaufrées,etdes objets de<br />
décoration ou œuvres d’artistes<br />
comme Renato Montenaro, Agnès<br />
Descamps ou Claudi Florentina »,<br />
explique le responsable commercial.<br />
L’activité avait été lancéeen1961<br />
par Jean Leboeuf,legrand-père de<br />
ChristopheLeboeuf,l’actuel gérant.<br />
Au départ, elle se limitait aux mou<strong>les</strong><br />
et modelagespour l’automobile,<br />
avec latechnologie du rotomoulage.<br />
Leboeuf s’était ensuitediversifié<br />
dans <strong>les</strong> valisespourconvoyeurs<br />
de fond,encarbone, puis <strong>les</strong>pots de<br />
cancoillotte en plastique thermoformé…jusqu’à<br />
ce qu’ungrand horloger<br />
suisse lacontacte pour du<br />
modelage, en résine, de présentoirs<br />
de vitrines. C’était il yaune quinzaine<br />
d’années, lorsque Michel<br />
Leboeuf,lefilsdufondateur,étaiten<br />
train de passerlamain à Christophe,<br />
son propre fils, la troisième<br />
génération.<br />
La mise au point des techniques<br />
de moulage et du coulage de résine<br />
aprisprèsdedeux ans. « Le lancementaétédifficile,mais<br />
ensuite il ya<br />
eu du volume, avec jusqu’à<br />
100.000 pièces parmois à certaines<br />
périodes », poursuitleresponsable<br />
commercial qui, depuis troisans,<br />
expose au Salon EPHJdeGenève.<br />
« C’est très difficile d’entrer sur ces<br />
marchés, et l’objectif,c’estdetrouver<br />
deuxoutroisautresgrosclients,pour<br />
diversifier notreportefeuille. » Dans<br />
<strong>les</strong> ateliers, le moule d’un portrait<br />
3D de Marylin Monroe côtoie le<br />
futur décorlunaire d’un horloger.<br />
20 salariésetimprimante 3D<br />
Plusloin, des coraux en résine, puis<br />
l’atelier de finitiondebustes pour<br />
présenter <strong>les</strong> bijoux d’un grand<br />
joaillier,ledeuxième client important<br />
de l’entreprise. Chaque pièce<br />
est réaliséedeAàZ:sculptée, puis<br />
moulée, couléeenrésine, et enfin<br />
polie, peinte, gainée decuir ou<br />
recouverte d’un film, selon l’effet<br />
voulu. Leboeuf emploie 20 salariés<br />
plutôtpolyvalents, qui font tourner<br />
<strong>les</strong> ateliers de moulage, coulage<br />
de résine,peinture, gainage, sculpture…<br />
Uneimprimante 3D permet<br />
de gagner du temps pour <strong>les</strong> prototypes<br />
depetite taille et un robot<br />
de sculpture de grande dimension<br />
(investissement :100.000 euros)<br />
va bientôt êtrelivré pour permettre<br />
encore davantage de diversification.<br />
— M. Cl.<br />
PATRIMOINE<br />
LamanufactureVuillemin<br />
poursuitl’aventure<br />
del’horlogecomtoise<br />
Horloges traditionnel<strong>les</strong><br />
et contemporaines<br />
se côtoient désormais<br />
à l’atelier.Reprise<br />
par PhilippeVuillemin,<br />
la PME de Châtillon-le-Duc<br />
avait failli disparaître.<br />
Fin mars, la manufacture Vuillemin<br />
exposera pour la premièrefois<br />
au Salon mondial de l’horlogerie, à<br />
Bâle, oùson label « entreprise du<br />
patrimoine vivant » devrait faire<br />
son petit effet auprès des visiteurs<br />
étrangers. Ce dernier fabricant<br />
d’horloges comtoises traditionnel<strong>les</strong><br />
à mouvement dit « cage fer » a<br />
retrouvé un aveniren2010, lorsque<br />
Philippe Vuillemin, grossiste installé<br />
dansleHaut-Doubs, aaccepté<br />
de reprendre son fournisseur<br />
bisontin qui s’apprêtait à fermer<br />
boutique. L’entreprise avait été<br />
créée ici, en 1969, sous le nom de<br />
« Seramm ».Dans <strong>les</strong> années 1970,<br />
elle acompté jusqu’à 45 salariéset<br />
produit jusqu’à 1.000mouvements<br />
par mois,contre500 paran<br />
aujourd’hui. « Ils faisaient tout :<strong>les</strong><br />
caisses,<strong>les</strong> cadrans », expliquePhilippeVuillemin.<br />
« Moi, je n’aigardé<br />
que le cœur, <strong>les</strong> parties emboutissage,<br />
pliage et pièces mécaniques.<br />
Monobjectifétait de garder<strong>les</strong>avoirfaire<br />
