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La Salette<br />
<strong>Documents</strong> authentiques<br />
II<br />
Fin mars 1847 - avril 1849
Jean <strong>Stern</strong><br />
archiviste des Missionnaires<br />
de Notre-Dame de la Salette à Rome<br />
La Salette<br />
<strong>Documents</strong> authentiques :<br />
dossier chronologique intégral<br />
2<br />
Le procès de l’apparition<br />
fin mars 1847 — avril 1849<br />
avec la collaboration de<br />
P. Andrieux t et A. Chazelle<br />
Préface par<br />
Son Exc. Monseigneur Gabriel Matagrin<br />
Evêque de Grenoble<br />
LES ÉDITIONS DU CERF<br />
29, bd Latour-Maubourg<br />
Paris<br />
ASSOCIATION DES PÈLERINS<br />
DE LA SALETTE<br />
38970 Corps
Imprimi potest<br />
Rome,<br />
le 2 février 1984<br />
Eugène BARRETTE, m.s.<br />
Supérieur général.<br />
Nihil obstat<br />
La Tronche,<br />
le 2 février 1984<br />
Roger CASTEL, m.s.<br />
Censor deputatus.<br />
Imprimatur<br />
Rome,<br />
le 2S mars 1984<br />
Gabriel MATAGRIN<br />
Evêque. de Grenoble.<br />
© Association des Pèlerins de<br />
Notre Dame de la Salette<br />
Éditions du Cerf, 1984<br />
l.S.B.N. 2-204-02257-8
Remerciements<br />
Nos remerciements veulent aller à tous ceux qui nous ont aidé — et<br />
ils ont été nombreux.<br />
Aux noms énumérés dans le premier volume, nous voulons ajouter<br />
en particulier ceux de :<br />
M. V. Bettega, dont les recherches dans le domaine iconographique<br />
nous ont été d'un précieux secours ;<br />
Sœur Chantal de la Croix, des Sœurs du Christ ;<br />
M. R. Collier, directeur des services d'Archives des Alpes-de-Haute-<br />
Provence ;<br />
M. l ’abbé A. Débat, archiviste de l ’évêché de Rodez et de Vabres ;<br />
R.P. Duval, O.P., archiviste des Dominicains de la Province de<br />
France ;<br />
M. l ’abbéJ. Gourvennec, archiviste-adjoint à l ’évêché de Gap ;<br />
Mme A. Joisten, secrétaire de rédaction du Monde alpin et rhodanien<br />
;<br />
M. le chanoine Jomand, archiviste de l'archevêché de Lyon ;<br />
Sœur Madeleine de Jésus, du Carmel de Tours ;<br />
Sœur Marie-Jacques, secrétaire générale des Sœurs de l'Adoration ;<br />
R.P. Martin, C.S.Sp, postulateur de la cause de béatification du<br />
vénérable M. Dupont, « le saint homme de Tours » ;<br />
M. le chanoine A. Mélisson : outre les renseignements dont bénéficie<br />
le présent volume, nous lui devons notre premier contact avec la Salette,<br />
lors d ’un pèlerinage fait en sa compagnie en août 1943 ;<br />
M. X. de Montclos, professeur à l ’Université de Lyon II et directeur<br />
du Centre régional interuniversitaire d ’histoire religieuse ;<br />
Mme A. Play oust, conservateur adjoint aux Archives des Hautes-<br />
Alpes ;<br />
V
Rem erciem ents<br />
M. P.-Y. Play oust, directeur des services d ’Archives des Hautes-<br />
Alpes ;<br />
M. Reymond, de Pierre-Châtel, spécialiste de l'histoire régionale<br />
dauphinoise ;<br />
M. J. -P. Seguin, conservateur en chef au cabinet des estampes de la<br />
Bibliothèque nationale de Paris ;<br />
M. l'abbé P. Sommier, archiviste de l'évêché de Langres ;<br />
Mme M. -M. Viré, archiviste à l'évêché de Digne ;<br />
L'Imprimerie du Mont et, de Saint-Genis-Laval, Rhône, à qui revient<br />
le mérite de la réalisation technique du présent ouvrage ;<br />
Nos confrères, les Pères R. Butler, D. Charmot, J. Curtet, M. Tochon<br />
et le Frère Donald Wininski.<br />
In memoriam<br />
Le Père Pierre Andrieux est décédé le 1" décembre 1982, alors que<br />
le manuscrit du présent volume était déjà en grande partie achevé. Parmi<br />
les textes édités dans La Salette, documents authentiques nombreux sont<br />
ceux qui ont été déchiffrés par lui. Sa collaboration fut précieuse à un<br />
autre titre encore, de caractère plus personnel : originaire de la commune<br />
de la Salette-Fallavaux où il était né le 14 mars 1902, il connaissait le patois<br />
local avec ses nuances tant sémantiques que phonétiques. Responsable de<br />
la maison de Saint-Joseph à Corps, le Père Andrieux a travaillé jusqu’à<br />
ses tout derniers jours. Que le Seigneur l’accueille dans son repos !<br />
J. St.<br />
VI
ABREVIATIONS, SIGLES ET SIGNES<br />
ADI = Archives départementales de l’Isère.<br />
Annales = Annales de N .D . de la Salette. Pèlerinage de N.D. de la<br />
Salette, 1865 et suiv.<br />
Apparition = A. BOSSAN. La sainte apparition de Notre-Dame de la<br />
Salette et ses suites... 1863. Manuscrit de la main de<br />
l’auteur. MSG (cf. Bibl. ZA-4).<br />
A p t = Apparition de la Salette... La Salette de Tournai, 1933-<br />
1935, 3 vol. (Titre du 3' volume : N .D . de la Salette...).<br />
ARBAUD = F. ARBAUD. Hommage à Marie. Souvenirs d'un pèlerinage<br />
à la Salette, le 19 septem bre 1847. Digne 1848<br />
(doc. 401).<br />
ASV = Archives secrètes du Vatican.<br />
BASSETTE = L. BASSETTE. Le fait de la Salette. Nouv. éd., Paris,<br />
Éd. du Cerf, 1965.<br />
BERTRAND = I. BERTRAND. La Salette. <strong>Documents</strong> et bibliographie.<br />
Paris, Bloud & Barrai, 1889-<br />
BEZ = N. BEZ. Pèlerinage à la Salette, ou Examen critique de<br />
l'apparition de la Scc Vierge... Lyon-Paris, 1847 (doc. 163<br />
et 184). Nous citerons d’après l’édition de 214 pages.<br />
Bibl.<br />
= J. STERN. « La Salette. Bibliographie », dans Marian<br />
Library Studies, New Sériés, vol. 7 (1975), Dayton, Ohio.<br />
— Bibl. C-10 signifie : titre de l’imprimé décrit dans la<br />
notice C-10 de cette bibliographie.<br />
VII
Abréviations, sigles et signes<br />
BMG = Bibliothèque municipale de Grenoble.<br />
BMGC = Bibliothèque municipale de Grenoble, R. 8668 (documents<br />
sur la Salette, réunis par le collectionneur E.<br />
Chaper).<br />
BMGD = Bibliothèque municipale de Grenoble, R. 9670 (notes<br />
autographes de l’ingénieur M.-F.-B. Dausse).<br />
CHAMPON = A. CHAMPON. Notre-Dame de la Salette. Histoire<br />
monumentale... Manuscrit, MSG (cf. LSDA I, p. 22).<br />
DAUSSE = M.-F.-B. DAUSSE. L'homme d'oraison. L ’a b b é J.-B.<br />
Gerin... Grenoble, Baratier et Dardelet, 1879-<br />
Doc. = Document du présent dossier.<br />
Écho = M. DES BRULAIS. L'écho de la sainte montagne...<br />
Nantes, impr. Charpentier, 1852.<br />
EG = Evêché de Grenoble. — EG 12 signifie : Évéché de<br />
Grenoble, fonds « La Salette » des archives, article 12.<br />
EGD = Evêché de Grenoble, fonds « La Salette » des archives,<br />
article 155 (dossier relié). — EGD 9 signifie : neuvième<br />
pièce de EGD.<br />
EGDA = Evêché de Grenoble, fonds « La Salette » des archives,<br />
anicle 155, pièces reliées en annexe au dossier. — EGDA<br />
1 signifie : première pièce de EGDA.<br />
GINOULHIAC = Mgr GINOULHIAC, évêque de Grenoble. Instruction<br />
pastorale et Mandement du 4 novembre 1854 (reproduit<br />
dans BASSETTE, p. 343-396).<br />
GIRAY<br />
= J. GIRAY, évêque de Cahors. Les miracles de la Salette.<br />
Étude historique et critique. Grenoble, impr. Saint-Bruno,<br />
1921, 2 vol.<br />
HECHT = L. HECHT, O.S.B. Geschichte der Erscheinung der<br />
seligsten Jungfrau zweien Hirten-Kindem a u f dem Berge<br />
von Salette...Einsiedeln, K. und N. Benziger, 1847. 60<br />
pages (doc. 194).<br />
JS = Bibliothèque des Journées Salettines, 53, chemin des<br />
Hermières, 69430 Francheville.<br />
VIII
Abréviations, sigles et signes<br />
LSD A I = La Salette. <strong>Documents</strong> authentiques, volume I.<br />
MATHIEU = H. MATHIEU. Les avertissements du ciel et les fléaux de<br />
D ieu... Paris, A. Sirou et Desquers, mai 1847 (doc. 179).<br />
Mémoire au pape = Affaire de la Salette. Mémoire au pape. Grenoble, impr.<br />
E. Redon, 1854. 61 pages. Cette brochure anonyme a<br />
pour auteur principal J.-P. Cartellier, curé de Saint-Joseph<br />
de Grenoble.<br />
Message = L. VAN DEN BOSSCHE. Le message de Sœur Marie de<br />
Saint-Pierre. Carmel de Tours, 1954.<br />
MSG = Archives de la, Maison générale des Missionnaires de N.D.<br />
de la Salette à Rome.<br />
Nouveau<br />
sanctuaire<br />
Nouveaux<br />
documents<br />
J. ROUSSELOT. Un nouveau sanctuaire à Marie... Grenoble,<br />
Grand Séminaire, etc., 1853.<br />
= J. ROUSSELOT. Nouveaux documents sur l'événem ent<br />
de la Salette... Grenoble, Grand Séminaire, etc., 1850.<br />
Il existe une édition de 192 pages et une autre de 252<br />
pages. Nous citerons d’après cette dernière.<br />
PAN = Paris, Archives nationales.<br />
PBN = Paris, Bibliothèque nationale.<br />
PBNR = Paris, Bibliothèque nationale, 4° Lk7 3501. — (Recueil<br />
de pièces sur la Salette destinées au colportage, classées<br />
par ordre chronologique).<br />
PERRIN = Manuscrits de M. le curé Perrin écrits les premières années<br />
q u i ont suivi P Apparition par M. l'a b b é Perrin frère du<br />
curé de la Salette qu i desservait avec lui le pèlerinage...<br />
Manuscrit de la main de Jacques-Michel Perrin. — MSG<br />
(cf. Bibl. ZA-2).<br />
Relations -■= A. BOSSAN. Relations et détails sur l'apparition de N. -<br />
D. de la Salette. Recueillis en 1862. Manuscrit de la main<br />
de l’auteur. — MSG (cf. Bibl. ZA-3).<br />
Réponse -= J.-P. CARTELLIER. Mémoires sur la Salette. Livre 1".<br />
Réponse au U ’ livre de M. Rousse lot... Manuscrit, EG<br />
163. Voir infra, p. 186, note.<br />
Statistique -= Statistique générale du départem ent de l ’Isère... Grenoble,<br />
Allier, 1844-1849. 4 vol. et un supplément.<br />
IX
A bréviation s, sigles e t signes<br />
Suite - M. DES BRULAIS. Suite de l'écho de la sainte m ontagne...<br />
Nantes, impr. Charpentier, 1855.<br />
Tours C = Carmel de Tours, 13 rue des Ursulines, 37000 Tours.<br />
Tours SF = Centre spirituel de la Sainte-Face, 8, me Bernard-Palissy,<br />
37000 Tours.<br />
V . = Verset.<br />
Vérité = J. ROUSSELOT. La vérité sur l'événem ent de la Salette<br />
du 19 septembre 1846, ou Rapport à Mgr l ’évêque de<br />
Grenoble sur l'apparition de la sainte Vierge à deux p etits<br />
bergers... Grenoble, Grand Séminaire etc., 1848, (doc.<br />
447). — Nous citerons d’après l’édition contenant des<br />
textes du mois d’août 1848.<br />
Vie de M.D. = P.-D. JANVIER. Vie de M. D upont... 3' éd., Tours, A.<br />
Marne et fils, etc., 1886, 2 vol.<br />
VILLECOURT = C. VILLECOURT, évêque de la Rochelle. Nouveau récit<br />
de l'apparition de la sainte Vierge sur les montagnes des<br />
A lpes... 2' éd., Lyon-Paris, 1847 (doc. 309).<br />
*<br />
= L’étoile qui, dans les introductions, précède le titre d’un<br />
document, signifie que ce dernier est de date incertaine<br />
et par conséquent occupe, dans la suite chronologique<br />
des textes, une place seulement conjecturale.<br />
]<br />
[ ]<br />
= Variantes de l’appareil critique.<br />
Exemples : main]bras = au lieu de « main » , lire « bras ».<br />
mé\x\\add. gauche = après « main », ajouter<br />
« gauche ».<br />
ma.in]omis = omettre « main » .<br />
= — Avec la mention b iffé : texte biffé.<br />
— A l’intérieur de parenthèses : remplace des parenthèses.<br />
— Dans tous les autres cas : isole les textes ajoutés par<br />
l’éditeur au texte à reproduire.<br />
\ / = Addition linéaire ( i.e . complétant une ligne incomplète)<br />
ou addition interlinéaire.<br />
\ \ / / = Addition marginale.<br />
p. la, lb, etc. = Les lettres a, b, c, etc., après le numéro d’une page,<br />
indiquent la colonne : p. la signifie p.l, première<br />
colonne.<br />
X
CONVENTIONS<br />
DOCUMENTS. — Les devises qu’on trouve parfois au sommet<br />
de la première page d’une lettre n ’ont pas été reproduites. On a<br />
également omis, en général, les en-têtes imprimés.<br />
Pour éviter les confusions avec les mois de juillet et suivants,<br />
les abréviations 7bre, 8bre, etc., ont été généralement transcrites<br />
au moyen des abréviations actuellement en usage (sept., oct.,<br />
etc.). Quand on a cru utile de les reproduire telles quelles, on les<br />
a accompagnées d ’une explication.<br />
On a cherché à respecter l’orthographe des textes, excepté en<br />
ce qui concerne les accents, qui ont été mis suivant les règles<br />
actuellement en usage. En cas de lecture douteuse — chose assez<br />
fréquente en ce qui concerne la distinction entre majuscules et<br />
minuscules ainsi qu’entre les finales en ois, oi(en)t et en ais,<br />
ai(en)t — on suit l’usage actuel. Des italiques signalent les<br />
anomalies, à l’exception des finales en an(s), en(s), ois et oi(en)t.<br />
Exemples : ils fesait (pour « faisaient »), mais événemens, enfans,<br />
étoit (pour « événements », « enfants », « était »).<br />
On a également mis en italiques les en-têtes imprimés (quand<br />
ils ont été reproduits), les passages soulignés, la date des documents,<br />
quand celle-ci vient à la fin du texte (e.g. dans le doc. 133) et<br />
enfin, dans les introductions aux documents, dans les résumés et<br />
dans les commentaires, certaines citations un peu longues, que<br />
l’on a voulu mettre en évidence (e.g. dans l’introduction au<br />
doc. 288).<br />
Dans les citations, les guillemets qu’on rencontre parfois au<br />
début de chaque nouvelle ligne n ’ont pas été reproduits.<br />
Pour faciliter le repérage des références, on a divisé certains<br />
textes en versets (e.g. le doc. 175).<br />
Les notes consacrées aux variantes ne signalent les variantes<br />
orthographiques ou de ponctuation que si elles affectent le sens.<br />
Note importante. Quand on s’écartera des conventions énoncées<br />
ci-dessus, les dérogations seront signalées dans les introductions<br />
aux documents.<br />
XI
Conventions<br />
INTRODUCTIONS ET EXPLICATIONS. — Dans les introductions<br />
et les explications, nous écrivons toujours Ablandens, Dorcières<br />
(hameaux de la commune de la Salette-Fallavaux) et non<br />
Ablandins, Dorcière.<br />
Le terme « curé » est employé pour tous les prêtres responsables<br />
d ’une paroisse, y compris pour les curés-doyens, qui, d ’ailleurs,<br />
portent (ou portaient) dans le diocèse de Grenoble le titre<br />
d ’archiprêtre.<br />
Les villages mentionnés sans autre précision géographique<br />
appartiennent au département de l’Isère, à moins que le contexte<br />
n ’indique une localisation différente.<br />
XII
Préface<br />
Comme évêque du diocèse dont fa it partie la Salette, je tiens<br />
à remercier le Père Jean Stem d'avoir entrepris la publication<br />
des documents concernant l ’apparition du 19 septembre 1846.<br />
Cette présentation du dossier, fruit de recherches patientes et<br />
rigoureuses, aidera le peuple chrétien à connaître les faits qui<br />
amenèrent mon prédécesseur, Mgr Philibert de Bruillard, à<br />
juger l'apparition authentique. Elle aidera aussi ce même peuple<br />
à pénétrer le sens du message de la Salette à la lumière de la<br />
Tradition vivante et, ainsi, à se garder des interprétations<br />
douteuses et des prophéties suspectes.<br />
Parmi les événements rapportés dans le présent volume, je<br />
voudrais en relever un, modeste en apparence, mais très<br />
significatif quand on le place à l'intérieur de la Tradition<br />
vivante évoquée à l ’instant : à savoir la fondation à la Salette<br />
d'une association de prières invoquant la Vierge sous le vocable<br />
de Notre-Dame de la Salette, Péconciliatrice des pécheurs. En<br />
consacrant ce titre par l ’usage et, aussi et surtout, en reprenant<br />
le chemin de la sainte table, le peuple chrétien montra q u ’il<br />
avait parfaitem ent identifié le bu t du message apporté par<br />
Marie : non pas la crispation des pécheurs en des attitudes de<br />
peu r et de terreur, mais leur réconciliation avec Dieu.<br />
Il est vrai qu'à la Salette, Marie parle du bras de son Fils<br />
devenu lourd et pesant, tou t prêt, sem ble-t-il, à châtier son<br />
peuple infidèle. Certains ont reproché à la Dame de l'apparition<br />
d ’être venue propager l ’image d ’un Christ vengeur, très différent<br />
du Sauveur messager de la bonne nouvelle du salut. Mais<br />
cette accusation ne procède-t-elle pas d ’une conception du<br />
XIII
Préface<br />
christianisme où Dieu n'est plus le Dieu de la Bible et où le<br />
Fils n 'a pas grand-chose de commun avec le Fils de l ’homme<br />
qui, d'apres l'Evangile, menace du « feu étem el » ceux qui nelui<br />
ont pas « donné à manger » quand il avait faim 1? — Le<br />
Dieu de la Révélation est paradoxal : il se révèle déchiré entre<br />
la colère et la miséricorde, qui sont les deux faces de sa passion<br />
pour l'homme. « Le Sauveur, écrit Origène, est descendu sur<br />
terre par p itié pour le genre humain. Il a subi nos passions<br />
avant de souffrir la Croix, avant même qu 'il eût daignéprendre<br />
notre chair : car s'il ne les avait d'abord subies, il ne serait pas<br />
venu participer à notre vie humaine. Quelle est cette passion<br />
q u ’il a d'abord subie pour nous ? C ’est la passion de l ’amour.<br />
Mais le Père lui-même, Dieu de l'univers, lui qui est plein de<br />
longanimité, de miséricorde et de pitié, est-ce qu 'il ne souffre<br />
pas en quelque sorte ?... Le Père lui-même n 'est pas impassible.<br />
Si on le prie, il a p itié e t il compatit. Il souffre une passion<br />
d ’am our123». Ce texte étonnant introduit au cœur du mystère<br />
de la miséricorde divine. Certaines présentations de l ’impassibilité<br />
de Dieu ne ménagent-elles pas trop « l ’opinion des sages<br />
de ce monde » — en l ’occurrence, l'orthodoxie stoïcienne —,<br />
au lieu de « laisser transparaître la bouleversante nouveauté du<br />
christianisme’ » ?<br />
Si nous réfléchissons dans cette perspective, ne voyons-nous<br />
pas q u ’à la Salette Marie exprime et la passion du Père pour<br />
les enfants qui se sont détournés de Lui, et la passion du Fils,<br />
qu i a accepté de mourir afin que les enfants dénaturés<br />
redeviennent de véritables enfants, ayant obtenu le pardon de<br />
leurs péchés ? Si Marie, à la Salette, se montre en larmes, n 'estce<br />
pas comme messagère de la miséricorde de Dieu, n ’est-ce<br />
pas afin de nous inviter à retourner au Père, loin de qui ne se<br />
trouvent que misère et destruction ? Les larmes de Marie ne<br />
laissent personne indifférent. La prem ière station du ravin de<br />
l ’apparition, celle de la Dame en pleurs, provoque chez le<br />
pèlerin un choc. Mais pour vraiment entendre cet appel adressé<br />
au cœur, il fau t monter à la Salette avec un cœur d'enfant.<br />
En parlant à Maximin et à Mélanie, la belle Dame évoque,<br />
sans doute, des malheurs. En un langage accessible aux bergers<br />
(1) Man. 25, 41-42.<br />
(2) Cité dans Henri DE LUBAC, Histoire et Esprit. L'intelligence de l'Ecriture d'apres Origène,<br />
Aubier 1950, p. 241.<br />
(3) Cf. Henri DE LUBAC, op. cit., p. 242.<br />
XIV
Préface<br />
et à leurs compatriotes, elle rappelle des réalités q u ’ils ne<br />
connaissent que trop bien : b lé qu i tom be en poussière, pom m es<br />
de^tèrie qui se gâtent... La conséquence est prévisible : les<br />
grandes personnes auront faim , des enfants mourront. Nous<br />
savons par les historiens que la crise agricole des années 1845-<br />
184*ffut accompagnée d ’une crise industrielle, de chômage, de<br />
faillites et de spéculations aux effets désastreux pour les petites<br />
gens surtout. — Pourquoi ces paroles dans la bouche de Marie,<br />
sinon pou r nous inviter à réfléchir sur les événements à la lumière<br />
de la Révélation ? Une récolte catastrophique accompagnée d ’un<br />
cortège de misères nous rappelle que Dieu seul est tout-puissant.<br />
A un m om ent ou beaucoup s'imaginaient que, par la science<br />
e t la technique, l'hum anité allait enfin maîtriser l'univers, à<br />
un mom ent où prenaient leur essor des idéologies qui prom ettent<br />
de procurer le bonheur parfait sur cette terre, Notre-Dame de<br />
la Salette rappelait aux hommes leur faiblesse de créatures et<br />
de pécheurs. La création ne p eu t trouver en elle-même son<br />
salut. A la Salette, Marie découvre à son peuple la source des<br />
malheurs qui le frappent : l'oubli du Créateur et du Sauveur<br />
sans lequel il n 'existe, pour les hommes, aucun espoir de salut,<br />
pas même en ce monde.<br />
Que devons-nous faire pour avoir la vie, sinon revenir à<br />
Dieu ? « S ’ils se convertissent », d it la Dame de l ’apparition,<br />
« les pierres et les rochers se changeront en monceaux de<br />
blé... ». — Ne nous trompons pas : il n'y aura pas de miracle<br />
dispensant les hommes d'accomplir leur tâche d ’hommes.<br />
Notre-Dame de la Salette veut nous faire comprendre que c 'est<br />
en prenant au sérieux notre filiation divine que nous réussirons<br />
à bâtir un monde plus humain.<br />
En interprétant le message de la Salette comme un appel à<br />
se laisser réconcilier, la population de l ’époque revivait un<br />
mystère particulièrem ent cher à saint Paul e t aux Pères de<br />
l'Eglise, e t que le christianisme du dernier quart de notre<br />
vingtième siècle a senti le besoin d ’approfondir. Après avoir<br />
é té le thèm e de l ’Année sainte 1975, la réconciliation a été,<br />
conjointement avec la pénitence, celui du Synode des évêques,<br />
tenu à Rome au cours de l'automne dernier, en pleine<br />
Année sainte extraordinaire. Jean-Paul II, qui a qualifié de<br />
« providentielle » cette rencontre avec le Ju bilé célébré en<br />
mémoire du mystère de la Rédemption, « source de la réconciliai<br />
s
Préface<br />
tion et de la pénitence », a présenté ces dernières comme « une<br />
dimension — bien plus, la dimension fondamentale — de<br />
toute l ’existence chrétienne ». Avec le thème traité par le<br />
Synode, « nous touchons, d it le Saint-Père, en un certain<br />
sens les racines mêmes de l ’être chrétien dans le monde<br />
contemporain4 ».<br />
En d'autres termes : le thème de la réconciliation, dont les<br />
documents historiques attestent la présence au cœur de la<br />
dévotion salettine naissante, est lié à l ’essence même du<br />
christianisme. En effet, ce n 'est pas la lutte qui est première,<br />
mais la communion. Luttes, divisions et guerres sont l'effet<br />
d'une première rupture, celle que le péché a introduit entre<br />
l ’homme et son Créateur.<br />
Par sa m ort et sa résurrection, le Christ a détruit le péché<br />
avec ses conséquences e t a opéré la réconciliation des hommes<br />
avec Dieu et entre eux. « Le Christ est notre paix : de ce qui<br />
était divisé, il a fa it une unité. Dans sa chair, il a détruit le<br />
mur de séparation, de haine56». Malgré conflits e t guerres,<br />
l ’Esprit Saint est à l'œuvre, transformant les rapports entre<br />
personnes et nations, agissant dans et par l'Eglise, qui a<br />
précisém ent la mission de porter aux hommes cette réconciliation,<br />
qu 'elle-même célèbre journellem ent dans l ’Eucharistie.<br />
La réconciliation suppose l ’existence d ’un amour réciproque :<br />
amour de Dieu pour l ’homme, mais aussi amour de l ’homme<br />
racheté pour Dieu, amour que l'hom m e est cependant capable<br />
d ’offrir seulem ent s ’il a reçu en son cœur l'Esprit envoyé par le<br />
Christ. C ’est parce q u elle est pleine de grâce, que Marie a pris<br />
part e t p ren d encore part à notre réconciliation. Le Père Stem<br />
l'écrit très justem ent : « Le Christ, qui donne ... aux réconciliés<br />
de se présenter au Père comme ses fils, donne égalem ent à sa<br />
Mère de se présenter devant le Père comme celle qui, depuis<br />
Nazareth, est l'associée du Messie dans l ’œuvre de réconciliation<br />
et qui, au Calvaire, a prou vé son amour pour Dieu en acceptant<br />
que toute sa volonté soit faiteb ».<br />
(4) Discours de clôture du Synode, Documentation catholique, 1983, p. 1078.<br />
(5) Eph. H, 13-14.<br />
(6) J. STERN, « Marie dans le Mystère de notre réconciliation », Nouvelle Revue Théologique<br />
97 (1975), p. 22.<br />
XVI
Préface<br />
Ne comprenons-nous pas mieux l'immense portée de la<br />
Rédemption, dont nous célébrons actuellement le Jubilé,<br />
lorsque, avec les yeux de la foi, nous contemplons Marie<br />
intercédant comme Réconciliatrice auprès du Père ?<br />
Rome, le 25 mars 1984<br />
Jour de la consécration des peuples à Marie<br />
t Gabriel Matagrin, évêque de Grenoble.<br />
XVII
(bibliothèque<br />
Frontispice du « Nouveau récit » de Mgr Ville court, premier livre sur la Salette à paraître avec<br />
l'approbation de l'évêque de Grenoble (doc. 309).
INTRODUCTION<br />
La période sur laquelle porte ce deuxième volume de la série<br />
La Salette - <strong>Documents</strong> authentiques est caractérisée par la mise<br />
en route du procès de la Salette et son déroulement devant la<br />
commission instituée par l’évêque de Grenoble, Mgr Philibert de<br />
Bruillard. Disons dès à présent que, plus tard, la régularité du<br />
procès sera mise en doute par le cardinal de Bonald, archevêque<br />
de Lyon, et par Mgr Depéry, évêque de Gap. Le Saint-Siège, par<br />
contre, ne reprochera jamais à l’évêque de Grenoble d ’avoir violé<br />
les règles du droit ou d’avoir outrepassé ses pouvoirs en prononçant<br />
un jugement solennel au sujet de l’apparition.<br />
Pour aider le lecteur à s’orienter à travers événements et débats,<br />
nous commencerons par exposer la procédure fixée par le droit<br />
canon de l’époque pour ce genre de procès. Nous indiquerons<br />
ensuite un certain nombre de faits survenus entre mars 1847 et<br />
avril 1849 : ces points de repère faciliteront au lecteur la compréhension<br />
des nombreux documents du présent volume.<br />
I. L’EXAMEN CANONIQUE DES APPARITIONS<br />
L’autorité classique en la matière est le pape Benoît XIV<br />
(Prosper Lambertini, 1675-1758)', appelé par Montesquieu le<br />
« pape des savants » et considéré par certains comme le fondateur<br />
de la science canonique moderne. On trouvera son nom cité lors<br />
du procès de la Salette12, de même que plus tard lors des procès de<br />
Lourdes et de Pontmain.<br />
L’enseignement de Benoît XIV sur la façon de procéder à<br />
l’examen des apparitions nous est accessible à travers le monumental<br />
traité qu’il consacre aux procès de béatification et de canonisation3.<br />
(1) M. CASTELLANO, O.P., « La prassi canonica circa le apparizioni mariane » (dans<br />
Enciclopedia mariana * Theotocos », 2.éd., Gênes-Milan, 1958, p. 486-505), le présente<br />
comme « l’autore classico in materia » (p. 489, à propos des aspects à examiner).<br />
(2) Mandement du 19 septembre 1851, préambule de la partie juridique : « Nous<br />
appuyant sur les principes enseignés par le Pape Benoît XTV, et suivant la marche tracée<br />
par lui... ».<br />
(3) De servorum Dei beatificatione et beatorum oanonizatione. La première édition<br />
est de 1734-1738. Nous citerons d ’après les Opéra omnia de Benoît XIV, Prati, 1839-1847,<br />
18 volumes in-4°. Les volumes I à IV correspondent respectivement aux livres I à IV du De<br />
sert.; les volumes V à VII contiennent les index du traité et des compléments ajoutés par<br />
Benoît XTV après son accession à la papauté.<br />
1
Introduction<br />
L’œuvre, composée par Prosper Lambertini avant son accession au<br />
souverain pontificat en 1740, n’a point force de loi par elle-même4.<br />
Sa valeur et son autorité tiennent à la maîtrise avec laquelle<br />
l’auteur, riche de l’expérience qu’il a acquise dans ce genre de<br />
procès comme promoteur de la foi (avocat du diable) auprès de la<br />
Sacrée Congrégation des Rites, interprète la législation et résoud<br />
les cas qui se présentent. L’utilisateur de l’œuvre devra cependant<br />
tenir compte de la perspective de l’auteur qui, en général, envisage<br />
les apparitions et autres phénomènes d ’ordre charismatique dans<br />
un contexte particulier : à savoir le procès de béatification d ’un<br />
serviteur de Dieu5.<br />
Eprouver les esprits<br />
Bien que dépourvues de l’autorité propre à la révélation<br />
apostolique, les révélations « privées », c’est-à-dire confiées par<br />
Dieu à une personne privée6, méritent, selon Benoît XIV, le respect<br />
du peuple chrétien. Les exigences critiques qu’il formule à propos<br />
des faits mystiques ne sont qu’un aspect de l’attitude critique<br />
adoptée par lui à l’égard des miracles en général et à l’égard de la<br />
sainteté. De toute évidence, il n ’est adversaire ni de la mystique<br />
ni de la sainteté, mais il veut que leur authenticité soit établie par<br />
des preuves, « afin que le jugement de béatification et de<br />
canonisation ne risque pas d’être tourné en ridicule par les<br />
hérétiques »7. Benoît XIV s’inscrit par là-même dans la tradition<br />
de l’Eglise, à la fois critique et ouverte à l’éventualité des<br />
manifestations d ’ordre charismatique. Ainsi, à la veille de la crise<br />
protestante, le 5' concile du Latran, après avoir formulé une mise<br />
en garde contre ceux qui oseraient fournir des précisions sur la<br />
venue de l’antéchrist et le jour du jugement, protestait qu’il<br />
n ’avait nullement l’intention d ’assimiler à ces fables les révélations<br />
venues de Dieu :<br />
En effet, au témoignage d’Ambroise, on éteint la grâce de l’Esprit luimême,<br />
si l’on étouffe par la contradiction la ferveur de ceux qui se mettent<br />
(4) De sera. I, p. xxviii : préface à l’édition de 1743.<br />
(5) Quatorze chapitres de l’oeuvre sont expressément consacrés aux apparitions et autres<br />
phénomènes mystiques (II, c.32, III, c.42-53 ; IV, pars I, c.32).<br />
(6) La révélation « privata » peut cependant avoir pour objet le bien de l’Eglise,<br />
« bonum Ecdesiae » : De serv. III, c.ult., n.2.<br />
(7) De serv. III, c.6, n.l.<br />
2
L'examen canonique des apparitions<br />
à parler ; il est alors indéniable que l’on fait certainement outrage à<br />
l’Esprit-Saint. Comme il s’agit d’une affaire de grande importance et qu’il<br />
ne faut pas facilement donner foi à tout esprit, mais que, selon l’Apôtre,<br />
il faut éprouver les esprits pour voir s’ils viennent de Dieu, nous voulons<br />
que, de par le droit ordinaire, les inspirations dont il s’agit, avant d’être<br />
publiées ou prêchées au peuple, soient désormais soumises à un examen<br />
réservé au Siège apostolique [...]8.<br />
Le concile admet cependant que, s’il y a urgence, on soumette<br />
l’affaire à l’autorité ecclésiastique locale (l’ordinaire du lieu), qui<br />
procédera à l’examen en s’entourant d’un comité de sages. Elle<br />
pourra ensuite accorder l’autorisation de publier, si elle le juge<br />
opportun.<br />
Instances compétentes<br />
Qui a autorité pour prononcer un jugement ? — Le 5' concile<br />
du Latran semblait réserver cet acte au Saint-Siège, mais il s’agissait<br />
d ’un jugement prononcé à propos de personnes encore vivantes et<br />
se disant investies d ’une mission venue du ciel. Le cas de la<br />
Salette (comme le cas de Lourdes et de Pontmain) se présente<br />
différemment : il s’agit là d ’un miracle attribuable à Marie, sainte<br />
jouissant d ’un culte reconnu par l’Eglise et apparaissant à des<br />
voyants qui sont de simples témoins. Le texte législatif classique<br />
en la matière vient du concile de Trente :<br />
Nul nouveau miracle ne sera admis, nulle relique nouvelle reçue, sans leur<br />
reconnaissance préalable et leur approbation de la part de l’évêque. Celuici<br />
consultera des théologiens et d’autres hommes pieux. Dès qu’il parviendra<br />
à une conviction au sujet de ces miracles ou reliques, il fera ce qu’il<br />
estimera être conforme à la vérité et à la piété. S’il faut extirper un abus,<br />
source de doutes et de difficultés ou, surtout, s’il survient en la matière<br />
quelque problème plus grave, l’évêque, avant de trancher, attendra l’avis<br />
du métropolitain et des autres évêques de la province réunis en concile<br />
provincial. Cependant on n’adoptera aucune nouveauté, aucun usage<br />
inconnu jusque-là dans l’Eglise, sans avoir auparavant consulté le très saint<br />
pontife romain9.<br />
(8) Session XI, 19 décembre 1516, décret « Supernae maiestatis », dans Conciliorum<br />
oecumenicorum décréta, Bâle, etc., Herder, 1962, p. 613, cité dans De serv. II, c.l, n.7 et<br />
10. — Textes ou cas analogues, plus anciens : autorisation accordée par le pape Eugène III<br />
à sainte Hildegarde de publier ce qu’elle avait appris du Saint-Esprit, après examen du<br />
livre de ses visions en 1147-1148 (De serv. II, c.25, n.3) ; décrétale Quum ex iniuncto<br />
d’innocent III (1199), reprise dans les décrétales de Grégoire IX, lib.V, tit.VH, c.12.<br />
(9) Session XXV, 3-4 décembre 1563, dans Conc. oec. decr., p. 752.<br />
3
Introduction<br />
Selon Benoît XIV, ce texte reconnaît aux évêques le droit<br />
d ’approuver et de publier les miracles attribués à un saint<br />
canonisé10 1. Ils devront cependant tenir compte des précautions<br />
énoncées par le concile : consulter des experts, prendre l’avis du<br />
concile provincial et mettre le Saint-Siège au courant, si nécessaire.<br />
Avant de publier le Mandement du 19 septembre 1851, Mgr de<br />
Bruillard sollicitera effectivement l’avis de Pie IX, qui renverra<br />
l’évêque de Grenoble à la Sacrée Congrégation des Rites, conformément<br />
à la pratique romaine décrite par Benoît XIV : au niveau<br />
romain, l’examen et l’approbation des miracles relèvent du dicastère<br />
chargé du culte11, à moins qu’il n ’y ait lieu de soupçonner derrière<br />
l’affaire une machination, une tromperie, auquel cas elle relèverait<br />
de la compétence de l’Inquisition12.<br />
Preuves et témoignages<br />
Dans les procès de béatification et de canonisation, on doit<br />
observer en matière de preuves, les prescriptions de la procédure<br />
pénale, particulièrement exigeantes. Toutefois, Benoît XIV tempère<br />
cette exigeance par la formule « quantum fîeri potest », pour<br />
autant que la chose est faisable13. Ainsi, pour établir un point<br />
donné, le témoignage d ’une seule personne ne suffit pas, du<br />
moins en principe. On doit cependant admettre des exceptions,<br />
faute de quoi on rejetterait a priori dans les brumes de l’invérifiable<br />
les réalités d’ordre intime, comme celles par exemple rapportées<br />
dans l’autobiographie de sainte Thérèse d ’Avila ou, pour ce qui<br />
nous intéresse, les apparitions d ’un saint à un individu isolé,<br />
comme ce sera le cas, par exemple, à Lourdes. Benoît XIV admet<br />
que de tels faits puissent être reconnus comme authentiques.<br />
Seulement, dans de pareils cas, le témoignage devra être complété<br />
par un examen qui portera sur la personne du témoin, sur la<br />
nature de l’apparition et sur les effets qu’elle a produits14.<br />
(10) De serv. II, c.l, n .12-13 ; IV, pars II, c.ult., n.2.<br />
(11) Jusqu’à la réorganisation de la curie romaine sous Paul VI, la Congrégation des<br />
Rites était chargée du culte en général, y compris de ces phases préparatoires au culte des<br />
saints que sont les procès de béatification et de canonisation. La Sacrée Congrégation pour<br />
les causes des saints est de fondation toute récente : 1969-<br />
(12) De serv. III, c.52, n.13 ; IV, pars II, c.ult., en particulier n.3-5. La pratique a<br />
évolué : selon Castellano (article cité à la note 1), qui étudie la procédure en usage au<br />
vingtième siècle, un seul dicastère romain est compétent pour l’examen d ’une apparition :<br />
le Saint-Office.<br />
(13) De serv. III, c.6, n.3 ; également c.3, n.2-5.<br />
(14) De serv. III, c.51, n.3 (p. 587) ; IV, pars I, c.32, n.14 (p. 379) ; également III,<br />
c.10, n .11.<br />
4
V-.<br />
L'examen canonique des apparitions<br />
Les témoignages d’enfants présentent une difficulté analogue<br />
au cas du témoin unique. D ’après les règles du droit, ils ne<br />
constituent jamais une preuve proprement dite15. Benoît XIV<br />
aurait-il donc refusé a priori d’approuver des apparitions comme<br />
celle de la Salette ou, surtout, celles de Pontmain (1871), où les<br />
seuls voyants furent de jeunes enfants ? — On lui a effectivement<br />
prêté cette position qui, en réalité, se situe aux antipodes de sa<br />
pensée : c’est du moins la conclusion qui, à notre avis, s’impose,<br />
quand on prend la peine de parcourir les œuvres de cet esprit<br />
supérieur, qui fut « le plus canoniste des théologiens et le plus<br />
théologien des canonistes »16 et qui allie une érudition immense<br />
avec un remarquable bon sens. Rien de plus étranger à sa mentalité<br />
que d ’urger l’application des règles de façon mécanique, au point<br />
d ’en faire des empêchements à la recherche du vrai : « il appartient<br />
à l’homme bien formé de se contenter pour chaque objet du type<br />
de démonstration conforme à sa nature »17. Restant sauf le principe<br />
qu’il faut apporter des preuves solides, on tempérera les exigences<br />
d ’ordre formel en fonction de la réalité sous examen. Il est clair<br />
que la déposition d ’un enfant ne saurait constituer la preuve<br />
complète d ’une apparition. Mais les dépositions d’un groupe<br />
d ’adultes ne suffiraient pas davantage à prouver un fait en un<br />
domaine où les hallucinations collectives ne sont pas chose inouïe.<br />
Les témoignages complémentaires et les indices convergents qui<br />
figurent normalement parmi les considérants des jugements canoniques<br />
ne sont pas cités simplement pour suppléer à une insuffisance<br />
d ’ordre quantitatif, qu’il s’agisse du nombre des voyants ou de<br />
leur âge. Leur présence est nécessaire pour que soit éliminé tout<br />
doute raisonnable18.<br />
(15) De serv. III, c.6, n.}.<br />
(16) Card. André JULLIEN, Juges et avocats des tribunaux de l'Eglise, Rome, Officium<br />
libri catholici, 1970, p. 203.<br />
(17) De serv. III, c.l, n.6 : phrase d’Aristote (Ethique à Nicomaque, 1,3), reproduite<br />
par Benoît XIV d ’après saint Thomas (I Contra Gentes, 3). Lors du procès de Pontmain,<br />
H. Sauvé, chanoine théologal du diocèse de Laval, présenta l’objection contre les témoignages<br />
d ’enfants comme « insurmontable » : Benoît XIV aurait rejeté l’opinion de Sénèque, selon<br />
laquelle il n’est pas de témoin plus pur qu’un enfant (R. LAURENTIN et A. DURAND,<br />
Pontmain, histoire authentique, Paris, Apostolat des Editions, etc., 1970, vol. I, p. 72).<br />
En réalité, Benoît XIV, dans le passage auquel il est fait allusion (De serv. III, c.6,<br />
n.3), discute un point de droit positif et s’abstient de prendre position sur le fond (« quidquid<br />
sit de hujus Philosophi opinione »). De plus, la référence indiquée, Canonisation 1, 3,<br />
I, 19. De Testihus, est une faute de lecture : Benoît XIV a écrit « ex jure civili 1.3 et 1.19<br />
ff. de testih. ». Il s’agit d ’une référence au corpus de l’empereur Justinien.<br />
(18) Cf. la judicieuse remarque le l’abbé Suhard, futur cardinal et archevêque de<br />
Paris, lors du deuxième procès de Pontmain en 1920 : » Le témoignage des enfants vaut.<br />
5
Introduction<br />
Ajoutons une dernière remarque à propos de l’attitude adoptée<br />
par les autorités de l’Eglise. Là où les masses chrétiennes demeurent<br />
encore simples et naïves, les responsables toléreront aisément la<br />
diffusion d ’apparitions peu sûres, pourvu qu’elles édifient. Euxmêmes<br />
auront tendance à les admettre sur simple ouï-dire : qu’on<br />
songe aux innombrables prodiges rapportés par saint Alphonse de<br />
Liguori dans son livre Les gloires de Marie, paru au milieu du dixhuitième<br />
siècle ! Mais à une époque et dans les pays où l’esprit<br />
scientifique et la critique historique imprègnent la mentalité<br />
commune, l’autorité ecclésiastique évitera toute apparence d ’approbation<br />
précipitée, afin de ne pas scandaliser inutilement19.<br />
II. POINTS DE REPÈRE<br />
Rappelons brièvement quelle est la situation à la fin de<br />
l’hiver, cinq mois après l’événement du 19 septembre 1846. Les<br />
témoignages de Maximin et de Mélanie sur l’apparition d ’une<br />
Dame ont été largement diffusés par des récits assez différents les<br />
uns des autres quant aux nuances et à la forme, mais identiques<br />
cependant quant à la substance : tous, en effet, présentent le<br />
message de la Dame comme un appel à la conversion, à l’observance<br />
des devoirs religieux. L’autorité diocésaine de Grenoble, dont le<br />
territoire de la Salette dépend au point de vue ecclésiastique, est<br />
impressionnée par les témoignages des curés sur les fruits spirituels<br />
de l’apparition et sur l’importance des pèlerinages, qui se poursuivent<br />
aussi longtemps que la neige n ’a pas rendu les lieux<br />
fondé qu’il est, non sur l’autorité personnelle des témoins, mais sur l’évidence de leur<br />
témoignage, qui ressort des circonstances, tant de l’Apparition, que de l’attitude des<br />
témoins au cours de l’Apparition. Un seul témoin, dans l'occurrence, donnerait un<br />
témoignage suffisant... » (dans R. LaURENTIN - A. DURAND, op. cit., vol. III, p. 321). Le<br />
cardinal Jullien, qui fut durant de longues années membre du Tribunal de la Rote, a<br />
montré comment la décision portée par un juge est le fruit d ’une synthèse et non le<br />
résultat d’une opération arithmétique : JULLIEN, op. cit., ch. XIX, en particulier p. 440-<br />
441, où Ton trouvera une analyse du jugement porté le 18 janvier 1862 par Mgr Laurence,<br />
évêque de Tarbes, sur les apparitions de Lourdes.<br />
(19) Pour de plus amples informations sur l’examen canonique des apparitions selon<br />
Benoît XTV, nous nous permettons de renvoyer le lecteur au rapport que nous avons<br />
présenté en septembre 1983 lors du Congrès mariologique international de Malte. Les actes<br />
du Congrès seront publiés par les soins de l’Académie pontificale mariale internationale de<br />
Rome.<br />
6
Points de repère<br />
inaccessibles. Mais elle ne connaît les témoignages des deux voyants<br />
que d ’une façon très approximative. Elle ignore le contenu et,<br />
probablement, l’existence même de l’enquête menée en févriermars<br />
par l’abbé Lagier, parfait connaisseur du patois de Corps.<br />
L’évêque, Mgr Philibert de Bruillard, penche à titre personnel<br />
pour la réalité de l’apparition. Il évite toutefois d’engager son<br />
autorité et reste dans l’expectative. La circulaire du 9 octobre 1846<br />
demeure en vigueur : elle interdisait au clergé de parler de<br />
l’apparition en chaire, tant que l’autorité ecclésiastique ne l’aurait<br />
pas approuvée.<br />
Au cours du printemps et de l’été 1847, des éléments nouveaux<br />
modifieront cet état de choses : annonces de guérisons, polémiques<br />
et développements d ’ordre spirituel. Ils amèneront l’évêque de<br />
Grenoble à mettre en route l’examen canonique et à prendre<br />
position.<br />
Annonces de guérisons<br />
En avril, arrivent à l’évêché des lettres annonçant coup sur<br />
coup deux guérisons obtenues par l’invocation de Notre Dame de<br />
la Salette et l’usage de l’eau coulant de la source de l’apparition.<br />
La deuxième guérison surtout, celle de Sœur Saint-Charles,<br />
religieuse hospitalière de Saint-Joseph d’Avignon, fait impression.<br />
Alitée depuis huit ans, arrivée à un état de faiblesse extrême, elle<br />
avait été guérie subitement, au cours d’une neuvaine. Dans les six<br />
mois qui suivent, on signalera une douzaine d ’autres guérisons.<br />
Polémiques et poursuites judiciaires<br />
Le 9 avril 1847, un journal de Paris, le Constitutionnel,<br />
annonce qu’une brochure sur la Salette est en vente dans une<br />
église de la capitale. Il propose qu’on la distribue aux députés :<br />
ceux-ci pourront ainsi se rendre compte de « ce qu’on doit<br />
attendre des hommes qui demandent avec tant d ’ardeur la liberté<br />
d ’enseignement ». (Le gouvernement songeait à présenter à la<br />
chambre une loi limitative du monopole de l’Université.) Divers<br />
journaux emboîtent le pas. D ’autre part, en plusieurs villes,<br />
Angers, Paris, etc., police et parquet, voulant empêcher la diffusion<br />
des récits de l’apparition, engagent des poursuites contre des<br />
7
Introduction<br />
imprimeurs et des libraires qui les vendent, sous prétexte qu’ils<br />
ont omis les formalités prescrites par la législation sur les imprimés.<br />
Le vrai motif de ces interventions est la crainte que le message ne<br />
produise « de funestes impressions sur les populations ignorantes »<br />
(note du 20 mai 1847 pour le Garde des Sceaux).<br />
Développements spirituels<br />
La suite des événements cependant montre que les craintes<br />
étaient vaines : les populations qui ont pris le message à cœur,<br />
l’ont interprété comme les habitants de Ninive interprétèrent jadis<br />
le message du prophète Jonas : non pas comme un bulletin de<br />
prévisions météorologiques, mais comme une jnvitation à la<br />
conversion et à la prière. Les pèlerinages reprennent après la fonte<br />
des neiges et surtout après la Pentecôte. Un témoin oculaire parle<br />
de six mille pèlerins pour la seule journée du 31 mai. — Certains<br />
de ces pèlerins viennent de fort loin : de Marseille, de Nantes, de<br />
Tours... Pour le 19 septembre 1847, premier anniversaire de<br />
l’apparition, les estimations vont de trente à cent mille pèlerins.<br />
Le dernier chiffre, certainement exagéré, veut symboliser l’atmosphère<br />
du jour. Le curé de la cathédrale de Grenoble déclarera<br />
qu’il n ’a jamais rien vu de semblable, « ni à Lyon à l’arrivée des<br />
Bourbons, au retour de l’exil ; ni à l’apparition de Bonaparte, au<br />
retour de l’île d ’Elbe » (doc. 289). Comme l’anniversaire tombe<br />
un dimanche, l’évêque permet qu’on célèbre la messe dans une<br />
chapelle érigée sur la montagne. Entre temps, afin de « satisfaire<br />
à Dieu pour les deux grands crimes signalés par la déclaration des<br />
enfants de Corps » (doc. 259), Mgr Parisis, évêque de Langres,<br />
érige une confrérie « réparatrice des blasphèmes et de la violation<br />
du dimanche », qu’un bref de Pie IX, daté du 30 juillet, élève au<br />
rang d’archiconfrérie, ce qui permet à l’association d ’affilier des<br />
succursales.<br />
L'enquête canonique<br />
Parmi les pèlerins de l’été 1847, figure Mgr Clément Villecourt,<br />
évêque de la Rochelle et futur cardinal. De passage à Grenoble le<br />
19 juillet, il rend visite à Mgr de Bruillard, qui, ce même jour,<br />
nomme deux enquêteurs officiels : le chanoine Rousselot, professeur<br />
de morale au grand séminaire diocésain, et le chanoine Orcel,<br />
8
Points de repère<br />
supérieur de la même maison. Au moment de cette nomination,<br />
le premier enquêteur croit déjà à l’authenticité de l’apparition,<br />
tandis que le second est encore sceptique. Partis de Grenoble le<br />
27 juillet, les enquêteurs passent dans neuf diocèses du sud-est,<br />
cherchant à rassembler une documentation sur les guérisons qu’on<br />
leur a signalées. A Nîmes, ils ont la chance de rencontrer l’abbé<br />
Lambert, qui, durant un séjour fait à Corps au mois de mai, avait<br />
noté par écrit le récit de chacun des enfants. Maniant parfaitement<br />
le provençal, il a su, mieux que d ’autres, reproduire les paroles<br />
que la Dame avait prononcées en patois. La relation Lambert<br />
deviendra la pièce maîtresse du récit publié l’année suivante par<br />
Rousselot et reproduit maintes et maintes fois jusqu’à nos jours.<br />
Rousselot et Orcel visitent Corps et la Salette le 25 et le<br />
26 août. Ils interrogent Maximin et Mélanie, diverses personnes<br />
qui les connaissent et des ecclésiastiques de la région.<br />
Les Conférences à / ’évêché de Grenoble et les débuts de l ’opposition<br />
L’enquête terminée, Rousselot compose un Rapport, que Mgr<br />
de Bruillard fait examiner par une commission qui se réunit à<br />
l’évêché de Grenoble, en novembre et en décembre 1847. Présidée<br />
par l’évêque en personne, elle comprend seize membres : les<br />
vicaires généraux, les chanoines de la cathédrale, les curés de la<br />
ville épiscopale et les deux commissaires enquêteurs, qui viennent<br />
du grand séminaire.<br />
La commission se réunira huit fois. A chacune des Conférences,<br />
le Rapport fait l’objet de critiques formulées par le vicaire général<br />
Berthier, un adversaire de la première heure, et trois des cinq<br />
curés de Grenoble. Le groupe des opposants n ’est homogène qu’en<br />
apparence. Les difficultés soulevées par le vicaire général Berthier<br />
se situent moins au niveau des faits qu’à celui des documents,<br />
qu’il estime contradictoires. Nous avons déjà étudié sa façon de<br />
lire les textes1. Les curés de Saint-Louis et de Saint-André présentent<br />
des objections d ’ordre général : ils insistent sur la prudence<br />
nécessaire en pareille matière et sur la difficulté d’atteindre à la<br />
certitude. Lorsque l’évêque, au cours de la cinquième Conférence,<br />
demande à la commission de se prononcer sur la réalité de<br />
l’apparition, la majorité répond par un oui. Sur les quatre votes<br />
négatifs, trois sont motivés par l’insuffisance des preuves fournies<br />
(1) La Salette. <strong>Documents</strong> authentiques (dorénavant LSDA), I, en particulier, p. 140.<br />
9
Introduction<br />
dans le Rapport. Une seule voix se prononce formellement contre<br />
la réalité de l’apparition : celle du curé de Saint-Joseph, J.-P.<br />
Cartellier, qui poursuivra le combat contre la Salette après la<br />
clôture des Conférences.<br />
Approbation de l ’apparition<br />
En ouvrant les Conférences, Mgr de Bruillard avait laissé<br />
entendre qu’à leur issue il prononcerait un « jugement doctrinal »<br />
(doc. 330). Les troubles politiques de 1848, peut-être aussi une<br />
intervention du cardinal de Bonald, archevêque de Lyon, lui font<br />
ajourner son projet. Cependant début juin la Salette reçoit un<br />
pèlerin de marque, l’abbé Dupanloup, qui, l’année suivante,<br />
deviendra évêque d ’Orléans. Dupanloup interroge les enfants. Il<br />
est vivement frappé par le contraste entre leur médiocrité habituelle<br />
et le changement qui s’opère en eux quand ils parlent de<br />
l’apparition, entre « le ton toujours vulgaire et habituellement<br />
grossier » de Maximin, « le ton habituellement maussade » de<br />
Mélanie, et la simplicité, le sérieux, avec lesquels ils donnent le<br />
récit (doc. 427). Durant un séjour dans la région de Grenoble, il<br />
prend connaissance du Rapport Rousselot et le trouve bon. Mgr<br />
de Bruillard décide alors d’en permettre la publication, mieux<br />
encore, de prendre position ouvertement, en tant qu’évêque. Ce<br />
n ’est pas la première fois qu’un livre sur la Salette va paraître avec<br />
son consentement. Dès septembre 1847, il avait donné son accord<br />
à la publication, par Mgr Villecourt, d ’un Nouveau récit de<br />
l'apparition (doc. 309). Mais cette fois-ci, il va nettement plus<br />
loin : dans une lettre signée, placée en tête du livre de Rousselot,<br />
il déclare avoir « constamment partagé l’avis de la très-grande<br />
majorité de la Commission » (doc. 428). Ainsi, au vu et au su de<br />
tous, l’évêque du lieu admet l’authenticité de l’apparition. Bien<br />
qu’il n’ait pas formulé de « jugement doctrinal » au sens juridique<br />
du terme — le jugement doctrinal viendra en 1851 —, la Salette<br />
possède désormais un statut ecclésial. Bientôt du reste ce nom<br />
figurera dans un acte solennel : le 4 mars 1849, Mgr Jolly,<br />
archevêque de Sens, proclame miraculeuse la guérison d ’Antoinette<br />
Bollenat, d’Avallon dans l’Yonne, guérison obtenue à la suite<br />
d ’une neuvaine à la très sainte Vierge « invoquée sous le nom de<br />
Notre Dame de la Salette ».<br />
10
Points de repere<br />
Notre Dame Re'conciliatrice des pécheurs<br />
En mai 1848, le curé de la Salette fonde dans sa paroisse une<br />
confrérie en l’honneur de Notre Dame des Sept-Douleurs. La « vox<br />
populi » ne tarde pas à désigner l’association sous un autre nom,<br />
celui de Notre Dame Réconciliatrice des pécheurs. Ce vocable<br />
deviendra le titre liturgique de la Dame de la Salette. On le trouve<br />
dans les documents du Saint-Siège, du bref de Pie IX en faveur<br />
de l’archiconfrérie de la Salette (7 septembre 1852) au texte de la<br />
messe de la Salette, révisé après Vatican II et approuvé par la<br />
Sacrée Congrégation du Culte (25 juin 1976).<br />
Remous suspects<br />
Comme le miel attire les mouches, les manifestations charismatiques<br />
attirent les esprits crédules et portés aux excès de zèle.<br />
Pendant qu’à l’évêché de Grenoble on examine le fait de la<br />
Salette, autour de l’association réparatrice de Langres règne une<br />
agitation inquiétante : sous prétexte de fidélité à des révélations<br />
venues du ciel et transmises par une carmélite de Tours, Sœur<br />
Marie de Saint-Pierre, on prétend imposer à l’association une autre<br />
forme que celle voulue par l’évêque fondateur. Dans une lettre<br />
qui paraît dans Y Univers du 24 décembre 1847, Mgr Parisis réagit<br />
vigoureusement contre ces manœuvres, auxquelles la carmélite de<br />
Tours reste d’ailleurs totalement étrangère : elle sait en effet que<br />
les révélations privées sont soumises à l’Eglise et non l’Eglise aux<br />
révélations (doc. 386).<br />
A la Salette, parallèlement au développement qui aboutit à la<br />
dévotion à Notre Dame Réconciliatrice des pécheurs, un autre<br />
développement se fait jour à la suite de la Révolution de février<br />
1848 et de la confusion qu’elle a engendrée. Certaines têtes, rêvant<br />
d ’un monarque qui viendrait rétablir l’ordre dans le pays, pensent<br />
trouver dans les secrets confiés aux deux bergers la clef de l’avenir<br />
politique et une confirmation de leurs espoirs.<br />
L’approche que nous évoquons ici deviendra manifeste à partir<br />
de 1850. Le présent volume, qui va seulement jusqu’en avril 1849,<br />
contient cependant des signes avant-coureurs de cette exploitation<br />
politique de l’apparition. Dès avril 1847 rôde à Corps, autour de<br />
Maximin et de Mélanie, un certain Houzelot, marchand d ’orfèvrerie<br />
religieuse et chasseur de reliques (à Lourdes, il réussira à se procurer<br />
le capulet de Bernadette). La suite de l’histoire salettine le montrera<br />
11
Introduction<br />
mêlé aux manœuvres des partisans du pseudo-baron de Richemont,<br />
un aventurier qui se faisait passer pour Louis XVII.<br />
Bilan<br />
La Salette possède désormais droit de cité dans l’Eglise.<br />
L’évêque du lieu a ouvertement déclaré qu’il estime l’apparition<br />
authentique et il a autorisé, sur la montagne visitée par les pèlerins,<br />
l’exercice du culte liturgique. En 1849, après qu’un autre évêque<br />
eut déclaré miraculeuse une guérison obtenue par l’invocation de<br />
Marie sous le titre de Notre Dame de la Salette, il engagera des<br />
pourparlers avec l’autorité municipale, en vue de l’acquisition du<br />
terrain. Mgr de Bruillard, il est vrai, n’a pas encore émis sur<br />
l’apparition un jugement doctrinal proprement dit. Comme nous<br />
l’avons déjà noté, ce dernier n ’interviendra qu’en 1851. Il reste<br />
que, selon la remarque formulée par Rousselot dans la conclusion<br />
de son Rapport, l’autorité compétente peut autoriser la fondation<br />
d ’un sanctuaire, sans pour autant « se prononcer définitivement<br />
sur le grand événement qui fait mouvoir les populations »<br />
(doc. 310). En agissant de la sorte, elle favorise la dévotion envers<br />
la sainte Vierge, chose excellente, même en l’absence de toute<br />
apparition ou manifestation extraordinaire. Mgr de Quélen, archevêque<br />
de Paris, n ’avait-il pas en 1832 autorisé la frappe de la<br />
médaille miraculeuse, sans s’être prononcé auparavant sur les<br />
apparitions qui étaient à son origine ? Observons en passant que<br />
cette ligne de conduite met en application une règle énoncée par<br />
saint Jean de la Croix, dont on connaît l’autorité en matière de<br />
phénomènes mystiques : quand on exécute un point demandé<br />
dans une révélation privée, il faut le faire non parce que la chose<br />
a été demandée par révélation, mais parce qu’elle est raisonnable<br />
et conforme à l’Evangile2.<br />
Quant aux objections soulevées par les opposants de la Salette,<br />
elles ont exercé une influence bienfaisante, en obligeant les<br />
rapporteurs à comparer les diverses relations de l’apparition, à<br />
interroger les témoins, à examiner les enfants de plus près.<br />
L’épreuve du temps aide à discerner ce qui sépare l’apparition de<br />
la Salette d’autres faits extraordinaires mais inauthentiques, comme<br />
les prétendues apparitions qui auraient eu lieu, en 1848, dans le<br />
(2) La montée du Carmel, livre II, ch. 21 (dans Œuvres complètes, Paris, DDB, 1959,<br />
p. 236).<br />
12
Notre édition<br />
diocèse de Valence et aussi, tout près de la Salette, au Périer.<br />
Enfin, à l’intérieur même du mouvement né de la Salette, l’épreuve<br />
du temps permettra de distinguer entre appel à la conversion ou<br />
dévotion d ’une part et interprétations politisantes de l’autre.<br />
III. NOTRE ÉDITION<br />
Rappelons que ce dossier suit l’ordre chronologique des<br />
documents3. Un numéro a été attribué à tous les documents<br />
conservés, à l’exception des demandes de renseignements, des<br />
sollicitations de faveurs spirituelles et des pièces concernant les<br />
guérisons survenues après le début des Conférences tenues à<br />
l’évêché de Grenoble en novembre-décembre 1847. Ces derniers<br />
documents ne recevront un numéro individuel que s’ils présentent<br />
un intérêt majeur4.<br />
Vu l’impossibilité de reproduire tous les textes — ce qui aurait<br />
exigé trois ou quatre volumes comme celui-ci ! — on a dû opérer<br />
un choix. Priorité a été donnée aux enquêtes opérées sur les lieux,<br />
aux renseignements fournis par les habitants, aux textes illustrant<br />
les diverses mentalités rencontrées. Le dossier est cependant présenté<br />
dans son intégralité. Le répertoire placé à la fin du volume énumère<br />
en effet tous les documents du n° 127 au n° 530 inclus et fournit<br />
des renseignements sur ceux d ’entre eux qui, dans le corps de<br />
l’ouvrage, n ’ont pas fait l’objet d’une présentation spéciale.<br />
(3) Cf. LSDA I, p. 27-28.<br />
(4) Le lecteur désireux de connaître ces diverses guérisons et leurs dossiers respectifs en<br />
détail, consultera les deux volumes de GlRAY.<br />
13
.v*,-r
DOCUMENTS<br />
fin mars 1847 — avril 1849<br />
N ° 127 — 530
LES VOYANTS<br />
QUELQUES RAPPELS<br />
Maximin Giraud (1835-1875) a onze ans lors de l’apparition. C’est le<br />
quatrième enfant d’un pauvre charron. Il a perdu sa mère alors qu’il<br />
n’avait pas encore atteint dix-huit mois.<br />
Mélanie Mathieu / Calvat (1831-1904) a quatorze ans et demi lors de<br />
l’apparition. Quatrième enfant d’une famille indigente, elle a été placée<br />
en service chez des paysans de la région dès l’âge de dix ans environ.<br />
LE CADRE GÉOGRAPHIQUE<br />
Les lieux de l’apparition se trouvent à 1 800 m d’altitude, adossés à la<br />
chaîne de montagnes qui entoure la commune de la Salette-Fallavaux.<br />
Un chemin muletier relie celle-ci à Corps, chef-lieu du canton auquel la<br />
commune appartient.<br />
Corps (900 m), où habitent les familles des deux voyants, est la dernière<br />
commune de l’Isère avant les Hautes-Alpes, sur la route de Grenoble à<br />
Gap. Corps offre aux visiteurs des possibilités d’accueil hôtelier et un<br />
bureau de poste. C’est là qu’ils peuvent rencontrer et interroger les deux<br />
voyants.<br />
LE CADRE ECCLÉSIASTIQUE<br />
Corps et la Salette appartiennent au diocèse de Grenoble.<br />
Mgr Philibert de Bruillard (1765-1860) est évêque de Grenoble depuis<br />
1826. Il lui appartient de juger de l’apparition au nom de l’Eglise et<br />
d’autoriser l’exercice du culte liturgique sur les lieux.<br />
L’abbé Pierre Mélin (1810-1874), curé-archiprêtre de Corps, est le principal<br />
correspondant local de l’évêché.<br />
LA DIFFUSION DE LA « GRANDE NOUVELLE »<br />
Les relations qui la font connaître présentent entre elles des divergences<br />
notables, qui tiennent surtout au fait que les unes ont été écrites sous la<br />
dictée d’un des voyants, tandis que d’autres sont des amalgames de<br />
témoignages ou encore des récits composés de mémoire. Un travail de<br />
critique s’impose donc. Il sera accompli en 1847-1848.<br />
16
4é<br />
Village de la Salette vers 1860, par M.augendre.<br />
A droite, chapelle de Saint-Sébastien, aujourd'hui disparue. A côté, façade de la chapelle de<br />
Notre-Dame des Sept Douleurs. Au centre, le village de la Salette (1 ISO m) avec l'église<br />
paroissiale. Au fond à gauche, le Gargas (2 207 m) et, à droite, le Chamoux (2 197 m). Entre<br />
les deux, le Planeau (1 802 m), dont le sommet cache les lieux de l'apparition.<br />
Le site. La commune de la Salette-Eallavaux, avec sa douzaine de villages (la<br />
Salette, les Ablandens, Dorcieres, Saint-Julien, Eallavaux, etc.) occupe un cirque<br />
de montagnes calcaires et marneuses, aux flancs raides et dénudés, d ’une<br />
âpre grandeur. Il s'agit de la bordure sédimentaire occidentale de massifs<br />
anciens, cristallins, recouverts par les mers du secondaire, puis rajeunis par les<br />
plissements alpins ; le massif dit du Pelvoux (l'Olan : 3 564 m) n'est pas loin.<br />
Cette bordure, fortement basculée vers l'ouest, plissée, faillée, a été sculptée par<br />
les glaciers : tout cela explique — sommairement — l ’architecture complexe de<br />
ce petit massif marginal, drainépar la Se'zia, qui se jette dans la vallée profonde<br />
et majestueuse du Drac, comblée en partie maintenant par les eaux du barrage<br />
du Saute t. (D’apres A. Mélisson et M. Toc bon. — On trouvera des renseignements<br />
complémentaires dans les « Eléments de géologie salettine » de<br />
M. Tochon, parus dans les Annales, mai-juin et juillet-août 1975.)<br />
17
Doc. 127<br />
<strong>Documents</strong><br />
Dimanche de la Passion, 21 mars 1847<br />
Événem ent. Guérison à Avignon de Sœur Prouvèze, religieuse coadjutrice<br />
des Dames du Sacré-Cœur. Dossier dans Vérité, p. 115-118 ; GlRAY II, p. 77-81.<br />
Cf. doc. 129, 133, 138, 191. — Alitée depuis quatre mois en raison d’un<br />
rhumatisme nerveux aux lombes, la sœur est guérie subitement en assistant à la<br />
messe le dernier jour d’une neuvaine au cours de laquelle elle a fait usage de<br />
l’eau de la fontaine miraculeuse. Selon le docteur Cade, médecin traitant « le<br />
recouvrement subit des forces musculaires, après un alitem ent aussi prolongé, est<br />
tou t à fa it en dehors des lois ordinaires de la nature » (doc. 191)-<br />
Parmi les guérisons obtenues hors des limites du diocèse de Grenoble, ce fut<br />
la première à connaître un certain retentissement. Le chanoine Rousselot la<br />
mentionna dans son Rapport du 15 octobre 1847 à l’évêque de Grenoble<br />
(doc. 310).<br />
Mardi 23 mars 1847<br />
127. APPARITION DE LA TRÈS-SAINTE VIERGE À DEUX<br />
PETITS BERGERS SUR LA MONTAGNE DE LA SALLETTE<br />
[sic]... ; GUÉRISON MIRACULEUSE D ’UNE FEMME INFIRME<br />
DEPUIS 23 ANS ; ACCOMPAGNÉES DES LETTRES DE MGR<br />
L ’ÉVÊQUE DE GAP ET DE M. L ’ABBÉ CHABRAND GRAND<br />
VICAIRE, ETC., ETC., SUR CES DEUX MIRACLES<br />
Paris, Bouasse-Lebel et cie, 1847. 32 p. 13 cm (PBNR 12).<br />
Date. La « Déclaration » par laquelle les éditeurs disent se soumettre au<br />
jugement de l’Eglise porte la date du 23 mars.<br />
Le récit (p. 3-18). Il dépend des mêmes sources que celui de la brochure<br />
Notre Dame et deux bergers des Alpes (doc. 71) ou, plus probablement, plagie<br />
celle-ci sans remonter plus haut.<br />
Les deux lettres annoncées dans le titre sont les documents 45 et 27 bis.<br />
Mardi 30 mars 1847<br />
129 bis. LETTRE DE MÈRE SAINTE-THÈCLE, Supérieure des<br />
Sœurs de la Providence de Corps, à M. Dupont (*)<br />
Original : Tours SF, B 28.<br />
Note. La Mère Sainte-Thècle, qui dirige l’école fréquentée par les deux<br />
bergers de la Salette, livre ici ses impressions sur les enfants. Sa lettre contient en<br />
outre une précision sur la coiffure de la Dame de l’apparition.<br />
(*) Nous avons déjà rencontré Léon Dupont (ou Papin-Dupont), surnommé « le saint<br />
homme de Tours » (LSDA I, p. 66, etc ). Il a désormais droit au titre de vénérable : par<br />
un décret daté du 21 mars 1983, la Sacrée Congrégation des Saints a, en effet, proclamé<br />
l’héroïcité de ses vertus. Le décret mentionne l’apparition de la Salette parmi les événements<br />
qui fournirent à M. Dupont l’occasion d’approfondir sa vie spirituelle et de se livrer à la<br />
diffusion de la parole de Dieu (Acta Apostolicae Sedis, 1983, p. 1057-1058).<br />
18
JO mars 1847<br />
Doc. 129 bis<br />
Monsieur,<br />
Corps, le 30 mars 1847.<br />
Le 21 mars, j’ai été grandement étonnée lorsque l’on m ’a<br />
remis deux volumes, intitulés Année de Marie (1). [,..Mr le Curé]<br />
m ’a chargé" d ’être auprès de vous [p. 2] l’interprète de ses<br />
sentiments de respect.<br />
[...] Il y a dans ce moment le Jubilé dans sa paroisse : il<br />
paraît y avoir une grande émulation ; nous ne sommes encore<br />
qu’au troisième jour (2).<br />
Le jour que je reçus vos livres, j’étais si heureuse de les avoir<br />
que je me mis à en lire une partie. J ’avais à mes côtés Mélanie<br />
Mathieu qui est la petite privilégiée de la S" Vierge. Comme tous<br />
les enfans, elle aime à voir les images, et pour lui faire plaisir, je<br />
les lui faisais parcourir ; quand tout à coup elle m’arrête, avec<br />
vivacité et me dit en me faisant remarquer la statue de Notre<br />
Dame de bon espoir, que la coiffure de la S" Vierge était comme<br />
celle-là (3). Jusqu’alors les deux enfans s’accordaient à dire qu’elle<br />
avait une coiffe à la paysanne bien haute, mais ils ne savaient pas<br />
bien définir comment elle était faite. Votre livre contribuera<br />
beaucoup à en donner une idée juste.<br />
[p. 3] La petite fille devient bien gentille ; elle avait d ’abord<br />
quelques défauts dans le caractère ; mais elle se corrige beaucoup.<br />
Le petit garçon, plus jeune de quatre ans, est vif et léger, d ’une<br />
naïveté qui fait plaisir. Il est malade dans ce moment de la petite<br />
vérole ; mais il n ’y a plus de danger. Il commence à savoir lire et<br />
à servir la messe. Je ne sais si Monsieur a appris que les deux<br />
enfans étaient dans la plus grande ignorance et qu’ils appartiennent<br />
à des parents extrêmement pauvres. Ils sont dans notre maison,<br />
nourris et entretenus par la charité publique. On les prépare l’un<br />
et l’autre, à leur première communion ; le jour n ’en est pas encore<br />
fixé, mais ce sera peu de temps après Pâques (4) ; veuillez,<br />
Monsieur, penser à eux dans vos ferventes prières, pour leur [sic] 1<br />
(1) Année de Marie, ou Pèlerinages aux sanctuaires de la Mère de Dieu, suivis de<br />
méditations sur plusieurs des principales vérités de la religion. Par MM. D. et B. Tours<br />
1842, 2 vol., planches, 19 cm. — lis auteurs sont M. Dupont et l’abbé Bodet, prêtre du<br />
diocèse de Rouen.<br />
(2) Il s’agit des exercices du jubilé accordé par Pie IX à l’occasion de son avènement<br />
encore tout récent (juin 1846).<br />
(3) Voir p. 21. — La couronne élevée que porte Notre Dame de Bon Espoir contraste<br />
avec la coiffure des autres Vierges reproduites dans l'ouvrage : simple voile (par exemple<br />
N.D. du Laus), diadème (par exemple N.D. de la Garde).<br />
(4) Une lettre du curé de Corps à M. Dupont, datée du 24 mai 1847 (doc. 172 bis),<br />
explique que les choses allèrent moins vite que prévu : « Je vous remercie de votre offrande<br />
pour les deux enfants. Les maladies qui ont régné pendant l’hiver et qui ont décimé les<br />
enfants, nous ont fait ajourner la première communion ; il ne nous a pas été possible de<br />
les instruire. » Maximin et Mélanie firent leur première communion seulement l’année<br />
suivante.<br />
19
Doc. 129 bis<br />
<strong>Documents</strong><br />
aider à préparer dans leurs cœurs, une demeure digne du grand<br />
Dieu qu’ils vont recevoir pour la lircfois.<br />
Je suis...<br />
Sr M" SKTHÈCLE,<br />
Supérieure.<br />
* 130 bis. ARTICLE DE LA VOIX DE L ’ÉGLISE, I, p. 335-336<br />
(mars 1847) : Encore un avertissement du ciel<br />
Source. L’article reprend le contenu d’Une notice consacrée à l’oeuvre<br />
réparatrice demandée par Sœur Marie de Saint-Pierre, du Carmel de Tours (*).<br />
M. Dupont avait envoyé la notice à quelques personnes, dont le curé de Corps<br />
(cf. doc. 91) ; cette fois, l’affaire est portée devant le grand public.<br />
[...] Depuis trois ans et demi Dieu se communique à une<br />
âme d’une vertu reconnue et éprouvée, lui demandant [...]<br />
l’établissement d ’une œuvre, ou plutôt d’une association proprement<br />
dite, qui doit avoir pour fin et double but :<br />
1° La réparation des blasphèmes du saint nom de Dieu et<br />
des profanations du dimanche ;<br />
2° La sanctification de ce saint jour et l’extirpation des<br />
blasphèmes, et conséquemment la conversion des blasphémateurs<br />
et des profanateurs.<br />
[... Notre Seigneur] a donné sa face adorable, outragée comme<br />
dans sa passion, pour être l’objet sensible de l’association, contre<br />
laquelle il annonce que Satan se déchaînera. [...]<br />
Cette œuvre, qui a commencé de s’établir à Tours, avec<br />
l’autorisation de Mgr L’Archevêque, porte le nom à’Association<br />
des défenseurs du saint nom de Dieu. [... (p. 336)...] Nous prions<br />
qu’on veuille bien remarquer la corrélation des avertissements de<br />
Tours, avec ceux de la Salette, près Grenoble.<br />
Suite. L’association de Tours n’eut qu’une existence éphémère.<br />
L’œuvre réparatrice fut effectivement fondée au cours de l’année f847,<br />
mais à Saint-Dizier, au diocèse de Langres. Son fondateur, l’abbé<br />
Pierre Marche, la considéra comme une réponse donnée à la fois aux<br />
avertissements de la Salette et aux demandes formulées par Sœur Marie<br />
de Saint-Pierre (1). Il est d’autant plus opportun de reconnaître le rôle<br />
joué par cette dernière que sa mémoire a souffert, tant des excès de zèle<br />
de certains disciples que de la rigueur de certains jugements portés sur<br />
ses écrits après son décès. 1<br />
(*) On trouvera une notice sur cette carmélite dans notre premier volume (LSDA I,<br />
p. 269). Nous n ’avons malheureusement pu utiliser pour notre travail la toute récente<br />
biographie par Dom Guy-Marie OURY, Vers le message de Thérèse de Lisieux : Sœur Marie<br />
de Saint-Pierre, Chambray-lès-Tours, C.L.D., 1983-<br />
(1) Pierre MARCHE, Notice sur Tarchiconfrérie réparatrice, Saint-Germain-en-Laye,<br />
impr. de Réal. [4] p. en 1 feuille (Tours C) ; la Notice est datée du 24 septembre 1848.<br />
— Nouveau m anuel de T'archiconfrérie réparatrice, par le même, Paris 1858, p. 36-39.<br />
20
La coiffure de la Dame. Les premières relations insistent sur la hauteur de la coiffure.<br />
« Elle avait un bonnet de forme simple, abaissé sur les yeux et fort élevé sur<br />
le front, selon la coiffure des femmes de l'Oisan » (Perrin : doc. 7, v. 41) . —<br />
« Sa coiffure était haute, et à-peu-près celle des femmes de la montagne »<br />
(Chambon : doc. 20, v. 11) . — « La coiffe était longue, tombait presque sur les<br />
yeux à moitié du front et s'élevait beaucoup en se reculant sur le devant, s'élargissant<br />
sur le derrière, et j- 'élevant beaucoup et finissant par se recourber un peu<br />
sur le devant... » (Lagier : doc. 96, v. 100 ; cf. aussi doc. 105, v. 61) .<br />
La coiffe ou « calette » portée autrefois « par les femmes du Dauphiné et en particulier<br />
du Grésivaudan [...] ressemblait assez, par sa hauteur et sa forme élargie<br />
vers le sommet, à une mitre d'évêque... » (E. Delehaye, La calette e t les bonnets<br />
du Dauphiné, Grenoble 1910, p. 7.) — Noter que le Grésivaudan historique ne<br />
se limite pas à la vallée de l'Isère, mais englobe l ’Oisans et la Mateysine, avec la<br />
Mure et Corps.<br />
21
Doc. 130 bis<br />
<strong>Documents</strong><br />
Sœur Marie de Saint-Pierre (1816-1848) et la réparation. La réparation,<br />
telle que présentée par la sœur, a une dimension apostolique. Elle<br />
vise le salut du prochain. En blasphémant Dieu, la France « comme une<br />
vipère », déchire « les entrailles de sa miséricorde » (2). La sœur voit la<br />
justice de Dieu prête à frapper. Mais Dieu veut, en quelque sorte, qu’on<br />
l’oblige à faire miséricorde à une humanité qui, pourtant, met le comble<br />
à son iniquité en l’attaquant pour ainsi dire de front, par le blasphème<br />
et la profanation du jour qui lui est consacré (3). Pour réparer l’outrage<br />
infligé à Dieu publiquement et obtenir miséricorde, il faut une réparation<br />
publique et même ecclésiale : « Ce divin Sauveur m’a fait entendre que<br />
l’œuvre de la réparation des blasphèmes était née de lui et de l’Eglise<br />
son épouse, qu’il fallait à sa naissance produire l’autorité divine, dont<br />
elle émane, afin qu’elle ait vie et qu’elle soit bien reçue des fidèles » (4).<br />
Au centre de la piété réparatrice, Sœur Marie de Saint-Pierre met la<br />
dévotion à la sainte Face du Sauveur. Les outrages lancés contre la<br />
Divinité ne peuvent atteindre celle-ci. En revanche, elles atteignent la<br />
Face du Christ, miroir et expression de la Divinité. Le Christ a souffert<br />
dans sa Face les outrages lancés contre son Père. La réparation guérit en<br />
quelque sorte les douleurs de cette Face, qui, tel un cachet, imprime<br />
dans les âmes l’image de Dieu, que le péché avait effacée (3).<br />
On reconnaît là un thème cher à sainte Thérèse de Lisieux : « Oh !<br />
que cette Sainte Face-là m’a fait du bien dans ma vie ! » dit-elle quelques<br />
semaines avant sa mort à propos d’une effigie, semblable à celle vénérée<br />
à Tours dans l’oratoire établi dans l’ancienne maison de M. Dupont.<br />
« Ces paroles d’Isaïe : « Qui a cru à votre parole... Il est sans éclat, sans<br />
beauté... etc. » ont fait tout le fond de ma dévotion à la Sainte Face,<br />
ou, pour mieux dire, le fond de toute ma piété. » Comme chez Sœur<br />
Marie de Saint-Pierre et conformément à la tradition carmélitaine, cette<br />
piété se veut résolument apostolique : « Vivre d’amour c’est essuyer ta<br />
Face,/C’est obtenir des pécheurs le pardon » (6). Notons que les écrits<br />
de la carmélite de Tours avaient trouvé une large audience au Carmel de<br />
Lisieux et ne furent pas sans influencer Thérèse Martin (7).<br />
(2) Lettre du 7 décembre 1843, dans Message, p. 92.<br />
(3) « O Dieu, qui avez la miséricorde de vouloir être apaisé, ne rejetez pas votre<br />
peuple » (Recueil de prières pour la réparation des blasphèmes, et de la profanation du<br />
saint jour du Dimanche, p. 4 ; ce cahier manuscrit, conservé au Carmel de Tours, serait de<br />
la propre main de Sœur Marie de Saint-Pierre) ; Message, p. 51-52, 90, 166 et passim.<br />
(4) Lettre du 23 mars 1846. Copie de 1848 (Tours C), p. 67. Texte reproduit dans<br />
Message, p. 133.<br />
(5) Textes datés du 27 octobre 1845 et du 21 janvier 1847, reproduits dans Message,<br />
p. 114-117 et 123-125.<br />
(6) S“ Thérèse de TEnfant-Jésus et de la Sainte-Face, Derniers entretiens, Paris, DDB<br />
— Editions du Cerf, 1971, p. 304, 305.<br />
(7) S" Thérèse de TE.-J., Correspondance générale, Paris, Editions du Cerf — DDB,<br />
1972-73, II, p. 1207-1208. En 1885, tous les membres de la famille Martin s’étaient fait<br />
inscrire dans Tarchiconfrérie de Langres et dans celle de la Sainte-Face de Tours (ibidem, I,<br />
p. 498, note h ; Message, p. 203. — Il existe également une parenté spirituelle entre Sœur<br />
22
mars 1847<br />
Doc. 130 bis<br />
Ils ont cependant fait l’objet de jugements négatifs de la part de<br />
l’autorité ecclésiastique. Deux ans après le décès de la sœur, Mgr Morlot,<br />
archevêque de Tours (8), interdira de les communiquer à qui que ce<br />
soit : « dans l’état actuel et après les réflexions les plus approfondies », il<br />
lui paraît impossible de leur attacher « l’importance que quelques<br />
personnes auraient pensé ou penseraient pouvoir leur attribuer » (9).<br />
Cétte interdiction il est vrai, sera levée par Mgr Colet, peu de temps<br />
après son installation sur le siège de saint Martin, mais, vers la fin du<br />
siècle, un décret de la Congrégation de l’Inquisition déclarera que « ces<br />
écrits n’ont pas les caractères de vraies révélations et qu’ils contiennent<br />
des nouveautés qui peuvent être pernicieuses à la véritable piété des<br />
fidèles » (10). Ceux qui se plaisent à illustrer les relations entre charisme<br />
et institution au moyen de la dialectique du maître et de l’esclave<br />
trouveront donc là un exemple de choix. Mais l’historien qui se donne la<br />
peine de prendre en considération l’ensemble de la documentation<br />
aboutira à des vues sensiblement plus nuancées.<br />
Mgr Morlot avait en effet commencé par se montrer extrêmement<br />
favorable à la fondation d’une œuvre réparatrice. Il avait même suivi<br />
personnellement la mise au point du projet : « Le soin de joindre aux<br />
réparations touchant le blasphème celles qui sont relatives aux profanations<br />
des s“ jours me satisfait pleinement », écrit-il le 23 janvier 1847 à Mère<br />
Marie de l’Incarnation, prieure du Carmel. « Il m’a toujours paru que<br />
l’idée primitive qui n’allait qu’aux blasphèmes et pas au delà était<br />
incomplète et pas suffisamment en rapport avec les besoins et les<br />
circonstances ». Mais la divulgation des faits concernant Sœur Marie de<br />
Saint-Pierre va bientôt l’indisposer : « Voilà que de tous côtés on s’adresse<br />
à moi pour avoir des explications et des renseignements sur des faits<br />
extraordinaires, miraculeux », communique-t-il début mars à la même<br />
prieure. Or, pour sa part, il ne s’est point prononcé sur leur caractère<br />
surnaturel : « n’allons pas préjuger des choses qui sont d’une nature aussi<br />
délicate ni surtout les livrer à tous les commentaires de la publicité. Au<br />
fond cela n’est nullement nécessaire pour atteindre le but que nous nous<br />
proposons » (11).<br />
L’œuvre réparatrice est à peine établie au diocèse de Langres, que<br />
surgissent des troubles. Certains disciples de la sœur, persuadés que ses<br />
Marie de Saint-Pierre et la fondatrice de la Congrégation de l’Adoration réparatrice,<br />
Théodolinde Dubouché (cf. l’autobiographie inédite de cette dernière [archives de la<br />
Congrégation, 39 rue Gay-Lussac, Paris 5'] et Mgr D’HULST, Vie de la vénérable Marie-<br />
Thérèse du Cœur de Jésus, 7.éd., Paris 1935, p. 112-115).<br />
(8) François-Nicolas Morlot, 1795-1863, deviendra cardinal en 1855 et archevêque de<br />
Paris en 1857. Noter qu’il était originaire de Langres, donc du diocèse où l’oeuvre réparatrice<br />
fut effectivement fondée.<br />
(9) Décret du 5 août 1850.<br />
(10) Nous citons d’après F. BERINGER, Les Indulgences, 4 éd. française, t. II, Paris<br />
s.d. (1925 ?), p. 155, note 3. Le décret est daté du 7 avril 1897.<br />
(11) Les lettres du 23 janvier et du 5 (ou 3 ?) mars 1847, que nous venons de citer,<br />
sont conservées au Carmel de Tours. L’archevêque, au fond, suit la doctrine de saint Jean<br />
23
Doc. 130 bis<br />
<strong>Documents</strong><br />
communications venaient droit du ciel, reprochent au règlement de<br />
l’œuvre de s’en écarter et propagent un autre règlement, le seul vraiment<br />
fidèle, estiment-ils. Comme nous le verrons plus loin, l’évêque de Langres,<br />
Mgr Parisis, protestera publiquement contre ces agissements, provoqués<br />
en fin de compte par l’ignorance du fait que les révélations privées font<br />
l’objet d’un discernement ecclésial.<br />
Dans quelle mesure Sœur Marie de Saint-Pierre pensait-elle que les<br />
paroles qu’elle transmettait — celles concernant la réparation et d’autres<br />
encore — lui venaient telles quelles du ciel ? Il est impossible de répondre<br />
à cette question, ne serait-ce que du fait qu’une partie de ses lettres au<br />
moins ne nous est connue que sous une forme retouchée. Ainsi son écrit<br />
sur l’œuvre réparatrice : « Cet ouvrage en deux cahiers n’est que la<br />
reproduction des lettres de Sœur St Pierre, revues, corrigées et annotées<br />
par elle. Celle-ci a écrit cet ouvrage par ordre de la Mère Prieure » (12).<br />
L’original des lettres demeure introuvable. On peut aussi se demander<br />
dans quelle mesure les fameuses lettres ont été rédigées directement par<br />
elle. Certaines de ses communications orales à la Mère Prieure furent<br />
mises par écrit par Sœur Thérèse de Saint-Joseph (13).<br />
Sœur Marie de Saint-Pierre n’avait en tout cas rien d’une entêtée.<br />
Elle soumettait ses paroles intérieures au contrôle de sa prieure. Dans<br />
l’affaire de Langres, elle prit résolument parti pour l’institution : il faut<br />
« faire bien comprendre à ceux qui sont un peu scandalisés et troublés<br />
des modifications que Mgr l ’Evêque de Langres a jugé à propos de faire<br />
en P établissement de cette œuvre, que les révélations doivent être soumises<br />
à l ’Eglise, et non l'Eglise aux révélations. C’est à elle d ’examiner,<br />
d'interpréter, de prononcer : et aux simples fidèles de se soumettre à ses<br />
décisions et à ses ordonnances qui sont toujours équitables. Car l ’Eglise<br />
est conduite par le St Esprit, et N. S.J. C. a dit en parlant d ’elle : « Qui<br />
vous écoute, m'écoute, et qui vous méprise, me méprise » (14).<br />
Les protestations formulées par la sœur durant l’hiver 1847-1848<br />
constituent la dernière page de son message. Malheureusement, celui-ci a<br />
de la Croix, évoquée plus haut : les choses demandées dans une révélation doivent être<br />
mises en pratique, non parce qu’elles ont été révélées, mais parce qu’elles sont conformes<br />
à la raison et à la doctrine évangélique (cf. supra, p. 12).<br />
(12) Rapport des censeurs nommés par Mgr Morlot. — L’ouvrage en question nous est<br />
connu par une copie de 1848 : Tours C, cahiers B et C.<br />
(13) Cf. la déposition de cette dernière pour la béatification de M. Dupont (procès<br />
ordinaire de Tours, 1883-1888) : « Relativement aux révélations de Sœur Marie de St.<br />
Pierre, je puis en parler pertinemment, puisque alors j’écrivais par Tordre de la Mère<br />
Prieure, sous la dictée de Sœur Marie de St. Pierre [...]» (S. CONGR. PRO CAUSIS<br />
SANCTORUM, P.n.147. Turon. Beatificationis et canonisationis servi Det Leonis D upont...<br />
Positio super virtutibus. Roma tip. Guerra, 1980, p. 66).<br />
(14) Doc. 386 : Lettres de Sœur Marie de Saint-Pierre sur Tarchiconfrérie réparatrice<br />
de Saint-Dizier, au diocèse de Langres, datées du 30 décembre 1847, 2, 3 et 4 janvier<br />
1848. Copie de 1848 : Tours C, cahier E. — Le texte reproduit ci-dessus appartient à la<br />
lettre du 2 janvier 1848. La sœur le présente à la prieure comme une déclaration de Notre<br />
Seigneur, reçue par elle durant la sainte communion.<br />
24
9 avril 1847 Doc. 131 bis<br />
été tronqué, car on s’est abstenu de diffuser ces protestations qui nous<br />
montrent que, dans l’esprit de Sœur Marie de Saint-Pierre, la réparation,<br />
contrairement à ce qu’ont cm et fait croire certains de ses disciples,<br />
n’était point liée à l’observance de prescriptions que Notre Seigneur<br />
aurait révélées au monde par son intermédiaire, mais à la communion<br />
ecclésiale, seule garante de la présence du Christ (15).<br />
Vendredi de Pâques, 9 avril 1847<br />
131 bis. ARTICLE DU CONSTITUTIONNEL, p. 1 f<br />
N o te. Ce journal parisien avait déjà publié à propos de la Salette un article<br />
le 20 février précédent (doc. 84). Le présent article ouvre une nouvelle polém ique.<br />
M. l’Abbé Desgenettes (1), le grand propagateur des miracles,<br />
a trouvé des rivaux : on en pourra juger par la copie textuelle<br />
d ’une affiche apposée en ce moment au portail de l’église Saint-<br />
Merry (2) :<br />
APPARITION DE LA T.S. VIERGE<br />
à deux petits bergers<br />
Sur la montagne de la Sal/ette, canton de Corps, diocèse de Grenoble.<br />
Guérison miraculeuse d'une femme infirme depuis 23 ans,<br />
Accompagnée des lettres de Mgr l’évêque de Gap, et de M. l’abbé<br />
Chabrand, grand-vicaire, etc., etc., sur ces miracles, avec belles gravures<br />
représentant :<br />
1° l’Apparition ; 2° la Guérison ; 3° la Bénédiction des biens de la<br />
terre,<br />
Avec prière par Mgr L’Archevêque de Paris.<br />
(15) Au Carmel de Tours, les responsables, pensant que « son grand désir de la paix<br />
et de l’union avait pu exercer à son insu une certaine influence » sur ces dernières<br />
déclarations au sujet de l'archiconfrérie de Langres, jugèrent hors de propos d ’en donner<br />
« une connaissance positive aussitôt » (Tours C, cahier Y, introduction). Janvier, biographe<br />
de la soeur et de M. Dupont, n ’en fait guère cas. La confrérie réparatrice érigée en 1876 à<br />
Tours dans l’oratoire de la Sainte-Face, avait été affiliée à l’archiconfrérie de Langres.<br />
« Seulement, comme l’association ne répondait qu’imparfaitement à la première pensée de<br />
M. Dupont et de la soeur Saint-Pierre, l’archevêque de Tours [Mgr Colet], usant de son<br />
droit [...], apporta quelques notables modifications aux principaux articles du règlement »<br />
(Vie de M.D. II, p. 502-503). L’appel que fait ici Janvier à la « première pensée » de la<br />
soeur est hors de propos : » Qu’on remarque bien qu’en 1843 et en 1844, N.S. me donnait<br />
alors le plan de son oeuvre », écrit-elle le 3 janvier 1848, « mais il voulait que ce plan fut<br />
soumis à l’examen de l'Eglise, afin qu'elle devienne une oeuvre basée sur un fondement<br />
solide. Dieu a permis que l’Evêque de Langres fut l’architecte à qui ce plan fut soumis ; il<br />
y a fait quelques modifications ; nous devons les adopter avec respect et bénir la bonté de<br />
N . S. qui dans sa miséricorde infinie, vient au secours de notre faiblesse, en nous donnant<br />
quelques lumières pour nous faciliter l’obéissance que nous devons rendre aux ordres de<br />
son ministre » (doc. 386).<br />
(1) Curé de N.D. des Victoires à Paris et fondateur de l’archiconfrérie du Saint et<br />
Immaculé Coeur de Marie.<br />
(2) L’affiche faisait connaître la brochure éditée par Bouasse-Lebel (doc. 127).<br />
25
Doc. 131 bis<br />
<strong>Documents</strong><br />
Le tout, approuvé par le prélat (3), se distribue à la porte de<br />
l’église Saint-Merry. C’est la marchande de bénitiers et de chapelets<br />
qui est chargée de la vente. On nous demande s’il ne serait pas<br />
convenable de faire distribuer à MM. les députés un exemplaire<br />
de cet ouvrage édifiant, en même tenu qu’on leur distribuera le<br />
projet de loi annoncé sur l’instruction publique ? Il importe, en<br />
effet, que l’on connaisse ce qu’on doit attendre des hommes qui<br />
demandent avec tant d’ardeur la liberté d’enseignement (4).<br />
Suite. Le lendemain 10 avril le 'National (doc. 132) annonce que « dans tous<br />
les couvens et dans tous les séminaires on ne parle depuis quelque tem% que de<br />
ce miracle » et que déjà « on exploite officiellement la chose ». En guise de<br />
preuve, le journal reproduit l’article du Constitutionnel à partir du titre de la<br />
brochure. — Le même jour, l’A m i de la religion (doc. 132 bis) demande à ce<br />
dernier de lui « dire ce q u 'il y a de commun entre la liberté d'enseignement et<br />
la petite industrie d ’une marchande de bénitiers, entre le projet de loi sur<br />
l'instruction secondaire et une affiche de fabricant d'images, entre l'enseignement<br />
catholique et les récits de quelques faits extraordinaires sur lesquels l'autorité n 'a<br />
pas encore prononcé ».<br />
Lundi 12 avril 1847<br />
133. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN, curé de Corps, à Mgr de<br />
Bruillard, évêque de Grenoble<br />
Original (1 f. 30 cm x 20,5) : EGD 46.<br />
Monseigneur,<br />
Votre Grandeur a bien voulu m’informer que Sa Sainteté<br />
avoit promis de satisfaire aux Pâques et au Jubilé par une seule<br />
communion (1). Je viens l’en remercier. Nous avons trouvé tant<br />
de bonne volonté et tant d ’envie de bien faire, même chez les<br />
hommes, que nous n ’avons presque pas pu nous servir de cette<br />
permission ; chacun ayant été bien aise de faire deux communions.<br />
Dans la même lettre, Monseigneur, qui avoit appris, par le<br />
bon Mr Mory (2), que Maximin avoit la petite vérole, lui faisoit<br />
l’honneur de demander de ses nouvelles. Maximin est entièrement<br />
rétabli. Il a bien souffert les premiers jours, au moment où se<br />
(3) L’approbation de l’archevêque, mentionnée à la p. 31 de la brochure, porte sur la<br />
« Prière pour les biens de la terre » et non sur l’ensemble de l’imprimé, comme le prétend<br />
le Constitutionnel.<br />
(4) Salvandi, ministre de l’Instruction publique, est sur le point de présenter à la<br />
Chambre un projet de loi limitant le monopole de l’Université et donnant partiellement<br />
satisfaction aux catholiques. Le projet, déposé le 12 avril, ne sera pas pris en considération<br />
par les députés : il ne satisfaisait ni les partisans du monopole ni ceux de la liberté de<br />
l'enseignement.<br />
(1) Lettre du 29 mars (doc. 128).<br />
(2) M' Mory (ou Maury ?) : pèlerin de Metz, auteur d ’une relation (cf. doc. 148).<br />
26
12 avril 1847 Doc. 133<br />
faisoit le travail de l’éruption ; j’avois même conçu quelques<br />
craintes. Une strangulation assez forte, sembloit être le symptôme<br />
du croup*?, maladie très-dangereuse pour les enfants, et presque<br />
toujours mortelle, quand elle se déclare avec la vérolette. M.<br />
l’Abbé Lagier, à qui j’avois fait part de mes craintes, les<br />
communiqua à Mélanie (3). Maximin ne mourra pas de cette<br />
maladie, ajouta-t-elle aussitôt. — Il est très-souffrant, répondit<br />
l’interlocuteur, et à dessein, exagéra la position du malade. — Je<br />
vous dis, répliqua Mélanie, qu’il ne mourra pas de cette maladie ;<br />
et cependant, elle n ’avoit pas vu Maximin depuis qu’il étoit alité.<br />
Une semblable affirmation, en pareilles circonstances, indiqueroit<br />
qu’il y a quelque chose de commun dans la destinée de ces deux<br />
enfants, et qu’ils en sont instruits l’un l’autre. Quoi qu’il en soit,<br />
j’ai cru bien faire d ’en informer V. Grandeur.<br />
Les décès dont j’ai déjà parlé à Monseigneur, continuent avec<br />
une proportion effrayante, surtout pour les petits enfants (4). Nous<br />
avons atteint le chiffre de 43, qui est au dessus de la moyenne<br />
annuelle pour toute l’année ; et sur ce nombre, il n’y a que dix<br />
grandes personnes ; c’est plus des trois quarts pour les petits<br />
enfants (5).<br />
[verso] Votre Grandeur sait peut-être déjà qu’une religieuse<br />
du Sacré-Cœur, alitée depuis 4 mois, a été guérie miraculeusement<br />
à Avignon, le Dimanche de la passion, dernier jour d ’une neuvaine,<br />
adressée à N.D. de La Salette, pendant laquelle elle avoit fait<br />
usage de l’eau de la fontaine qui flue depuis l’Apparition (6) ;<br />
c’est la Supérieure de cette maison qui m ’en a informé elle-même<br />
avec bonheur.<br />
Le Jubilé s’est fait à Corps avec édification ; nous étions 4<br />
confesseurs, et nous sommes restés d’accord que jamais nous<br />
n ’avions donné l’absolution avec autant d ’assurance, que pendant<br />
ce saint temps. Il y a eu tant de grâces, et des grâces si<br />
(3) Rappelons que l’abbé Lagier vint à Corps au mois de février et repartit dans sa<br />
paroisse, Saint-Pierre-de-Cherennes, au début de mars (LSDA I, p. 277-278). Il se pourrait<br />
que l’abbé Mélin fasse allusion à une deuxième visite de l'abbé, à l’occasion de la sépulture<br />
de son père, qui eut lieu le 17 mars, lendemain du décès.<br />
(4) L'évêque sera impressionné par ces nouvelles : « La mort de vos enfants est très<br />
significative et l’assurance de Mélanie par rapport au rétablissement de Maximin ne l’est<br />
pas moins. Engagez-les bien à prier pour la conversion des pécheurs, surtout au moment<br />
de leur lre com[mun]ion » (lettre du 13 avril 1847 à Mélin, doc. 134).<br />
(5) Au cours des six premiers mois de l’année 1847, il y eut à Corps 39 décès d ’enfants<br />
de moins de sept ans accomplis, contre 5 pour la même période en 1844, 4 en 1845 et 3<br />
en 1846 (cf. aussi LSDA I, p. 341, note 3). En 1846, la période juillet-août avait été<br />
particulièrement meurtrière pour ces enfants, avec 11 décès, contre 1 en 1844, 3 en 1845,<br />
puis 7 en 1847. Le total des enfants de moins de sept ans décédés dans 43 communes du<br />
sud de l’Isère au cours des six premiers mois de 1847 monte à 187, contre respectivement<br />
98, 113 et 136 pour les six premiers mois de 1844, 1845 et 1846. (ADI série M 122, liasses<br />
52-55. Les 43 communes dont on a tenu compte sont celles pour lesquelles chacune de ces<br />
liasses annuelles contient des renseignements sur ce point.)<br />
(6) Il s'agit de Soeur Prouvèze, guérie le 21 mars.<br />
27
Doc. 133<br />
<strong>Documents</strong><br />
extraordinaires, que j’en suis embarrassé pour l’avenir. J ’ai tout<br />
mis hier entre les mains de la tant belle Dame ; elle a été le grand<br />
prédicateur, le confesseur par excellence ; en terminant, je lui ai<br />
demandé d’être l’appui, le soutien de l’œuvre qu’elle a si bien<br />
commencée. Oh ! qu’elle est bonne Marie ! Oh ! qu’elle est<br />
puissante !<br />
Voilà, Monseigneur, ce qu’il me tardoit de vous dire ; je<br />
l’eusse fait plus tôt ; mais je voulois voir la fin ; puis les derniers<br />
jours de Carême, j’ai été fatigué. L’abstinence a été plus pénible<br />
cette année, par l’absence des pommes de terre ; mais comment<br />
faire gras, quand presque tout le pays a fait maigre ?<br />
Nous préparons en ce moment une première Communion,<br />
Maximin et Mélanie en feront partie (7) ; ils vont très-bien l’un et<br />
l’autre.<br />
J ’ai l’honneur...<br />
Corps 12 avril 1847.<br />
Mardi 13 avril 1847<br />
MÉLIN Archip"'<br />
ÉVÉNEMENTS. La brigade de gendarmerie de Corps arrête quatre marchands<br />
ambulants, qui s’étaient fait remettre par un vieillard du canton de Saint-Bonnet,<br />
Hautes-Alpes, une somme de mille deux cents francs, lui promettant de lui<br />
rendre son argent, disant « q u ’ils allaient le faire bénir et faire une neuvaine à<br />
Notre-Dame-du-Laus, et qu 'apres cette époque ils lui rendraient son argent et il<br />
en aurait en grande quantité, mais de n 'en parler S personne avant seize jours »<br />
(déclaration du brigadier Solle, 3 décembre 1849, dans Nouveaux documents,<br />
p. 43-46). Des opposants ayant prétendu voir en ces escrocs les auteurs de<br />
l’apparition, Rousselot établit que leur passage à Corps est postérieur à celle-ci<br />
de sept mois (ibidem).<br />
135. LETTRE DE M. HOUZELOT<br />
Copie d’une main inconnue, donnant les doc. 135 et 136 bis (en tout 12 p.<br />
30 cm x 20) : Tours SF, B28. — Extrait de la main de Houzelot, dans une<br />
lettre terminée le 3 janvier 1850 et adressée au Chanoine Rousselot (en tout 8 p.<br />
26 cm x 21) : EG 136.<br />
L'auteur. Houzelot, bijoutier-orfèvre, fabriquant d’objets de piété, résidant<br />
à Paris, 104 rue de Vaugirard, puis à Ercuis, Oise, visita Corps à trois reprises au<br />
moins : en 1847, en 1849 et en 1850. C’était un homme à l’affût des phénomènes<br />
extraordinaires. Il s’intéressa à l’extatique de Niederbronn (Mère Alphonse-Marie<br />
Eppinger, fondatrice des Sœurs du Très-Saint-Sauveur) ; au « possédé » Antoine<br />
Gay, dont il transcrivit certaines divagations (cf. sa lettre du 9 octobre 1850,<br />
EG 142) ; au pseudo-baron de Richemont (l’aventurier C. Perrin, qui se faisait<br />
passer pour Louis XVII ; cf. BASSETTE, p. 185).<br />
28<br />
(7) Voir p. 19, note 4.