mais aussi derepartir sur un<br />
produit moderne, avec du métal<br />
thermolaqué,des rouages en palladium<br />
ou plaqué or,des axesenInox<br />
qui peuvents’exporter… »<br />
Dansl’atelier, autourdespresses,<br />
outilsdedécoupe, tours d’horloge<br />
et tailleuses des années 1970, <strong>les</strong><br />
horloges contemporaines ont un<br />
peu poussé <strong>les</strong> comtoises au coffragedebois<br />
vers le fond. Mais <strong>les</strong><br />
deux générations semêlent sans<br />
heurts :lemouvementest toujours<br />
le même, qu’il soit caché sous un<br />
cadran ou qu’ildévoile son délicat<br />
squelette.Lamanufacture ne<br />
compte que 4salariés(2horlogers<br />
et 2mécaniciens), mais son dirigeant<br />
prend soin de bien s’entourer<br />
:ilagardé avec lui André<br />
Daclin,l’undescréateurs de l’usine,<br />
qui devait ne resterque deux<br />
semaines, mais n’est finalement<br />
jamaisreparti. C’est luiqui, depuis<br />
deuxans, lui apprend le métier :le<br />
taillage desroues, le découpage, le<br />
montage des outils, leréglage des<br />
mouvements…<br />
Vuillemin accueilleaussi desstagiaires<br />
du Greta de Morteau, ravis<br />
d’apprendre ici le métierdeAàZ,<br />
du laiton brut à l’horloge prête à<br />
expédier. Etdepuis 2012, ilaété<br />
rejoint par André Blachon, qui<br />
avait développé le siteInternet de la<br />
société avant de s’y plonger tout<br />
entier. « Il yavait beaucoup à faire »,<br />
explique l’associé devenucogérant.<br />
« On adéménagé l’usine dans ces<br />
locaux plus petits, rationalisé <strong>les</strong><br />
7 %<br />
LA PART DES VENTES<br />
EN LIGNE<br />
environ, sur le chiffre d’affaires<br />
total de272.000 euros réalisé<br />
l’an dernier par l’entreprise.<br />
coûts de production et développé de<br />
nouveaux modè<strong>les</strong>, ainsi qu’un site<br />
Internet qui marche demieux en<br />
mieux. »<br />
Frémissementdel’export<br />
Environ 7%d’un chiffre d’affaires<br />
2016 de 272.000euros (250.000 en<br />
2015) provient en effet de la vente<br />
Internet, où Vuillemin commercialise<br />
aussi des coucous. Les dirigeants<br />
ne manquent ni de projets<br />
ni d’idées :ils travaillent sur des<br />
prototypes avec <strong>les</strong> designers<br />
Vincent Calabrese et Jean-Baptiste<br />
Viot, espèrent bientôt ouvrir une<br />
boutique dans le vieux Besançon et<br />
pouvoir construire une nouvelle<br />
usine pour mieux accueillir <strong>les</strong><br />
autocaristes.Enattendant, l’atelier<br />
adequoi doubler sa production.<br />
Depuis le Salon Maison &Objets,<br />
où la manufacture s’est montréeen<br />
septembre 2016, puisenjanvier<br />
2017, l’export frémit(de 5%en<br />
2015 à 8%en 2016) avec des commandes<br />
pour la Chine, le Japon, le<br />
Mexique, la Thaïlande…<br />
— M. Cl.<br />
Aujourd’hui, 500 mouvements sont produitschaque mois dans la<br />
manufacturequi s’est recentréesur le cœur du métier :l’emboutissage,<br />
le pliage et <strong>les</strong> pièces mécaniques. Photo Denis Bringard/Hemis.fr
08 // SPÉCIAL TERRITOIRES Mercredi 15 mars 2017 Les Echos<br />
ÉCOSYSTÈMES// L’institut franc-comtois est le plus gros laboratoirederecherche français en sciences<br />
de l’ingénieur.Unmodèle né d’une dynamique à l’échelle de plusieurs secteurs d’activité.<br />
Sciencesdel’ingénieur :Femto-ST,<br />
uninstitutderechercheXXL<br />
Monique Clemens<br />
@mo_clemens<br />
—Correspondante à Besançon<br />
Pour insuffler technologies,<br />
savoir-faire et savoirs au<br />
tissu industriel et économiquelocal,<br />
rien de mieux qu’ungros<br />
laboratoire. En 2004, l’institut<br />
Femto-STavait justement été constitué<br />
pour regrouper sesforces :des<br />
compétences en automatique et<br />
systèmes mécatroniques, en énergie,<br />
informatique des systèmes<br />
complexes, mécanique appliquée,<br />
optique,micro-nanosciencesetsystèmes,<br />