13 avril 1847 Doc. 135<br />
Le destinataire : peut-être M. Le Brument (cf. doc. 136 bis, fin), que nous<br />
retrouverons plus loin, à propos des démêlés qu’il eut avec Mgr Parisis.<br />
L'enquête de 1847. A Grenoble, Houzelot interrogea le lieutenant Angelini<br />
au sujet de la pierre brisée au café Magnan à Corps, en octobre 1846, et que le<br />
lieutenant avait emportée (cf. doc. 10 bis). Il quitta Grenoble pour Corps dans<br />
la nuit du samedi 10 au dimanche 11 avril et repartit pour Gap le 14 suivant.<br />
Dans une lettre datée du 27 octobre 1890 (MSG), il observera qu’à « cette époque<br />
il était bien intéressant d'entendre Mélanie et Maximin après l'événem ent »,<br />
tandis que, quelques années plus tard, il entendit Maximin, fatigué par les<br />
répétitions innombrables, donner son récit « machinalement ». Lors de sa visite<br />
de 1847, il fit écrire à l’enfant un texte (le document 136), « en lui dictant lettre<br />
par lettre ». Houzelot, en fit tirer des fac-similés, dont il envoya un exemplaire à<br />
Sœur Sainte-Thècle, la Supérieure des Sœurs de Corps ; « pou r \ me / remerciem<br />
ent [sic] elle m'écrivit que Maximin ne sachant pas écrire n 'avait p u faire cela »<br />
(ibidem). La sœur n’avait sans doute pas en Houzelot une confiance totale. A en<br />
juger par la composition de ses lettres, ce devait être un esprit brouillon.<br />
Notre édition. Les deux copies par lesquelles cette lettre nous est connue<br />
présentent entre elles de nombreuses divergences. En recopiant son texte pour<br />
Rousselot, Houzelot l’a probablement retouché. Ci-dessous on trouvera le texte<br />
tel qu’on le lit dans l’autre copie. Les principales variantes de l’extrait pour<br />
Rousselot seront indiquées en note. — Aptes avoir donné l’essentiel des réponses<br />
du lieutenant Angelini, nous reproduirons l’enquête menée à Corps auprès des<br />
deux enfants, mais nous omettrons les renseignements concernant les suites de<br />
l’apparition (pèlerinages, position de l’évêque et du clergé, etc.), que l’enquêteur<br />
a probablement entendus de la bouche d’autres témoins et qui nous sont déjà<br />
connus par d’autres documents.<br />
N.B. Pour faciliter la lecture, nous avons augmenté le nombre des alinéas,<br />
mais nous avons respecté l’orthographe et la ponctuation, cette dernière très<br />
fantaisiste.<br />
Corps, le 13 Avril 1847<br />
[... (p. 2)... L’officier] nous dit qu’en effet, sur cette pierre<br />
qu’il avait cassée, il y avait une figure d’homme à barbe pointue,<br />
les yeux baissés et fortement arqués. Les uns disaient que c’était<br />
une figure de Christ, mais que pour lui il n’y avait vu qu’une<br />
figure ordinaire. Puis il entra dans des développements religieux<br />
qui étaient pitoyables [...]. Cette pierre, il l’a portée à sa mère<br />
qui est en Corse, à ce qu’il dit. Je lui fis observer que quand bien<br />
même tous se seraient fait illusion sur cette tête de Christ, cela ne<br />
détruisait pas ce que les enfants ont dit ; il suppose qu’on le leur<br />
a appris cela [sic] ; il doit parler ainsi avec sa manière de voir<br />
[-]• Etant (1) arrivé à Corps, je fus trouver le curé de la paroisse<br />
qui eut la complaisance de me conduire dans une maison où sont<br />
les 2 enfants sous la direction des religieuses qui sont chargées 1<br />
(1) L’extrait pour Rousselot commence ici (« Etant arrivé »).<br />
29
Doc. 135<br />
<strong>Documents</strong><br />
provisoirement de leur instruction, et on me laissa seul pour les<br />
questionner tout à mon aise. Je les pris séparément l’un après<br />
l’autre, et tous deux m ’ont rapporté mot à mot ce qui est dans la<br />
relation que nous avons en main (2), il y a eu une légère différence<br />
dans quelques mots, ainsi ils m ’ont dit en plus que les raisins et<br />
les noix pourriront. Le reste est assez exact. Les deux enfants<br />
s’expliquent en français, principalement le petit Germain, il le<br />
comprend {biffé : mieux] assez (3). Je craignais de ne pouvoir<br />
causer avec eux, ce que j’ai fait parfaitement avec le petit Germain<br />
et qui (4) répond toujours à propos aux questions qu’on lui fait.<br />
Après avoir questionné la petite Mélanie, je fus très content d ’elle ;<br />
surtout de sa naïveté, de sa simplicité et de cet air de candeur<br />
avec lequel elle vous rapporte cela. J ’allai chez Monsieur le<br />
curé, après avoir questionné la petite, et je lui exprimai mon<br />
contentement de la manière dont la petite Mélanie [p. 3] m ’avait<br />
rapporté les choses. Il me dit : si vous avez été content de la petite<br />
fille, vous le serez bien autrement du petit garçon. En effet, je<br />
fus le questionner (5). J ’ai été enchanté et de son récit et de tout<br />
ce qu’il m ’a dit. Il faut le voir pour s’en faire une juste idée ; il a<br />
un air de simplicité et d ’innocence vraiment remarquable. Ces<br />
enfants ont quelque chose qui impressionne. Diveri personnes,<br />
entre autres un Monsieur venu de Strasbourg ne pouvais s’empêcher<br />
de pleurer en les entendant. Pour mon compte, je l’ai bien mis à<br />
la question (6), je lui ai fait de belles promesses, j’ai bien étudié<br />
ce qui pouvait lui faire plaisir pour lui faire avouer son secret, il<br />
est inflexible ; il est constamment à l’épreuve par toutes sortes de<br />
personnes qui viennent de divers contrées de la France pour les<br />
(7) voir et qui que ce soit n’a jamais pu lui faire dire la moindre<br />
des choses, c’est prodigieux dans un enfant de cet âge ; c’est bien<br />
ce qui prouve qu’il y a quelque chose de providentiel dans sa<br />
mission et dans ce secret qu’il ne veut pas divulguer. Vous allez<br />
voir les réponses qui vous surprendront autant que moi surtout<br />
d ’un enfant qui n ’a jamais rien appris puisqu’il ne sait ni lire ni<br />
écrire il n’a pas le temps d ’apprendre on le dérange souvent dans<br />
la journée pour le questionner : je vous avoue que cet enfant est<br />
une bien belle preuve de conviction ; il y met toute la complaisance<br />
possible, il ne se fatigue pas des questions qu’on lui fait. Un<br />
(2) D ’après la lettre de 1890 citée dans l’introduction au présent document, il s’agit<br />
de « la petite brochure publie' le 2 février 1847 » donc de Notre-Dame et deux bergers des<br />
Alpes (doc. 71).<br />
(3) Extrait pour Rousselot : En français... assez] principalement en français le petit<br />
Maximin le parle mieux et le comprend assez<br />
(4) Extrait pour Rousselot : ce que j’ai... et qui] (pensant qu’il ne parlait que le<br />
patois). Le petit Maximin<br />
(5) Extrait pour Rousselot : questionner] add. vu qu’il était absent<br />
(6) Extrait pour Rousselot : question] add. (Maximin)<br />
(7) Extrait pour Rousselot : les]le<br />
30
13 avril 1847 Doc. 135<br />
Ecclésiastique (8) est resté 15 jours à Corps et il venait tous les<br />
jours les questionner de 2 à 4 heures chaque fois (9). Mr le Curé<br />
le[s] laisse (10) à la disposition des visiteurs, seul avec eux, afin<br />
que chacun puisse se convaincre de la vérité. On voulait les envoyer<br />
faire leurs études dans divers endroits. Mr le Curé s’y est opposé<br />
afin qu’ils restassent là comme témoignage, pour que tout le<br />
monde puisse les voir et s’assurer du fait. Je vous communique les<br />
demandes et les réponses du petit Germain. La plupart ont été<br />
écrites sous sa dictée. J ’étais seul avec lui, et fort à l’aise pour lui<br />
parler. Je n ’ai mis aucun ordre dans mes demandes je vous les<br />
communique telles qu’elles sont notées.<br />
D. (11) — Seriez-vous bien content de revoir la Ste Vierge ?<br />
Il me répondit que quoiqu’il soit bien tard (7 heures et demi du<br />
soir), il partirait de suite s’il savait la voir.<br />
D. — Si vous la voyiez de nouveau, que lui diriez-vous ? —<br />
Ah ! je lui demanderais ce qu’il faut faire pour convertir la<br />
France (12) ; je me mettrais à genoux et lui demanderais des<br />
grâces.<br />
D. — Mais les personnes riches ne craindront pas la famine,<br />
elles achèteront facilement du pain. — R. Il n ’y aura ni pain ni<br />
pommes de terre et leur argent ne leur servira de rien. Les riches<br />
ne sont pas plus que les pauvres devant Dieu.<br />
[p. 4] D. — Si vous ne voulez pas communiquer votre secret,<br />
on ne vous croira qu’imparfaitement. — R. Ceux qui ne veulent<br />
pas me croire aujourd’hui me croiront plus tard lorsqu’ils seront<br />
pris par la faim.<br />
D. — Si je vous donnais de l’argent en quantité, consentiriezvous<br />
à me dire votre secret. — R. Quand vous me donneriez<br />
toutes les richesses de la France, je ne le dirais pas : ça m ’est<br />
défendu...<br />
D. — Pourquoi ne voulez-vous pas le faire connaître ? — R.<br />
La Ste Vierge m ’a bien recommandé de n’en rien dire, je tiens à<br />
lui obéir : sans cela elle me punirait.<br />
D. — Elle en a donné (13) le pouvoir. — R. Oui, étant la<br />
Mère de Dieu.<br />
D. — Si on vous disait : Vous allez avoir la tête tranchée<br />
vous laisseriez-vous faire ? Je ne le pense pas. — R. Allez chercher<br />
des gendarmes, des sabres et vous verrez que je me laisserai faire.<br />
(8) Il s'agit de l'abbé Lagier (cf. doc. 184 bis).<br />
(9) Extrait pour Rousselot ; de 2 à 4 heures chaque fois] trois et quatre fois<br />
(10) Extrait pour Rousselot : le laisse] laisse les enfants<br />
(11) Dans l'extrait pour Rousselot, la série des Demandes/Réponses est précédée du<br />
sous-titre : « Questions adressér à Maximin le 12 avril 1847 ».<br />
(12) Extrait pour Rousselot : la Francejson peuple<br />
(13) Extrait pour Rousselot : donnéjdonc<br />
31
Doc. 135<br />
<strong>Documents</strong><br />
D. — Vous mourriez donc pour garder votre secret. — R.<br />
Oui, certainement ; une fois mon, j’aurais fait mon devoir.<br />
D. — Mais il y en a qui ne veulent pas vous croire. — R. Ils<br />
me croiront quand ils auront faim et il sera trop tard.<br />
D. — Mais il faudrait donner beaucoup de publicité à cet<br />
événement ; beaucoup l’ignorent. — R. Tout le monde le sait et<br />
Dieu récompensera ceux qui le feront connaître à ceux qui n ’en<br />
savent rien. Quand vous irez dans votre province, vous le direz à<br />
d ’autres ; il en viendra encore qui le diront à d ’autres et tout le<br />
monde le saura.<br />
D. — Comme on appelait les pensionnaires pour souper je<br />
lui dis : Je vous empêche de manger en vous retenant. — R. Oh<br />
non ! Mr, je n ’ai pas faim ; j’aurais voulu aller à la bénédiction<br />
du St-Sacrement, parce que c’est la clôture du Jubilé. (Dans une<br />
autre circonstance, il me dit qu’il priait pour les malades.)<br />
Je lui ai demandé des pierres où la Ste Vierge avait marché.<br />
Je lui dis que je désirerais en avoir un gros morceau, vu que j’étais<br />
dans une ville où il y avait beaucoup d ’habitants, il me dit qu’il<br />
m ’en donnerait un morceau, mais pas trop gros, parce qu’il faut<br />
qu’il en réserve pour d ’autres qui viendront ; je lui fis des<br />
observations sur l’endroit où il avait ramassé des pierres, si elles<br />
avaient bien été prises à l’endroit où avait marché la Ste Vierge. Il<br />
m ’a dit qu’il en était parfaitement sûr qu’il se rappellerait toute<br />
sa vie de la place où elles étaient (14).<br />
D. — Avez-vous bien pu distinguer la figure de la Ste Vierge.<br />
— R. Cela m’a été impossible ; je n ’aurais jamais pu la regarder<br />
en face, elle était aussi brillante (15) que le soleil.<br />
D. — Vous vous serez fait illusion vous aurez pris cette Dame<br />
pour la Ste Vierge et c’était probablement une Dame riche de<br />
Grenoble.<br />
[p. 5] R. — Oh ! non, les dames de Grenoble ne disparaissent<br />
pas comme cela, quand on les voit en s’élevant au ciel.<br />
D. — Si on fait pénitence, qu’arrivera-1-il ? — R. On le verra<br />
bien à la récolte.<br />
D. — Quand vous avez vu la Ste Vierge s’élever au ciel (16)<br />
n ’avez-vous pas tendu les bras ? — R. Nous avons voulu prendre<br />
une rose (17) aussi (18), elle était trop haute.<br />
(14) Extrait pour Rousselot : D. Comme on appelait les pensionnaires... où elles<br />
étaient]oœir<br />
(15) Extrait pour Rousselot : aussi brillante] plus éclatante<br />
(16) Extrait pour Rousselot : s'élever au ciel]o«zù<br />
(17) Ici, ainsi que dans la Demande et la Réponse qui suivent, l’extrait pour Rousselot<br />
parle de roses au pluriel.<br />
(18) Extrait pour Rousselot : aussi]mais<br />
32
13 avril 1847 Doc. 135<br />
D. — De quelle couleur était la rose ? — R- Je ne me (19)<br />
suis pas bien aperçu ; elles étaient brillantes, toutes brillantes.<br />
D. — Dans le premier moment que vous avez vu cette dame<br />
assise sur la pierre, elle était bien triste ? — R. Elle semblait<br />
pleurer ; elle avait les mains sur la figure.<br />
D. — Lorsque vous la vîtes pleurer, qu’avez-vous pensé ? —<br />
R. Que son fils ou quelqu’un l’avait battue et nous n ’avons pas<br />
osé y aller et elle nous a dit : Avancez, mes petits enfants, n ’ayez<br />
pas peur !<br />
D. — Ne vous a-t-elle pas demandé (20) : Aimes-tu bien le<br />
bon Dieu ? — R. Seulement si nous faisions bien nos prières. (Il<br />
paraît que cette première demande n’a pas été faite.)<br />
D. — Comment était-elle habillée ? — R. Elle avait une<br />
haute coiffe entourée de roses, une longue robe blanche, les bras<br />
comme croisés sur sa poitrine, une croix attachée par dessus à son<br />
cou ; il y avait une tenaille d’un côté de la croix et un marteau de<br />
l’autre.<br />
Etant chez la mère du petit Germain, — il m ’y avait conduit<br />
pour me donner de la pierre —, et voulant encore l’éprouver au<br />
sujet de son secret (21), je lui dis en présence de son père et de sa<br />
mère (22), mais si votre papa et votre maman voulaient absolument<br />
que vous leur disiez votre secret, est-ce que vous leur désobéiriez ?<br />
— Oui, Mr il faut de préférence obéir à Dieu. — J ’ajoutais :<br />
cependant, on leur doit l’obéissance — Je leur désobéirai dans<br />
cette occasion.<br />
Revenu dans le local où je le questionnais d ’habitude, je lui<br />
dis (23) : Mais si cependant l’Evêque de Grenoble, ou le pape<br />
qui est le chef de l’Eglise, le représentant de Dieu sur la terre,<br />
vous demandait votre secret, est-ce que vous le lui refuseriez ? —<br />
Je ne le dirai pas plus à eux qu’à d ’autres ; s’ils ne font pas bien,<br />
dans le ciel ils ne seront pas plus que d ’autres pécheurs. Ne<br />
comprenant pas bien cette phrase, je la lui fis répéter et il ajouta :<br />
Il n’est pas plus qu’un autre ; s’il fait mal, il sera plus puni qu’un<br />
pauvre pécheur.<br />
D. — Le Pape étant le représentant de Dieu vous devez bien<br />
lui dire votre secret. — R. Il aura beau faire, beau dire, il me<br />
mènera à Rome, et je lui dirai que non !<br />
(19) Extrait pour Rousselot : mejm’en. — La tournure «Je ne me suis pas bien<br />
aperçu » est calquée sur le patois (P. Andrieux).<br />
(20) La question de Houzelot, ainsi que la réponse et l’observation qui suivent,<br />
manquent dans l’extrait pour Rousselot. Elle porte sur une demande attribuée à la Dame<br />
dans la brochure citée supra, note 2.<br />
(21) Extrait pour Rousselot : il m ’y avait... secret]o»z«<br />
(22) Il s’agit en réalité de sa marâtre, sa mère étant décédée<br />
(23) Extrait pour Rousselot : Revenu... dis]omis<br />
33
Doc. 135<br />
<strong>Documents</strong><br />
D. — Cependant, le Pape est autant que la Ste Vierge,<br />
puisqu’il est le représentant de Dieu sur la terre ? — R. La Ste<br />
Vierge est la Mère de Dieu, et le Pape son représentant. S’il fait<br />
mal il n ’est pas bien son représentant, [p. 6] Insistant de nouveau<br />
sur l’importance de faire connaître ce secret, il me répondit : Ceux<br />
qui veulent se convertir se convertiront sans que je dise ce que<br />
m ’a défendu la Ste Vierge ; même encore Plus, si je ne dis pas.<br />
Examinant dans ses goûts ce qu’il aimait le mieux, pour voir<br />
s’il n’y aurait point prise sur lui, il me répondit (24) : Je reçois de<br />
bon cœur ce que l’on me donne, et je rends ce que l’on pourrait<br />
m ’avoir donné pour me faire dire mon secret (25). En dernier lieu<br />
voulant voir s’il refuserait toujours de le dire à sa mère, il me<br />
répondit : Quand mon papa et maman me tueraient je ne le dirai<br />
pas il vaut mieux préférer la mort qu’une désobéissance au ciel ;<br />
quand le ciel me permettra de le dire, je le dirai, mais pas avant.<br />
[...(p. 7)...] (26)<br />
Le petit Germain me conduisit chez lui, comme il me l’avait<br />
promis. Son père est un pauvre charron qui a l’air très malheureux.<br />
C’est un vrai tombeau que leur habitation ; on s’y croirait enterré<br />
tout vivant, et c’est de cette profonde misère que sortent les<br />
prédestinés. C’est toujours la même leçon que J.C. naissant dans<br />
une crèche et les hommes superficiels disent : Comment Dieu<br />
peut-il se révéler à des créatures si misérables ? Sa triste demeure<br />
m ’a bien ému ; cette maison a été pour moi un grand enseignement,<br />
car qui sait si ce petit berger, qui était dans la plus profonde<br />
misère, ne sera pas plus tard un homme extraordinaire. La mère<br />
de Germain avait conservé quelques pierres et n ’en donnait que<br />
très rarement. Cependant elle m ’en a donné beaucoup, quand je<br />
lui ai dit que j’habitais Paris. Cette pauvre femme m ’a dit : Je<br />
vous en donne plus qu’à d ’autres, car vous venez de bien loin.<br />
Elle m’a donné aussi de petits fragments d’herbe de la montagne,<br />
prise au moment (27) ; puis un morceau gros comme le doigt de<br />
(24) Extrait pour Rousselot : qu’il ... répondit] qui pourrait lui convenir et le décider<br />
à m’avouer son secret je lui fis voir plusieurs boîtes de bijouterie, il était enchanté de voir<br />
ces objets, je ne pouvais plus le contenir tant sa joie était grande, dans ces montagnes il<br />
n ’y avait jamais rien vu de pareil, je crus le moment propice pour l’ébranler et lui faire<br />
avouer son secret, je lui dis : je vous donne tout cela si vous voulez me le dire. Au même<br />
moment sa joie disparut et il me répondit froidement et avec assurance. Quand vous me<br />
donneriez toute ma [rrc] fortune, je ne désobéirai/ pas je ne vous dirai rien quand bien<br />
même vous seriez le pape, je vous l’ai déjà dit ce matin<br />
(25) Extrait pour Rousselot : secretprfî/. comme vous avez été bon pour moi je prierai<br />
pour vous pendant 8 jours.<br />
(26) Le passage que nous omettons rapporte divers renseignements recueillis par<br />
Houzelot sur l’attitude du clergé, les pèlerinages, la mort des enfants à Corps. Ils nous<br />
sont également connus par d ’autres sources.<br />
(27) Extrait pour Rousselot : moment)add. de l’apparition. — L’expression qu’on lit<br />
dans la copie de Tours est calquée sur le patois et signifie « au bon moment », c’est-à-dire<br />
lors des premières visites après l’apparition (P. Andrieux).<br />
34
13 avril 1847 Doc. 135<br />
la pierre où la Ste Vierge s’est assise, de ce même morceau qui a<br />
été cassé chez Mr Magnand, où était la tête du Christ (28), elle<br />
m ’a donné aussi un fragment gros comme le doigt (29) de la<br />
pierre où a marché Marie, avant de s’élever au ciel. Le petit<br />
m ’assure que cela était bien exact, que c’était bien sur ce morceau<br />
qu’elle s’est assise et qu’elle a marché.<br />
Voyant tant de vraisemblance dans le récit des enfans, je<br />
m ’informai de ce qu’était devenu leur habit de berger, le jour de<br />
l’apparition. Malheureusement, j’avais été devancé. Le Curé de<br />
Corps avait mis de côté le chapeau et la blouse du petit berger,<br />
sachant cela, j’ai demandé à sa mère si elle avait d ’autres objets<br />
qu’il portait le jour de l’événement (30), elle me les remit et je<br />
lui donnai de l’argent, pour qu’elle lui en achetât d ’autres neufs,<br />
j’ai aussi son chapeau de berger qu’il avait après l’événement et<br />
qui est tout conforme à celui du Curé, j’ai son pantalon, sa<br />
cravate (31). On me dit que Mr le Curé ne serait pas content que<br />
j’aie ces objets ; mais il faut bien que d ’autres que lui aient<br />
quelques souvenirs ; j’ai des cheveux du petit Germain et de la<br />
petite M.élanie (32). La bonne sœur a eu bien soin qu’elle ignorât<br />
le [p. 8] motif pour lequel on lui coupait ; on lui a dit que c’était<br />
pour avoir la couleur. Quant au petit Germain, il a dit : Vous<br />
pouvez prendre tout ce qui est sur ma tête, sans penser à réfléchir<br />
pourquoi on lui demandait cela. On les habille très simplement<br />
pour ne pas leur donner d ’orgueil et qu’ils ne se croient pas plus<br />
que les autres enfans qui viennent à l’école des sœurs.<br />
Etant chez le père du petit Germain, je lui demandai s’il se<br />
rappelait bien avoir dit à son enfant : tiens, voilà un morceau de<br />
pain, l’année prochaine je ne sais qui en mangera ; il s’est rappelé<br />
cette circonstance, et cet homme qui, dans le commencement, ne<br />
voulait pas croire au prodige y croit parfaitement. [...] (33)<br />
Hier soir le petit Germain me conduisait chez sa mère, qui<br />
doit si le temps continue à être (34) mauvais, m ’envoyer chercher<br />
de l’eau de la fontaine, cachée sous la neige, il faudrait un guide<br />
pour y arriver et non sans dangers. Après avoir causé avec la mère<br />
de Germain, celui-ci me conduisit à l’hôtel où je le fis rester pour<br />
(28) Extrait pour Rousselot : de ce même morceau... Christ]oœif<br />
(29) Extrait pour Rousselot : doigtjpoig<br />
(30) Extrait pour Rousselot : événement]add. Elle me les donna (comme étant bien<br />
ceux qu 'il avait ce jour, et Maximin qui était présent le confirma) Elle me remit sa cravatte<br />
[sic], un p e tit pantalon de drap vert avec des pièces brunes<br />
(31) Extrait pour Rousselot : J ’ai aussi son chapeau... cravatejoOTtr<br />
(32) Au sujet des vêtements emportés par Houzelot, voir aussi infra, p. 107, note. —<br />
A Lourdes, Houzelot réussira à se procurer le capulet de Bernadette Soubirous (R.<br />
LauRENTIN, Lourdes, Dossier des documents authentiques, vol. I, Paris 1957, p. 36).<br />
(33) Nous omettons un alinéa concernant l’épisode de la pierre brisée en octobre 1846<br />
au café Magnan. Cet alinéa manque dans l’extrait pour Rousselot.<br />
(34) Extrait pour Rousselot : être)add. moins<br />
35
Doc. 135<br />
<strong>Documents</strong><br />
souper avec moi ; quand nous eûmes terminé notre repas, je le<br />
conduisis dans ma chambre où il examina tous mes dessins avec<br />
grand soin. Je lui donnai une médaille de la Ste Vierge, qui était<br />
dans une de mes boîtes de sainteté, il regardait tout cela avec<br />
beaucoup d’attention ; voyant qu’il avait l’air d ’y attacher de<br />
l’importance. Je lui dis : Je vous donne toute ma boîte et aussi<br />
tout ce que contient l’autre, si vous voulez me dire votre secret.<br />
— Quand vous me donneriez toute votre fortune, répondit-il, je<br />
ne désobéirai pas ; je ne vous dirai rien quand même vous seriez<br />
le Pape. Je vous l’ai déjà dit ce [p. 9] matin. Je lui remis un<br />
chapelet que j’avais dans une boîte, il en fut fort content, et il<br />
me dit : puisque vous êtes si bon pour moi, pour vous remercier,<br />
je dirai 5 pater et 5 ave pour vous pendant 8 jours ; et il me dit<br />
en s’en allant : ne partez pas sans venir me dire adieu, et il<br />
retourna chez ses parents.<br />
On m’a rapporté un fait, qui n’est pas encore bien connu sur<br />
la petite Mélanie, qui paraît très vrai. L’ayant questionnée à cet<br />
égard, elle me dit la même chose que je vous rapporte.<br />
Huit jours avant l’événement de la Salette, elle fut obligée<br />
de rentrer un soir fort tard, dans un petit pays entre Corps et la<br />
Salette ; chemin faisant, elle s’arrêta devant une petite chapelle<br />
(je crois dédiée à St-Sébastien) et y fit sa prière (35). Au même<br />
moment une lumière la conduisit jusqu’à sa maison où elle avait<br />
besoin, et elle fut éclairée le reste de sa route, où il y avait des<br />
précipices très dangereux (36). (C’est la bonne sœur chez laquelle<br />
elle est qui m ’a raconté ce fait.) (37)<br />
Mercredi 14 avril 1847<br />
* 136 bis. LETTRE DE M. HOUZELOT<br />
Copie d’une main inconnue, donnant également le doc. 135 (en tout 12 p.<br />
30 cm x 20) : Tours SF, B28.<br />
Sur l’auteur et le destinataire de cette lettre ainsi que sur l’enquête qu’elle<br />
décrit, voir l’introduction au doc. 135.<br />
Date : mi-avril, d’après la fin de la lettre. Il s’agit probablement de la lettre<br />
écrite à Gap, mentionnée par Houzelot dans la lettre du 3 janvier 1850,<br />
(35) La chapelle de Saint-Sébastien, actuellement disparue, se trouvait à l’entrée du<br />
village de la Salette, sur l’emplacement de l’actuel cimetière des Canadiens (voir<br />
l’illustration, p. XVIII).<br />
(36) Pour la première fois, nous voyons Mélanie présentée non plus comme la simple<br />
messagère de l'apparition, mais comme favorisée d ’un miracle à titre personnel. Le présent<br />
épisode sera évoqué lors des Conférences tenues à l’évêché de Grenoble en novembredécembre<br />
1847 (cf. doc. 341).<br />
(37) Extrait pour Rousselot : (c’est... ce fait)] d ’après ce que m'a dit la Supérieure. —<br />
La différence entre les deux textes paraît substantielle : d ’après l’extrait pour Rousselot, le<br />
témoignage de la sœur porte non sur le fait rapporté, mais simplement sur l’état du<br />
chemin. Noter aussi que l’extrait pour Rousselot porte ici l’indication : « Fin de la 1"<br />
lettre du 13 avril 1847 ».<br />
36
14 avril 1847 Doc. 136 bis<br />
mentionnée supra, p. 28. On ne peut cependant exclure que le présent document<br />
ne soit une compilation rassemblant des extraits de plusieurs lettres.<br />
N.B. Pour faciliter la lecture, nous avons augmenté le nombre des alinéas,<br />
mais nous avons respecté l’orthographe et la ponctuation.<br />
[p-9] Je me disposais à partir pour Gap, voulant prendre la<br />
voiture au passage, ne trouvant pas de place je fus obligé d’attendre<br />
au lendemain ; ce qui me donna 24 heures de plus. Je les employai<br />
à revoir de nouveau les deux petits enfans. J ’eus d’abord un<br />
entretien en présence du petit Germain et de la petite Mélanie,<br />
pour savoir comment était habillée la Ste Vierge, car jusqu’à<br />
présent, rien n’avait été fait d ’une manière exacte ; le dessin de<br />
Mr Alcan, est cependant fort beau et les enfans n ’ont pas trouvé<br />
la Vierge ressemblante (1). Je l’ai [sic] questionnai très sérieusement<br />
à cet égard, et j’ai crayonné une vierge très-mal faite à la vérité,<br />
mais bien conforme à ce qu’ils disent et lorsque j’eus fini, ils<br />
dirent tous les deux, qu’elle était la plus ressemblante de toutes<br />
celles qu’ils avaient vues ; et avec ce nouveau croquis, il deviendra<br />
facile d ’arriver à la réalité, cette démarche n ’était pas inutile ; ce<br />
croquis peut devenir nécessaire (2).<br />
Le petit Maximin (dit Germain[)] commence à écrire tant<br />
bien que mal ; c’est à peine s’il peut signer son nom ; la sœur où<br />
il est n’y paraît pas (3). J ’ai essayé à lui faire signer, et à force de<br />
patience, j’ai pu obtenir une douzaine de signatures ; ayant obtenu<br />
ce résultat j’ai cherché à en avoir un*? autre. Je l’ai fait écrire {Je<br />
déclare devant Dieu avoir vu la Ste Vierge sur la montagne<br />
Dorstère ; aussi brillante que le soleil. Signé Maximin.) Corps le<br />
14 avril 1847 (4). Je lui en aurais bien fait mettre davantage, mais<br />
j’eus déjà assez de peine à arriver à ce résultat et j’en [p. 10] ai<br />
deux semblables. Vous voyez que j’ai des preuves de conviction et<br />
tous ceux qui vont les visiter n ’en rapportent pas tant ; mais ce<br />
n ’est pas encore tout. Je vais vous rapporter autre chose que j’ai<br />
pu me procurer et qui n ’est pas moins important.<br />
Pendant que j’étais seul avec Mélanie et Maximin, je les<br />
questionnai sur ce qui pouvait encore leur rester des effets qu’ils<br />
avaient portés le jour de l’événement ; sur une gravure faite à<br />
Grenoble et que j’avais sous les yeux ; on la [sic] représente avec<br />
un bâton ; cela me donna l’idée de lui demander s’il l’avait<br />
encore, et s’il était encore entre les mains de Mr le Curé. Il me 1<br />
(1) « le dessin de Mr Alcan » : voir p. 46.<br />
(2) Il existe une image de N.D. de la Salette éditée par Houzelot et qui est une<br />
imitation de N.D. de Bon Espoir (voir p. 46).<br />
(3) Tournure calquée sur le patois et signifiant que la sœur n’a pas assisté à l’entrevue<br />
(P. Andrieux).<br />
(4) Doc. 136, reproduit p. 38.<br />
37
N<br />
S<br />
Corps<br />
1. Vers Grenoble<br />
2. Chemin de Corps à la Salette<br />
3■ Maison du charron Giraud, le père de Maximin<br />
4. Quartier habité par la famille de Mélanie<br />
5. Eglise<br />
6. Presbytère<br />
7. Couvent des Soeurs (actuellement foyer pour personnes âgées)<br />
8. Vers Gap<br />
Document 136 : autographe de Maximin, multigraphié par Houzelot (cf. p. 29 et 37).<br />
Dimensions du cadre :11,6 cm x 1). (La reproduction ci-dessus est en format réduit.)
14 avril 1847 Doc. 136 bis<br />
répondit que non. Mélanie (5) répondit : Je l’ai caché à la Salette.<br />
Mélanie (6) lui assura que cela était inexact ; qu’il l’avait caché<br />
sous son lit chez son maître à la Salette (7). Vite, je propose à<br />
Maximin d ’aller avec lui à la Salette, la difficulté était grande il<br />
ne pouvait sortir sans permission ; il fallait la demander à la bonne<br />
sœur qui ne se décida pas sans peine et je me gardais bien de lui<br />
dire pourquoi j’avais l’intention de l’y conduire.<br />
Nous nous mettons en route pour la Salette ; l’enfant<br />
m ’engage dans les montagnes et me fait suivre des chemins<br />
tellement pierreux que je fus obligé de le laisser aller seul.<br />
Imaginez-vous des petits chemins pour une seule personne et 200<br />
pieds de profondeur sur les côtés. Je fis des efforts pour aller [plus]<br />
loin ; il me fallut rétrograder et je l’engageai à continuer sa route<br />
et que s’il me rapportait son bâton, je lui donnerais quelque chose<br />
à son choix, et il partit, non sans quelques difficultés : il voulait<br />
que je l’accompagnasse ; il faut être élevé dès l’enfance pour<br />
parcourir ces montagnes : il y a des précipices affreux à traverser ;<br />
si un étourdissement vous prenait, vous seriez bien perdu, il mit<br />
quatre heures pour faire ce trajet, j’étais impatient de savoir s’il<br />
retrouverait son bâton, ensuite parce qu’il ne m’avait demandé la<br />
permission que pour 2 heures. Enfin il revint avec son bâton, le<br />
même qu’il avait le jour de l’événement.<br />
En revenant de la Salette, les habitants de ces lieux l’aperçurent<br />
et coururent lui demander ce qu’il venait faire, il leur dit naïvement<br />
qu’il venait chercher son bâton de chez ses maîtres ; alors on lui<br />
en coupa des éclats malgré lui ; pour les conserver, comme des<br />
reliques à ce qu’il [p. 11] m ’a dit et quand il arriva, je n’étais pas<br />
content de voir mon bâton endommagé, cependant je fis une<br />
réflexion qui me consola, car les éclats enlevés, sur son chemin,<br />
sont encore une preuve de conviction de plus ; qu’ai-je à me<br />
plaindre, ne suis-je pas le mieux partagé ! Car le bâton n ’est pas<br />
de peu d’importance. Avant de partir, Maximin m’avait dit : je le<br />
retrouverai : j’y ai fait des marques. En effet les marques dont il<br />
me parlait existaient réellement. Le matin lorsque je demandai à<br />
Mélanie si ce bâton existait encore, Mélanie et Maximin parlaient<br />
en Patois en souriant ; et ne comprenant rien à leur langage, je<br />
leur demandai ce qu’ils avaient à rire. Mélanie me dit que,<br />
Maximin, lorsqu’il vit cette dame (la Ste Vierge) sur la montagne ;<br />
craignant qu’elle ne nous fît du mal, me dit : J ’ai mon bâton si<br />
elle veut nous battre nous nous défendrons avec et ils riaient tous<br />
les deux de leur méprise.<br />
(5) D'après le sens, il s’agit en réalité de Maximin.<br />
(6) Le copiste semble avoir d ’abord écrit « Maximin ».<br />
(7) L’histoire du bâton caché donne l’impression d’être une galéjade provoquée par<br />
les questions d ’un chasseur de reliques intempérant.<br />
39
Doc. 136 bis<br />
<strong>Documents</strong><br />
En revenant de la Salette je fis dîner Maximin avec moi à<br />
l’hôtel, il hésitait à entrer dans la salle parce qu’il y avait beaucoup<br />
de monde et qu’on le regardait ; cela le contrariait. Enfin il se<br />
décida à dîner. Après le repas il monta dans ma chambre et choisit<br />
un Christ pour son bâton et me dit qu’il y avait une personne qui<br />
engageait les autres à ne pas croire : il dit cela en Patois. Je lui dis<br />
qu’il fallait la laisser dire, et il me raconta à ce sujet qu’un homme<br />
du pays disait à sa femme : «Je mettrai une corde au cou de la<br />
Ste Vierge », et lorsqu’il eut prononcé ces mots son enfant tomba<br />
dans l’eau bouillante, et je crois qu’il en mourut (8). Cet homme<br />
alla à l’église demander pardon à Dieu, et criait comme un<br />
désespéré. Il me raconta ce fait pour combattre l’incrédulité. Je<br />
n ’ai pas eu le temps de m ’en informer.<br />
Il me conduisit chez la mère de la petite Mélanie ; il était<br />
neuf heures ; la chambre où elle restait était un grab^at, aussi<br />
sale qu’il est possible de le supposer. Cette femme était couchée<br />
et elle se leva.<br />
Je lui demandai s’il lui restait quelques vêtements que sa<br />
petite eût p o rt/ le jour de l’événement ; elle me dit qu’il ne<br />
restait plus que sa robe et elle ne savait où pouvoir la trouver.<br />
Après avoir bien cherché partout sans pouvoir la trouver, le petit<br />
Maximin dit : elle est de cette couleur-là, en montrant une petite<br />
robe appartenant à l’un des huit enfans de cette femme qui tous<br />
étaient couchés ; enfin après bien des recherches et ne la trouvant<br />
pas, on lève une espèce de paillasse et Maximin s’écrie d’un air<br />
joyeux, la voilà c’est bien [p. 12] c’est bien [sic] celle que Mélanie<br />
avait sur la montagne ; ce n ’est pas par sa beauté qu’elle brille ;<br />
en cherchant cette robe, je me heurtai les pieds dans des boîtes,<br />
où il y avait des enfans qui étaient couchés, il y en avait de tous<br />
côtés ; on ne voyait que des têtes dans les lits. Le mari de cette<br />
femme gagne 15 sous par jour ; la mère et les enfans demandent<br />
l’aumône. La mère de Mélanie m ’a remis deux morceaux de la<br />
pierre sur laquelle s’est assise la Ste Vierge et je l’ai quittée,<br />
content d ’avoir cette robe qui n’est qu’un haillon.<br />
Il y a là de quoi confondre l’orgueil en voyant que Dieu s’est<br />
révélé à d ’aussi misérables créatures ceux qui raisonnent comme<br />
les Juifs auront peine à y croire.<br />
Le lendemain jour de mon départ il y avait discussion au<br />
sujet de ces enfans ; chacun disait son opinion et je leur dis la<br />
mienne à cet égard ; je leur dis combien j’avais mis ces enfans à<br />
l’épreuve, ainsi que beaucoup d ’autres personnes.<br />
Plusieurs en furent surpris ; une dame présente manifesta le<br />
désir de les voir. Je la conduisis avec un jeune homme qui était 8<br />
40<br />
(8) Sur cet accident, voir LSDA I, p. 154.