temps-fréquence. Quelque<br />
700 chercheurs ou doctorants au<br />
total, ce quienfait le plusgros laboratoire<br />
français en sciences de<br />
l’ingénieur.Et, avecses cinq platesformes<br />
technologiques, un partenaire<br />
idéal des entreprises loca<strong>les</strong>,<br />
nationa<strong>les</strong>,voire internationa<strong>les</strong>.<br />
Spécialiste d’optique et de systèmes<br />
dynamiques non linéaires,<br />
LaurentLarger adû,unpeu à<br />
regret, laisser de côté ses travaux de<br />
recherche pour prendre la direction<br />
de Femto-ST, début 2017. Il en<br />
était auparavant le directeur<br />
adjoint,aucôtéde Nicolas Chaillet,<br />
parti présider latoute nouvelle<br />
ComUE (Communauté d’universi-<br />
tésetétablissements)Bourgogne-<br />
Franche-Comté.Mais l’aventureest<br />
toutaussi passionnante.<br />
Avec sescinq plates-formes technologiques, Femto-ST<br />
constitueunpartenaireidéal des entreprisesloca<strong>les</strong>, nationa<strong>les</strong>,<br />
voire internationa<strong>les</strong>. Photo Femto-ST<br />
AFULudine,lebeaubébéde Femto-ST et d’Utinam<br />
Un lubrifiant sec et sans huile ?Les découpeurs<br />
en ont rêvé,AFULudine l’afait. La<br />
start-up est néeenseptembre 2016 et est<br />
encore hébergéepar l’Université de Franche-Comté,oùelle<br />
areproduit une usine<br />
chimique à l’échelle 1/2. Elle est le fruit du<br />
croisement de deux expertises :celle<br />
d’Utinam (institut de recherche de l’Université<br />
de Franche-Comté réunissant astrophysiciens,<br />
physiciens et chimistes),<br />
d’où sont issus l’organicien Jean-Marie<br />
Melot et le spécialiste des traitements de<br />
surface Fabrice Lallemand, et celle de<br />
Femto-ST, d’où sort le tribologue (mécanique<br />
des frottements)Xavier Croizard.<br />
Leurs travaux de recherche remontent à<br />
2008, et çayest, ils tiennent leur innovation<br />
:unlubrifiant qui n’est pas une huile,<br />
mais une solution à base d’eau, d’alcool et<br />
Trophées Inpi<br />
Sonprojetest de hisser l’institutau<br />
niveau international. Un premier<br />
partenariat avait été lancé en 2013<br />
avec l’EPFL de Lausanne dans le<br />
cadre du projet Smyle(voir ci-contre).<br />
Un autre est en coursdeformalisation<br />
avecl’institut de technologie<br />
de Karlsruhe (KIT), prestigieuse<br />
université allemande spécialisée,<br />
elleaussi,ensciencesdel’ingénieur.<br />
Une série de séminairesvient d’être<br />
lancéeavecdes professeurs, dont le<br />
premierestvenuàBesançonenjanvier.Femto-STespère<br />
pouvoirinstitutionnaliser<br />
cette relation, par<br />
exemple en échangeant des étudiants<br />
de master 2. « Nous commençons<br />
à jouer danslacour des grands,<br />
au niveau international », se félicite<br />
son nouveau directeur.<br />
Pour se hisser au niveau international,<br />
Femto-STs’appuie aussi sur<br />
<strong>les</strong> appels à projets de type Interreg<br />
–des programmes européens promouvantdescoopérationsentre<strong>les</strong><br />
régions européennes. Rien d’insurmontable<br />
pour le laboratoirefranccomtois,<br />
qui aune tradition de valorisation<br />
ancienne, <strong>les</strong> sciences de<br />
l’ingénieur se prêtant plutôt bien<br />
aux transferts de technologie.<br />
D’ailleurs, plusieurs entreprises<br />
issues de ses rangs, qui ont déposé<br />
des brevets, ont ramené des trophées<br />
Inpi :Photline, par exemple,<br />
racheté par iX-Blue etqui vient<br />
d’inaugurer ses nouveaux locaux ;<br />
ou Silmach, avec lequel l’institut<br />
travaille à un projet de « spécialisationintelligente<br />
».Cettethéorieéconomique<br />
pour laquelle la Franche-<br />
Comté arépondu à un appel à<br />
manifestation d’intérêtdel’Europe,<br />
et quivise à développer desdomaines<br />
prioritaires pour transformer<br />
l’économie locale, aabouti à trois<br />
projets impliquant des start-up ou<br />
PME loca<strong>les</strong>et, à chaquefois,<br />
Femto-ST. Il est question d’objets<br />
avec composants de silicium, de<br />
décolletage et de temps-fréquence,<br />
pour un budgettotal de 9millions<br />
d’euros, dont 4,6 pour des équipements<br />
Femto. « Il yamême un quatrième<br />
projet dans <strong>les</strong> tuyaux sur des<br />
médicaments de thérapie innovante<br />
», confie Laurent Larger. n<br />
700<br />
CHERCHEURS<br />
ET DOCTORANTS<br />
travaillent pour l’institut<br />
franc-comtois.<br />
de molécu<strong>les</strong> qui se fixent sur <strong>les</strong> surfaces.<br />
« Nous avions découvert tout le potentiel de la<br />
formulepar un jeudehasard, puisnous avons<br />
travaillé sur un composé qui respectel’environnement<br />
», explique Fabrice Lallemand.<br />
« Notrelubrifiant n’affiche pas un seulpictogrammedangereux.<br />
Le concept est différent :<br />
il ne s’agit plusd’hydrodynamique des hui<strong>les</strong>,<br />
mais de traitementdesurface. »<br />
Le brevet de la formule a été déposé en<br />
France en 2014, puis au niveau mondial en<br />
2015. Desessaisont ensuite été menéschez<br />
des industrielslocaux pour l’affiner.Le<br />
cœur de cible d’AFULudine, qui vientdelever400.000euros<br />
auprès d’Invest PME (Siparex)pour<br />
lancer l’industrialisation,ce<br />
sont<strong>les</strong> découpeursetemboutisseurs qui<br />
rêvent de se débarrasser du gras. Le marché<br />
est énorme.<br />
Smylerapproche<br />
BesançondeLausanne<br />
Femto-ST et l’EPFLdeLausanne ont noué un partenariatpour<br />
êtreplus visib<strong>les</strong> et attractifs. PhotoCCLudovic Godard-UFC<br />
L’institut Femto-ST<br />
et l’EPFL de Lausanne<br />
travaillent ensemble<br />
à inventer des systèmes<br />
intelligents.Auprogramme<br />
:des vêtements<br />
connectés, mais aussi<br />
des solutions de détection<br />
de tumeurs chez l’enfant.<br />
Le collegium franco-suisse Smyle<br />
a été lancé en octobre2013 et pour<br />
quatre ans par Femto-ST(ou plus<br />
exactement sestutel<strong>les</strong>) et l’Ecole<br />
polytechnique fédérale de Lausanne<br />
(EPFL). Il est l’acronyme<br />
souriant de « Smart systems for a<br />
betterlife »,unprogrammestratégique<br />
souriant lui aussi. Ce partenariat<br />
entre deux importantes<br />
structures de recherche en sciences<br />
de l’ingénieur et qui adegrandes<br />
chances d’être renouvelé concrétise<br />
la coopération scientifique<br />
dans l’Arc jurassienvia un programme<br />
orienté formation et<br />
transfert de technologie. Le postulat<br />
: à el<strong>les</strong> deux, <strong>les</strong> deux structures<br />
sont plus visib<strong>les</strong>, plus fortes et<br />
plus attractives. Pour Femto-ST,<br />
institutencorejeune,l’occasionest<br />
belle de montrerses musc<strong>les</strong> dans<br />
une coopération internationale.<br />
Deux axes de recherche<br />
Lorsdelasignature,en2013,deux<br />
activités avaient été ciblées :le<br />
temps fréquence et la robotique<br />
médicale. Deux axes de recherche<br />
pertinents de chaque côté du<br />
massif jurassien avec l’implica-<br />
tion,côtéfrançais, des plates-formes<br />
technologiques Mimento<br />
(pour Microfabrication pour la<br />
mécanique,lathermique et l’optique),<br />
Oscillator-IMP (dédiée à la<br />
stabilité desfréquences)etbientôt,<br />
sans doute, µRobotex(caractérisation,manipulationet<br />
assemblage de systèmes inférieurs<br />
à 10 micromètres).<br />
« Le programme s’est récemmentétenduauxobjetsintelligents<br />
connectés, notamment avec un<br />
projet de vêtements pour<strong>les</strong> services<br />
de secours, munis de capteurs<br />
physiologiques permettant au PC<br />
qui coordonne <strong>les</strong> actions de limiter<strong>les</strong><br />
risques », expliqueLaurent<br />
Larger, directeur deFemto-ST.<br />
« Pour la robotique médicale, il ya<br />
un projet sur la détection de<br />
tumeursdurein chez l’enfant,avec<br />