16 avril 1847 Doc. 137<br />
avec elle. A leur retour, je montai en voiture pour aller à Gap. Ils<br />
m ’ont bien remercié de les avoir conduits ; ils étaient très contents<br />
d ’avoir parlé aux enfans.<br />
A Gap, chez un orfèvre, j’eus un entretien avec un ecclésiastique<br />
qui arrivait de Corps il me dit : Monsieur, il n’est question<br />
que de vous à Gap. C’est probablement parce qu’ils auront appris<br />
que j’emporte les effets des enfans à Paris et par toutes mes<br />
démarches.<br />
J ’aurais désiré faire une analyse plus courte de ces faits, mais<br />
le peu de temps que j’avais ne me l’a pas permis ; je vais me<br />
presser pour terminer mon voyage et me rendre pour la fin du<br />
mois à Paris où aux premiers jours de Mai.<br />
réunis le 24 Mai par Mr Brumont (9), lettre écrite par un de<br />
ses amis (10)<br />
Vendredi 16 avril 1847<br />
Événement : Guérison de la Sœur Saint-Charles (Claire Pierron), religieuse<br />
hospitalière de Saint-Joseph, à Avignon, au cours d’une neuvaine à Notre Dame<br />
de la Salette. La Sœur avait de fréquentes hémoptysies et souffrait d’aphtes au<br />
palais, à la langue et au pharynx.<br />
Dossier : EG 122 (19 pièces de 1847-1852, une pièce de 1856) ; Vérité,<br />
p. 104-115 ; Nouveaux documents, p. 39-41 ; Nouveau sanctuaire, p. 108-111 ;<br />
GlRAY I, p. 340-375. On trouvera une description de la maladie et de la guérison<br />
dans le doc. 177. La neuvaine devait se terminer le 17 avril, jour de communion<br />
générale de la communauté. Celle-ci fut devancée à la veille, en raison du passage<br />
de Mgr de Prilly, évêque de Châlons-sur-Marne, frère d’une religieuse. La guérison<br />
eut lieu pendant la célébration de la messe par le prélat (relation de Mme Pineau,<br />
supérieure, dans GlRAY I, p. 355). La nouvelle s’en répandit rapidement. — La<br />
guérison de Sœur Saint-Charles fut examinée lors des Conférences tenues à<br />
l’évêché de Grenoble en automne 1847. Mgr Naudo, archevêque d’Avignon, en<br />
admettait le caractère miraculeux et se proposait de publier sur le sujet une<br />
« relation authentique » (lettre des vicaires capitulaires d’Avignon à Rousselot,<br />
23 juin 1848, EG 122, dans G iray I, p. 350-351), mais mourut le 29 avril 1848,<br />
avant la réalisation de son projet.<br />
De constitution frêle, la Sœur Saint-Charles tomba de nouveau malade en<br />
février 1849 (« crise de cholérine » : GlRAY I, p. 361). Elle mourut le 25 mai<br />
1851.<br />
137. LETTRE DE MGR DEPÉRY, évêque de Gap, à Mgr de<br />
Bruillard<br />
Original : EG 93.<br />
(9) Brumont : sans doute Le Brument, négociant de Rouen connu de M. Dupont et<br />
mêlé à la fondation de l’œuvre réparatrice demandée par Sœur Marie de Saint-Pierre (cf.<br />
l’introd. au doc. 259).<br />
(10) « réunis » (pluriel), « lettre écrite » (singulier) : indications peu claires. On a<br />
peut-être affaire à des extraits tirés de plusieurs lettres (cf. l’introd. au présent document).<br />
41
Doc. 137<br />
<strong>Documents</strong><br />
Note. La publicité donnée à la prise de position de Mgr Depéry en faveur<br />
de l’authenticité de l’apparition pouvait apparaître comme un empiètement sur<br />
l’autorité de l’évêque de Grenoble : d’où le besoin de se justifier, éprouvé par<br />
Mgr Depéry. Celui-ci avait d’autant plus lieu de se sentir inquiet que sa lettre à<br />
l’abbé Nicod, où il regrette explicitement la réserve de Mgr de Bruillard, connut<br />
elle aussi une certaine diffusion (doc. 145 ter).<br />
Evêché de Gap<br />
Gap, le 16 Avril 1841.<br />
Monseigneur,<br />
Je viens d’apprendre par les journaux qu’une relation de<br />
l’apparition de la S" Vierge à la Sal/ette se vendait à Paris,<br />
accompagnée d’une lettre de moi et d ’une de mon grand vicaire (1).<br />
Je ne puis expliquer cette publicité donnée à mes lettres (2)<br />
que par une inconcevable indiscrétion et un manque total de<br />
délicatesse. Plusieurs personnes m ’ont écrit pour savoir ce qu’il y<br />
avait de vrai dans les bruits qui couraient sur cette apparition. J ’ai<br />
répondu suivant mes convictions personnelles mais jamais comme<br />
Evêque.<br />
La prudente réserve, Monseigneur, que votre Grandeur a<br />
gardé dans cette circonstance me faisait un devoir de l’imiter. Je<br />
regrette donc vivement que mon nom figure pour l’appréciation<br />
d ’un fait qu’il ne m ’appartenait pas de juger puisqu’il ne s’est<br />
point passé dans mon diocèse.<br />
Veuillez agréer...<br />
tlRÉNÉE, Év. de Gap.<br />
Remarque : Mgr Depéry enverra bientôt une protestation toute semblable<br />
(doc. 139) à l’Univers et à l’A m i de la religion, qui la publieront le 27 avril. Le<br />
premier journal, dans son commentaire, exprimera le vœu que lorsque des faits<br />
extraordinaires se produisent, l’autorité ecclésiastique intervienne aussitôt, ne<br />
serait-ce que pour inviter les fidèles à suspendre leur jugement (3). Quant à<br />
l ’A m i de la religion, il présentera la lettre Depéry comme une justification de la<br />
réserve qu’il s’est imposée et que l’on a « indignement exploitée » (4) contre lui. 1<br />
(1) Sur la brochure en question et les journaux, voir le doc. 131 bis et son commentaire.<br />
(2) Deux mois et demi plus tôt déjà, un journal catholique, la Voix de la vérité (n“<br />
du 31 janvier, doc. 70), avait publié la fameuse lettre de Mgr Depéry. Celui-ci s’était alors<br />
abstenu de protester, sans doute parce qu’il ne s’agissait alors que d ’un journal à très<br />
faible tirage.<br />
(3) Doc. 144. — Le rédacteur de ce commentaire paraît ignorer que l’évêque de<br />
Grenoble s’est occupé de la Salette dès l’automne précédent et a effectivement recommandé<br />
la réserve, en attendant que l’autorité se prononce (cf. doc. 3).<br />
(4) Doc. 144 bis. — L 'A m i de la religion vise ici les attaques dont il a été l’objet de<br />
la part de l’Univers ; cf. LSDA I, en particulier p. 260.<br />
42
20 avril 1847 Doc. 140<br />
Mardi 20 avril 1847<br />
140. LETTRE DE MGR VILLECOURT, évêque de la Rochelle, à<br />
l’abbé Mélin, curé de Corps<br />
Original (l f. pliée 22,3 cm x 33) : EG 93. — Texte intégral dans les<br />
Annales, juin 1907, p. 331-333.<br />
Mgr Villecourt. Rappelons qu’il avait passé sa petite enfance dans la région<br />
de Bourgoin, donc à peu de distance de Jallieu, ville natale de l’abbé Mélin (cf.<br />
LSDA I, p. 143 et 144).<br />
Note. Avec cette lettre, nous rencontrons, pour la première fois, une mise<br />
en garde contre les dangers que, pour les deux voyants, présentent les égards<br />
dont ils sont devenus l’objet à la suite de l’apparition.<br />
La Rochelle, le 20 avril 1841<br />
V[ou]s êtes vraiment bon, cher et digne Archiprêtre. Je<br />
désespérais de recevoir une réponse à ma dernière lettre ; car on<br />
suppose assez généralement que Mgr de Grenoble aurait reçu de<br />
haut lieu des défenses de rien publier sur l’apparition de peur de<br />
jet/er l’épouvante dans les esprits. Dans ce cas, il n’eût pas été<br />
surprenant que la même chose eût été signifiée par voie indirecte,<br />
aux environs de Grenoble, mais votre bonne et excellente lettre<br />
m ’indique assez le contraire. L’apparition a partout des contradicteurs<br />
: on en dit des choses si ridicules que c’est à faire pitié.<br />
Encore aujourd’hui un Ecclésiastique fort respectable me racontait<br />
qu’une dame fort pieuse ayant écrit à une de ses amies ou parentes<br />
qui est à quelque distance de vos parages, celle-ci lui avait répondu<br />
que ce qu’on attribuait à la S" Vierge, n ’était autre chose que la<br />
venue subite d ’une folle qui va partout se faisant passer, ainsi que<br />
les aliénés en ont ordinairement la prétention, pour un être<br />
extraordinaire, et que la simplicité des 2 pauvres enfants y avait<br />
été surprise (1). Cependant je dois dire que tout ce qu’il y a de<br />
solidement vertueux ne balance pas dans sa foi. Tout misérable<br />
que je suis, je me range, de tout mon cœur, parmi les simples.<br />
[...(verso)...]<br />
Me permettrez-vous \ de v(ou)s / dire, cher et vénérable<br />
pasteur, qu’on ne saurait trop maintenir les 2 petits bergers dans<br />
l’humilité la plus profonde. J ’ai connu plusieurs personnes, depuis<br />
36 ans que je suis dans le St ministère, à qui le ciel avait fait des<br />
grâces vraiment extraord1", et qui se sont vues à 2 doigts de leur<br />
perte éternelle, par suite des sentiments flatteurs qui se glissaient<br />
insensiblem' dans leurs âmes. J ’ai connu étant à Lyon une princesse<br />
qui y passait en venant de Pologne ; elle était demeurée pendant<br />
8 ou 10 jours auprès du prince de Hohenlhoe, et témoin des 1<br />
(1) L’apparition, œuvre d ’une folle : cette explication pourrait bien être l’écho des<br />
arrestations opérées le 13 avril (voir supra, p. 28).<br />
43
<strong>Documents</strong><br />
hommages dont il était l’objet, par suite des guérisons que ses<br />
prières obtenaient, elle en fut effrayée : Ah ! Monseigneur, lui<br />
dit-elle, un jour, tenez-vous en garde contre les pièges de Satan ;<br />
personne n ’y est plus exposé que vous. Elle aurait préféré le voir<br />
livré à toutes les persécutions et à tous les opprobres que d ’être<br />
témoin des respects que lui attirait de toutes parts sa qualité de<br />
thaumaturge (*). [...]<br />
Je v[ou]s embrasse...<br />
Mai 1847<br />
tC lément Ev' de la Rllc<br />
LA SALETTE DANS LA PRESSE LOCALE. Le 2 mai, le Censeur de Lyon<br />
signale à ses lecteurs que les inventeurs du miracle de la Salette « viennent<br />
de transporter leur industrie à Lyon. Nous avons sous les yeux un petit<br />
imprimé de huit pages in-18, sortant des presses de la Guillotière (1), et<br />
qui raconte les faits avec une étrange assurance ; on a fait en outre une<br />
belle image qui a la prétention d'être le portrait de cette Vierge, et qui<br />
est en vente dans notre ville » (2). On dirait qu’il existe une conspiration :<br />
le haut clergé « réclame avec une vive énergie la liberté d ’enseignement,<br />
c’est-à-dire la liberté de tuer l'Université(3) [...]; enfin, dans les<br />
campagnes, d ’autres renards sont chargés de tromper la crédulité des<br />
paysans en inventant des miracles, comme les lettres de Jésus-Christ (4),<br />
les apparitions des anges et de la Vierge. » En vendant au public des<br />
relations d’une prétendue apparition, des portraits de la Vierge, « ne<br />
commet-on pas une escroquerie, et MM. les procureurs du roi n 'ont-ils<br />
pas quelque compte à demander de pareils actes (5) ? » — Le chanoine<br />
Bouvier de Grenoble répond aussitôt pour défendre l’honneur du clergé<br />
(doc. 152 bis) : il invite le rédacteur du Censeur à venir interroger luimême<br />
les deux enfants, rappelle que le clergé s’abstient de faire de la<br />
propagande et observe que l’évêque, pas plus que le procureur du roi,<br />
n’a le pouvoir d’imposer silence aux témoins. Mais le journal lyonnais ne<br />
daigne pas insérer cette réponse. *1<br />
(*) Hohenlohe (et non Hohenlhoe) : famille de la noblesse allemande. Mgr Villecourt<br />
fait allusion au prince Alexander von H., 1794-1849. Les miracles attribués à sa ferveur<br />
avaient fait grand bmit vers 1820-21. En 1844, il fut ordonné évêque titulaire de Sardique.<br />
(1) Apparition miraculeuse de la Ste Vierge à de jeunes bergers. La Guillotière, impr.<br />
J.-M. Bajat, in-24. PBN Lk7. Cet opuscule est une réédition du doc.68.<br />
(2) En envoyant au Garde des Sceaux un exemplaire d ’une lithographie du « prétendu<br />
miracle de l’apparition de la Vierge à deux bergers du Département de l'Isère, en sept.<br />
1846 », le Préfet de police signale qu’elle se vend à Lyon chez les marchands d'estampes<br />
ou de livres de piété et qu’on vient d ’en faire un tirage de dix mille exemplaires.<br />
(Doc. 168 : lettre du 12 mai.)<br />
(3) Voir p. 26, note 4.<br />
(4) Sur la légende des lettres tombées du ciel ou lettres de Jésus-Christ, voir LSDA I,<br />
p. 375-392.<br />
(5) Doc. 151. L’article, daté du 1" mai, parut dans le Censeur du 2 mai. BEZ, p. 194-<br />
201, le reproduit, avec quelques inexactitudes mineures.<br />
44
Mai 1847<br />
Les jours suivants, il est question de la Salette dans la presse<br />
grenobloise : le 4 mai, le Courrier de l'Isère (monarchiste) reproduit la<br />
lettre Depéry aux journaux (6) et le surlendemain le Patriote des Alpes<br />
(républicain) se félicite de ce que l’évêque de Gap ait renoncé à propager<br />
d’« alarmantes et mensongères paroles justiciables de la cour d ’assises »<br />
(doc. 153).<br />
Le 14 mai, le Censeur annonce (doc. 158) que, d’après les journaux<br />
de Lille, la police a saisi le 7 du même mois une estampe représentant<br />
l’apparition (7). Quatre jours plus tard, le Patriote des Alpes, après avoir<br />
reproduit un entrefilet paru dans l’Echo du Nord (doc. 154 bis) se plaint<br />
qu’à Grenoble « on colporte impunément dans les rues les mêmes écrits »<br />
et que « les charlatans se mettent à porter à domicile de l'eau de la<br />
fontaine de Salette [sic], à laquelle, sur de pieux certificats, sont attribuées<br />
toutes sortes de miraculeuses qualités » (doc. 164).<br />
Entre temps, le chanoine Bouvier a envoyé à d’autres journaux sa<br />
réponse au Censeur. La Gazette de Lyon (légitimiste) la publie dans son<br />
numéro du 16 mai, le Courrier de l ’Isère dans celui du 20 (doc. 165) et<br />
l’Univers dans celui du 22.<br />
POURSUITES judiciaires (8). Déjà en février le Siècle, le journal le<br />
plus lu en France, avait présenté la Salette comme un facteur de<br />
perturbation sociale, empêchant les transactions et ajoutant « aux inquiétudes<br />
suscitées déjà sur plusieurs points par la cherté des subsistances »<br />
(doc. 74). Voici que les journaux attirent de nouveau sur l’apparition<br />
l’attention du public et des pouvoirs. Or c’est l’époque où la disette qui<br />
sévit depuis l’hiver atteint son paroxisme (9). En divers points du territoire 6789*<br />
(6) Doc. 139, dans le Courrier, p. 3bc (d’après le texte publié dans l’A m i de la<br />
religion).<br />
(7) Gazette de Flandres et d'Artois, (légitimiste), 9 mai 1847, p.lbc (doc. 154) : « le<br />
procès démontrera [...] que cette publication est une spéculation particulière non approuvée<br />
par l’autorité ecclésiastique. Cette autorité ne pouvait pas l’interdire, car, apparemment,<br />
les journaux qui déclamaient et injuriaient si fort, ne réclament point en faveur du clergé<br />
le rétablissement de la censure ? » (Article daté du 8 mai.) — L ’Echo du N ord (anticlérical),<br />
9 mai 1847, p. 2 (doc. 154 bis) : la police a opéré la saisie de « deux opuscules que le<br />
parti-prêtre, s’il n ’avait été aveuglé par son orgueil, n’aurait sans doute jamais édités,<br />
tellement, dans ces quelques pages, l’absurde le dispute au ridicule. » — Egalement<br />
doc. 155.<br />
(8) Imprimeurs, libraires, éditeurs, colporteurs poursuivis : voir Bibl. C.-25, 30-32.<br />
Dossiers aux Archives nationales : série BB18 (Ministère de la justice, correspondance générale<br />
de la division criminelle) 1452 (3821) ; série BB21 (grâces accordées) 502B, 503A et B,<br />
504A (réduction de peines, septembre 1847-janvier 1848). Nous avons assigné un numéro<br />
d’ordre aux documents qui possèdent quelque lien avec le cadre local de l’apparition : par<br />
exemple à la lettre du parquet d ’Angers (doc. 161), qui est à l’origine d ’une intervention<br />
du Ministre des cultes auprès de l’évêque de Grenoble.<br />
(9) Le 10 mai 1847, l’épouse du maire d ’Aspres-les-Corps, commune des Hautes-<br />
Alpes limitrophe de Corps, écrit à son oncle et à sa tante, qui habitent Lyon : « nos<br />
habitants font pitié à voir ils manquent presque tous de pain et pommes de terre ils<br />
parcourent chaque jour nos prés pour choisir les chardons, boindre, dents de lyon [sic],<br />
marsalon [?] et autres herbes pour en faire leur soupe qui plus souvent est mangée sans<br />
heure seulement avec un peu de lait voilà tout. Nous sommes assaillis dans nos maisons, il<br />
semble que le château doit tout avoir et chaque jour il nous faut distribuer argent, beure<br />
pain truffes à plus de 10, 15 et 20 mendiants » (doc. 155 bis).<br />
45
A gauche : Image éditée par Houzelot<br />
L ’artiste s'est inspiré de l'image de Notre-<br />
Dame de Bon Espoir (cf. p. 19 et 21).<br />
A droite : Illustration de l'im prim é Alcan<br />
Cette image figure dans une édition de la relation<br />
attribuée à cinq ecclésiastiques (cf. LSDA<br />
I, p. 221), imprimée à Paris par Félix Alcan.<br />
Saisi par la police le 21 avril 1847, l'imprimé<br />
valut à Alcan une condamnation pour délit de<br />
presse (cf. Bibl. C-30).<br />
(Service photographique des Archives Nationales)
Mai 1847<br />
des troubles éclatent au cours du printemps et les autorités responsables<br />
de l’ordre interviennent avec rigueur et vigueur (10). En ce qui concerne<br />
la Salette, il ne vient à l’idée de personne de fermer les accès du<br />
pèlerinage, comme on le fera onze ans plus tard à Lourdes. En ce<br />
printemps, la neige reste encore le plus efficace des gendarmes. Au<br />
demeurant, il n’y a en ce coin perdu qu’est le canton de Corps ni<br />
procureur du roi, ni commissaire de police. Le parquet n’a de représentants<br />
que dans les villes et c’est dans des villes comme Amiens, Angers, Caen<br />
et Paris qu’il engage des poursuites contre divers imprimeurs, libraires ou<br />
colporteurs. Pour donner à l’action un fondement juridique, on reproche<br />
aux accusés d’avoir omis les formalités prévues par la loi pour la<br />
publication des imprimés — tout en reconnaissant, quand on écrit au<br />
ministère à Paris, que ce n’est là qu’un prétexte (11).<br />
REPRISE des pèlerinages. L’hiver avait été long et rigoureux. « Nous<br />
avons eu de trois à quatre pieds de neige jusqu’à la fin de mars », peuton<br />
lire dans les Cahiers Perrin, rédigés par l’abbé Jacques-Michel d’après<br />
les souvenirs de son frère, le curé de la Salette. L’abbé continue : « malgré<br />
cette abondance qui encombrait tous les chemins, malgré un froid<br />
constamment intense, nous avons vu, dans chaque mois de cet hiver, des<br />
pèlerins intrépides lutter contre ces obstacles avec une énergie qu’on<br />
pourrait appeler surhumaine, et parvenir au Mont Sous-les-Baisses, terme<br />
de leurs vœux ardens. — Aussitôt que la fonte des neiges eut rendu les<br />
chemins un peu moins difficiles, nous avons vu les pèlerins gravir en<br />
grand nombre la montagne privilégiée. Nous y sommes allés nous-mêmes,<br />
le 15 avril, accompagnés d’un pieux condisciple, appartenant à la<br />
Congrégation des Oblats de Marie et nous avons eu des fatigues terribles<br />
à soutenir. La fontaine merveilleuse était encore couverte de dix pieds de<br />
neige. On n’arrivait à son eau bienfaisante qu’au moyen d’un tunnel,<br />
pratiqué à dessein (12). Mais la source virginale fut bientôt déblayée par *1<br />
(10) C’est ainsi que, du 11 au 13 mai, Lille est le théâtre d ’émeutes, au cours<br />
desquelles on pille plusieurs boulangeries. Sur la disette et les troubles, voir LSDA I,<br />
p. 8-9.<br />
(11) Ainsi le procureur général auprès de la cour royale d’Angers reconnaît l’entière<br />
bonne foi de deux imprimeurs qu’il a fait condamner à payer des amendes : pour les<br />
imprimés de faible volume, l’administration s’abstient en effet d'exiger la stricte application<br />
de la législation sur le dépôt légal. Le véritable motif des interventions du parquet a été le<br />
contenu des récits. Le procureur suggère aux autorités supérieures de remettre les peines,<br />
mais en tenant compte, toutefois, de l’attitude politique de» condamnés. Si la veuve<br />
Pignet-Chateau mérite compassion en raison de sa situation matérielle, elle a le tort d ’être<br />
trop dévouée au parti légitimiste. « Ses opinions politiques, je dois le dire, sont, au dernier<br />
point, hostiles au gouvernement ». La remise de peine ne devrait donc pas être totale<br />
comme pour Cosnier et Lachèze, qui, eux, « ont donné de nombreux et sérieux gages de<br />
leur attachement au gouvernement et aux idées d ’ordre » (lettres du procureur au Garde<br />
des Sceaux, 2 et 21 août 1847, PAN BB21 502B, dossiers 3022 et 3075).<br />
(12) « La source de l’apparition flue avec abondance ; on y descend par un escalier de<br />
7 à 8 marches, taillées dans la neige, sous une voûte en forme de grotte, qui n ’est autre<br />
chose que de la neige à moitié glacée, durcie par le froid. Les abords sont encore encombrés<br />
de neige à 2 kilo"” de distance ; ce qui rend l’accès de ces lieux encore bien difficile ;<br />
chaque pèlerin se fait à lui-même son chemin, par une pente de 0,30e à 0,35e au mètre »<br />
(doc. 146).<br />
47
Doc. 148<br />
<strong>Documents</strong><br />
les pèlerins qui se présentaient en nombre tous les jours. — Les visiteurs<br />
ont afflué chaque jour du mois de mai ; les tempêtes, la neige, les<br />
brouillards, quoique très fréquens, ne ralentissaient point leur pieuse<br />
ardeur » (13).<br />
Mgr Césaire Mathieu, archevêque de Besançon, prescrit dans son<br />
diocèse des processions extraordinaires pour le mois de mai. A l’évêque<br />
de Grenoble il écrira plus tard qu’il a agi sous l’influence de la Salette<br />
(doc. 462).<br />
* 148. RELATION MAURY (ou Mory)<br />
Composée début mai en français, décrivant à la fois l’apparition et ses suites,<br />
cette relation nous est connue uniquement à travers la brochure allemande de<br />
Hecht, dont elle constitue la principale source (cf. Hecht, p. vi-vii et 50-51).<br />
L'enquête. Mr Maury (ou Mory), de Metz, vint à Corps vers le 20 mars,<br />
après s’être muni à Lyon d’une recommandation pour l’abbé Mélin. Il interrogea<br />
les enfants sept heures durant, — les deux enfants, précise Hecht, mais ce détail<br />
est sans doute erroné, puisque au moment de son passage à Corps, Maximin<br />
avait la petite vérole. Le 23 mars il monta aux lieux de l’apparition. Selon Mgr<br />
de Bruillard, il repartit « entièrement convaincu » (doc. 128).<br />
Le récit de l'apparition. Il devait ressembler à celui de Dausse : c’est du<br />
moins la conclusion à laquelle nous sommes arrivé, en supprimant du récit qu’on<br />
lit dans H e c h t, p. 17-28, les éléments communs avec diverses autres relations<br />
répandues au printemps de 1847, puis en comparant le résidu avec le récit de<br />
Dausse (doc. 121, plus spécialement les v. 2-35).<br />
Ci-dessous nous reproduisons l’un des deux passages où Hecht cite Maury<br />
explicitement (p. 50-51), en accompagnant le texte allemand d’une rétroversion<br />
en français. L’autre passage (p. 43) concerne la conversion de la région de Corps.<br />
« Den 23. Màrz 1847, so schreibt<br />
er, war der Ort der Erscheinung (ein<br />
Alpengebirg) und die ganze Umgebung<br />
mit Schnee bedeckt. Bei der<br />
Quelle selbst lag derselbe acht bis<br />
neun Fuss hoch, und um zu derselben<br />
zu gelangen, hatte man durch die<br />
Schneemasse einen zwôlf Fuss langen<br />
unterirdischen Gang gegraben ; auch<br />
der Hügel, wo die allerseligste Jungfrau<br />
erschien, war durchgehends mit<br />
3 Fuss hohem Schnee be-[p. 51]deckt.<br />
Auf der Hôhe desselben, wo di Gros-<br />
« Le 23 mars 1847, écrit-il, le lieu<br />
de l’apparition (une montagne des<br />
Alpes) et tous les alentours étaient<br />
recouverts de neige. Auprès de la<br />
source même, il y en avait huit à<br />
neuf pieds et pour atteindre celle-ci,<br />
on avait creusé sous la neige un tunnel<br />
de douze pieds ; la côte où la sainte<br />
Vierge apparut, était elle aussi entièrement<br />
recouverte de trois pieds de<br />
neige. Au sommet de la côte, où la<br />
générosité des fidèles promet l’érec-<br />
(13) PERRIN, n° 648. — Sur les pèlerinages de mai, voir p. 65, note, 74 et le doc. 399.<br />
48
14 mai 1847 Doc. 159<br />
smut der Glaübigen eine Kapelle<br />
aufzurichten verspricht, ist ein grosser<br />
astloser Baum aufgepflanzt, auf desscn<br />
Hôhe sich ein kleines Kruziflx<br />
befindet. Ungefàhr zwei Drittheii in<br />
der Hôhe ist eine eiserne Stange<br />
angebracht, woran eine eiserne<br />
Lateme hângt. Unter diesem Baume<br />
sind zwei hôlzerne Kreuze aufgerichtet,<br />
wovon das kleinere von Maximin<br />
Giteau aufgerichtet worden. Auch<br />
Melania Mat/hieu hat ein Kreuz aufgepflanzt,<br />
aber auf der rechten Seite<br />
der fliessenden Quelle ».<br />
tion d’une chapelle, on a dressé un<br />
grand arbre sans branches, avec un<br />
petit crucifix au sommet. Aux deux<br />
tiers environ de sa hauteur, a été fixée<br />
une barre de fer, de laquelle pend<br />
une lanterne de fer. Sous cet arbre<br />
ont été dressées deux croix en bois,<br />
dont la plus petite par Maximin<br />
Gireau. Mélanie Matthieu a elle aussi<br />
planté une croix, mais à droite de la<br />
source, qui donne de l’eau. »<br />
Vendredi 14 mai 1847<br />
ÉVÉNEMENT. Guérison de Sœur Saint-Antoine Granet, religieuse du Saint-<br />
Sacrement, à Bédarrides, diocèse d’Avignon. — Dossier dans Vérité, p. 118-122,<br />
226-228 ; GlRAY II, p. 81-89 ; cf. aussi doc. 222 et 240. Les papiers Dausse<br />
contiennent des copies de quatre pièces de 1847 (BMGD 11-14).<br />
La sœur souffrait d’une hypertrophie du cœur, doublée d’une autre maladie :<br />
« adhérence chronique des deux feuillets de la plèvre », selon le Dr J. Casimir,<br />
qui avait soigné la sœur en octobre-novembre 1846 ; tumeur au sein, selon le Dr<br />
G. Michel, qui suivait la sœur depuis 1831 (GlRAY II, p. 82, 85). La guérison<br />
eut lieu à la fin d’une neuvaine, au cours de laquelle la sœur fit usage de l’eau<br />
de la Salette. Le chanoine Rousselot mentionnera cette guérison dans son Rapport<br />
à l’évêque de Grenoble (doc. 310). Elle ne bénéficia toutefois pas d’une enquête<br />
canonique proprement dite.<br />
159- RELATION GUEYDAN-PRUDHOMME : Hommage à<br />
Notre-Dame de la Salette, suivi de la relation très-circonstanciée<br />
de l ’apparition de la très-sainte Vierge à deux bergers sur la<br />
montagne de la Salette, près Corps, Isère, le 19 septembre 1846,<br />
et des faits extraordinaires qui ont suivi cet événement miraculeux<br />
Grenoble, impr. Prudhomme, 1847. 20 p. 22 cm. BMG U.6693. La 4' page<br />
de la couverture est illustrée.<br />
Contenu. Lettre à « Monsieur G... » (p. 3). — Un poème de 32 strophes,<br />
intitulé « Hommage à Notre-Dame de la Salette » (p. 5-10). — « Relation de<br />
l’apparition de la très-sainte Vierge » (p. 11-16). — « Faits remarquables qui ont<br />
suivi l’apparition » : face du Sauveur trouvée dans une pierre, guérisons de Marie<br />
Laurent, des Sœurs Prouvèze et Saint-Charles, de l’hydropique du Dévoluy et<br />
d’un enfant d’Ambel (p. 17-20).<br />
Date. La déclaration au dépôt légal est du 14 mai 1847.<br />
Diffusion. La relation de l’apparition contenue dans l’opuscule fut rééditée<br />
sous divers titres (cf. Bibl. C. 26-29). Il s’en serait vendu trois cent mille<br />
exemplaires (Apparition, n. 13).<br />
49
Doc. 159<br />
<strong>Documents</strong><br />
Les auteurs et leurs sources. L’auteur de la lettre placée en tête de l’opuscule<br />
attribue la paternité du récit de l’apparition à « Monsieur G... », sans doute Mr<br />
Gueydan, de Corps, et revendique celle du poème. Gueydan lui-même tient la<br />
position exactement inverse : le poème est de lui, tandis que la rédaction du<br />
récit appartient à l’imprimeur grenoblois Pmdhomme, venu à Corps au printemps<br />
de 1847 pour prendre des informations (1). Ces réclamations en paternité au<br />
sujet du poème illustrent un trait de la mentalité populaire : on tient à être<br />
l’auteur d’une œuvre d’art, non celui d’un récit relatant des événements, fussentils<br />
surnaturels. — En fait, la relation Gueydan-Prudhomme est, comme la relation<br />
Auvergne (doc. 125), une réédition retouchée de la relation composée par l’avocat<br />
Dumanoir, dont elle omet le conseil de ne pas semer, ainsi que le reproche au<br />
sujet des pierres jetées aux filles (2).<br />
Lundi 17 mai 1847<br />
163. RELATION BEZ : récits de Maximin et de Mélanie<br />
Dans Bez (édition de 214 pages), p. 32-47.<br />
Nicolas Bez, né le 1er mars 1796 à Lyon, prêtre en 1820, fut curé d’Oullins,<br />
Rhône, de 1831 à 1838. A l’époque de l’apparition, il résidait à Lyon. Rousselot<br />
le présente comme un « prédicateur connu » (Vérité, p. 30). Il était chanoine<br />
honoraire de Saint-Diez et d’Evreux. Bez mourut le 2 septembre 1857 (*).<br />
Son enquête. Bez s’est mis en route pour Corps à la mi-mai, donc à une<br />
époque où, depuis plusieurs semaines, l’apparition fait l’objet d’attaques dans la<br />
presse. Il interroge les enfants le 17, d’abord Mélanie (**), puis Maximin (BEZ,<br />
p. 41). Le lendemain, il visite les lieux de l’apparition. D ’après l’Avertissement<br />
qu’il a mis au début de son opuscule sur la Salette, l’enquête a eu pour but de<br />
réunir une documentation puisée aux sources, tandis que les journaux ont trop<br />
souvent présenté les faits selon leurs préjugés et passions et que, pour satisfaire la<br />
curiosité du public, « on a'répandu partout et des récits plus ou moins mal faits,<br />
plus ou moins véridiques, et des gravures plus ou moins ridicules ». Bez ne<br />
prétend « aucunement préjuger le sentiment de l’autorité épiscopale, à qui seule<br />
appartient de déclarer si le fait dont il est question, est un miracle ou ne l’est<br />
pas » (B e z , p. vi, vii).<br />
Note critique. Dans l’édition imprimée de son Rapport à l’évêque, Rousselot<br />
écrit que « l’abbé Bez est le premier qui ait publié à peu près le texte même de<br />
l’entretien de la Reine du ciel avec les deux enfants » (Vérité, p. 30). Bez a, en<br />
effet, le souci du témoignage authentique. Son livre est le premier à reproduire<br />
les récits de Mélanie et de Maximin l’un à la suite de l’autre, sans les amalgamer.<br />
Rousselot, dans son Rapport manuscrit d’octobre 1847 (doc. 310), et aussi d’autres<br />
enquêteurs (Marie Des Brûlais, Arbaud), reproduisent ces deux récits presque<br />
textuellement d’après Bez (***). Cependant, comme on vient de le voir, Rousselot<br />
(1) Lettre de Gueydan au Père Bossan, 10 mars 1863, MSG. Texte dans A pT II,<br />
p. 164, à corriger d ’après Bibl. C-2.<br />
(2) Relation Dumanoir (doc. 124), v. 29 et 34. Rappelons que le conseil de ne pas<br />
semer avait été compris littéralement par le journal parisien Le Siècle et présenté par lui<br />
comme un facteur de perturbation sociale (cf. LSDA I, p. 243).<br />
(*) Renseignements communiqués par Mr le chanoine Jomand, archiviste de l’archidiocèse<br />
de Lyon. — Sur Bez, voir aussi infra, p. 148, avec la note 4.<br />
(**) Sur les circonstances de l’interrogatoire, voir infra, p. 84.<br />
(***) Doc. 256 bis, 264 bis, 310, 401.<br />
50
17 mai 1847 Doc. 163<br />
laisse entendre que le texte de Bez n’est exact qu’« à peu près ». Bez protesta<br />
après la parution du livre de Rousselot : « Je ne crois pas l'avoir p u b lié à peu<br />
près, mais très exactement, non pas par souvenir, mais sur [?] la dictée, phrase<br />
par phrase, des deux enfants. J ’avais un secrétaire qui écrivait et je collationnais<br />
encore après avoir lu aux enfants ce que le secrétaire venait d'écrire. Je n ’ai pas<br />
ajouté une syllabe, comme je n ’ai rien retranché » (doc. 458 : lettre du 27 ou<br />
29 août 1848). — Nous avons opéré quelques sondages parmi les reproductions<br />
de textes contenues dans Bez et noté de légères inexactitudes par rapport aux<br />
originaux : ainsi « l’exemple pouvait devenir contagieux » (doc. 74 : Le Siècle du<br />
16 février 1847) devient dans l’opuscule « l’exemple menaçait de devenir<br />
contagieux » (Bez, p. 175 ; les italiques sont de nous).<br />
Autres renseignements sur Bez et son enquête : voir le doc. 184.<br />
Bez e t le Rapport Rousselot. Dans son Rapport manuscrit d’octobre 1847 à<br />
l’évêque de Grenoble (doc. 310), le chanoine Rousselot reproduit la relation Bez<br />
presque intégralement (Mélanie : v. 3-42, 45, 47-49 ; Maximin, v. 1-33) et telle<br />
quelle, à quelques exceptions près, que nous signalerons en note. Il s’agit en<br />
général d’additions ou de corrections introduites par après, au cours d’une révision<br />
du Rapport.<br />
INTERROGATOIRE DE MÉLANIE<br />
[p.32]‘D. Comment t ’appelles-tu, mon enfant ? — R. Mélanie<br />
Mathieu. — D. Quel âge as-tu ? — R. Environ quinze ans.<br />
— D. Qu’as-tu vu à la Salette le 19 septembre ? 12— R. J ’ai été<br />
endormie.... Nous avons été voir nos vaches, et quand nous<br />
sommes revenus pour passer le ruisseau, j’ai vu une clarté ; puis<br />
j’ai vu une dame dans une clarté.<br />
[p. 33] D. Et qui t’a fait apprendre cette leçon par cœur ?<br />
3R. « Personne, Monsieur.... La dame s’est levée droite, elle a<br />
croisé les bras... 4Avancez, mes enfants, a-t-elle dit ; n ’ayez pas<br />
peur.... 5Je suis ici pour vous annoncer une grande nouvelle....<br />
^Elle s’est avancée dans l’endroit où nous étions... nous nous<br />
sommes avancés aussi... elle était devant nous (1)... 7elle a dit : Si<br />
mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller<br />
la main de mon fils. 8Elle est si forte, si pesante, que je ne peux<br />
plus la soutenir (2).<br />
9Depuis le temps que je souffre pour vous autres, 10si je veux<br />
que mon fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier<br />
sans cesse. “Pour vous autres, vous n ’en faites pas cas. 12Vous<br />
aurez beau faire, jamais vous ne pourrez récompenser la peine que<br />
j’ai prise pour vous autres.<br />
(1) ROUSSELOT devant nous] entre nous deux<br />
(2) ROUSSELOT soutenir] Add. (la m aintenir.)<br />
51
M élanie et Maximin, par Jules Gue'dy (doc. 172)<br />
(Bibliothèque municipale de Grenoble)<br />
Illustration de la brochure imprimée par Prudhomme (doc. 159)<br />
52
17 mai 1847 Doc. 163<br />
13Je vous ai donné six jours pour travailler, [p. 34] je me suis<br />
réservé le septième ; on ne veut pas me l’accorder (3). 14Ceux qui<br />
conduisent les charrettes ne savent pas jurer sans y mettre le nom<br />
de mon fils au milieu. 15Ce sont les deux choses qui appesantissent<br />
tant le bras de mon fils.<br />
16Si la récolte se gâte, ce n ’est rien qu’à cause de vous autres.<br />
17Je vous l’ai fait voir l’année passée pour les pommes de terre (4) ;<br />
vous n ’en avez pas fait cas.<br />
18Mélanie ajoute en baissant la voix : J ’ai compris ce qu’elle<br />
voulait dire (5). Quand elle a parlé de pommes de terre, je ne<br />
comprenais pas ; je n ’avais jamais entendu parler de pommes de<br />
terre. — D. 19Comment les appelle-t-on dans ton pays ? — R. On<br />
les appelle des truffes (6). La dame (7), s’étant aperçue que je ne<br />
comprenais pas bien : Ah ! mes enfants, reprend la dame, vous<br />
[p. 35] ne comprenez pas le français, je vais vous parler en patois.<br />
20Puis elle a continué : Au contraire, quand vous trouviez des<br />
pommes de terre gâtées, vous juriez en y mettant le nom de mon<br />
fils au milieu. 21Cela va continuer cette année ; pour la Noël il<br />
n ’y en aura plus.<br />
22D. Il y en a eu cependant ? — R. Pourquoi qu’elle m’a dit<br />
comme ça (8) ? 23Si le blé se gâte, a continué la dame, ce n’est<br />
rien qu’à cause de vous. 24Si vous avez du blé, il ne faut pas le<br />
semer, parce que les bêtes le mangeront ; ce qui viendra tombera<br />
tout en poussière.<br />
25I1 viendra une grande famine. 26Avant que la famine vienne,<br />
les enfants au-dessous de sept ans prendront un tremblement et<br />
mourront entre les mains des personnes qui les tiendront. 27Les<br />
autres feront pénitence par la famine. “Les noix deviendront<br />
mauvaises, les raisins pourriront.<br />
[p. 36]29S’ils se convertissent, les pierres et les rochers se<br />
changeront en montagnes de blé.<br />
30Faites-vous bien vos prières, nous a dit la dame ? — Maximin<br />
a répondu : Pas bien, Madame.<br />
(3) Dans BEZ, édition de 150 pages, le v. 13 est à la troisième personne : « Mon fils<br />
vous a donné six jours pour travailler, il s’est réservé le septième ; on ne veut pas le lui<br />
accorder. »<br />
(4) ROUSSELOT, Note marginale : A Corps et dans beaucoup de parties du Dauphiné,<br />
les pommes de terre s’appellent truffes.<br />
(5) ROUSELOT Mélanie ajoute... voulait dirt]omis<br />
(6) ROUSSELOT Com ment... truffesjoræir<br />
(7) ROUSSELOT Addition marginale remplaçant « La dame » (mots non biffés par<br />
oubli) : J ’allois dire à Maximin, ce que ça vouloit dire : les pommes de terre, lorsque la<br />
dame<br />
(8) ROUSSELOT omet le v. 22.<br />
53
Doc. 163<br />
<strong>Documents</strong><br />
31I1 faut bien la (9) faire, a-t-elle repris, quand vous ne diriez<br />
qu’un Pater et un Ave Maria. Quand vous pourrez mieux faire, il<br />
faut en dire davantage.<br />
32I1 ne va que quelques femmes âgées à la messe ; les autres<br />
n ’y vont (10) que pour se moquer de la religion. 33Le carême, on<br />
va à la boucherie comme des chiens.<br />
34N ’avez-vous pas vu du blé gâté, mes enfants ? — Tous les<br />
deux nous avons répondu : Non, Madame.<br />
Vous devez bien en avoir vu, vous, à la terre du Coin, avec<br />
votre père (11). 35Le maître de la pièce dit à ton père d ’aller voir<br />
son blé gâté, vous y êtes allés tous les deux ; letpère a pris des<br />
épis, il les a frottés (12) dans sa main, ils tombaient tout en<br />
poussière ; [p. 37] puis ils s’en sont retournés. 36Quand vous étiez<br />
encore à demi-heure loin (13) de Corps, votre père vous a donné<br />
une pièce de pain, vous disant : Tiens, mon enfant, mange encore<br />
du pain cette année ; je ne sais pas si nous en mangerons<br />
encore (14) l’année prochaine, si ça continue encore comme ça.<br />
37Maximin a répondu : Je m ’en souviens à présent ; tout-àl’heure<br />
je ne m’en souvenais pas.<br />
38Eh bien, mes enfants, vous le ferez passer à tout mon<br />
peuple (15).<br />
î9Elle a passé le ruisseau et nous a retourné dire : Eh bien,<br />
mes enfants, vous le ferez passer à tout mon peuple.<br />
40Elle ne touchait pas l’herbe ; elle marchait à la cime de<br />
l’herbe. 41Je ne savais pas ce que c’était ; nous pensions que c’était<br />
ue sainte.<br />
2D. Ne t’a-t-elle pas dit autre chose ? — R. Non, Monsieur.<br />
— D. Ne t’a-t-elle pas dit un secret ? [p. 38] — R. Oui, Monsieur,<br />
mais elle nous a défendu de le dire. — D. Sur quoi t’a-t-elle<br />
parlé ? — R. Si je vous dis sur quoi, vous comprendrez bientôt ce<br />
que c’est. — D. 43Ce qu’elle t ’a dit, cela regarde-t-il toi ou un<br />
autre ? — R. Qui que ce soit que cela regarde, elle nous a défendu<br />
de le dire. — D. Feras-tu ce qu’elle t’a dit ? — R. Ça ne regarde<br />
personne, que je le fasse ou non ; elle nous a défendu de le dire. 91012131415<br />
(9) BEZ, édition de 150 pages, corrige « la » en « les », harmonisant ainsi la phrase<br />
avec la question qui précède.<br />
(10) ROUSSELOT n ’y vont] biffé, remplacé par l'add. marginale travaillent le dimanche<br />
tout l’été, et l’hiver quand ils ne savent que faire, les garçons ne vont à la messe<br />
(11) ROUSSELOT, après avoir copié cette phrase telle quelle, la corrige pour la mettre<br />
au singulier : « Tu dois bien en avoir vu, toi \\ en s’adressant à Maximin //, à la terre du<br />
Coin, avec ton père. »<br />
(12) ROUSSELOT frottésjfroissés<br />
(13) ROUSSELOT loin]o»»M<br />
(14) ROUSSELOT après avoir écrit « si nous en mangerons encore » (ou « si vous en<br />
mangerez encore ») a corrigé : « qui en mangera ». — D ’autre part, là où dans ce paragraphe<br />
BEZ a mis « le père », * votre père », il a mis « ton père ».<br />
(15) ROUSSELOT peuple]
17 mai 1847 Doc. 163<br />
— D. Elle ne t’a donc pas recommandé de faire quelque chose ?<br />
— R. Que je le fasse ou non, cela ne regarde personne.<br />
44D. Le brigadier de la gendarmerie a conduit cette dame à<br />
Grenoble ? - 45R. Il était bien fin pour la conduire.<br />
D. Comment cette dame a-t-elle disparu ? — R. Elle s’est<br />
enlevée un peu haut (Mélanie fait ici un geste, en élevant la main<br />
d ’un mètre à peu près au-dessus de terre), puis nous [p. 39]<br />
n ’avons plus vu la tête, plus vu les bras, plus vu les pieds ; on n ’a<br />
plus vu qu’une clarté en l’air, après la clarté a disparu. Nous<br />
avons pensé que c’était une sainte : 46 et puis après, si c’était une<br />
sainte, elle n’aurait pas parlé de son fils.<br />
47D. Comment était-elle vêtue ? — R. Elle avait des souliers<br />
blancs avec des roses autour de ses souliers ; il y en avait de toutes<br />
les couleurs, des bas jaunes, un tablier jaune, une robe blanche<br />
avec des perles partout, un fichu blanc, des roses autour, un<br />
bonnet bien haut, une couronne autour de son bonnet avec des<br />
roses ; 48elle avait une chaîne très petite qui tenait une croix avec<br />
son christ ; à droite étaient des tenailles, à gauche un marteau,<br />
aux extrémités de la croix. Une grande chaîne tombait comme les<br />
roses d’autour de son fichu ; 49elle avait la figure blanche, allongée ;<br />
je ne pouvais pas la voir bien longtemps pourquoi qu’elle nous<br />
éblouissait (16).<br />
50D. Qui t ’a porté à dire toute cette histoire, mon enfant ?<br />
[p. 40] — R. C’est cette dame.<br />
D. Si tu ne veux pas me dire ton secret, que faudra-t-il que<br />
je réponde à un grand personnage qui m ’a envoyé pour le savoir ?<br />
— R. Vous lui direz ce que vous voudrez, qu’est-ce que cela me<br />
fait ? Je ne veux pas le dire. — 51D. Quand diras-tu ce que cette<br />
dame t ’a confié ? — R. Quand je serai après le dire. — 5*D. Y a-<br />
t-il un moment où tu le diras ? — R. Il y en a un ou il n’y en a<br />
point.<br />
INTERROGATOIRE DE MAXIMIN<br />
[p. 41]'Nous avons été conduire nos vaches au pâturage ; nous<br />
nous sommes endormis, puis nous nous sommes réveillés après<br />
avoir goûté, [p. 42] 2Puis nous avons été voir nos vaches ; en<br />
revenant nous avons vu une grande lumière près de la fontaine,<br />
nous avons eu un peu peur ; nous avons vu une dame assise<br />
comme çà. La dame assise, les coudes sur ses genoux, la figure<br />
dans ses mains. (L’enfant prend cette attitude.)<br />
3N ’ayez pas peur, a dit la dame ; je suis ici pour vous annoncer<br />
une grande nouvelle (17). 1617<br />
(16) ROUSSELOT termine son « Récit de Mélanie » ici. Rappelons qu’il a copié les v. 3-<br />
42, 45, 47-49.<br />
(17) Maximin, dans ce récit, ne précise pas quand la Dame se lève : avant de prononcer<br />
ces paroles ou après ?<br />
55
Doc. 163<br />
<strong>Documents</strong><br />
4Elle est descendue contre nous, nous sommes allés contre<br />
elle, puis elle nous a dit : 5Si mon peuple ne veut pas se soumettre,<br />
je suis forcée de laisser aller la main de mon fils, car elle est si<br />
forte et si pesante, que je ne peux plus la retenir (18).<br />
6Depuis le temps que je souffre pour vous autres, 7si je veux<br />
que mon fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier<br />
sans cesse. 8Car, pour vous autres, vous n ’en faites pas cas.<br />
9Mon fils vous a donné six jours pour tra-[p. 43]vailler, il s’est<br />
réservé le septième ; on ne veut pas le lui accorder. 10C’est ça qui<br />
appesantit tant le bras de mon fils. “Ceux qui mènent les charrettes<br />
ne savent plus jurer sans y mettre le nom de mon fils. 12Ce sont<br />
les deux choses qui appesantissent tant le bras de mon fils.<br />
13Si la récolte se gâte, ce n’est que pour vous autres. 14Je vous<br />
l’avais fait voir l’année passée pour les pommes de terre, vous<br />
n ’en avez pas fait cas. 15C’est au contraire : quand vous en trouviez<br />
de gâtées, vous juriez et vous y mettiez le nom de mon fils.<br />
16Que celui qui a du grain ne le sème pas, parce que les bêtes<br />
le mangeront. “S’il en vient encore quelques plantes, en les<br />
piquant (19) elles tomberont toutes en poussière.<br />
18I1 viendra une grande famine ; avant que la [p. 44] famine<br />
arrive, les petits enfants au-dessous de sept ans mourront du<br />
tremble. 1819Les autres feront leur pénitence par la faim. 20Les raisins<br />
pourriront, les noix deviendront mauvaises.<br />
21Si on se convertit, le blé viendra sur la pierre et sur les<br />
rochers ; les pommes de terre se trouveront ensemencées à travers<br />
les terres.<br />
22Elle nous a demandé si nous faisions notre prière ; nous lui<br />
avons dit que non, pas guère. — 23Ah ! mon enfant, a-t-elle dit,<br />
il faut bien la faire soir et matin, et quand vous n ’aurez pas le<br />
temps, dites au moins un Pater et un Ave. 24Quand vous aurez le<br />
temps, il faut en dire davantage.<br />
25I1 ne va que quelques femmes un peu âgées à la messe ; les<br />
autres travaillent tout l’été les dimanches. Puis les dimanches (20),<br />
quand ils ne savent que [p. 45] faire, ils vont à la messe pour se<br />
moquer de la religion. 26On va à la boucherie comme des chiens.<br />
27Vous n ’avez point eu de blé de gâté, mes enfants ? — Non,<br />
Madame. — Mon petit, tu dois bien en avoir vu une fois, au<br />
Coin, avec ton père ; l’homme de la pièce dit à ton père : Venez<br />
voir le blé gâté. Ils vont le voir, et ton père en prit deux ou trois<br />
épis dans sa main, les frotta, et tout tomba en poussière ; 28en<br />
revenant tous deux, ton père te donna une pièce de pain en te<br />
(18) ROUSSELOT retenir)add. (le maintenir.)<br />
(19) Piquer, en parlant du blé, « veut dire battre ». (Explication donnée par Maximin<br />
à un missionnaire en septembre 1862 et rapportée par Bossan dans l'Apparition, n. 26.)<br />
(20) ROUSSELOT dimanches interl. (d'une autre main ?) en hiver<br />
56
20 mai 1847 Doc. 166<br />
disant : Tiens, mon petit, mange ce pain, je ne sais pas si tu en<br />
mangeras l’année qui vient. — 29Eh bien oui, Madame ; je ne<br />
m ’en souvenais pas, ai-je dit.<br />
30Eh bien, mes enfants, vous le ferez passer à tout mon<br />
peuple.<br />
“Elle a passé le ruisseau, et elle nous a dit : Eh bien ! mes<br />
enfants, vous le ferez passer à mon peuple.<br />
“ Ensuite elle a monté une quinzaine de pas (21), puis nous<br />
n ’avons plus vu la tête, plus vu les [p. 46] bras, plus vu les pieds ;<br />
la clarté a disparu.<br />
33D. Quand vous a-t-elle confié le secret ? — R. Elle nous a<br />
dit le secret quand elle a parlé de la famine (22). — 34D. Je conçois<br />
que tu ne veuilles pas dire ce secret à tout le monde, mais tu<br />
peux bien le dire à un prêtre qui le gardera comme toi ? — R. Si<br />
je le dis à qui que ce soit, je ne le garderai pas, et je ne peux pas<br />
le dire. — D.Ce secret te regarde-t-il personnellement, ou regardet-il<br />
tout ce que la dame appelle son peuple ? — R. Si je vous dis<br />
qu’il ne regarde que moi, vous en tirerez des conclusions qui<br />
peuvent être fausses ; si je vous dis qu’il regarde le peuple, ce<br />
sera la même chose, et vous pourriez connaître mon secret. — D. Et<br />
quand diras-tu ton secret ? — R. Quand la personne qui me l’a<br />
confié viendra me dire de le révéler. — D. Et si elle ne vient pas,<br />
tu ne le diras donc jamais ? — R. Jamais je ne le dirai... Cependant<br />
au [p. 47] jugement dernier vous le saurez, alors tout sera connu.<br />
— D. Et s’il fallait dire ton secret ou mourir ? — R. (Avec fermeté)<br />
Je mourirai.... je ne le dirai pas.<br />
Là s’est terminé notre entretien ; j’en savais assez, je ne<br />
pouvais rien obtenir de la constance et de la fermeté de cet enfant.<br />
Jeudi 20 mai 1847<br />
166. RAPPORT PRÉPARÉ AU MINISTÈRE DE LA JUSTICE À<br />
L’INTENTION DU GARDE DES SCEAUX HÉBERT<br />
Original (3 p. calligraphiées, non signées) : PAN BB18 1452 (3821). Le même<br />
dossier contient la minute du rapport, approuvée le 19 mai, ainsi que la note<br />
suivante : « Se conformer à la note de M. le G. des Sc. 22 mai » (la signature est<br />
illisible).<br />
Ci-dessous, on a reproduit en italiques les passages calligraphiés en ronde. 212<br />
(21) ROUSSELOT N ote marginale : (en ligne droite, il n ’y a pas davantage ; mais il y<br />
en a bien 25 ou 30 en suivant le sentier parcouru par la Dam e.)<br />
(22) ROUSSELOT termine son « Récit de Maximin » ici.<br />
57
Doc. 166<br />
<strong>Documents</strong><br />
Note pour Monsieur le Garde des Sceaux<br />
Paris, le 20 Mai 1841<br />
M' le Procureur Général d ’Angers (1) signale les dangers de<br />
la publication d ’une gravure représentant l'apparition de la Vierge<br />
à deux Enfans, et d’un texte, imprimé soit à la suite de la gravure,<br />
soit séparément, contenant les détails de cette prétendue apparition,<br />
et la prédiction d’une grande famine. Il annonce que des poursuites<br />
vont être dirigées dans son ressort contre les Éditeurs de la gravure<br />
et du texte imprimé qui n ’auraient pas reçu les autorisations<br />
nécessaires, ou n ’auraient pas accompli les formalités de la<br />
déclaration ou du dépôt.<br />
Quant aux poursuites sur le fond même de l’écrit, le Procureur<br />
Général consulte Monsieur le Garde des Sceaux. Un passage est<br />
surtout signalé, c’est celui qui est relatif à l’annonce d ’une grande<br />
famine et d’une maladie mortelle sur les enfans, et à l’avis donné<br />
aux laboureurs de ne pas semer de blé parce que les insectes le<br />
dévoreront et que les grains qui leur échapperont tomberont en<br />
poussière entre les mains de celui qui froissera l ’épi.<br />
De semblables passages sont de nature à produire et ont déjà<br />
produit en effet de funestes impressions (2) sur des populations<br />
ignorantes ; ils pourraient même dans un tenu de disette compromettre<br />
la tranquillité publique ; mais on ne trouve ni [p. 2] dans<br />
le code pénal, ni dans les lois de la presse, ni dans les lois sur les<br />
céréales aucune qualification pénale qui leur soit applicable. Il n ’y<br />
a là, en effet, ni provocation à la désobéissance aux lois, ni<br />
tentative de trouble à la paix publique en excitant le mépris ou la<br />
haine des citoyens contre une ou plusieurs classes de personnes &a.<br />
Ainsi donc en droit, j’ajouterai en fa it, à raison de la difficulté de<br />
constater les véritables intentions des Éditeurs, la poursuite de<br />
l’écrit me paraît manquer de base certaine.<br />
Une note du Censeur de Lyon (3), reproduite par la Gazette<br />
des Tribunaux, annonce qu’à Lille la police sur Commission<br />
rogatoire du Procureur du Roi de Paris, a opéré le 7 mai la saisie<br />
de l’Estampe dont il s’agit. « Les griefs qui ont motivé cette saisie,<br />
ajoute la note, sont le défaut de déclaration et de dépôt à la<br />
direction de la librairie, l’absence du nom de l’/mprimeur ; enfin 1<br />
(1) Doc 161 : lettre du 15 mai 1847 au Garde des Sceaux, signée « p. le Procureur<br />
Général empêc[hé] le premier avocat général DUBOYS ».<br />
(2) Dans ia lettre citée (doc. 161), on lit : < je ne puis dissimuler que de pareilles<br />
relations sont de nature à faire impression sur la classe religieuse et peu éclairée des<br />
habitants de ce pays, et que si elles échappent à la loi pénale, elles n ’en sont pas moins<br />
dangereuses... » — La présente Note au Garde des Sceaux renchérit : le « de nature à faire<br />
impression » y a été remplacé par « ont déjà produit en effet de funestes impressions ».<br />
(3) Doc. 158 : Censeur du 14 mai 1847, p. 3b.<br />
58
22 mai 1847 Doc. 169<br />
cette publication exciterait dans le peuple des craintes chimériques<br />
de nature à troubler la tranquillité publique. »<br />
Je pense qu’il y a lieu de demander des renseignemens sur<br />
ces poursuites à Mr le Procureur Général de Paris avant de répondre<br />
à celui d’Angers.<br />
Je proposerais en même tenu de saisir de cette affaire, si elle<br />
ne l’est déjà, la Direction des Cultes. La .Brochure imprimée à<br />
Angers (4) se termine par l’avis que les Evêques de Grenoble,<br />
d ’Auch et de Gap (5) se sont saisis de ce prodige et en ont [p. 3]<br />
inform é la cour de Rome, que la publicité s'en accroît, malgré le<br />
soin que l'on prend pour la restreindre.<br />
Il serait très important de demander sur ce fait des explications<br />
aux trois Prélats et de les inviter à désavouer une publication qui<br />
nuit aux véritables intérêts de la religion. Ce serait le moyen le<br />
plus efficace d ’en paralyser les dangereux effets.<br />
Apostille dans la marge de la première page : Le Garde des<br />
Sceaux qui a pris connaissance de cette note, est d’avis de prendre<br />
les informations et de faire les communications [?] qu’elle indique<br />
Samedi 22 mai 1847<br />
169- RELATION LONG : procès-verbal de l’interrogatoire de<br />
Mélanie et de Maximin par le notaire F. Long, juge de paix<br />
suppléant à Corps<br />
Original perdu. Copie (un cahier de 16 pages 21 cm x 13,5 contenant<br />
également le doc. 170) : EG 105. — Rousselot a édité cette relation dans les<br />
Nouveaux documents, p. 57-61, livre publié en 1850. A l’époque (1848) où il<br />
préparait l’impression de son Rapport à l’évêque, il n’avait pu se procurer cette<br />
« pièce importante, déposée au parquet de la Cour d’appel de Grenoble »<br />
{Nouveaux documents, p. 54), pièce dont il connaissait pourtant déjà l’existence.<br />
L’évêché avait eu vent de l’interrogatoire du 22 mai, vers le début de juin au<br />
plus tard (cf. doc. 182 et 193).<br />
Frédéric-Joseph Long, notaire à Corps, maire de 1843 à 1848, puis de 1854<br />
à 1861, interrogea les enfants en qualité de suppléant du juge de paix, en vertu<br />
d’un mandat du parquet de Grenoble, daté du 19 mai.<br />
(4) Apparition de la sainte Vierge à deux enfants, sur une montagne de la Salette...<br />
Angers, Veuve Pignet-Chateau, sans date, 8 p. 13 cm. — Un exemplaire de cet opuscule<br />
se trouve aux Archives nationales dans le même dossier que la présente Note pour le Garde<br />
des Sceaux.<br />
(5) L’archevêque d ’Auch, Mgr N.-A. de La Croix d ’Azolette, 1779-1861, ancien<br />
évêque de Gap (de 1837 à 1840), était un ami personnel de Mgr Depéry. Ils avaient été<br />
ensemble vicaires généraux de Mgr Devie, évêque de Belley. Le chanoine J.-C. Blanchard,<br />
professeur au grand séminaire de Gap, se souviendra plus tard de les avoir rencontrés à<br />
l’évêché de Gap vers le 15 octobre 1846, alors qu’il venait de rentrer d ’un voyage à<br />
Draguignan : « je ne fus pas médiocrement surpris d’entendre ces deux vénérables prélats<br />
me déclarer qu’ils croyaient à la réalité de l’apparition de la s" Vierge sur la montagne de<br />
la Salette comme à un fait incontestable » (lettre du 16 juillet 1857, original : EG 93 ; cf.<br />
GlRAY I, p. 110).<br />
59
Doc. 169<br />
<strong>Documents</strong><br />
L'interrogatoire. Les enfants furent entendus séparément, dans le salon du<br />
notaire Long. Le greffier Giraud, personnage que nous avons déjà rencontré fin<br />
novembre (doc. 35), écrivait au fur et à mesure qu’ils s’exprimaient. Puis<br />
Long réunit les enfants. Arriva alors un certain M. Michoudet, directeur de<br />
l’Enregistrement ; on continua à les interroger en sa présence. Maximin et Mélanie<br />
furent retenus assez longtemps : trois heures d’après un témoignage rapporté par<br />
l’abbé Arbaud, de midi à six heures d’après l’abbé Morel, ce qui paraît vraiment<br />
exagéré (*). On chercha à intimider les enfants par des menaces. — Rappelons<br />
que la présente relation n’a rien de commun avec celle attribuée au notaire de<br />
Corps par Cartellier et Déléon (doc. 14 bis, dans LS DA I, p. 95-96).<br />
Ci-dessous nous donnerons le texte de la copie EG 105. Le<br />
texte imprimé n ’en diffère que par la ponctuation et un mot que<br />
nous signalerons en note.<br />
Du 22 mai 1847.<br />
Le juge de paix de Corps, assisté du greffier, a reçu la déclaration<br />
suivante.<br />
Mélanie Mathieu, âgée de quatorze ans, née à Corps, déclare :<br />
'En mil-huit cent quarante-six, j’étais bergère du sieur Pra,<br />
dit Canon, propriétaire, domicilié aux Ablandins, commune de la<br />
Salette-Fallavaux, un samedi du mois de septembre dernier, je<br />
gardais avec Maximin Giraud, berger de Selme, dudit lieu des<br />
Ablandins, sur la montagne du hameau de Dorsières, appelé<br />
Dessous-les-Baisses. Nous abreuvâmes nos vaches dans un petit<br />
ruisseau, ensuite elles s’écartèrent ; nous goûtâmes auprès du<br />
ruisseau et nous nous endormîmes. 2Je me réveillai la première et<br />
n ’apercevant pas nos vaches couchées, je réveillai mon compagnon,<br />
je me dirigeai la première sur le coteau, Maximin me suivit là<br />
nous aperçûmes nos vaches couchées, nous redescendîmes au lieu<br />
où nous avions goûté, il faisait soleil, j’étais encore la première,<br />
3c’était alors deux ou trois heures après midi, lorsque j’aperçus<br />
moi-même une clarté à deux ou trois pas du lieu où nous avions<br />
dormi ; je dis à Maximin : vois une clarté ; il me demanda où<br />
elle était, je la lui indiquai avec le doigt, et il la vit comme moi,<br />
nous en étions distants de sept à huit pas, en la fixant nous<br />
aperçûmes peu à peu qu’il y avait [p. 2] une dame dans cette<br />
clarté ; assise sur une pierre plate supportée par d ’autres, son corps<br />
était penché en avant, ses coudes reposaient sur ses genoux et sa<br />
tête était appuyée sur ses deux mains, elle était tournée vers nous,<br />
4pendant que nous continuions de la fixer, la dame se leva, fit<br />
quelques pas pour venir à nous et nous dit :<br />
(*) Doc. 400 et 182. Sur cet interrogatoire, cf. également le doc. 170 ; la lettre de<br />
Melin à Rousselot, 12 mars 1850 (EG 93 ; dans les Nouveaux documents, p. 62-64) ; la<br />
lettre de Long à Bossan, 14 mars 1863 (MSG ; dans A p T l, p. 72 [corriger la date indiquée<br />
dans A pT : 1863 et non 1862]).<br />
60
22 mai 1847 Doc. 169<br />
5« Avancez, mes enfants, n 'ayez pas peur, je suis ici pour<br />
vous conter une grande nouvelle, 6nous avançâmes et nous nous<br />
rencontrâmes au lieu où nous avions dormi, et là elle nous dit :<br />
7« Si. mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de<br />
laisser aller la main de mon Fils, 8elle est si forte, si pesante, que<br />
je ne puis plus la maintenir. 9Depuis le temps que je souffre pour<br />
vous autres, 10si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je<br />
suis chargée de le prier sans cesse ; 11que pour vous autres vous en<br />
faites pas cas. I2Vous aurez beau prier, beau faire, que jamais vous<br />
ne pourrez récompenser la peine que j’ai prise pour vous autres.<br />
13Je vous ai donné six jours pour travailler, je me suis réservé le<br />
septième ; on ne veut pas me l’accorder ; c’est ce qui appesantit<br />
tant la main de mon Fils, l4aussi, ceux qui mènent les charrettes<br />
ne savent pas jurer sans y mettre le nom de mon Fils au milieu ;<br />
15c’est les deux choses qui [p. 3] appesantissent tant la main de<br />
mon Fils, 16si la récolte se gâte, ce n’est rien que pour vous autres.<br />
17Je vous l’ai fait voir l’année passée par les pommes de terre, vous<br />
n’en avez pas fait cas ; c’était au contraire quand vous trouviez les<br />
pommes de terre gâtées vous juriez et vous mettiez le nom de<br />
mon Fils au milieu, elles vont continuer cette année et à la Noël<br />
il y en aura plus. » 18Ne comprenant pas ce qu’elle voulait dire<br />
par Pommes de terre j’étais sur le point de le demander à Maximin<br />
quand la dame dit : « Vous ne comprenez pas mes enfants, je vais<br />
vous le dire autrement » et parlant le patois de Corps, elle nous<br />
dit :<br />
19« Si les truffes se gâtent, ce n’est rien que pour vous autres.<br />
Je vous l’ai fait voir l’an passé, vous n ’en avez pas fait cas. 20C’était<br />
au contraire quand vous trouviez des truffes gâtées, vous juriez et<br />
vous y mettiez le nom de mon Fils au milieu ; 21elles vont<br />
continuer ; que cette année, à la Noël, il n ’y en aura plus. 22Si<br />
vous avez du blé il ne faut pas le semer ; tout ce que vous sèmerez,<br />
les bêtes le mangeront, 23ce qui viendra tombera tout en poussière<br />
quand on le battra. — 24Viendra une grande famine, — 25avant<br />
que la famine vienne les enfants au-dessous de sept ans prendront<br />
un tremble et mourront entre les mains des personnes qui les<br />
tiendront, 26les autres feront leur pénitence de famine ; 27les noix<br />
deviendront boffes (vermoulues) et les raisins pourriront, [p. 4]<br />
28S’ils se convertissent les pierres et les rochers seront des monceaux<br />
de bled, les truffes seront ensemencées par les terres.<br />
29« Faites-vous bien votre prière, mes enfants ? — Pas guère,<br />
Madame. — 30Faut bien la faire mes enfants quand vous ne diriez<br />
qu’un pater et un ave Maria soir et matin quand vous ne pourrez<br />
pas mieux faire ; quand vous pourrez mieux faire il faut en dire<br />
davantage. — 31I1 ne va que quelques femmes un peu d ’âge à la<br />
messe, les autres travaillent tout l’été le dimanche ; 321’hiver quand<br />
ils ne savent que faire, ils ne vont à la messe que pour se moquer<br />
61
Doc. 169<br />
<strong>Documents</strong><br />
de la religion ; î8le Carême ils vont à la boucherie comme les<br />
chiens.<br />
34« N ’avez-vous pas vu du bled gâté, mes enfants ? — Non,<br />
madame. — 35Vous en devez bien avoir vu, vous mon petit une<br />
fois au Coin, avec votre père, que le maître de la terre dit à votre<br />
père d ’aller voir son bled gâté ; vous y allâtes tous deux ; vous<br />
prîtes deux ou trois épis dans vos mains, vous les frorâtes et tout<br />
tomba en poussière, vous vous en retournâtes. — 36Quand vous<br />
étiez encore à demi-heure de Corps, votre père vous donna un<br />
peu de pain, et vous dit : tiens, mon petit, mange encore du pain<br />
cette année, je ne sais pas qui va en manger l’année prochaine si<br />
le bled continue comme cela.<br />
37« Maximin répondit : oh ! oui madame [p. 5] je m ’en<br />
ressouviens à présent ; tout à l’heure je ne m ’en rappelais pas. —<br />
38Eh bien ! vous le ferez passer à tout mon peuple. » 39Ayant<br />
repassé la combe, la dame redit encore : « Oh ! bien mes enfants,<br />
vous le ferez passer à tout mon peuple. » 40Vers le milieu de cette<br />
conversation la dame me dit un secret que je ne puis pas révéler.<br />
Pressée de le déclarer, elle a persisté dans son refus.<br />
4lLa déclarante ajoute que la dame monta sur le coteau où ils<br />
la suivirent : que là elle s’éleva à environ un mètre, et là, elle<br />
disparut insensiblement en commençant par la tête, il ne resta<br />
plus qu’une clarté qui disparut aussi. 42La dame avait des souliers<br />
blancs entourés de roses de toutes couleurs, garnis d ’une boucle<br />
jaune brillante, ses bas étaient jaunes, un fichu blanc croisé devant<br />
et attaché derrière par les deux bouts, une grande coiffe élevée<br />
blanche, entourée d ’une couronne de roses de toutes couleurs,<br />
43elle avait une petite chaîne au cou au bout de laquelle était<br />
suspendue une croix à Christ jaune, aux extrémités latérales de<br />
cette croix, il y avait d ’un côté un marteau et de l’autre une<br />
tenaille ; elle avait une autre grande chaîne sur les épaules, toutes<br />
deux étaient brillantes. 44En marchant, elle ne faisait pas fléchir<br />
l’herbe.<br />
45Sur les questions à elle faites, la déclarante répond qu’elle<br />
n’a parlé à personne [p. 6] sur la montagne, que rentrée chez son<br />
maître, elle a rentré ses vaches, que pendant qu’elle était après les<br />
traire en présence de sa maîtresse, Maximin est survenu et a raconté<br />
ce qui s’était passé, et ma maîtresse m ’ayant dit si c’était vrai, je<br />
lui confirmai. — Le lendemain sur l’invitation de nos maîtres,<br />
nous fumes la racconter au Curé qui desservait alors la Salette,<br />
qui se mit à pleurer.<br />
Maximin Giraud, n é à Corps, âgé de 11 ans, déclare :<br />
Qu’il n ’était pas précisément en service, qu’il était seulement<br />
al 1er passer huit jours chez Pierre Selme père des Ablandens pour<br />
garder ses vaches.<br />
62
23 mai 1847 Doc. 170<br />
Que le lendemain de l’Apparition il est rentré chez son<br />
père ; sa huitaine était expirée. C’était un dimanche. Après ces<br />
déclarations, Maximin Giraud répète textuellement le récit de<br />
Mélanie (Calvas.) (1)<br />
R e m a r q u e s .<br />
Les deux enfants ont été entendus séparément.<br />
On à expliqué à chacun qu’étant devant la justice il fallait<br />
dire toute [p. 7] la vérité, mais rien que la vérité.<br />
Répondant qu’ils l’ont toujours dite, leur déclaration est<br />
débitée comme on réciterait une leçon ; mais cela n’est pas<br />
étonnant ; ils récitent si souvent et à tant de personnes qu’ils ont<br />
contracté l’habitude du récit.<br />
23 mai 1847, dimanche de la Pentecôte<br />
ÉVÉNEMENT. Le greffier Giraud fait part au curé de Corps que l’on soupçonne<br />
l’abbé R., son voisin d’Ambel, d’être l’inventeur de l’apparition. Mélin répond<br />
que l’abbé R. n’y est certainement pour rien. Il expliquera plus tard que * M.<br />
l'abbé R., craignant de croire trop facilement, ou de ne pas croire assez, s'étoit<br />
tenu, jusque-là, dans une neutralité complette, par respect pour une vérité qu 'on<br />
n'est pas obligé de croire, ne fût-elle que probable » (*).<br />
170. LETTRE DU NOTAIRE F. LONG, juge de paix suppléant à<br />
Corps, au parquet de Grenoble<br />
Original perdu. — Copie de la main du chanoine Rousselot (dans un cahier<br />
contenant également le doc. 169) : EG 105. Rousselot a édité la lettre dans les<br />
Nouveaux documents, p. 56.<br />
Ci-dessous nous donnons le texte de la copie EG 105.<br />
Corps, le 23 mai 1847.<br />
Monsieur le Procureur du Roi,<br />
J ’ai l’honneur de vous adresser la déclaration faite des deux<br />
enfants qui ont annoncé l’apparition d ’une Dame à eux inconnue<br />
dans un quartier de montagne de la Salette-Fallavaux, en septembre<br />
dernier. Ce récit ne diffère pour ainsi dire pas avec ce qu’ils ont<br />
raconté à leurs maîtres en rentrant le soir du jour même de<br />
l’apparition. S ’il y a quelque différence, c’est dans les mots, mais<br />
(1) Rousselot qui, dans les Nouveaux documents, p. 61, a remplacé ce dernier nom<br />
par « Mathieu », ajoute en note l’explication suivante : « Dans l’original on lit Calvas, qui<br />
n’est qu’un surnom ajouté à Mathieu. »<br />
(*) Lettre de Mélin à Rousselot, 12 mars 1850 (EG 93 ; dans Nouveaux documents,<br />
p. 64). Mélin donne seulement l’initiale du nom. L’ordo diocésain indique comme<br />
desservant d'Ambel, en 1847, l’abbé Claude Rey (1794-1863), ancien curé-archiprêtre de<br />
Goncelin, éloigné de ce poste à la fin de 1841.<br />
63
Document 204 bis : Vue du village et des montagnes de la Salette, par Jules Guedy<br />
Au centre on aperçoit l'ancienne église paroissiale.
24 mai 1847 Doc. 172<br />
le fo n d est le même ; c’est du moins ce que Pierre Selme (1) m ’a<br />
raconté.<br />
* Agréez...<br />
i. ’ F. LONG, suppléant.<br />
' 24 mai 1847, lundi de la Pentecôte<br />
Événem ent. La Salette voit venir de très nombreux pèlerins (*).<br />
172. PORTRAITS DE MAXIMIN ET DE MÉLANIE PAR JULES<br />
GUÉDY<br />
Planches lithographiées dans Bez, entre les p. 30-31 et 40-41 ; dans l’édition<br />
de 150 pages, entre les p. 24-25 et 52-53-<br />
Le peintre grenoblois Jules Guédy (1805-1876) vint faire le portrait<br />
des deux enfants sur la demande de Bez. Il monta à la Salette en leur<br />
compagnie le 24 mai, puis une deuxième fois le 21 juillet suivant, « afin<br />
de compléter l’étude topographique qu’il avait déjà faite de ce lieu »<br />
(VlLLECOURT, p. 92). On le trouve de nouveau à Corps huit semaines<br />
plus tard, pour l’anniversaire de l’apparition.<br />
De son premier pèlerinage, il avait ramené un caillou qui, à son<br />
avis, présentait un aspect extraordinaire, à l’exemple de la fameuse pierre<br />
sur-laquelle des officiers de passage à Corps en octobre 1846 avaient cm<br />
distinguer la face du Christ (cf. doc. 10 bis). Il en tira une lithographie<br />
(doc. 195 bis) dont la vente attira les soupçons de la police lyonnaise.<br />
Après enquête, le parquet conclut qu’il n’y avait pas lieu d’engager des<br />
poursuites. L’avocat général près de la cour royale de Grenoble, Bigillion,<br />
le présente dans une lettre adressée au procureur général de Lyon comme<br />
un artiste des plus médiocres, à l’imagination exaltée, mais excellent père<br />
de famille et très généreux, malgré sa pauvreté (**).<br />
(1) Paysan des Ablandens, chez lequel Maximin était placé comme berger du 14 au<br />
20 septembre 1846.<br />
(*) Doc. 185. — Cf. J. CHOCHEYRAS, Le théâtre religieux en Dauphiné du moyenâge<br />
au XVIII' siècle, Genève, Droz, 1975, p. 146 : en Dauphiné, comme en Savoie, « la<br />
belle saison dont la Pentecôte donne en quelque sorte le signal, est l’époque où les<br />
communautés peuvent de nouveau se réunir en plein air, avant d ’être dispersées par le<br />
départ pour l’alpage ou absorbées par les travaux des champs ».<br />
(**) Lettre du 6 novembre 1847 ; copie dans PAN B18 1454 (4161) ; cf. aussi BEZ,<br />
p. vii, ix-x ; doc. 183 ; ARBAUD, p. 36-40 ; PAN BB18 1452 (3821). — Jules Guédy (1805-<br />
1876) a exposé en 1832 à la Société des Amis des Arts de Grenoble. Il a peint le pont en<br />
bois de Grenoble, le château de Sassenage, une vue du Pont-de-Claix, une vue d ’Allevard.<br />
Sur la Salette, on connaît de lui, outre les lithographies signalées supra, deux dessins<br />
lithographiés (doc. 204 bis), déclarés l’un et l’autre au dépôt légal le 30 juin 1847 (tirage :<br />
50 exemplaires) puis de nouveau le 12 août suivant (tirage : 200 exemplaires) : Vue du<br />
plateau de la Salette et portrait des deux bergers, impr. lith. Pégeron (dimensions extér.<br />
50 cm x 37,5 ; intér. 48,2 cm x 32,8) et Vue du village et des montagnes de la Salette<br />
près Corps (Isère), ibidem (dimensions extér. 51 cm x 38,5 ; intér. 47,9 cm x 32,5) :<br />
PBN Estampes, VA 407 (1166 et 1168). Egalement : Pèlerinage de N.D. de la Salette,<br />
peint par Guédy, Jules Gaildrau lith., Paris, Lith.G.Paulon, 1857 (dimensions : 64 cm x<br />
45,8). (Renseignements aimablement fournis par Mr V. Bettega, professeur à la Mure ; cf.<br />
aussi Les Alpes illustrées, année 1896, p. 61).<br />
65
Doc. 172<br />
<strong>Documents</strong><br />
Les portraits lithographiés. On a reproduit à la p. 52 les lithographies<br />
de l’édition de 150 pages. Celles de l’édition de 214 pages ont été<br />
reproduites sur la couverture de LSD A l.<br />
* 174. RÉPONSE DE MAXIMIN à une question de Mr V.<br />
Copie dans la lettre de Houzelot au chanoine Rousselot, 3 janvier 1850,<br />
p. 6 : EG 136.<br />
AP V. pourrait être Verrier, l’un des responsables, avec Houzelot, du voyage<br />
de Maximin à Ars, en septembre 1850. Ancien négociant à Caen venu habiter<br />
Versailles, Verrier crut pendant longtemps à la mission du pseudo-baron de<br />
Richemont. Il milita en ce sens et aurait perdu dans l’aventure plus de cent<br />
mille francs (lettre de Verrier à Girard, 2 octobre 1858 : EG 30 ; cf. aussi<br />
BASSETTE, p. 184).<br />
Date. V. a transmis la réponse de Maximin avant le 25 mai 1847.<br />
Ci-dessous nous donnons le texte de 1847, précédé de l’introduction ajoutée<br />
par Houzelot dans sa lettre du 3 janvier 1850 à Rousselot.<br />
Je profite de cette circonstance Monsieur l’abbé pour vous<br />
communiquer une réponse de Maximin à une demande assez<br />
sérieuse, je puis en garantir l’authenticité, connaissant particulièrement<br />
les personnes comme étant très dignes de foi.<br />
Au 25 mai 1847. Je reçus des nouvelles de Mr V. qui en<br />
allant en Savoie aux £ains S' Gervais devait passer par Corps.<br />
Mr D. négociant à Paris l’avait prié d ’adresser au petit berger la<br />
demande suivante D. En présence de l’oubli de la loi de Dieu par<br />
le \b iffé : plus] grand nombre des hommes de notre époque que<br />
doivent faire les chrétiens fidèles pour ap/»aiser la justice de Dieu<br />
et obtenir grâce pour les pécheurs ? R. Ils n ’ont rien à faire autre<br />
chose que de prier, et dans le ciel ils auront leur récompense, et<br />
ceux qui ne se convertiront pas auront l’enfer pour partage.<br />
Samedi 29 (ou/et dimanche 30) mai 1847<br />
175. RELATION LAMBERT<br />
Extrait de la main de l’auteur, envoyé en décembre 1847 au chanoine<br />
Rousselot (4 p. 28 cm x 19) : EGD 49.<br />
L 'abbé Pierre Lambert, né à Beaucaire le 22 octobre 1802, ordonné prêtre le<br />
18 décembre 1830, était alors curé à Goudargues au diocèse de Nîmes. Son<br />
évêque, Mgr Cart, écrira à son propos qu’il ne lui a jamais causé « d’autre chagrin<br />
que celui d’avoir altéré sa santé par trop de travail » (lettre à Mgr de Bruillard,<br />
13 août 1847, doc. 234). Il mourut le 12 janvier 1884 (BASSETTE, p. 75).<br />
Son enquête. L’abbé Lambert vint à Corps « en mai 1847, et là, pendant six<br />
jours consécutifs, il interrogea les deux enfants en présence d’un grand nombre<br />
de témoins, dont plusieurs ecclésiastiques de Grenoble, et tint un journal exact<br />
de chaque séance » (Vérité, p. 63). Nous connaissons les noms de deux de ces<br />
66
29 (ou/et 30) mai 1847 Doc. 175<br />
témoins : l’abbé Auvergne, pro-secrétaire à l’évêché de Grenoble, et le chanoine<br />
Michon (1).<br />
La relation. Les deux enquêteurs nommés en juillet par l’évêque de Grenoble,<br />
Rousselot et Orcel, visitèrent le diocèse de Nîmes au début d’août, rencontrèrent<br />
l’abbé Lambert et prirent connaissance d!un manuscrit intitulé Six jours à Corps,<br />
dans lequel l’abbé Lambert se proposait de « relever toutes les absurdités que la<br />
spéculation avait publiées. sur une matière aussi délicate » (2). Us trouvèrent ce<br />
récit supérieur à tou? les autres qui avaient paru à cette date, y compris celui de<br />
Bez, qui venait de sortir des presses. — Le travail de Lambert n’a jamais été<br />
publié et nous est inconnu, à l’exception de l’extrait envoyé par l’auteur à<br />
Grenoble en décembre 1847 (cf. doc. 378). Reproduit à peu près intégralement<br />
dans l'édition imprimée du Rapport de Rousselot à l’évêque de Grenoble, il<br />
forme l’essentiel de ce qu’on peut appeler la « vulgate salettine », à savoir<br />
l’histoire de l’apparition, telle qu’elle s’est imposée depuis la publication de ce<br />
dernier livre (3).<br />
Date. Les récits furent écrits sous la dictée des enfants le 29 mai, selon la<br />
relation elle-même ; le dimanche 30 mai, selon le chanoine Michon (doc. 238).<br />
N ote critique. Mieux exercé à la transcription du patois que Lagier, le prêtre<br />
venu du diocèse de Nîmes entend toutefois le parler des enfants avec une oreille<br />
de provençal et non de « corpatu » (4). On se souviendra d’autre part que sa<br />
relation, telle que nous la possédons, n’est pas un manuscrit pris directement<br />
sous la dictée des enfants, mais un relevé qui a subi une certaine élaboration<br />
littéraire pour aboutir, à partir de questions et de réponses, à un récit continu.<br />
C’est du moins ce que suggère la comparaison entre le manuscrit de Lambert et<br />
une copie qu’en fit l’abbé Auvergne (5). Ce dernier, qui avait assisté à une<br />
partie au moins de l’enquête menée par Lambert, rejette à la fin des renseignements<br />
sur l’heure de l’apparition et sur la place des secrets, que Lambert avait insérés<br />
dans la trame de son récit :<br />
« D. Dis-moi, Maximin, quand est-ce que la Dame t'a don né ton secret ?<br />
« R. Après qu 'elle a d it : les raisins pourriront, et les noix deviendront<br />
mauvaises. Alors la Dame m 'a d it quelque chose en français, en me disant : tu<br />
ne diras pas ça, ni ça, ni ça... Puis elle a gardé aussi un m om ent le silence ; il<br />
me sem bloit qu 'elle parloit à Mélanie [...].<br />
« D. Quelle heure étoit-il quand vous vous êtes réveillé, et que vous avez vu<br />
cette Dame ? 12345<br />
(1) Cf. doc. 238. — Sur les personnes présentes à Corps fin mai 1847, voir le doc.<br />
178.<br />
(2) Doc. 378 : lettre Lambert du 17 décembre 1847.<br />
(3) Sur la vulgate salettine et sur sa genèse, voir l’introduction au doc. 447.<br />
(4) « Le provençal de Lambert ne marque pas [...] de différence entre l’orthographe<br />
du singulier et du pluriel de certains mots, où la nuance réside uniquement dans le ton »<br />
(P. Andrieux). L’édition qu’en a donnée Rousselot dans la Vérité, p. 66-68, comporte des<br />
s qui ne figurent pas dans le manuscrit : ainsi le premier « moun mari » (mes petits) du<br />
v. 19 est devenu dans le livre « mous maris » (cf. aussi LSDA I, p. 280).<br />
(5) Doc. 430 : Récit de Maximin, de la main d ’Auvergne (10 pages 22 cm x 17,<br />
EGD 40). Ce manuscrit, qui a servi à préparer l’édition du « Récit de Maximin » paru<br />
dans la Vérité, contient la partie française du récit de Maximin par Lambert, v. 1-25, et<br />
deux questions/réponses (aux p. 9 et 10 ; textes en partie biffés), dont on trouve l’équivalent<br />
chez Lagier (doc. 99, v. 9 et 12) et que le « Récit de Maximin » de la Vérité omet.<br />
67
Doc. 175<br />
<strong>Documents</strong><br />
« R. C’étoit par là deux ou trois heures (6). »<br />
Notre édition. Le manuscrit de Lambert présente les récits sur deux colonnes :<br />
à gauche le récit de Maximin, à droite les variantes du récit de Mélanie. Nous<br />
avons respecté cette disposition. Les appels de note, mis par Lambert généralement<br />
au-dessus des lignes, seront insérés dans le texte. Pour les guillemets, nous suivons<br />
l’usage actuel.<br />
Une traduction du patois de Maximin a été ajoutée au bas des pages.<br />
L’équivalent français du patois de Mélanie figure entre crochets [] à la suite des<br />
variantes.<br />
'Récit de Maximin Giraud écrit,<br />
mot-à-mot [sic] sous sa dictée, en<br />
présence de six témoins, 29 mai 1847<br />
de 9 h" du matin à midi.<br />
2C’était un samedi, environ vers<br />
deux ou trois heures : après avoir fait<br />
boire nos vaches au ruisseau qui est<br />
sur la montagne, nous avons laissé<br />
aller nos vaches dans le pré, et nous<br />
nous sommes endormis à côté du<br />
ruisseau, tout près d’une petite fontaine<br />
tarie. Puis Mélanie s’est réveillée<br />
la première, et m’a éveillé pour aller<br />
chercher nos vaches qui avaient disparu.<br />
Nous sommes allés voir nos<br />
vaches, et les avons vues, couchées de<br />
l’autre côté. 'Puis, en descendant,<br />
Mélanie, a vu la première une grande<br />
clarté ; et elle me dit : — « Maximin,<br />
viens voir cette clarté ! » 4Je suis allé<br />
vers Mélanie ; puis nous avons vu<br />
disparaître la clarté, et nous avons vu,<br />
dedans, une Dame assise vers la petite<br />
fontaine, la tête dans ses mains ; et<br />
nous avons eu peur ! 5Et Mélanie a<br />
laissé tomber son bâton ; et je lui ai<br />
dit : — « Garde ton bâton ! s’il nous<br />
fait quelque chose, je lui donne un<br />
coup de bâton ! » 6Et la Dame s’est<br />
levée, a croisé ses bras, et nous a dit :<br />
« Avancez, mes enfants, n’ayez pas<br />
'Récit de Mélanie Mathieu Calvat,<br />
écrit mot-à-mot sous sa dictée en<br />
présence de 6 personnes le 29 mai<br />
1847 - de 4 h" du soir à 6 h" 1/2.<br />
2Nous nous étions endormis tous<br />
deux, tout près du ruisseau, où nous<br />
avions fait boire nos vaches, à côté<br />
de la fontaine sans eaux, à quatre ou<br />
cinq pas environ. 'Puis je me suis<br />
réveillée, et je n’ai pas vu mes vaches !<br />
— « Maximin, j’ai dit, viens vite que<br />
nous allions voir nos vaches ! » —<br />
C’était à peu près trois heures. 4J’ai<br />
passé le ruisseau, j’ai monté vis-à-vis<br />
nous, Maximin m’a suivie, et nous<br />
avons vu de l’autre côté nos vaches<br />
couchées. Je suis descendue la première,<br />
et lorsque j'étais à cinq ou six<br />
pas avant d’arriver au ruisseau ; j’ai<br />
vu une grande clarté, et j’ai dit à<br />
Maximin : —« Viens vite voir une<br />
clarté là-bas ! » Et Maximin est<br />
descendu en me disant : « Où elle<br />
est ?» Je lui ai montré avec le doigt<br />
vers la petite fontaine, et il s’est arrêté<br />
quand il l’a vue. Alors nous avons vu<br />
une Dame dans la clarté ! Nous avons<br />
eu peur. 5J’ai laissé tomber mon<br />
bâton. Alors Maximin m’a dit :<br />
— « Garde ton bâton ! S’il nous fait<br />
quelque chose je lui jette un coup de<br />
(6) Doc. 430, p. 9 et 10. A comparer avec le début du v. 2 et le v. 14 de Lambert.<br />
La Vérité, p. 69, reproduit ces deux questions/réponses textuellement, à l’exception du<br />
mot « Puis » (fin de la première réponse), qu’elle omet.<br />
68
29 (ou/et 30) mai 1847 Doc. 175<br />
MAXIMIN<br />
peur ! Je suis ici pour vous conter<br />
une grande nouvelle ! »<br />
“V * v • • •, - .<br />
7Et nous n’-avons plus eu peur.<br />
Puis, nous sommes [ne] avancés,<br />
avons passé lé ruisseau', et la Dame<br />
s’est avancée vers notis autres, environ<br />
six pas loin de l’endroit où elle était<br />
assise ; et elle nous a dit :<br />
8« Si mon peuple ne veut pas se<br />
soumettre, je suis forcée de laisser<br />
aller le bras (1) de mon Fils ; il est si<br />
lourd et si pesant, que je ne puis<br />
plus le retenir (2). Depuis le temps<br />
que je souffre pour vous autres !<br />
Si je veux que mon Fils ne vous<br />
abandonne pas, je suis chargée de le<br />
prier sans cesse (3) pour vous autres<br />
qui n’en faites pas cas. (4) 9J’ai (5)<br />
donné six jours pour travailler, je me<br />
suis réservé le 7me, et on ne veut pas<br />
me l’accorder ! C’est ça qui appesantit<br />
tant le bras (6) de mon fils.<br />
« Aussi ceux qui mènent les charrettes,<br />
ne savent plus jurer, sans y mettre<br />
le nom de mon fils (7). Ce sont les<br />
deux choses qui appesantissent tant<br />
le bras (8) de mon fils.<br />
10« Si la récolte se gâte ce n’est rien<br />
que pour vous autres ; (9) je vous l’ai<br />
fait voir l’année dernière par la récolte<br />
des pommes de terre, [p. 2] vous n’en<br />
avez pas fait cas ; c’est au contraire ;<br />
quand vous en trouviez de gâtées,<br />
vous juriez vous mettiez le nom de<br />
mon fils ; elles vont continuer à pounr,<br />
et à Noël il n’y en aura plus ».<br />
— Mélanie ne comprenait pas<br />
bien, et elle me dit : « Qu’est-ce<br />
que....... ». De suite la Dame répondit<br />
: « Ah vous ne comprenez pas le<br />
MÉLANIE<br />
bâton ! » 6Puis, cette Dame s’est levée<br />
droite et nous a dit : « Avancez, mes<br />
enfants, n 'ayez pas peur ? Je suis ici<br />
pour vous conter une grande<br />
nouvelle. »<br />
7Puis nous avons passé le ruisseau<br />
et elle s’est avancée jusqu’à l’endroit<br />
où nous nous étions endormis. Puis<br />
elle nous a dit en pleurant tout le<br />
temps qu’elle nous a parlé : (j’ai bien<br />
vu couler ses larmes.[)]<br />
8[p. 2] « Si mon peuple, etc.<br />
(1) la main<br />
(2) maintenir<br />
(3) et pour vous autres vous n’en<br />
faites pas cas.<br />
(4) Vous aurez beau prier beau<br />
faire, jamais vous ne pourrez récompenser<br />
la peine que j’ai prise pour<br />
vous autres.<br />
(5) Je vous ai donné.<br />
(6) la main<br />
(7) fils au milieu.<br />
(8) la main.<br />
(9) Je vous l’ai fait voir l’année<br />
passée par les pommes de terre, vous<br />
n’en avez pas fait cas ! C’est au<br />
contraire quand vous trouviez des<br />
pommes de terre [biffé: s] gâtées,<br />
vous juriez, vous mettiez le nom de<br />
mon fils, elles vont continuer que<br />
cette année pour Noël il n’y en aura<br />
plus.<br />
Et puis moi je ne comprenais pas<br />
bien ce que cela voulait dire des<br />
pommes de terre, j’allais dire à Maximin<br />
: — « Qu’est-ce que cela voulait<br />
dire des pommes de terre »? Et la<br />
Dame nous a dit : « Vous ne comprenez<br />
pas, (10) mes enfans, je m’en<br />
vais le dire autrement. »<br />
69
Doc. 175<br />
<strong>Documents</strong><br />
MAXIMIN<br />
(10) français, mes enfants, attendez<br />
que je vais le dire autrement ».<br />
— Et elle nous parla en patois (14*).<br />
n« Si la récolta (11) se gasta, eï ré<br />
que per vous aouetrë. Vous aviëou fa<br />
véirë l’an passa per la truffa (12),<br />
n’aya pas fa ca. Era oou countrérë :<br />
quan n’ën troubava (13) dë gasta,<br />
jurava, l’y bitava lou noum dë moun<br />
fi {biffé: ls (?)] (14). Van countuya<br />
quë (15) pér chalënda y ouera plus.<br />
I2« Aquël (16) qu’a dë bla dë pas<br />
lou sëmëna quë la {biffé: bestria (?)]<br />
bèstia lou mëngearéin : si n’en vén<br />
quaouequa planta ën l’ëscouan toumbara<br />
tout en poussièra.<br />
13« Vaï (17) vêni una granda famina.<br />
D’avan quë la famina vênë, lou marinou<br />
mari ooue dëssou de sept an<br />
prëndran un tramblë, muriréin ëntrë<br />
lou (18) bras dë la pérsouna quë lou<br />
tëndréin, et lou (19) gran faran lour<br />
pënitança de fan. Lou (20) rasin<br />
purirein ; la nouzë vendran boffa. »<br />
14Après cela la Dame me dit quelque<br />
chose en français ; en me disant :<br />
«Tu ne diras pas ça., ni ça... ni<br />
ça......». Puis elle garda un moment<br />
le silence ; et pendant ce temps je<br />
m’amusais. Puis elle continua en<br />
patois.<br />
MÉLANIE<br />
(11) Si la truffa se etc [si les pommes<br />
de terre]<br />
(12) — O — [omis]<br />
(13) {biffé : de truffa] quan troubava<br />
de truffa gasta. [quand vous<br />
trouviez des pommes de terre gâtées.]<br />
(14) {biffé : fils] fi, oue meï<br />
(15) van contuya, qu’aquëit an per<br />
etc [elles vont continuer que cette<br />
année pour etc.]<br />
(16) Si ava de bla faou pas lou<br />
sëmëna. Tout ce que sëmënarë, la<br />
bêstia vous mengearéin : ça quë vendra<br />
toumbara tout en poussièra [Si<br />
vous avez du blé, il ne faut pas le<br />
semer. Tout ce que vous sèmerez, les<br />
bêtes le mangeront : ce qui viendra<br />
tombera tout en poussière.]<br />
(17) vendra una... [Il viendra]<br />
(18) entré la ma de la... [entre les<br />
mains...]<br />
(19) ët lous aouetrë, faran lour<br />
pënitança de fan. [Et les autres feront<br />
leur pénitence par la faim.]<br />
(20) La nouzë {biffé : puriréin les]<br />
vëndran boffa, lou rasin puriréin [Les<br />
noix deviendront mauvaises, les raisins<br />
pourriront.]<br />
I4Ici la Dame garda un moment le<br />
silence : il me semblait qu’elle parlait<br />
à Maximin, mais je n’entendais rien.<br />
Puis après, elle me dit un secret en<br />
patois : et pendant ce temps Maximin<br />
s’amusait avec des pierres. "Puis elle<br />
dit :<br />
(*) TRADUCTION. "Si la récolte se gâte, ce n’est rien que pour vous autres. Je vous<br />
l’avais fait voir l’an passé par les pommes de terre, vous n ’en avez pas fait cas. C’est au<br />
contraire, quand vous en trouviez de gâtées, vous juriez, vous mettiez le nom de mon fils.<br />
Elles vont continuer et, pour Noël, il n ’y en aura plus.<br />
"Celui qui a du blé ne doit pas le semer, les bêtes le mangeront, s’il en vient<br />
quelques plantes, en le battant, il tombera tout en poussière.<br />
"Il va venir une grande famine. Avant que la famine vienne, les tout petits enfants<br />
au-dessous de sept ans prendront un tremble, ils mourront entre les bras des personnes qui<br />
les tiendront, et les grands feront leur pénitence par la faim. Les raisins pourriront, les<br />
noue deviendront gâtées.<br />
70
29 (ou!et 30) mai 1847 Doc. 175<br />
■- MAXIMIN<br />
li€ \ b i f f ü j G(?)] Si së counvertissoun,<br />
lapéïra lou routchat (21) vendra<br />
ën dë bla, la truffa së trouvaré ënsëmënça<br />
pét. la terra. »<br />
16Puis elle nous dit : « Fasa bien<br />
vouatra prièra, mou mari ?,»<br />
Tous deux nous répondîmes :<br />
« oh ! no, [p. 3] Madama, pas gaïrë. »<br />
Et elle nous dit : 17« ah, mou mari,<br />
la cho bien fa vèprë ët mati. quan<br />
n’ouerë pas lou tém[biffe' : p] dë<br />
soulamën dirë un Pater un Ave Maria,<br />
et quan ouerë lou tém n’ën maï dirë.<br />
18Vaï quë quaouqua fêna ën paou<br />
d’iâgë a la mëssa ët lous aouetrë<br />
travayoun tout l’ëstiëou ; (22) et<br />
piéï, van ën hivér a la mëssa rién quë<br />
pér së mouqua dë la rëligiou{biffé :<br />
n(?)].<br />
Van a la boucharia couma dë (23)<br />
chi. »<br />
19Et ensuite elle a dit : « N ’ava gi<br />
vëgu dë bla gasta, moun mari ? »<br />
— Je répondis : € oh ! no, Madama,<br />
n’avën gi vugu. »<br />
MÉLANIE<br />
(21) Séré de mountéou dë bla, la<br />
truffa séréin ënsëmënça pér la terra.<br />
[Les rochers seront des monceaux de<br />
blé, les pommes de terre seront ensemencées<br />
par les terres.)<br />
I6[p. 3] après elle nous dit : « fasa<br />
id... [idem].<br />
— pas gaïrë Madama. [pas guère,<br />
Madame.)<br />
l7foou bien la fa, mou [biffé : n]<br />
mari, vèprë ët mati ; quan pourrië<br />
pas maï fa, dirë soulamën... id [Il<br />
faut bien la faire, mes enfants, soir<br />
et matin ; quand vous ne pourrez pas<br />
mieux faire, dites seulement...]<br />
18Vaï... id [idem]<br />
(22) La Diméncha, l’hivér, quan<br />
saboun pas quë fa, van a la messa<br />
quë per së mouqua dë la rëligiou, ët la<br />
Carèma, id... [Le dimanche, l’hiver,<br />
quand ils ne savent que faire, ils ne<br />
vont à la messe que pour se moquer<br />
de la religion, et le carême...]<br />
(23) lou chi. [les chiens.)<br />
l9Puis elle a dit : « N’ava...<br />
Maximin répondit : « Oh no<br />
Madama. » Moi je ne savais pas à qui<br />
elle demandait cela ; je répondis bien<br />
doucement : « No, Madama, n’a gi<br />
vëgu. [Non, Madame, je n’en ai point<br />
vu.) »<br />
Elle dit alors à Maximin : « [biffé :<br />
Mé, tu, moun mari,] n’ën duva bé<br />
[biffé : n) avë vëgu, vous, moun<br />
M[...] 15S’ils se convertissent, les pierres, les rochers se changeront en blé, les pommes<br />
de terre se trouveront ensemencées par la terre. l6Faites-vous bien votre prière, mes petits ?<br />
Oh ! non, madame, pas guère.<br />
l7Ah ! mes petits, il faut bien la faire, soir et matin ; quand vous n ’aurez pas le<br />
temps, dire seulement un Pater et un Ave Maria, et quand vous aurez le temps, en dire<br />
plus.<br />
,8I1 ne va que quelques femmes un peu âgées à la messe et les autres travaillent tout<br />
l’été. Et puis, ils ne vont en hiver à la messe que pour se moquer de la religion ; ils vont à<br />
la boucherie comme des chiens.<br />
19N'avez-vous pas vu du blé gâté, mes petits (cf. supra, p. 67, note 4) ?<br />
Oh non, madame, nous n ’en avons jamais vu.<br />
71
Doc. 175<br />
<strong>Documents</strong><br />
MAXIMIN<br />
Alors elle m’a dit :<br />
[biffé : Mb(?)] Me tu, moun mari,<br />
n’en duva bé avë vëgu un viâgë vér<br />
lou Couïn ënbë [biffé: bé] toun<br />
papa : quë l’homë dë la péça dicét a<br />
toun papa : vêné véirë moun bla<br />
gasta ! L’éï anèra, prënguèra dous,<br />
tréï ëspia dë bla din sa ma ; ët pei<br />
quë la frëtét ët quë toumbét tout en<br />
poussièra. Et péï qu’ën vous rëtournan<br />
èra plus quë diméi houra luein<br />
de Couarp ët quë toun papa të douné<br />
una pèça dë pa ën të disén : té, moun<br />
mari, mëngea aquëou pa, quë saou<br />
pas quë va mëngea l’an quë vén. »<br />
20Je lui répondis : « Es bén vraï,<br />
madamou, m’ën rappelavou pas ».<br />
21[p. 4] Après cela elle nous dit en<br />
français : « Eh bien, mes enfans, vous<br />
MÉLANIE<br />
mari, un viagë ver lou Couïn, ënbë<br />
vouatrë paÿrë. Lou Mëstrë de la pêça<br />
dicét à vouatrë paÿrë, d’ana véirë<br />
soun bla gasta ; l’éï anèra, prénguèra<br />
dous, tréï éïpia de bla din sa ma ; la<br />
frëtét, chéïguét tout ën poussièra.<br />
Vous n’ën tournèra, quant èra ën ca<br />
diméi houra luéin dë [biffé : Couap]<br />
Couarp ; vouatrë paÿrë vous douné<br />
una pêça dë [b iffé : pa(?)] pa, ët vous<br />
dicét : Mëngea aquëou pa ; saou pas<br />
qui n’ën vaï mëngea l’an quë vén, si<br />
lou bla countuya couma aco. [Vous<br />
devez bien en avoir vu, vous, mon<br />
enfant, une fois vers le Coin avec<br />
votre père. Le propriétaire du champ<br />
dit à votre père d’aller voir son blé<br />
gâté. Vous y allâtes, il prit deux ou<br />
trois épis de blé dans sa main ; il les<br />
frotta et tout tomba en poussière.<br />
Vous vous en retournâtes. Quand<br />
vous n’étiez plus qu’à une demiheure<br />
de Corps, votre père vous donna<br />
un morceau de pain et vous dit :<br />
Mange ce pain ; je ne sais pas qui va<br />
en manger l’année prochaine, si le<br />
blé continue comme ça.] »<br />
20Et Maximin lui dit : « Oh ! si<br />
Madama, m’ën rappèlou avu ; adë,<br />
m ’ën rappëlavou pas. [Oh ! si<br />
Madame, je me le rappelle maintenant<br />
; tout à l’heure, je ne me le<br />
rappelais pas.] »<br />
21[p. 4] Après cela la Dame nous<br />
dit en français : « Eh bien mes<br />
Mais toi, mon petit, tu dois bien en avoir vu une fois vers le Coin avec ton père : que<br />
l’homme de la pièce dit à ton père : viens voir mon blé gâté ! Vous y allâtes, il prit deux,<br />
trois épis de blé dans sa main et puis il les frotta et puis tout tomba en poussière. Et puis<br />
en vous en retournant, vous n’étiez plus qu’à une demi-heure loin de Corps, ton père te<br />
donna un morceau de pain en te disant : tiens, mon petit, mange ce pain, que je ne sais<br />
pas qui va en manger l’an qui vient.<br />
20C’est bien vrai, madame, je ne me le rappelais pas.<br />
72
29 (ou!et 30) mai 1847 Doc. 175<br />
MAXIMIN<br />
le ferez passer à tout mon peuple. »<br />
Puis elle a passé.le ruisseau, et à deux<br />
pas du ruisseau, sans se retourner vers<br />
nous, elle nous a dit encore : * Eh<br />
bien ! Mes enfafts, vous le ferez passer<br />
à tout mon peuple ! »' H,...<br />
“Puis elle est montée une quinzaine<br />
de pas, en glissant sur l’herbe,<br />
comme si elle était suspendue et<br />
qu’on la poussa ; ses pieds ne touchaient<br />
que le bout de l’herbe. Nous<br />
la suivîmes sur la petite hauteur,<br />
jusqu’à l’endroit, à peu près, où nous<br />
avions été voir nos vaches. Mélanie a<br />
passé par devant la Dame ; et moi, à<br />
côté loin à deux ou trois pas.<br />
23Avant de disparaître, cette belle<br />
Dame s’éleva comme ça (Maximin<br />
désigne avec sa main 1 m. 50) elle<br />
resta ainsi suspendue en l’air un<br />
moment. Puis, nous ne vîmes plus sa<br />
tête, puis ses bras, puis le reste du<br />
corps ; elle semblait se fondre ! Et<br />
puis, il resta une grande clarté que<br />
je voulais attraper avec la main avec<br />
les fleurs qu’elle avait à ses pieds ;<br />
mais il n’y eut plus rien.<br />
24Et Mélanie me dit : — « Ce doit<br />
être une grande Sainte !» — Et je<br />
lui dis : — « Si nous avions su que<br />
c’était une grande Sainte nous lui<br />
aurions dit de nous mener avec elle. »<br />
Après nous étions bien contents.<br />
Et nous avons parlé de tout ce que<br />
nous avons vu. Et puis, nous avons<br />
été garder nos vaches.<br />
2,Le soir, en arrivant chez mes<br />
maîtres, j’étais un peu triste ! Et<br />
comme ils me demandaient ce que<br />
j’avais ? Je leur racontais tout ce<br />
que cette Dame nous avait dit. 26Le<br />
lendemain, mon maître me conduisit<br />
chez mon papa, et je racontais tout,<br />
MÉLANIE<br />
enfants vous le ferez passer à tout<br />
mon peuple. » [Biffe : Ps(?)j Puis elle<br />
a passé le ruisseau, et nous a dit<br />
encore, en s’arrêtant à deux pas du<br />
ruisseau : « Eh bien...<br />
22Puis elle monta jusqu’à l’endroit,<br />
où nous étions allés pour regarder nos<br />
vaches, à peu près à vingt pas du<br />
ruisseau. En marchant, elle ne<br />
remuait pas ses pieds ; elle glissait sur<br />
l’herbe à cette hauteur (environ 20 c.)<br />
Quand elle fut arrivée à l’endroit que<br />
j’ai dit, en faisant un petit contour,<br />
comme nous la suivions avec Maximin<br />
je passais devant la Dame, et Maximin<br />
un peu à côté, à deux ou trois pas.<br />
23Et puis, cette Belle Dame s’est élevée<br />
comme ça ! (environ 1 m 50 c.) Puis<br />
elle a regardé le ciel, puis la terre, et<br />
nous avons vu disparaître sa tête, puis<br />
ses bras puis ses pieds, et il n’est resté<br />
qu’une grande clarté ; ensuite tout a<br />
disparu.<br />
24Et j’ai dit à Maximin « C’est peutêtre<br />
une grande S" ! » Et Maximin<br />
m’a dit : « Si nous avions su que<br />
c’était une grande S" nous lui aurions<br />
dit de nous mener avec elle. » Et je<br />
lui dis :« Oh ! si elle y était encore ! »<br />
Alors Maximin lança la main pour<br />
attraper un peu de la clarté, mais il<br />
n’y eut plus rien. Et nous regardâmes<br />
bien pour voir si nous ne la voyons<br />
plus ; et je dis : « elle ne veut pas se<br />
faire voir, pour que nous ne voyons<br />
pas où elle va » ; ensuite nous fûmes<br />
garder nos vaches.<br />
2SLe soir je dis à mes maîtres tout<br />
ce que nous avions vu ; ils me direjnt]<br />
que cela pouvait être. 26Et le lendemain<br />
qui était un dimanche, je le dis<br />
à M' le Curé de la Salette, et ensuite<br />
à Mrle Maire.<br />
73
Doc. 175<br />
<strong>Documents</strong><br />
comme c’était arrivé.<br />
Maximin finit ainsi son mystérieux<br />
récit. Le soir Mélanie nous raconte<br />
le sien.<br />
(Extrait de mes Six jours {biffé :<br />
passés] à Corps — 1" journée. —<br />
Récit des deux bergers).<br />
Lundi 31 mai 1847<br />
Événements. Plusieurs milliers de pèlerins gravissent la sainte montagne : six<br />
mille selon le chanoine Michon, témoin oculaire (doc. 238). Selon l’abbé Mélin,<br />
le nombre de pèlerins montés le 24 (lundi de la Pentecôte) et le 31 mai atteint<br />
un total de dix mille et comprend des personnes venues de loin : Paris, Bourges,<br />
Marseille, etc. (1). A en croire Champon, l’abbé Sibillat prêcha sur la dévotion à<br />
la sainte Vierge et le curé de Saint-Laurent-en-Beaumont (2) répéta à haute voix<br />
le récit donné par les enfants sur les lieux de l’apparition, pour que la foule<br />
puisse l’entendre (3).<br />
177. RAPPORT SUR LA GUÉRISON DE SOEUR SAINT-CHAR<br />
LES PAR LE DR GÉRARD ET DÉCLARATION DU DR ROCHE<br />
Copie remise par les Sœurs hospitalières d’Avignon au chanoine Rousselot<br />
début août 1847, lors de son passage dans la ville (3 p. 28,8 cm x 19,3) :<br />
EG 122, dossier Sœur Saint-Charles, n° 3 (cf. doc. 225). — Copie de 1848,<br />
certifiée conforme par les vicaires capitulaires d’Avignon (3 p. 31,5 cm x 21,2):<br />
EG 122, même dossier, n° 3 bis. — Rapport et déclaration ont été reproduits<br />
dans Vérité, p. 110-113 ; rapport seul dans G iray I, p. 344-346.<br />
Date. Noter que la copie de 1848 laisse la mention du jour — 31 — en<br />
blanc. Selon la lettre du 23 juin 1848 des vicaires capitulaires à Rousselot (EG 122,<br />
dans G iray I, p. 350), la déclaration du Dr Roche serait également du mois de<br />
mai.<br />
Ci-dessous on trouvera le texte de la copie de 1847. 1<br />
(1) Doc. 185. Sur cette journée, voir aussi le doc. 182.<br />
(2) L'abbé Joseph Faure, 1804-1873, qui séjournera à la Salette en 1850-51 et qui<br />
correspondra avec Mélanie pendant le séjour de celle-ci en Angleterre.<br />
(3) CHAMPON, dans les Annales, octobre 1882, p. 260-261. Il se peut que Champon,<br />
confondant les dates, ait mis au 31 mai 1847 des événements qui eurent lieu seulement<br />
plus tard, en particulier la prédication donnée par Sibillat le 19 septembre, premier<br />
anniversaire de l’apparition. D’après le récit de Champon, lors du pèlerinage du 31 mai,<br />
la mère d ’un prêtre, curé dans la région de la Salette, pria afin d ’obtenir le rapprochement<br />
de son fils. « Deux mois après, il était à dix kilomètres de son pays natal » (Annales,<br />
novembre 1882, p. 273). Il s’agit peut-être de Champon lui-même qui, à cette époque,<br />
était curé d ’une paroisse assez proche des lieux de l'apparition, les Engelas (commune de<br />
Valbonnais) ; toutefois Champon resta aux Engelas jusqu’en 1848. En octobre 1848, on le<br />
trouve directeur au petit séminaire de la Côte-Saint-André, proche de sa commune natale,<br />
Saint-Geoirs.<br />
74
31 mai 1847 Doc. 177<br />
Guérison inopinée et inattendue<br />
d ’une phtisie parvenue à sa dernière période :<br />
Observation recueillie par M. Gérard,<br />
médecin à Avignon.<br />
Claire Pierron, âgée de 30 ans, d ’une assez haute stature,<br />
d ’un tempérament nervoso-sanguin, est entrée le 21 novembre 1834<br />
au couvent des Religieuses Hospitalières de St-Joseph d ’Avignon, où<br />
on la surnomma Sœur St Charles.<br />
Quoique d ’une constitution assez grêle, elle n’avait jamais<br />
été malade, lorsque, soudain, le 22 janvier 1838, elle fut atteinte<br />
d ’hémoptysie. Cette affection se dissipa après dix mois de l’usage<br />
d ’un traitement dirigé par M.M. les docteurs Roche et Chauffard.<br />
En juillet 1839, il survint une dysrenterie violente, que les<br />
soins éclairés de M. le docteur Martin dissipèrent, et qui cependant<br />
a laissé percluses les extrémités inférieures durant 7 ans.<br />
A la suite de la phlegmasie chronique de l’appareil digestif,<br />
celle des poumons reparut, et de telle sorte que les diverses<br />
médications alternativement prescrites, jusqu’à la fin de 1844, par<br />
les trois honorables docteurs précités, ne purent l’empêcher de<br />
progresser.<br />
En 1845, la Sr St Charles fut soumise à mon observation.<br />
L’hémoptysie se renouvelle souvent ; la toux est fréquente ;<br />
l’expectoration est tantôt sanguine et tantôt pumlente ; il y a<br />
douleurs sur le côté gauche du thorax, insomnie, anorexie,<br />
amaigrissement, fièvre et une grande prostration musculaire. Les<br />
divers moyens auxquels je recourus ne produisirent aucun effet<br />
avantageux, car la malade alla toujours de mal en pis.<br />
Vers la fin de 1846, il survint des apht^es au palais, à la<br />
langue, et au pharynx, une douleur au devant du cou, et une<br />
grande difficulté dans l’articulation des sons et dans la déglutition.<br />
Les médicaments appropriés à cet état, restèrent encore sans<br />
résultat.<br />
En février 1847, tous les symptômes avaient augmenté, [p. 2]<br />
le faciès était profondément altéré, et le pouls battait 150 fois par<br />
minute ; la malade prenait à peine par 24 heures quelques<br />
cuillerées d ’eau, du lait et du bouillon. Désespérant de son état,<br />
et M. le docteur Roche qui la voyait de temr à autre ayant porté<br />
le même pronostic, force fut alors de l’abandonner à sa triste<br />
destinée.<br />
Mais, ô surprise ! le 16 avril dernier, à huit heures du matin,<br />
après une nuit d ’angoisses, d’agonie, pour ainsi dire, il s’opère<br />
une révolution, qui, soudain transforme l’état morbide en un état<br />
normal. Je ne puis définir, dit-elle, le mouvement qui a bouleversé<br />
tout mon être, mais ce que je peux dire, c’est qu’instantanément<br />
j’ai senti ma tête, mon gosier, ma poitrine, mon estomac et mon<br />
75
Doc. 177<br />
<strong>Documents</strong><br />
côté se dégager ; mes membres reprendre de la force et de l’agilité,<br />
et ma voix sa sonorité. Après ce changement inespéré et étrange,<br />
elle se lève, s’habille, marche, saute, monte et descend en courant<br />
l’escalier, parcourt tous les appartemens de la maison qu’elle visite<br />
pour la première fois, traverse les cours et jardins, et après un<br />
copieux repas, elle me fait appeler.<br />
Voici en quel état je la trouvai. Elle travaille dans la salle de<br />
communauté avec les autres religieuses. Sa physionomie qui<br />
exprimait les jours précédents l’abattem ent et la souffrance, est<br />
toute rayonnante de joie. Le pouls est descendu à 90 pulsations.<br />
Sa voix est sonore. Elle monte et descend rapidement l’escalier.<br />
Chargée d ’un fardeau pesant 70 k. (1), elle le porte avec agilité.<br />
L’appétit est revenu, mais les deux arcades dentaires manquant de<br />
parallélisme, à cause de l’inaction prolongée dans laquelle elles<br />
sont restées, on ne peut donner que des aliments faciles à mâcher.<br />
Le lendemain, 17 Avril, et les jours suivants, elle travaille, mange,<br />
boit, et pratique ses exercices religieux.<br />
Et maintenant que la cure de la Sr St Charles ne s’est point<br />
démentie, si l’on me demande comment elle a eu lieu, je dois<br />
répondre que, médicalement parlant, elle n ’a pas suivi les phases<br />
ordinaires. A-t-on vu d’autres fois en effet, qu’un malade en<br />
danger recouvre la santé, sans passer [p. 3] par une convalescence<br />
plus ou moins longue et pénible, c’est-à-dire, est-il naturel que<br />
dans une maladie grave, inopinément le faciès se métamorphose,<br />
et que subitement les forces et l’appétit reviennent ? Pour moi, je<br />
l’avoue, je n ’avais jamais rien vu de semblable.<br />
Avignon, le 31 (2) Mai 1847.<br />
GÉRARD médecin<br />
Le docteur médecin soussigné, médecin en chef honoraire de<br />
l’hôpital d’Avignon, après 36 ans de service actif, déclare que le<br />
retour imprévu et inattendu d ’un état médicalement \ jugé /<br />
mortel, dans la personne de la Sr St Charles ci-dessus nommée, à<br />
une santé parfaite sous tous les rapports fonctionnels et organiques,<br />
s’est opéré tout-à-coup sans l’intervention des procédés de l’art, et<br />
que partant, il tient du prodige.<br />
ROCHE, Docteur en médecine<br />
Nous soussignées, certifions cette copie conforme et véritable,<br />
pour toute la Communauté des Religieuses hospitalières de St<br />
Joseph, les Sœurs du Conseil.<br />
Sr Pineau Sup" Sr Prilly Assis"<br />
Sr Arnaud Instrf?] Sr Pelaud [?] hosp" Sr Castagnier dépositaire 1<br />
76<br />
(1) Poids excessif, semble-t-il : k ne serait-il pas une faute de copiste pour l[ivres] ?<br />
(2) Dans la copie de 1848, le quantième (« 31 ») a été laissé en blanc.