uneproblématiqueinformatique<br />
de modélisation.Smyle comprend<br />
aussiunvoletformationetinteractions<br />
industriel<strong>les</strong>, avec des visites<br />
d’entreprises des élèves deCMI<br />
[cursus master en ingénierie,<br />
NDLR],ainsi que des échanges de<br />
formation en salle blanche pour<br />
<strong>les</strong> équipements complémentaires<br />
enmatériauxetprocédés. »Leniobate<br />
delithium pour Femto-ST,<br />
par exemple, le silicium sur des<br />
opérations pointuespour l’EPFL.<br />
Des échanges sont également en<br />
cours entre <strong>les</strong> deux équipessur<br />
l’énergie autour de la questionde<br />
la pile à combustible, sur laquelle<br />
Femto-ST est très en pointe à<br />
Belfort.— M. Cl.<br />
ASSOCIATIONS<br />
SiliconComté,facilitateur<br />
delatransformationnumérique<br />
L’association de professionnels<br />
du numérique<br />
interpelle collectivités<br />
et politiques sur le virage<br />
à prendre d’urgence.<br />
Le haut débit est partout,<br />
mais <strong>les</strong> usages tardent<br />
à arriver.<br />
Dans le quartier sensible de Planoise,<br />
à Besançon,lapremièredes<br />
cinq « Access Code Schools » lancée<br />
en mars 2016 par l’organisme de formation<br />
Onlineformapro et labellisée<br />
« Fabrique de la grande école du<br />
numérique » estouverteaux partenariatsetaux<br />
ateliers, comme ceux<br />
qu’organise régulièrement Silicon<br />
Comté, l’association numérique<br />
franc-comtoise. D’autres Access<br />
Code Schools, sur le même modèle<br />
–pédagogie inversée ettutorat –<br />
vont ouvrirenBourgogne-Franche-<br />
Comté et plus loin. Leur directeur,<br />
Christophe Boutet,est aussi le président<br />
de l’association. Le liens’arrête<br />
là,maisSilicon Comté n’est pas tout<br />
à fait étrangère au frémissement<br />
numérique bisontin.<br />
Label French Tech<br />
L’association était néedébut 2014, à<br />
l’initiatived’une dizaine d’entrepreneurs,pour<br />
structurerunécosystème<br />
régional, retenir <strong>les</strong> développeursetcréateurs<br />
de contenus<br />
tentéspar de grandesmétropo<strong>les</strong>,<br />
faire reconnaître le numérique<br />
comme filière de relanceetsusciter<br />
une candidatureFrench Tech. Trois<br />
ansplus tard, le Grand Besançon a<br />
obtenu un label French Tech pour<br />
<strong>les</strong> technologies de la santé, à défaut<br />
d’un label complet. L’association<br />
compte unecentaine d’adhérents et<br />
ses missionsrestentinchangées :<br />
« Fédérer l’écosystème et apporter<br />
une dynamique à traversdifférents<br />
axesque sont le grand public, la veille<br />
et<strong>les</strong>partenariats »,résumeChristopheBoutet.«<br />
Ilyaunbesoindemutation,<br />
la région est plutôtenretardsur<br />
ce point. Il faut fairedelapédagogie,<br />
du lobbying auprès des institutions,<br />
tout en localisant la main-d’œuvre<br />
quipourraamenerdelacroissance<br />
aux entreprises de la filière. »<br />
SiliconComté s’était faitconnaître<br />
en interpellant l’Arcep sur la<br />
couverture numérique régionale,<br />
après avoir mis enplace unoutil<br />
gratuit de diagnostic de performancenumérique.Puis,pendant<br />
la<br />
campagne des régiona<strong>les</strong>, en 2015,<br />
l’association avait interrogé <strong>les</strong>candidats<br />
sur leur vision du développement<br />
numérique. « Aujourd’hui,<br />
noussommestoujoursdansunelogique<br />
de montée encompétences. Le<br />
déploiement des infrastructures se<br />
poursuitpartout,mais<strong>les</strong>usagesrestentàinventer.Lessujetsquiarrivent<br />
sont ceux de la réalité augmentéeet<br />
virtuelle.Ilyades opportunités à saisir<br />
pour <strong>les</strong> entreprises et pour le<br />
mondedelaformation. »<br />
— M. Cl.<br />
L’associationnumérique franc-comtoiseorganise régulièrement<br />
des ateliers et des partenariats. PhotoOlivier Testault