31 mai 1847 Doc. 178<br />
178. ATTESTATION DE L’ABBÉ MÉLIN, curé de Corps, authentifiant<br />
la pierre ramenée à Corps en septembre 1846<br />
Original' de la main de l’abbé Melin (1 f. recto 33,8 cm x 6,2) accompagné<br />
d’une feuille (29,8 cm x 40,8) contenant vingt-et-une signatures autographes :<br />
EG 100. — Copie, également; dê la main de l’abbé Mélin (1 f. recto 32 cm x<br />
6,1) : Sanctuaire de la Salette, sacristie. Les Annales, mars 1899, p. 299-300, ont<br />
publié le texte de cette Copie, •’ - :<br />
Les signatures autographes. Elles nous renseignent sur le passage à Corps, en<br />
cette période de l’année 1847, de plusieurs personnages déjà rencontrés ou que<br />
l’on rencontrera plus tard de nouveau, au cours des phases ultérieures de l’histoire<br />
de la Salette.<br />
Pierre sur laquelle la belle Dame a été ap/?erçue assise par<br />
Mélanie Mathieu et Maximin Giraud (de Corps) le 19 sept. 1846,<br />
un samedi, jour des quatre temps, veille de N.D. des 7 douleurs,<br />
au rit romain. Elle a été prise sur le lieu même (1), le lundi, 28<br />
du même mois, en présence des deux Enfants privilégiés, et de six<br />
autres personnes dont je faisois partie (2), et descendue à Corps,<br />
le même jour (3).<br />
Corps, 31 mai 1847.<br />
Mélin Archiptre<br />
Armand Dumanoir, Auvergne, pro-sec. Berlioz p. (4)<br />
J.C. Michon, chanoine de Grenoble<br />
M. Anna [?] des Vareilles [?]<br />
Sr M. St Augustin Supre Générale (5)<br />
Sr M. Thérèse de Jésus, Asstc (6)<br />
Sr Ste Thècle Suprc de la maison de Corps<br />
Sr Ste Valérie religieuse de la maison de Corps 1<br />
(1) Copie : Elle a été prise sur le lieu même] Je l’ai prise sur les lieux de l’apparition<br />
(2) Copie : dont je faisois partiejowtf<br />
(3) Copie : Jour,]add. Je l’ai mise dans cet encadrement, le 31 du mois de mai 1847,<br />
en présence d ’un grand nombre de personnes. J ’ai apposé à ma signature le sceau de la<br />
paroisse à double.<br />
(4) Louis Berlioz, chargé de 1838 à 1848 des enfants de chœur de la cathédrale de<br />
Grenoble, à ne pas confondre avec J.-B. Berlioz, vicaire à Crémieu de 1845 à 1852,<br />
Missionnaire de N.D. de la Salette de 1854 à 1865.<br />
(5) Mère Saint-Augustin (Justine Grange), née à Jallieu le 31 mai 1800, fut Supérieure<br />
Générale des Sœurs de la Providence de Corenc de 1839 jusqu’à son décès, en 1872. (Cf.<br />
L. CRISTIANJ, Une Congrégation française sous la Restauration. La Providence de Grenoble.<br />
Grenoble 1925.)<br />
(6) Née à Barraux, Isère, le 31 janvier 1810, Camille de Maximy entre chez les Sœurs<br />
de la Providence de Corenc en 1833, prenant comme nom de religion Thérèse de Jésus.<br />
Assistante de la Supérieure Générale, elle est en contact avec Mélanie pendant le séjour de<br />
celle-ci à Corenc (1850-1854). De 1855 à 1857 elle se trouve à la Salette même, où elle<br />
veut collaborer à la fondation d ’un Institut de Religieuses. En 1858 on la rencontre chez<br />
les Sœurs de l’Adoration, à Saint-Dizier, Haute-Marne, puis, en 1861, à Mons en Belgique,<br />
où elle veut fonder un Institut religieux en compagnie du chanoine de Brandt, d ’Amiens.<br />
Entre temps, elle a quitté la Congrégation de la Providence. (D’après les notes des Pères<br />
Bossan et L. Beaup, M.S., MSG 3E7 et A 57).<br />
77
Doc. 179<br />
<strong>Documents</strong><br />
Sr Ste Clotilde religieuse de la maison de Corps<br />
Claudine M[illisible] de Lyon<br />
Faure Joseph curé de St-Laurent-en-Beaumont natif de Gresse<br />
Joseph Gautier curé de St-Michel-en-Beaumont natif de<br />
Proveysieux<br />
Le curé de la Salette-Fallavaux, Perrin Louis Joseph, natif de<br />
la Murette.<br />
Girolet Ferréol de la Mure, curé de St Pierre des Méarots.<br />
Le curé de St Jean des Vertus, Jean François Girin natif de<br />
Panossas.<br />
[verso] Joseph François Barrai originaire de Succieu, recteur<br />
de la succursale de Doissin, canton de Virieu.<br />
Joseph Tabardel, originaire de St-Chef, canton de Bourgoin,<br />
recteur de Cordéac, canton de Mens.<br />
Michel Manin, du Bourg-d’Oisans, curé du Monestier d ’Ambel<br />
canton de Corps<br />
Pierre-François Denaz curé de St Jean d ’Hérans, canton de<br />
Mens, Isère, natif de Corbelin arrondis' de la Tour du Pin (7)<br />
Louis Siméon Lambert de Beaucaire d‘ du Gard, ex vicaire de<br />
Sommières (Gard)<br />
31 mai 1847<br />
179- ABBÉ MATHIEU. Les avertissements du ciel et les fléaux de<br />
Dieu ; les espérances de la terre et les consolations de l ’Eglise, ou<br />
Apparition de la sainte Vierge à deux bergers des Alpes ; — pluie<br />
rouge ; — révélations et menaces de Notre-Seigneur ; — association<br />
des défenseurs du saint nom de Dieu ; — prophéties qui se<br />
rapportent à notre époque ; — les stigmatisées suppliantes<br />
Paris, A. Sirou et Desquers, mai 1847.<br />
L'auteur, qui est directeur du périodique la Voix de l ’Eglise, a pour<br />
correspondant à Grenoble l’abbé G. Morel, pro-secrétaire à l’évêché.<br />
Contenu concernant la Salette. L’« Avis » préliminaire (p. vi) propose de<br />
juger « les pieux pèlerinages de la Salette, évidem m ent approuvés p a r l'autorité<br />
ecclésiastique » (*), d’après les fruits qu’ils produisent. — Aux p. 10-48, l’auteur<br />
présente l’apparition et ses suites à partir des doc. 22, 28 bis, 94 et 47. Plus loin<br />
(p. 81-82) il signale le « parallélisme frappant » qui existerait entre le culte de la<br />
Sainte Face demandé à Tours (cf. doc. 10 bis) et les traits qu’on a cm découvrir<br />
sur la pierre brisée à Corps en octobre 1846 (cf. doc. 130 bis). Il décrit et<br />
(7) P.-F. Denaz (1811-1857) entrera en 1852 dans l’Institut des Missionnaires de N.D.<br />
de la Salette, fondé la même année par Mgr Philibert de Bruillard comme société de<br />
prêtres diocésains. En 1855, Denaz proposera que les Missionnaires prononcent les vœux<br />
de religion, ce qu’ils feront effectivement à partir de 1858.<br />
(*) Tout en suivant le développement du pèlerinage d’un œil bienveillant, l’autorité<br />
diocésaine n ’avait cependant encore donné aucune approbation.<br />
78
4 juin 1847 Doc. 182<br />
commente la situation alimentaire ainsi que les prévisions la concernant, d’après<br />
les journaux de l’époque : Univers, Journal des débats, etc. (p. 44-46, 106-137).<br />
Remarque. L’abbé Mathieu s’intéresse beaucoup aux phénomènes extraordinaires<br />
ainsi qu’aux prophéties bibliques ou autres.<br />
1 Juin 1847<br />
PÈLERINAGES. Le mouvement commencé en mai se poursuit. Les documents<br />
nous ont conservé des traces du pèlerinage des enfants de chœur de la cathédrale<br />
de Grenoble et de celui d’un groupe d’ecclésiastiques (doc. 188, 201, 203, 400).<br />
Vendredi 4 juin 1847<br />
182. LETTRE DE L’ABBÉ MOREL, pro-secrétaire à l’évêché de<br />
Grenoble, à l’abbé Mathieu, directeur de la Voix de l'Eglise<br />
Copie (3 p. 26,5 cm x 20,5) : Tours SF.<br />
Note. Cette lettre, restée jusqu’à présent inconnue de tous les historiens de<br />
la Salette, contient plusieurs éléments intéressants : en particulier des renseignements<br />
sur la mentalité du clergé grenoblois face aux diverses manifestations<br />
extraordinaires, les premiers échos de l’interrogatoire Long du 22 mai, une<br />
description du pèlerinage du 31, etc.<br />
Monsieur l’abbé Mathieu,<br />
Grenoble, le 4 juin 1847<br />
J ’ai l’honneur de vous remercier de la bonté que vous avez<br />
tu de m ’envoyer votre livre (1). [...]<br />
L’événement de l’apparition de la belle Dame présente<br />
toujours le même intérêt ; il est toujours impossible aux incrédules<br />
(et il y en a parmi les prêtres) d ’expliquer la chose et de trouver<br />
de la supercherie. Les enfants sont toujours les mêmes : naïveté,<br />
simplicité, constance à dire la même chose, résistance aux menaces,<br />
etc., c’est toujours ce que l’on remarque en eux. Dernièrement<br />
un magistrat de Grenoble, le Greffier du Juge de Paix de Corps<br />
et un troisième notable ont fait subir un interrogatoire à ces<br />
Enfants depuis midi jusqu’à six heures du soir (2) ; ils les ont<br />
tourmentés dans tous les sens, tantôt à part, tantôt tous les deux<br />
ensemble, l’un après l’autre, etc. toujours même fermeté, mêmes<br />
réponses. A la fin, Mr M+ ++ de Grenoble s’est mis sérieusement<br />
en colère ou a paru sérieusement en colère devant le garçon,<br />
Maximin Girawd ; il a tiré son couteau et le brandissant [?] tout<br />
ouvert contre l’Enfant : Coquin, lui aurait-il dit, si tu continua à<br />
mentir, je te soigne. (Cette expression dans le pays veut dire : Je<br />
te tue.) Eh bien, saignez-moi, a répondu le petit, en jet/ant par 1<br />
(1) Il s’agit de la brochure Les avertissements du ciel (doc. 179), commentée par Morel<br />
dans le passage que nous omettons.<br />
(2) Voir l’introduction au doc. 169.<br />
79
Doc. 182<br />
<strong>Documents</strong><br />
terre avec un air décidé un papier qu’il tenait à la main. Les<br />
Enfants n’ont pas même dit, comme quelques Relations l’ont<br />
rapporté, que leur secret ne les regardait qu’eux-mêmes. Quand<br />
on leur demande si leur secret est une chose qui ne regarde qu’eux<br />
ou d’autres, ils esquivent la question avec adresse et on ne sait<br />
rien. Un jour, quelqu’un écrivait une Relation sous la dictée de la<br />
fille. Quand on fut au secret dont ils ne parlent pas sans qu’on le<br />
demande ordinairement, ce Monsieur fit semblant de conclure<br />
d’une parole de l’Enfant que le secret ne la regardait qu’elle seule<br />
et dit : bon, cela me suffit : je mets que votre secret ne regarde<br />
que vous. La petite paraît [p. 2] émue et embarrassée ; elle ne<br />
veut dire ni oui ni non. Après un moment : Monsieur, dit-elle,<br />
vous avez écrit que c’est vous qui avez dit que mon secret ne<br />
regarde que moi. A cette réflexion, la plume est tombée des<br />
mains de Mr ++ +.<br />
Le 31 mai, a eu lieu une procession d’environ cinq à six mille<br />
personnes sur la montagne de l’apparition. Tout s’y est passé avec<br />
édification. Il y avait treize prêtres dont trois ou quatre étrangers<br />
au diocèse de Grenoble, tous in nigris (3), bien entendu et sans<br />
aucune cérémonie religieuse. Cependant un d ’eux a prêché à cette<br />
foule qui s’est assise sur les deux versants de la colline et qui a<br />
versé des larmes aux paroles édifiantes qu’elle entendait. Ensuite,<br />
les deux côtés de la montagne formant deux chœurs ont chanté<br />
avec enthousiasme le Magnificat, le Tédeum [sic]. Tout le long du<br />
chemin, on chantait des cantiques, on récitait le chapelet, le<br />
chemin de la Croix, on chantait les litanies. Les pèlerins qui<br />
arrivaient de tous les côtés voulaient tous voir et toucher les deux<br />
Enfants qui n ’en sont pas plus fiers, et les tirai/. Et deux prêtres<br />
avaient de la peine à les défendre. Mr le Curé de Corps, sans la<br />
permission duquel ils ne vont nulle part, ne les confie qu’à des<br />
prêtres ou à des personnes distinguées pour aller sur la montagne.<br />
Cependant le père qui a toujours naturellement un caractère un<br />
peu rude et méchant ne perd rien de son autorité sur le garçon.<br />
On avait dit que les parents des enfants s’enrichissaient et qu’ils<br />
avaient changé de train de vie. Ce n ’est pas vrai. J ’oubliais de<br />
vous dire que le 31 mai, sur la montagne, à trois reprises<br />
différentes, on a fait placer les Enfants au milieu d ’un cercle<br />
nombreux, qu’on leur a fait raconter l’événement, un interprète<br />
faisant passer au loin les paroles des Enfants, car il était impossible<br />
que chacun les entendît. On ne peut signaler aucun fait vraiment<br />
miraculeux et vraiment inexplicable naturellement, outre le fait<br />
du récit des Enfants eux-mêmes et de l’apparition elle-même. Un<br />
(3) in nigris : en soutane, sans aucun insigne liturgique, afin de ne pas donner à leur<br />
présence un caractère officiel.<br />
80
Juin 1847 Doc. 184<br />
prêtre d ’Avignon a écrit dernièrement à mon collègue, son ami,<br />
que deux guérisons vraiment étonnantes avair eu lieu. [...(4).]<br />
Tout inexplicable que se trouve le fait de l’apparition de la<br />
Dame, il faut avouer que ceux qui ne croient pas à l’intervention<br />
divine, au miracle; de l’apparition de la Ste Vierge, auront un fort<br />
argument si les prophéties des Enfants ne s’accomplissent pas,<br />
comme il paraît jusqu’ici. Il est vrai qu’on dit que de nombreuses<br />
conversions ont arrêté la colère de Dieu. Cela peut être, mais<br />
quand on ne voit absolument rien d’extraordinaire, ni en bien ni<br />
en mal, il est permis de suspendre son jugement. C’est ce que<br />
continue à faire l’autorité Ecclésiastique du Diocèse de Grenoble.<br />
Toujours même silence et même défense de sa part. [p. 3]. Hier,<br />
un prêtre de cette ville qui a été à la procession du 31 mai et qui<br />
en est revenu enthousiasmé se disputait avec un autre prêtre,<br />
lequel soutenait que l’autorité ne se prononcera jamais sur ce fait,<br />
et qu’il pariait 100 F contre 10 F qu’il en serait ainsi. L’autre a<br />
accepté le pari avec empressement, persuadé qu’il faut une solution<br />
à ce fait.<br />
Signe MOREL Pro-Secrétaire.<br />
(N.B.) Nous avons entendu parler de Révélation à une fille du<br />
diocèse de Nancy (5). En avez-vous quelque connaissance ?<br />
* 184. ABBÉ BEZ. Pèlerinage à la Salette, ou Examen critique<br />
de l ’apparition de la sK Vierge à deux bergers, Mélanie Mathieu et<br />
Maximin Giraud<br />
Lyon, Guyot père et fils ; Paris, Mellier frères, 1847. xi,[l],2l4p. front,<br />
plié (carte), 2 pis (portraits) 18 cm. — Autre édition, postérieure au 1“ août<br />
1847 : x, [2], 150 p., ibidem, 1847.<br />
N.B. Sauf indication contraire, nous citons toujours d’après l’édition de<br />
214 p.<br />
Etude. H en r i GABIER, m.s. « Etude historique et critique du Pèlerinage à la<br />
Salette de Mr le chanoine Bez », dans Quatrième journée salettine, Tournai 1930,<br />
p. 22-49, multigraphié (Bibl. ZA-8).<br />
L'auteur et son enquête. Voir l’introduction au doc. 163.<br />
Date e t portée de l'opuscule. Bez termina son manuscrit au début de juin<br />
(cf. Bez, p. ix). Mgr de Bruillard reçut un exemplaire du livre début juillet au<br />
plus tard (cf. doc. 206). Désormais le public a entre les mains le récit, au moins<br />
approximatif, de chacun des enfants. Les pèlerins qui, à partir de la fin juillet,<br />
interrogeront les enfants, auront en général pris connaissance des faits et des<br />
paroles par l’intermédiaire de Bez. Leur problématique s’en trouvera influencée.<br />
On peut dire que la publication de cet opuscule ouvre une nouvelle étape.<br />
(4) La lettre rapporte ici la guérison de Sœur Saint-Charles.<br />
(5) Il s’agit probablement de la pseudo-mystique Thérèse Thiriet (cf. LS DA I, p. 254).<br />
81
Doc. 184<br />
<strong>Documents</strong><br />
Contenu. Réflexions sur les apparitions en général. Interrogatoires de Maximin<br />
et de Mélanie et portrait des enfants. Suites de l’événement du 19 septembre<br />
1846 : interrogatoires, pèlerinages, guérisons ; la pierre avec la face du Christ ;<br />
opinions des journaux (*).<br />
N ote critique. L’abbé Mélin estime « vraies, mais un peu chargées, dans<br />
certaines circonstances », celles parmi les guérisons relatées par Bez qu’il connaît<br />
personnellement (doc. 207). Voir aussi la note critique dans l’introduction au<br />
doc. 163.<br />
Ci-dessous on trouvera reproduits les passages consacrés aux voyants et à<br />
la visite de Bez aux lieux de l’apparition. Rappelons que les interrogatoires du<br />
17 mai (« relation Bez ») ont été reproduits plus haut (doc. 163).<br />
[p. 22] Pierre Maximin Giraud est né à Corps, chef-lieu de<br />
canton, arrondissement de Grenoble, le 27 août 1835, de parents<br />
pauvres ; il est petit, porte une figure ouverte, large, ronde,<br />
annonçant la santé ; ses yeux sont beaux et pleins de feu ; il<br />
regarde avec douceur, fixe sans crainte et sans rougir les personnes<br />
qui l’interrogent ; il ne reste pas un instant sans agiter ses bras ou<br />
ses mains, qui semblent contractés par des mouvements nerveux ;<br />
quand il parle, sa tête se penche légèrement sur l’épaule gauche ;<br />
il gesticule naturellement lorsqu’il cause, et quelquefois s’anime<br />
jusqu’à frapper sur l’objet qui se trouve près de lui, surtout<br />
lorsqu’on a l’air de ne pas s’en rapporter à ce qu’il dit. Jamais,<br />
cependant, il ne se fâche, même lorsqu’on le traite de menteur,<br />
pendant les longs interrogatoires que tout étranger, poussé par la<br />
curiosité, lui fait subir ; il se contente alors de jeter sur l’interlocuteur<br />
un regard de dédain, en soulevant légèrement les épaules et<br />
en détournant la [p. 23] tête. Maximin n ’avait pas fréquenté<br />
l’école avant l’événement qui lui donne maintenant une certaine<br />
célébrité ; par conséquent il ne savait pas lire, et comme tous les<br />
enfants de son âge, dans une semblable position, surtout dans ces<br />
hautes montagnes, son éducation était nulle, et son instruction<br />
encore davantage. Sa pauvre mère, cependant, le conduisait à<br />
l’église les jours de dimanche et de fête ; mais, entraîné par sa<br />
légèreté naturelle, Maximin ne tardait pas de s’échapper à la<br />
vigilance maternelle, préférant les jeux de son âge, la société de<br />
ses compagnons d’innocents plaisirs, à la gravité des offices et aux<br />
instructions de son pasteur. Si Maximin a des défauts, on ne lui<br />
connaît pas de vices ; il ignore même le nom du vice honteux si<br />
commun malheureusement de nos jours parmi les jeunes enfants.<br />
Une personne grave lui demandant un jour si la sainte Vierge,<br />
qu’il prétend avoir vue, lui avait parlé de l’impureté : Je ne<br />
comprends pas ce que vous voulez dire, Monsieur, répondit-il avec *151<br />
(*) Textes cités ou reproduits dans BEZ : doc. 74, 79, 83, 87, 88, 124, 130, 132, 149,<br />
151, 152 bis, 163, 163 bis, 183.<br />
82
Juin 1847 Doc. 184<br />
candeur ; je ne sais pas ce que c’est. Heureuse ignorance ! [p. 24]<br />
Puisse-t-il la conserver jusqu’à la fin de ses jours !<br />
Depuis le 19 septembre 1846, le vénérable curé de Corps a<br />
placé Maximin chez les sœurs de la Providence, institutrices des<br />
jeunes enfants de sa paroisse, où il prend ses repas, allant passer<br />
la nuit dans le sein de sa famille. Maintenant il apprend, sans<br />
montrer des moyens plus qu’ordinaires ; il aime à prier, mais sans<br />
affectation ; son bonheur est de servir la messe de son pasteur ou<br />
des autres ecclésiastiques qui viennent le visiter, quoiqu’il le fasse<br />
encore avec un peu de légèreté, inhérente à son caractère et, je<br />
crois, à son organisation physique. Il parle quelquefois de son<br />
désir d ’entrer dans l’état ecclésiastique, pour aller, dit-il, prêcher<br />
partout, non-seulement en France, mais dans les pays étrangers.<br />
La jeune bergère Françoise-Mélanie Mathieu est aussi née à<br />
Corps, le 7 septembre 1831, de parents très pauvres (1) ; une de<br />
ses sœurs, âgée de huit à neuf ans, mendie encore son pain auprès<br />
des étrangers qui passent à travers le village de [p. 25] Corps. Dès<br />
l’âge de sept ans, Mélanie fut déjà placée par ses parents chez des<br />
maîtres pour gagner sa pauvre vie, en conduisant les moutons au<br />
pâturage. On nous a assuré qu’avant le 19 septembre 1846, elle<br />
n ’était venue que deux fois aux offices de la paroisse : aussi<br />
n ’avait-elle qu’une bien faible connaissance de la religion ; sa<br />
mémoire ingrate et pénible ne pouvait pas même retenir deux<br />
lignes du catéchisme. Depuis l’apparition du 19 septembre, elle a<br />
été placée, comme son compagnon Maximin, chez les bonnes<br />
religieuses institutrices de la paroisse, en qualité de pensionnaire.<br />
Elle n ’est ni forte, ni grande pour son âge ; sa figure est douce,<br />
agréable, sans être jolie ; elle s’exprime difficilement en français,<br />
et voudrait toujours parler le patois de son pays ; cependant elle<br />
se rend facilement aux désirs de ceux qui la prient de parler en<br />
français, et elle le fait avec complaisance, et en termes convenables<br />
et quelquefois pleins d ’énergie. On remarque surtout dans son<br />
maintien, dans la pose de sa tête, dans ses regards, une grande<br />
modestie pendant la conversation ; elle [p. 26] n ’est ni embarrassée,<br />
ni gênée avec les étrangers.<br />
Ces deux enfants, quoique à la même école, ni ne se cherchent,<br />
ni ne se fuient ; ils montrent l’un pour l’autre une indifférence<br />
sans affectation ; et, s’ils se recherchent quelquefois, c’est quand<br />
ils ont eu quelques-uns de ces petits chagrins inséparables de la<br />
vie écolière, quand ils ont été grondés par leurs institutrices, ou<br />
par le bon pasteur de la paroisse.<br />
Leurs rapports avec les autres écoliers ou écolières sont ce<br />
qu’ils seraient si l’événement singulier qui leur donne au loin une 1<br />
(1) En réalité, Mélanie est née au mois de novembre.<br />
83
Doc. 184<br />
<strong>Documents</strong><br />
certaine célébrité n ’avait pas eu lieu. Jamais ils n’en parlent, s’ils<br />
ne sont pas interrogés ; et leur réponse ne va pas au-delà de la<br />
question. Mais jamais aussi ils ne montrent le plus petit ennui, la<br />
plus petite humeur en répondant peut-être pour la douzième<br />
millième fois aux mêmes questions, aux mêmes importunités, aux<br />
diverses objections qui leur sont faites par la multitude des<br />
habitants du pays, ou les milliers d’étrangers avides de les voir et<br />
de les entendre, qui affluent [p. 27] de toutes les contrées pour<br />
découvrir la vérité ou la fausseté de leurs assertions.<br />
Nous devons encore ajouter, pour compléter cette notice sur<br />
ces deux enfants, qu’avant l’événement ils se connaissaient à peine.<br />
Mélanie était à la Salette, hameau des Ablandins, depuis l’âge de<br />
sept ans (2), en service chez Baptiste Pra, propriétaire. Maximin<br />
vivait chez ses parents à Corps. Or, la Salette est séparée de Corps<br />
par un intervalle de deux heures de marche à peu près, dans la<br />
montagne. Un autre propriétaire du même lieu, Pierre Selme,<br />
ayant depuis quelques jours son berger malade, pria le père de<br />
Maximin de lui confier son fils pour faire paître son troupeau<br />
jusqu’au rétablissement de son petit domestique ; Maximin alla<br />
donc, pour la première fois, au service d’un maître quatre ou cinq<br />
jours avant l’événement extraordinaire dont nous parlerons dans<br />
le paragraphe suivant. Mélanie et Maximin se rencontrèrent et<br />
firent connaissance le 18 septembre, sur la montagne de la Salette<br />
appelée Sous-les-Baisses, en faisant paître leurs troupeaux de vaches<br />
[ - ( P - 32)].<br />
Le 17 mai 1847, à sept heures du matin, je pus voir d’abord<br />
la jeune Mélanie chez les sœurs de la Providence, institutrices à<br />
Corps ; je n’avais pas encore visité M. le curé de la paroisse ;<br />
j’étais arrivé le dimanche soir, à dix heures et demie, avec un<br />
jeune homme de mes amis, qui écrivait les réponses des jeunes<br />
enfants pendant que je les interrogeais et que je les examinais<br />
avec le plus grand soin. Mon jeune ami et moi avions devant<br />
nous, dans un modeste salon, la jeune Mélanie. Après l’avoir<br />
engagée à nous parler sans crainte, sans détour et avec franchise et<br />
vérité, nous entrâmes en conversation (3). [...(p. 47)...].<br />
[Réponses de Maxtmin :] Une personne qui l’avait interrogé<br />
quelques jours avant nous, racontait qu’elle lui avait fait les<br />
questions suivantes, et qu’elle en avait obtenu les réponses que<br />
nous allons rapporter.<br />
D. Tu dirais bien ton secret à ton confesseur s’il t ’y obligeait.<br />
R. Non, je ne le dirais pas ; mon secret n ’est pas un péché.<br />
(2) Nous avons reproduit le texte tel quel. Un « erratum » (BEZ, p. xii) indique qu’il<br />
faut corriger en « depuis six à sept mois ».<br />
(3) Viennent ici les interrogatoires du 17 mai (doc. 163 : relation Bez), reproduits<br />
supra, p. 51-57.<br />
84
Juin 1847 Doc. 184<br />
D. Mais si le pape te le demandait, tu serais bien obligé de<br />
le lui dire, car, enfin, le pape est bien plus que la sainte Vierge ?<br />
R. Le pape plus que la sainte Vierge !... mais la sainte Vierge<br />
est la reine de tous les saints.. Si le pape fait bien son devoir, il<br />
sera saint, mais il sera toujours moins que la [p. 48] reine ; s’il ne<br />
fait pas son devoir, il sera plus puni que les autres (4) ».<br />
Nous avons remarqué, et d ’autres personnes qui ont interrogé<br />
ces enfants l’ont aussi remarqué, que jamais ils ne sont embarrassés<br />
pour répondre aux difficultés qu’on leur oppose pour obtenir la<br />
divulgation de ce secret singulier, qu’ils conservent avec une si<br />
grande attention. Leur réponse est claire, franche, énergique, ne<br />
se faisant jamais attendre. On cherche, on étudie la question qui<br />
doit les embarrasser : la réponse arrive aussi promptement que si<br />
de loin elle était préparée à l’avance ; ils vous la jettent à la figure<br />
avec une assurance impertabable, sans montrer sur leur visage le<br />
plus petit embarras, la plus petite marque de satisfaction de vous<br />
avoir confondu. Un ecclésiastique distingué disait à la jeune<br />
Mélanie : Mon enfant, une sainte religieuse, supérieure d’une<br />
communauté, connaît le secret qui t’a été confié, le Saint-Esprit<br />
le lui a révélé ; elle voudrait bien savoir si tu ne mens pas ; en<br />
conséquence, dis-le moi pour que je sache à quoi [p. 49] m’en<br />
tenir. Elle s’empressa de lui répondre : « Si cette religieuse connaît<br />
mon secret, il n ’est pas nécessaire que je vous le dise, elle peut<br />
vous le dire elle-même. »<br />
Un autre ecclésiastique de Grenoble disait au petit Maximin<br />
« Tu as envie d ’être prêtre, eh bien ! si tu me dis ton secret, je<br />
me charge de toi, et je ferai tout ce que je pourrai pour faire de<br />
toi un prêtre. — Oh ! Monsieur, répondit l’enfant, si, pour être<br />
prêtre, il faut dire mon secret, je ne le serai jamais. »<br />
Un autre étalait devant les yeux des deux enfants des pièces<br />
d ’or et d ’argent, avec promesse de les partager entre eux s’ils se<br />
décidaient à livrer leur secret. « Pour tout l’or du monde,<br />
répondirent-ils, nous ne dirons notre secret. »<br />
[... Preuve de leur désintéressement (p. 98) :] jusqu’à présent<br />
ces pauvres bergers sont encore pauvres, couverts de haillons ; leurs<br />
parents sont encore dans l’indigence ; Mélanie a cinq frères et<br />
deux soeurs ; Maximin a un père, une marâtre, une sœur, tout<br />
cela est dans l’indigence. Allez dans le pays, une petite sœur de<br />
Mélanie, au milieu de la place publique, à peine vêtue, vous<br />
tendra la main pour obtenir une petite aumône, et elle ne se<br />
prévaudra pas de la qualité de sœur de Mélanie. Si vous avez<br />
(4) On rencontre l’argument du confesseur déjà en octobre 1846 et celui du pape en<br />
février-mars 1847 (LSDA I, p. 67, 311). La nouveauté de Bez est de diffuser questions et<br />
réponses auprès du grand public.<br />
85
Doc. 184<br />
<strong>Documents</strong><br />
promis une récompense à ces pauvres enfants, hâtez-vous de la<br />
donner ; prenez garde, la souffrance amènera l’indiscrétion ; vous<br />
serez signalé comme l’instigateur d ’une fourberie insigne [...].<br />
[... Objection (p. 113) :] Mais c’est un nuage sous la forme<br />
d ’une belle dame que ces enfants ont vu [... (p. 114)]. C’est le<br />
jeune Maximin qui se charge de répondre à cet effort de<br />
l’imagination d’un questionneur importun : « Faites donc, disaitil,<br />
parler un nuage. » Et, en effet, cet enfant avait un peu raison :<br />
c’est passablement difficile. Le même questionneur qui, je ne sais<br />
pourquoi, ne se tenait pas pour battu, disait à Maximin : Mais<br />
c’était une femme cachée dans un nuage. « Oh ! Monsieur,<br />
répondit l’enfant, faites donc porter une femme sur un nuage, car<br />
nous l’avons vue s’élever et disparaître ; nous n ’avons plus vu la<br />
tête, plus les bras, plus le corps, plus les pieds ; elle s’est fondue. »<br />
Mais il y a quelque chose de mieux : comment les rayons du soleil<br />
auraient-ils pu, en frappant sur le front de cette dame, produire<br />
une clarté de manière à éblouir ; elle avait la face tournée vers le<br />
nord ; c’était entre deux et trois heures, le soleil ne devait pas, à<br />
ce moment, donner sur son front [...].<br />
[... Visite à la montagne (p. 137) :]<br />
Le 18 mai de cette année, nous montâmes aussi sur le théâtre<br />
de l’événement, accompagné d’un jeune ami et du petit Maximin,<br />
que nous voulions interroger sur le lieu même, de deux guides, et<br />
de quelques pieuses femmes venues de loin pour satisfaire à leur<br />
pieuse curio-[p. 138]sité. La journée était magnifique, la chaleur<br />
extrême ; le soleil dardait ses rayons sur les rochers unis de la<br />
montagne, qui nous les renvoyait plus brûlants encore. Nous<br />
cheminâmes ainsi pendant quatre heures, montant, montant<br />
toujours à travers des sentiers rocailleux ou sur des rochers glissants,<br />
lorsque après ces quatre heures de peines et de fatigues, tout-àcoup,<br />
sans rien voir, nous entendons des voix douces et des voix<br />
sonores mêlant leurs harmonies, au-dessus de nos têtes. Nous<br />
venions de rencontrer d ’épais tapis de neige, nous cheminons<br />
encore quelques pas, et quelle scène se déroule tout-à-coup sous<br />
nos yeux ! une immense étendue de verdure, coupée çà et là par<br />
quelques tapis de neige, un petit ravin, au bas duquel coulait un<br />
léger ruisseau, une croix à quelques mètres d ’une fontaine, une<br />
autre croix, sur la descente du ravin, et autour de cette croix<br />
couverte de guirlandes des fleurs de la saison, une trentaine de<br />
personnes agenouillées, hommes et femmes, prient avec ferveur,<br />
et font retentir les airs de chants joyeux en l’honneur de Marie.<br />
Nous [p. 139] nous prosternâmes avec nos compagnons de voyage ;<br />
puis je vois nos guides, couverts de sueur, courir à la petite<br />
fontaine encore couverte de neige, et boire sans façon cette<br />
86
\ e r d<br />
è t u r d i c a . t i o u
Doc. 184<br />
<strong>Documents</strong><br />
eau glacée ; l’air était frais et presque froid : que faites-vous,<br />
imprudents ! m ’écriai-je ; attendez, reposez un instant avant de<br />
vous abreuver à cette fontaine, dont l’eau glacée peut vous donner<br />
la mort ; et je leur offre un peu de vin que nous avions apporté.<br />
Monsieur, me répondirent-ils, l’eau de la Salette ne fait que du<br />
bien et ne fait point de mal ; si nous buvions l’eau de Corps,<br />
notre village, dans la position où nous nous trouvons, nous serions<br />
en huit jours au cimetière ; mais ici, cette eau bénie par la sainte<br />
Vierge guérit les malades et n ’en fait pas. Rassurés par la confiance<br />
de ces braves gens, nous accourûmes auprès d ’eux à la fontaine,<br />
et quoique couvert aussi de la sueur qui ruisselait sur notre corps<br />
avec abondance, nous avalâmes un verre de cette eau parfaitement<br />
glacée, en nous recommandant à Dieu et à sa sainte Mère. Nous<br />
n ’en ressentîmes aucun mauvais effet, pas plus que nos compagnons<br />
de voyage.<br />
[p. 140] Chaque jour, nous dit-on, sur ce lieu sanctifié, de<br />
nombreux chrétiens accourent comme dans un temple nouveau,<br />
élevé par la main puissante de Dieu, et consacré à la Reine du ciel<br />
et de la terre par la piété reconnaissante des pauvres bergers.<br />
184 bis. RELEVÉ DES NOTES DE L’ABBÉ LAGIER<br />
Manuscrit de la main de l’abbé Lagier (un cahier 20,5 cm x 15, page de<br />
titre et 38 pages de texte subdivisé en versets par Bossan en 1862) : MSG n° 88.<br />
— Le manuscrit MSG 85, également de la main de Lagier, est un brouillon des<br />
v. 68-106 de ce Relevé (cf. A p T II, p. 99-100).<br />
Date. Il est impossible de dater le manuscrit avec certitude. L’avant-propos<br />
laisse entendre que Lagier a terminé son travail à une époque où plusieurs<br />
relations « circulent déjà » (v. 6), mais peut-être pas encore celle de Bez, qu’il<br />
aurait sans doute mentionnée, car elle tranchait nettement sur les autres relations<br />
anciennes. Noter aussi qu’il reste muet sur la reprise des pèlerinages de masse au<br />
cours de la deuxième moitié de mai. Pour expliquer comment il a pu interroger<br />
Mélanie à loisir, il rappelle simplement que l’hiver a tari le flot des visiteurs<br />
(v. 18). A titre d’hypothèse, nous assignerons donc comme terminus a d quem la<br />
fin du printemps de 1847.<br />
Contenu. Le Relevé présente les trois interrogatoires de Mélanie (doc. 96, 99<br />
et 107) sous la forme d’une édition légèrement augmentée et aussi remaniée :<br />
pour rendre son texte plus lisible, Lagier a supprimé un certain nombre de<br />
questions qui rompaient le récit de Mélanie et regroupé les réponses de manière<br />
à serrer davantage l’ordre chronologique. Ainsi, l’existence des secrets est<br />
mentionnée dans le passage consacré au discours de la Dame et les renseignements<br />
sur la phase terminale de l’apparition forment un ensemble, au lieu d’être coupés<br />
par des questions/réponses sur les vêtements, comme c’était le cas dans le compte<br />
rendu du premier interrogatoire (*). *68<br />
(*) Doc. 96. — Ont été supprimées les questions qu’on lit dans le doc. 96, aux v. 61,<br />
68, 70, 81, etc. Ce même doc. 96, qui reproduit le discours de la Dame, reste muet sur<br />
les secrets. Dans les anciennes notes Lagier il n ’est question de ceux-ci qu’à partir du<br />
deuxième interrogatoire (doc. 99).<br />
88
Printemps 1847 ?<br />
Doc. 184 bis<br />
Les compléments concernent surtout le début du récit : Mélanie a mendié<br />
jusqu’à l’âge de dix ans environ (v. 23) ; elle connaissait les lieux de l’apparition,<br />
pour y avoir voituré du foin (**) ; le samedi 19 septembre, Maximin fut le<br />
premier levé pour aller en champs (v. 36) ; ils rencontrèrent sur la montagne<br />
Rosette de la Minouna, de Corps, et deux petits de la Salette, originaires du<br />
hameau de Bertenéous et de celui de la Tsabanaria (v. 37) ; en apercevant la<br />
clarté, Maximin dit : * garde ton bâton, va, m oi je garde le mien e t je lu i donne<br />
un bon coup de bâton, si elle te fa it quelque chose » (v. 81) ; Mélanie, en<br />
apercevant cette même clarté, avait eu peur, * parce que en voyant cela, je me<br />
suis rappelé que ma maîtresse m'avait menacé et grondé, me disant que je verrai<br />
bien sûr un jou r le diable à cause que je ne faisais presque jamais mes prières, et<br />
que je me moquais des autres quant ils priaient Dieu avant ou après le repas »<br />
(v. 82). — Rappelons que ces deux derniers détails — mot de Maximin et menace<br />
proférée par la mère Pra — se trouvaient déjà dans les notes ou récits de<br />
l’ingénieur Dausse (doc. 101 ; 120 ; 121, v. 9, 47).<br />
Ci-dessous, nous donnerons uniquement l’avant-propos, dans lequel Lagier<br />
décrit l’enquête à laquelle il procéda en février-mars 1847 (cf. LSDA I, p. 277 et<br />
suivantes).<br />
Avant-propos<br />
'La relation que je rapporte a été écrite en [biffé : ctier] entier<br />
au moment même de mes visites à la jeune bergère ; ce n ’est<br />
point de mémoire ni à l’aide des récits de qui que ce soit que je<br />
l’ai écrite ; c’est pour ainsi dire à la dictée. 2Enfant du pays,<br />
comprenant parfaitement le patois, j’ai fait toutes mes demandes,<br />
et mes interrogations, en patois, et dans toutes nos conversations<br />
la jeune bergère ne s’est jamais exprimé" autrement qu’en patois ;<br />
3si quelques fois je m’oubliais et parlais français, elle me répondait<br />
aussi en français, mais j’ai remarqué que toujours elle se reprenait,<br />
pour mieux expliquer sa pensée en patois. 4J ’ai fait tout ce qui<br />
dépendait de moi pour rendre en français toute la pensée, toute<br />
la force et les différentes nuances de l’expression du patois de la<br />
bergère ; Vest aussi la raison seule qui me porte à croire que<br />
jusqu’ici j’ai été peut-être le seul qui ait bien saisi la vérité des<br />
expressions de la jeune bergère. 6Peut-être les personnes qui liront<br />
ma relation croiront qu’elle renferme des contradictions et des<br />
différences essentielles avec les relations qui circulent déjà : mais<br />
si on examine avec attention, et si on réfléchit sérieusement, on<br />
comprendra facilement que, connaissant le patois de mon pays<br />
natal beaucoup mieux que toutes les personnes étrangères qui ont<br />
(**) v. 27-28. Le maître de Mélanie exploitait des prés situés sur les pentes qui<br />
dominent les lieux de l’apparition. Pendant qu’il fauchait, rapporte Mélanie, « moi je<br />
voiturais le foin qu’il avait fauché la veille » : elle descendait à dos de mulet des trousses<br />
de foin jusqu’à un endroit situé près de la croix du chemin de ronde actuel (P. Andrieux).<br />
Le trajet passait par le Collet, donc tout près des lieux de la future apparition.<br />
89
Doc. 184 bis<br />
<strong>Documents</strong><br />
interrogé l’enfant, et qui seules ont fait circuler des relations (1),<br />
car je suis le premier du pays [p. 2] qui l’ait ainsi interrogé on<br />
comprendra dis-je, que j’ai été en [rtc] même de saisir beaucoup<br />
mieux le sens des paroles de l’enfant, de rendre plus clairement sa<br />
pensée. 7On trouvera beaucoup plus de développement, des<br />
faits beaucoup plus détaillés ; mais aucune contradiction réelle ;<br />
quelques apparences dans l’extérieur du récit, s’il est permis de<br />
s’exprimer ainsi ; mais aucune dans le fond ; 8on trouvera même<br />
beaucoup de répétitions, les mêmes idées présentées souvent sous<br />
plusieurs formes, qui peuvent énerver le récit, le rendre trop diffus<br />
et presque sans suite ; mais qu’on se représente la difficulté que<br />
j’ai eu à vaincre, d ’abord je n ’ai cherché qu’à relater fidèlement<br />
tous nos entretiens ; 9d ’un autre côté, désirant de bonne foi,<br />
m ’instruire de la vérité d’un fait aussi extraordinaire, je faisais<br />
tout ce qui dépendait de moi pour saisir \ et / poursuivre [b iffé :<br />
\ les idées / et faire des instances plus ou moins pressées] les idées<br />
qui semblaient me rapprocher le plus de la vérité, et faire des<br />
instances plus ou moins pressées ; hé bien ne voulant connaître et<br />
faire connaître que la vérité 10je n ’ai eu qu’une seule pensée,<br />
rapporter exactement les conversations, que j’ai tu , dans les mêmes<br />
termes et avec les mêmes expressions, sans craindre ni de me<br />
répéter, ni d’être trop diffus, je n ’en ai pas eu la pensée, je courais<br />
après la vérité, tout le reste n ’était pour moi qu’accessoire ; “au<br />
reste je l’écrivais pour moi ; pour [p. 3] ma propre satisfaction ;<br />
je n ’avais pas même la pensée de le faire lire à quelques amis ;<br />
“incrédule, tout ce qui m ’intéressait, c’était la vérité ; je ne crains<br />
pas même d ’avouer que j’ai commencé mes entretiens avec la<br />
bergère avec le désir de découvrir quelqu’imposture, avec une<br />
intention bien décidée d’employer tout ce que le bon Dieu m’a<br />
donné de savoir, soit pour embarrasser, surprendre, {b iffé : et]<br />
intimider, effrayer, et même menacer cette enfant ; 13je voulais<br />
obtenir un résultat et je l’espérais, conforme à ma première<br />
disposition ; on verra par la lecture de mes entretiens divers si je<br />
suis parvenu à mes fins ; tous ces motifs donc expliquent<br />
suffisamment toute la confusion {biffé : et] le peu de suite et les<br />
répétitions qui s’y rencontrent ; I4on s’expliquera le motif pour<br />
lequel je revenais quelquefois et même plusieurs fois sur le même<br />
sujet ; je cherchais la vérité ; et je croyais qu’elle se rencontrerait<br />
beaucoup plus dans l’uniformité de langage de cette jeune enfant.<br />
“Lorsque je l’ai interrogé, elle n ’était plus \ sous / l’empire du<br />
besoin extraordinaire que des milliers de personnes étrangères \ et<br />
du pays / avaient de lui parler, de la voir, \ et / de la questionner 1<br />
(1) Lagier ignore l’existence des feuilles de colportage diffusant la relation de Claude<br />
Comte, cultivateur à Corps (doc. 40).<br />
90
10 juin 1847 Doc. 184 bis<br />
et le jour et la nuit, {biffé : et] chez elle, dans les rues, dans<br />
chaque maison pour ainsi dire, dans les voyages et sur la montagne<br />
au milieu des populations qui y affluaient de tout côté ; femmes,<br />
enfants, vieillard, hommes faits ; jeunes gens, jeunes filles ;<br />
crédules, incrédules, impies, irréligieux, sans principes ; sages et<br />
[p. 4] vertueux, fervens et pieux ; enfin [b iffé : obligée] \ elle<br />
était forcée / de répondre à des milliers de voix qui n’attendaient<br />
les uns qu’un mot pour croire et pratiquer, les autres pour<br />
persévérer, et jouir du bonheur d ’avoir cm et persévéré mais tous<br />
prosternés et versant des larmes ; 16quel tableau pour un enfant<br />
qui n’a jamais habité que la montagne, n ’a eu d ’autres occupations<br />
que de garder les troupeaux et vivre une portion de sa vie sur les<br />
montagnes ; 17quelle force d’esprit ne lui fallait-il pas, pour n ’être<br />
pas troublée, pouvoir supporter de sang froid un pareil broa de<br />
mille mille [sic] et une interrogations, demandes et questions qui<br />
l’assiégeaient et finissaient par l’étourdir ; c’était au dessus des<br />
forces de la nature, non seulement pour une enfant, mais pour<br />
une personne faite et d ’une trempe de caractère très ferme ;<br />
18pour moi tout était changé, le mauvais temps [biffé : arrêtant]<br />
suspendant le concours du peuple, elle ne recevait plus depuis<br />
quelques semaines, que de rares visites, aussi elle était beaucoup<br />
plus calme ; plus à elle-même, beaucoup mieux à ses réflexions,<br />
moins piéocupé, beaucoup plus à ses souvenirs ; 19je lui ai fait<br />
trois visites dont la plus courte a duré près de quatre heures ; 20on<br />
verra donc que je n’ai pas été avar/e du temps pour m’assurer<br />
parfaitement de la vérité ; afin de n ’avoir aucun reproche à me<br />
faire, et pouvoir me dire consciencieusement à moi-même que si<br />
j’ai cru, c’était par le temps que j’y avais employé ; que [p. 5] 21si<br />
je n ’avais pas cm ce n’eût pas été par le défaut ni de temps ni des<br />
interrogations. Je termine ces quelques observations en rappelant au<br />
petit nombre d’amis qui me liront de me conserver toute leur<br />
indulgence.<br />
Jeudi 10 juin 1847<br />
ÉVÉNEMENT. A Perpignan, guérison de Soeur Angélique Carbasse, religieuse<br />
coadjutrice des Dames du Sacré-Cœur. Dossier dans Vérité, p. 123-126, et dans<br />
GlRAY II, p. 89-92. — Atteinte en 1842 d’une « gastrorragie grave (melaena) »<br />
(doc. 251), ses jours furent par la suite plusieurs fois en danger. Finalement<br />
survinrent des enflures au bras et à tout le côté gauche. On y vit un symptôme<br />
de la décomposition du sang et le signal d’une fin prochaine. La guérison eut<br />
lieu le dernier jour d’une neuvaine, au cours de laquelle la sœur avait fait usage<br />
d’eau de la Salette. Le chanoine Rousselot mentionna cette guérison dans son<br />
Rapport du 15 octobre 1847 à l’évêque de Grenoble (doc. 310).<br />
91
Doc. 190<br />
<strong>Documents</strong><br />
Samedi 12 juin 1847<br />
190. LETTRE DE HÉBERT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE<br />
DE LA JUSTICE ET DES CULTES, à Mgr de Bruillard, évêque de<br />
Grenoble<br />
Original (1 f. 30,5 cm x 20,5) : EGD 52. Lettre reproduite dans les Annales,<br />
octobre 1882, p. 257-258, et dans Bertrand, p. 25-26, qui l’attribuent à tort à<br />
l’ancien ministre Martin.<br />
Note. La présente lettre, rédigée par le service des Cultes, est l’aboutissement<br />
de la note du 20 mai, pour le Garde des Sceaux (doc. 166).<br />
Contexte : voir supra, p. 45-47.<br />
Monseigneur,<br />
Paris, le 12 juin 1841.<br />
On m ’a signalé le colportage, dans plusieurs départemens<br />
d ’une gravure représentant l ’apparition de la Vierge à deux en fans<br />
sur une montagne de la Salette, canton de Corps près de Grenoble,<br />
et de diverses relations imprimées soit à la suite de la gravure soit<br />
séparément, contenant les détails de cette prétendue apparition et<br />
l’annonce d ’une grande famine, ainsi que d ’une maladie mortelle<br />
sur les enfans. On y avertit les laboureurs de ne pas semer de blé<br />
parce que les insectes le dévoreront et que les grains qui leur<br />
échapperont tomberont en poussière entre les mains de celui qui<br />
froissera l'épi.<br />
De semblables passages sont de nature à produire et ont déjà<br />
produit en effet de funestes impressions, particulièrement sur les<br />
populations des communes rurales ; ils pourraient même dans un<br />
temps de disette compromettre la tranquillité publique.<br />
\verso] L’une de ces relations, imprimée à Angers par la veuve<br />
Pignet-Chateau, rue S‘ Gilles n" 14, porte qu’un Archevêque et<br />
deux Evêques se sont saisis de ce prodige et en ont inform é la<br />
Cour de Rome. Vous y êtes désigné, Monseigneur, comme étant<br />
l’un des Prélats dont on prétendrait s’autoriser pour mieux répandre<br />
la gravure et les relations dont il s’agit.<br />
Vous apprécierez comme moi, Monseigneur, le danger de ces<br />
publications et vous ne permettrez pas qu’on les place en quelque<br />
sorte sous vos auspices ; mais il importerait, vous le comprendrez,<br />
d ’arrêter très promptement le progrès du mal, en faisant connaître<br />
la vérité aux populations, et de déjouer de coupables manœuvres<br />
dont le succès est d ’autant plus facile qu’elles s’adressent à leurs<br />
sentimens religieux.<br />
92
13 juin 1847 Doc. 192<br />
Je vous prie, Monseigneur, de vouloir bien me faire connaître<br />
la suite que vous aurez donnée à la présente communication.<br />
Agréez...<br />
Le Garde des Sceaux,<br />
Ministre de la justice et des cultes<br />
Hébert<br />
Dimanche 13 juin 1847<br />
192. LETTRE DE MGR DE BRUILLARD à l’abbé Mélin<br />
Original entièrement de la main de l’évêque : EG 107.<br />
Grenoble 13 juin 1847<br />
Etienne a reçu votre envoi (1) ! Merci ! Si vous avez fait<br />
quelque dépense, elle vous sera remboursée. Scribe, et omnia<br />
reddentur tibi (2).<br />
Les deux tiers de notre Maîtrise de la cathédrale partent ce<br />
soir pour la Sal/ette. M. Berlioz (3) est à la tête de la jeune et<br />
toute bonne caravanwe. La 1èr' étappe est Laffray.<br />
Je compte donner la confirmation à N' Dame (4) le 5e<br />
dimanche. Je ne vous oublierai pas, s’il y a lieu. Parlez-en à<br />
M' Gerin (5) qui se propose, je crois, de faire prochainement le<br />
pieux pèlerinage.<br />
Si vous recevez les ecc[lésiasti]ques qui se présentent (et en si<br />
grand nombre) vous courez à la banqueroute ; et in hoc non<br />
laudo (6). Que ne faites-vous connaître avec simplicité votre<br />
pénurie, votre état de gêne, le grand nombre des visiteurs. Qu’ils<br />
se présentent dans les hôtelleries ; ils n ’éprouveront pas le refus<br />
qu’éprouva à Bethléem la stc famille.<br />
Oui, l’apparition grandit sensiblement. Exultât ut gigas (7).<br />
A l’occasion de l’apparition de la Sal/ette, je viens de recevoir<br />
une lettre et une brochure Italiennes qui relatent une apparition<br />
du même genre. Elle a eu lieu en Piémont, dans l’année 1639. 1<br />
(1) Deux bouteilles d’eau de la Salette, destinées à l’évêque. L’eau « a été puisée,<br />
hier, à la fontaine, par un vieillard de 75 ans, mon paroissien, qui est un saint, et que j’ai<br />
envoyé sur les lieux de l’apparition, pendant neuf jours de suite, pour y prier ». (Doc. 185 :<br />
lettre de Mélin à l’évêque, 9 juin 1847.)<br />
(2) Ecrivez, on vous remboursera tout.<br />
(3) Louis Berlioz, à ne pas confondre avec J.-B. B. (cf. supra, doc. 178, note 4.).<br />
(4) La cathédrale de Grenoble.<br />
(5) Le curé de la cathédrale, auquel l’abbé Mélin pourra exposer les besoins de l’église<br />
de Corps en linges d ’autel, besoins dont il avait été question dans une précédente lettre de<br />
ce dernier à l’évêque (doc. 187).<br />
(6) Cf. I Cor., XI, 22 : « sur ce point, je ne vous loue pas ».<br />
(7) Cf. Ps 18, 6 (d’après la Vulgate) : « Exultavit ut gigas », le soleil « s’est élancé<br />
comme un géant ».<br />
93
Doc. 192<br />
<strong>Documents</strong><br />
Une belle église et un pèlerinage accrédité en ont été l’heureux<br />
résultat (8).<br />
Le bien opéré à Corps et qui est en progrès doit vous consoler<br />
de bien des amertumes.<br />
Le rhume persévère ; mais je bois autre chose que de la<br />
tisane (9). Je dois donner la conf[irmatio]n dans plusieurs églises<br />
du voisinage avant de faire la clôture par le canton de S. Laurent<br />
du Pont et par la Chartreuse.<br />
Recevez la nouvelle assurance de mon tendre attachement.<br />
[...]<br />
tPHILIBERT] Evêque de Grenoble<br />
193. RÉPONSE DE MGR DE BRUILLARD AU MINISTRE<br />
HÉBERT, Garde des Sceaux et Ministre de la Justice et des Cultes<br />
Brouillon de la main de l’abbé Auvergne, pro-secrétaire à l’évêché (1 p.<br />
19 cm x 14) : EGD 53, reproduit dans les Annales, octobre 1882, p. 258, et<br />
dans Bertrand, p. 26-27.<br />
Date. D ’après le contexte, la réponse dut être envoyée vers le 14 juin.<br />
Note. Rappelons que les craintes exprimées par le parquet d’Angers sont<br />
devenues, dans les bureaux du ministère de la Justice, des faits réels (*). Le<br />
ministre des Cultes, qui est en même temps celui de la Justice, ayant écrit en ce<br />
sens à l’évêque de Grenoble, celui-ci répond dans la présente lettre qu’avant de<br />
porter une appréciation sur une affaire aussi grave, il y a lieu de s’informer<br />
sérieusement. Pour sa part, il tient « les oreilles et les yeux ouverts ».<br />
Mg' [?]<br />
J ’ignore si un arch[evêque] et un év[êque] (1) ont informé la<br />
Cour de R[ome] de l’év[énement] de la Salette] par[oisse] située<br />
à 60 kilomètres] de Gfrenoble] ; pour moi je suis ent[ièremen]t<br />
étranger] à la com[municati]on d[on]t il s’agit, si tout[e]f[ois] elle<br />
a eu lieu : je ne crois pas.<br />
Je n ’ai aut[ori]sé ni grav[ure] ni relation] ou notice sur<br />
l’app[arition]. J ’ai même défendu à l’imprim[eur]-libraire de<br />
l’Evêch[é] sur lequel seul j’ai autorité de rien pub[lier] à cet<br />
ég[ard] et j’ai acq[uis] la certit[ude] qu’il s’est conformé à mes<br />
intent[ion]s (2).<br />
(8) Ce pèlerinage se trouve à Savigliano, dans la province de Cuneo. Le 23 novembre<br />
1639, la Vierge avait rendu la santé à une mère de famille, qui souffrait de dépression (cf.<br />
la lettre de Don Andrea Denina, chanoine de la collégiale de S. Andrea, Savigliano, 10<br />
juin 1847 ; original : EG 139 )<br />
(9) L’évêque veut dire qu’il boit de l’eau de la Salette.<br />
(*) Voir doc. 166, note 2.<br />
(1) Cf. doc. 166, note 5.<br />
(2) L’évêque se trompe sur ce point, du moins si l’adresse bibliographique indiquée<br />
dans HECHT, p. vi, à propos de la brochure Notre Dame et deux bergers des Alpes est<br />
exacte : l’imprimeur de l’évêché était en effet la maison Baratier frères : cf. l’introd. au<br />
doc. 194, avec la note.<br />
94
14 juin 1847 Doc. 194<br />
A peine instruit des bruits répandus sur l’évén[ement] j’ai<br />
adressé à mon clergé une circulaire (3), dans laq[uelle] je lui ai<br />
rappel[é] l’art[icle] de mes Statuts synodfaux] qui défjend] de<br />
pubflierj sans autorisation] expres[se] aucun miracle nouv[eau],<br />
et tous, à l’exception d ’un seul imprud[ent] (simple prêt[re]<br />
habitué) (4) ont entendu la v[oix] de leur évfêque].<br />
Cependant] la ch[ose] est grave. Aussi ai-je les or[eilles] et<br />
les yeux ouverts sur tout ce qui se dit se fait et arrive[?].<br />
A mon retour d’une long[ue] tournée diocésaine, je viens<br />
d ’app[rendre] que par l’ord[re] de l’aut[orité] supérieure] M. le<br />
juge de p[aix] du cant[on] de Corps av[ai]t fait subir un très long<br />
interrogfatoire] aux 2 petits berg[er]s qui dans leurs réponses,<br />
m ’a-t-on assuré, ont montré une candeur et une assur[an]ce<br />
imperturbables (5).<br />
Agréez<br />
Lundi 14 juin 1847<br />
194. LAURENZ HECHT. Geschichte der Erscheinung der seligsten<br />
Jungfrau zweien Hirten-Kindem a u f dem Berge von Salette, in<br />
Frankreich, den 19■ Herbstmonat 1846, entnommen aus zwei<br />
franzôsischen, zuverlàssigen, brieflichen Berichten, nebst einer<br />
Vorrede von P. Laurenz Hecht, Professor und Kapitular des Stifts<br />
Einsiedeln. M it einer lithographischen Abbildung der Erscheinung<br />
Einsiedeln, Gebrüder K. und N. Benziger, 1847. 60 p. front. 14,5 cm.<br />
L'auteur. Le Père Laurenz Hecht, bénédictin de l’abbaye d’Einsiedeln en<br />
Suisse, a publié plusieurs brochures sur la Salette. Il mourut en 1871.<br />
Date. Le 14 juin est la date de la préface.<br />
Sources. L’auteur connaît diverses relations. Il mentionne expressément Notre<br />
Dame e t deux bergers des Alpes (Grenoble, Baratier frères, 1847, 12 pages) (*)<br />
et la brochure éditée par Bouasse-Lebel (doc. 127). Reprochant à ces deux<br />
publications leur anonymat, il déclare vouloir décrire l’apparition d’après deux<br />
sources identifiables : la relation Maury (doc. 148), qui forme la base de son<br />
récit, et une relation rédigée début février à Grenoble et présentée à Mgr de<br />
Bruillard en raison de sa remarquable exactitude. Un secrétaire de l’évêché en<br />
aurait envoyé une copie à un de ses amis (cf. H e c h t, p.v-viii) : il pourrait s’agir<br />
de la relation Dumanoir ou Auvergne (doc. 124, 125) ou, tout simplement, de<br />
la relation Morel (doc. 28 bis) faite en novembre 1846 et largement répandue.<br />
N ote critique. Rendant compte avec éloge de la quatrième édition du livre<br />
(Einsiedeln 1848), Rousselot signale toutefois qu’il rapporte quelques guérisons<br />
peu sûres (guérisons qui seraient arrivées à Ambel, Saint-Michel, Saint-Baudille,<br />
(3) Doc. 3.<br />
(4) Nous ignorons de qui il s’agit.<br />
(5) Interrogatoire du 22 mai (cf doc. 169 et 170).<br />
(*) D ’après le titre, il devrait s’agir du doc. 71, édité à Paris en février 1847. La<br />
maison grenobloise indiquée par Hecht a peut-être simplement vendu la brochure, sans la<br />
réimprimer pour son propre compte.<br />
95
Doc. 194<br />
<strong>Documents</strong><br />
Mens). Rousselot excuse l’auteur, qui a travaillé « à cent lieues du théâtre de<br />
l’événement, et d’après les rapports de témoins qui, dans un séjour de quelques<br />
heures, ou tout au plus de quelques jours sur les lieux, avaient accueilli trop<br />
légèrement tout ce qui paraissait se rattacher au grand Fait de l’apparition »<br />
{Nouveaux documents, p. 107). — La même remarque vaut pour l’édition de<br />
juin 1847.<br />
Ci-dessous nous reproduisons un détail propre au P. Hecht. A la fin du<br />
récit, après avoir rapporté l’interdiction de révéler le secret, Hecht ajoute :<br />
TRADUCTION<br />
[p. 26] Im Augenblicke, als sie sich<br />
von ihrem Sitze erheben woilte, fragte<br />
sie noch [p. 27] die Kinder : « Meine<br />
Kinder, habet ihr viel Wasser zu<br />
trinken ? » Der Knabe antwortete :<br />
« Nein, nicht viel ». « Nun denn »<br />
erwiederte die Frau, « von nun an<br />
wird es auch am Wasser nicht<br />
mangeln. »<br />
Au moment où elle voulut se lever<br />
de son siège, elle demanda encore<br />
aux enfants : « Mes enfants, avezvous<br />
beaucoup d’eau à boire ?» Le<br />
garçon répondit : « Non, pas beaucoup.<br />
» « Alors », répondit la Dame,<br />
« dorénavant l’eau ne manquera pas<br />
non plus. »<br />
195. LETTRE DE L’ABBÉ LOUIS PERRIN, curé de la Salette, à<br />
Mgr de Bruillard<br />
Original (3 p. 25 cm x 19,5) : EGD 54. Le corps de la lettre semble écrit<br />
de la main de l’abbé Jacques-Michel P., frère du curé. Au sommet de la première<br />
page, on lit l’annotation : « Répondu le 19 juin ».<br />
Note. Cette lettre contient la plus ancienne trace qui nous reste du désir des<br />
autorités locales de voir un lieu de culte établi sur la montagne.<br />
Monseigneur,<br />
[...(p. 2)...] Sans doute, Monseigneur, que Votre Grandeur<br />
est informée que le nombre des pèlerins, riches et pauvres, de<br />
tous les points de la France, même de l’étranger, va toujours<br />
croissant. On désire ardemment l’approbation de Monseigneur sur<br />
la vérité de ce fait. On demande avec instance, au moins pour le<br />
moment, la construction d ’un petit oratoire où l’on pourrait<br />
célébrer les Saints Mystères, se conformer aux intentions des fidèles<br />
dans leurs dons particuliers, surtout faire participer aux Sacremens<br />
tant de personnes qui le désirent.<br />
Par respect pour l’autorité, Monseigneur, j’ai cru prudent de<br />
demeurer jusqu’ici dans une inaction complète, ne paraissant pas<br />
sur la montagne les jours des plus grands concours. Ainsi le lundi<br />
de la Pentecôte où plus de 3 000, et le trente et un mai où plus<br />
de 3 000 pèlerins étaient réunis, on demanda souvent le Pasteur<br />
du lieu. Je dois encore prévenir Votre Grandeur que, bien que<br />
dans le tenu elle eût donné ordre d ’attendre, un tronc cependant<br />
a été placé au lieu de l’apparition par ordre de Mr le Maire, cédant<br />
96
26 juin 1847 Doc. 200<br />
en cela à l’urgente nécessité. Car les Pèlerins jetaient avec générosité<br />
leurs offrandes d ’abord sur la terre, sur la neige, ensuite sur une<br />
petite planche, aujourd’hui ils les jettent avec plus de sûreté dans<br />
ce tronc qui est vidé tous les soirs par une personne de confiance.<br />
Déjà 4 à 5 cents francs ont été recueillis. Le conseil de fabrique<br />
conserve [p. 3] soigneusement ces offrandes pour la construction<br />
d ’une chapelle dans le cas où Sa Grandeur permettrait plus tard<br />
de l’élever.<br />
Je supplie très humblement Monseigneur de m ’honorer de<br />
quelques mots de réponse sur ce que sa grande prudence pourrait<br />
prévoir touchant cette affaire, sur les offrandes recueillies, sur la<br />
conduite à tenir par le Pasteur, qui ne cesse d ’adresser à Notre-<br />
Dame de la Salette des vœux empressés pour la conservation de la<br />
parfaite santé de son évêque, si respecté, si béni du clergé et du<br />
peuple.<br />
C’est avec le plus profond respect que j’ai l’honneur...<br />
Pe r r in , curé.<br />
La Salette-Fallavaux, 14 juin 1847.<br />
Samedi 26 juin 1847<br />
200. ARTICLE DU PATRIOTE DES ALPES, de Grenoble,<br />
p. 2c-3a (BMG)<br />
Note. Le mardi précédent, le journal a de nouveau attiré l’attention de ses<br />
lecteurs sur l’apparition (*). Dans le numéro du 26 juin, il publie une lettre<br />
écrite par l’un d’entre eux. Celle-ci offre un double intérêt en ce qui concerne<br />
notre connaissance des pèlerinages : elle nous fait connaître d’abord ce que pense<br />
des pèlerinages un habitant de la région de la Salette, teinté de rationalisme ;<br />
elle nous renseigne ensuite sur la grille de lecture à travers laquelle il regarde le<br />
mouvement religieux né de l’apparition.<br />
[p. 2] Nous ne savons jusques à quand le ministère public<br />
restera spectateur impassible des escroqueries de la Salette ; mais<br />
en attendant, ce fléau vient s’ajouter déplorablement, dans nos<br />
campagnes, aux misères que cet hiver leur a léguées. Vainement<br />
l’état des récoltes est là pour faire mentir l’immorale prédiction<br />
propagée par quelques fripons : quoique les enfants au-dessous de<br />
sept ans n ’aient pas encore été frappés, que les blés ne soient pas<br />
tombés en poussière ni les pommes de terre en pourriture, et<br />
qu’on ait bien fait de ne pas suivre l’infâme conseil de ne plus<br />
confier aucune semence à la terre, on est malheureux, on est<br />
(*) Rapportant que des imprimeurs avaient subi « des condamnations sévères » à<br />
Angers pour avoir contrevenu aux lois sur la presse en imprimant des textes sur la Salette,<br />
le Patriote du 26 juin avait exprimé le souhait que l’on punisse « les escrocs qui exploitent<br />
une imbécile crédulité en vendant, à haut prix, l’eau de la Salette, et en débitant, à<br />
l’appui de ses merveilles, d’apocryphes récits et de mensongères images » (doc. 198).<br />
97
Doc. 200<br />
<strong>Documents</strong><br />
souffrant, et, l’esprit affaibli, l’imagination exaspérée par le jeûne<br />
et les privations, on use de ses dernières ressources, on fait argent<br />
de tout, pour aller chercher au loin une guérison mensongèrement<br />
promise ; puis, l’on revient plus malade et plus pauvre que jamais,<br />
avec la souillure morale d ’une croyance qui dégrade la Vierge et<br />
les saints jusqu’à en faire les émules du sorcier de campagne et de<br />
la tireuse de cartes.<br />
Voici ce que nous écrit à ce sujet une personne grave qui<br />
habite tout près des lieux si lucrativement exploités par d ’effrontés<br />
thaumaturges :<br />
A M. le rédacteur du Patriote des Alpes.<br />
« Monsieur,<br />
« Où allons-nous en politique, en religion, en moralité, en ce<br />
qui concerne le soulagement des misères du peuple ? Il semble<br />
que nous allons mal.<br />
« Pour le prouver, j’aurais bien des faits à citer ; je n ’en<br />
prendrai qu’un, le miracle de la Salette. Vous l’avez qualifié de<br />
chose absurde et stupide ; cela ne l’a pas empêché de s’implanter<br />
dans bien des têtes et de mettre nos populations en campagne.<br />
« Avec ce miracle, où allons-nous en politique ? La politique,<br />
pensez-vous, n ’a rien à faire ici : je le désire vivement, mais je ne<br />
suis pas convaincu. Serait-il vrai qu’on a donné 16 000 fr. pour<br />
faire un chemin de Corps au lieu où la Vierge a dû mettre le<br />
pied (1) ? C’est un on dit ; mais s’il était vrai, que penser d ’une<br />
politique qui exploiterait ainsi le mensonge religieux et les instincts<br />
grossiers et superstitieux qui ont ruiné et abêti, au physique et au<br />
moral, des nations grandes autrefois ? Si cela était, où irions-nous<br />
avec cette politique ?<br />
« Et en religion ? Il est clair que la religion doit présenter<br />
dans ses enseignements ce qu’il y a de plus sensé, de mieux<br />
prouvé : sans cela, elle fait de l’homme éclairé un incrédule, et<br />
de l’ignorant un fanatique. Or, le miracle de la Salette est-il bien<br />
sensé, bien prouvé ? Ne mérite-t-il pas, au contraire, vos épithètes<br />
d ’absurde, de stupide ? Nous prend-on pour des imbéciles, en<br />
voulant nous faire croire à une pareille chose sur le témoignage de<br />
deux enfants mystificateurs ou mystifiés, et sur les plates relations<br />
qu’on en débite ? Et quand on voit des prêtres propager sous<br />
main cette impiété, n ’a-t-on pas raison de se demander où l’on<br />
veut nous mener en religion ? 1<br />
(1) Rappelons qu’à l’époque il n ’existait sur tout le territoire de la commune de la<br />
Salette-Fallavaux aucune route. Le 24 janvier 1847, le conseil municipal avait demandé<br />
qu’on rende carrossable le chemin reliant la commune à Corps et au reste du monde (cf.<br />
LSDA I, p. 2).<br />
98
26 juin 1847 Doc. 200<br />
« Pour ce qui est de la moralité, le mensonge ne peut mener<br />
à un but moral que d ’après les idées de ceux qui ont osé soutenir<br />
que la fin justifie les moyens ; mais tous les hommes droits<br />
devraient s’entendre pour faire rentrer sous terre cette maxime<br />
infernale.<br />
« On crie contre la corruption, plaie hideuse qui ronge le<br />
corps social : y portera-t-on remède en corrompant la religion ?<br />
On s’élève contre la passion des intérêts matériels : la détruira-ton<br />
par l’emploi de moyens qui révèlent un sordide intérêt, par ce<br />
détestable trafic d ’eau et de messes échangées contre l’argent, et,<br />
au besoin, les bijoux que l’on porte ? Ce qui fait penser que si le<br />
Christ venait là, il aurait bien des marchands à chasser du temple.<br />
On tonne contre l’incrédulité, à laquelle on attribue nos [p. 3]<br />
dérèglements ; nous fera-t-on croire, en offrant à notre foi<br />
d ’immorales inepties ?<br />
« Et, enfin, le soulagement du peuple, où se trouve-t-il en<br />
tout cela ? Contemplez le tableau suivant, et jugez : voyez passer<br />
par milliers, des enfants, des jeunes filles, des femmes âgées,<br />
quelques hommes, des infirmes, des malades ; voyez sur leurs<br />
visages l’empreinte ou de la souffrance, ou d’un sombre fanatisme ;<br />
tous, d’un ton lugubre, répètent, en haletant, des litanies. On se<br />
croirait reporté au moyen âge, au milieu d ’une troupe de flagellants.<br />
Cet hiver, ces malheureux trouvaient, dans les montagnes, des<br />
neiges jusqu’à la ceinture : l’un se cassait la jambe dans une<br />
fondrière ; une hydropique, rentrée chez elle, y mourait par suite<br />
de ses fatigues (2). Cet été, pendant le jour, voyez-les couverts de<br />
sueur, étendus le long des chemins ; la nuit, le froid les saisit au<br />
sommet de la montagne, où ils sont obligés de coucher en plein<br />
air. Arrivés à la Salette, des milliers s’y disputent un peu d’eau<br />
bourbeuse à la source épuisée.....<br />
« Ce que leur coûtent le voyage et les offrandes ; le temps<br />
qu’ils perdent ; les travaux, le ménage qu’on néglige ; la santé<br />
que les bien portants compromettent ; la maladie que les infirmes<br />
aggravent, comme cela est arrivé à quelqu’un non loin d’ici, qui<br />
est allé, ayant mal à une jambe, et est revenu ayant mal à toutes<br />
deux ; puis le fanatisme qui s’excite ; les miracles dont ils<br />
remplissent leurs pauvres têtes, tels que l’eau de la Salette changée<br />
en vin ; le grand serpent de feu ayant pieds et mains, et tombant<br />
du ciel sur des mécréants qui plaisantaient une troupe de pèlerins,<br />
et le verre qui s’est cassé dans la main d ’un moqueur : voilà, avec<br />
une bouteille d ’eau, le soulagement qu’ils trouvent à leurs misères,<br />
et le clergé ne dit, ne fait rien pour mettre fin à de pareilles<br />
(2) Lors du pèlerinage du 28 novembre 1846, un homme s’était blessé à la jambe et<br />
une femme, nommée par les récits « l’hydropique du Dévoluy », suspendit à la croix de<br />
l’apparition la petite croix qu’elle portait au cou (cf. LSDA I, p. 160).<br />
99
Doc. 200<br />
<strong>Documents</strong><br />
choses ! Il ne lui suffit pas d ’avoir Notre-Dame du Laus (*), où,<br />
dernièrement, en un seul jour, 42 communes se trouvaient réunies ?<br />
Serait-il tout entier devenu sicut ac cadaver (**) ?<br />
« Pour moi, monsieur le rédacteur, j’ignore ce que vous ferez<br />
de ma lettre, mais j’ai accompli un devoir sacré en dévoilant des<br />
oeuvres de ténèbres ; à d ’autres le soin de les soutenir, s’ils en ont<br />
le courage.<br />
« J’ai l’honneur d ’être etc.<br />
Lundi 28 Juin 1847<br />
« un de vos abonnes »<br />
203. LETTRE DE MGR DE BRUILLARD A L’ABBÉ MÉLIN<br />
Original entièrement de la main de l’évêque : EG 107.<br />
Note. Cette lettre illustre parfaitement les relations empreintes de familiarité,<br />
entre l’évêque de Grenoble et le curé de Corps.<br />
Grenoble, le 28 Juin 1847<br />
Il faut de toute nécessité, mon cher pasteur, que la peine des<br />
porteurs de l’eau privilégiée soit reconnue. Que vous doit Etienne ?<br />
Je suis un p etit consommateur, parce que je la bois avec infusion<br />
d ’un autre liquide. C’est ainsi que je l’ai employée avec succès<br />
dans ma grande tournée.<br />
Je conviens que l’usage inconsidéré qu’en a fait M. Gerin lui<br />
aurait nui s’il n ’avait bu que l’eau des sources profanes (1).<br />
Nos enfants de choeur sont rentrés joyeux et contents.<br />
Maximin, m’a-t-on dit, aurait bien désiré les accompagner (2).<br />
Nous nous concerterons avec Mr le Curé pour vous faire un<br />
envoi (3). Il ne sera pas à l’égal de nos désirs. Il ne me reste<br />
presque rien. J ’ai eu à pourvoir bien des pasteurs appelés<br />
catholiques.<br />
Vos aubergistes doivent être en hausse, et vous en baisse.<br />
Soyez prudent et ne vous endettez pas.<br />
Vérifiez les guérisons, et procès-verbal signé de plusieurs<br />
personnes me sera envoyé.<br />
[verso] Est-il vrai qu’une jeune fille perdue de ses jambes ait<br />
été guérie après avoir trempé ses pieds dans l’eau de la fontaine<br />
(*) Pèlerinage marial situé dans le diocèse de Gap.<br />
(**) Comme un cadavre. Allusion à la formule « perinde ac cadaver », par laquelle<br />
saint Ignace de Loyola exprime l’obéissance parfaite.<br />
(1) Le 26 juin, l’abbé Mélin avait écrit à l’évêque que le curé de la cathédrale, arrivé<br />
à la source de l’apparition « tout écumant de sueur », but plusieurs verres « de cette eau<br />
glaciale » (doc. 201).<br />
(2) Sur le pèlerinage des enfants de chœur de la cathédrale et celui de l'abbé Gerin,<br />
son Annales, novembre 1907, p. 501-503.<br />
(3) Il s’agit d’un envoi de linges sacrés pour la sacristie de l’église de Corps<br />
(cf. doc. 202).<br />
100
28 juin 1847 Doc. 203<br />
ou du ruisseau, et qu’en reconnaissance la mère ait suspendu la<br />
chaîne d’or de sa fille à l’une des croix (4) ?<br />
Deo adjuvante et protegente Dei-parâ (5) j’ai donné, hier<br />
matin, la confirmation dans une paroisse rurale, et après l’office<br />
du soir, à la Cathédrale.<br />
Toujours tout à vous en N.S.<br />
fPHJILIBERT] Evêque de Grenoble<br />
28 juin 1847<br />
A m énagem ent des lieux de L’a ppa ritio n. Le curé de la Salette érige un<br />
chemin de croix le long du chemin parcouru par la Dame. Parmi les quatorze<br />
croix, trois, qui sont plus grandes, marquent l’emplacement de la vision du<br />
début, de la conversation et de l’assomption (*).<br />
Le curé fait placer un tuyau, destiné à recueillir l’eau de la source de<br />
l’apparition (**).<br />
Vendredi 2 juillet 1847<br />
Événem ents. Guérison, à la Salette même, de Sylvie Julien, originaire de<br />
Lincel, Alpes-de-Haute-Provence. Depuis l’âge de huit ans, elle était atteinte<br />
d’une affection nerveuse. Dossier : doc. 224 bis, 229 bis, 232 bis ; cf. Vérité,<br />
p. 143-145 ; GlRAY II, p. 303. Rousselot mentionnera cette guérison dans son<br />
Rapport d’octobre 1847 (doc. 310).<br />
Ce même jour, l’abbé Isidore Mounier (1806-1862), prêtre du diocèse de<br />
Grenoble, interroge les deux voyants sur l’attitude du chien de Maximin pendant<br />
l’apparition (lettre Mounier à Rousselot, 3 octobre 1851, EGD 86, éditée dans<br />
BASSETIE, p. 241-242).<br />
Par une circulaire datée du 2 juillet, l’évêque de Versailles met en garde<br />
contre des écrits « annonçant des visions et proclamant des miracles », qui circulent<br />
dans le diocèse sans aucune approbation de sa part (A m i de la religion, t. 134,<br />
p. 365-366, n° du 12 août 1847).<br />
(4) Le 1" juillet, Mélin répondra à la question : « J’ai vu, il y a 12 ou 15 jours, une<br />
jeune fille marchant avec le parasol de sa mère, qui la tenoit par la main. Elle boitoit<br />
encore ; mais sa mère me dit qu’elle avoit trouvé un grand changement dans l’infirmité de<br />
sa fille. En signe de reconnaissance, la béquille dont elle se servoit a été attachée à l’une<br />
des croix, avec une belle chaîne en or de la mère » (doc. 205). — Il s’agit sans doute de<br />
Louise Almaric, de Saint-Michel, Alpes-de-Haute-Provence, « âgée de vingt-cinq ans,<br />
atteinte de chlorose avec cortège de symptômes nerveux, affectant tantôt l’estomac, tantôt<br />
la tête » (Vérité, p. 145 ; cf. aussi GlRAY II, p. 302). Rousselot mentionnera cette guérison<br />
dans son rapport d ’octobre 1847 (doc. 310, note 29).<br />
(5) Avec l’aide de Dieu et la protection de la Mère de Dieu.<br />
(*) D ’après PERRIN, n° 522, l’érection du chemin de croix eut lieu vers la Saint-Jean<br />
(24 juin). Cependant l’abbé Dombey, dans une lettre écrite à la suite de son pèlerinage<br />
du 27 juillet (doc. 286), parle du chemin de croix comme d ’un projet à réaliser dans<br />
l’avenir ; mais peut-être pense-t-il à un chemin de croix en matière plus noble que de<br />
simples morceaux de bois. En tout cas, l’érection eut lieu avant le 26 août, jour de la<br />
visite de Rousselot (doc. 310, p. 3 = Vérité, p. 37 ; cf. aussi le doc. 256 bis et la lettre de<br />
l’abbé Louis Perrin au Père Bossan, 5 mai 1863, MSG).<br />
(**) Doc. 484 ; doc. 401, p. 81 ; la lettre de l’abbé Louis Perrin (vers 1862-65 ?)<br />
MSG, Perrin, n° 891.<br />
101
Doc. 207<br />
<strong>Documents</strong><br />
Après le 3 juillet 1847<br />
* 207. RÉPONSE DE L’ABBÉ MÉLIN à la lettre de Mgr de<br />
Bruillard, datée du 3 juillet 1847 (doc. 206).<br />
Original (1 f. 30 cm x 20,5) : EGD 57. La signature et la date manquent :<br />
elles devaient figurer sur une feuille perdue. — Extraits dans Annales, septembre<br />
1907, p. 441-442 ; mars 1910, p. 314 ; Ba ssetie, p. 71-72.<br />
Note. L’évêque avait demandé des renseignements sur les guérisons attribuées<br />
par le chanoine Bez (doc. 184) à l’eau de la Salette.<br />
Monseigneur,<br />
Je remercie Votre Grandeur de la somme de 30 fr qu’elle a<br />
mise à ma disposition, pour les pauvres, par sa lettre du 3 juillet ;<br />
ce qui touche au bonheur de mes paroissiens, m ’est toujours bien<br />
précieux. Je les ferai prendre à la première occasion.<br />
Les guérisons attribuées à l’eau de la Salette, dans la brochure<br />
de Mr Bez, sont vraies, mais un peu chargées, dans certaines<br />
circonstances. Je ne parle que de celles qui sont arrivées sur les<br />
lieux ; les autres relatées dans le même ouvrage, qui se sont opérées<br />
au loin, me sont inconnues, à l’exception de celle, si extraordinaire,<br />
de la bonne Sœur hospitalière d ’Avignon, dont j’ai eu l’honneur<br />
d ’informer Sa Grandeur (1).<br />
Les témoignages auxquels Monseigneur doit le plus s’arrêter<br />
sont ceux des personnes, venues sur les lieux de l’événement.<br />
Plusieurs déjà ont passé devant Votre Grandeur, pour lui faire<br />
part de leurs impressions de voyages, de leurs sentiments de piété<br />
et de confiance pour la Ste montagne ; de leurs convictions prises<br />
sur le théâtre du prodige, par l’inspection des lieux, l’audition<br />
des témoins. C’est là, Monseigneur, cette uniformité dans l’esprit,<br />
l’âme, le cœur des pèlerins de tout rang, de tout sexe et de tout<br />
pays qui m ’a le plus frappé ; et je suis sûr, que Votre Grandeur,<br />
après un sentiment de surprise, en a été ravie et heureuse de<br />
bonheur.<br />
[verso] Les travaux des champs n ’ont pas arrêté le pèlerinage<br />
de la Salette ; je ne crois pas qu’il y ait un tel concours dans<br />
aucun sanctuaire à Marie, ni dans le diocèse, ni dans les environs.<br />
Cette gorge est traversée, tous les jours, par un grand nombre de<br />
personnes, qui débouchent sur la montagne, avec d ’autres pèlerins,<br />
qui y arrivent par plusieurs avenues. On y prie, on y chante, on y<br />
pleure, à chaque heure du jour.<br />
Nous venons d ’avoir une preuve évidente de l’heureuse<br />
influence de l’Apparition dans toute la contrée. St-Jean des<br />
Vertus (2), pèlerinage de foi et de miracles, comme semble 1<br />
102<br />
(1) Par une lettre datée du 29 avril (doc. 146).<br />
(2) Le nom officiel de la commune est « Côtes-de-Corps ».
19 juillet 1847 Doc. 213<br />
l’indiquer son nom, étoit chaque année témoin de désordres et de<br />
scandales, pour sa fête patron»ale, 24 juin. Cette année elle s’est<br />
célébrée très-religieusement, sans le moindre bruit, et il y avoit<br />
beaucoup plus de monde, sur la montagne, qu’à St-Jean. Ils y<br />
étoient allés pour se soustraire au désordre et pour prier.<br />
Restoit la St-Pierre (3), de si triste et de si célèbre mémoire<br />
pour la danse, l’ivrognerie, le bruit assourdissant des instruments,<br />
et le jour et la nuit, et la veille'et le lendemain. Cette année,<br />
tout s’est passé à l’Eglise ; pas un seul coup d ’archet n ’a été<br />
entendu ; inutile d’ajouter que pas une seule personne n’a dansé.<br />
Ce qui m’a le plus touché, c’est la joie où ils étoient tous d ’avoir<br />
bien fait ce jour-là ; c’étoit pour moi une preuve que leur conduite<br />
étoit basée sur la conviction la plus profonde, et qu’elle seroit de<br />
longue durée ; Dieu le veuille et que Marie nous soit en aide !<br />
9-10 juillet 1847<br />
ÉVÉNEMENTS. Début de la campagne des banquets, qui aboutira au renversement<br />
de la Monarchie de juillet. — A la Salette, guérison de Paul Reynier, de<br />
Forcalquier, Alpes-de-Haute-Provence. Agé de cinquante-cinq ans, perclus depuis<br />
vingt-quatre ans, ayant une tumeur à la hanche droite, il ne marchait que<br />
péniblement, avec le secours d’une béquille. Dossier : EG 38 et 119 ; Vérité,<br />
p. 145-146 ; G iray II, p. 302-303. La date du 9-10 juillet est celle indiquée par<br />
Giray. Selon Rousselot, la guérison aurait eu lieu le 9 juin précédent.<br />
Lundi 19 juillet 1847<br />
213. ORDONNANCE DE MGR DE BRUILLARD, nommant les<br />
chanoines Rousselot et Orcel commissaires délégués<br />
Brouillon de la main de l’abbé Chamard, secrétaire de l’évêché : EG 137.<br />
— Minute dans le registre EG « Actes officiels », 1844-1852, p. 123. — Expédition<br />
signée par l’évêque, écrite et contresignée par l’abbé Chamard (1 f. 28 cm x<br />
19,5) : EGD 58. — Publiée dans les Nouveaux documents, p. 18-20.<br />
Note. Cette ordonnance est le premier acte officiel de l’autorité diocésaine<br />
depuis les consultations de décembre 1846. L’expédition porte la date du 19<br />
juillet. L’après-midi de ce jour, Mgr de Bruillard avait reçu la visite de Mgr<br />
Villecourt, évêque de la Rochelle (VlLLECOURT, p. 80), qui avait des connaissances<br />
sur la procédure canonique en matière de reliques et de miracles. — Partis de<br />
Grenoble le 27 juillet, les deux enquêteurs parcoururent neuf diocèses du sudest.<br />
Ils visitèrent les lieux de l’apparition le 26 août et rentrèrent à Grenoble<br />
avant la fin du mois (doc. 310, p. 1-2 = Vérité, p. 34-35).<br />
Selon J.-P. Cartellier, l’évêque aurait choisi des commissaires délégués<br />
« croyant l’un et l’autre à la Salette » ; les commissaires se seraient contentés de<br />
(3) Il s’agit de la fête patronale de Corps et non pas de la commune de Saint-Pierrede-Méarotz,<br />
comme l’écrit à tort BASSETTE, p. 71-72.<br />
103
Doc. 213<br />
<strong>Documents</strong><br />
recueillir sur les guérisons dites miraculeuses « des renseignements toujours<br />
favorables » (Mémoire au pape, p. 33), Commentant ces assertions, Orcel observe<br />
à propos de la première « faux pour l’un du moins » (au moment de sa<br />
nomination, Orcel ne croyait pas encore à l’apparition) et à propos de la seconde :<br />
« Inexact : nous entendions ce que nous disaient les témoins, et plus d’un fait<br />
fut laissé de côté sur ce qui nous fut rapporté dans notre voyage » (Notes<br />
autographes d’Orcel sur le Mémoire au pape, p. [4-5], EG 35).<br />
Pierre-Joseph Rousselot. Né le 17 avril 1785 au Barboux (Doubs), il émigra<br />
avec sa famille vers la fin de 1792 en Suisse. L’année suivante il entra à l’école<br />
du monastère de la Val-Sainte (canton de Fribourg), tenue par les trappistes de<br />
Dom de Lestrange. Il accompagna les religieux dans leurs pérégrinations, ce qui<br />
le mena jusqu’en Ukraine. Après avoir été obligé de quitter la communauté en<br />
raison de la situation politique, il entra en 1811 dans le diocèse de Grenoble.<br />
Prêtre en septembre 1813, il enseigna au grand séminaire le dogme, de Pâques<br />
1813 — il n’était encore que diacre — à 1831, puis la morale jusqu’en 1855.<br />
Mgr de Bruillard le nomma chanoine titulaire en 1833. A partir de l’été 1847,<br />
Rousselot fut le principal conseiller de l’évêque pour tout ce qui regardait la<br />
Salette, enquêtes et fondation du pèlerinage. Il moumt le 12 août 1865 (cf. A.<br />
A uvergne, Vie de M. Rousselot, Grenoble 1866).<br />
Jacques-Philippe Orcel. Né à Dolomieu (canton de la Tour-du-Pin) le 1"<br />
mai 1805, prêtre en 1830, il fut affecté la même année comme professeur de<br />
philosophie au petit séminaire du Rondeau près de Grenoble et devint supérieur<br />
du grand séminaire en 1837, à l’âge de trente-deux ans. En décembre 1846, on<br />
rencontre pour la première fois son nom à propos de la Salette : c’est lui qui<br />
rédigea le rapport des professeurs du grand séminaire (doc. 49). Vicaire général<br />
sous les deux successeurs de Mgr de Bruillard, de 1853 à 1875, il remplit la<br />
charge de vicaire capitulaire lors de la vacance de siège consécutive au transfert<br />
de Mgr Ginoulhiac à Lyon, en 1870. Il mourut le 24 septembre 1878 (cf.<br />
Saillard, Vie de M. Jacques-Philippe Orcel, Grenoble 1879).<br />
Ci-dessous, nous reproduisons l’expédition (EGD 58). Les variantes du<br />
brouillon seront signalées en note, quand elles concernent le sens.<br />
PHILIBERT DE B r u il l a r d, par la miséricorde divine et la grâce<br />
du Saint-Sïège apostolique, Evêque de Grenoble.<br />
Vu les deux rapports qui nous ont été adressés l’hiver dernier<br />
par les deux commissions nommées par nous à cet effet, sur<br />
l’apparition de la S" Vierge à deux jeunes bergers de la paroisse<br />
de La Sal/ette, canton de Corps (1) ;<br />
Vu les immenses progrès qu’a fait cet événement dans<br />
l’opinion publique, soit aux environs du lieu dont il s’agit, soit<br />
dans les diocèses voisins et une grande partie de la France ; 1<br />
(1) Rapport des professeurs du grand séminaire et rapport des chanoines (doc. 49 et<br />
50).<br />
104
19 juillet 1847 Doc. 217<br />
Vu les procès-verbaux (2) qui nous ont été transmis (3) au<br />
sujet de beaucoup de guérisons ou étonnantes ou miraculeuses,<br />
opérées soit sur la montagne, soit ailleurs, par l’usage de l’eau de<br />
la fontaine (4) qui l’arrose ;<br />
Vu les demandes que nous recevons chaque jour de toutes<br />
parts, à l’effet d’obtenir de nous une décision sur l’événement ;<br />
Vu la conviction qu’ont éprouvée un grand nombre de<br />
personnes, prêtres et laïques, qui sont venues nous en faire part,<br />
après avoir visité les lieux et entendu les enfants, sans compter les<br />
milliers de pèlerins [verso] que nous n’avons point vus, et qui<br />
partagent la même opinion ;<br />
Considérant qu’il est de notre devoir de faire prendre des<br />
informations juridiques, tant à Corps et à La Salette, que dans les<br />
lieux où il n ’est bruit que de guérisons miraculeuses ;<br />
Nous avons nommé M. l’abbé Rousselot, professeur de<br />
théologie à notre grand séminaire, chanoine de notre cathédrale<br />
et vicaire général hon[orai]re, et M. Orcel, chanoine aux honneurs<br />
et supérieur dudit établissement, en qualité de commissaires<br />
délégués pour dresser une enquête et recueillir tous les renseignements<br />
relatifs au fait dont il s’agit. Nous les engageons à s’adjoindre<br />
les prêtres et laïques dont ils croiront la présence utile pour parvenir<br />
à la connaissance de la vérité. Ils requerront d ’une manière toute<br />
particulière l’avis des médecins qui auront traité les malades que<br />
l’on dit avoir obtenu leur guérison par l’invocation de Notre-<br />
Dame de la Salette, ou par l’usage de l’eau (5) miraculeuse.<br />
Donné à Grenoble, en notre palais épiscopal, le 19 juillet<br />
1847 (6).<br />
tPHILIBERT, Evêque de Grenoble<br />
Par M an d em en t<br />
F .F [?] CHAMARD ch an ' h r' Sre<br />
217. RELATIONS MANIN<br />
Relations inscrites par l’abbé Manin sur le « Registre de paroisse » du<br />
Monestier-d’Ambel, canton de Corps, p. 31-54 (ou 55) : registre relié en plein<br />
cuir, de 291 pages (d’après A. Beaup, Les sanctuaires du Trièves, Marseille, impr.<br />
(2) Le terme « procès-verbaux » est trop ambitieux pour désigner le style des informations<br />
reçues à l’évêché avant la mi-juillet. Dans le brouillon, une addition interlinéaire l’a<br />
remplacé par « touchants détails ». Cette correction n ’a pas passé dans l’expédition, sans<br />
doute par suite d’une distraction du copiste.<br />
(3) Dans le brouillon, on lit le mot « communiqués », qui est une addition interlinéaire,<br />
destinée à remplacer le mot « adressés », qui est inexart : les divers renseignements sur les<br />
guérisons n ’avaient en effet pas été envoyés directement à l’évêque.<br />
(4) Les mots « de la fontaine » recouvrent d'autres mots, probablement « du ruisseau »,<br />
qu’on iit dans le brouillon.<br />
(5) Le brouillon ajoute ici « dite ».<br />
(6) Le brouillon est daté du 18 juillet 1847 et non pas du 19-<br />
103
Doc. 217<br />
<strong>Documents</strong><br />
A. Robert, 1980, et d’après des notes de M. Élie Blanchard, du Monestierd’Ambel).<br />
— Copie faite en 1862 par le Père Bossan : Relations, n° 625-718.<br />
Michel Manin. Né au Bourg-d’Oisans le 4 septembre 1810, prêtre en 1834,<br />
il succéda le 1er octobre 1846 comme curé du Monestier-d’Ambel à l’abbé Louis<br />
Perrin, transféré à la Salette. Démissionnaire en 1892, il mourut le 23 juin 1906.<br />
Contenu. 1) Récit du début de l’apparition ; 2) relation Eymery (doc. 15) ;<br />
3) relation Dumanoir (doc. 124) d’après B ez ; 4 ) récits de Maximin et de Mélanie<br />
(doc. 163) d’après Bez ; 5) relation avec le patois de Corps. — Bossan a copié<br />
seulement le récit du début, la relation Eymery et la dernière relation.<br />
Note critique. A en juger d’après sa copie de la relation Eymery, Manin<br />
prend parfois des libertés avec le texte. Dans sa relation avec le patois, très proche<br />
quant à la construction et quant au sens des relations Bez et Lambert, le récit de<br />
Maximin et celui de Mélanie ne se distinguent qu’au point de vue quantitatif.<br />
Or on sait qu’en réalité chaque enfant utilisait certaines expressions qui lui<br />
étaient propres (voir en particulier le doc. 175). La date qu’on lit à la fin de<br />
cette relation (19 juillet 1847), indique vraisemblablement le jour où elle fut<br />
couchée dans le registre et non celui où Manin l’aurait entendu donner de vive<br />
voix.<br />
Mercredi 21 juillet 1847<br />
Événem ents. Pèlerinage de Mgr Villecourt, évêque de la Rochelle. Mgr<br />
Villecourt arrive à Corps vers trois heures et demi du matin, par la diligence<br />
Grenoble-Gap. En l’absence de l’abbé Mélin, il est reçu par l’abbé Chenavaz,<br />
vicaire, qui le mène au couvent des Soeurs de la Providence, où se trouvent les<br />
deux voyants. On les réveille non sans peine, en ce qui concerne Maximin tout<br />
au moins ; il « descend en geignant le rude escalier qui faisait communiquer son<br />
petit réduit avec la porte du couvent » (souvenirs d’une petite-nièce de Sœur<br />
Sain te-Valérie, dans Annales, mars 1911, p. 691). Il n’est pas encore cinq heures,<br />
quand Monseigneur se met en route pour la Salette, accompagné de son ami,<br />
l’abbé Latta, aumônier des Bénédictines de Pradines près de Saint-Symphoriende-Laye<br />
(Loire), d’un domestique, du peintre Jules Guédy, qu’il avait amené de<br />
Grenoble, et des deux enfants. Divers pèlerins se joignent à eux : un curé du<br />
diocèse de Valence, prêtre d’un âge avancé, une dame de Savoie, un jeune<br />
homme d’Angers, quelques ecclésiastiques et des habitants des environs. Au<br />
village de la Salette, l’évêque est salué par le curé. L’abbé Perrin lui montre ses<br />
notes et des bijoux laissés en ex-voto. Le maire de la commune se joint à la<br />
caravane.<br />
Arrivés aux lieux de l’apparition, les pèlerins se reposent sous quelques abris<br />
de planches, puis entendent le récit des enfants, qui se placent « à l’endroit<br />
même où ils se trouvaient pendant l’entretien que la Sainte Vierge avait avec<br />
eux » (VILLECOURT, p. 108). L’abbé Latta demande à Maximin de révéler son<br />
secret à l’évêque, mais l’enfant refuse et l’évêque l’en félicite. Mgr Villecourt<br />
fait ensuite une brève exhortation aux personnes présentes, leur disant que,<br />
« quand la Reine du Ciel daignait se montrer aux habitants de la terre, c’était<br />
toujours dans des vues de miséricorde » (ibidem , p. 111).<br />
Pendant la descente, on s’arrête de nouveau au presbytère de la Salette.<br />
Maximin profite de la halte pour grimper dans le clocher et s’asseoir à califourchon<br />
sur le joug d’une cloche, se laissant balancer pendant qu’on la sonne.<br />
106
27 juillet 1847 Doc. 217<br />
Entre la Salette' et Corps, le groupe rencontre le charron Giraud. Le<br />
domestique de Mgr Villecourt reste quelque temps avec lui, pour l’interroger sur<br />
l’épisode de la terre du Coin. Après une visite au couvent des Soeurs de la<br />
Providence et de nouvelles instances auprès de Maximin pour qu’il consente à<br />
livrer son secret, l’évêque et sa suite vont au presbytère, où Maximin raconte<br />
« avec sa naïveté ordinaire, les voyages que l’on avait fait faire aux vêtements<br />
qu’il portait le jour de l'apparition » (ibidem , p. 132) (*). Pendant le souper,<br />
Monseigneur interroge les ecclésiastiques du canton sur la situation spirituelle de<br />
leurs paroisses. On lui répond que, cette année, un nombre très élevé de fidèles<br />
avaient fait leurs piques. Monseigneur Villecourt repart de Corps vers dix heures<br />
du soir, par la diligence, qui le ramènera à Grenoble (doc. 2 1 9 , 223 ; VILLECOURT,<br />
en particulier p. 85, 9 0 -9 2 , 100, 107-1 0 8 , 116-117, 128-129, 132).<br />
Dans les notes de Dom Jean-de-la-Croix Dufaître (1 8 3 6 -1 9 1 3 ), moine de la<br />
Grande Chartreuse, on lit le détail suivant : « Mgr de [r/c] Villecourt a été jusqu’à<br />
se mettre à genoux devant Mélanie pour lui baiser les pieds » (Notes sur Maximin,<br />
postérieures à son décès. Archives de la Grande Chartreuse). — A notre avis, il<br />
est possible que certaines personnes aient posé un tel geste, mais il est tout à fait<br />
invraisemblable que Mgr Villecourt ait fait partie de leur nombre : à plusieurs<br />
reprises, en effet, et dès avant sa première rencontre avec les enfants, celui-ci<br />
met en garde contre ce qui risquerait de nuire à leur humilité (doc. 140, 223 ;<br />
V illecourt, p. 5 3-54).<br />
Mardi 27 juillet 1847<br />
ÉVÉNEMENTS. Pèlerinage de M. Dupont, « le saint homme de Tours »,<br />
accompagné d’un ami, l’abbé Dombey, vicaire à Corbelin. Ils trouvent sur la<br />
montagne les deux voyants et une soixantaine de visiteurs, parmi lesquels un<br />
missionnaire du diocèse de Saint-Claude et un curé de Grenoble, opposant à<br />
l’apparition : l’abbé J.-P. Cartellier (1). Les pèlerins ayant demandé au missionnaire<br />
de prêcher, l’opposant objecte que Monseigneur l’a défendu. On se met<br />
alors à prier. L’opposant, qui a commencé par demeurer debout, finit par se<br />
mettre à genoux, comme tout le monde. M. Dupont insiste auprès de Mélanie<br />
pour savoir comment la Vierge tenait ses mains. « Elles étaient com plètem ent<br />
cachées dans ses manches », répond Mélanie, « en faisant un geste significatif » (2).<br />
M. Dupont rapporte encore un autre mot de Mélanie. « Après le récit de la<br />
petite bergère, l'opposant terminait ses objections en disant : « On ne com prend<br />
rien à tou t cela », et Mélanie de répondre : « Monsieur, comprenez-vous les *1<br />
(*) Houzelot prétendra plus tard que ce passage le concerne : « Maximin lui [i.e. Mgr<br />
Villecourt] raconta quelque chose relativement à ses vêtements qui m’est personnel, et qui<br />
se trouve mentionné dans mes lettres (voir l’ouvrage de Mgr l’évêque de la Rochelle<br />
page 132) » (lettre de Houzelot à Rousselot, finie le 3 janvier 1850, EG 136, p. 1) ; cf.<br />
doc. 135, p. 7 ; 136 bis, p. 10-11.<br />
(1) Ce nom est mentionné explicitement par Dombey dans une lettre du 16 janvier<br />
1879 au chanoine Janvier, biographe de M. Dupont (Tours SF, B19). Les autres documents<br />
décrivant l’épisode parlent seulement d’un curé de Grenoble, mais l’attitude qu’ils<br />
attribuent à celui-ci concorde tout à fait avec ce que nous savons, par ailleurs, de la position<br />
de J.-P. Cartellier à l’égard de l’apparition. Dans sa Réponse à la Vérité de Rousselot,<br />
Cartellier indique seulement qu’il visita la Salette avant les Conférences de novembredécembre<br />
à l’évêché, sans préciser le jour ni même le mois (Réponse, p. 51).<br />
(2) Vie de M.D. vol. I, p. 160 ; cf. aussi, J .-B. FOURAULT, Entretiens spirituels de M.<br />
Dupont, Tours, A. Cattier (imprimatur : 1900), p. 213.<br />
107
Doc. 223<br />
<strong>Documents</strong><br />
mystères ? — C e st soufflé, s'écrie le monsieur. — D ites plutôt, reprit M. Dupont,<br />
que c'est inspiré » (3). — M. Dupont repartit de Corps le lendemain (4).<br />
Mercredi 28 juillet 1847<br />
223. LETTRE DE MGR VILLECOURT, évêque de la Rochelle, à<br />
l’abbé Mélin<br />
Original (3 p. 22 cm x 14) : EG 70. — Editée dans Annales, juillet 1907,<br />
p. 372-375.<br />
Note. Cette lettre est le plus ancien document sur les impressions retirées<br />
par Mgr Villecourt de son pèlerinage. Elle comporte de nombreuses abréviations<br />
(vs pour vous, q pour que, etc). Nous avons complété les mots sans recourir aux<br />
crochets habituels [] : leur trop grand nombre aurait gêné la lisibilité du texte.<br />
Monsieur et digne Archiprêtre,<br />
St-Rambert [...] 28 juillet 1847.<br />
Je ne saurais vous exprimer toute la peine que j’ai ressentie,<br />
en apprenant votre absence de Corps, quand j’y arrivai. [...] On<br />
vous aura dit que Maximin m’avait témoigné une affection toute<br />
filiale ; j’y ai été bien sensible, et mon cœur le lui a bien rendu ;<br />
Mélanie devait être moins démonstrative ; mais elle s’est montrée<br />
tout ce qu’elle pouvait et devait être. Monseigneur m ’avait donné<br />
l’hospitalité à mon passage à Grenoble ; un jour plus tard, j’aurais<br />
été privé de sa présence comme j’ai été privé de la vôtre. Il m ’a<br />
parlé de sa conviction, et m ’avait dit en particulier de vous bien<br />
recommander l’attention et l’annotation pour tous les faits de<br />
quelqu’importance. Je lui ai laissé entrevoir ma surprise de ce que<br />
l’autorité ecclésiastique n ’avait encore rien fait pour donner de<br />
l’authenticité à un des événements les plus extraordinaires. Il<br />
semble désirer agir désormais ; mais il a auprès de lui un personnage<br />
qui fera tout pour l’arrêter (1). En lui annonçant mon arrivée à<br />
Grenoble, je lui écrivis que j’avais prêché tous les jours l’apparition<br />
de la Sainte Vierge pendant six semaines qu’avait duré ma tournée<br />
diocésaine. Je sais bien qu’il faut de la prudence quand il est<br />
question de publier les faits miraculeux ; mais cette prudence doit<br />
avoir ses bornes, et quand il en est temps, il ne faut plus<br />
méconnaître cet avertissement de l’Esprit-Saint : exalta ut tuba<br />
vocem tuam (2). Peut-être ne feriez-vous pas mal d ’écrire à<br />
Monseigneur qu’il serait temps de lever, au moins en partie, la 1<br />
(3) Vie de M.D. vol. I, p. 161 ; cf. aussi les doc. 231 bis et 367.<br />
(4) Autres documents concernant le pèlerinage de M. Dupont : doc. 236, 268, 286 ;<br />
Vie de M.D. I, p. 159-163 ; II, p. 282.<br />
(1) Le vicaire général Berthier. — Rappelons que l'ordonnance instituant des<br />
commissaires délégués (doc. 213) porte la date du 19 juillet, jour où Mgr de Bruillard<br />
reçut la visite de l’évêque de la Rochelle.<br />
(2) « Elève ta voix comme le cor » (Isaïe, 58, 1).<br />
108
5 août 1847 Doc. 228<br />
rigueur d ’une défense qui me paraît bien étendue (3). On lui<br />
saurait gré aussi de faire paraître quelque chose qui énonçât au<br />
moins une disposition favorable à l’égard d’un événement qui<br />
pourra insensiblement perdre de son intérêt, s’il n ’est réveillé par<br />
la parole du premier pasteur. Quant à moi, j’ai parlé, et je parlerai<br />
encore : credidi, propter quod locutus sum (4). Vos deux petits<br />
enfants m ’intéressent à un point inexprimable. Puissent-[ils] se<br />
conserver dans la simplicité et l’humilité. Les témoignages de<br />
bienveillance dont ils seront de plus en plus l’objet, leur seraient<br />
bien funestes s’ils n ’ont pas au centuple une provision de modestie.<br />
Après l’apparition de la Sainte Vierge à Rome, M. de Ratisbonne<br />
s’est confiné chez les Jésuites qui ne l’ont presque plus laissé voir<br />
de peur de faire évaporer [p. 2] le parfum de ferveur qui l’avait<br />
embaumé (5). Il est vrai que les enfants sont dans un cas un peu<br />
différent, puisqu’ils ont reçu mission de parler, et avec elle une<br />
grâce spéciale, je n ’en doute pas, pour se défendre de l’amour<br />
propre. Il peut se faire d’ailleurs (et cette pensée me poursuit sans<br />
cesse,) que le ciel n ’ait pas en vue de prolonger long-temps leur<br />
carrière, de peur que l’iniquité du siècle ne vienne porter atteinte<br />
à leur âme. Et qui sait si ce n ’est pas là le secret qui leur a été<br />
confié, comme quelques personnes le pensent de Mlle Marie<br />
Ardouin de Nantes à qui la Sainte Vierge apparut en 1840 [...].<br />
Grand nombre d’ecclésiastiques m ’ont engagé à écrire moi-même<br />
une relation de l’événement qui m ’a attiré dans vos contrées. Je<br />
m ’y prêterai volontiers si le Seigneur me fait connaître à cet égard<br />
sa volonté, bien qu’une infinité d ’autres ou l’aient fait, ou puissent<br />
encore le faire plus parfaitement ; mais je comprends que le nom<br />
d ’un Evêque puisse être ici d’une grande importance [...(p. 3)...]<br />
t Clément év' de la RUc<br />
J ’ai écrit cette lettre à S. Rambert (Ain) [...]<br />
Jeudi 5 août 1847<br />
228. RELATION MARMONNIER<br />
Autographe de Marmonnier au crayon (1 f. 20,5 cm x 15,2) : MSG. —<br />
Autographe du même à l’encre (1 f 25 cm x 15,5) : MSG. — Imprimé avec<br />
une traduction interlinéaire du passage en patois dans J.-A. Ma r m o n n ie r,<br />
Triomphe de la Salette, Paris, A. Le Clère et cie, 1856, p. 21-27.<br />
Joseph-Antoine Marmonnier, 1803-1883, originaire de Succieu, canton de<br />
Bourgoin, était en 1847 curé de Monteynard, canton de la Mure. Il avait succédé<br />
(3) Par sa circulaire du 9 octobre 1846 (doc. 3), l’évêque de Grenoble avait interdit de<br />
prêcher sur l’apparition ; il n’avait cependant pas défendu aux prêtres de monter à la<br />
Salette en pèlerinage.<br />
(4) «J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé » (Ps. 116, 10 et II Cor. 4, 13).<br />
(5) Alphonse Ratisbonne s’était converti à Rome le 20 janvier 1842, à la suite d’une<br />
apparition de la Vierge.<br />
109
Doc. 228<br />
<strong>Documents</strong><br />
dans ce poste à saint Pierre-Julien Eymard. On le considérait à l’évêché comme<br />
un prêtre rempli de bonne volonté, mais un peu naïf (cf. EG, liasse non<br />
numérotée).<br />
Contenu : « Discours de la belle Dame dicté par Mélanie Mathieu à J.A.<br />
Marmonnier, sur le lieu même de l’apparition, en présence de trois prêtres, de<br />
cinq laïcs et du petit Maximin Giraud, le 5 août 1847 » (Triomphe... p. 21). Le<br />
texte ressemble fort à celui de la relation Lambert (doc. 175).<br />
Lundi 9 août 1847<br />
231 et 231 bis. LETTRES DE M. DUPONT, « le saint homme de<br />
Tours », à un de ses amis (doc. 231) et à l’abbé Le Pailleur<br />
(doc. 231 bis)<br />
Doc. 231, dans la Voix de l'Église, 1“ septembre 1847, p. 90-91. — Copie<br />
du doc. 231 bis : Tours SF, A 12 bis.<br />
Note. La lettre diffusée par la Voix de l'Église (doc. 231) rencontra sans<br />
aucun doute la sympathie de tous ceux qui attendaient avec impatience<br />
que l’autorité compétente se prononce. Elle dut également susciter, par son<br />
enthousiasme, des réactions de méfiance : on songe notamment au cardinal de<br />
Bonald, qui, s’il eut connaissance de cette lettre, ne se reconnut certainement<br />
pas dans l’attitude qu’elle lui attribuait. — La lettre adressée à l’abbé Le Pailleur<br />
(doc. 231 bis), ecclésiastique qui fut mêlé à la fondation des Petites Sœurs des<br />
Pauvres (il se fit passer pour le fondateur), présente un contenu à peu près<br />
identique, avec cependant un détail supplémentaire sur le pèlerinage du 27<br />
juillet : M. Dupont assista sur la montagne à « une scène des plus concluantes<br />
entre Mélanie et un prêtre qui ne croyait pas » (*).<br />
Ci-dessous nous reproduisons le document 231.<br />
Monsieur et cher ami,<br />
Tours, 9 août 1847<br />
Je suis arrivé avant-hier de mon béni pèlerinage. Voici, en<br />
substance, où en est l’affaire de la Salette ; vous pouvez le dire à<br />
M. l’abbé Mathieu (1), pour qu’il s’en réjouisse avec vous en<br />
Notre-Seigneur Jésus-Christ aux pieds de Marie.<br />
[p. 91] Mgr de Grenoble, guéri par l’eau de la sainte fontaine<br />
d ’un tic douloureux dont il souffrait depuis nombre d’années,<br />
permet que le saint sacrifice de la messe soit célébré sur la glorieuse<br />
montagne, le jour anniversaire de l’inneffable apparition. Mr<br />
l’abbé Combalot a obtenu l’honneur de porter la parole de Dieu,<br />
ce même jour, 19 septembre, à la foule qui doit se présenter sur<br />
la montagne (2). 1<br />
(*) Le doc 231 bis ne contient rien d ’autre sur cet épisode. Nous avons donné supra,<br />
p. 107-108, des renseignements complémentaires.<br />
(1) Directeur de la Voix de l'Église.<br />
(2) Théodore Combalot, 1796-1873, prédicateur originaire du diocèse de Grenoble.<br />
En fait, il ne vint pas à la Salette pour l’anniversaire de l’apparition.<br />
110
9 août 1847 Doc. 231<br />
Ces jours derniers, M. le curé de Corps m ’a dit qu’il avait<br />
déjà avis de plus de vingt mille pèlerins ; mais, suivant le calcul<br />
de trèis-hauts personnages de Grenoble, le nombre des pèlerins<br />
sera trois fois plus grand. On va disposer assez d’autels portatifs<br />
pour que cinquante prêtres puissent dire la messe et donner la<br />
sainte Communion à cette immense foule.<br />
Mgr de Grenoble a reçu cent mille francs pour l’érection<br />
d ’une église (3). Plusieurs personnes demandent qu’elle soit dédiée<br />
au très-saint nom de Dieu, pour entrer dans la pensée de la trèssainte<br />
Vierge.<br />
J ’ai passé une journée tout entière avec M. le supérieur du<br />
grand séminaire, il y a quinze jours, à Grenoble, la veille de son<br />
départ, dans la compagnie d’un grand vicaire, pour Avignon et<br />
lieux circonvoisins (4). Ces Messieurs, munis de pleins pouvoirs,<br />
vont constater les miracles opérés en divers lieux, et leur mission<br />
se terminera par la consta[ta]tion de l’existence miraculeuse de la<br />
fontaine dont les eaux ont déjà fait tant de prodiges. Et qui<br />
pourrait dire, après avoir fait l’ascension de la Salette, que cette<br />
eau, si bienfaisante en tant d ’autres contrées, n ’est pas miraculeuse<br />
à la source même ?... Après quatre heures de marche, on arrive,<br />
et il est inutile de dire en quel état de fatigue et de transpiration.<br />
Eh bien ! deux ou trois verres d ’eau froide, qui, partout ailleurs,<br />
occasionneraient une fluxion de poitrine, produisent à la Salette<br />
deux effets tout opposés : la fatigue disparaît, et, au même instant,<br />
le linge est sec sur le corps. Tous les jours, ce double miracle se<br />
fait voir sur un nombre plus ou moins grand de pèlerins.<br />
Le pays tout entier de la Salette et de Corps doit sa conversion,<br />
si entière et si visible, à la survenance de cette fontaine à une<br />
époque où jamais il n ’y avait d ’eau.<br />
Mgr Villecourt, Evêque de la Rochelle, se trouvait à la Salette<br />
la surveille de notre arrivée à Corps. Sa Grandeur a fait le<br />
pèlerinage à pied, avec toutes les plus grandes démonstrations de<br />
foi, dans la compagnie des deux enfants. De retour à Lyon, Mgr<br />
Villecourt est monté en chaire dans deux églises, et a parlé d’une<br />
manière non douteuse de l’apparition.<br />
A Lyon, peu de jours avant, la guérison d ’une personne,<br />
retenue par une paralysie de la jambe, a donné conviction à Mgr<br />
l’Archevêque, qui la connaissait et allait la voir souvent.<br />
Je me suis trouvé sur la montagne avec M. l’abbé Roval,<br />
grand vicaire de Perpignan. Il n ’y était point pour acquérir la foi,<br />
mais pour jouir de la présence des enfants et remercier Marie. Il<br />
(3) Nous n ’avons trouvé aucun autre témoignage au sujet d ’un tel don.<br />
(4) Rappelons que les chanoines Orcel et Rousselot quittèrent Grenoble le 27 juillet<br />
(cf. l’introduction au doc. 213) et que le pèlerinage de M. Dupont date du même jour.<br />
111
Doc. 231<br />
<strong>Documents</strong><br />
avait été témoin d ’un miracle obtenu par l’eau de la fontaine,<br />
etc., etc., etc.<br />
Tout ceci est positif, mon cher ami, et il y a lieu de penser<br />
que, dans un avenir fort rapproché, il y aura un grand coup de<br />
porté (à l’impiété)...<br />
A l’occasion, je vous expliquerai les motifs qui m ’engagent à<br />
vous prier de vous occuper, autant que vous le pourrez, et comme<br />
d ’une affaire de la plus haute importance, de faire une quête<br />
parmi les personnes riches, pour faciliter au digne curé de Corps<br />
l’exécution du projet d ’établissement de frères dans sa paroisse (5).<br />
Adressez-lui ce que vous pourrez...<br />
Vendredi 15 août 1847<br />
D u p o n t<br />
234. LETTRE DE MGR FRANÇOIS CART, évêque de Nîmes, à<br />
Mgr de Bruillard<br />
Original (4 p. 21,5 cm x 14) : EGD 47.<br />
Objet. L’abbé Lambert a demandé à Mgr Cart l’autorisation de publier le<br />
fruit de son enquête à Corps. Dans sa lettre, l’évêque rappelle que Rousselot et<br />
Orcel, de passage à Nîmes, ont « trouvé ce procès verbal assez bien et le plus<br />
complet de tous ceux qui ont paru, quoique un peu sec parce que l’auteur ne<br />
fait qu’exposer en quelque sorte les pièces du procès, sans faire aucune réflexion,<br />
ni indiquer son jugement ». Mgr Cart, pasteur d’un diocèse sur le territoire<br />
duquel la présence protestante est particulièrement importante, a conseillé au<br />
prêtre de s’abstenir de livrer son manuscrit à l’impression, parce qu’il n’y a pas<br />
lieu de « porter cette cause au tribunal de l’opinion », parce qu’il faut éviter de<br />
fournir aux ennemis de la religion et aux Protestants des occasions « pour attaquer<br />
la réalité des apparitions et des miracles vrais » et enfin parce que l’évêque de<br />
Grenoble est en train d’instruire « canoniquement cette grave affaire », qui relève<br />
de sa compétence.<br />
L’objet précis de sa lettre tient dans cette ■question : « Aurois-je été,<br />
Monseigneur, trop sévère dans mon appréciation ? C’est ce que je viens vous<br />
prier de résoudre ». *<br />
Suite. L’abbé Lambert renonça à son projet. Cependant, comme on l’a vu<br />
plus haut (introd. au doc. 175), son procès verbal du récit des enfants fut publié<br />
presque intégralement dans la Vérité de Rousselot.<br />
Samedi 14 août 1847<br />
235. LETTRE DE MGR DEPÉRY, évêque de Gap, au journal<br />
TUnivers, suivie de la lettre Pignet-Chateau (doc. 227).<br />
Dans l'Univers, n° du 19 août 1847, p. lcd.<br />
(5) Sur ce projet de fondation, cf. la lettre (ou projet de lettre ?) de Melin au maire<br />
de Corps, du 17 juillet 1847, EG %.<br />
112
15 août 1847 Doc. 255<br />
Note. Pour la deuxième fois, l’évêque de Gap proteste dans la presse contre<br />
la publicité donnée à ses interventions dans l’affaire de la Salette, qui ne relevait<br />
pas de son autorité.<br />
Monsieur,.<br />
Gap, le 14 août 1847<br />
Dans une brochure publiée à Angers par Mme Pignet-Chateau,<br />
sur l’apparition de la sainte Vierge (1) à deux bergers de Corps,<br />
on affirme que « les évêques de Grenoble, d ’Auch (2) et de Gap,<br />
se sont saisis de ce prodige et en ont informé la cour de Rome ».<br />
Ce fait, comme beaucoup d’autres rapportés dans cette brochure,<br />
est entièrement controuvé ; j’ai donc demandé à Madame Pignet-<br />
Chateau raison de son invention. Voici sa réponse, que je vous<br />
prie de vouloir bien insérer textuellement à la suite de la mienne<br />
dans votre journal.<br />
Il est bien fâcheux que tant de monde, par ignorance, par<br />
spéculation, par excès de zèle, vienne chaque jour jeter la méfiance,<br />
le ridicule, sur un fait d’un ordre surnaturel et qui ne pourra être<br />
prouvé que par des faits subséquents du même ordre. Aussi, toutes<br />
les exagérations, suppositions, contradictions, contenues dans les<br />
mille brochures qui inondent le public, nuisent considérablement<br />
à la cause que des auteurs imprudents de ces récits veulent défendre<br />
ou accréditer.<br />
L’Eglise, plus sage, attend, examine, et jugera quand elle sera<br />
assurée de la vérité.<br />
Recevez, Monsieur, l’assurance de mon dévouement.<br />
flRÉNÉ, evêque de Gap.<br />
Suit la lettre de Mme Pignet-Chateau (doc. 227) : se conformant à la<br />
demande formulée par Mgr Depéry dans sa lettre datée du 15 juillet, elle rétracte<br />
le passage incriminé. Mme Pignet-Chateau fournit cependant une excuse : « Cette<br />
copie nous venait d'une personne fort honorable, et sur la foi de laquelle nous<br />
nous en étions complètement rapportés. »<br />
Dimanche 15 août 1847<br />
Év é n e m e n t. A Saint-Félicien, Ardèche (diocèse de Viviers), guérison de<br />
Mélanie Gamon. Dossier : Vérité, p. 126-128 ; GlRAY I, p. 375-390 ; doc. 317.<br />
Cette guérison fut évoquée lors de la Conférence tenue à l’évêché de Grenoble le<br />
29 novembre 1847. — Malade depuis 1841, « atteinte d’affection de la moelle<br />
épinière, d’où était résulté un trouble général des fonctions économiques »<br />
(certificat du Dr Fargier-Lagrange, doc. 317), incapable de manger, elle est guérie 1<br />
(1) Cette brochure avait fait l’objet de poursuites judiciaires (cf. supra, p. 47, note 11.<br />
et p. 59, note 4).<br />
(2) Sur l’archevêque d’Auch, voir supra, p. 59, note 5.<br />
113
Doc. 238<br />
<strong>Documents</strong><br />
le dernier jour d’une neuvaine, au cours de laquelle elle a bu de l’eau de la<br />
Salette.<br />
Mercredi 18 août 1847<br />
238. LETTRE DU CHANOINE MICHON à Mgr Villecourt, évêque<br />
de la Rochelle<br />
Dans V illecourt, p. 159-165.<br />
Jean-Claude Michon. Né à Grenoble en 1791, prêtre en 1815, curé à Vienne<br />
de 1822 à 1833, aumônier de couvent à Grenoble puis à Villeurbanne de 1836 à<br />
1842, année où il devint chanoine titulaire à la cathédrale de Grenoble, il fut un<br />
des premiers ecclésiastiques de Grenoble à adresser la parole en public aux<br />
pèlerins réunis sur les lieux de l’apparition. Il mourut le 10 mai 1854.<br />
Monseigneur,<br />
Grenoble, 18 août 1847.<br />
Vous désirez avoir par écrit ce que je racontai à Votre<br />
Grandeur, lors de son voyage à Grenoble, se rendant à la montagne<br />
de la Salette. Je le ferai d ’autant plus volontiers que ce souvenir<br />
est toujours cher à mon cœur, et que je désirerais que tout l’univers<br />
en fut informé pour la gloire de Marie.<br />
Ce fut le 30 mai dernier que j’arrivai à Corps, dans l’intention<br />
de visiter la montagne de la Salette, sur laquelle notre bonne Mère<br />
a daigné apparaître à deux bergers. Ce jour étant un dimanche, je<br />
pus remarquer l’heureux changement opéré sur la population de<br />
cette paroisse, et le [p. 160] proclamer en chaire : car je fus édifié<br />
de la manière dont ce saint jour fut sanctifié par tous les habitants.<br />
M. le Curé m’assura que, depuis l’époque de l’heureuse apparition,<br />
ce changement moral s’était soutenu, sans interruption, et qu’il<br />
allait même en croissant.<br />
Je vis, ce jour-là, avec plusieurs autres ecclésiastiques et nombre<br />
d ’autres personnes, le jeune Maximin pendant plus de deux heures<br />
le matin, et le soir, la jeune Mélanie. Nous entendîmes leur récit,<br />
et nous leur adressâmes diverses questions qui y avaient rapport.<br />
Je puis dire que jamais la réponse ne se faisait attendre, et que,<br />
toujours, elle était parfaitement ad hoc.<br />
M. l’abbé Lambert, prêtre du diocèse de Nîmes, écrivait tout :<br />
et je ne sais pourquoi cette relation n ’est pas encore devenue<br />
publique : je pense qu’elle le deviendra bientôt. C’est pour cela<br />
que je ne citerai pas ici les questions et les réponses (1). Je ne<br />
pourrais même me les rappeler toutes. Je ne rapporterai pas non<br />
plus le fait de T apparition et l’allocution de la Sainte Vierge aux<br />
Bergers : tout se trouve textuellement dans l’ouvrage que vient de 1<br />
(1) Il doit s’agir ici non pas du récit de l’apparition noté pat Lambert le 29 mai<br />
(doc. 175), mais d ’autres réponses.<br />
114
18 août 1847 Doc. 238<br />
publier M. l’abbé Bez. Je me bornerai donc à faire part à Votre<br />
Grandeur de ce qui se passa sur la montagne de la Salette, le<br />
31 mai, dernier jour du mois consacré à Marie.<br />
[p. 161] Qu’il fut beauv qu’il fut ravissant, le spectacle dont<br />
nous fûmes les heureux témoins ! Bien avant le jour, on s’était<br />
mis en marche pour gravir la montagne. Mais ce ne fut qu’à<br />
quatre heures du matin que des bandes détachées et plus<br />
nombreuses partirent de Corps. Elles stationnèrent à une petite<br />
chapelle qui se rencontre sur le chemin (2) et où j’eus le bonheur<br />
de dire la sainte messe. On se remit ensuite en marche, le chapelet<br />
à la main ; car tous priaient avec ferveur ou chantaient des<br />
cantiques.<br />
Lorsque nous approchions du lieu fortuné, nous vîmes descendre,<br />
par des sentiers difficiles, des processions venant des Hautes-<br />
Alpes, en chantant à pleine voix et sans interruption. Nous étions<br />
ravis de joie par la ferveur de ces bons montagnards.<br />
Ce fut alors qu’un jeune prêtre du diocèse de Grenoble, de<br />
ma connaissance, me dit : «Je suis tellement enthousiasmé, que<br />
je prêcherais sur la Montagne, si on me le permettait. Je vous le<br />
permettrai volontiers, lui dis-je, tant je suis persuadé que Mgr.<br />
l’Evêque l’approuvera dans une telle circonstance. »<br />
Nous arrivâmes enfin, après quatre heures de marche depuis<br />
Corps. Quel ne fut pas notre étonnement de voir la Montagne<br />
couverte d’une foule immense, dont le nombre s’élevait au moins<br />
à six [p. 162] mille personnes ! Les conditions et sexes divers y<br />
étaient confondus, et chacun y priait avec bonheur. Plus de mille<br />
personnes se pressaient à la fois autour de la fontaine miraculeuse<br />
pour y boire. Ce ne fut qu’à deux heures après midi que je pus<br />
en approcher librement et y boire à mon tour.<br />
Les Enfants privilégiés étaient aussi l’objet de la vénération<br />
des pieux pèlerins : chacun voulait les voir, les toucher, les<br />
embrasser, et surtout leur entendre raconter ce que leur avait dit<br />
Marie.<br />
Ayant pu obtenir que l’on formât un vaste cercle, je fis placer<br />
les Enfants au centre, avec plusieurs ecclésiastiques qui se trouvaient<br />
là.<br />
Nous commençâmes par chanter les litanies de la Sainte<br />
Vierge. Lorsqu’on les finissait, je dis au jeune prêtre dont j’ai déjà<br />
parlé que c’était le moment de prêcher. Après quelques difficultés,<br />
(2) Probablement N.D. de Gournier (cf. LS DA I, p. 3), à mi-chemin entre les églises<br />
de Corps et de la Salette, ou encore la chapelle de Saint-Sébastien, à l’entrée du village de<br />
la Salette (voir supra, p. 17).<br />
115
Doc. 238<br />
<strong>Documents</strong><br />
il commença, et fît un très beau et très bon discours sur la<br />
Dévotion à Marie (3).<br />
[p. 163] Le discours achevé, je fis dire à la foule de rester en<br />
place, et que chacun entendrait ce que la Sainte Vierge avait<br />
daigné révéler aux Enfants, parce qu’on allait le leur répéter mot<br />
pour mot et à haute voix : ce qui fut exécuté avec la plus grande<br />
fidélité.<br />
En entendant les malheurs dont nous sommes menacés, si<br />
l’on ne se convertit pas, un très grand nombre de personnes<br />
pleuraient.<br />
Je pris sur moi de leur dire que le jubilé ayant produit de<br />
grands fruits de conversion presque partout, et la grande confiance<br />
que l’on témoignait à Marie, nous donnaient à espérer que les<br />
châtiments annoncés seraient détournés de dessus nos têtes, et que<br />
nous en serions préservés. Ces paroles suffirent pour calmer un<br />
peu la terreur générale.<br />
Je fis annoncer que nous allions nous servir du langage de<br />
Marie pour témoigner à Dieu notre reconnaissance.<br />
Aussitôt on entonne le Magnificat, qui est chanté [p. 164] en<br />
deux choeurs par la foule qui se trouve sur les deux coteaux<br />
opposés.<br />
Je fis encore annoncer qu’étant tous enfants de Dieu, enfants<br />
de Marie, c’était à nous maintenant de chanter les louanges du<br />
Seigneur ; qu’en conséquence nous allions chanter le Laudate,<br />
pueri, Dominum : ce qui fut exécuté avec enthousiasme de part<br />
et d ’autre.<br />
Tous s’étant prosternés à genoux, nous chantâmes le Salve<br />
Regina, et le Sub tuum praesidium.<br />
Puis nous priâmes pour la conversion des pauvres pécheurs,<br />
pour la prospérité de la France, pour toutes les personnes qui<br />
étaient venues solliciter quelque faveur particulière, pour Mgr.<br />
l’Evêque, etc.<br />
Je leur fis annoncer que chacun pouvait continuer à prier,<br />
selon sa dévotion.<br />
Alors on se dispersa par diverses bandes, pour prier ou pour<br />
prendre une modique réfection.<br />
Tout ce qui se passait sur cette chère montagne retraçait,<br />
d ’une manière frappante, ce que nous raconte le saint Evangile de<br />
ces multitudes qui suivaient Notre-Seigneur sur les montagnes.<br />
Lorsque chacun eut à peu près satisfait sa dévotion, nous<br />
jouîmes encore d ’un ravissant spectacle : c’étaient diverses proces<br />
(3) « Les prescriptions de Mgr de Grenoble ne lui permettaient pas de parler de<br />
Y apparition », précise une note de Mgr Villecourt, éditeur de la lettre. — Sur l'identité du<br />
prédicateur et de la personne qui répéta à haute voix le récit des enfants, voir supra, p. 74.<br />
116
25-26 août 1847 Doc. 238<br />
sions, qui partaient au chant du Te Deum, et qui, gravissant des<br />
montagnes escarpées, n’interrompaient pas pour cela leurs chants<br />
de joie et de bonheur.<br />
[p. 165] Pendant les sept heures que je restai sur la Montagne,<br />
je pus voir les pères des Enfants, les maîtres chez lesquels ils<br />
étaient en service lors de Y apparition ; je pus les interroger, et me<br />
convaincre que le récit des Enfants était, le jour même de<br />
l’événement, le même qu’aujourd’hui.<br />
Le soir du même jour je prêchai à Corps, pour la clôture du<br />
Mois de Marie. Là, je parlai de mes convictions particulières sur le<br />
fait de Y apparition, sans y mettre aucune restriction, tant j’étais<br />
persuadé, après tout ce que j’avais vu et entendu.<br />
Mgr. l’Evêque de Grenoble, à qui je rendis compte de cette<br />
belle journée, eut la bonté de m ’en témoigner sa satisfaction, et<br />
ajouta qu’il prendrait du temps avant de s’expliquer d ’une manière<br />
authentique (4).<br />
Je ne cite aucun miracle, quoique j’aie entendu parler de<br />
diverses guérisons bien extraordinaires. Au reste, Mgr. l’Evêque<br />
fait faire en ce moment une enquête à ce sujet.<br />
Votre Grandeur voudra bien agréer ce simple récit comme un<br />
hommage de mon respect et de ma vénération, pour en disposer<br />
comme elle le jugera à propos.<br />
J ’ai l’honneur d’être, etc.<br />
J.-C. MICHON,<br />
chanoine de la cathédrale de Grenoble.<br />
Mercredi et jeudi 25-26 août 1847<br />
ÉVÉNEMENTS. A en croire J.-P. Cartellier, l’évêque de Gap, prétextant qu’il<br />
était sur le point de partir en voyage, aurait refusé de recevoir les deux<br />
commissaires délégués par l’évêque de Grenoble, de passage dans sa ville<br />
épiscopale le 25 août. La nuit suivante, il aurait refusé une nouvelle fois. Il était<br />
alors lui-même de passage à Corps, où Rousselot et Orcel étaient arrivés quelques<br />
heures plus tôt. « Si j’allois chez vous », aurait dit Mgr Depéry à l’abbé Mélin,<br />
« on diroit que nous nous sommes réunis pour conférer à ce sujet » (*).<br />
Arrivés à Corps le 25 août, Rousselot et Orcel interrogent le soir du même<br />
jour Maximin et Mélanie. Le lendemain, ils montent aux lieux de l’apparition,<br />
accompagnés de trente à quarante personnes, parmi lesquelles les deux bergers<br />
(4) Le 11 juin, l’abbé Louis Berlioz avait écrit au curé de Corps (doc. 188) : « Les<br />
choses vont bien à l’évêché, Monseigneur proclame hautement sa croyance à la vérité de<br />
l’apparition et M' Michon a été approuvé dans toute sa conduite. »<br />
(*) Réponse, p. 64. Cartellier tient ces faits d ’un conseiller à la cour d'appel, qui<br />
présida les assises de Gap en 1848 et qui les aurait appris de la bouche même de Mgr<br />
Depéry. Le curé de Saint-Joseph n ’indique aucun nom. — Trois conseillers de la cour<br />
d ’appel de Grenoble furent nommés présidents des assises des Hautes-Alpes pour l’année<br />
1848 : Adolphe Bernard pour la session de mars, Victor-Hypolyte Paganon pour celle<br />
d ’août et Nicollet pour celle de décembre. (Renseignements communiqués par Mm'<br />
A. Playoust, conservateur adjoint aux archives des Hautes-Alpes.)<br />
117
Doc. 241<br />
<strong>Documents</strong><br />
ainsi que les curés de Corps et de la Salette. Pendant leur séjour dans le canton<br />
de l’apparition, ils interrogent également Pierre Selme, patron de Maximin aux<br />
Ablandens, Mère Sainte-Thècle, supérieure des Sœurs de la Providence de Corps,<br />
et divers ecclésiastiques (**).<br />
Samedi 28 août 1847<br />
241. LETTRE DE MGR DE BRUILLARD à l’abbé Melin<br />
Original (1 f. recto pliée 27,4 cm x 27,6) : EG 112. Seule la signature est<br />
de la main de l’évêque.<br />
Note. La question posée au début de la lettre est très probablement l’écho<br />
d’une difficulté rapportée à Grenoble par Rousselot et Orcel à la suite de leur<br />
enquête à Corps.<br />
Grenoble, le 28 août 1847<br />
J ’apprends seulement aujourd’hui que les deux enfants se<br />
sont contredits ou se contredisent dans leur narration. Qu’en<br />
pensez-vous ?<br />
Vous avez sans doute bien compris que la permission de<br />
célébrer les saints mystères sur la montagne privilégiée, que j’ai<br />
accordée pour le 19 sept., n ’est point une décision doctrinale, qui<br />
se fera peut-être encore long-temps attendre. Les règles de prudence<br />
exigent que l’on procède lentement dans une affaire aussi grave.<br />
Je saisirai la Ie" occasion qui se présentera pour vous envoyer<br />
la pension des deux enfants, pour les mois de juillet et août.<br />
Si vous connaissez des nouvelles importantes relativement à<br />
la grande affaire, vous me les manderez. Tout à vous avec affection<br />
en N.S.<br />
tPHILIBERT] Evêque de Grenoble<br />
Mardi 31 août 1847<br />
243. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à Mgr de Bruillard<br />
Original (1 f. recto-verso 30 cm x 2 0 ) : EGD 6 5 . Lettre citée dans BASSETTE,<br />
p. 77.<br />
Contenu. Le curé de Corps prie l’évêque de préciser la nature de la<br />
contradiction signalée dans sa lettre du 28 août (doc. 241), l’assure avoir compris<br />
que l’autorisation de célébrer la sainte messe sur la montagne « n’est pas une<br />
décision doctrinale » sur la réalité de l’apparition et le met en garde contre<br />
l’« absolutisme » du maire de la Salette :<br />
(Confidentiel) Il y a des précautions à prendre avec l’administration<br />
municipale de la Salette, avant de faire aucune construction,<br />
même provisoire. Le lieu, qui a servi de théâtre à l’événement est<br />
une propriété communale ; si l’on y construit, sans convenus<br />
118<br />
(**) Doc. 310, p. 2, 5-8, 19, 27 = Vente, p. 34-35, 42-43, 51-52, 88-89, 194.
31 août 1847 Doc. 243<br />
préalables, bien clairs et bien précis, le conseil municipal pourroit,<br />
bien facilement, contrarier les projets ultérieurs, en s’appropriant<br />
[verso] les constructions faites sur son terrain, sans y avoir contribué<br />
de ses deniers [...]<br />
244. LETTRE DE L’ABBÉ DAY à Mgr de Bruillard<br />
O riginal (1 f. recto-verso 2 6 ,5 cm x 21) : E G D 6 4 . Extraits dans BASSETTE,<br />
p. 76-77.<br />
Note. Ce document nous dévoile l’identité du prêtre qui a remarqué les<br />
contradictions au sujet desquelles Mgr de Bruillard avait reçu le 28 août, sans<br />
doute par Rousselot et Orcel, des informations encore imprécises : le curé de la<br />
Salle-en-Beaumont au canton de Corps, M.-P. Day, à qui l’on doit une des plus<br />
anciennes relations de l’apparition (doc. 8 ). — On trouvera à la fin du doc. 254<br />
des renseignements complémentaires sur la contradiction évoquée dans la présente<br />
lettre.<br />
Monseigneur,<br />
Ceux qui ont rapporté à Votre Grandeur que je ne croyais<br />
nullement à l’apparition de la Ste Vierge à la Salette, ont<br />
certainement menti. Je n ’ai, en aucune circonstance, tenu ce<br />
propos. J ’y ai toujours ajouté foi et j’y crois encore. Cependant<br />
ma croyance, en cela, ne sera à son comble que lorsque Votre<br />
Grandeur aura donné son approbation : en attendant, je me tiens<br />
en garde, afin de ne rien dire de trop pour, ni contre.<br />
J ’ai, à la vérité, dans nos réunions de conférences, eu l’air,<br />
une fois, de faire un peu de l’opposition ; mais ce n ’était<br />
uniquement que pour éclaircir davantage le fait. Je me récriais<br />
surtout, sur différentes variations que j’avais remarqué" dans le<br />
récit des enfans. Voici celle qui m ’a paru/ la plus choquante :<br />
trois semaines environ après l’apparition, entr’autres questions que<br />
je fis au petit Maximin, je lui demandai s’il n’avait point ap/>erçu/<br />
de clarté après que la belle Dame eut disapru. Il me répondit,<br />
non. Et je sais [verso] que plus tard il a ajouté cette circonstance à<br />
sa narration. Je pense que peut-être il ne me comprit pas.<br />
Voilà, Monseigneur, ma profession de foi au sujet de cette<br />
grande affaire qui attire journellement à la montagne de la Sal/ette<br />
un si grand nombre de pèlerins.<br />
Dans l’attente de présenter en personne à Votre Grandeur<br />
mes humbles hommages,<br />
Je suis...<br />
La Salle le 31 août 1847<br />
Day prêtre<br />
119
Doc. 245<br />
<strong>Documents</strong><br />
245. LETTRE DE L’ABBÉ GIRIN à Mgr de Bruillard<br />
Original (1 f. recto 27 cm x 21) : EGD 63. Extraits dans BASSETTE, p. 76.<br />
Note. De même que l’abbé Day, l’abbé J.-F. Girin, curé de Saint-Jean-des-<br />
Vertus, paroisse limitrophe de Corps et de la Salette, répond à une lettre écrite<br />
par l’évêque à la suite du retour à Grenoble des deux enquêteurs, Rousselot et<br />
Orcel. Rappelons que Girin a, lui aussi, écrit une relation de l’apparition (le<br />
doc. 42).<br />
Monseigneur,<br />
Je suis fort étonné que Mr le Curé d ’Entraigues ait pu annoncer<br />
à Votre Grandeur que je me repentais de lui avoir écrit en faveur<br />
de l ’apparition. Monseigneur sait que je n ’ai écrit à l’Evêché ni<br />
pour ni contre ce fait extraordinaire. Mr Poncet a fait erreur (1).<br />
Je dois avouer à Sa Grandeur que dans des réunions ecclésiastiques<br />
j’ai parfois objecté uniquement pour m ’éclairer, nullement<br />
pour faire de l’opposition. J ’ai condamné la trop grande facilité<br />
des habitants de Corps à croire au miracle ; cela dans l’intérêt de<br />
l’apparition (2).<br />
Quant à mes lumières, Monseigneur, elles sont trop faibles<br />
pour pouvoir juger sur un fait aussi grave ; la décision de mon<br />
Evêque dans une affaire de cette importance est mon unique règle.<br />
J ’ai l’honneur...<br />
St Jean des Vertus 31 août 1847.<br />
Mercredi 1" septembre 1847<br />
Girin, p"'<br />
ÉVÉNEMENTS. Selon un témoignage de Sœur Sainte-Thècle recueilli par Marie<br />
Des Brûlais, ce jour « les deux Enfants manifestèrent une joie extraordinaire,<br />
causée sans doute par le retour du Mois béni où ils avaient reçu la visite de<br />
Marie » (Echo. p. 94).<br />
A la Salette, guérison de Véronique Audoyer, pèlerine venue de Mane,<br />
Alpes-de-Haute-Provence. Dossier : EG 119 ; Vérité, p. 146-148 ; Giray II,<br />
p. 303-304. — Depuis plusieurs années, le bruit provoquait chez la malade<br />
souffrances et convulsions. Elle se sentit guérie en buvant l’eau de la source.<br />
Vendredi 3 septembre 1847<br />
248. LETTRE DE MGR DE BRUILLARD à l’abbé Mélin<br />
Original (1 f. recto-verso 21,5 cm x 13,8) : EG 112. Seule la signature est<br />
de la main de l’évêque. 1<br />
(1) Charles-François Poncet, 1803-1867 ; de 1845 à sa mort, curé d'Entraigues, village<br />
situé au nord du Gargas.<br />
(2) Par « miracle » l’abbé Girin vise peut-être certaines guérisons et l’affaire de la face<br />
du Christ sur la pierre brisée au café Magnan (cf. LSDA I, p. 78).<br />
120
4 septembre 1847 Doc. 243<br />
Contenu. Le début de la lettre reproduit les renseignements fournis par<br />
l’abbé Day sur la contradiction de Maximin à propos de la clarté (cf. doc. 244).<br />
Après avoir demandé au curé de Corps de donner son avis sur ce point, l’évêque<br />
passe à la préparation de la fête du 19 septembre, anniversaire de l’apparition :<br />
Les réflexions confidentielles que vous m ’avez communiquées<br />
sont tristes (1). De sévères précautions seront prises pour l’avenir.<br />
Dans une lettre écrite ces jours derniers (2), j’ai fait mes conditions<br />
pour la petite chapelle provisoire qui ne doit durer [verso] que<br />
huit jours. J ’ai demandé 1° que le local fut concédé gratuitement<br />
(3), 2° que les planches, après l’octave, seront déposées au<br />
presbytère, avec exclusion de la commune pour la propriété.<br />
Concertez-vous avec votre jeune voisin (4) et dites lui que si<br />
les propositions sont acceptées, je permets de dire la messe, le 19,<br />
depuis l’aurore, jusqu’à midi et demi. Pendant l’octave, s’il y a<br />
plusieurs messes, j’y consens également.<br />
On apprend ici avec plaisir que vous recevez des offrandes<br />
généreuses, tant pour votre église que pour les enfants. J ’aurais<br />
été satisfait d’apprendre tous ces détails de vous-même.<br />
Nouvelle assurance de mes bien affectueux sentiments.<br />
tPH[ILIBERT] E vêque de G ren oble<br />
Vers le 3-4 septembre 1847<br />
E v é n e m e n t. Maximin parle de son secret (voir aux doc. 314 et 343)<br />
Après le samedi 4 septembre 1847<br />
* 253. ANNOTATIONS DE MGR DE BRUILLARD<br />
Annotations de la main de l’évêque sur la lettre Peytard du 4 septembre<br />
(doc. 250 : 1 f. pliée 22,6 cm x 34 : EG 112). Texte de la lettre Peytard et des<br />
annotations dans les Annales, mars 1913, p. 111-112.<br />
Note. Peytard, maire de la Salette-Fallavaux, ayant cru que l’évêque<br />
demandait à la commune de céder la propriété du terrain nécessaire à la<br />
construction de la chapelle provisoire (cf. doc. 248), avait répondu le 4 septembre<br />
que, d’après les lois en vigueur, le conseil municipal avait besoin de l’autorisation<br />
du gouvernement avant de poser un tel acte. Il avait ensuite proposé à l’évêque<br />
que la chapelle soit construite aux frais de la commune. Après le 19 septembre,<br />
« les planches seraient enlevées et pourraient servir à l'achèvement de la<br />
construction du presbytère communal » (doc. 250). Si l’évêque « le jugeait plus 1<br />
(1) ou : justes. — Melin avait mis l’évêque en garde contre d’éventuels abus de la<br />
part de la municipalité de la Salette-Fallavaux, à propos de la chapelle à construire près<br />
des lieux de l’apparition (doc. 243).<br />
(2) Lettre du 2 septembre, adressée à l’abbé Louis Perrin, curé de la Salette, et<br />
mentionnée dans le doc. 250.<br />
(3) Phrase quelque peu obscure : Mgr de Bruillard pense à une utilisation des lieux<br />
limitée en durée et non à un transfert de propriété, comme le croira le maire (cf. doc. 253).<br />
(4) L’abbé Louis Perrin, curé de la Salette.<br />
121
Doc. 253<br />
<strong>Documents</strong><br />
convenable », l’administration municipale ferait * faire la construction dont il<br />
s'agit avec le produit des offrandes versées dans le tronc » (ibidem).<br />
Concession, dans le sens d ’une aliénation (1) : je n ’y ai pas<br />
même pensé. Il s’agit tout simplement d ’une autorisation gratuite<br />
pour construire en planches une petite chapelle provisoire, pendant<br />
l’octave du 19 au 26 sept. (2).<br />
J ’ai ajouté que la propriété des bois [b iffé : ou(?)] \ et /<br />
planches resteront pour le renouvellement d ’une pareille chapelle,<br />
\ à rétablir / l’année prochaine, ou pour une église si l’on en<br />
construisoit une sur le sommet de la montagne.<br />
[p. 2] Si la commune veut construire à ses frais la petite<br />
chapelle provisoire, il est bien évident que les bois pourront être<br />
employés par elle pour le presbytère. Respectons les offrandes des<br />
fidèles, et gardons-nous de les détourner de leur destination (3).<br />
Mercredi 8 septembre 1847<br />
Événem ent. Pèlerinage à la Salette de l’abbé Repellin (cf. doc. 343). La<br />
description de la journée donnée par C h a m p o n (dans Annales, février 1884,<br />
p. 129-132) concerne en réalité le 8 septembre de l’année suivante (cf. Perrin,<br />
n° 666).<br />
254. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à Mgr de Bruillard<br />
Original (1 f. recto-verso 30 cm x 20) : EGD 66.<br />
Note. Le curé de Corps répond à la lettre du 3 septembre (doc. 248), qui<br />
avait pour objet la contradiction découverte par l’abbé Day et les démarches<br />
préparatoires en vue de la construction d’une chapelle.<br />
Monseigneur,<br />
Une indisposition, survenue après un léger refroidissement<br />
qui n’a pas eu de suite est cause de mon retard.<br />
La contradiction, découverte par un de mes confrères, ne vaut<br />
vraiment pas la peine qu’on s’en occupe ; et quand on n’a que<br />
des difficultés de ce genre, à opposer à un fait aussi immense que<br />
celui de l’Apparition, le meilleur parti à prendre est de se taire.<br />
Votre Grandeur Ta bien compris, en disant que la chose étoit de<br />
trop peu d’importance pour s’en inquiéter.<br />
L’auteur de cette découverte, dit, cependant, qu’il ne sait pas<br />
si l’enfant Ta compris ; il ne sait peut-être pas, d ’avantage [sic], 1<br />
(1) Les mots « dans le sens d ’une aliénation » ont été ajoutés par l’évêque en un<br />
deuxième temps.<br />
(2) Cf. doc. 248 avec la note 3.<br />
(3) Les sommes recueillies dans le tronc du pèlerinage sont destinées à celui-ci. En les<br />
utilisant pour la construction du presbytère, comme le suggérait le maire, on les détournerait<br />
de leur destination.<br />
122
{<br />
8 septembre 1847 Doc. 254<br />
en quels termes il a posé la question ; et tout de même il conclue<br />
à la contradiction.<br />
La mémoire de ces enfants n ’est pas si prodigieusement<br />
infaillible, que, dans aucune circonstance, elle n ’ait pu faillir, par<br />
une omission ; ce qui empêche, que, dans ce cas, on puisse<br />
conclure à la contradiction.<br />
Je serois facilement du parti de la clarté, quelques instants,<br />
après la disparition, selon le langage des enfants, qu’ils l’aient<br />
affirmé constamment ou non ; car ils ont toujours dit, que cette<br />
Dame leur faisoit mal aux yeux, quand ils vouloient la fixer ;<br />
assertion qui prouveroit celle de la clarté, après la disparition, ne<br />
fût-ce que par une réminiscence d ’optique.<br />
[verso\ Mon jeune voisin (1) ne m’a parlé de rien, depuis son<br />
retour de Grenoble ; j’ignore si Sa Grandeur lui avoit conseillé de<br />
s’entendre avec moi, dans tous les cas, il ne l’auroit pas fait. Je ne<br />
puis pas prendre moi-même l’initiative (2), car cette affaire le<br />
regarde de plus près que moi ; il est d ’ailleurs capable.<br />
La permission de dire la S" Messe, pendant huit jours, est un<br />
heureux essai, qui servira de boussole à Monseigneur, pour une<br />
plus ample autorisation, s’il y a lieu. Il est sûr, que, pendant<br />
l’octave, il y aura, chaque jour, plusieurs messes. Il ne manquera<br />
à cette solennelle cérémonie qu’une seule chose, la présence de Sa<br />
Grandeur, qui sera vivement regrettée.<br />
J ’ai l’honneur...<br />
Corps 8 sept 1847.<br />
MÉLIN Archiptre<br />
Note sur les témoignages de Maximin au sujet de la clarté. Il dut y avoir<br />
une certaine imprécision chez Maximin dans la perception de la clarté finale,<br />
comme l’a du reste compris Mélin (supra : « cette Dame leur faisoit mal aux<br />
yeux »). Au moment de sa disparition, la Dame s’était élevée à environ 1,5 0 m<br />
du sol. Etant donné sa petite taille, Maximin, pour la voir, est obligé de regarder<br />
« en haut » (Dausse : doc. 9 7 , v. 33). Mais « en haut », qu’est-ce à dire ? Devant<br />
lui ou loin dans le ciel ? Dans les deux cas, la position de l’enfant est la même.<br />
Interrogeant Maximin en février-mars, Lagier semble avoir senti un flou dans la<br />
description donnée par l’enfant (« nous avons vu une grande clarté à la place<br />
d’où elle s’est enlevée », doc. 105, v. 6 6 ), puisqu’il lui fait préciser sa pensée en<br />
une phrase supplémentaire : « la clarté n’était pas en l’air mais à la place où elle<br />
[la Dame] était » (ibidem). Plus tard, Maximin écrira cependant : « nous avons<br />
vu et suivi cette lumière à une très haute élévation dans les airs » (lettre à Mgr<br />
Ginoulhiac, 19 juin 1857, EG 70 ; voir aussi M. G ir a u d , Ma profession de foi,<br />
Paris 1866, p. 23). 1<br />
(1) L’abbé Louis Perrin, curé de la Salette.<br />
(2) Il s’agit de démarches à faire auprès du conseil municipal au sujet de la chapelle à<br />
construire sur la montagne.<br />
123
Doc. 255<br />
<strong>Documents</strong><br />
En 1846-47, Maximin répondait probablement tantôt oui tantôt non, selon<br />
qu’il pensait à une clarté grande ou petite, localisée à l’endroit de la disparition<br />
ou dans les airs, d’où le malentendu noté par Day (doc. .244). Le récit de<br />
Maximin par Dausse mentionne explicitement ces deux clartés (doc. 97, v. 32-<br />
33).<br />
Jeudi 9 septembre 1847<br />
255. PREMIÈRE LETTRE DE MARIE DES BRULAIS à une amie<br />
(Mlle Utten ?) : fragment daté du 9 septembre<br />
Dans Écho, p. 95-97.<br />
Marie Des Brûlais naquit en 1809 à Vitré, Ille-et-Vilaine, dans une famille<br />
appartenant à la noblesse. Vers 1830, elle ouvrit à Nantes un externat pour<br />
jeunes filles, qu’elle dirigea en compagnie d’une amie irlandaise convertie du<br />
protestantisme, Sophie Utten. Elle visita la Salette à plusieurs reprises ; dans<br />
L'Echo de la sainte montagne et la Suite de l’écho (Nantes, 1852 et 1855) elle a<br />
tracé le récit des pèlerinages qu’elle fit entre 1847 et 1855. Elle édita en outre<br />
des illustrations sur la Salette et fit bâtir en l’honneur de la « belle Dame » une<br />
chapelle au petit séminaire de Nantes. Marie Des Brûlais mourut dans cette ville<br />
le 22 août 1896 (cf. V. HOSTACHY, M.S., La galerie des portraits de la Salette,<br />
3' série, Paris 1931, p. 347-4 3 5 ).<br />
Son pèlerinage de 1847. Le 18 août, elle avait appris par un mensuel<br />
{Lecture, 8*“' livraison) l’annonce du premier anniversaire de l’apparition. Elle<br />
décida alors de monter en pèlerinage, afin d’obtenir la guérison de l’infirmité<br />
dont elle souffrait depuis de longues années : une « obstruction au foie » (il<br />
s’agit peut-être de calculs biliaires) avec maux de tête. Une fois guérie, elle serait<br />
mieux à même d’accomplir ses devoirs d’éducatrice. — Partie de Nantes le<br />
4 septembre, elle arriva à Corps le 8 à dix heures du soir. Son état de santé<br />
s’améliora dès le lendemain, au cours de sa première ascension aux lieux de<br />
l’apparition et ses maux de foie disparurent le 15 {Echo, p. 3-7, 15, 98, 112-<br />
117 ; GlRAY II, p. 304-305). Comme elle logeait au couvent des Sœurs de la<br />
Providence, elle put approcher les deux voyants journellement. Douée d’une<br />
sensibilité exquise, elle sut les comprendre. Son séjour à Corps se termina le 20<br />
septembre. Une semaine plus tard, le lundi 27, elle était de retour à Nantes.<br />
Note critique. Bourrés de renseignements, Y Echo et sa Suite sont des sources<br />
précieuses pour l’historien, qui, toutefois, les utilisera avec précaution : Marie<br />
Des Brûlais voit les choses à travers sa sensibilité féminine. L'Echo décrit le<br />
pèlerinage de 1847 au moyen d’un Journal de voyage et de sept lettres. D ’après<br />
l’avant-propos du livre, il s’agirait de notes rédigées « au moment même pour<br />
être gardées dans un carton ou confiées sur-le-champ à la poste » (p. viii). Les<br />
textes semblent toutefois avoir été retouchés avant la publication. Ainsi le compte<br />
rendu de la première ascension, tel qu’on le lit dans YEcho (doc. 255 bis), peut<br />
difficilement avoir été mis au point à la date indiquée (9 septembre), au soir<br />
d’une journée harassante. D ’autre pan, les nombreux dialogues rapportés dans<br />
le Journal ont généralement été composés de mémoire, après un certain intervalle<br />
de temps. A la différence de Lagier, Marie Des Brûlais n’a écrit sous la dictée<br />
des enfants qu’exceptionnellement (cf. Echo, p. 31, note).<br />
124
10 septembre 1847 Doc. 256 bis<br />
96)...] On a planté quatorze Croix le long du chemin<br />
parcouru par cette bonne Mère. Je t ’écris assise au pied de la<br />
première, dite de l’Apparition, et tout près de la Fontaine<br />
J ’ai en face de moi, ma bonne amie, un spectacle bien<br />
touchant : c’est une pieuse demoiselle (de Lyon), infirme à ne<br />
pouvoir faire un pas, si ce: n ’est à l’aide de deux béquilles. Elle<br />
s’est fait transporter sur la Montagne, où elle couche dans une<br />
cabane de pâtres, sur la paille, et chaque jour elle se traîne au<br />
pied de la Croix de l ’Assomption, où elle demeure toute la<br />
journée, décidée qu’elle est, dit-elle, à y demeurer ainsi jusqu’à<br />
ce qu’elle ait laissé ses béquilles à la [p. 97] Sainte Vierge. Elle y<br />
est déjà depuis neuf jours. Oh ! que les impies dérisions de<br />
l’incrédule sont peu de chose ! [...]<br />
Vendredi 10 septembre 1847<br />
256 bis. JOURNAL DE MARIE DES BRULAIS : interrogatoire de<br />
Mélanie<br />
Dans É c h o , p. 25-35.<br />
RÉSUMÉ. Le matin de ce jour, Marie D.B. a assisté à un interrogatoire de<br />
Mélanie. « La jeune fille a été introduite seule en notre présence, deux<br />
ecclésiastiques (*) et moi » (p. 25). — Le 19 septembre, elle connaissait Maximin<br />
depuis deux jours. Ils ont « dîné » de « l’autre côté du ruisseau » (auprès de la<br />
fontaine miraculeuse, commente Marie D.B. p. 26, note). En voyant une Dame<br />
dans la clarté, Maximin dit : « Ne laisse pas tomber ton bâton : si elle nous j e t t e<br />
(frappe), nous lui j e t t e r o n s un coup » (p. 27).<br />
Le texte du discours correspond presque mot à mot à celui de Bez (doc. 163) :<br />
« j’ai, sous la dictée de la jeune fille, noté dans la citation de ce digne<br />
ecclésiastique, quelques légères variations qui m’ont été très-soigneusement<br />
indiquées par Mélanie », précise l’institutrice dans une note additionnelle (p. 31).<br />
Voici les principales variantes : la profanation du septième jour, « c’est ça qui<br />
appesantit tant le Bras de mon Fils » (p. 28 ; au lieu du v. 15 de Bez, supra,<br />
p. 53). — « Les autres travaillent le Dimanche tout l’été ; et l’hiver, quand ils<br />
ne savent que faire, les garçons ne vont à la Messe que pour se moquer de la<br />
Religion » (p. 30 ; comparer avec le v. 32 de Bez, supra, p. 54). — La question<br />
sur le blé gâté est posée au seul Maximin. — Avant de disparaître, la Dame « a<br />
regardé le ciel, puis la terre » (p. 31). — Une note additionnelle (p. 31) explique<br />
que l’expression « [la Dame] nous a tourné dire », employée par Mélanie à propos<br />
de la dernière phrase prononcée par la Vierge, signifie, dans le langage du pays,<br />
répéter.<br />
De retour aux Ablandens, Maximin fut le premier à raconter la nouvelle.<br />
Mélanie ignore si le curé de la Salette l’a crue lorsqu’elle lui raconta l’apparition<br />
le lendemain, « mais il a pleuré » (p. 32). Elle ignore également combien le<br />
maire lui a offert pour acheter son silence : «Je lui ai jeté contre » (p. 33), ditelle<br />
à propos de cet argent. En supposant qu’un jour elle révèle son secret, ce<br />
(*) D’après Écho. p. 100 (doc. 262), ils étaient de Gap. Il s’agit peut-être de l’abbé<br />
Repellin, professeur au petit séminaire d ’Embrun, et du curé de Serres, Hautes-Alpes (cf.<br />
doc. 343).<br />
125
Doc. 256 bis<br />
<strong>Documents</strong><br />
sera « Quand Celle qui me l’a donné, me dira de le dire » (p. 33). Lors de la<br />
disparition de la Dame, « Maximin a voulu lui prendre une rose de son soulier »<br />
(P- 34).<br />
257. LETTRE DE MGR VILLECOURT, évêque de la Rochelle, à<br />
l’abbé Mélin<br />
Original (3 p. en 1 f. 22,5 cm x 33) : EG 93.<br />
Contenu. L’évêque a terminé le manuscrit de son récit (doc. 309). Il l’aurait<br />
déjà envoyé à l’imprimeur, mais il espère recevoir les réponses aux questions<br />
qu’il avait posées dans sa lettre à l’abbé Chenavas, vicaire à Corps (doc. 226).<br />
[(p. 2)...] J ’ai mis d ’autant plus de hâte à écrire mon nouveau<br />
récit, que des prédicateurs de retraites pastorales ont déclamé, en<br />
plusieurs endroits, contre Y Apparition. Je me pressais de terminer<br />
mon opuscule, dans la persuasion que la parole d’un Evêque<br />
mettrait fin à ces attaques. [...]<br />
Je vous embrasse, Monsieur le Curé [...]. Je bénis aussi très<br />
affectueusement Maximin et Mélanie. [p. 3] Jeunes comme ils<br />
sont, ils ont le plus grand besoin de se tenir en garde contre tous<br />
les témoignages d’intérêt qu’ils reçoivent. C’était la recommandation<br />
que N.S.J.C. faisait à ses Apôtres, quand ils vinrent lui<br />
annoncer que les démons rnêm^ leur étaient soumis [... ]<br />
Samedi 11 septembre 1847<br />
259- LETTRE DE MGR PARISIS, évêque de Langres, à Mgr de<br />
Bruillard, au sujet de l’archiconfrérie réparatrice<br />
Original (3 p. 2 1 ,5 cm x 17) : EGD 67. Extraits dans GiNOULHlAC, G iray I,<br />
p. 119 et B assette, p. 78.<br />
Pierre-Louis Parisis, 1795-1866. Evêque de Langres en 1834, il est dans les<br />
années quarante l’un des membres les plus en vue de l’épiscopat français. D’abord<br />
très en faveur du catholicisme libéral, il finit par devenir le défenseur de l’Univers<br />
ultramontain de Louis Veuillot. Transféré au siège d’Arras en 1851, il y favorisera<br />
le culte de Notre-Dame de la Salette (1).<br />
O bjet de la lettre. A première vue, la lettre se limite à une banale<br />
recommandation en faveur d’une œuvre que l’évêque vient de fonder et qu’il<br />
tient à distinguer d’œuvres réparatrices similaires, mais dépourvues de caractère<br />
officiel. En réalité, elle veut mettre en garde contre des agissements venus troubler<br />
le développement de l'œuvre naissante (2). En raison du lien évident entre le<br />
but de Tarchiconfrérie et le message de la Salette, Mgr Parisis avertit l’évêque de<br />
Grenoble (3).<br />
(1) Sur Mgr Parisis et la Salette, voir GlRAY I, p. 117-123 et BASSETTE, p. 180-182.<br />
(2) Annales de l'Archiconfrérie réparatrice, septembre-décembre 1881, p. 291-297,<br />
333-339, 380-387, 405-410.<br />
(3) Cf. la lettre de l’abbé Favrel, vicaire général de Langres, à l’abbé Pierre Marche,<br />
12 septembre 1847 ; extrait dans les Annales de l ’Archiconfrerie réparatrice, décembre<br />
1881, p. 408.<br />
126
11 septembre 1847 Doc. 259<br />
Origine et premiers développements de l'archiconfrérie réparatrice du<br />
blasphémé et de la profanation du dimanche. L’archiconfrérie a pour origine une<br />
association de prières fondée au diocèse de Langres dans la paroisse de Saint-<br />
Martin de Lanoue, à Saint-Dizier, Haute-Marne. La paroisse se composait en<br />
grande partie de mariniers, gens simples, mais peu pratiquants. En janvier 1847,<br />
donc à une époque où les mariniers étaient présents au pays, l’abbé Pierre<br />
Marche, curé de la paroisse, fit donner une mission par un missionnaire diocésain,<br />
l’abbé Moliard. « Vers la fin de ht station, le prédicateur fit un sermon sur la<br />
sanctification du dimanche. Pendant qu’il parlait », expliquera plus tard l’abbé<br />
Marche, « nous fumes pressé de réaliser une pensée qui nous poursuivait déjà<br />
depuis quelque temps. Nous proposâmes donc, après l’instruction, de faire une<br />
Association Réparatrice. Le dimanche suivant nous renouvelâmes l’appel, et peu<br />
après l’association comptait plus de deux cents membres. Nous n’avions en vue<br />
que de faire le bien dans notre paroisse et dans notre diocèse ; mais Dieu posait<br />
par là les bases d’une Association qui devait s’étendre dans toute la France et<br />
dans le monde entier (4). » L’universalisation de l’association dérive d’une<br />
intervention de l’évêque du diocèse. Mgr Parisis, qui l’avait approuvée le<br />
28 juin, puis érigée en confrérie le 18 juillet, demanda pour elle au Saint-Siège<br />
l’autorisation de s’agréger des associations semblables. Par un bref daté du 30<br />
juillet 1847, qui érigeait l’association en archiconfrérie, Pie IX accorda la faculté<br />
sollicitée. Quatre mois plus tard, le pape se fit lui-même inscrire parmi les<br />
membres de l’archiconfrérie. La croissance de l’œuvre fut dès lors rapide : en<br />
l’espace de trois ans, elle se répandit dans soixante-huit diocèses (5).<br />
Mgr Parisis, frappé du caractère public des insultes infligées à Dieu non<br />
seulement par des blasphèmes proférés en un moment de colère, mais surtout<br />
par les sarcasmes et les négations de l’intelligentsia du dix-neuvième siècle, voulait<br />
une œuvre dont les membres s’opposeraient à ces abus et les répareraient devant<br />
Dieu, non seulement individuellement, mais en corps : « pour que cette influence<br />
d’édification soit plus puissante sur la société chrétienne, il faut que l’action en<br />
soit unanime et simultanée ; pour que ces prières de réparation soient plus<br />
efficaces sur le cœur de Dieu, il faut qu’elles soient réunies dans un même<br />
(4) Pierre MARCHE, Nouveau manuel de l ’Archiconfrérie réparatrice, Paris 1858,<br />
p. 334-335. — Né en 1805 à Doulaincourt (Haute-Marne), ordonné prêtre en 1828, Pierre<br />
Marche fut curé de Saint-Martin de Lanoue à Saint-Dizier de novembre 1840 jusqu’à son<br />
décès, en 1863. En 1849 il fonda les Sœurs de la Réparation de Saint-Dizier, qui, en 1909,<br />
s'unirent à la Congrégation de l’Adoration réparatrice, fondée en 1848 par Théodolinde<br />
Dubouché. Selon des récits publiés après son décès, l’abbé Marche monta en pèlerinage à<br />
la Salette dès les premiers mois qui suivirent l’apparition et en revint tout pénétré de<br />
l’idée réparatrice (Annales, octobre 1874, p. 264, où on lit le témoignage de son frère,<br />
l’abbé Jean-Baptiste M. ; décembre 1886, p. 299 ; Annales de l Archiconfrérie réparatrice,<br />
septembre 1886, p. 306-315). Quoi qu’il en soit de la date de son premier pèlerinage,<br />
l'apparition l’impressionna vivement. En mars 1848 il demanda et obtint par l’intercession<br />
de Notre Dame de la Salette la guérison d’une paroisienne de Lanoue, Eugénie Viciot,<br />
atteinte d ’une maladie qui, selon le médecin traitant, « présentait tous les symptômes<br />
d ’une maladie du cœur, avec déformité [sic] de la poitrine » (dans GlRAY II, p. 100). L’abbé<br />
Marche considéra cette guérison comme une « marque d ’approbation de l’Archiconfrérie<br />
réparatrice » (doc. 408 bis). Les abbés Perrin s’empressèrent de transmettre la nouvelle de<br />
la guérison à Mgr de Bruillard, « à cause », précisent-ils, « de l'intime liaison qui existe<br />
entre cette Archiconfrérie et l'Apparition de la Salette » (doc. 410). La même année, l’abbé<br />
Marche prend comme thème de son mois de Marie « l’événement de la Salette » (lettre<br />
Marche du 4 mai 1848, extrait dans PERRIN, n° 701).<br />
(5) Lettre de l’abbé Pierre Marche à la prieure du Carmel de Tours, 26 août 1850<br />
(original : Tours C). Le nombre des associations agrégées s’élevait alors à 986.<br />
127
Doc. 259<br />
<strong>Documents</strong><br />
concert, sous l’autorité de l’Église, épouse mystique de Celui que le Père exauce<br />
toujours » (6).<br />
Par son caractère public et par son but, l’archiconfrérie répondait aux voeux<br />
de Sœur Marie de Saint-Pierre, qui, on l’a vu plus haut (doc. 130 bis), sollicitait,<br />
depuis son Carmel de Tours, la fondation d’une œuvre réparatrice. Les usages<br />
prévus par le règlement de l’archiconfrérie étaient assez proches de ce que la<br />
carmélite avait demandé : ainsi la croix de l’archiconfrérie avait au centre un<br />
médaillon avec la Sainte Face du Christ d’un côté. Mgr Parisis refusait toutefois<br />
de lier l’archiconfrérie à des « révélations » dont l’examen ne relevait d’ailleurs<br />
pas de lui, mais de l’archevêque de Tours. Or un négociant originaire de Rouen,<br />
un certain Monsieur Le Brument, à la collaboration duquel l’abbé Marche avait<br />
fait appel sur le conseil d’un vicaire général de Langres, prétendait qu’on suivît<br />
les révélations de Tours à la lettre. « Il ne devait pas tarder à être, pour la<br />
direction de l’œuvre, une cause de graves embarras. Il fit imprimer le règlement<br />
et les prières de l’Archiconfrérie : ancien orfèvre, il se chargea même de la<br />
fabrication des croix et médailles avec un tel empressement qu’il n’attendit pas<br />
l’approbation du modèle officiel. Ni formules, ni croix ne se trouvèrent conformes<br />
au type adopté par Mgr Parisis, et déterminé par son ordonnance du 25 août<br />
1847 » (7). Sous prétexte de fidélité au message de Tours, Le Brament continuait<br />
néanmoins à les propager. Devant une propagande qui, en mettant l’accent sur<br />
l’observance de détails dévotionnels, modifiait l’esprit de l’association réparatrice<br />
et en compromettait l’unité, l’évêque de Langres se devait d’intervenir. Rappelons<br />
que Sœur Marie de Saint-Pierre demeura totalement étrangère aux agissements<br />
de son trop fidèle disciple (8).<br />
Monseigneur,<br />
Langres, le 11 Sept. 1847.<br />
Je sais que vous faites prendre des informations sur les<br />
événements de la Salette. Personne que vous en France n ’avait le<br />
droit de se prononcer le premier à cette occasion. Il est donc très<br />
regrettable que d ’une part un zèle indiscret et d’autre part un<br />
mercantilisme scandaleux se soient empar/ de ces avertissements<br />
encore mystérieux du ciel.<br />
En attendant que l’Eglise se prononce sur ces faits particuliers,<br />
il m’a semblé qu’on ne pouvait trop se hâter de satisfaire à Dieu<br />
pour les deux grands crimes signalés par la déclaration des enfants<br />
de Corps. A cet effet, j’ai érigé dans mon diocèse une Confrérie<br />
que [p. 2] par un bref du 30 juillet dernier le Souverain Pontife a<br />
(6) « Instruction de Monseigneur l’évêque de Langres sur l’adoration due à Dieu à<br />
l’occasion d’une Association pour la réparation des blasphèmes et la sanctification du<br />
dimanche », dans Manuel de /'Archiconfrérie réparatrice des blasphèmes et de la violation<br />
du dimanche, Paris, Bouasse-Lebel et cie, p. 21-91, (PBN D. 42825 ; dépôt légal : 1847).<br />
Le passage cité se trouve à la p. 32.<br />
(7) C. GUILLEMANT, Pierre-Louis Parisis, vol. I, Paris 1916, p. 364-365.<br />
(8) Le Brument écrivit aussi à l’abbé Mélin, qui cependant ne répondit pas (cf.<br />
doc. 246 et 268).<br />
128
12 septembre 1847 Doc. 262 bis<br />
bien voulu ériger en archiconfrérie avec des indulgences nombreuses.<br />
Pour distinguer cette association canonique des œuvres particulières<br />
et quelquefois assez mal entendues qui pullulent en ce<br />
moment, j’ai dû lui donner quelques signes spéciaux comme croix,<br />
cachets etc. Et, pour que ces signes ne fussent ni dénaturés, ni<br />
envahis par la spéculation, j’ai cru devoir aussi en confier<br />
exclusivement la fabrication et la vente à deux personnes de Paris<br />
dignes de toute confiance.<br />
L’une d ’elles a l’honneur de vous écrire et j’ai consenti à vous<br />
transmettre sa lettre dans l’intérêt d ’une œuvre à laquelle il est<br />
impossible qu’un cœur chrétien ne porte pas le plus vif intérêt (1).<br />
[p. 3] J ’ai su, Monseigneur, par des prêtres de votre diocèse<br />
que vous aviez été souffrant. Je prie Dieu de vous rendre des<br />
forces dont vous avez toujours fait un si bel usage pour sa gloire<br />
[...]<br />
Dimanche 12 septembre 1847<br />
fP[lERRE] L[OUIS] év. d e Langres<br />
262 bis. JOURNAL DE MARIE DES BRULAIS : premier entretien<br />
avec Mélanie et questions sur son secret<br />
Dans Écho, p. 55-58.<br />
Corps, Dimanche 12 septembre 1847.<br />
Je viens de causer en toute liberté pendant près d’une heure<br />
avec Mélanie Mathieu, qui, depuis que je suis installée au Couvent,<br />
me parle plus librement et sans crainte. Malgré sa timidité naturelle<br />
et son peu d’expansion, elle répond à mes questions avec une<br />
aisance remarquable [...].<br />
[p. 56] J ’ai prié la jeune fille de me dire, pour la plus<br />
grande gloire de la Sainte Vierge, si elle savait le Français avant<br />
l’Apparition. [...] J ’ai dit en Français cela que la Sainte Vierge a<br />
dit en Français, et en Patois cela qu’Elle a dit en Patois. — Vous<br />
êtes bien sûre, bien sûre, de ne l’avoir pas dit en Patois le premier<br />
jour, en descendant de la Montagne ? — Comment aurais-je fait<br />
pour le dire en Patois, puisque je ne pouvais pas le dire (*). Je ne<br />
savais pas le Français. [...] Saviez-vous ce que vous disiez ? — Je<br />
disais comme Elle avait dit. [... ]<br />
(1) Lettre de Mme Bouasse, née Lebel (doc. 260), qui adresse à l’évêque « un modèle<br />
du dessin des croix » de l’archiconfrérie et annonce l’envoi de « l’image formant le cachet<br />
d ’admission de l’association réparatrice ». L'évêque transmet bientôt à Mélin le modèle de<br />
la croix (cf. doc. 267). — En mars 1847 la maison Bouasse-Lebel avait édité une brochure<br />
sur la Salette (doc. 127).<br />
(*) « Elle voulait dire traduire, mais le mot lui est inconnu » (Note ajoutée par Marie<br />
Des Brûlais.)<br />
129
Doc. 262 bis<br />
<strong>Documents</strong><br />
[Réponses à des questions sur le secret posées à Mélanie le<br />
même jour, 12 septembre (p. 57)...] Je n ’ai pas dit que je ne le<br />
dirais pas, peut-être à telle époque : je le dirai oui ou non. — D.<br />
Ce secret vous regarde donc toute seule ? — R. Je ne dis pas s’il<br />
me regarde moi seule ou s’il en regarde d'autres, [...(p. 58)...]<br />
J ’ai pas compris le secret de Maximin. [...] D. Combien de temps<br />
vous a parlé cette Dame ? — R. Je n ’en sais rien : le temps ne<br />
me durait pas.<br />
Lundi 13 septembre 1847<br />
264 bis. JOURNAL DE MARIE DES BRULAIS : premier entretien<br />
avec Maximin, quelques réponses de Maximin et nouvel interrogatoire<br />
de Mélanie<br />
Dans Écho, p. 59-67.<br />
Premier entretien avec Maximin Giraud<br />
La veille, dimanche, Marie Des Brûlais avait interrogé Maximin en s’aidant<br />
du livre de Bez : « nous revîmes ensemble tout le discours de la Sainte Vierge » (1).<br />
La conversation roula ensuite sur les Protestants. Puis l’enfant se mit à parler,<br />
comme hors de lui :<br />
[p. 60] Il ne m ’écoutait plus, et se parlant à lui-même avec une<br />
grande agitation : «Je vais demander à M. le Curé, dit-il, la<br />
permission d ’aller ce soir sur la Montagne et je resterai là jusqu’à<br />
dimanche (19 septembre). [...] J ’irai ! j’irai !..... Vous ne savez<br />
pas mon secret !..... (Il se dégage de mes bras) (2). — [Marie<br />
D.B.] On ne voudra pas. — [Maximin] S ’ils ne veulent pas, ils<br />
s’en repentiront..... Je demanderai....... On sait pas mon secret.....<br />
Peut-être ils me tueront..... Qu’est-ce que ça me fait (3) ? »<br />
[p. 61] Je ne puis rendre la manière dont tout cela a été dit ;<br />
mais ce langage incohérent me frappa tellement ; l’enfant me<br />
parut sous une impression si impérieuse, que je crus devoir en<br />
avertir secrètement Madame la Supérieure, qui me dit : « Ils ont<br />
déjà plusieurs fois exprimé le même désir, surtout depuis le retour<br />
du beau temps. J ’attribue cela au besoin de revoir leurs montagnes.<br />
Si nous leur avions cédé, ils eussent fait bien des extravagances,<br />
que la méchanceté n ’eût pas manqué de rejeter sur le fanatisme 1<br />
(1) Écho, p. 59. — Dans une note ajoutée au bas de la page, Marie des Brûlais<br />
précise : « Comme Mélanie, Maximin répéta à la première personne ce passage : J 'a i donné<br />
six jours pour travailler, je me suis réservé le septième. »<br />
(2) « Il me repoussa même en me disant : Qu'est-ce que ça vous fa it ? » (Note ajoutée<br />
au bas de la page.)<br />
(3) On peut se demander si ces paroles, où il est question du secret, n ’ont pas un<br />
certain lien avec la représentation de la Passion à laquelle Maximin avait assisté quelques<br />
jours auparavant et qui semble avoir provoqué chez lui des réactions semblables (cf.<br />
doc. 314 et 343).<br />
130
13 septembre 1847 Doc. 265<br />
de ceux qui les dirigent. » [... (p. 62) Plus tard dans l’après-midi]<br />
la sœur de Maximin répétait en riant : « Il est drôle ! il ne fait que<br />
dire : Ils ne savent pas mon secret..... ils s’en repentiront..... (4) »<br />
[Lundi matin, Maximin dit à Marie D.B. qu’il veut rester sur la montagne<br />
au moins du vendredi à dimanche. — L’abbé Mélin, rencontré par Marie D.B.<br />
la veille (5), lui avait avoué « qu’il était souvent très-embarrassé » (p. 63). Leur<br />
conversation avait roulé ensuite sur le'caractère des enfants (p. 64) :]<br />
— Je les aime comme ils sont, repris-je, avec leurs petits défauts ;<br />
pour des vices, ils n ’en ont pas. — Je suis de votre avis. Cependant<br />
plusieurs personnes les voudraient plus mystiques, plus parfaits,<br />
du moins ; mais la Sainte Vierge les a laissés avec leur nature : il<br />
faut bien nous en contenter [...].<br />
Quelques réponses faites par Maximin<br />
le 13 septembre 1847<br />
RÉSUMÉ. La Sainte Vierge a confié le secret quand « elle a parlé de la famine,<br />
des noix gâtées et des raisins » (p. 64). Avant l’apparition, il comprenait le<br />
français « un petit peu », mais ne le parlait pas. Interrogé si, dès les premiers<br />
temps, il répétait en français ce que la Dame avait dit en français, il répond :<br />
« Oui, j’ai dit tout de suite comme Elle a dit » (p. 65).<br />
Interrogatoire subi par Mélanie<br />
en présence de Marie Des Brûlais le 13 septembre 1847<br />
RÉSUMÉ. Mélanie donne le même récit que le 10 septembre (doc. 256 bis).<br />
Elle a fait connaissance de Maximin le jeudi ; le vendredi ils se sont dits :<br />
« Demain, faut aller là..'... » (p. 66). La Dame « avait une robe blanche, un<br />
tablier jaune brillant, des bas jaunes brillants, des souliers blancs avec des roses<br />
autour, un bonnet blanc avec une couronne. Elle avait une Croix au cou »<br />
(p. 67). Sur la Croix il y avait un Christ et, de chaque côté, des tenailles et un<br />
marteau, qui ne tenaient « par rien ». Sur les souliers, il y avait une boucle allant<br />
« jusqu’à la cime (bout du pied) » Sur la robe, il « y avait des perles brillantes »<br />
(p. 67).<br />
265. LETTRE DE M. PEYTARD, maire de la Salette-Fallavaux, à<br />
Mgr de Bruillard<br />
Original : EG 100. — Texte presque intégral dans Annales, mars 1912,<br />
p. 306-307.<br />
RÉSUMÉ. La lettre a pour objet un différend surgi entre le maire et l’abbé<br />
Mélin au sujet de la pierre sur laquelle, au témoignage des enfants, la Vierge<br />
(4) A l’époque de l’apparition, Angélique Giraud était en service à Marseille. En<br />
apprenant que l’on disait que son frère avait vu la sainte Vierge, elle pensa : « c’est peutêtre<br />
notre bonne mère qu’il a vue et qu’il a prise pour la Sainte Vierge, comme je sais<br />
qu’il est si étourdi ! » (Paroles d ’Angélique, ajoutées en note par Marie Des Brûlais.) —<br />
La « bonne mère » désigne la mère véritable, décédée en 1837.<br />
(5) Au cours d ’une promenade (Écho, p. 116 : précision ajoutée en août 1849).<br />
131
Doc. 265<br />
<strong>Documents</strong><br />
s’était assise. Le 28 septembre 1846, l’abbé Mélin, ayant gravi la Montagne avec<br />
M. Perrin, « aujourd’hui curé de Saint-Sixte (1) », fit descendre cette pierre et<br />
l’emporta chez lui. Le maire lui a réclamé cette pierre, propriété de la commune.<br />
L’abbé Mélin a d’abord promis de la rendre, puis a refusé. Comme le maire a<br />
menacé de porter l’affaire devant les tribunaux, il a consenti à en rendre une<br />
partie. Mais le maire veut la pierre tout entière. Au besoin, il aura recours « aux<br />
rigueurs de la plaidoierie ». Le maire prie l’évêque de donner au curé de Corps<br />
des ordres, « pour que justice soit faite (2) ».<br />
Mardi 14 septembre 1847<br />
266 bis. JOURNAL DE MARIE DES BRULAIS : interrogatoire<br />
subi par Maximin le 14 septembre<br />
Dans É c h o , p. 69-72.<br />
RÉSUMÉ. Maximin donne le récit de l’apparition et répond à diverses<br />
questions : il a fait la connaissance de Mélanie le jeudi avant l’apparition ; le<br />
vendredi, ils se dirent : « Nous irons ensemble là demain » (p. 70) ; ils ignorent<br />
chacun le secret de l’autre (*) ; la voix de la Dame était douce « comme une<br />
musique » (p. 71) ; elle avait aux souliers des roses de toutes les couleurs ;<br />
Maximin ne l’a pas vue pleurer et n’a pas bien vu sa figure, qui l’éblouissait ; il<br />
n’a pas fait attention à son tablier ; sur sa robe, il y avait des perles.<br />
Mercredi 15 septembre 1847<br />
271. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à Mgr de Bruillard<br />
Original : EG 100. — Texte presque intégral dans Annales, mars 1912,<br />
p. 308.<br />
RÉSUMÉ. L’évêque lui ayant écrit au sujet de la pierre de l’apparition dans<br />
un sens favorable au maire de la Salette-Fallavaux (doc. 267, cf. doc. 265), le<br />
curé de Corps répond qu’il ne craint pas les menaces de celui-ci. En descendant<br />
un morceau de rocher sans valeur marchande, il a agi comme des milliers d’autres<br />
pèlerins. S’il ne l’avait pas enlevée, la pierre n’existerait plus que sous forme de<br />
parcelles. Il faut répondre à Peytard que, conformément à ce qui avait été<br />
convenu, la pierre est déjà partagée en deux parts, dont une restera à Corps,<br />
tandis que l’autre sera remise au curé de la Salette, qui la conservera avec soin<br />
jusqu’à la décision doctrinale ; Monseigneur en a décidé ainsi, pour terminer le<br />
litige. Si Peytard intente une action en justice, Mélin se charge de lui répondre.<br />
(1) L’abbé Jacques Perrin, encore curé de la Salette en septembre 1846 (à ne pas<br />
confondre avec son successeur, Louis Perrin). Le maire fait probablement erreur : il est peu<br />
probable que l’abbé Jacques P., qui était faible de santé, soit monté ce jour aux lieux de<br />
l’apparition (cf. LSDA I, p. 50).<br />
(2) Le litige trouvera son dénouement au mois de mai de l’année suivante. Sur cette<br />
affaire, cf. doc. 267, 271, 275, 276, 278, 285, 294, 294 bis, 418, 419, 420, 421, 422, 424,<br />
432, 467 ; Annales, mars et avril 1912, p. 304-309, 335-338, juin et juillet 1912, p. 11-<br />
16, 56-60.<br />
(*) «Je tiens de Madame la Supérieure que Maximin essaya les premiers jours de<br />
surprendre le secret de Mélanie : « Dis-moi ton secret et je te dirai le mien. » Mélanie trèsscandalisée,<br />
repoussa le tentateur comme il le méritait. On reprochait ensuite à Maximin<br />
d ’avoir été sur le point de désobéir à la Sainte Vierge : « Oh ! que non pas ! répondit-il<br />
avec feu : j'aurais pris son secret et puis j'aurais tenu le mien. » (Note ajoutée par Marie<br />
Des Brûlais, Écho, p. 71.)<br />
132
16 septembre 1847 Doc. 212 bis<br />
On. voit par là combien il importe de prendre des garanties écrites en ce qui<br />
concerne le terrain de la future chapelle. Quant aux objets de Mme Bouasse, ils<br />
« n ’auront de l'effet, qu'autant que l ’Archiconfrérie, dont ils sont les signes,<br />
aura é té établie » Mélin pense « que cette dévotion doit être répandue, dans le<br />
diocèse, en prem ière ligne, comme conséquence immédiate de l ’apparition » (cf.<br />
p. 127-128 et aussi doc. 269).<br />
I < i i - , :<br />
Jeudi 16 septembre 1847<br />
272 bis. JOURNAL DE MARIE DES BRULAIS : re'ponses de<br />
Maximin<br />
Dans Écho, p. 75-77.<br />
16 septembre 1847.<br />
Maximin nous accompagnait hier soir, Sœur Sainte-Clotilde<br />
et moi, comme nous nous rendions à la prière : « Voyons, ma<br />
Sœur, dis-je à dessein, en faisant allusion aux paroles du jeune<br />
homme des environs de Grenoble (1) ; voye2 comme Maximin a<br />
tort d ’être si dissipé, surtout quand il répond la Sainte Messe :<br />
cela est cause que plusieurs personnes ne veulent pas croire à ce<br />
qu’il dit du 19 septembre. — S’il ne veulent pas croire, réponditil<br />
selon sa coutume, qu’ils le laissent : je ne puis pas faire croire ;<br />
seulement je dois le dire. [...]<br />
[p. 76] Pendant la récréation, Maximin folâtrait autour des<br />
bonnes Religieuses et de moi. Madame la Supérieure lui a dit :<br />
« Dis-nous donc, Mouvement perpétuel, si la Sainte Vierge<br />
ne t ’a point recommandé d ’être un peu plus sage. — Eh bien<br />
non ! Elle m ’a rien dit comme ça. — Cependant, elle t ’a demandé<br />
si tu faisais bien tes prières. — Oui ; mais Elle a pas dit autre<br />
chose que comme j ’ai dit. — C’est peut-être là ton secret que tu<br />
ne veux pas dire ? — C’est cela ou autre chose. — Tu nous diras<br />
bien au moins si la Voix de la Sainte Vierge était bien douce ? —<br />
Bien douce ! répondit l’enfant, sans quitter son air enjoué ; plus<br />
douce encore que celle de Sœur V*** (la religieuse absente dont<br />
j’occupe la cellule) — Tu l’aimais donc mieux que la voix de<br />
Sœur V*** (2) ? — Eh oui ! je l’aimais tant..... que je croyais<br />
que je la mangeais. — Et tu suivais la Sainte Vierge ? — Oui, je<br />
la suivais. — L’as-tu touchée ? — Non. — Pourquoi ? — J ’osais<br />
pas. [p. 77] Tu avais donc peur ? — Oh non ! j ’avais plus peur.<br />
— L’as-tu vu pleurer ? — Non, mais Mélanie dit qu’elle pleurait.<br />
— N ’as-tu pas voulu prendre quelque chose de sa toilette ? —<br />
J ’ai voulu prendre une rose de son soulier. — Pourquoi ne l’as-tu 1<br />
(1) Le même jour, ce jeune homme avait en présence de Marie Des Brûlais fait<br />
« l’incrédule sur la Révélation, afin d ’exciter à parler le petit Maximin » (doc. 270 bis).<br />
(2) Sans doute Soeur Sainte-Valérie (cf. LSDA I, p. 191).<br />
133
Doc. 212 bis<br />
<strong>Documents</strong><br />
pas prise ? — J'ai pas pu : elle s’est fondue... comme le beurre<br />
dans la poêle.<br />
« La Sainte Vierge, ai-je dit à mon tour, ressemblait-elle à<br />
cette image que j’ai achetée sur la Montagne ! — Oh non ! a-t-il<br />
fait avec dédain. — Mais explique-nous donc un peu sa figure, a<br />
continué Madame la Supérieure ; dis-nous sa ressemblance. — J ’ai<br />
pas pu voir sa figure, qui éblouissait. Et puis..... Elle ne ressemble<br />
à rien..... »<br />
Vendredi 17 septembre 1847<br />
Ev én e m e n t s. Corps est encombré de visiteurs. Arrivé le soir par la diligence<br />
de Gap, dans laquelle il a réussi à monter non sans mal, l’abbé Arbaud,<br />
professeur au petit séminaire de Forcalquier au diocèse de Digne, trouve toutes<br />
les chambres d’hôtel occupées. Lui et d’autres visiteurs ont recours « aux maisons<br />
des particuliers les plus aisés, qui durent ce jour-là et les suivants se transformer<br />
en auberges » (doc. 401, p. 32). Il y a des pèlerins d’Arles, d’Avignon, de Lyon,<br />
de Troyes, de Chartres, etc. (doc. 277).<br />
274 bis. JOURNAL DE MARIE DES BRULAIS : interrogatoires de<br />
Maximin et de Mélanie<br />
Dans É c h o , p. 77-82.<br />
RÉSUMÉ. La veille, Maximin a passé la soirée en compagnie des religieuses<br />
du couvent et de Marie Des Brûlais. Harcelé de questions sur le secret, il finit<br />
par s’énerver : « t o u s , tant que vous êtes ici autour de cette table, cela ne vous<br />
s o u c i n e pas, mon secret » (p. 78).<br />
R é p o n s e s d o n n é e s p a r M a x i m i n l e 1 1 s e p t e m b r e : il dira son secret ou ne le<br />
dira pas ; il ignorait que la Dame qui leur apparaissait était la sainte Vierge ; il<br />
ne connaît pas le secret de Mélanie ; la Dame était plus grande que * t o u t e<br />
a u t r e » (p. 80) ; il n’a pas vu ses mains ; comme on lui objecte qu’il vient de<br />
dire qu’elle croisait les mains, il « cache immédiatement ses mains dans les<br />
manches de sa blouse » sans répondre (p. 80).<br />
Réponses données le même jour par Mélanie : le secret lui fait-il plaisir ? —<br />
« oui ou non » (p. 80) ; elle s’en souvient ; elle se trouve au couvent depuis « la<br />
Noël » (p. 81) ; jusque-là, elle était restée chez son maître ; avant l’apparition,<br />
elle n’allait « pas guère souvent » à l’église (p. 81) ; le soir du 19 septembre, ils<br />
ont continué à garder leurs bêtes ; rentrés aux Ablandens, Maximin parla le<br />
premier. « On est venu me demander si c’était vrai, et j’ai dit : Oui » (p. 81).<br />
Elle a refusé l’argent que lui offrait le maire ; le jour de l’apparition, elle n’a<br />
pas vu couler la source et, du reste, ni elle ni Maximin n’a pensé regarder ; mais<br />
ceux qui sont montés voir, « l’ont dit le lundi » (p. 81). Interrogée si elle était<br />
sûre que l’apparition n’était point un rêve, elle répond : « Nous avions dormi,<br />
Monsieur, nous dormions plus (d’un ton froid et bref) > (p. 82).<br />
Samedi 18 septembre 1847<br />
Veille de l’anniversaire de l’apparition<br />
ÉVÉNEMENTS. « Le samedi 18 toutes les avenues du côté de Grenoble, du<br />
côté de Gap, du côté de Mens, du côté de Die, étaient pleines de monde qui<br />
arrivait en priant. Plus de trente voitures publiques, sans compter les voitures<br />
134
18 septembre 1847 Doc. 278<br />
particulières, sont arrivées ce jour-là de Grenoble » (*). L’abbé Arbaud, qui est<br />
monté de Corps au village de la Salette, voit passer des groupes de quarante,<br />
cinquante personnes et davantage, récitant le chapelet ou chantant des cantiques<br />
(Arbaud, p. 45). Des pèlerins qui n’ont pu trouver un abri dans les hameaux,<br />
entreprennent le soir l’ascension vers les lieux de l’apparition, malgré la pluie et<br />
l’obscurité. Ils glissent au fond d’un ravin, d’où ils sont sauvés par l’abbé<br />
Barrai (**), qui les mène au but désiré (Perrin, n° 651).<br />
278. CINQUIÈME LETTRE DE MARIE DES BRULAIS à une<br />
amie : fragment daté du 18 septembre<br />
Dans Écho, p. 104-107.<br />
[...] Hier soir, M. le Vicaire prêchait toute la population pressée<br />
dans l’église de Corps. Pour la première fois il put parler en chaire<br />
de l’Evénement inouï qui nous réunissait tous (1) ; il put aussi<br />
féliciter tous les habitants de leur assiduité aux Offices, de leur<br />
zèle pour la sanctification du dimanche, de leur entier changement<br />
en un mot : car il y a un an, le Pasteur de cette Paroisse ne<br />
pouvait, hélas ! que verser des larmes sur ses brebis égarées. Hier,<br />
M. le Curé lui-même me confirmait la vérité de ce changement :<br />
il m’a dit en propres termes que sur toute sa Paroisse trente<br />
personnes à peine avaient négligé cette année le devoir pascal. La<br />
population "est de 1500 âmes.<br />
Mais revenons au prédicateur : il paraissait tout pénétré de<br />
cette pensée que l’assistance goûtait bien, je t’assure : « Combien<br />
notre Mère est bonne ! Combien il faut que la justice divine soit<br />
irritée par nos crimes pour que la Mère de [p. 105] Dieu, sa Mère,<br />
oui, mais aussi notre Mère soit descendue elle-même du haut des<br />
Cieux, afin de rappeler dans le sein de la Miséricorde des ingrats<br />
que la Justice allait frapper !..... » Il appelait cet Evénement inouï,<br />
unique [...].<br />
[p. 106] Quelle affluence ! que cela fait de bien à voir ! La<br />
Cure de Corps est pleine et ne désemplit pas de pèlerins qui, sans<br />
cesse renouvelés, écoutent le petit Maximin. J ’entends de ma<br />
chambre la jeune Mélanie, qui de son côté satisfait la pieuse<br />
curiosité d ’une foule encombrant le salon du Couvent, lequel ne<br />
désemplit pas non plus. On compte en ce moment soixante voitures<br />
arrivant de Gap, de Grenoble, sans parler de la multitude de<br />
pèlerins qui affluent de tous côtés à travers les montagnes. Ils<br />
(*) Doc. 298 : lettre de l’abbé Boissieux, 28 septembre 1847. L’abbé L.-A. Boissieux,<br />
1805-1883, curé d’Izeron, interrogea les enfants le 17 septembre et assista à la célébration<br />
de l’anniversaire sur la montagne.<br />
(**) J.-F. Barrai, déjà rencontré (doc. 178), ou son frère jumeau, également prêtre.<br />
(1) Conformément aux instructions données par l’évêque de Grenoble (doc. 3), le<br />
curé de Corps et son vicaire s’étaient jusque-là abstenus de parler de l'apparition en chaire.<br />
135
Doc. 278<br />
<strong>Documents</strong><br />
viennent pour le plus grand nombre à pied de 10, 20, 30 et même<br />
40 lieues ! [...]<br />
279. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à Mgr de Bruillard<br />
Original : EG 100.<br />
Note. L’évêque de Grenoble faisant sienne la solution proposée au sujet de<br />
la pierre de l’apparition par le curé de Corps (que les paroisses de la Salette et<br />
de Corps en aient chacune une part) lui a répondu le 17 septembre : « La Salette<br />
et Corps ont un droit égal à la possession de ce religieux monument » (doc. 275 ;<br />
cf. aussi doc. 271). Après avoir remercié l’évêque d’avoir pris cette décision,<br />
l’abbé Mélit} donne des nouvelles :<br />
Corps ressemble à Bethlé^em, aux jours du dénombrement<br />
des Césars, et grand nombre de pèlerins éprouvent le sort du<br />
Sauveur ; deux ou trois mille couchent ce soir dans les granges de<br />
la Salette, de Corps ou à la belle étoile. Un temps magnifique,<br />
après deux jours de pluie, nous est arrivé aujourd’hui, pour la<br />
vigile ; il nous paraît promis pour demain (1).<br />
279 bis. JOURNAL DE MARIE DES BRULAIS : notes d’interrogatoires,<br />
portraits des enfants, toilette de la Sainte Vierge (ibidem )<br />
Dans É c h o , p. 83-86.<br />
RÉSUMÉ DES NOTES D'INTERROGATOIRES. Maximin répond qu’il n’avait pas<br />
l’habitude de dormir après avoir mangé et qu’il ignore comment ils se sont<br />
endormis le jour de l’apparition. — Mélanie dit avoir fait la connaissance de<br />
Maximin « deux jours avant » (p. 83) l’apparition. A l’objection « Vous lui<br />
parliez » elle répond : « Monsieur, je vous parle et je ne vous connais pas »<br />
(p. 84). La Dame qui lui a parlé était « quelque Sainte ou bien la Sainte Vierge ».<br />
Portrait des enfants<br />
[p. 84] Il m ’a été impossible de recueillir toutes les questions<br />
qui ont été adressées à Mélanie et à Maximin pendant cette<br />
semaine, où la foule des interrogateurs a toujours été croissant. Je<br />
ne rapporte que ce qui m ’a le plus vivement frappée. J ’ai tenu à<br />
reproduire les expressions des Enfants, autant que je l’ai pu, et je<br />
crois ne m ’être que rarement écartée de leur naïf langage. Mais ce<br />
qu’il est impossible de rendre, ce qu’il [p. 85] faut avoir vu, c’est<br />
la simplicité de leur attitude, de leurs gestes ; c’est l’expression de<br />
leur physionomie où se peignent la franchise, la candeur et la<br />
conviction. 1<br />
(1) Les prévisions de Mélin sur le temps s’avéreront inexactes. Dès l’après-midi de ce<br />
samedi, le temps se mettra à la pluie.<br />
136
19 septembre 1847 Doc. 279 bis<br />
Maximin est d’un caractère plus ouvert, plus aimable que<br />
celui de Mélanie. Mais cette dernière est surtout remarquable par<br />
sa grande et rare modestie : loin d’être flattée d ’attirer ainsi<br />
l’attention, elle voudrait s’y dérober, si le sentiment de sa mission<br />
ne l’emportait encore sur sa timidité naturelle ; c’est ce que rend<br />
bien cette réponse : « J ’aimerais mieux n ’être pas chargée de le<br />
dire, pourvu qu'ils le savent ; » et encore celle qu’elle a faite<br />
aujourd’hui à un ecclésiastique qui lui demandait si elle était<br />
contente et heureuse que la Sainte Vierge lui eût fait cette<br />
Révélation. — « Oui, a-t-elle répondu, mais je serais bien plus<br />
contente, si elle ne m ’avait pas dit de la dire. — Et pourquoi<br />
donc ? — Cela me fa it trop voir. »<br />
Résu m é des e x p l ic a t io n s d e m éla n ie sur la toilette de la sainte Vierge. La<br />
veille, tandis que Marie des Brûlais taillait les hosties destinées à être consommées<br />
sur la montagne, Mélanie lui expliqua que la Dame portait un bonnet « un peu<br />
haut » (p. 86) et pas trop pointu. A la hauteur du front, elle avait une couronne<br />
de roses. Elle ne portait ni voile ni manteau. Son fichu, de couleur blanche,<br />
était croisé par devant. Il « y avait des roses tout autour du fichu, et puis une<br />
chaîne brillante au-dessus de la garniture de roses ; et puis, il pendait là (sur la<br />
poitrine), une croix avec des tenailles et un marteau qui tenaient sans rien.<br />
N ’avait-elle pas des bas jaunes, cette belle Dame ? — Oui, qui brillaient et puis<br />
des souliers blancs avec des roses tou t autour » (p. 86).<br />
Dimanche 19 septembre 1847<br />
Célébration du premier anniversaire de l’apparition<br />
Malgré la pluie et le froid, de nombreux pèlerins passent la nuit sur la<br />
montagne. Vers cinq heures du matin, il y a là, d’après l’estimation d’un témoin<br />
oculaire, entre huit cents à mille personnes, dont une quarantaine de prêtres (1).<br />
La plupart doivent passer la nuit en plein air. Priant sans interruption, ils forment<br />
un carré sur les lieux de l’apparition. Un petit nombre seulement réussit à<br />
pénétrer dans la chapelle provisoire, où l’on célèbre des messes à partir de trois<br />
heures et demie (2). Quelques-uns s’abritent dans les cinq baraques en planches,<br />
« destinées à offrir aux voyageurs quelques soulagements provisoires » (A r b a u d ,<br />
p. 50).<br />
Durant la journée, la foule continue à affluer. « Ce qui m’a vivement<br />
attendri dans cette ascension », écrit l’abbé Gerin, curé de la cathédrale de<br />
Grenoble, « c’étaient les chants des Litanies, du Petit Office, des Cantiques de la<br />
Sainte Vierge, dans le cœur et la bouche des hommes, des femmes, des jeunes<br />
gens, des jeunes personnes ; la récitation du Chapelet et d’autres prières, à voix<br />
haute, par un aussi grand nombre de personnes ; des montures chargées d’un<br />
père ou d’une mère, tenant amoureusement autour d’eux leurs enfants ; de<br />
pauvres mères marchant à pied en serrant contre leur sein de tout petits enfants ; 1<br />
(1) Doc. 298 (abbé Barrai). — Selon le doc. 282, vers trois heures du matin les prêtres<br />
étaient plus de cinquante ; selon PERRIN, n° 652, durant cette nuit « plus de cent prêtres<br />
environnaient l ’autel ».<br />
(2) Voir le doc. 282 (relation de l’abbé Louis Perrin, curé de la Salette).<br />
137
Doc. 279 bis<br />
<strong>Documents</strong><br />
des personnes portées en palanquin, des infirmes de toute espèce. Arrivés enfin<br />
sur la Montagne sainte, nous avons vu avec ravissement un vrai campement<br />
d’Israël, des groupes de toutes parts assis à côté de leurs montures » (doc. 289).<br />
Vers onze heures, on arrête la célébration des messes. Un rassemblement se<br />
forme sur le versant du Gargas, au-dessus des lieux de l’apparition : c’est là que<br />
l’abbé Sibillat (3) donne le sermon prévu pour la journée. Il « agitait ses longs<br />
bras » écrit l’abbé Arbaud dans ses souvenirs, « se livrait aux grands mouvements<br />
de l’éloquence et faisait éclater sa voix mâle et sonore» (A r b a u d , p. 51).<br />
Cependant, seules les personnes placées à proximité parviennent à l’entendre:<br />
Des prières et des chants suivent le sermon. Pendant le Magnificat, le brouillard<br />
qui enveloppe l’assemblée se lève. On aperçoit alors l’ensemble de la foule.<br />
Spectacle saisissant : l’abbé Gerin n’a jamais rien vu de semblable, « ni à Lyon,<br />
à l’arrivée des Bourbons, au retour de l’exil ; ni à l’apparition de Bonaparte, au<br />
retour de l’île d’Elbe [...] et cependant à peine y avait-il les deux tiers des<br />
pèlerins » (doc. 289). On chante le cantique « Bénissons à jamais » et le T e<br />
Deum. Puis, sur la demande des fidèles, l’abbé Gerin improvise une allocution,<br />
qu’il donne en se plaçant près de la croix de l’Assomption (A r b a u d , p. 53).<br />
Les estimations du nombre des pèlerins vont, selon les témoins, de trente<br />
mille à soixante et même cent mille (4). Le Père Bossan, qui a une certaine<br />
expérience des foules de la Salette, estime ces derniers chiffres très exagérés et<br />
s’en tient à l’estimation proposée par Arbaud : trente à quarante mille (A r baud,<br />
p. 48 ; Apparition, n° 964). Au reste, les calculs sont d’autant plus alléatoires,<br />
que les gens montent et descendent sans cesse durant la journée.<br />
L’abbé Mélin, les religieuses de Corps, Marie Des Brûlais et les deux bergers,<br />
partis vers cinq heures et demie du matin, arrivent environ quatre heures plus<br />
tard (doc. 287). Selon Marie Des Brûlais, on demande à Mélanie comment elle<br />
avait compris l’expression « faire passer cela à son Peuple » ; s’agissait-il, dans sa<br />
pensée, seulement des habitants « de ce pays »? — Mélanie répond : « Je sais<br />
pas, moi : je comprends tout le monde » (doc. 281 bis).<br />
Les pèlerins assaillent les enfants et les obligent à répéter leurs récits.<br />
Maximin, fatigué, trouve refuge à la sacristie de la petite chapelle. Il s’y confesse<br />
à l’abbé Gerin (5). Quant à Mélanie, écrit Marie Des Brûlais, « on eût dit à son<br />
maintien, à l’impassibilité de sa physionomie, qu’elle était étrangère à cette<br />
affluence. Quelqu’un eut la maladresse de lui dire : « Voyez tout ce monde ! *60<br />
(3) Né à Moirans en 1815, prêtre en 1845, vicaire à la Tronche (banlieue de Grenoble)<br />
de 1845 à 1852, Michel-François Sibillat fut ensuite Missionnaire de N.D. de la Salette,<br />
mais quitta l’Institut six ans plus tard, lorsque les Missionnaires optèrent pour la vie<br />
religieuse et prononcèrent les vœux de religion. Il parcourut la France comme prédicateur<br />
et obtint du Saint-Siège le titre de Missionnaire apostolique. Sur la Salette, M.-F. Sibillat<br />
publia un livre (La divine messagère..., 1854) et composa des cantiques (cf. Bibl.). Il<br />
mourut le 9 mars 1870.<br />
(4) 30 000, selon une estimation rapportée par Mélin (doc. 297 bis) ; « pas moins de<br />
30 » (mille), selon le brigadier de la gendarmerie de Corps (L.M.U. SlMILIEN, Pèlerinage à<br />
la Salette, 2e éd., Angers 1853, p. 225) ; au moins 40 000, d ’après le rapport du maire au<br />
préfet de l’Isère (cf. doc. 288) ; 100 000, selon Gerin (doc. 289). Rousselot parle de 50 à<br />
60 mille personnes : « nous n ’articulons que ce nombre, quoique beaucoup de prêtres et<br />
de laïques instruits, témoins oculaires, le fassent monter à 80 mille et même plus haut.<br />
Dans cette foule immense, se trouvoient des ingénieurs accoutumés au calcul des masses<br />
couvrant une certaine étendue de terrain » (doc. 310, p. 22, addition marginale = Vérité,<br />
p. 98). Rousselot pense très vraisemblablement ici à l’ingénieur Dausse.<br />
(5) Doc. 282 et PERRIN, n° 661. Un manuscrit de Dausse (doc. 315) laisse entendre<br />
que celui-ci rencontra l’enfant à la sacristie de Corps, le soir du 19 septembre.<br />
138
19-20 septembre 1847 Doc. 282<br />
c'est pourtant vous qui êtes l’auteur de tout cela ! » Mélanie, sans répondre,<br />
haussa les épaules, comme lorsque quelque chose lui paraît absurde ; et dès lors,<br />
toute son attention fut constamment de se tenir cachée, de se dérober dès qu’elle<br />
était reconnue,* jusqu’à ce qu’enfin, ne pouvant plus éviter les attroupements<br />
que sa présence renouvelait partout où elle passait, elle prit le parti de s’enfuir<br />
tout de bon avec son père, en prenant sa course à travers les sentiers de la<br />
Montagne » {Echo, p. 88-89). Arbaud rapporte qu’une extinction de voix lui<br />
ayant interdit l’usage de la parole, elle fut emmenée épuisée de lassitude et sur<br />
le point de tomber en syncope » (Arbaud, p. 52).<br />
A en croire l’abbé J.-P. Cartellier, « Mélanie qui se trouvait à une extrémité<br />
de cette multitude innombrable de pèlerins, s’écria tout à coup : je vois la Ste<br />
Vierge. La foule alors se précipite de son côté. Mélanie pleurait ; tant elle avait<br />
été impressionnée par cette vision » (6). On a là, peut-être, l’écho plus ou moins<br />
déformé d’une parole réelle (7).<br />
A Morlaix, Finistère, à la suite d’une neuvaine à Notre-Dame de la Salette,<br />
guérison d’Elisa de Pinguern et de Francine La Bourdonnec, âgées de dix-sept<br />
ans, pensionnaires au couvent de N.D. de la Victoire, atteintes d’un mal inconnu<br />
et jugé incurable par le médecin. — Dossier : EG 120 ; cf. G iray II, p. 305-<br />
306.<br />
19-20 septembre 1847<br />
É v é n e m e n t s. A Blois, à la suite d’une neuvaine à Notre-Dame de la Salette,<br />
guérison de Joséphine Leblais, âgée de trente et un ans, atteinte de plusieurs<br />
infirmités (gastralgie, etc.). Cette guérison fit l’objet d’une enquête canonique à<br />
l’évêché de Blois. — Dossier : EG 122 ; cf. G ir a y II, p. 306-307.<br />
* 282. LETTRE DE L’ABBÉ LOUIS PERRIN, curé de la Salette, à<br />
Mgr de Bruillard<br />
Dans VlLLECOURT, p. 184-187.<br />
Date. Mgr Villecourt, qui édita cette lettre, n’en indique pas la date.<br />
L’évêque de Grenoble la lui avait transmise en lui renvoyant le manuscrit du<br />
Nouveau récit (doc. 309). Elle fut probablement écrite peu de temps après le<br />
jour anniversaire, peut-être dès le lendemain.<br />
Monseigneur,<br />
Votre Grandeur désirait beaucoup que les cérémonies permises<br />
sur la montagne de la Salette fussent exécutées avec ordre, et<br />
affermissent de plus en plus la croyance à l'apparition miraculeuse.<br />
Nous sommes heureux de pouvoir dire, avec tous les autres témoins<br />
oculaires, que la fête du 19 septembre a été brillante au-delà de<br />
tout ce qu’on pouvait prévoir. Aucun accident n ’est arrivé, de<br />
(6) Cartellier continue : « Nous avouons que nous n’en avions pas entendu parler.<br />
C’est ces jours-ci pour la première fois [i.e. en 1848 ou 1849] que ce fait nous a été<br />
rapporté » (Réponse, p. 12).<br />
(7) On trouvera dans l’introduction au doc. 288 un fait arrivé ce même jour, mais<br />
déformé par la rumeur populaire.<br />
139
Doc. 282<br />
<strong>Documents</strong><br />
l’aveu de M. le Maire, ni durant la célébration des Saints Mystères,<br />
ni dans la foule immense des pèlerins.<br />
Il serait difficile, Monseigneur, de se former une idée juste<br />
d ’une pareille agglomération ; il aurait bien fallu une demi-heure<br />
pour faire le tour du terrain qu’elle occupait ; et encore elle était<br />
tellement compacte, que l’on ne marchait pas, mais que l ’on était<br />
porté en avant, par sauts et par bonds, comme les vagues de la<br />
mer, surtout à quelque distance de la petite chapelle. Cependant<br />
tous s’inclinaient profondément, au-[p. 185]tant qu’ils le pouvaient<br />
; tous étaient pénétrés d ’un vrai sentiment de religion,<br />
animés de la foi la plus vive ; tous priaient ou chantaient<br />
pieusement ; tous paraissaient s’occuper des moyens à prendre<br />
pour devenir meilleurs. Le chant des Litanies de la Sainte Vierge,<br />
du Salve Regina, de l’Ave maris Stella, et d ’un grand nombre de<br />
cantiques, n ’a pas été interrompu durant la nuit du samedi au<br />
dimanche.<br />
Quel souvenir, Monseigneur, que celui de cette nuit !! La<br />
pluie a commencé vers les cinq heures du soir, et n ’a cessé que le<br />
lendemain vers les sept heures du matin. Voilà pourtant une<br />
multitude de cinquante mille âmes qui a passé la nuit en plein<br />
air, inondée d ’une pluie torrentielle, sans laisser échapper ni<br />
murmures, ni plaintes (1).<br />
Vers les trois heures du matin, j’ai commencé la cérémonie<br />
par la bénédiction de la petite chapelle en bois. J ’étais environné<br />
de plus de cinquante prêtres. A trois heures et demie, j’ai dit la<br />
première messe, et mon frère a dit la sienne en même temps ; car<br />
nous avons pu élever un autel à deux faces. Depuis ce moment,<br />
jusqu’à onze heures et demie, le double sacrifice a été offert. Il<br />
n ’y a pas eu de messe chantée. Plusieurs ecclésiastiques m ’ont<br />
beaucoup secondé pour comprimer la foule, qui se jetait, [p. 186]<br />
comme à corps perdu dans la chapelle. Il nous a fallu déployer<br />
toute la force, toute l’énergie dont nous étions capables, pour<br />
faire ouvrir un passage, seulement aux personnes qui voulaient<br />
communier ; et après la communion, il fallait encore user de<br />
violence pour les faire sortir, afin de céder la place à d’autres.<br />
Ce moyen de communion, par sections de vingt à vingt-cinq<br />
personnes, nous a paru le seul possible. Nous avons continué ce<br />
travail pendant n e u f heures, sans interruption. Il y a eu plus de<br />
mille communions ; et il est certain qu’un très grand nombre<br />
n ’ont pu satisfaire leur pieux désir, ne pouvant plus parvenir<br />
jusqu’à la sainte Table. 1<br />
(1) La « multitude de cinquante mille âmes qui a passé la nuit en plein ait » est<br />
probablement un lapsus ; dans la pensée de Perrin, le chiffre de 50 000 correspond plutôt<br />
à l’ensemble des pèlerins de la journée.<br />
140
21 septembre 1847 Doc. 282<br />
'Vers les onze heures, nous avons vu la nécessité d’aviser à un<br />
moyen de prévenir la suffocation de plusieurs. La foule augmentait<br />
toujours ; il n ’était plus possible de la percer ; des personnes se<br />
trouvaient mal à chaque instant ; et nous avons pu donner des<br />
fortifiants à quelques-unes ; elles se sont remises en quelque<br />
temps.<br />
Alors, j’ai annoncé sur le ton le plus élevé qu’il n ’y aurait<br />
plus de messes, que là on chanterait les Vêpres. Cependant on<br />
n ’a pu le faire. On se portait, on étouffait. On s’est contenté du<br />
Salve Regina.<br />
M. l’abbé Sibillat, vicaire de [la] Tronche, a pris [p. 187] la<br />
parole, et a adressé à cette foule immense une instruction dont les<br />
trois idées principales étaient : la prière, la sanctification du<br />
dimanche, et le blasphème. Sa haute taille, sa forte voix, son<br />
enthousiasme, son action très animée, l’ont admirablement bien<br />
servi.<br />
Le vénérable Curé de la cathédrale de Grenoble a aussi fait<br />
passer dans les coeurs le feu dont le sien brûle pour Marie. Ses<br />
paroles ardentes ont été recueillies avec avidité. Son onction<br />
pénétrante, sa bonté immense bien connue, tout produisait une<br />
impression profonde.<br />
Le cher Maximin, ému du spectacle dont il était témoin, a<br />
demandé à M. le Curé de la Cathédrale la grâce de faire, ce jourlà<br />
sa première communion. Ce bon pasteur s’est contenté de le<br />
confesser.<br />
Mardi 21 septembre 1847<br />
É v é n e m e n t. Près de la source de l’apparition, l’abbé Arbaud aperçoit un<br />
homme portant moustaches. « Il était à genoux au milieu d’un groupe d’autres<br />
hommes et chantait d’une voix mâle : Suivons sur la montagne sainte, notre<br />
Sauveur sanglant, défigure..... Puis avec un ton ferme et bien accentué, il lisait<br />
les prières d’un petit livre qu’il tenait dans les mains ». L’abbé Arbaud demande<br />
des éclaircissements : il s’agissait, paraît-il, d’un militaire guéri miraculeusement<br />
d’une tumeur à la jambe, après avoir baigné durant plusieurs semaines chaque<br />
jour la partie malade dans l’eau de la source miraculeuse (Arbaud, p. 82-83). —<br />
Rousselot observe à propos de cette guérison et de celle d’un autre militaire (*) :<br />
« Rien n’a constaté la guérison de ces militaires, parce que rien n’avait constaté<br />
leurs maladies » (**).<br />
(*) Guérisons rapportées par la Voix de l ’Église, n" du 1" novembre 1847, p. 157, et<br />
par LEMEUNIER, Pèlerinage à la Salette, 3.éd., Séez 1849, p. 79.<br />
(**) Nouveaux documents, p. 108. Dès janvier 1848, le curé de la Salette met les<br />
enquêteurs en garde contre un soldat originaire de l’Eure-et-Loire : l’homme, qui se<br />
prétend guéri miraculeusement, débite son histoire « comme en secret », pour gagner de<br />
l’argent (doc. 392).<br />
141
Doc. 286<br />
<strong>Documents</strong><br />
286. LETTRE DE L’ABBÉ DOMBEY, vicaire à Corbelin, à l’abbé<br />
Auvergne, pro-secrétaire à l’évêché de Grenoble<br />
Original (1 f. 19,5 cm x 25,8).<br />
Eugène Dombey, 1817-1897. Ordonné prêtre en 1842, vicaire à Corbelin<br />
lors de son pèlerinage à la Salette en 1847, il devint aumônier de plusieurs<br />
communautés religieuses, dont le Carmel de Vienne, où il resta vingt-sept ans.<br />
C’était un homme d’oraison (Semaine religieuse de Grenoble, 1896-97, p. 358).<br />
Contenu. La lettre reproduit une note sur les « impressions de Mr Dupont<br />
de Tours en pèlerinage à la Salette », composée probablement par Dombey luimême<br />
(extrait dans BASSETTE, p. 79), qui avait accompagné le pieux laïc dans sa<br />
visite du 27 juillet. Le vicaire de Corbelin donne ensuite ses propres impressions :<br />
[p. 2] Quant à moi, j’ai cru voir dans Maximin des yeux qui ont<br />
vu la Ste Vierge. La légèreté commune aux enfans de son âge,<br />
loin de me surprendre, [p. 3] m ’annonçait plutôt la franchise et<br />
l’absence de ruse dans son récit ; au reste il a un bon cœur.<br />
Quand il parle des choses de sa mission, il paraît imperturbable,<br />
ne cherchant point à épier ses paroles, pour voir s’il se contredit<br />
ou s’il est pris en défaut. Il paraît entièrement fort et convaincu<br />
de la vérité de ce qu’il annonce. Mélanie m’a aussi satisfait par<br />
son assurance, sa simplicité, sa modestie. Mais la vue des lieux<br />
m ’a vivement touché. La piété des fidèles, la narration des enfans,<br />
la discrétion qui eut lieu, l’espèce de confusion qu’éprouva<br />
l’incrédulité, l’ennui qui s’emparait de moi lorsque j’appelais le<br />
doute, la paix, la joie que me rendait la croyance, tout cela faisait<br />
disparaître les incertitudes qui m ’étaient venues surtout des doutes<br />
de personnages distingués de la ville épiscopale. Vive donc Notre<br />
D. de la Salette [...]<br />
Corbelin, 21 sept. 1847<br />
Eug. D om bey [...]<br />
Jeudi 23 septembre 1847<br />
288. LETTRE DU BARON PELLENC, PRÉFET DE L’ISÈRE, à<br />
Mgr de Bruillard<br />
Original (1 f. 25 cm x 19) : EGDA 23.<br />
Contexte. Le préfet a été informé d’un accident survenu à Corps le 19<br />
septembre et dont l’abbé Mélin avait d’ailleurs fait part à l’évêque dès le mardi<br />
21 en ces termes : « Un accident grave a ôté la vie à un homme de la Mure, à un<br />
kilo[mè]tre de Corps ; il montait en voiture, sans arrêter le cheval ; une chute<br />
inattendue l'a jeté sous les roues (*) ; il a expiré quelques instants après ; il a<br />
pu recevoir l'absolution » (doc. 284). Certains interprétèrent l’accident comme<br />
un châtiment : « On dit que parti de chez lui, pour la Salette, il r 'était amusé à<br />
(*) Le chemin entre Corps et la Salette était à l’époque inaccessible aux voitures (cf.<br />
LSDÀ I, p. 2). L’accident arriva donc entre Corps et la Mure.<br />
142
23 septembre 1847 Doc. 288<br />
Corps, et qu'il n'y était pas monté » (ibidem). La rumeur populaire recueillie<br />
par l’abbé Arbaud fit de l’homme un protestant, qui serait effectivement monté<br />
à la Salette, mais qui, au lieu de « garder la sage réserve et la politesse qui<br />
conviennent lorsqu’on partage des opinions contraires [...] alla se jeter dans une<br />
des baraques voisines de la chapelle, pour y manger et boire avec quelques<br />
compagnons qui ne valaient pas mieux que lui » et qui repartit pour rentrer chez<br />
lui à la Mure, après « avoir proféré toutes sortes de blasphèmes et après avoir<br />
épuisé de copieuses libations ». L’accident serait arrivé près d’un pont après la<br />
sortie de Corps, tandis qu’il voulait monter dans une diligence en marche.<br />
S’élançant « étourdiment et à demi-grisé », il glissa et « tomba misérablement<br />
sous les roues qui l’écrasèrent » (A r b a u d, p. 5 6 ) .<br />
Il est possible que la nouvelle de l’accident soit parvenue à la préfecture à<br />
travers un canal anticlérical. Le rassemblement du jour anniversaire n’avait en<br />
effet pas été du goût de tous. Le Patriote des Alpes du 21 septembre (doc. 283),<br />
annonçant à ses lecteurs qu’à Lyon la police enquêtait sur des phénomènes<br />
extraordinaires arrivés dans une institution religieuse, formulait à propos des<br />
« jongleries de la Salette » la remarque suivante : « Dans ce moment, une<br />
immense population n 'est-elle pas stupidement réunie pour fêter l'anniversaire<br />
du mensonge le plus effronté et le plus bête qui ait jamais été jeté en pâture aux<br />
faibles d'esprit.<br />
Préfet de l ’Isère Grenoble le 23 sept. 1841.<br />
Cabinet du Préfet<br />
Monseigneur,<br />
La commune de la Salette a été visitée, le 19 de ce mois, par<br />
un nombre si considérable d ’étrangers que M. le Maire, dans le<br />
rapport qu’il vient de m ’adresser pour me rendre compte de cette<br />
réunion extraordinaire, ne le porte pas au-dessous de 40 mille,<br />
parmi lesquels se trouvaient au moins 200 prêtres. Des messes ont<br />
été dites sur la montagne depuis 3 heures moins 1/4 du matin<br />
jusqu’à midi et 1/2. L’annonce de ces messes devait naturellement<br />
attirer une grande affluence.<br />
Ces grandes réunions sont de celles que [sic] l’administration<br />
supérieure doit toujours être informée, afin qu’elle puisse prescrire<br />
les mesures si nécessaires en pareil cas, pour le maintien de l’ordre<br />
et de la tranquillité publique confié à sa garde. S’il en eût été<br />
ainsi, nous n’aurions peut-être pas eu à déplorer la mort d’un<br />
homme qui a été écrasé par une voiture.<br />
Je désire savoir, Monseigneur, si la présence de tant d ’ecclésiastiques<br />
à la manifestation dont la commune de la Salette vient<br />
d ’être le théâtre [verso] et le nombre considérable de messes qui<br />
ont été dites en plein air, ont été autorisées par votre Grandeur.<br />
143
Doc. 288<br />
<strong>Documents</strong><br />
Je vous serais fort obligé, Monseigneur, de vouloir bien me<br />
répondre le plus tôt possible.<br />
Agréez...<br />
Le Préfet de l’Isère<br />
PELLENC<br />
* 290. RÉPONSE DE MGR DE BRUILLARD au préfet de l’Isère<br />
Brouillon de la main de l’évêque, écrit sur la lettre du préfet (doc. 288) :<br />
EGDA 23. — Non daté.<br />
Note. Le brouillon, difficile à lire par endroits, comporte des passages biffés,<br />
que nous nous abstenons de signaler.<br />
M. le Préfet,<br />
Ce n ’est pas l’affluence des messes, dont on n ’avait pas<br />
connaissance, qui vient d ’attirer 40 à 50 mille personnes sur la<br />
Montagne de la Salette. C’est le nombre présumé des étrangers<br />
qui m’a engagé à permettre la célébration des Sts Mystères, dans<br />
un jour où il est ordonné d ’y assister.<br />
J ’ai acquis la certitude que, dans cette immense réunion,<br />
aucun désordre n ’a été commis. M. le Maire de la Salette et les<br />
gendarmes de Corps peuvent l’attester. Tout s’est passé en prières<br />
et en chants religieux.<br />
[verso] Il n’est malheureusement que trop vrai qu’un homme<br />
a été écrasé sur la grande route le dimanche 19- Mais c’est un fait<br />
isolé qui n ’a aucun rapport avec la Salette.<br />
Habitant de La Mure, cet homme était venu à Corps pour ses<br />
affaires, et n ’a point paru à la Salette qui en est éloignée de<br />
4 lieues. A un kilomètre de Corps, il a eu l'imprudence de vouloir<br />
monter dans sa charrette' sans arrêter son cheval. Le pied lui a<br />
manqué et il a été écrasé sous l’une des roues. Cependant, il n ’est<br />
pas mort de suite et un prêtre qui voyageait dans ces parages a eu<br />
le temps de lui procurer les secours de son ministère.<br />
Samedi 25 septembre 1847<br />
ÉVÉNEMENTS. A la Salette, guérison de Victorine Sauvet, originaire de Lalley<br />
(commune située à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de la Salette).<br />
Souffrant d’un affaiblissement de la vue depuis le début d’août, alors qu’elle se<br />
trouvait en service à Marseille, chez M. Bech, économe des hôpitaux de la ville,<br />
elle devient aveugle vers le 20 de ce mois. Le samedi 18 septembre elle quitte<br />
Marseille pour rejoindre sa famille à Lalley. Conduite une semaine plus tard à la<br />
144
25 septembre 1847 Doc. 290<br />
Salette par ses parents, elle recouvre la vue subitement, sur les lieux même de<br />
l’apparition. Le curé de la Salette, qui se trouvait à proximité, dresse immédiatement<br />
le procès verbal de la guérison (1). — Dossier : EG 122 (dossier V. Sauvet :<br />
41 pièces, dont 21 numérotées) ; Vérité, p. 130-142 ; Nouveaux documents,<br />
p. 53 ; Nouveau sanctuaire, p. 117-118 ; GlRAY I, p. 174-186. — Cette guérison<br />
fut examinée lors de la Conférence tenue à l’évêché de Grenoble le 6 décembre<br />
suivant (cf. doc. 369)-<br />
N ote critique. La guérison de Victorine Sauvet ne saurait être considérée<br />
comme miraculeuse. En effet :<br />
1) Avant même que Victorine ait quitté Marseille, le Dr Gués, médecin<br />
traitant, laisse espérer une guérison, si elle « peut demeurer tranquille & jouir de<br />
quelques consolations » (2). La maladie avait du reste une origine psychologique,<br />
à savoir le choc produit sur Victorine par une mauvaise nouvelle (3).<br />
2) Durant les huit jours qui vont du départ de Marseille au pèlerinage à la<br />
Salette, elle exhibe sa « cécité » comme s’il s’agissait de rassembler des témoins<br />
en vue du miracle. Dans son village natal, elle ne séjourne pas même une<br />
semaine. Or « 75 habitants et propriétaires de Lalley » ( Vérité, p. 138) attesteront<br />
la cécité de Victorine : mais comment demander à ces braves gens de distinguer<br />
entre une cécité réelle et une cécité simulée ou imaginaire (4) ?<br />
3) Pour obtenir sa guérison, elle se serait adressée également à Notre-Dame<br />
de la Garde. Mais après vérification de ses dires auprès des responsables du 1<br />
(1) Doc. 291 : « Procès-verbal fait sur les lieux [...] ». — Le texte publié dans la Voix<br />
de l'Eglise du 1" novembre 1847, p. 157-158, comme étant la déclaration de Victorine<br />
Sauvet « copiée textuellement sur l’original déposé à l’Evêché de Grenoble » est plus court.<br />
(2) Doc. 271 bis : lettre de M. Bech au père de Victorine Sauvet, 15 septembre 1847,<br />
éditée partiellement dans Vérité, p. 134-136, où des points de suspension remplacent le<br />
passage suivant : « Celui-ci [notre médecin] attribuant cette maladie à un violent effet<br />
nerveux & à un transport de sang au cerveau, a saigné votre fille pendant 4 fois & a tâché<br />
de la ramener au calme par ses ordonnances. Il ne peut pas brusquer un traitement aussi<br />
délicat ; il pense que la vue reviendra à votre fille si elle peut demeurer tranquille & jouir<br />
de quelques consolations. Le système nerveux & le cours du sang reprendront leur assiette<br />
& la rétabliront. On nous a raconté plusieurs exemples de personnes qui se trouvaient dans<br />
sa position & qui ont recouvré la vue, d’autant plus vite, qu’elles se sont moins inquiétés ».<br />
Le Dr Gués, médecin traitant, écrira en octobre au curé de Lalley : « je vous assure Monsieur<br />
le Curé, que j’ai toujours douté de la cécité de cette malade. Les yeux de cette demoiselle<br />
étaient si clairs et si si [sic] transparents, que la cécité devait résulter d ’un amaurose,<br />
maladie qui est occasionnée par la paralysie du nerf optique ou de la ré/tine. Dans cette<br />
maladie, seule qu’on pût [?] supposer à Mademoiselle Sauvet, la malade ne voit [p. 2]<br />
point, mais la pupille reste fixe [ou : fixée] et immobile, tandis que chez cette malade,<br />
elle se dilatait et se contractait parfaitement, suivant qu’on approchait ou éloignaiewt ses<br />
yeux de la lumière » (doc. 313). M. Bech, l’employeur de Victorine, rendra un témoignage<br />
semblable : « Peu de personnes ont franchement cru à la cécité de Victorine », qui<br />
franchissait aisément des obstacles dressés devant elle (doc. 316).<br />
(3) Sa sœur Marie venait d’avoir un enfant naturel (cf. doc. 271 bis). C’est depuis<br />
que Victorine a été informée de « l'inconduite de votre fille Marie » qu’elle a éprouvé ce<br />
changement, écrit M. Bech au père le 1" septembre 1847 (doc. 247). Dans Vérité, p. 133,<br />
les mots entre guillemets ont été remplacés par : « du malheur arrivé dans votre famille ».<br />
— Victorine présente la cause de son chagrin autrement : « on m’apprit tout-à-coup que la<br />
demande que j’avais faite d’entrer dans le couvent d’un hôpital n'avait pu être admise »<br />
(doc. 295).<br />
(4) Pièce n° 12 du dossier Victorine Sauvet (EG 122), lequel comprend encore d’autres<br />
attestations semblables.<br />
145
Doc. 293<br />
<strong>Documents</strong><br />
sanctuaire marseillais, on constate qu’ils contiennent des mensonges (5) : on a<br />
donc affaire à une fabulatrice (6).<br />
293. LETTRE DU CARDINAL DE BONALD, archevêque de Lyon,<br />
à Mgr J.B. Bouvier, évêque du Mans<br />
Dans A. SIFFLET, Les évêques concordataires du Mans, IV, t. 2 (Mgr J.-B.<br />
Bouvier), Le Mans 1927, p. 149-150.<br />
L.-J.-Maurice de Bonald, né à Millau, Aveyron, le 30 juin 1787, prêtre en<br />
1811, évêque du Puy en 1823, cardinal en 1841, fut archevêque de Lyon de<br />
1839 jusqu’à son décès, le 25 février 1870. Il faut se garder de lui attribuer les<br />
positions de son père, le vicomte Louis de Bonald, défenseur des principes<br />
monarchistes et traditionalistes en philosophie. Le cardinal de Bonald refusait en<br />
effet de lier l’Eglise à un régime politique. Dès avant 1848, il avait dénoncé les<br />
excès du capitalisme industriel et perçu dans la misère ouvrière du temps quelque<br />
chose de nouveau par rapport à la misère ancienne (1).<br />
Attitude envers La Salette. Le cardinal de Bonald a longtemps compté parmi<br />
les adversaires les plus décidés de la Salette. Pour empêcher l’approbation de<br />
l’apparition par l’autorité ecclésiastique ou pour obtenir sa condamnation, il<br />
intervint à plusieurs reprises auprès de l’évêque de Grenoble et même, à partir<br />
de 1851, auprès du Saint-Siège. Par la suite, il adopta une ligne de conduite<br />
plus modérée. « C’est une bonne chose que la dévotion à la S" Vierge transportée<br />
sur le haut d’une montagne », écrit-il en 1861 à Edouard Barthe, chanoine<br />
honoraire de Rodez. «J’approuve le pèlerinage à la chapelle construite en<br />
l’honneur de Marie. Mais je sépare tout cela du fait de l’apparition (2). » Selon<br />
Rousselot, le 23 octobre de l’année suivante dans un entretien avec Mgr<br />
Ginoulhiac, évêque de Grenoble il s’exprima « sur le fait et sur la croyance à la<br />
manière d’un croyant » (3). — C’est possible ; mais croyait-il vraiment au fait de<br />
l’apparition et pas simplement à la légitimité du pèlerinage ? On peut en douter,<br />
car Rousselot l’aurait indiqué clairement.<br />
Les apologistes de la Salette n’ont pas manqué de signaler la négligence du<br />
cardinal à s’informer correctement. De fait, son opposition débute par une<br />
interprétation erronée des conclusions auxquelles étaient arrivés en décembre 1846 1<br />
(5) Réponse envoyée de Marseille à l’abbé Carton, curé de Lalley, 13 novembre 1847<br />
(doc. 337).<br />
(6) En 1850, alors qu’elle se trouve à Saint-Laurent-en-Beaumont (canton de Corps),<br />
elle attire de nouveau l'attention : elle se présente au curé du village comme tourmentée<br />
par le démon (cf. la lettre du 18 février 1850 du Procureur de la République et la réponse<br />
de l’évêque, EG 123). Vers les années 1857-68 elle vend des objets de piété à proximité<br />
du Sanctuaire de la Salette. Puis elle a des démêlés avec la justice : on l'accuse d'avoir<br />
elle-même mis le feu à sa baraque, pour toucher une prime d ’assurance. (Cahiers du Père<br />
Joseph Perrin, MSG, en particulier II, p. 67-68 ; sur V.S. cf. également GlRAY I, p. 180 et<br />
suivantes).<br />
(1) Conférence donnée par Mme Muller au Centre régional interuniversitaire d ’Histoire<br />
religieuse de Lyon le 11 avril 1979 ; cf. aussi A. RrVET, « Maurice de Bonald, évêque du<br />
Puy, et la politique », dans Mélanges offerts à M. le doyen AndréLatreille, Lyon, Audin,<br />
1972.<br />
(2) Copie envoyée par le destinataire à Mgr Ginoulhiac, accompagnée d ’une lettre<br />
datée du 22 octobre 1861, EG 73.<br />
(3) Lettre de Rousselot à l'abbé Doyen, curé de Gonrieux en Belgique, 31 octobre<br />
1862, dans N.D. de la Salette. Journal religieux paraissant à Muret (Haute-Garonne),<br />
n° 57 (février 1863), p. 455 ; cf. aussi GlRAY I, p. 106-110.<br />
146
25 septembre 1847 Doc. 293<br />
les chanoines de la cathédrale et les professeurs du grand séminaire de Grenoble,<br />
consultés par Mgr de Bruillard. Les uns et les autres avaient recommandé à<br />
l’évêque de ne rien décider pou r le m om ent, avant d’avoir poussé l’enquête plus<br />
à fond (rapport des professeurs : doc. 49) ou avant que Dieu n’ait manifesté sa<br />
volonté au sujet d’une éventuelle intervention épiscopale : du reste, l’apparition<br />
pouvait produire de bons fruits même en l’absence d’une approbation de la pan<br />
de l’autorité (rappon des chanoines : doc. 50). Or le cardinal croit que les<br />
consulteurs se sont prononcés négativement sur le fond du problème, à savoir<br />
l’apparition elle-même (4). Plus tard, il fera de Maximin, qu’il appellera Marcellin,<br />
le frère de Mélanie (5).<br />
Cette négligence a peut-être pour cause une certaine irritation devant ce qui<br />
ressemble à des exagérations pieuses : « Le mal de notre époque c’est l’amour du<br />
merveilleux », aurait-il répondu à des personnes qui l’avaient consulté au sujet<br />
de la Salette {Réponse, p. 69). — Il faut avouer que, durant cette deuxième<br />
moitié de septembre 1847, le cardinal a quelque motif de se montrer méfiant :<br />
une lettre sur la Salette, pâme dans la Voix de l ’Eglise (doc. 231), vient de le<br />
présenter au grand public comme un croyant convaincu. D ’autre part, il va<br />
bientôt être mis en cause dans l’affaire de l’œuvre réparatrice : on insinuera qu’il<br />
a opté en faveur de la version Le Brument, donc contre l’évêque de Langres, lui<br />
pourtant si soucieux de ne pas se compromettre à propos de révélations privées (6) !<br />
Monseigneur,<br />
Millau, le 25 septembre 1847.<br />
J ’ai pris bien des informations sur le fait miraculeux dont on<br />
parle tant dans nos contrées. J ’ai entendu à ce sujet beaucoup de<br />
prêtres ; j’ai adressé bien des questions ; j’ai écrit et parlé à<br />
l’Évêque de Grenoble (1). Je n ’ai rien pu obtenir de bien clair,<br />
de bien satisfaisant.<br />
Mgr de Bruillard me dit lui-même qu’il avait fait examiner la<br />
chose par deux commissions différentes, et que le résultat des<br />
informations qui avaient été prises était qu’il n’y avait rien de<br />
prouvé : aussi ce Prélat défendit à MM. les curés d ’en parler en<br />
chaire (2). 1<br />
(4) Voir le présent document, avec la note 2.<br />
(5) Lettre de Bonald du 21 mars 1851, EG 73, citée dans BASSETTE, p. 204.<br />
(6) Doc. 366. — Sur M. Le Brument et l’œuvre réparatrice, voir l’introduction au<br />
doc. 259.<br />
(1) Nous n ’avons rencontré aucune trace d ’un tel entretien oral entre les deux évêques.<br />
Ce qui nous reste de leur correspondance ne contient pas la moindre allusion à une<br />
rencontre ayant eu lieu en 1847.<br />
(2) En réalité, l'interdiction de parler en chaire (doc. 3) fut portée par l'évêque avant<br />
la consultation des commissions formées par les chanoines et les professeurs et non pas<br />
après, comme le croit le cardinal. Elle était fondée non sur l'examen du dossier de la<br />
Salette, mais sur la législation concernant les miracles non encore approuvés. — Sur la<br />
147
Doc. 293<br />
<strong>Documents</strong><br />
Tout repose sur le témoignage de deux enfants, une fille de<br />
14 ans et un petit garçon de 11 à 12 ans. La Sainte Vierge leur a<br />
dit, à ce qu’ils prétendent, que la récolte ne vaudrait rien. Elle<br />
est cependant assez belle. La Sainte Vierge tenait quelquefois un<br />
langage qui ne convenait qu’à Notre-Seigneur : le costume qu’elle<br />
portait est d ’une étrange bizarrerie. Elle a confié à ces enfants des<br />
secrets qu’ils ne peuvent jamais dévoiler : à quoi servent-ils donc<br />
pour le bien spirituel des hommes ?<br />
Une fontaine coule à l’endroit où la Sainte Vierge s’est<br />
montrée : cette eau se débite partout. Ne serait-il pas à craindre<br />
qu’on ait voulu, dans ce pays, faire un commerce comme un<br />
autre ? Dans ce temps, on ose tout ! Aujourd’hui, on s’attache au<br />
merveilleux avec une avidité extrême : on doit donc se méfier. Je<br />
ne crois pas encore beaucoup à tout ce qui se dit. Mgr l’Evêque<br />
de La Rochelle a été sur les lieux : il en est revenu convaincu de<br />
la réalité de l’apparition. Il en a même parlé en chaire, à Lyon :<br />
si j’avais pu prévoir qu’il en parlât, je l’aurais prié de n ’en rien<br />
faire (3).<br />
[p. 150] Un ecclésiastique de mon diocèse a publié un livre<br />
sur cette apparition, sans m ’avoir demandé ma permission : je<br />
crois franchement qu’il a voulu faire une spéculation : je connais<br />
l’homme (4).<br />
On a parlé de plusieurs guérisons opérées par l’eau de la<br />
montagne ; je n ’ai pas vérifié si le fait était vrai. Je me méfie : on<br />
devrait, dans ce temps-ci, être extrêmement réservé sur toutes ces<br />
choses ; mais il y a des têtes ardentes qui croient tout, qui adoptent<br />
tout, oubliant les sages conseils de saint Paul.<br />
Veuillez agréer...<br />
fL.-J.-M. Card. DE BONALD, arch. de Lyon.<br />
portée attribuée par le cardinal aux rapports des deux commissions (doc. 49 et 50), voir<br />
aussi le témoignage de Simon Cattet, 1788-1858, ancien vicaire général de Lyon et chanoine<br />
titulaire, auteur d'un certain nombre d ’ouvrages de controverse : « Son Eminence le<br />
Cardinal Archevêque me communiqua, l'année dernière, les fâcheuses impressions que fit<br />
sur son esprit une lettre de Mgr l’Evêque de Grenoble qui lui annonçait que deux<br />
commissions [...] avaient déclaré, chacune de son côté, q u ’il n'y avait pas lieu de poursuivre<br />
l'enquête [...] D’après ce, le Cardinal n’a pas cessé de dire qu’il serait imprudent de<br />
prononcer un jugement épiscopal sur cet événement reconnu incertain » (doc. 373).<br />
(3) A en croire l’abbé Raymond, vicaire du curé d ’Ars, le cardinal lui aurait « adressé<br />
des observations » (lettre de l’abbé Raymond à Mgr Depéry, évêque de Gap, 23 janvier<br />
1851 ; copie : BMG X. 260).<br />
(4) Le spectre de la spéculation paraît avoir hanté l’imagination du cardinal : voir le<br />
doc. 395, dernière observation. — Il est probable, mais non pas certain, que le cardinal<br />
pense ici au chanoine Bez. Rappelons qu’en novembre 1846 avait passé à Corps un certain<br />
abbé Marcellin (ou Marcelin), qui se prétendait envoyé par l’archevêque de Lyon (cf.<br />
LSDA I, p. 186 et 193).<br />
148
28 septembre 1847 Doc. 294<br />
Dimanche 26 septembre 1847<br />
294. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à Mgr de Bruillard<br />
Original : EG 100. — Extraits dans Annales, avril 1912, p. 336-337.<br />
Contexte. La décision prise par l’évêque au sujet de la pierre de l’apparition<br />
(cf. doc. 279) n’a pas plu à Peytard, maire de la Salette-Fallavaux. Refusant tout<br />
partage, celui-ci écrit à Mgr de Bruillard qu’il veut la pierre tout entière : le<br />
Conseil municipal n’acceptera d’aliéner les lieux de l’apparition qu’une fois la<br />
pierre rendue au curé de la Salette (doc. 285). L’évêque, qui s’est laissé<br />
impressionner par Peytard, annonce à Mélin (dans une lettre que nous n’avons<br />
pas retrouvée, mais dont Mélin mentionne l’existence) que la décision contestée<br />
n'a pas été maintenue.<br />
Résume de la présente lettre. Mélin regrette que l’évêque ait modifié sa<br />
décision. Pour sa part, il a reçu de Peytard une lettre menaçante, mais ne s’est<br />
pas laissé intimider. Peytard lui a fait envoyer une citation de comparaître devant<br />
le juge de paix (doc. 276). Mélin ne s’y est pas rendu et il n’y a point eu de<br />
suites : la matière du litige, une simple pierre, ne couvrant pas les frais de<br />
justice, les poursuites ont été suspendues. Cependant Mélin rendra la pierre,<br />
dont il a détaché un fragment destiné à demeurer à Corps. Il propose que, en<br />
attendant la construction de la chapelle définitive, elle soit entreposée à l’évêché,<br />
car « à la cure de la Salette, elle ne pourra pas être vue facüement par ceux qui<br />
vont faire ce pèlerinage, le principal chemin n'y passe pas ».<br />
Mardi 28 septembre 1847<br />
296. ATTESTATION DE JEAN-BAPTISTE PRA, cultivateur aux<br />
Ablandens<br />
Original écrit de la main de l’avocat Dumanoir, avec la signature de J.B.<br />
Pra légalisée le 28 novembre suivant par le maire de la Salette-Fallavaux (1 f.<br />
pliée 30 cm x 41) : EGD 70. — Edition incomplète dans Vérité, p. 45-46 ;<br />
édition complète dans Annales, mai 1909, p. 379-380.<br />
L'enquête Dumanoir de septembre 1847. C’est là au moins la troisième<br />
visite faite au canton de Corps par le grenoblois Armand Dumanoir, auteur<br />
d’une relation de l’apparition (doc. 124). Cette fois, il est monté aux Ablandens<br />
pour interroger les patrons de Mélanie et de Maximin. Comme il est juriste —<br />
en cette année 1847 il est nommé juge suppléant à Montélimar —, il rédige les<br />
réponses de ces deux braves paysans sous la forme de dépositions dûment datées<br />
et signées. Mais il a du mal à communiquer avec eux : la déclaration qu’il fait<br />
signer à Pra contient, comme nous le verrons, une inexactitude. En novembre,<br />
Dumanoir fera vérifier les déclarations par le curé de la Salette, qui apportera<br />
une correction au présent document (cf. doc. 352 et 353 ; Vérité, p. 50).<br />
Je soussigné Baptiste Pra cultivateur, domicilié au hameau des<br />
Ablandins, commune de la Salette, canton de Corps (Isère) déclare<br />
que Mélanie Mathieu est entrée à mon service dans le mois de<br />
149
Doc. 296<br />
<strong>Documents</strong><br />
mars dix huit cent quarante six (1) et qu’elle y est restée au<br />
hameau des Ablandins jusqu’au commencement de décembre de<br />
la même année. Pendant les six jours que le petit Maximin Giraud<br />
de Corps a gardé les vaches de Pierre Selme, mon voisin, dont le<br />
berger était malade, je ne me suis pas aperçu que ces enfants se<br />
connussent, ils ont pu cependant se rencontrer soit dans mon<br />
champ qui est à côté de celui de Pierre Selme, soit en faisant<br />
boire leurs troupeaux sur le versant nord de la montagne aux<br />
Baisses. Le samedi dix neuf septembre mil huit cent quarante six<br />
ils vinrent tous les deux me raconter ce qu’ils avaient vu et entendu<br />
sur ce plateau. Le lendemain ils allèrent ensemble chez M. le Curé<br />
de la Salette qui le même jour à la messe en fit part en chaire à<br />
ses paroissiens. Le petit Maximin est le même jour retourné à<br />
Corps. Il n’est plus revenu dans notre hameau. La petite Mélanie<br />
y est restée et elle a depuis lors été interrogée par un grand nombre<br />
de personnes (2). Le samedi dix neuf au soir elle me dit que la<br />
source située sur le plateau de la montagne à droite du ruisseau et<br />
que je savais être tarie, avait recommencé à couler. Je ne voulus<br />
pas le croire et le lendemain je m ’y rendis à six heures du matin<br />
et je reconnus qu’elle m’avait dit la vérité. Je fus étonné d ’y revoir<br />
de l’eau, parce que d ’ordinaire cette fontaine ne coulait qu’après<br />
de grandes pluies et qu’il n ’en était point tombé depuis longtemps.<br />
Depuis lors cette fontaine [p. 2] n ’a pas cessé de couler. J ’ai même<br />
remarqué avec les voisins que lorsque cette fontaine coulait les<br />
années précédentes elle ne venait pas avec autant d ’abondance que<br />
cette année. Ce n ’est point à cette source que les bergers de la<br />
montagne menaient leurs troupeaux, mais à une autre située à<br />
quelques pas de l’autre côté du ruisseau.<br />
En foi de quoi j’ai signé le présent que je déclare contenir<br />
vérité [sic]. Fait au hameau des Ablandins le vingt huit septembre<br />
mil huit cent quarante sept. J ’ajoute avant de signer, que les<br />
premiers jours je n ’ai point ajouté foi au récit des enfants et que<br />
j’ai plusieurs fois engagé la petite Mélanie à recevoir l’argent<br />
qu’on lui offrait pour qu’elle gardât le silence. Cette enfant a<br />
constamment refusé l’argent qu’on lui présentait ; elle a toujours<br />
résisté aux menaces comme aux promesses de récompense. Le Maire<br />
de la Salette, entre autres, a employé vainement toute espèce de<br />
moyens pour mettre la petite en contradiction avec elle-même, il<br />
n ’a pu y parvenir. Il lui a ensuite offert de l’argent, elle la refusé, 1<br />
(1) Dumanoir a d ’abord écrit « sept » au lieu de « six ».<br />
(2) Le passage qui suit, jusqu’aux mots « En foi de quoi », a été omis par Rousselot<br />
dans la Vérité. Il contient une inexactitude, au moins en ce qui concerne la date de la<br />
première visite de Pra à la source de l’apparition, qui, en réalité, n’eut pas lieu le dimanche<br />
(cf. doc. 352 et LSDA I, p. 48). D ’autre part, il ne semble pas que les enfants aient le<br />
jour même de l’apparition prêté attention à la source et remarqué qu’elle fluait.<br />
150
28 septembre 1847 Doc. 297<br />
et elle /a répondu à ces (*) menaces que toujours elle répéterait<br />
partout ce que la Sainte Vierge lui avait dit. Le Maire de la Salette<br />
l’a interrogée pendant une heure le dimanche vingt septembre<br />
mil huit cent quarante six (**). Fait au hameau des Ablandins, le<br />
vingt huit septembre mil huit cent quarante sept.<br />
Jean Baptiste PRA<br />
297. ATTESTATION DE PIERRE SELME, cultivateur aux<br />
Ablandens<br />
Original écrit de la main de l’avocat Dumanoir, avec la signature de Pierre<br />
Selme légalisée le 28 novembre suivant par le maire de la Salette-Fallavaux (1 f.<br />
pliée 30 cm x 41) : EGD 69- — Edité dans Vérité, p. 46-50.<br />
Origine de la pièce : voir l’introduction au doc. 296.<br />
Je soussigné, Pierre Selme, cultivateur domicilié aux Ablandins,<br />
commune de la Salette, canton de Corps (Isère), certifie les<br />
faits suivants :<br />
Le dimanche, treize septembre mil huit cent quarante six (1),<br />
je suis allé à Corps pour y chercher un petit garçon qui pût garder<br />
mon troupeau de vaches. Le berger qui était en service chez moi<br />
était tombé malade depuis plusieurs jours. N ’ayant pu en trouver,<br />
je m ’adressai à un de mes amis, le père Giraud charron à Corps,<br />
et je le priai de me confier son fils pendant une huitaine de jours.<br />
Il s’y refusa d ’abord et finit par céder à mes instances. Le père<br />
Giraud avait envoyé son fils Maximin, communément appelé<br />
Germain, ou Mémin, à St-Julien (2) pour faire une commission<br />
auprès du Sr Vieux. Celui-ci voyant cet enfant arriver chez lui à la<br />
tombée de la nuit ne voulut pas le laisser repartir et le fit coucher<br />
chez lui. J ’allai l’y chercher le lendemain lundi quatorze du même<br />
mois à trois heures du matin et l’emmenai aux Ablandins. Cet<br />
enfant est allé le jour même et les jours suivants garder mes quatre<br />
vaches dans le champ que j’ai sur le versant du midi de la<br />
montagne aux Baisses, à peu de distance de la croix dernièrement<br />
plantée au sommet de cette montagne (3). Des propriétés privées<br />
s’étendent sur tout le versant. La commune de la Salette possède<br />
en propriété le plateau qui est sur le versant du nord et sur lequel<br />
se sont passés les événements dont parlent Maximin Giraud et<br />
Mélanie Mathieu. Comme je craignais que le petit Maximin ne<br />
surveillât pas avec assez de soin mes vaches qui pouvaient facilement<br />
(*) Dumanoir semble avoir d’abord écrit « ses » au lieu de « ces ».<br />
(**) Dumanoir a d ’abord écrit « sept » au lieu de « six ».<br />
(1) Ici également, Dumanoir a d ’abord écrit « sept » au lieu de « six ».<br />
(2) Hameau appartenant à la commune de la Salette-Fallavaux, à environ 2 km des<br />
Ablandens.<br />
(3) Parcelle n.176 de l’ancien cadastre, traversée par l’actuel chemin de ronde (voir<br />
p. 305).<br />
151
Doc. 297<br />
<strong>Documents</strong><br />
se précipiter dans les nombreux ravins de la montagne, je suis<br />
[p. 2] allé moi-même travailler à ce champ les lundi quatorze du<br />
même mois, mardi, mercredi (4) vendredi de la même semaine.<br />
Je déclare que pendant tous ces jours-là je n ’ai pas perdu un<br />
instant de vue le petit garçon. Il m ’était facile de le voir à quelque<br />
endroit de mon champ qu’il se tint parce qu’il ne s’y rencontre<br />
aucune monticule. Je dois seulement ajouter que le premier jour<br />
Lundi je le menai sur le plateau dont je viens de parler pour lui<br />
indiquer une petite source où il devait faire boire mes vaches. Il<br />
les y menait tous les jours à midi et il revenait immédiatement se<br />
replacer sur [sic] ma surveillance. Le vendredi dix huit je le vis<br />
s’amuser avec la petite Mélanie Mathieu qui gardait les vaches de<br />
Baptiste Pra mon voisin dont le champ touche le mien (5). J ’ignore<br />
si cet enfant la connaissait avant de venir chez moi ou s’il a fait sa<br />
connaissance au hameau des Ablandins. Je ne les y ai cependant<br />
jamais \u ensemble. Ils se rendaient tous les deux de grand matin<br />
dans leurs champs, ne revenaient que le soir et allaient se coucher,<br />
après avoir mangé leur soupe. Le samedi dix neuf septembre je<br />
retournai à mon champ comme d ’habitude avec le petit Maximin.<br />
Vers les onze heures, onze heures et demie du matin je lui dis de<br />
mener mes vaches à la fontaine sur le plateau situé sur le versant<br />
nord de la montagne. Cet enfant me dit alors : « je vais appeler<br />
la petite Mélanie Mathieu pour y aller ensemble ». Ce jour-là il<br />
ne revint pas me trouver dans mon champ après avoir fait boire<br />
mes vaches. Je ne le revis que le soir à la maison lorsqu’il les<br />
reconduisit [biffé: mes vaches] à l’étable. Je lui dis alors : « Et<br />
bien, Maximin tu n ’es pas revenu me trouver dans mon champ. »<br />
« Oh ! me [p. 3] dit-il, vous ne savez pas ce qui est arrivé. » Et<br />
qu’est-ce donc qui est arrivé, lui demandai-je ? Et il m’a répondu :<br />
« Nous avons trouvé près du ruisseau une belle Dame qui nous a<br />
amusé"longtemps et qui nous a fait deviser avec Mélanie : j’ai eu<br />
peur d ’abord, je n ’osais pas aller chercher mon pain qui était près<br />
d ’elle, mais elle nous a dit : n ’ayez pas peur, mes enfants,<br />
approchez, je suis ici pour vous annoncer une grande nouvelle. »<br />
Et cet enfant me fit alors le récit qu’il a répété depuis à tous ceux<br />
qui l’ont interrogé. Le lendemain matin nous envoyâmes, les<br />
voisins et moi, les deux enfants chez Mr le Curé de la Salette qui<br />
le même jour, à la messe, fit part à ses paroissiens de ce qu’ils<br />
avaient vu et entendu. C’est ce que mes voisins m ’ont rapporté<br />
car je n ’ai point assisté à la messe à la Salette, mais j’ai ramené le<br />
(4) Un mot, probablement « jeudi », a été effacé ici.<br />
(5) Il pourrait s'agir de la parcelle n ” 181 de l’ancien plan cadastral, située au-dessous<br />
de l’actuel chemin de ronde et à l’ouest du pré de Pierre Selme ; parmi les parcelles<br />
limitrophes de ce dernier, c’est la seule attribuée à J.B. Pra dans la matrice cadastrale. Ce<br />
registre date l’acquisition de la parcelle par Pra de 1852, mais on sait que les transferts de<br />
propriété immobilière précèdent parfois de plusieurs années leur transcription au cadastre.<br />
152
2 octobre 1847 Doc. 297<br />
petit Maximin chez son père à Corps comme je lui l’avais promis.<br />
Cet enfant n’est plus revenu dans notre hameau où la petite<br />
Mélanie est continuellement restée jusqu’au commencement du<br />
mois de décembre. Il ne faisait que le traverser lorsqu’il allait<br />
accompagner les nombreux pèlerins qui se rendaient sur la<br />
montagne. Je déclare en outre que dans ma conviction, les enfants<br />
en racontant ce qu’ils disent avoir vu et entendu, ne récitent pas<br />
une leçon qu’ils auraient apprise. Pendant les quatre jours et demi<br />
que le petit garçon a gardé mes vaches et pendant lesquels je ne<br />
l’ai pas perdu de vue, je n ’ai vu ni prêtre ni laïque s’approcher<br />
de lui et l’entretenir. La petite Mélanie est allée plusieurs fois<br />
garder les vaches dans le champ de son maître pendant que<br />
Maximin était avec moi. Je l’ai vue constamment seule, et si<br />
quelqu’un était venu lui parler je l’aurais certainement aperçu<br />
parce que mon champ et celui de Baptiste Pra sont situés l’un à<br />
côté de l’autre [p. 4] sur le même flanc de la montagne, et qu’ils<br />
présentent tous les deux une surface plane et qu’il suffit dès lors<br />
de se tenir debout pour les dominer entièrement et pour en<br />
apercevoir toutes les parties. Je pourrais vous donner encore d’autres<br />
détails sur ces enfants, mais il serait inutile de les rapporter ici<br />
parce qu’ils sont depuis longtemps de notoriété publique. En foi<br />
de quoi j’ai signé le présent que je déclare contenir vérité [sic].<br />
Fait au hameau des Ablandins, le vingt huit septembre mil huit<br />
cent quarante sept.<br />
Pierre SELME<br />
J ’ajoute qu’un des jours de la semaine où le petit Maximin<br />
est resté avec moi, il est allé garder mes vaches au champ dit<br />
Babou (6), il n’est pas resté seul ce jour-là, mais il a été surveillé<br />
comme les autres jours par ma femme ou par moi. J ’approuve ce<br />
[ou : le] renvoi et la rature de (7) mots et la surcharge de (8)<br />
mots (9).<br />
Pierre SELME<br />
Samedi 2 octobre 1847<br />
ÉVÉNEMENT. Une lettre du maire de la Salette-Fallavaux signale « l’arrivée<br />
d’un vicaire à M. le Curé, ce matin » (doc. 305). Il s’agit de l’abbé Jacques-<br />
Michel Perrin, frère du curé et de dix années son aîné. Un récit écrit de sa main<br />
(6) Entre les Ablandens et Dorcières. Le jeudi, les bergers gardaient habituellement<br />
les bêtes à proximité des fermes. (Note de P. Andrieux.)<br />
(7) Dumanoir a laissé ici un blanc de 1,5 cm.<br />
(8) Dumanoir a laissé ici un blanc de 1 cm.<br />
(9) Ce dernier paragraphe présente un aspect moins régulier. 11 nous semble cependant<br />
écrit de la même main que le texte qui précède.<br />
153
Doc. 305<br />
<strong>Documents</strong><br />
situe sa nomination de « prêtre auxiliaire » à la Salette deux mois plus tard, au<br />
début de décembre (P e r r in , n' 484) ; cette date correspond sans doute à la<br />
nomination officielle par l’évêque. L’arrivée effective eut lieu plus tôt : il existe<br />
une lettre datée du 20 novembre (doc. 344), qu’il a écrite de sa main pour le<br />
compte de son frète. Le transfert de Grenoble à la Salette a sans doute pour<br />
motif principal la santé déficiente de l’abbé Jacques-Michel, qui mourra en effet<br />
dans moins de quatre ans, le 24 avril 1851. Pendant son séjour à la Salette, il<br />
aidera son frère dans sa correspondance et rédigera des cahiers sur le début du<br />
pèlerinage et sur la dévotion à Notre-Dame Réconciliatrice de la Salette (cf. V.<br />
H o s t a c h y , M.S., Les curés de la Salette, Paris, etc., 1933, p. 37-69).<br />
305. LETTRE DE PIERRE PEYTARD, maire de la Salette-Fallavaux,<br />
à Mgr Villecourt, évêque de la Rochelle, accompagnée d ’un<br />
récit de l’interrogatoire du 20 septembre 1846<br />
Dans V il le c o u r t, p. 194-205.<br />
Dans la première partie de sa lettre, le maire décrit la fête-anniversaire du<br />
19 septembre et la guérison de Victorine Sauvet.<br />
[p. 199] Selon le vœu de votre honorée lettre, Monseigneur,<br />
j’adresse ci-jointes, à Votre Grandeur, les circonstances qui m ’amenèrent<br />
à interroger un des premiers, les deux Enfants. Je n ’ai pas<br />
cru utile de vous transcrire leur récit qui vous est assez connu<br />
depuis longtemps, et qui est absolument le même que vous avez<br />
recueilli de leur propre bouche. [...]<br />
[p. 200] Le 19 septembre 1846, je donnai ordre aux deux<br />
gardes-champêtres de ma commune de convoquer le conseil<br />
municipal, pour se réunir le lendemain, apres la messe, à l’effet<br />
de délibé-[p. 201]rer sur plusieurs affaires de la commune. Le<br />
dimanche, de bon matin, l’un des gardes-champêtres vient me<br />
dire que tous les membres du conseil municipal sont prévenus<br />
pour l’heure indiquée. Il me dit qu’il avait rencontré, avant<br />
d ’entrer chez moi, deux enfants ; qu’il leur avait demandé où ils<br />
allaient, et que ces deux enfants lui avaient répondu qu’ils allaient<br />
raconter à M. le Curé que le jour d ’auparavant, vers les trois<br />
heures après midi, ils avaient vu sur la montagne une belle dame,<br />
et qu’elle leur avait dit telle et telle chose. Le garde paraissant un<br />
peu préoccupé de ce récit, me demanda ce que je pensais de cela.<br />
Je me mis à rire tout simplement, et je lui dis que c’était une<br />
bêtise de la part de ces enfants.<br />
Environ trois heures plus tard, je me rends à l’église pour<br />
entendre la sainte messe. Le moment du prône arrive, M. le Curé<br />
essaie de raconter à ses paroissiens le récit que ces enfants venaient<br />
de lui faire. Le cœur lui serre ; il ne peut que balbutier quelques<br />
mots : et personne n ’y peut presque rien comprendre. Cependant,<br />
moi, à qui le matin le garde-champêtre avait commencé à donner<br />
154
2 octobre 1847 Doc. 305<br />
quelque idée de la chose, je compris à peu près ce qu’avait voulu<br />
dire M. le Curé.<br />
Cette affaire commença, dès ce moment, à [p. 202] préoccuper<br />
un peu mon esprit ; et après le saint Sacrifice, je me rends à la<br />
mairie. Le conseil arrive en majorité ; et au lieu de lui soumettre<br />
dans le principe ce qui faisait l’objet de la réunion, je dis : Y<br />
aurait-il quelqu’un parmi vous, Messieurs, qui pût savoir ce qu’a<br />
voulu dire M. le Curé au Prône ? Tous me répondent : Non.<br />
Cependant, un instant après, un membre du conseil, qui est<br />
du hameau des Ablandins, et le plus près voisin des maîtres de<br />
ces Enfants, me dit : J ’entendis dire hier au soir, par mes voisins,<br />
que les bergers avaient vu sur la montagne, une Dame d ’une<br />
tenue extraordinaire, et qu’elle leur avait dit telle et telle chose.<br />
C’est sans doute à quoi a voulu faire allusion M. le Curé : parce<br />
qu’on a dit que ces deux enfants sont venus le trouver ce matin<br />
pour lui raconter la chose.<br />
Tous les membres du conseil me parurent ne mettre aucune<br />
importance à cela.<br />
L’assemblée s’occupe ensuite de ses affaires, après quoi la<br />
séance est levée.<br />
Je rentre chez moi, toujours l’esprit un peu préoccupé de<br />
cette affaire ; je mange un morceau : et, sans faire part d’aucune<br />
chose à ma famille, l’idée me vient d ’aller interroger ces enfants.<br />
Je me nantis d ’une somme de quarante [p. 203] francs ; je pars,<br />
et me dirige du côté du hameau des Ablandins, à un kilomètre et<br />
demi de distance de chez moi ; j’arrive, et je trouve ces deux<br />
enfants. Je fais d ’abord parler la petite Mélanie, et je fais mettre<br />
le petit Maximin au secret. Elle me fait son récit ; je l’écoute,<br />
sans dire un seul mot, et quand elle eut fini, je lui dis : fais bien<br />
attention, ma petite, de ne rien dire ni de plus ni de moins. Elle<br />
me répond : J ’ai tout dit ce que cette Dame nous a recommandé<br />
de dire.<br />
Alors je fais venir le petit Maximin, et je fais mettre à son<br />
tour Mélanie au secret. Même récit, et même réponse.<br />
Je fais alors venir Mélanie en présence de Maximin ; je<br />
commence par employer la douceur, en leur disant que ce qu’ils<br />
racontaient n ’était qu’un pur mensonge, et que Dieu allait les<br />
punir sévèrement, s’ils continuaient à faire ce récit ; que je leur<br />
conseillais, dans leur propre intérêt, de dire que ce qu’ils avaient<br />
avancé était faux, et qu’ils y avaient été excités par quelques<br />
motifs. J ’en mis quelques-uns en avant, [p. 204] Je leur présentai<br />
alors mes quarante francs, en leur disant que s’ils voulaient m ’en<br />
croire, je leur donnais cette somme. A cela ils me répondirent<br />
qu’ils faisaient fort peu de cas de mon argent, qu’ils s’en<br />
moquaient ; ils ajoutèrent : Vous nous donneriez, Monsieur le<br />
155
Doc. 305<br />
<strong>Documents</strong><br />
Maire, cette pleine maison d'écus, pour nous faire dire le contraire<br />
de ce que nous avons vu et entendu, que nous n 'en ferions rien.<br />
Alors voyant la fermeté de ces deux enfants, je me mis à leur<br />
faire des menaces, soit de la prison, soit d ’autres châtiments. A<br />
cela ils me répondent que toutes mes menaces ne leur font pas<br />
plus de peur que mon argent de plaisir.<br />
Le dimanche suivant, 27 septembre, je me fis conduire,<br />
accompagné de quelques personnes, par les Enfants, sur les lieux<br />
de Y apparition. Là, je leur fais de nouvelles questions ; je les fais<br />
mettre de la même manière et dans la même position qu’ils étaient<br />
quand ils s’endormirent, qu’ils s’éveillèrent, qu’ils furent chercher<br />
leurs vaches, qu’ils virent, selon leur expression, la belle Dame, et<br />
qu’elle leur dit : Avancez, mes petits enfants, je veux vous<br />
annoncer une grande nouvelle. Et enfin, je leur fais parcourir le<br />
chemin à plusieurs reprises, depuis le lieu de Y apparition, jusqu’au<br />
lieu de Y ascension ; et leur récit fut le même de point en point,<br />
que celui qu’ils [p. 205] m ’avaient fait le dimanche d’auparavant,<br />
et le même absolument qu’ils font encore aujourd’hui. Je me<br />
dispense de le transcrire à Votre Grandeur, sachant qu’elle le<br />
connaît parfaitement.<br />
La Salette-Fallavaux, le 2 octobre 1847.<br />
P. PEYTARD,<br />
Maire de la Salette-Fallavaux.<br />
Note critique. Le récit du maire contient au moins une inexactitude : en<br />
effet, Maximin n’a pu être interrogé aux Ablandens le soir du 20 septembre<br />
1846, Pierre Selme l’ayant ramené à Corps le matin de ce jour (cf. doc. 297).<br />
Peytard situera plus tard cet interrogatoire au lundi 21 (cf. doc. 434). Quant à la<br />
date du deuxième interrogatoire des enfants par le maire, celle indiquée dans le<br />
présent document paraît pour le moins sujette à caution. L’abbé Louis Perrin y<br />
assista (d’après Vérité, p. 92) ; or, selon toute vraisemblance, le dimanche 27<br />
septembre il était resté dans son ancienne paroisse, pour y célébrer les adieux.<br />
Lui-même indiquera plus tard le 28 septembre comme date de sa première visite<br />
à la Salette (lettre du 5 mai 1863 au Père Bossan, MSG).<br />
* 308 bis. ANECDOTES SUR MAXIMIN<br />
Dans Apparition miraculeuse de la sainte Vierge à de jeunes bergers...,<br />
suivie de la relation de la guérison de la Sœur Saint-Charles d'Avignon et du<br />
récit de l’anniversaire. Lyon, au bureau de l'Etoile du matin, 1847 (PBNR 18),<br />
p. 22-25.<br />
Date : postérieure au premier octobre 1847, puisque le rédacteur cite la Voix<br />
de l'Eglise datée de ce jour.<br />
Note. L’auteur, qui écrit dans le courant du mois d’octobre, a eu<br />
communication de détails recueillis par Rousselot et Orcel, les enquêteurs officiels.<br />
[...] Voici quelques petites anecdotes sur Maximin Giraud.<br />
156
Octobre 1847<br />
Doc. 308 bis<br />
Au moment où la grande Dame disparut à leurs regards, et<br />
lorsque ses souliers [p. 23] couronnés de roses étaient seuls visibles,<br />
il s’élança pour saisir une de ces roses... mais il n ’était plus temps.<br />
Cet enfant ne se distingue en rien dans les circonstances<br />
ordinaires de la vie des autres enfants de son âge ; mais pour tout<br />
ce qui appartient à l’apparition il fait preuve d ’une grande finesse<br />
d ’esprit. On lui fait subir plusieurs fois par jour de longs<br />
interrogatoires ; il répond de suite à toutes les questions, comme<br />
si la réponse était depuis longtemps sagement préparée, et cette<br />
spontanéité, cet à-propos des répliques, surprennent beaucoup les<br />
examinateurs. Tu n ’as vu qu’un nuage, lui disait quelqu’un ? —<br />
Faites donc parler un nuage, répliqua vivement Maximin. Un<br />
ecclésiastique lui fit cette question : Cela doit bien t’ennuyer de<br />
répéter tous les jours la même chose ? — Et vous, répondit-il,<br />
vous ennuyez-vous de dire tous les jours la messe (1) ?<br />
Les répliques suivantes ne seraient pas désavouées par les plus<br />
grands théologiens. Les examinateurs chargés par Monseigneur<br />
[p. 24] l’évêque de Grenoble de diriger une enquête sur le fait de<br />
l’apparition, avaient longtemps étudié les questions qui devaient<br />
embarrasser les enfants : l’un d ’eux fit l’objection suivante à<br />
Maximin. « Tu as eu évidemment, mon ami, ce qu’on appelle<br />
une hallucination. Le diable a pris la figure d ’une femme, et c’est<br />
lui qui t ’a parlé et t ’a fait de fausses prophéties. » L’objection<br />
était grave : elle s’appuyait sur des faits accomplis, puisque les<br />
menaces de la grande Dame n ’avaient pas été exécutées. L’enfant<br />
répondit naïvement : « Le diable ne peut pas porter l’image de<br />
Jésus crucifié sur sa poitrine et la sainte Vierge avait un crucifix<br />
pendu à son cou. — Mais, continua l’examinateur étonné, tu n ’es<br />
pas bien instruit de ta religion. Tu n’as donc pas lu dans l’Evangile<br />
que le diable porta Notre-Seigneur Jésus-Christ sur une montagne,<br />
puis sur le pinacle du temple de Jérusalem ? Tu vois donc bien<br />
que ta réponse n’est pas satisfaisante. » — A cette subtilité de la<br />
plus grande force, [p. 25] Maximin, après avoir réfléchi un instant,<br />
a répondu : « Oh ! cela est arrivé avant la mort de Jésus-Christ,<br />
quand la croix n’était pas encore le signe de la rédemption des<br />
hommes, qui vivaient jusqu’alors sous l’empire du péché ; à<br />
présent cela n ’est plus possible. » Une telle réponse a frappé de<br />
surprise les examinateurs. Aussi, après toutes autres démarches,<br />
ont-ils conclu au miracle, suivant la lettre ci-jointe produite par<br />
La Voix de l ’Eglise, numéro du 1er octobre 1847. 1<br />
(1) La dernière question et la réponse correspondante se lisent également à peu près<br />
telles quelles dans VlUECOURT (doc. 309, p. 142) et dans le Rapport Rousselot (doc. 310,<br />
p. 19 = Vérité, p. 89) ; Rousselot indique en plus l'identité de l'ecclésiastique : l'abbé<br />
Albertin, professeur au grand séminaire de Grenoble.<br />
157
Doc. 308 bis<br />
<strong>Documents</strong><br />
Suit le doc. 250 bis (lettre de l’abbé Morel) : les deux enquêteurs officiels<br />
sont de retour ; la guérison de Sœur Saint-Charles d’Avignon présente tous les<br />
caractères d’un miracle ; l’archevêque d’Avignon doit préparer un mandement<br />
sur cette guérison ; on dit que plus de quarante prêtres veulent célébrer la messe<br />
sur les lieux de l’apparition le 19 septembre.<br />
Vendredi 15 octobre 1847<br />
309- CLÉMENT VILLECOURT, évêque de la Rochelle. Nouveau<br />
récit de l'apparition de la sainte Vierge sur les montagnes des<br />
Alpes,... avec des lettres, documents et témoignages authentiques...<br />
Lyon, A. Mothon ; Paris, J. Lecoffre et co., 1847. xi, [ 13J-204 p. frontispice<br />
14 cm. — 2. éd. I b i d e m 1847. xi,[3]-210 p. 14 cm.<br />
N.B. : nous citons d’après la deuxième édition.<br />
C o n t e n u . Le livre contient une relation de l’apparition, le récit du pèlerinage<br />
de Mgr Villecourt, des explications sur la façon dont il a pris connaissance du fait<br />
du 19 septembre 1846, des réflexions spirituelles et théologiques sur la Salette et<br />
les apparitions en général (l’auteur cite Benoît XIV et le cardinal Bona) et enfin<br />
divers documents, parfois abrégés « un peu pour ne pas trop grossir le volume »<br />
(p. 149) : les doc. 149, 233, 237, 238, 239, 251, 252, 264, 282, 289, 295, 305,<br />
211 (ce dernier seulement dans la 2. éd.).<br />
Rédaction et approbation. Dès le commencement d’août, Mgr Villecourt<br />
écrit à Corps afin d’obtenir des renseignements complémentaires (doc. 226). A la<br />
fin du mois, il annonce à l’évêque de Grenoble son intention de « publier une<br />
relation que les Lyonnais attendent » et le prie d’autoriser le supérieur de son<br />
grand séminaire (le chanoine Orcel) de lui communiquer « les principaux<br />
documents qui lui sont parvenus ». Il exprime l’espoir qu’une telle publication<br />
entre dans les vues de son correspondant et devienne « un préliminaire assez<br />
important de la sentence » qu’il appartient à celui-ci de prononcer, car lui seul a<br />
« autorité pour cela. Pour moi, » précise Mgr Villecourt, « je ne rendrais que mes<br />
sentiments » (doc. 242). —- Mgr de Bruillard répond le 5 septembre qu’il<br />
applaudit à ce projet : «Je regarderai votre ouvrage comme un préliminaire très<br />
favorable au jugement doctrinal que j’aurai, je l’espère, à prononcer plus tard ».<br />
Il ajoute qu’il a « acquis la certitude du miracle opéré en faveur d’une religieuse<br />
de Saint-Joseph, la sœur Saint-Charles, d’Avignon » et que d’« autres guérisons<br />
paraissent également incontestables » (doc. 2 5 2 ). — Mgr Villecourt lui envoie le<br />
Nouveau récit une dizaine de jours plus tard : « il est dans l’ordre qu’il passe<br />
sous vos yeux avant d’être livré à l’impression », lit-on dans la lettre qui<br />
l’accompagne (doc. 272). Mgr de Bruillard y apporta quelques modifications<br />
mineures : « Ce digne prélat en a changé ou retranché quelques expressions, et<br />
me l’a renvoyé en daignant me témoigner la satisfaction que lui avait causée la<br />
lecture de cet opuscule », écrit l’auteur (p. 187). Dans notre série chronologique,<br />
nous avons mis le Nouveau récit au 15 octobre, date de la lettre Villecourt<br />
accompagnant l’envoi du manuscrit à l’imprimeur (p.[iij). Six semaines plus tard,<br />
dans l'Univers du 26 novembre, Louis Veuillot fera connaître le livre au grand<br />
public. Parmi les publications consacrées à la Salette, c’est la toute première à<br />
paraître avec l’approbation de l’évêque du lieu de l’apparition.<br />
158
15 octobre 1847 Doc. 309<br />
Note critique. Mgr Villecourt, qui a passé toute la journée du 21 juillet en<br />
la compagnie des deux voyants (*), a évité de leur poser de trop nombreuses<br />
questions, « pour ne pas accabler Maximin et Mélanie souvent interrogés sur les<br />
mêmes faits » (doc. 226). Quant à celles qu’il a posées, rien ne montre qu’il ait<br />
pris soin de les noter par écrit avec leurs réponses.<br />
L’idée de publier une relation lui semble être venue seulement après son<br />
pèlerinage, lors de son passage à Lyon (cf. doc. 223, 242). Aussi le récit de la<br />
journée du 21 juillet a été composé surtout de mémoire et les phrases mises dans<br />
la bouche des enfants ont été plus ou moins arrangées : la cascade de subordonnées<br />
que Maximin aurait proférées dans une conversation sur les sacrements dépasse<br />
manifestement ses capacités intellectuelles du moment : « Quelqu’un avec qui je<br />
m’entretenais l’autre jour, me soutenait que la confirmation était au-dessus du<br />
baptême ; pour moi, je lui soutenais le contraire, puisque sans le baptême, on<br />
ne peut pas être sauvé, tandis qu’on peut l’être sans la confirmation » (p. 120 :<br />
paroles attribuées à Maximin). — L’auteur donne le récit de l’apparition dans la<br />
première partie du livre, avant la relation de son pèlerinage : il laisse entendre<br />
par là qu’il ne s’agit pas d’une transcription de ce qui fut dit par les enfants le<br />
21 juillet. De son propre aveu, il a reproduit les paroles attribuées à la Dame<br />
seulement « à peu près » (p. 5 9 ) . Le discours, qui a été truffé d’expressions<br />
ampoulées, commence par suivre le plan qu’on trouve dans les relations privilégiées<br />
et dans celle de Perrin (doc. 1, 7, etc.), mais s’en écarte, une fois que l’essentiel<br />
a été dit ; il donne l’impression d’avoir été reproduit de mémoire. Le récit<br />
contient un détail qui ne figure pas dans ces relations : au début de l’apparition<br />
Mélanie, effrayée, a laissé tomber son bâton et Maximin lui a dit de le reprendre<br />
pour se défendre en cas de besoin (p. 58) ; toutefois ce détail n’est pas entièrement<br />
nouveau, puisqu’on le rencontre déjà dans les manuscrits de Dausse (doc. 120).<br />
Ci-dessous, nous donnons les portraits que Mgr Villecourt a tracés de Maximin<br />
et de Mélanie ; un souvenir du maire Peytard sur la manière dont ils racontaient<br />
l’apparition dans les débuts ; une parole de Maximin concernant les souliers de<br />
la Dame ; un témoignage de Mgr Villecourt sur les rapports entre les deux<br />
voyants.<br />
[p. 46] Portrait de Maximin.<br />
Maximin, d’un caractère vif, mais sans aucun emportement,<br />
ne peut ouvrir la bouche sans inspirer de l’intérêt par la<br />
[p. 47]suavité de sa parole et la candeur avec laquelle il s’exprime.<br />
Il est naturellement aimant, caressant, reconnaissant et sensible.<br />
Ses yeux sont beaux et étincelants ; la peau de son visage est fine<br />
et délicate. Sa bouche est un peu grande ; mais elle devient très<br />
gracieuse quand il fait la conversation. Il a toujours alors quelque<br />
chose à remuer ; et, quoiqu’il ne s’écarte pas du sujet dont on<br />
l’entretient, il ne paraît jamais y donner une grande importance,<br />
à moins qu’il ne soit question des intérêts de l’Eglise et du<br />
salut des âmes. Dans les mille circonstances où les voyageurs<br />
l’interpellent, pour le contredire ou le faire tomber en contradic<br />
(*) Sur cette journée, voir supra, p. 106-107.
Doc. 309<br />
<strong>Documents</strong><br />
tion, il se possède assez pour ne se fâcher jamais. Cette disposition<br />
semble lui être naturelle, et n’annonce, de sa part, aucun effort.<br />
Cependant il ne manque guère, en ces moments-là, de laisser<br />
apercevoir le peu de cas qu’il fait des objections par lesquelles on<br />
voudrait l’embarrasser. Soyez grand ou petit, riche ou pauvre, il<br />
[p. 48] ne considère que la valeur de ce que vous lui dites. Si<br />
vous rendez justice à sa naïveté, il vous en récompense à<br />
l’instant même par un coup d ’œil affectueux, ou par toute autre<br />
démonstration de bienveillance ; si vous semblez prendre à tâche<br />
de le contrarier, il vous regarde en pitié, ou bien lève les épaules,<br />
comme pour vous dire : Cette observation est déplacée. Si vous<br />
n'êtes pas disposé à me croire, pourquoi m'interrogez-vous ? Il<br />
aime les jeux et les amusements, autant, pour le moins que les<br />
autres enfants de son âge. Il ne prend aucune précaution pour<br />
dissimuler cet attrait : et pour peu que vous interrompiez la<br />
conversation que vous aviez avec lui, quelque sérieuse qu’elle pût<br />
être, vous le verrez accourir auprès de ses petits compagnons pour<br />
folâtrer avec eux, sans se préoccuper de cette foule d’étrangers de<br />
tous les rangs qui sont venus de loin pour le voir et lui parler.<br />
Souvent, le jour où je gravissais avec lui la Montagne, il m ’a quitté<br />
pour aller auprès [p. 49] d ’un enfant qui la montait avec nous,<br />
placer sa main sur son épaule, et converser sur des sujets enfantins.<br />
Quelquefois il se lançait sur un cheval ; d ’autres fois, il courait à<br />
toutes jambes en montant ou en redescendant, au milieu des<br />
aspérités de ces monts difficiles ; mais il revenait bientôt auprès<br />
de moi, et les paroles tendres qu’il m ’adressait me faisaient voir<br />
que je n ’avais pas été totalement oublié. Cette disposition lui est<br />
naturelle : il faut qu’il décèle bientôt tout ce qu’il y a de candide<br />
et de gracieux dans son âme. Ses expressions ont d ’autant plus<br />
d ’amabilité, qu’elles sont la plus juste et la plus pure image de<br />
ses sentiments. Il est d ’une honnêteté charmante ; jamais il ne<br />
vous dira un oui ou un non, sans y ajouter la qualité qui vous<br />
convient. Mettez-le sur l’article des biens de la terre, et vous ne<br />
tarderez pas à reconnaître qu’il ne les envisage qu’avec dédain. Il<br />
est généreux et désintéressé : il se dépouillerait de tout ce qu’il a<br />
pour vous le donner, s’il pouvait vous déter-[p. 50]miner à<br />
l’accepter. Vous lui procurerez une vraie jouissance en recevant de<br />
lui au moins quelque bagatelle, comme souvenir d’amitié. Parlezlui<br />
de la mort : vous verrez qu’il n ’en éprouve aucune crainte ; il<br />
laissera même aisément apercevoir que son désir serait de mourir<br />
jeune, pour ne pas être exposé aux dangers que la fragilité humaine<br />
et les scandales du monde multiplient partout. On a remarqué ces<br />
sentiments toutes les fois que, pour l’intimider, on lui a parlé de<br />
gendarmes, de prisons, de supplices, ou des périls qui menaçaient<br />
ses jours. Il chérit la Sainte Vierge : il a l’air d ’être sûr de sa<br />
protection ; mais son dévoûment est calme, et ne se manifeste<br />
160
15 octobre 1847 Doc. 309<br />
que par quelques mots que l’on surprend à la dérobée, et dont il<br />
ne s’aperçoit pas lui-même. Il est si pur, qu’il n’a pas même<br />
l’idée du vice, et qu’il ne comprendrait pas le langage qui pourrait<br />
l’indiquer. Il va à la prière avec le même bonheur et le même<br />
empressement qu’il se porte aux jeux de l’enfance. Son attrait<br />
[p. 51] est de servir la messe. Son naturel léger et remuant ne<br />
l’abandonne pas toujours alors ; mais on a remarqué avec raison<br />
que cette disposition était inhérente à son caractère et à son<br />
organisation physique (Pèlerinage de la Salette par M. l'abbéBez,<br />
p. 24). Son humilité est sincère, elle perce à l’instant même,<br />
quand vous lui donnez quelque marque d ’affection : il trouve<br />
alors aussitôt des expressions qui n ’appartiennent qu’à lui pour se<br />
remettre à sa place de pauvre berger. On conçoit à peine qu’un<br />
enfant qui se montre avec un caractère naturellement volage, soit<br />
si ferme et si constant à garder le secret de ce qu’il ne doit pas<br />
dire. Toutes les tentatives à cet égard, de quelque part qu’elles<br />
vinssent, ont toujours été inutiles.<br />
Portrait de Mélanie.<br />
Réunissez dans votre imagination tous les traits qui vous<br />
semblent devoir peindre la modestie la plus parfaite et la plus<br />
[p. 52] saisissante, et vous aurez à peine une idée de celle de<br />
Mélanie. Elle a un visage régulier et délicat ; ses yeux sont pleins<br />
de douceur, et sa voix est d’une aménité angélique qui vous<br />
pénètre, à l’instant, d ’estime et d ’une certaine considération. Rien<br />
qui annonce la rusticité des bergères de la montagne. Changez ses<br />
vêtements, et vous ne soupçonnerez plus qu’elle est née dans le<br />
plus misérable des réduits, et que ses parents, ses frères et sœurs<br />
attendent l’aumône qui doit secourir leur profonde indigence.<br />
Mélanie a près de seize ans : à peine croirait-on qu’elle en a<br />
douze. Elle parle peu, et seulement quand on l’interroge. Alors<br />
elle le fait avec une grâce qui emprunte du ton délicieux de sa<br />
voix et de sa retenue un charme inexprimable. Ce qu’elle dit est<br />
d ’une justesse qui ravit ; mais elle ne s’en doute pas : un enfant<br />
de six ans ne s’exprimerait pas avec plus de simplicité et moins de<br />
prétention. Elle paraît attacher beaucoup d’intérêt à l’explication<br />
de la doctrine chrétienne. Elle dit sans [p. 53] façon ce qu’elle<br />
pense sur les points susceptibles de recevoir des interprétations<br />
diverses ; mais si un autre développement leur est donné, elle<br />
laisse apercevoir, par un modeste sourire, qu’elle l’accueille avec<br />
satisfaction. Elle n ’est pas sans vivacité, mais on voit qu’elle sait<br />
la contenir par une disposition naturelle de convenance ; elle est<br />
ingénue et sans détour. Elle ne partage pas toujours l’avis de<br />
Maximin, qui ne s’en fâche pas ; mais si elle émet une opinion<br />
différente, elle n’y donne pas, pour cela, de la valeur et de<br />
161
Doc. 309<br />
<strong>Documents</strong><br />
l’importance. C’est là tout ce que j’ai pu juger de Mélanie.<br />
Maximin, par son aisance, m ’a fourni beaucoup plus de moyens<br />
de tracer son portrait. J ’ai conjuré madame la Supérieure de la<br />
Providence de veiller soigneusement à ce que cette multitude de<br />
curieux que l'apparition attire à Corps, ne portât aucune atteinte<br />
à la simplicité de ces deux intéressants bergers. Elle m ’a promis<br />
de le faire : ajoutant qu’à cet égard, Maximin ne lui avait pas<br />
inspiré [p. 54] jusqu’ici la plus légère inquiétude, et qu’elle<br />
n ’épargnerait rien pour que Mélanie fut garantie, à son tour, de<br />
tout danger d ’amour-propre (1).<br />
[Souvenirs du maire]<br />
[p. 100] M. Peytard nous raconta alors (2) l’inter[ro]gatoire<br />
qu’il avait fait subir à Maximin et à Mélanie, le lendemain de<br />
Y apparition (3). Il les avait placés l’un et l’autre dans un<br />
appartement séparé, afin de les in-[p. 101]terroger à part. « Qu’astu<br />
fait ? avait-il dit à Maximin : tu as répandu un conte qui met<br />
le trouble dans tous les esprits, et qui ne peut qu’amener des<br />
suites fâcheuses. Je ne voudrais pas être à ta place, et j’aimerais<br />
mieux avoir tué quelqu’un que d ’avoir inventé tout ce que tu as<br />
dit, ainsi que Mélanie. — Inventé ? dit avec vivacité Maximin :<br />
comment voulez-vous que de pareilles choses s’inventent ? Nous<br />
n ’avons dit que ce que nous avons vu de nos yeux, et entendu de<br />
nos oreilles. »<br />
Ici, Maximin avait fait au Maire l’histoire exacte de Y apparition,<br />
telle, à peu près, que je me suis efforcé de la retracer.<br />
Mais, nous disait M. Peytard, cette histoire ne peut plus offrir,<br />
aujourd’hui, dans la bouche des deux enfants, le même intérêt<br />
qu’elle présentait alors. On les voyait encore, le lendemain de ce<br />
jour mémorable, sous la vive impression des choses qui leur étaient<br />
arrivées ; leurs paroles étaient animées et brûlantes ; et le feu qui<br />
était dans leurs re-[p. 102]gards donnait à leur langage, d’ailleurs<br />
si candide et si naïf, une force et une lumière qui portaient au<br />
fond de l’âme une irrésistible conviction. Non, il ne faut plus<br />
juger leur narration d ’alors par celle qu’ils font aujourd’hui : ce<br />
sont bien, il est vrai, les mêmes choses qu’ils racontent ; mais ce<br />
n ’est plus le même ton, la même animation, la même chaleur. 1<br />
(1) Noter la différence entre le comportement attribué à chacun des deux enfants.<br />
Soeur Sainte-Thècle fera également part à Rousselot de ses inquiétudes au sujet de l'humilité<br />
de Mélanie (doc. 310, p. 8 = Vérité, p. 51-52).<br />
(2) Le matin du 21 juillet, pendant la halte de Mgr Villecourt à la cure de la Salette.<br />
(3) En réalité, le lendemain de l’apparition le maire n ’interrogea que Mélanie (voir<br />
supra, doc. 305, Note critique).<br />
162
15 octobre 1847 Doc. 510<br />
J ’avais déjà pensé à tout ce que disait M. Peytard, et j’eus<br />
une grande joie de retrouver dans sa bouche les réflexions qui<br />
s’étaient présentées plus d ’une fois à mon esprit.<br />
[Une parole de Maximin\<br />
[p. 107] Maximin en voyant les boucles de mes souliers, me<br />
disait qu’il y avait quelque chose de semblable sur ceux de la<br />
Sainte Vierge (4). Cet enfant avait toujours une attention marquée<br />
à m ’adresser des paroles agréables.<br />
[Les rapports entre les deux voyants]<br />
[p. 142] Maximin et Mélanie ne se réunissent jamais pour<br />
faire entr’eux aucune combinaison à!entente sur les questions<br />
qu’on peut leur adresser : ils ont bien assez de s’en occuper quand<br />
la foule des curieux les environne. D ’ailleurs, s’il n ’y a pas de<br />
l’antipathie entr’eux, il saute aux yeux de tout le monde qu’ils<br />
sont sans aucune sympathie. Ils ne se fuient pas, mais ils ne se<br />
recherchent pas. Quand vous interrogez l’un, l’autre se tait.<br />
Pendant les cinq heures que j’ai employées pour gravir les<br />
montagnes de la Salette, et pen-[p. l43]dant les trois heures<br />
environ qu’a duré mon retour, j’ai pu m ’assurer de ce que je dis.<br />
Jamais l’un des enfants ne m ’a parlé de l’autre. Une seule fois<br />
Mélanie a paru vouloir faire une réflexion sur ce que disait Maximin<br />
qui émettait une opinion sur un point de doctrine. J ’ai prononcé,<br />
et tous les deux ont gardé le silence.<br />
310. RAPPORT ROUSSELOT : LA VÉRITÉ SUR L ’ÉVÉNEMENT<br />
DE LA SALETTE... RAPPORT FAIT À MGR L ’ÉVÊQUE PAR<br />
LES DEUX COMMISSAIRES DÉLÉGUÉS EN VERTU D ’UNE<br />
ORDONNANCE DE SA GRANDEUR, DU 19 JUILLET 1847,<br />
POUR RECUEILLIR LES DOCUMENTS ET RENSEIGNEMENTS<br />
CONCERNANT LE FAIT DE LA SALETTE<br />
Original de la main de Rousselot, avec des additions et cottections de la<br />
main de l’évêque (pages 1-38 d’un cahier de 46 p. 20 cm x 14,5) : EG 12. Plan<br />
du Rapport, également de la main de Rousselot (1 f. 22,5 cm x 17,5) :<br />
EG 129-— Publié en été 1848, avec des additions et quelques modifications :<br />
doc. 447 = Vérité.<br />
Auteurs. Le Rapport, qui porte la signature des deux commissaires nommés<br />
en juillet par l’évêque de Grenoble, a été composé par Rousselot. Quelques<br />
(4) Le narrateur rapporte cette parole dans le récit de la montée, pendant le trajet du<br />
village de la Salette aux lieux de l’apparition.<br />
163
Doc. 310<br />
<strong>Documents</strong><br />
lignes écrites plus tard par l’autre commissaire, le chanoine Orcel, nous renseignent<br />
sur ce que celui-ci en pensait : le Rapport « renferme quelques exagérations de<br />
mots du moins, que j’avais prié le bon et vénérable M. Rousselot de supprimer,<br />
tout en signant de confiance et d’avance le rapport. Il a eu plus tard du<br />
désagrément et a fait naître des défiances, à cause de ces détails bien accessoires,<br />
mais qu’il faut éviter avec soin encore aujourd’hui » (lettre au Père S.-M. Giraud,<br />
M.S., 18 janvier 1866, MSG Giraud, L 231). Le manuscrit comporte effectivement<br />
des passages biffés, un paragraphe notamment où il est question d’apparitions<br />
formulant des reproches contre la « dissolution des mœurs » (p. 35). Mais nous<br />
ignorons sous quelle influence Rousselot a opéré cette modification, à supposer<br />
même que les ratures soient de sa main : plusieurs corrections ou additions sont<br />
en effet de la main de Mgr de Bruillard.<br />
Date (15 octobre 1847). Elle figure dans l’édition imprimée du Rapport,<br />
après les signatures des deux commissaires (Vérité, p. 225). Le manuscrit EG 12<br />
n’est pas daté. — Certaines additions marginales ou interlinéaires et certaines<br />
corrections ont été introduites pendant ou après les Conférences tenues à l’évêché<br />
en novembre et en décembre 1847, en particulier la plupart (ou la totalité ?) des<br />
corrections de la main de l’évêque ainsi que les additions tirées des notes Lagier<br />
(par exemple p. 13-14 du manuscrit).<br />
Relations de l'apparition. Rousselot reproduit les relations de Bez (doc. 163),<br />
avec de légères modifications. Au moment où il compose son Rapport, il ne<br />
dispose encore ni des notes Lagier, ni de la relation Pra, ni de la relation Lambert,<br />
textes qu’on trouve exploités ou reproduits plus tard dans l'édition imprimée du<br />
Rapport (le doc. 447).<br />
Note critique. Rousselot a le mérite d’étudier l’ensemble du problème :<br />
témoins, récits, suites de l’apparition, diverses explications possibles. Il a cherché<br />
à rassembler une importante documentation et si nombre de pièces ne lui sont<br />
accessibles qu’après le mois d’octobre, il les a du moins utilisées pour l’édition<br />
imprimée du Rapport (doc. 447). — Cependant, comme le remarque Orcel, il se<br />
laisse aller parfois à des exagérations, e.g. quand il écrit (p. 11) que le récit de<br />
Mélanie tel que Bez l’a édité « est textuellement ce que ces enfants ont dit dès le<br />
premier jour », assertion qu’il nuance d’ailleurs plus loin (p. 13) par un « conforme<br />
pour le fond et presque pour les termes » à propos du récit de Maximin et qu’il<br />
nuance encore davantage dans la Vérité (p. 30), où il écrit simplement que Bez a<br />
« publié à peu près » les paroles de l’entretien de la Dame avec les deux enfants.<br />
Le plus grave reproche qu’on pourrait adresser à Rousselot serait, croyons-nous,<br />
d’avoir composé un plaidoyer plutôt qu’un rapport portant à la connaissance des<br />
autres examinateurs nommés par l’évêque vraiment toutes les difficultés connues<br />
en septembre 1847. On aurait souhaité, par exemple, trouver davantage de<br />
précisions sur le récit de Maximin première manière (cf; LSD A I, p. 73, 90, etc.)<br />
et sur la psychologie de Mélanie, qui, déjà, commence à faire problème, comme<br />
l’observera Cartellier lors des Conférences tenues à l’évêché en novembre -<br />
. décembre.<br />
Révisions du manuscrit. Le manuscrit comporte des additions et des<br />
corrections, introduites quatorze, seize et dix-huit mois après l’apparition (*).<br />
(*) Doc. 376 : première révision. — Doc. 397 : deuxième révision, reconnaissable aux<br />
mentions du laps de temps écoulé depuis l’apparition (seize mois : p. 17, 33, 42, 45 du<br />
manuscrit) ; il s'agit de corrections de la main de Mgr de Bruillard et peut-être, parfois,<br />
de celle de Rousselot.<br />
164
15 octobre 1847 Doc. 310<br />
Notre édition. 1) Vu la longueur du Rapport (dans l’édition imprimée,<br />
l’équivalent du doc. 310 occupe environ soixante-dix pages), il nous est impossible<br />
de le reproduire intégralement. Nous avons tenu à rendre accessible au lecteur ce<br />
qui concerne la description des lieux, le déroulement de l’apparition, les diverses<br />
paroles attribuées aux enfants, leur caractère ainsi que les articulations de<br />
l’argumentation de Rousselot. Là où le Rapport reproduit d’autres documents,<br />
nous avons renvoyé aux sources.<br />
2) Au lieu de nous hasarder à reconstituer le texte primitif de septembreoctobre<br />
1847, nous éditerons les textes tels qu’ils figurent dans le manuscrit.<br />
Dans de nombreux cas, la teneur des additions, des passages biffés et des<br />
corrections indique clairement que ces modifications sont postérieures au 15<br />
octobre 1847.<br />
3) Quand une correction de quelque importance ou une addition proprement<br />
dite est de la main de l’évêque, nous indiquons ce détail en note.<br />
Monseigneur,<br />
[•••]<br />
Partis de Grenoble le 27 juillet dernier, nous avons parcouru<br />
les diocèses de Valence, de Viviers, d ’Avignon, de Nîmes, de<br />
Montpellier, de Marseille, de Fréjus, de Digne et de Gap. Nous<br />
avons séjourné dans la plupart de ces villes épiscopales, et nous<br />
avons été admis à l’audience de six Evêques. Ces illustres Prélats<br />
ont bien voulu conférer avec nous de l’objet de notre mission.<br />
Partout nous avons reçu un accueil favorable [...].<br />
[p. 2] Nous avons vu et interrogé plusieurs personnes que<br />
l’on disoit avoir été guéries ; partout nous avons demandé et on<br />
nous a \ donné ou (1) / promis des relations bien authentiques<br />
de ces faits merveilleux.<br />
Le 25 août suivant, après un voyage heureux, nous faisions<br />
notre rentrée dans le diocèse, par Corps [...].<br />
Le soir du même jour nous interrogions l’un après l’autre, les<br />
deux petits bergers, devenus, sans qu’ils paroissent jusqu’ici s’en<br />
douter, si célèbres et la cause première du concours prodigieux<br />
qui se fait sans interruption depuis un an sur ces hautes montagnes,<br />
extrême frontière sud-est du diocèse de Grenoble.<br />
Le lendemain 26 août, par un temps froid et brumeux, nous<br />
nous élevions par des chemins étroits, difficiles, ardus, avec les<br />
deux enfants, sur le plateau de l’apparition, accompagnés de<br />
MM. Melin, curé-archiprêtre de Corps, Perrin, curé de la Salette,<br />
Paquet, curé de Tréminis (2), de plusieurs autres ecclésiastiques<br />
du diocèse, d ’un curé du diocèse de Fréjus, d’un curé du diocèse<br />
de Gap, et de trente à quarante pieux pèlerins, la plupart accourus 1<br />
(1) Addition de la main de l’évêque.<br />
(2) François Paquet, 1813-1899, curé de Tréminis (canton de Mens), de 1838 à 1850.<br />
165
Doc. 310<br />
<strong>Documents</strong><br />
de loin, et qui, instruits de l’objet spécial de notre mission,<br />
s’empressèrent de se joindre à nous pour être témoins du tout.<br />
I. T o p o g r a p h i e d e s l i e u x<br />
[La commune de la Salette et] le plateau dit des-Baisses ou<br />
sous-les-Baisses [...(p. 3)...]<br />
Sur ce plateau peu étendu, se trouve un ravin, peu profond,<br />
formé par deux tertres ou éminences qui courent du nord au midi,<br />
au fond duquel coule le petit ruisseau appelé la Se'zia. C’est au<br />
fond de ce ravin, sur la rive droite du ruisseau et dans l’endroit<br />
où coule depuis sans interruption la célèbre fontaine, que fut<br />
d ’abord aperçue la belle Dame \\ d’après la relation (3) // ; c’est<br />
à deux ou trois pas et du même côté qu’elle parla aux deux<br />
enfants rassurés et invités à s’approcher ; mais c’est après avoir<br />
franchi d ’un seul pas le ruisseau, et fait 25 ou 30 pas en remontant<br />
le tertre opposé, qu’elle disparut peu-à-peu aux yeux des enfants<br />
qui la suivirent et qui se trouvoient à moins de trois pas de<br />
distance.<br />
\ Quelques / jours \ après / (4) l’apparition, sur l’indication<br />
des enfants, deux croix en bois, fort simples, furent plantées, l’une<br />
près de la fontaine, appelée depuis lors Croix [biffe' : de l ’apparition<br />
et] de la Conversation, et l’autre, à l’endroit de la disparition,<br />
qui a reçu le nom de Croix de l ’Assomption.<br />
Un peu plus tard, quatorze croix, plus grandes et mieux<br />
travaillées ont été échelonnées le long du chemin parcouru par la<br />
Dame. Les pèlerins prient avec une ferveur particulière devant les<br />
deux premières, et font avec beaucoup de dévotion [biffé : le<br />
chemin de la croix] devant les autres \\ le chemin de la croix,<br />
quoique non \ encore / érigé canoniquement //. Aux deux premières<br />
se trouvent suspendus différents objets, tels que fleurs,<br />
couronnes, béquilles. Des objets de prix, des chaînes d ’or, des<br />
bijoux, des \\ cœurs, des ( 5 ) // bagues, des pendants<br />
\ d’oreille (5a) / etc y ont également été attachés par la dévotion<br />
et \ par / la reconnaissance ; mais ils ont été transportés et mis en<br />
dépôt chez \ Mr / le curé de la Salette, jusqu’à ce que l’autorité<br />
diocésaine ait prononcé sur le [p. 4] fait, et qu’accédant aux vœux<br />
d ’innombrables pèlerins, elle ait permis la construction d ’une<br />
chapelle sur ces lieux vénérés.<br />
Les deux côtés du ravin étoient, avant l’événement, comme<br />
le plateau et les trois montagnes, recouverts d ’une belle verdure.<br />
(3) Addition de la main de l’évêque.<br />
(4) Rousselot a d ’abord écrit : « Dès les premiers jours qui suivirent celui [?] de »,<br />
puis a biffé ces mots, à l’exception du mot « jours ».<br />
(5) Addition de la main de l’évêque.<br />
(5a) Addition de la main de l’évêque.<br />
166
15 octobre 1847 Doc. 310<br />
Depuis long-temps ils en sont totalement dépouillés et ne présentent<br />
plus à l’oeil qu’un sol absolument nu et une roche schisteuse.<br />
Cet endroit n’est pas seulement foulé sous les pieds d ’innombrables<br />
pèlerins, mais il est continuellement gratté, raclé par des mains<br />
avides d ’emporter comme reliques et souvenirs de ce lieu révéré,<br />
quelques brins d’herbe, quelques fleurs, un peu de terre, quelques<br />
morceaux de pierre. Les croix même ne sont pas épargnées ; elles<br />
sont journellement mutilées par la foule qu’entraîne le respect ou<br />
la reconnaissance. Quant à la fontaine, tous y boivent en arrivant<br />
sur la montagne, et il est reçu parmi les pèlerins que son eau<br />
glaciale, même bue en quantité et dans la plus abondante<br />
transpiration, ne fait jamais de mal ; tous en font provision et en<br />
emportent avec eux à plusieurs centaines de lieues.<br />
Quant au tas de pierres sur lequel les enfants aperçurent<br />
d ’abord le belle Dame assise, triste et le visage caché dans ses<br />
mains, il a totalement disparu. \\ Les pèlerins et // les gens du<br />
pays les ont enlevées et recueillies avec respect. [Biffe : et ce n ’est<br />
pas sans peine qu’ils en abandonnent quelques fragments aux<br />
pèlerins du dehors]. Cependant, \\ Mr // le Curé de Corps, fit<br />
dès le commencement, emporter chez lui pour être conservée avec<br />
soin, la [biffe : plus grosse de ces] pierre [biffe : s], [biffe : celle]<br />
sur laquelle reposoit immédiatement la Dame. \ Cette pierre sera<br />
placée à la Salette (6). /<br />
I I . Le s B e r g e r s<br />
[...] II importe [...] souverainement de connoître leur caractère,<br />
leurs défauts, leur éducation, leur instruction. [...] Il importe de<br />
découvrir s’ils ont pu être trompés et capables d’ourdir une fable,<br />
ou victimes d’une hallucination mentale, au moins momentanée,<br />
ou enfin dupes de quelque supercherie [...].<br />
Déjà Mr l’abbé Bez [...] a tracé de ces enfants un portrait qui<br />
nous a paru assez fidèle, et auquel nous aurons peu [p. 5] à<br />
ajouter. Nous copions, en l’abrégeant, ce portrait ; nous y joindrons<br />
nos propres renseignements puisés aux meilleures sources.<br />
Pierre - Maximin Giraud est né à Corps le 27 août 1835<br />
[...Rousselot reproduit BEZ (doc. 184), p. 22-23, ligne 15, presque<br />
textuellement, en évitant toutefois de faire mention de la « mère »<br />
de Maximin, qui est en réalité sa marâtre.]<br />
[...] Son père déclare qu’il n ’avait pu lui apprendre le Notre<br />
Père, et Je vous salue, qu’avec peine en trois ou quatre ans.<br />
(6) Addition de la main de l’évêque, exprimant son verdict dans le litige Mélin-<br />
Peytard (cf. doc. 294). Dans l’édition imprimée du Rapport, cette addition a été remplacée<br />
par la phrase suivante : « Cette pierre a été, plus tard, reportée à la Salette, à laquelle elle<br />
devait naturellement revenir » (Vérité, p. 38).<br />
167
Doc. 310<br />
<strong>Documents</strong><br />
Si Maximin a des défauts, dit Mr l’abbé Bez, on ne lui<br />
connoît point de vices, si ce n ’est, peut-être, quelque penchant à<br />
la gourmandise. Pierre Selme, dit Bruit, propriétaire à la Salette,<br />
interrogé par nous sur ce qu’il avoit remarqué dans Maximin<br />
pendant le petit nombre de jours qu’il l’avoit eu à son service,<br />
nous a répondu : Maximin étoit un innocent, sans malice, sans<br />
prévoyance. Avant qu'il partît pour mener nos vaches à la<br />
montagne, nous lui faisions manger la soupe ; puis nous garnissions<br />
sa blouse ou son sac de provisions pour la journée. Eh bien ! nous<br />
avons surpris Maximin, qui, en chemin, avoit déjà mangé ses<br />
provisions du jour en les partageant largement avec le chien. Et<br />
quand nous lui disions : Mais que mangeras-tu dans la journée ?<br />
Maximin nous répondoit : mais je n ’ai pas faim !!<br />
Maximin n’a point d ’amour propre, il avoue avec une grande<br />
ingénuité la misère de sa condition, la bassesse de ses premières<br />
occupations. Quand nous lui avons demandé : Où étois-tu, que<br />
faisois-tu avant d'aller en service chez Pierre Selme ? Il a répondu<br />
naïvement : J ’étois chez mes parents, et j ’allois aux bouses !!<br />
\\ (7) Il va plus loin, il avoue ses défauts, ses mauvaises inclinations.<br />
Ainsi, par deux fois, le 15 et le 19 novembre, je l’ai fait venir<br />
dans ma chambre. Là, je lui ai [?] dit : Maximin, on m ’a dit<br />
qu’avant l’apparition de la Salette, tu étois bien menteur ?<br />
Maximin, en souriant et d ’un air de candeur : On ne vous a point<br />
trompé ; on vous a dit vrai : je mentois et je jurois en jetant des<br />
pierres après mes vaches lorsqu’elles s’écartoient. //<br />
[p. 6] Depuis l’événement du 19 sept. 1846, Maximin va à<br />
l’école chez les Soeurs de la Providence, vertueuses et zélées<br />
institutrices [...] \ Maximin / passe la journée dans l’école et y<br />
prend ses repas. La respectable Supérieure des Sœurs, femme de<br />
sens et d’un âge mur, a voulu, du consentement de Mgr l’évêque<br />
de Grenoble, se charger de l’éducation de Maximin. Interrogée<br />
par nous sur ce qu’elle remarque depuis près de dix mois dans cet<br />
enfant, elle nous a répondu : Maximin ne montre que des moyens<br />
ordinaires ; il apprend à lire, à écrire, le catéchisme, etc. Il est<br />
assez obéissant, mais léger, aimant le jeu, remuant sans cesse.<br />
Jamais il ne nous a parlé de l ’affaire de la Salette, et nous avons<br />
évité de le faire parler là-dessus, pour q u ’il ne se donne pas de<br />
l ’importance. Jamais au sortir des longs et nombreux interrogatoires<br />
qu ’on lui a fait subir, il ne dit à qui que ce soit, ni à nous, ni<br />
aux autres enfants, quel est le personnage qui l ’a demandé, quelles<br />
questions on lui a adressées. Après ses courses à la Salette, après<br />
ses interrogatoires, il rentre aussi simplement, aussi bonnement<br />
(7) Il est possible que cette addition, dont le début est inscrit dans la marge inférieure<br />
à la suite du texte, commence seulement avec la phrase suivante (« Ainsi... ») et que les<br />
mots qui précèdent celle-ci fassent encore partie du texte primitif.<br />
168
15 octobre 1847 Doc. 310<br />
que s'il n 'avait été question de rien pour lui. Je n 'ai pas voulu<br />
qu 'il reçût de l'argent que quelques pèlerins \ lui / offrent.<br />
Quand \ parfois / il est forcé d ’en accepter, il me le remet<br />
fidèlement, et ne s ’inquiète nullement si je l'emploie pour lui ou<br />
pour ses parents. Quant aux objets de piété, comme livres, croix,<br />
chapelets, médailles, images, etc., q u ’on lui donne en cadeau, il<br />
n ’y tient pas du tout ; souvent il les donne au premier petit<br />
camarade qu'il rencontre ; souvent aussi il les perd ou les égare<br />
par suite de sa légèreté naturelle. Maximin n 'est pas naturellement<br />
pieux ; cependant il assiste volontiers à la messe ; prie de bon<br />
cœur toutes les fois qu'on le fait souvenir de ce devoir. En un<br />
mot, cet enfant ne paraît nullement s'apercevoir qu 'il est depuis<br />
plus de dix mois l'objet de la curiosité, de l'empressement, de<br />
l'attention, et des caresses d'un public nombreux ; il ne se doute<br />
pas d ’être la cause première du concours prodigieux qui a lieu<br />
chaque jour à la Salette. Ainsi nous a parlé avec un sens exquis<br />
cette digne Supérieure. \\ Le 16 nov., la Supérieure de Corps m ’a<br />
dit : Depuis un an Maximin n ’a pu encore apprendre à bien servir<br />
la messe ; ni Mélanie à réciter par cœur les actes de foi, d’espérance<br />
et de charité, quoique je les lui fasse dire deux fois par jour.<br />
[...] //<br />
Ajoutons qu’il est heureux pour les deux pauvres petits<br />
bergers, qui, dans le principe, fixèrent l’attention des habitants<br />
de Corps et des environs, d ’être aujourd’hui dans une espèce<br />
d ’oubli au milieu de leurs concitoyens changés et convertis. Leurs<br />
parents même, tout pauvres qu’ils sont, ne semblent pas vouloir<br />
tirer avantage du privilège accordé à leurs enfants.<br />
La jeune bergère Françoise-Mélanie Mathieu est aussi née à<br />
Corps, le 7 nov. 1831, de parents très-pauvres, [p. 7] Jeune encore,<br />
elle fut placée en service pour gagner sa vie, en gardant les<br />
troupeaux. Elle ne venoit que rarement à l’Église, [5 cm biffés\<br />
parce que ses maîtres l’occupoient les dimanches et les fêtes comme<br />
les autres jours de la semaine. Elle n’avoit presque aucune<br />
connaissance de la Religion, et sa mémoire ingrate ne pouvoit<br />
retenir deux lignes de catéchisme : aussi n ’avoit-elle pu être admise<br />
à faire sa première communion. Quoique âgée de près de seize<br />
ans, Mélanie \ n ’est / ni forte, ni grande, ni développée en raison<br />
de son âge. Sa figure est douce et agréable. On remarque une<br />
grande modestie dans son maintien, dans la pose de sa tête, dans<br />
ses regards. Quoique un peu timide, elle n ’est ni gênée, ni<br />
embarrassée avec les étrangers. Les neuf mois qui ont précédé<br />
l’apparition de la Salette, elle étoit au service de Baptiste Pra,<br />
autre propriétaire des Ablandins, l’un des hameaux de la Salette.<br />
Interrogé sur le caractère de Mélanie, ce brave homme l’a dépeinte<br />
comme étant d ’une timidité excessive, et tellement insouciante<br />
169
Doc. 310<br />
<strong>Documents</strong><br />
qu’en revenant le soir de la montagne toute trempée par la pluie,<br />
elle ne demandoit pas même à se changer. Quelquefois, et toujours<br />
par suite de son caractère, elle s’endormoit dans l’écurie ; d ’autres<br />
fois, si on ne s’en étoit aperçu, elle auroit passé la nuit à la belle<br />
étoile (8). [...]<br />
Maximin et Mélanie ne s’étoient vus que [un cm biffé\<br />
\ rarement / à Corps, leurs parents habitant les extrémités opposées<br />
du bourg. Ils ne commencèrent à se voir aux Ablandins que<br />
pendant les quatre ou cinq jours que Maximin y passa en service,<br />
encore ne se voyoient-ils que rarement, indifféremment et dans<br />
des jeux propres à leur âge. Ce fut donc par un pur effet du<br />
hasard que le 18 sept. 1846, veille du grand événement, ils se<br />
rencontrèrent sur la montagne aux Baisses. Le soir, à leur retour,<br />
Mélanie dit à Maximin : A demain ; à qui sera le premier rendu<br />
sur la montagne. Et le lendemain, 19, qui étoit un samedi, ils y<br />
montoient ensemble, conduisant chacun quatre vaches, et une<br />
chèvre appartenant au père de Maximin.<br />
Ajoutons, pour mieux faire ressortir leur caractère, que depuis<br />
l’événement, les deux enfants sont restés indifférents l’un pour<br />
l’autre, qu’ils ne se cherchent, ni ne se fuient ; qu’appelés et<br />
interrogés chaque jour séparément, ils ne se disent ni qui les a<br />
appelés, ni quelles questions leur ont été adressées. \\ Le caractère<br />
antipathique des deux enfants l’un pour l’autre a été attesté à<br />
l’Evêché par la Supérieure de la Providence de Corps, qui depuis<br />
un an leur donne des leçons, le 16 nov. 1847. //<br />
La Supérieure de la Providence interrogée sur Mélanie qui est<br />
pensionnaire dans le Couvent depuis neuf mois, a dit que Mélanie<br />
a moins d ’ouverture, moins d ’aptitude à l’étude que Maximin ;<br />
qu’elle montre des dispositions à la piété ; et autant [p. 8]<br />
d ’insouciance pour l’argent ; mais que depuis un mois elle<br />
commençoit à redouter que Mélanie ne [biffé: s’aperçût et ne<br />
devînt fière du rôle qu’on lui fait jouer depuis] \ tirât vanité de<br />
la position que / l’événement lui a faite (9).<br />
I I I . R é c i t d e M é l a n i e<br />
[...] La journée étoit belle, le ciel sans nuages, le soleil<br />
brillant. [Biffé: (...) Les deux bergers (...) s’assoient sur (?) la<br />
(8) Dans la marge, Rousselot mentionne la lettre Perrin du 17 novembre 1847, puis<br />
les attestations Pra et Selme (doc. 340, 396, 397), en précisant que ces deux derniers<br />
documents sont antérieurs aux discussions du 7 novembre 1847.<br />
(9) Rappelons que déjà Mgr Villecourt faisait allusion à cette inquiétude de Sœur<br />
Sainte-Thède au sujet de Mélanie (doc. 309, p. 53-54).<br />
170
15 octobre 1847 Doc. 310<br />
fontaine qui étoit à sec et sur les bords (?) du ruisseau qui coule<br />
lentement. Là ils firent leur petit repas (...)] (10)<br />
^ Vers l’heure de midi que les deux bergers reconnaissoient<br />
au son de la cloche de Y Angélus, ils prennent leurs petites<br />
provisions et vont goûter à une petite fontaine dite des hommes à<br />
gauche du ruisseau. Leur petit repas fini, ils descendent, traversent<br />
le ruisseau, et déposent leurs sacs {biffé : sacho (?)] séparément<br />
près d ’une autre fontaine alors tarie, mais qui va bientôt devenir<br />
le lieu \ à jamais célèbre / de l’apparition. Ils descendent encore<br />
quelques pas, et contre leur ordinaire, disent-ils, ils s’endorment<br />
à quelque {biffé : pas] \ distance / l’un de l’autre. Mélanie<br />
s’éveille la première, et n ’apercevant point ses vaches, elle éveille<br />
Maximin. Tous deux traversent le ruisseau, remontent le tertre<br />
opposé en ligne droite, se retournent et découvrent leurs vaches<br />
sur une pente adoucie du Mont Gargard. Alors ils se mettent à<br />
redescendre pour aller reprendre leurs sacs restés vers la fontaine<br />
desséchée. Mais à peine leurs yeux commencent-ils à se tourner de<br />
ce côté, qu’ils sont frappés d ’une clarté éblouissante, à laquelle<br />
succède bientôt la vue d’une Dame éclatante de beauté et de<br />
lumière, assise sur les pierres de la fontaine, dans une \ attitude /<br />
{biffé : position] qui indique une profonde tristesse. Les enfants<br />
sont saisis : Mélanie laisse tomber son bâton ; Maximin lui dit de<br />
le garder pour se défendre en cas de besoin. // \ Nous voici<br />
maintenant au récit / de Maximin et de Mélanie, \ nous le<br />
donnons / tel qu’ils le donnèrent le 19 au soir, à leurs maîtres, et<br />
le lendemain, dimanche, au curé et au maire de la Salette (11) ;<br />
tel qu’ils le donnèrent les jours suivants aux habitants de la Salette<br />
et de Corps.<br />
Voici d ’abord le Récit de Mélanie :<br />
J ’ai été endormie... je me suis réveillée la première ; j’ai<br />
réveillé Maximin. Nous avons été voir nos vaches ; elles n’étoient<br />
pas loin, et quand nous sommes redescendus pour passer le<br />
ruisseau, j’ai vu une clarté comme le soleil, encore plus brillante,<br />
mais pas de la même couleur. La peur m’ayant fait lâcher mon<br />
bâton, Maximin m’a dit : Garde ton bâton ; s’il nous fait quelque<br />
chose, je lui donnerai un bon coup.<br />
Puis j’ai vu une Dame dans une clarté ; elle étoit assise la<br />
tête dans ses mains.<br />
(10) Ce passage biffé montre qu’au moment où Rousselot rédige son Rapport, il ne<br />
réalise pas que les enfants parlent de deux fontaines, — sans compter la fontaine des<br />
bêtes, qui se trouve plus bas. L’addition marginale qui suit met les choses au point ; elle a<br />
sans doute été tirée des notes Lagier.<br />
(11) Rappelons qu’en réalité seule Mélanie fut interrogée par le maire le lendemain<br />
de l'apparition. Dans l’édition imprimée du Rapport, l’erreur a été corrigée : « tel que le<br />
donna le même jour Mélanie à M. Peytard» (Vérité, p. 53).<br />
171
Doc. 310<br />
<strong>Documents</strong><br />
[Ici Rousselot reproduit presque textuellement le récit de Mélanie édité par<br />
Bez (doc. 163) p. 33-39, v. 3-42, 45, 47-49.] (12)<br />
[p. 11] Ce récit de Mr l’abbé Bez, plus complet que ceux qui<br />
avoient parus imprimés ou manuscrits, est textuellement ce que<br />
ces enfants ont dit dès le premier jour, ce qu’ils ont répété depuis<br />
à des milliers de personnes. Ils le redisent aujourd’hui comme une<br />
leçon apprise ; mais les maîtres des deux enfants ; mais leurs<br />
parents ; mais \biffé : Mr] le maire de la Salette, Mr Pierre Peytard ;<br />
mais les habitants de Corps et de la Salette, ainsi qu’un grand<br />
nombre d'ecclésiastiques et de personnes distinguées, étrangères à<br />
la localité, assurent tous que dès le commencement les enfants ont<br />
dit les mêmes choses, avec la même facilité, la même volubilité,<br />
sans jamais varier ni pour le fond, ni même quant aux expressions,<br />
qu’ils soient interrogés séparément ou simultanément.<br />
IV. Récit de Maximin<br />
Voici maintenant le récit du jeune Maximin, interrogé séparément<br />
:<br />
[Ici Rousselot reproduit presque textuellement le récit de Maximin édité par<br />
Bez (doc. 163), p. 41-46, v. 1-33.] (13)<br />
[p. 13] Tel est le récit de Maximin, conforme pour le fond,<br />
et presque pour les termes à celui de Mélanie. Ici nous devons<br />
consigner une observation importante faite par de nombreux<br />
témoins des interrogatoires que l’on a fait subir aux enfants, sur<br />
quelques contradictions apparentes que quelques interrogateurs<br />
ont cru avoir remarquées dans les réponses qui leur ont été faites.<br />
1°- Nous disons que ces contradictions sont tellement insignifiantes,<br />
qu’on ne peut raisonnablement les opposer au fait immense<br />
de l’Apparition. Elles ont paru telles à Mgr lui-même, à Mr le<br />
Curé de Corps, et aux nombreux assistants des interrogatoires qui<br />
les ont rapportées. \\ Dans la 12' Objection, il sera question de la<br />
plus importante de ces contradictions apparentes. //<br />
2°- Quelquefois les enfants n’ont pas compris les termes dont<br />
on s’est servi, et ils ont répondu au hasard ; et de suite on a<br />
conclu à la contradiction.<br />
3°- La mémoire de ces enfants n ’est pas si prodigieusement<br />
infaillible, que dans aucune circonstance, elle n ’ait pu faillir par<br />
quelque omission. Il y a loin d’une omission à une contradiction.<br />
4°- Les enfants ont toujours dit que cette Dame étoit<br />
éblouissante de clarté, qu’elle leur faisoit mal aux yeux quand ils<br />
(12) Voir la relation Bez, supra, p. 51-55, avec les notes indiquant les variantes du<br />
Rapport Rousselot.<br />
(13) Voir la relation Bez, supra, p. 55-57, avec les notes indiquant les variantes du<br />
Rapport Rousselot.<br />
172
15 octobre 1847 Doc. 310<br />
vouloient la fixer. Est-il étonnant que Mélanie, par exemple, n’ait<br />
pas su répondre à celui qui lui demandoit si la chaîne de la Dame<br />
étoit plus jaune que son tablier ; que Maximin n ’ait pas remarqué<br />
que la Dame eût des bas \ jaunes /, ce qui n ’a pas échappé à<br />
Mélanie, etc. ? Inutile de transcrire ici mille questions plus ou<br />
moins étranges, captieuses ou même inutiles, auxquelles les enfants<br />
ou n ’ont pu ni dû répondre, ou auxquelles ils ont répondu au<br />
hasard. Aussi un ecclésiastique de mérite, témoin d ’un de ces<br />
interrogatoires dans lequel on vouloit pousser à bout ces pauvres<br />
enfants par des minuties, ne put-il s’empêcher de dire à ses<br />
confrères : C 'est bien assez ; nous commençons à jouer le rôle de<br />
la synagogue à l'égard de l ’aveugle-né.<br />
5°- Ces prétendues contradictions n ’ont point empêché le fait<br />
en lui-même de grandir, de se propager avec une étonnante<br />
rapidité, et d ’obtenir un assentiment tellement général, que les<br />
opposants ne forment guère qu’une imperceptible minorité.<br />
V. Secret des d e u x petits bergers<br />
\\ Comment le secret leur est-il confié ? Voir les notes de<br />
Mr l’abbé Lagier. // La belle Dame a confié à chacun des enfants<br />
un secret sur lequel ils sont absolument impénétrables. Quand<br />
elle confioit à l’un son secret, l’autre [p. 14] n ’entendoit pas,<br />
[biffé : quoique la Dame parlât à voix haute] \ et voyoit seulement<br />
remuer les lèvres à la Dame / \\ Le secret a été donné d ’abord à<br />
Mélanie, ensuite à Maximin [...] (14) //<br />
Voici quelques-unes des étonnantes réponses qu’ils font sur<br />
le champ et sans hésiter à ceux qui veulent leur arracher leur<br />
secret. [...] (15)<br />
D. — Mais c’est peut-être le démon qui t’a confié ton secret ?<br />
Maximin. (Seul) Non, car le démon n ’a point de Christ, et le<br />
démon ne défendroit pas le blasphème.<br />
Mélanie. (Seule, à la même question) Le démon peut bien<br />
parler, mais je ne crois pas que ce soit lui, et qu’il puisse dire des<br />
secrets comme ça. Il ne défendroit pas de jurer ; il ne porterait<br />
pas de croix, et ne dirait pas d ’aller à la messe.<br />
\\ Un ecclésiastique de mérite (16) à Maximin : Je ne veux<br />
pas te demander ton secret. Mais ce secret regarde sans doute la<br />
gloire de Dieu et le salut des âmes. Il faudroit qu'il fû t connu<br />
après ta mort. Voici donc ce que je te conseille. Ecris ton secret<br />
(14) Cette addition marginale résume un passage des Notes Lagier (doc. 99, v. 9).<br />
L’édition imprimée du Rapport inverse l’ordre : « Le secret a été donné d’abord à Maximin,<br />
ensuite à Mélanie » ( Vérité, p. 71).<br />
(15) Le Rapport reproduit ici des extraits de BEZ, p. 47-49.<br />
(16) L’abbé Gérente, aumônier de la maison-mère des Sœurs de la Providence à<br />
Corenc, près de Grenoble (Vérité, p. 73).<br />
173
Doc. 310<br />
<strong>Documents</strong><br />
dans une lettre que tu cachetteras. Tu la feras \ remettre / dans<br />
le bureau de l'Evêché. Après la mort de Mgr et la tienne, on lira<br />
la lettre, et tu auras gardé ton secret.<br />
Maximin : Mais quelqu'un pourroit être tenté de décacheter<br />
ma lettre... et puis je ne connais pas ceux qui vont à ce bureau.<br />
Puis, mettant la main sur sa bouche et ensuite sur son cœur :<br />
Mon meilleur bureau, dit-il, est là ! //<br />
Le témoignage de ces enfants ne pouvant être scindé, il faut<br />
l’admettre ou le rejet/er tout entier. Si on l’admet sur la réalité<br />
de l’Apparition, il faut l’admettre aussi sur l’innocence de leur<br />
secret, et sur la défense faite de le communiquer. [... (p. 15)] Le<br />
secret des bergers pourroit \ bien / n ’être que l’annonce d ’un<br />
événement futur, heureux ou malheureux, les concernant ou<br />
concernant d ’autres ; il [...] ne nécessiteroit point l’intervention<br />
des Supérieurs ecclésiastiques. Nous faisons cette observation pour<br />
répondre à ceux qui croient voir dans l’obstination de ces enfants<br />
à garder leur secret, un motif de juste défiance pour les autres<br />
parties de leur récit (17).<br />
V I . O p i n i o n s u r l e f a i t d e l a S a l e t t e<br />
Que faut-il penser du fait de la Salette ? [... ]<br />
Nous croyons pouvoir nous prononcer sur la réalité de cette<br />
apparition. Voici nos motifs [...]<br />
1° LE FAIT EN LUI-MÊME. Tout repousse l’idée que les deux<br />
petits bergers aient été trompeurs ou trompés.<br />
LEUR CARACTÈRE. Il est tel que depuis [biffé : un an] \ bientôt<br />
[biffé: quinze] 18 mois / qu’ils parlent et qu’on les fait parler,<br />
on ne peut voir en eux que des canaux qui transmettent purement<br />
et simplement, (on diroit volontiers, et on rendrait mieux sa<br />
pensée, matériellement) l’eau claire et limpide qui leur est arrivée,<br />
sans lui communiquer ni couleur ni saveur aucune. [...]<br />
[... (p. 16)] Des enfants de cette trempe ont-ils pu imaginer<br />
et concerter la fable qu’ils racontent ? Et s’ils avoient été capables<br />
de l’ourdir, ne trembleroient-ils pas chaque fois qu’ils sont<br />
mandés ? Ne craindroient-ils \ pas / à chaque instant de se couper,<br />
de se contredire, d’être pris en défaut ? [...]<br />
LA NATURE MÊME DU RÉCIT DES ENFANTS. Comment ces enfants<br />
grossiers [...] ont-ils imaginé de se servir d ’expressions telles que<br />
celles qui composent en grande partie leur récit ? [...(p. 17)...]<br />
[Noter la diversité des éléments qu’ils décrivent (marteau, tenailles, deux<br />
chaînes, roses autour du bonnet, du fichu et des souliers) ; leur hardiesse à faire<br />
des prédictions.)<br />
(17) Dans la Vérité, on trouve l’équivalent de cet alinéa parmi les Objections et<br />
Réponses formant la dernière partie du livre (p. 209-211).<br />
174
15 octobre 1847 Doc. 310<br />
\\ Qui leur a donné l’idée d ’un secret communiqué à chacun<br />
d ’eux avec défense de le faire connaître à qui que ce soit ? Imaginer<br />
ce secret, c’était se créer une difficulté, un embarras de plus.<br />
[...] //<br />
L’INSPECTION DES LIEUX. [...] Aucun lieu moins propre à une<br />
apparition soudaine, à une disparition subite ou graduelle de<br />
quelque aventurière ou bohémienne [...]. Aucun lieu moins propre<br />
aux illusions de l’optique [...]. Inutile de demander quelle est<br />
cette prétendue avent\ urière / [...].<br />
Si on avoit le courage de dire que c’est le diable, qui, suivant<br />
l’expression de S‘ Paul, s’est transformé en ange de lumière, nous<br />
répondrions que le diable s’est étrangement mépris, et que pour<br />
la première fois il auroit travaillé contre lui-même. [...]<br />
La sagacité extrao rdinaire des d e u x en fa n ts à résoudre<br />
LES DIFFICULTÉS \\ OPPOSÉES // À LEUR RÉCIT. Rien, en effet, de<br />
plus frappant, de plus extraordinaire, que [p. 18] la manière<br />
prompte, décisive, péremptoire dont les petits bergers répondent<br />
aux innombrables difficultés qu’on se plaît à opposer à leur récit<br />
[...].<br />
[Quelques réponses :]<br />
D. La Dame t’a trompé, Maximin ; elle a prédit une famine,<br />
et cependant la récolte est bonne partout ?<br />
Maximin. Qu’est-ce que ça me fait ?.... Elle me l’a dit, cela<br />
la regarde.<br />
A cette même question les enfants ont répondu d’autres fois :<br />
Mais si on a fait pénitence. [... ]<br />
D. La Dame que vous avez vue est en prison à Grenoble.<br />
Les enfants. Bien fin qui la prendra.<br />
D. La Dame que tu as vue n ’étoit qu’un nuage lumineux,<br />
brillant ?<br />
Un des deux répond sur le champ : Mais un nuage ne parle<br />
pas.<br />
Un prêtre : Tu es un petit menteur ; je ne te crois pas.<br />
[p. 19] Maximin : Qu'est-ce que ça me fait ? Je suis chargé<br />
de vous le dire, pas de vous le faire croire.<br />
Un autre prêtre : Vois-tu, je ne te crois pas, tu es un menteur.<br />
Maximin, avec vivacité : Alors pourquoi venir de si loin pour<br />
m'interroger ?<br />
Nous-mêmes étant le 26 août dernier sur le lieu de l’apparition<br />
avec trente ou quarante autres pèlerins qui nous avoient accompagnés,<br />
nous fîmes répéter aux petits bergers toute la scène du<br />
19 sept. 1846. Arrivée à la croix de l’Assomption, lieu de la<br />
disparition, Mélanie nous raconte la manière dont la Dame a<br />
175
Doc. 310<br />
<strong>Documents</strong><br />
disparu. \ Un / curé de \ la / Vallouise (17a) dans le diocèse de<br />
Gap, l’interrompt pour lui dire :<br />
D. La Dame a disparu dans un nuage.<br />
Mélanie. Il n’y avoit point de nuage.<br />
Le curé insiste : Mais il est facile de s’envelopper d ’un nuage<br />
et de disparoître.<br />
Mélanie, avec vivacité : Monsieur, enveloppez-vous d ’un nuage<br />
et disparoissez. Et Mélanie de disparoître du milieu de la foule<br />
étonnée en disant : Ma mission est finie.<br />
L’abbé Albertin : Ne t’ennuies-tu pas, mon petit, d’avoir à<br />
répéter tous les jours la même chose ?<br />
Maximin : Et vous, Monsieur, vous ennuyez-vous de dire tous<br />
les jours la Messe (18) ?<br />
\\ [...] Mr l’abbé Repelin, prof" {biffé: d ’Embrun] \ au petit<br />
séminaire / d’Embrun, Mr Bellier, missionnaire de Valence (18a),<br />
et d’autres personnages recommandables attestent avoir obtenu<br />
des réponses encore plus étonnantes. [... Après avoir rapporté le<br />
dialogue entre Mélanie et l’abbé Repelin sur le démon et la<br />
croix (19), Rousselot continue :]<br />
Maximin a donné une réponse presque semblable à d ’autres<br />
prêtres (20).<br />
Dans une maison respectable, on fait entrer tout à-coup<br />
Mélanie, et on la met en face d ’une dame qu’elle n’avoit jamais<br />
vue ; et on lui dit : la dame que tu as vue étoit-elle plus grande<br />
que celle-ci ? Mélanie répond : elle étoit plus grande. On fait<br />
entrer Maximin et on lui fait la même question. Maximin répond<br />
sans hésiter : elle étoit plus grande. // [... ]<br />
i r Le f a i t d e l a S a l e t t e a d m i s d a n s l e s l i e u x m ê m e s o ù il<br />
EST ARRIVÉ. [Les habitants de Corps et de la Salette, qui connaissent<br />
les enfants et les lieux, croient à l’apparition, (p. 20)]<br />
Un fait matériel, que nous ne qualifions pas, mais qui a<br />
vivement frappé les esprits dès les premiers jours [...], c’est que la<br />
fontaine auprès de laquelle s’étoit reposée la belle Dame, commença<br />
bientôt après l’apparition, à laisser couler une eau claire et limpide.<br />
[Les habitants du canton et des environs se sont convertis : chose remarquable,<br />
car le peuple, avide des nouveautés qui flattent ses intérêts ou sa curiosité, est<br />
peu disposé à accepter des faits qui combattent ses penchants déréglés, (p. 21)]<br />
(17a) Claude Giraud, 1809-1860.<br />
(18) Réponse rapportée également dans le doc. 308 bis, p. 23. L’abbé Albertin était<br />
professeur au grand séminaire de Grenoble.<br />
(18a) Joseph Bellier, né à la Chapelle-en-Vercors (Drôme) en 1784, missionnaire en<br />
Diois en 1828, après quoi on perd ses traces ou, plus probablement, Jacques-Marie Bellier,<br />
1787-1850, missionnaire apostolique.<br />
(19) Doc. 344.<br />
(20) Voir doc. 308 bis, p. 24-25.<br />
176
15 octobre 1847 Doc. 310<br />
IIP L e r é c i t d e s e n f a n t s o u l e f a i t d e l a S a l e t t e a d m i s<br />
PAR DES MILLIERS DE PERSONNES ACCOURUES DE TOUTES PARTS SUR<br />
LES LIEUX.<br />
[...(p. 22)] Ce mouvement universel et spontané des populations<br />
ne seroit-il point la voix de Dieu ? [...(p. 23)]<br />
IV° C o n s é q u e n c e s e x t r a o r d i n a i r e s d u f a i t d e l a S a l e t t e ,<br />
QUI EN SONT DEVENUES LA PREUVE.<br />
[Le Rapport, p. 23-26, évoque les guérisons des personnes suivantes : 1) Sœur<br />
Saint-Charles, religieuse hospitalière de Saint-Joseph à Avignon (21), dont la<br />
guérison est, de la part de l’archevêque d’Avignon, « sujet d’une enquête<br />
juridique et d’un mandement » (22) ; 2) une autre religieuse de la même<br />
communauté (23) ; 3) Sœur Prouvèze (24) ; 4) Sœur Angélique Carbasse (25) ;<br />
5) une religieuse de l’hôpital de Beaucaire, atteinte d’une ophtalmie (26) ;<br />
6) une religieuse du Saint-Sacrement, à Marseille (27) ; 7) Sœur Saint-Antoine<br />
Granet (28) ; 8) au diocèse de Digne, un maréchal-ferrant de Raillanne et une<br />
personne de Saint-Michel (29) ; au diocèse de Grenoble, Marie Gaillard, femme<br />
Laurent (30) ; Henriette Luyat, femme Girard (31) ; Sylvie Julien (32) et Victorine<br />
Sauvet (33) ; 10) Marie Bernard (34) ; 11) Mlle Moreau (35).<br />
(21) Voir supra, au 16 avril 1847.<br />
(22) L’archevêque mourut avant d ’avoir réalisé son projet (cf. ibidem).<br />
(23) Sœur Darmane (?) ; cf. doc. 149 et 312.<br />
(24) Voir supra, au 21 mars 1847.<br />
(25) Voir supra, au 10 juin 1847.<br />
(26) L’édition imprimée du Rapport omet cette guérison.<br />
(27) L’édition imprimée du Rapport omet cette guérison qui, dans le manuscrit, est<br />
biffée et remplacée dans la marge par celle de Mélanie Gamon ; sur cette dernière guérison,<br />
voir supra, au 15 août 1847.<br />
(28) Voir supra, au 14 mai 1847.<br />
(29) Sur le maréchal-ferrant de Reillanne (arrondissement de Forcalquier, Alpes-de-<br />
Haute-Provence) voir p. 232, note 1. — La personne de Saint-Michel au canton de<br />
Forcalquier pourrait être Louise Almaric, « âgée de vingt-cinq ans, atteinte de chlorose avec<br />
cortège de symptômes nerveux », guérie à la Salette même vers la fin juin 1847 (Vérité,<br />
p. 145, citant le doc. 348). — Dans le Rapport manuscrit, Rousselot précise qu’il n’a pas<br />
encore reçu la relation «authentique » de ces deux guérisons.<br />
(30) Voir LSDA I, p. 147-148. Dans la marge du Rapport, p. 25, Rousselot ajoute<br />
que Marie Laurent lui a dit les paroles suivantes : «Je suis contente ; j’ai obtenu ce que<br />
j’ai demandé, je n’en avais pas demandé davantage. » Elle conservait en effet des traces de<br />
ses tumeurs, qui cependant ne l’empêchaient point de vaquer à son ménage et d ’aller à<br />
l’église.<br />
(31) Henriette Luya (ou Luyat ?), de Saint-Paul-le-Monestier, aurait été guérie le<br />
17 juin 1847, à la Salette même. Dans la Vérité, Rousselot omet cette guérison. — Dossier<br />
(doc. 215 et 359) : EG 122, chemise « Miracles [...] faux ou douteux ».<br />
(32) Voir supra, au 2 juillet 1847.<br />
(33) Voir supra, au 25 septembre 1847.<br />
(34) Le passage consacré à cette guérison, qui aurait eu lieu à Saint-Paul-Trois-<br />
Châteaux, Drôme, le 14 août 1847, a été biffé. Dans la marge, p. 26, Rousselot a écrit :<br />
« Ce fait ne peut figurer ici, d’après la lettre de M' Canon, curé-archiprêtre de St-Paul-<br />
Trois-Châteaux, en date du 5 nov. 1847, adressée à l’abbé Rousselot. »<br />
(35) Il s’agit de la sœur du fondateur de la Congrégation de Sainte-Croix. Cette<br />
guérison avait été annoncée à Mélin par M. Dupont (doc. 196). Dans la marge, p. 26,<br />
Rousselot a écrit : « La guérison de M"' Moreau n’est pas miraculeuse, d ’après la lettre de<br />
M' Champeau du 30 nov. 1847 ».<br />
177
Doc. 310<br />
<strong>Documents</strong><br />
Rousselot traite ensuite, p. 26-28, des conversions et des pèlerinages, entrepris<br />
parfois en des conditions extrêmement difficiles.]<br />
VII. O bjections contre le Fait de la Salette<br />
[Diverses objections ont été formulées, tant par des anticléricaux que par<br />
des hommes religieux : l’apparition emploie un langage peu digne ; les menaces<br />
n’ont pas été accomplies ; les reproches formulés par l’apparition se limitent aux<br />
choses du culte et restent muets sur le libertinage et la soif de l’or ; l’obstination<br />
des enfants à cacher leurs secrets même aux autorités religieuses constitue une<br />
présomption contre l’origine céleste de l’apparition. — Rousselot, p. 28 et suiv.,<br />
répond que la Vierge adapte son langage aux capacités des enfants et qu’elle<br />
s’exprime à la manière du Christ et des prophètes'; les menaces, qui avaient<br />
pour but de provoquer le repentir, étaient, au moins en partie, conditionnelles.]<br />
[p. 33] La discrétion obstinée et si peu naturelle des deux<br />
bergers à garder leur secret semble \ plutôt / ajouter quelque prix<br />
à tout le reste de leur récit. \\ Maximin pressé \ par un pèlerin /<br />
de dire son secret sous prétexte q u ’on le croiroit mieux et qu'on<br />
se convertirait plus vite, répondit sur le champ et avec assurance :<br />
Si je ne dis pas mon secret, on me croira mieux et on se convertira<br />
mieux. // [...]<br />
[p. 34] En se plaignant avant tout de la violation du jour que<br />
Dieu s’est réservé, la sainte Vierge n’indique-t-elle donc pas la<br />
cause première de l’impiété, du libertinage et des autres vices qui<br />
corrompent la société chrétienne ? [... ]<br />
[p. 35] La Vierge de la Salette pouvoit-elle tenir aux deux<br />
petits bergers qu’elle choisissoit pour interprètes, un langage<br />
auquel ceux-ci, à raison de leur âge, dévoient être totalement<br />
étrangers ? [...(p. 36)...]<br />
Rem arque im portante<br />
Nous ne finirons point ce rapport sans faire une remarque<br />
qui nous paroît importante et qui pourra paroître telle à plusieurs<br />
personnes. [...].<br />
Quelle a été l’origine, nous le demandons, de tant [p. 37] de<br />
sanctuaires antiques et vénérés, buts chéris de tant de dévots<br />
pèlerinages, de concours si nombreux ? L’histoire est là pour<br />
répondre. Elle dit que ces sanctuaires doivent leur origine et leur<br />
célébrité à une vision, à une apparition, à une révélation.<br />
[...] C’est à des circonstances moins frappantes \ encore /, que<br />
remontent certains pèlerinages ! Pourquoi la montagne de la Salette<br />
ne deviendroit-elle pas aussi le but avoué par les Supérieurs<br />
ecclésiastiques d ’un pèlerinage religieux ? Pourquoi, sur cette<br />
montagne déjà si célèbre dans la France et à l’étranger, ne<br />
construiroit \ -on / pas un nouveau sanctuaire, et à côté une<br />
maison de prêtres chargés de desservir le sanctuaire, et un hospice<br />
178
17 octobre 1847 Doc. 311<br />
propre à loger les pèlerins ? Tout cela pourroit être permis par<br />
l’autorité compétente, sans qu’elle \ se / crût obligée de se<br />
prononcer définitivement sur le grand événement qui fait mouvoir<br />
les populations (36). [...]<br />
Monseigneur<br />
Co n c l u sio n<br />
[...] Tout ce que nous avons vu d ’ecclésiastiques et de laïques<br />
attendent avec empressement le jugement doctrinal de Votre<br />
Grandeur [p. 38] sur cette affaire. Tous font des vœux pour que<br />
cette décision tourne à la plus grande gloire de Dieu, à un<br />
redoublement de piété envers l’auguste Marie, et au salut des<br />
peuples. Déjà le fait en lui-même et indépendamment de toute<br />
décision authentique \ et solennelle (37) / [biffé : de la part de<br />
l’autorité (?) \ des Supérieurs (?) / ecclésiastique] a ébranlé les<br />
populations et les a fait accourir à la montagne de la Salette ;<br />
quel effet ne produira-t-il pas, lorsqu’il apparoîtra revêtu du sceau<br />
de l’autorité épiscopale ?<br />
Nous sommes...<br />
ORCEL<br />
[...] Supr du gd séminaire<br />
L’abbé ROUSSELOT [...]<br />
Dimanche 17 octobre 1847<br />
311. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à Mgr Villecourt, évêque de la<br />
Rochelle<br />
Dans Villecourt, p. 205-208.<br />
Note. Les paragraphes numérotés correspondent point par point aux questions<br />
formulées par l’évêque de la Rochelle dans une lettre du 4 août (doc. 226),<br />
adressée à l’abbé Chenavas, le vicaire qui l’avait accueilli lors de son passage à<br />
Corps le 21 juillet.<br />
Monseigneur,<br />
Corps, le 17 octobre 1847.<br />
J ’ai pris cinquante fois la plume pour répondre à Votre<br />
Grandeur, et cinquante fois le manque de temps me Ta arrachée 3637<br />
(36) Les premières démarches en vue de la fondation du pèlerinage furent entreprises<br />
par l’évêché dès 1848, donc avant l’approbation solennelle de l’apparition, qui eut lieu<br />
seulement en 1851.<br />
(37) Addition de la main de l’évêque.<br />
179
Doc. 311<br />
<strong>Documents</strong><br />
des mains. Mon vicaire n ’a pas osé vous écrire, et son exemple a<br />
justifié la timidité de Mmc la Supérieure de nos bonnes Sœurs.<br />
Enfin j’essaie aujourd’hui, [...(p. 206)]<br />
Je ne sais si les réponses aux questions que vous aviez adressées<br />
à mon vicaire n ’arriveront pas trop tard. Je vous les adresse en<br />
peu de mots :<br />
1° La fontaine de Y apparition n ’avait point d ’eau le jour de<br />
l’événement. Les deux Enfants humectèrent leur pain et se<br />
désaltérèrent dans une eau qui était à dix ou douze pas plus haut.<br />
[p. 207] 2° Les deux Enfants n ’avaient pas pris leur repas sur<br />
une pierre, mais sur l’herbe : et c’est là qu’ils se sont endormis.<br />
3° Ils mirent une toute petite croix à l’endroit où la belle<br />
Dame avait apparu, mais quelques jours après Y apparition.<br />
4° Ils ne se sont pas mis à genoux quand la Dame a disparu.<br />
5° Ils se sont entretenus seulement de ce que cette Dame<br />
avait de beau et de brillant sur sa personne.<br />
6° Ils n’ont parlé de l’événement que le soir, à leur retour<br />
chez leurs maîtres.<br />
7° Maximin est descendu à Corps le dimanche 20 septembre,<br />
et Mélanie est restée en service jusqu’au mois de décembre.<br />
8° Le Brigadier a seulement interrogé les Enfants, en leur<br />
faisant l’observation sévère qu’ils se mettaient dans un mauvais<br />
cas, si l’on découvrait par la suite que leur récit fût un mensonge.<br />
9° Il n’y a pas qu’un seul Ecclésiastique, mais plusieurs<br />
Ecclésiastiques et laïcs qui aient offert inutilement de l’argent aux<br />
Enfants pour savoir leur secret.<br />
10° La petite Mélanie n ’était en service chez Prat que depuis<br />
six ou sept mois : la première édition de M. Bez (1) présente sur<br />
ce point une erreur typographique.<br />
[p. 208] 11° Les Enfants ont constamment affirmé qu’ils<br />
avaient l’un et l’autre un secret (2).<br />
12° Maximin s’est tenu au joug de la cloche jusqu’à ce qu’elle<br />
fût arrêtée (3). 1<br />
(1) Doc. 184, p. 27.<br />
(2) Question posée par Mgr Villecourt (doc. 226) : « Des ecclésiastiques revenant de la<br />
Sal/ette ont prétendu que les enfants leur avaient dit qu’aucun secret ne leur avait été<br />
confié par la ste Vierge. Cela peut-il être vrai ? Ils ont paru nous parler dans un sens tout<br />
contraire. »<br />
(3) Question posée par Mgr Villecourt (doc. 226) : « Maximin a dû vous raconter<br />
[biffé: la scène] \ l’événement / de la cloche de la Sal/ette sur le joug de laquelle il s’était<br />
mis à cheval pour carillonner, pendant que j’étais chez M. le curé de cette paroisse. Le<br />
sonneur qui s’était imaginé, peut-être qu’on l’appelait, se mit alors à sonner cette cloche<br />
en volée. Je serais bien aise de savoir si Maximin se jetta en bas pendant que la cloche<br />
était encore en mouvement, ou s’il attendit qu’elle fut arrêtée ? Sa préservation de tout<br />
accident me paraît un véritable trait de providence. » — L’épisode eut lieu lors du<br />
pèlerinage du 21 juillet, pendant le trajet de retour (VILLECOURT, p. 115-119).<br />
180
19 octobre 1847 Doc. 311 bis<br />
Voilà bien des choses, Monseigneur, pour ne vous rien<br />
apprendre de nouveau. [...]<br />
MÉLIN, Archiprêtre<br />
Mardi 19 octobre 1847<br />
311 bis. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à M. Dupont, « le saint<br />
homme de Tours »<br />
Original : Tours SF, B 28.<br />
Note. L’abbé Mélin répond à une lettre du 7 octobre (doc. 307), dans<br />
laquelle M. Dupont avait laissé entendre à mots couverts que l’archiconfrérie<br />
approuvée par l’évêque de Langres ne prenait pas à son compte toutes les<br />
pratiques demandées dans le message que Sœur Marie de Saint-Pierre, du Carmel<br />
de Tours, aurait reçu du ciel.<br />
Monsieur,<br />
[...]<br />
[p. 2] Je ne comprends rien aux craintes, aux appréhensions<br />
de rendre publiques les bonnes choses, pendant qu’on publie avec<br />
tant de force, et tant d’éclat, les plus abominables productions de<br />
tous les génies déchus. Je ne puis m’expliquer une semblable<br />
conduite que par une permission expresse de Dieu. Mais que<br />
verrons-nous au verso de la page qu’il nous a montrée sur la<br />
montagne, par les mains de la Belle Dame ? Je tremble ; et je<br />
crains bien, que ce ne soit des veng^nces, écrites en caractères<br />
menaçants, et exécutées avec rigueur, àlactente usque adsenem (1).<br />
Nous avons à traverser de mauvais jours ; que Dieu nous soit en<br />
aide ; et que sa sainte Mère serve de bon bouclier contre sa colère !<br />
Jusqu’à présent, c’est le nombre, plus que l’éclat, qu’il a<br />
fallu voir dans les heureux effets de l’eau de la fontaine.<br />
L’Apparition est toute populaire. La foi du peuple est simple ;<br />
elle entre dans son cœur, par l’amour, qui bien souvent la précède ;<br />
elle est lumineuse, sans lumière ; elle est surtout bonne et délicieuse<br />
pour le [p. 3] cœur. Qui sait si Dieu ne veut pas confondre la<br />
prudence et la sagesse qui ne viennent pas de lui : perdam<br />
sapientiam sapientium, et prudentiam prudentium reprobabo (2).<br />
[...]<br />
Corps, le 19 octobre 1847 MÉLIN, Archiptrc 1<br />
(1) « De l’enfant à la mamelle jusqu’au vieillard » (citation libre de Deutéronome,<br />
32, 35).<br />
(2) «Je détruirai la sagesse des sages, j’anéantirai l’intelligence des intelligents » (I<br />
Cor. 1, 19 ; cf. aussi Isaïe, 29, 14).<br />
181
Doc. 314<br />
<strong>Documents</strong><br />
Mercredi 20 octobre 1847<br />
314. NOTES AUTOGRAPHES DE L’INGÉNIEUR DAUSSE<br />
Original (1 f. pliée 21 cm x 27) : BMGD 22.<br />
Note. Ce texte donne quelque idée de l’attention avec laquelle certains esprits<br />
épiaient les moindres gestes des enfants. — Rappelons que l’ingénieur Dausse<br />
était venu enquêter à Corps en février (LSDA I, p. 278-279)- Il s’y trouvait de<br />
nouveau le 19 septembre et rencontra à cette occasion Maximin. Une note<br />
autographe (doc. 315) écrite le lendemain ou surlendemain de la présente, nous<br />
apprend qu’il aurait aimé étudier plus tard la théologie en compagnie de son<br />
jeune ami...<br />
Greno[ble] 20 oct. 1847.<br />
La Sr Supé. de Corps (<br />
) qui sert de mère aux<br />
enfants (1), nous a dit, chez Mad[am]e de Larnage (2) où je l’avais<br />
conduite, des choses dignes de mémoire sur ces enfants.<br />
Ils ont un attrait secret et vif pour les personnes d ’une<br />
véritable piété.... du froid, de l’éloign[emen]t pour les autres.<br />
La petite se butte assez vite, mais sachant la prendre, la Sr<br />
Supé. en fait ce qu’elle veut...<br />
Jamais elle n’a entendu, quoiqu’elle les surveillât, ces enfants<br />
s’entretenir de leur vision... Nulle amitié extraord. entre eux, au<br />
contraire. Ce n ’est absolu[men]t que dans les choses de leur<br />
mission qu’ils s’accordent, se confirment, se complètent, ne font<br />
qu’un.<br />
Quand on parle devant eux, mais pas avec eux et sans y<br />
prendre garde, de l’apparition &c,, leur mot vient se placer à<br />
propos quand on erre en quelque chose. Cela ne manque jamais,<br />
encore qu’ils semblassent étrangers à la conversation....<br />
La Sr n ’a pas pu savoir d ’où leur venait l’idée de tous deux<br />
de faire baptiser l’enfant du protestant et d ’en être les parrains<br />
[?] (3)... impossible...<br />
Je suppose que c’est comme à moi d ’avoir la réponse à ceci :<br />
Comment l’avez-vous su ?..<br />
[verso] Des gens passèrent à Corps qui représentaient par de<br />
petits personnages dans une espèce de théâtre, la passion de NS :<br />
Mémin y fut sans que la Sr le sût (4). Or . cet enfant revint de là<br />
très impressionné. Au point qu’il dit de lui-même : Ma Mère, j’ai<br />
vu là q.q. chose de mon secret. En vain la S' tenta-t-elle de lui<br />
faire indiquer de quelle circonstance de la passion il s’agissait, 1<br />
(1) Dausse a laissé un blanc entre les parenthèses pour le nom : Sœur Sainte-Thècle.<br />
(2) de Larnage : famille de Tain (Drôme), à laquelle appartenait l’épouse d ’une<br />
connaissance de Dausse, Albert Du Boÿs (cf. LSDA I, p. 278).<br />
(3) Une allusion à un enfant d ’origine protestante, probablement le même, se lit déjà<br />
à la suite du récit de Mélanie par Dausse, daté du 26 février 1847 (doc. 98, v. 45).<br />
(4) Cet épisode eut lieu vers le 3-4 septembre (cf. doc. 343).<br />
182
28 octobre 1847 Doc. 320<br />
l’enfant esquiva la réponse et il fut impossible d ’en tirer aucun<br />
éclaircissement. — Comme à moi d ’avoir aucune réponse, à mon<br />
Comment l’avez-vous su ? Mais il demeura pendant 8 jours<br />
sensiblefmenjt sous cette vive impression et préoccupation..<br />
En répondant réc[emmen]t à Mgr de la Rochelle qui lui avait<br />
écrit, et [?] l’appelait mon fils... Mesmin ravi écrivit [:] au petit<br />
sot, être le fils d’un Evêque ! — La Sr ne comprenait pas et voulait<br />
lui faire retirer cela., l’enfant insista et dit [:] appuyez sur Xau..<br />
alors la Sœur comprit que c’était une exclamation [:] O petit sot,<br />
être le fils d ’un Evêque ! et elle laissa ce mot qui peint la simplicité<br />
de cet enfant qui (5)<br />
Jeudi 28 octobre 1847<br />
320. LETTRE DE L’ABBÉ LOUIS BERLIOZ à l’abbé Mélin<br />
Original : EG 70. — Extrait dans Annales, novembre 1907, p. 503-504.<br />
Contexte. En juin, l’abbé Berlioz avait mené la maîtrise de la cathédrale en<br />
pèlerinage à la Salette. Maximin avait à cette occasion fait la connaissance des<br />
enfants (cf. doc. 203, avec la note 2).<br />
[...] D ’après votre permission, j’ai parlé à Monseigneur de<br />
Maximin, et lui ai demandé si quand le temps serait arrivé, il<br />
jugerait à propos de nous le confier. Cette idée ne lui a pas souri ;<br />
il le trouverait chez nous trop exposé aux regards et aux questions,<br />
il ne serait même pas très partisan de l’idée de lui faire faire ses<br />
études. Pour le moment, Monseigneur n ’a aucun plan arrêté sur<br />
cet enfant ; mais, si Maximin a une mission à remplir un jour, la<br />
S" Vierge saura bien le mener à ses fins.<br />
Nous nous occupons à Grenoble de l’association contre le<br />
blasphème et les travaux du dimanche. Monseigneur m ’a dit qu’il<br />
avait le dess/n de l’établir dans son diocèse (*) [...]. Pour moi j’ai<br />
commencé à faire faire les exercices à mes marmots. [...]<br />
Vendredi 29 octobre 1847<br />
ÉVÉNEMENT. Célébration de la dernière messe de la saison dans la chapelle<br />
provisoire de la Salette. L’autorisation de célébrer, accordée par Mgr de Bruillard<br />
pour le 19 septembre et les jours suivants, avait été prorogée jusqu’à la Toussaint<br />
(P errin, n.663).<br />
(5) Le texte se termine ici, sans point final.<br />
(*) Il l ’y établit effectivement (doc. 370).<br />
183
Doc. 327<br />
<strong>Documents</strong><br />
Jeudi 4 novembre 1847<br />
327. LETTRE DE CONVOCATION ADRESSÉE PAR MGR DE<br />
BRUILLARD aux curés de Grenoble<br />
Brouillon de la main de l’abbé Auvergne, pro-secrétaire à l’évêché, avec des<br />
corrections de la main de l’évêque (1 f. 26,5 cm x 20) : EGD 72. — Autre<br />
brouillon, entièrement de la main de l’abbé Auvergne et copié sur le premier,<br />
tel que corrigé par l’évêque : EGD A 15.<br />
Note. Le contenu de cette convocation avait été annoncé par l'évêque la<br />
veille, 3 novembre, au cours d’un repas auquel participait l’abbé Gerin, curé de<br />
la cathédrale (cf. doc. 326).<br />
Ci-dessous nous reproduisons le manuscrit EGD 72.<br />
Événement<br />
de la Salette<br />
Monsieur le Curé,<br />
4 novembre 1847<br />
J ’ai reçu le rapport des deux Commissaires que j’ai envoyés<br />
sur les lieux et ailleurs, au mois de juillet dernier. Ils ont pris toutes<br />
les informations que j’attendais de leur zèle, pour l’instruction de<br />
la cause qui tient en émoi une partie de la catholicité.<br />
Voulant donner à MM. les Curés de la ville une marque de<br />
mon estime et de ma confiance, j’ai résolu de les associer à mes<br />
Vicaires Généraux et aux membres de mon Vénérable Chapitre à<br />
l’effet d ’entendre et de discuter en commun le rapport dont il<br />
s’agit.<br />
Les réunions commenceront, lundi prochain, à l’Evêché, à<br />
une heure et un quart, dans l’un des sal/ons du 2e étage, et<br />
continueront les lundis suivants, à la même heure. A une assistance<br />
très exacte, il faudra joindre jusqu’au [biffé : jugement] grand\ jour<br />
de la décision /épiscopale, un secret inviolable de tout ce qui aura<br />
été dit ou fait dans les assemblées.<br />
Pour porter un jugement doctrinal sur l’objet important qui<br />
nous occupera pendant plusieurs séances, [verso] j’ai besoin du<br />
secours céleste. Vous m ’aiderez à l’obtenir, en disant comme moi<br />
à la S" Messe, les jours de réunion, les oraisons de Spiritu Sancto<br />
et de Beata.<br />
En attendant le jour où j’aurai [biffé: le plaisir] \ la douce<br />
satisfaction / de vous voir [biffé: réunis], recevez, je vous prie,<br />
Monsieur le Curé, l’assurance de mon respectueux attachement.<br />
184
LES CONFÉRENCES À L’ÉVÊCHÉ DE GRENOBLE<br />
Les Conférences, au nombre de huit, eurent lieu les 8, 15, 16, 17,<br />
22, 29 novembre, le 6 et le 13 décembre 1847. Présidées par l’évêque en<br />
personne, elles devaient, dans son intention, préparer le jugement<br />
doctrinal qu’il pensait prononcer à leur issue.<br />
Membres<br />
La Commission comptait seize membres, tous nommés par l’évêque :<br />
les deux vicaires généraux titulaires, les huit chanoines titulaires, les curés<br />
des cinq paroisses de Grenoble et le supérieur du grand séminaire<br />
(doc. 332 ; Vérité, p. 22).<br />
LISTE par ordre d’ancienneté dans la fonction. (L’année de la nomination est<br />
indiquée entre parenthèses.)<br />
V i c a i r e s g é n é r a u x t i t u l a i r e s : Clair-Melchior Périer, 1799-1870 (1836 ; chanoine<br />
en 1835) ; André Berthier, 1793-1855 (1840).<br />
C h a n o i n e s : C. Bouvier, 1788-1854 (1829); P.-J. Rousselot, 1785-1865<br />
(1833) ; J.-F. Desmoulins, 1790-1850 (1835) ; J. Henry, 1798-1868 fl84l) ; J.-<br />
C. Michon, 1791-1854 (1842) ; P. Petit, 1778-1848 (1844) ; J. Revol, 1802-1876<br />
(1844) ; P. Chambon, 1797-1884 (1847).<br />
C u r e s : J.-B. Gerin, 1797-1863, archiprêtre de la cathédrale (1835) ; J.-P.<br />
Cartellier, 1804-1865, archiprêtre de Saint-Joseph (1841) ; H. Genevey, 1801-<br />
1859, archiprêtre de Saint-Louis (1842) ; J.-H. de Lemps, 1802-1870, curé de<br />
Saint-André (1834) ; Jean-Jules Keisser, 1805-1882, curé de Saint-Laurent (1838).<br />
S u p é r i e u r d u g r a n d s é m i n a i r e : J.-P. Orcel, 1805-1878 (1837). Enquêteur<br />
avec Rousselot et cosignataire du Rapport.<br />
Partage des opinions<br />
Nous connaissons déjà les positions de six membres : Bouvier,<br />
Chambon, Gerin, Michon, Orcel et Rousselot. Avec six autres membres, ils<br />
forment une majorité de douze, favorable à l’authenticité de l’apparition.<br />
L’opposition compte quatre membres : le vicaire général Berthier ;<br />
Genevey, curé de Saint-Louis ; de Lemps, curé de Saint-André ; Cartellier,<br />
curé de Saint-Joseph. Les difficultés qu’ils soulèvent ne portent cependant<br />
pas nécessairement sur le fond de la question : « M' le Curé de S' Louis<br />
prenoit dans toutes les questions le côté métaphysique ; tous ses<br />
arguments étoient de cette nature. Mr le Curé de S' André faisoit des<br />
considérations tirées de l’ordre moral ; il disoit en particulier la prudence<br />
et la circonspection à apporter pour éviter une erreur malheureuse. Pour<br />
moi », écrit Cartellier, « à qui le hasard (on devrait \ toujours / dire la<br />
providence) avoit fait connoître sur les enfants et sur leurs récits plusieurs<br />
choses assez généralement ignorées, je racontois ce que j’avois appris, et<br />
185
Doc. 330<br />
<strong>Documents</strong><br />
en concluois contre l’apparition » (*) Sur les trois curés, seul Cartellier<br />
paraît s’être prononcé nettement contre l’apparition. L’avocat général<br />
Alméras-Latour le présentera plus tard comme un « homme d’une vie<br />
irréprochable, d’un cœur simple et facile à entraîner »(**). — Quant au<br />
vicaire général Berthier, il aime comparer entre eux les divers témoignages<br />
écrits. Sa façon de lire les documents a déjà fait l’objet d’une note<br />
(LSDA I, p. 140).<br />
L’évêque voulut que les opposants aient la possibilité de s’exprimer<br />
« en toute liberté » (.Réponse, p. 54). Lors des votes, on comptera à<br />
plusieurs reprises quatre non, qui n’ont toutefois pas tous la même<br />
portée. Ainsi, sur les quatre non exprimés à propos de la « réalité du<br />
fait », un seul rejette celui-ci formellement ; les trois autres expriment<br />
plutôt des doutes sur la valeur des preuves avancées (doc. 347).<br />
Le Rapport discuté<br />
Selon Louis Bassette, lors des séances de novembre 1847, Rousselot<br />
aurait présenté non pas le Rapport manuscrit tel que Mgr de Bruillard<br />
avait pu le lire quelques semaines plus tôt (doc. 310), mais un « texte<br />
intermédiaire » entre ce Rapport et le Rapport imprimé (doc. 447 =<br />
Vérité). Ainsi, « le récit lu à la Commission » aurait été extrait de la<br />
relation Lambert (BASSETTE, p. 96, note 4, et p. 100 ; rappelons que le<br />
Rapport manuscrit remis à l’évêque reproduit non pas cette dernière mais<br />
la relation Bez). — Un examen attentif du Rapport manuscrit nous a fait<br />
conclure que, à l’exception des additions placées à la fin du cahier, les<br />
modifications semblent généralement avoir été introduites seulement<br />
après la présentation du texte à l’assemblée. Quant à la relation Lambert,<br />
Rousselot ne l’a certainement pas présentée : elle ne lui parvint en effet<br />
qu’après la clôture des Conférences (cf. doc. 378).<br />
Procès-verbaux<br />
Des sept premières Conférences, il nous reste des procès-verbaux<br />
calligraphiés de la main du chanoine Chambon, secrétaire de la Commission.<br />
Ils ne sont pas signés. Nous ignorons quel jour chacun reçut sa<br />
forme définitive. Sur la huitième Conférence il reste des notes, également<br />
de la main du chanoine Chambon. Les procès-verbaux résument les<br />
débats de manière assez terne et succincte. Presque rien n’est dit sur le<br />
récit que firent les enfants lors de la deuxième et de la troisième des<br />
Conférences.<br />
(*) Réponse, p. 52. — Titre complet : Mémoires sur la Salette/Livre 1"/Réponse au<br />
Ie' livre de M' Rousselot intitulé : La vérité sur l'événement de la Salette etc. Manuscrit de<br />
la main de J.-P. Cartellier (29 cm x 18 [l],v, 145 p.) : EG 163 — A la page 142 on lit :<br />
« Fait dans les derniers mois de 1848 refait environ un an après ». La Bibiothèque municipale<br />
de Grenoble possède un autre manuscrit de la Réponse, avec une pagination différente<br />
(R.8666).<br />
(**) Rapport du premier avocat général de la cour impériale de Grenoble, Alméras-<br />
Latour, au Garde des Sceaux, 25 mai 1857, PAN BB18 1542 (5781).<br />
186
8 novembre 1847 Doc. 330<br />
Autres sources<br />
Le récit donné par Rousselot dans la Vérité, p. 22-28, présente lui<br />
aussi les choses de manière très succincte. On trouve des informations<br />
complémentaires sur les discussions dans la correspondance suscitée par<br />
les débats. Le cardinal de Bonald intervint à plusieurs reprises en novembre<br />
puis le 10 janvier. Ses lettres, malheureusement introuvables, nous sont<br />
connues par une réponse de Mgr de Bruillard (doc. 395 ; cf. aussi 350),<br />
qui reçut des lettres également d’autres évêques (doc. 349 et 364). On<br />
consulta le maire de la Salette-Fallavaux, l’abbé Lagier, les curés Perrin<br />
et Mélin.<br />
Lundi 8 novembre 1847<br />
Év é n e m e n t. Première Conférence à l’évêché de Grenoble.<br />
330. OBSERVATIONS GÉNÉRALES DE MGR DE BRUILLARD<br />
À L’INTENTION DE LA COMMISSION ET RÈGLEMENT DES<br />
CONFÉRENCES<br />
Manuscrit de la main de l’abbé Auvergne, pro-secrétaire à l’évêché, avec des<br />
additions et corrections, les unes et les autres de la main de l’évêque (1 f. pliée<br />
28,5 cm x 39) : EGD 73.<br />
Note. Mgr de Bruillard fît lire ces textes lors de la première Conférence.<br />
\\ Evénement de la Salette<br />
Etablissement d ’une commission<br />
pour l’examen de ce fait. //<br />
Messieurs,<br />
L’événement de la Salette, en 1846 19 sept., ayant commencé<br />
à se répandre dans notre diocèse, nous avons fait notre devoir en<br />
ordonnant à notre clergé de s’imposer sur ce sujet le plus rigoureux<br />
silence dans la maison de Dieu (1).<br />
Depuis plus d ’un an, nous avons entendu un nombre immense<br />
de pèlerins : de pieux ecclésiastiques, des laïques instruits, et<br />
pendant le cours de l’été dernier, l’un de nos vénérables et savants<br />
collègues, Monseigneur de la Rochelle, qui ont visité les lieux,<br />
interrogé les deux bergers, et pris toutes les informations qu’ils<br />
étaient si désireux de recueillir. Nous avons lu aussi tout ce qui a<br />
été imprimé et une grande partie de ce qui a été [biffé : seulement]<br />
écrit sur le même fait et sur les suites qu’il a obtenues.<br />
Cependant, ne voulant prendre conseil que de la prudence,<br />
et nous imposant la sévère réserve qui nous étaient commandée!<br />
par la gravité de la matière et les prescriptions des Saints Canons, 1<br />
(1) Par la lettre-circulaire datée du 9 octobre 1846 (LSDA I, p. 57-58).<br />
187
Doc. 330<br />
<strong>Documents</strong><br />
nous avons attendu jusqu’au mois de juillet dernier pour nommer<br />
en qualité de nos commissaires spéciaux M. l’abbé Rousselot,<br />
chanoine, professeur de morale, Vicaire Général honoraire, et<br />
M. Orcel, chanoine aux honneurs, Supérieur de notre Grand<br />
Séminaire.<br />
Munis d’une ordonnance Episcopale, ils se sont [p. 2] présentés<br />
devant plusieurs Evêques, dans les diocèses desquels la voix<br />
publique proclamait des guérisons obtenues par \\ l’intercession<br />
de // Notre-Dame de la Salette, ou sur la montagne elle-même,<br />
ou ailleurs, par l’usage de l’eau qu’on y avait puisée.<br />
Ces deux MM., après avoir vu et entendu \b iffé: plusieurs]<br />
\ bien des / personnes guéries, après avoir interrogé leur curé ou<br />
leurs parents et d ’autres témoins oculaires, après avoir dressé ou<br />
recueilli un certain nombre de procès verbaux, sont enfin arrivés à<br />
Corps qui était le but principal de leur voyage.<br />
Le Rapport de ces messieurs fait connaître tout ce qu’ils ont<br />
vu et entendu tant sur la montagne que dans Corps et aux<br />
environs. Communication textuelle en sera faite à la commission.<br />
\ Règlement sur la / Tenue des assemblées<br />
[biffé: et] \ ou / mesures d ’ordre à suivre.<br />
I. Les séances auront lieu, tous les lundis, à une heure et un<br />
quart, à l’Evêché.<br />
IL Elles commenceront et finiront par la prière.<br />
III. Lecture sera faite, par l’un des deux voyageurs de la partie du<br />
rapport qui est indiquée pour la séance. On l’écoutera attentivement,<br />
sans interrompre, et personne ne parlera sans en avoir<br />
obtenu l’agrément du Président.<br />
IV. On parlera par ordre de préséance, à commencer par Messieurs<br />
les Curés. On est libre de parler ou de garder le silence sur les<br />
objets soumis à l’examen.<br />
V. Procès verbal sera dressé par le Secrétaire, de ce qui aura été<br />
dit ou fait dans chaque séance. La lecture du procès verbal de la<br />
séance précédente ouvrira [p. 3] la séance suivante.<br />
VI. Chaque membre de la Commission gardera envers ceux qui<br />
[biffé: lui sont étrangers] \ n ’en font point partie / un silence<br />
rigoureux sur les objets qui auront été soumis aux délibérations<br />
\ et sur le nom des contradicteurs ou opposants, s’il y en a /.<br />
Sujets à traiter dans les séances,<br />
\ ou objets des délibérations. /<br />
On y suivra l’ordre et le plan du rapport.<br />
1K séance : Topographie de la montagne ; notions sur les deux<br />
bergers ; leur récit.<br />
188
8 novembre 1847 Doc. 331<br />
Z séance : Opinion sur le fait de la Salette. Ce qu’il faut penser<br />
du récit des deux bergers ? La Ste Vierge leur est-elle réellement<br />
apparue ?<br />
J c séance : Guérisons opérées sur la montagne [bijfié : ou] \ et /<br />
ailleurs par l’usage de l’eau de la Salette. Leur exposé ; et peuton<br />
en tirer une preuve en faveur de l’apparition ?<br />
4* séance : Objections contre le fait de la Salette : lre série.<br />
y séance : Suite des objections, ou 2e série \ et nouvelles objections,<br />
s’il y a lieu. /<br />
6e séance : Conclusion préparatoire au jugement doctrinal qui est<br />
réservé à l’Evêque du diocèse. \\ S’il est favorable à l’apparition,<br />
il sera prononcé avec solennité, en présence des membres de la<br />
Commission et d ’un grand nombre d’assistants. Que... //<br />
Que l’Esprit-Saint, par l’intercession de Marie, nous vienne<br />
en aide ! \ Ainsi soit-il. /<br />
331. LETTRE DU CHANOINE ROUSSELOT à l’abbé Mélin<br />
Original (1 f. 20,5 cm x 13,5) : EG 68.<br />
N o t e . La présente lettre montre que les opposants ont signalé une lacune du<br />
Rapport : Rousselot a omis de prendre en considération l’ensemble des relations<br />
connues, Perrin, Dumanoir, etc., — lacune qu’il comblera dans la Vérité.<br />
Grenoble, le 8 nov. 1847<br />
Monsieur et cher Préfet de N.D. de la Salette,<br />
Mon rapport sur l’Evénement de la Salette est en ce moment<br />
débattu et vivement attaqué dans une Commission qui s’est<br />
rassemblée aujourd’hui pour la première fois sous la présidence de<br />
Mgr lui-même.<br />
1° Les opposants accusent Maximin d ’avoir été un petit<br />
fourbe, un petit menteur avant l’apparition ; ses compagnons<br />
l’attestent, dit-on. Quels sont ces compagnons ? Quel fond peuton<br />
faire sur leur assertion ? Qu’en pensent les grandes personnes<br />
qui l’ont connu, et particulièrement son père ? Et vous, qu’en<br />
pensez-vous ?<br />
2° On soutient que dans leur récit fait après l’apparition et<br />
dans les premiers jours, les enfants ont parlé de pierres et d'autres<br />
choses jetées aux filles par les garçons (1). Les enfants ont-ils<br />
vraiment parlé de cette particularité ? En ont-ils parlé comme<br />
d ’eux-mêmes ? Ou bien donnaient-ils ce langage comme ayant<br />
[mot sauté : été] tenu par la S" Vierge. Mr Chambon prétend que 1<br />
(1) On lit ces mots dans la plupart des relations de la famille Perrin ainsi que chez<br />
Cat, Eymery et Dumanoir (doc. 7, 8, 9, 10, 11, 15 et 124 ; cf. LSDA I, p. 64). Rousselot<br />
répondra à l’objection dans les pages ajoutées à son Rapport (doc. 376, 12' objection =<br />
Vérité, p. 218 et suivantes) ; cf. aussi doc. 338.<br />
189
Doc. 331<br />
<strong>Documents</strong><br />
les enfants lui ont dit quelque chose de semblable lorsqu’il les<br />
interrogea ; et Mr Cartellier assure que dans l’interrogatoire qu’il<br />
leur a fait subir, ces deux enfants lui ont nié formellement avoir<br />
parlé de cette particularité (2). D ’où les opposants concluent que<br />
dans leur récit les enfants ou ont menti dans le commencement<br />
ou sont menteurs plus tard.<br />
Il importe, mon cher Préfet, que vous débrouilliez cette<br />
difficulté, et que vous aidiez votre maréchal à répondre à cette<br />
objection. — Il vous souvient que je désirais beaucoup avoir la<br />
première relation manuscrite qui étoit entre les mains du Recteur<br />
de vos pénitents, et que je vous l’ai demandée (3). Mr Peytard,<br />
maire de la Salette, Mr Pra, Mr Selme et d ’autres pourroient<br />
attester que les enfants ont tenu ou n ’ont pas tenu un [verso]<br />
langage qu’ils ne tiennent plus maintenant. [...]<br />
L’Abbé ROUSSELOT<br />
*332. PROCÈS-VERBAL DE LA PREMIÈRE CONFÉRENCE à<br />
l’évêché de Grenoble<br />
Manuscrit de la main du chanoine Cham bon (1 f. pliée 30,5 cm x 40) :<br />
EGD 74.<br />
Evénement de la Salette<br />
du 19 sept. 1846<br />
Conférences tenues à l’Evêché, sous la présidence de Monseigneur,<br />
composées de MM. les Vicaires Généraux, de MM. les<br />
Chanoines, de M. le Supérieur du Grand Séminaire, et de MM.<br />
les Curés des 3 paroisses de la ville.<br />
Le 8 novembre 1847, tous les membres réunis à une heure et<br />
un quart de l’après-midi, Monseigneur a ouvert la première séance<br />
par îe Vent Creator ; et il a fait lire des observations générales et<br />
un règlement qu’il avait rédigé sur l’objet et la tenue des<br />
conférences (*). Ensuite, il a donné la parole à M. Rousselot,<br />
Vicaire Général honoraire, pour la lecture du rapport dont Sa<br />
Grandeur l’a chargé avec M. Orcel, Supérieur du Grand Séminaire,<br />
en leur qualité de Commissaires délégués sur les lieux, pour<br />
l’examen juridique du fait.<br />
(2) Chambon avait interrogé les enfants en octobre 1846 et Cartellier durant l’été<br />
1847 {supra, p. 107, et LSD A I, p. 115).<br />
(3) Il s’agit de la relation Pra (doc. 1), que Rousselot avait déjà demandée en septembre<br />
(doc. 261 et 263). — Sur Pierre Carnal, recteur de la confrérie des Pénitents, voir LSDA I,<br />
p. 50.<br />
(*) Doc. 330.<br />
190
8 novembre 1847 Doc. 333<br />
Ces deux Messieurs ont lu alternativement, la partie du rapport<br />
qui regarde la topographie des lieux, le caractère des deux petits<br />
bergers, leur récit et leur secret (1).<br />
[p. 2] Sur la topographie des lieux, un membre a fait observer<br />
que le ruisseau de l ’apparition suit quelques contours, en amont<br />
et en aval, derrière la montagne, au moyen desquels on pourrait<br />
aisément se soustraire aux regards.<br />
Le rapport représente les deux enfants comme très simples et<br />
indifférents l’un à l’autre, ne paraissant pas se rechercher, ni se<br />
fuir. Un membre a remarqué que, lors de son voyage avec eux à<br />
la montagne, il les avait toujours vus ensemble. Plusieurs, à leur<br />
tour, ont dit qu’ils avaient remarqué le contraire, d’où un membre<br />
a conclu que les termes du rapport sont exacts, et que réellement<br />
les enfants ne paraissent pas se rechercher ni se fuir.<br />
Un membre a dit que Maximin passait pour menteur, avant<br />
l’événement, mais que depuis on ne lui reprochait plus ce défaut,<br />
et que du reste, il ne tenait cette accusation que de deux personnes.<br />
Un autre membre a appuyé cette observation d ’un fait très grave,<br />
et qui pourrait devenir une difficulté considérable : à savoir que<br />
les enfants ont nié à quelques-uns une circonstance de leur récit,<br />
qu’ils avaient déclarée à d’autres. Il s’agit de cette partie de leur<br />
narration où la sainte Vierge se plaignant des désordres du peuple,<br />
dit que [p. 3] les jeunes gens allant à la messe le dimanche,<br />
portaient des pierres dans leurs poches, pour troubler et inquiéter<br />
les filles (2). Le fait n ’a pu être discuté, faute de renseignements,<br />
et devra revenir à la séance destinée aux objections.<br />
Monseigneur a clos la séance par le Sub tuum.<br />
*333. ANNOTATIONS DU VICAIRE GÉNÉRAL BERTHIER,<br />
écrites de sa main sur une copie de la relation Guillaud (doc. 9,<br />
copie BMGC 36)<br />
Contenu. Berthier relève les divergences entre les relations Guillaud,<br />
Dumanoir, le Rapport Rousselot (doc. 9, 124, 310) et peut-être encore une autre<br />
relation.<br />
Date. Les annotations sont postérieures au Rapport Rousselot, puisqu’elles<br />
le citent. Comme elles concernent une difficulté soulevée lots de la première<br />
Conférence, il y a quelque probabilité qu’elles furent rédigées peu après.<br />
Notre édition. Les numéros renvoient aux versets de la relation Guillaud<br />
(doc. 9). Nous indiquerons entre crochets [] les passages visés par Berthier. 1<br />
(1) Doc. 310, I-V.<br />
(2) Voir doc. 331, avec la note 1.<br />
191
Doc. 333<br />
<strong>Documents</strong><br />
Ajouté dans la marge<br />
7 [Mélanie âgée de quatorze ans] D ’autres disent 13<br />
11 [Ils aperçoivent une grande Dame] Dumanoir dit que sa<br />
taille était moyenne<br />
15 [Les enfants comprenaient parfaitement la Dame] Mr<br />
Rousselot dit le contraire (1)<br />
16 [«Je suis ici pour vous annoncer une grande nouvelle... »]<br />
Le récit du Docteur Dumanoir est le même, sauf que d’après lui,<br />
la dame parle en français jusqu’à ces mots : déjà l'année dernière<br />
le peuple a été averti. Puis elle continue en patois, parce que les<br />
bergers ne la comprenaient pas. Elle s’en aperçut quand le garçon<br />
demanda à la fille : que dit-elle la dame (2)<br />
19 [« Il vous a donné six jours pour travailler »] Dans M.<br />
Rousselot je vous ai donné 6 jours<br />
21 [« ils remplissent leurs poches de pierres »] Le commissaire<br />
a omis le passage où l’on jette des pierres aux filles. Ils vont à la<br />
messe pour se moquer de la religion [suivent deux mots illisibles]<br />
dire [?]<br />
23 [A Noël, il n ’y aura plus de pommes de terre] Le docteur<br />
[Dumanoir] : il n'y en aura bientôt plus.<br />
25 [« tous les enfants en dessous de sept ans vont mourir »]<br />
Le dr [Dumanoir] dit seulement un grand nombre<br />
27 [Ce récit est donné fidèlement par Mélanie ; au début,<br />
Maximin ne savait pas le donner dans le même ordre] Ces<br />
circonstances ne sont pas dans la version Dumanoir.<br />
30 [Le maître de la terre du Coin] Le maître de la terre n ’est<br />
pas cité dans l’autre relation<br />
33 [« On ne faisait aucun cas des jours défendus »] La [?]<br />
remarque est omise dans la version D[umanoi]r<br />
35 [La Dame donna aux enfants des « choses secrètes »] Suivant<br />
le Dr [Dumanoir], pendant que la Dame disait son secret à l’un,<br />
l’autre n ’entendait pas, bien qu’elle parlât à haute voix. Puis elle<br />
dit à tous les deux : Faites passer cela à tout mon peuple.<br />
38 [La Dame s’éleva « à la hauteur d ’un mètre ou deux »]<br />
Ailleurs ce n ’est qu’un mètre environ<br />
Ajouté à la suite du texte<br />
48 [« Note prise sur les lieux en présence des deux enfans »] 1<br />
(1) Cependant Guillaud, un peu plus loin (doc. 9, v. 28), laisse lui aussi entendre<br />
que les enfants ne comprenaient pas tout parfaitement.<br />
(2) En réalité, d ’après Dumanoir (doc. 124, v.24) c’est Mélanie qui pose la question.<br />
192
9 novembre 1847 Doc. 334 bis<br />
par M. Guillaud (3), prêtre employé à la Maîtrise de N.D. et<br />
remise par lui à M. Berthier le 5 novembre 46, avec [?] l’assurance<br />
qu’elles sont la reproduction fidèle des réponses des bergers.<br />
Mardi 9 novembre 1847<br />
334 bis. LETTRE DE M. DUPONT, « le saint homme de Tours »,<br />
à l’abbé Mélin<br />
Original (1 f. pliée, 20,8 cm x 27) : EG 116.<br />
Monsieur et vénérable ami,<br />
Tours 9 nov. 1847<br />
[...] Aujourd’hui je viens vous dire que la chère Sœur des<br />
Carmélites a eu révélation de Notre Bon Sauveur sur la vérité de<br />
l’apparition de la Très Sainte Vierge. Comme l’autorité ne permet<br />
point encore de faire état de ce qui se passe ici : c’est comme un<br />
secret que je vous confie, pour réjouir votre cœur, et si vous me<br />
parlez, dans votre correspondance, de cette ineffable [p. 2] chose,<br />
veuillez l’écrire sur une feuille séparée. C’est bien vous dire qu’à<br />
l’occasion, et pour la gloire de Dieu et de sa Mère, je fais usage<br />
de vos chères lettres.<br />
Voici donc ce que la R.M. Prieure m ’a dit hier de l’heureuse<br />
confidente de Jésus : Ma Mère veut fléchir ma colère : elle m ’a<br />
montré son sein, en me disant : Laissez-vous fléchir par ce sein<br />
qui vous a nourri, et laissez-lui répandre des bénédictions sur mes<br />
autres enfants. Alors elle est descendue sur la terre : elle est pleine<br />
de miséricorde ; il faut qu’on ait grande confiance à ce qu’elle a<br />
dit aux enfants. »<br />
On a promis de me faire lire toute la révélation qui concerne<br />
les bénits petits bergers (1). — En attendant je me fais un devoir<br />
de transmettre ce qui précède. — Concluons qu’il s’agit de<br />
redoubler de confiance : et c’est ce que ne cesse de dire la Sœur<br />
carmélite — pour le moment Satan, prince des ténèbres, agit<br />
beaucoup pour embrouiller l’affaire de Langres-Tours [...]<br />
P[a p in ] D u p o n t [...] 1<br />
(3) Berthier prend Guillaud pour l’auteur de la relation. Ce dernier précisera plus<br />
tard qu’il ne fit que recopier au presbytère de la Salette un écrit de l’abbé Louis Perrin<br />
(cf. LSDA I, p. 68-69).<br />
(1) Cette révélation est peut-être l’un des textes reproduits dans le Petit abrégé de<br />
l'établissement de i 'archiconfrérie réparatrice des blasphèmes du saint nom de Dieu, et de<br />
la violation du saint jour du dimanche, par Soeur Marie de Saint-Pierre (doc. 380). —<br />
Copie de 1848 : Tours C, cahier C, p. 53-65. — Message, p. 165-167, correspond en<br />
substance aux p. 61-62 du cahier C. — Sur la Salette : p. 58-59, 61-62. Le P etit abrégé,<br />
qui est daté du 25 décembre 1847, reproduit de pieuses pensées émises antérieurement.<br />
193
Doc. 334 bis<br />
<strong>Documents</strong><br />
S œ u r M a r i e d e S a i n t - P i e r r e e t l a S a l e t t e . L’affaire de Langres-Tours dont<br />
parle M. Dupont concerne les rapports entre l’archiconfrérie réparatrice de Langres<br />
et le message de Soeur M. de St-P., carmélite à Tours, dont il a déjà été question<br />
plus haut (2). La confirmation de la Salette rapportée par M. Dupont se lit<br />
également dans une lettre de la sœur, datée du 8 novembre 1847. La sœur la<br />
met toutefois sur les lèvres de Marie et non sur celles du Christ : « Voilà à peu<br />
près ce que jai cru entendre de la bouche de Marie : Oui, ma fille, il est certain<br />
que je suis apparue l’année dernière sur la montagne, et que j’ai annoncé de<br />
grands malheurs, qui seraient infailliblement arrivés sans ma médiation auprès<br />
de mon Fils. Ensuite, elle m’a dit ces paroles des Cantiques : Mes mamelles sont<br />
fortes comme une tour. C’est pourquoi, j’ai trouvé grâce devant Dieu ! Elle m’a<br />
expliqué ce mystère de sa tendresse maternelle, et de son héroïque charité pour<br />
un peuple qui renouvelle continuellement ses douleurs. A l o r s c e t t e M è r e d e<br />
m i s é r i c o r d e m ' a f a i t e n t e n d r e q u e p o u r a p a i s e r l a c o l è r e d e s o n d i v i n F i l s i r r i t é<br />
c o n t r e l e s p é c h e u r s d e l a F r a n c e ,<br />
e l l e l u i a v a i t d é c o u v e r t s o n s e i n m a t e r n e l q u i<br />
l ' a v a i t n o u r r i a v e c t a n t d ' a m o u r , d a n s s a d i v i n e e n f a n c e ; e t q u ’e n c e t t e<br />
c o n s i d é r a t i o n J é s u s s ' é t a i t a p a i s é [ . . . \ (3).<br />
Les censeurs ecclésiastiques qui, sur ordre de l’archevêque de Tours,<br />
examinèrent en 1850 les écrits contenant les paroles attribuées à la sœur décédée<br />
entre temps, virent dans ce dernier texte non pas une révélation, mais l’écho de<br />
l’attitude favorable que l’autorité ecclésiastique de Grenoble montrait envers<br />
pèlerinage. « Quelques mois auparavant [la sœur] avait été consultée sur ce qu’on<br />
devait penser de cette apparition, et elle s’était tirée habilement d’embarras en<br />
disant dans sa lettre du 28 juin 1847 que Notre Seigneur lui avait tenu ce<br />
langage : « il serait bien dangereux et bien nuisible à l’œuvre de la réparation,<br />
que n[ou]s vous donnassions des lumières à ce sujet, il faut que vous soyez<br />
neutre, vous n’aurez pas de contradicteurs » (4). — Avec les censeurs de Tours,<br />
nous estimons que le contenu de la lettre du 8 novembre 1847 procède d’une<br />
activité mentale de la sœur, sans qu’il y ait lieu d’y voir le résultat d’une<br />
révélation venue droit du ciel. Mais il s’agit en l’occurence d’une activité mentale<br />
conforme aux lois de la sagesse chrétienne, normalement guidée par le Saint-<br />
Esprit : la sœur a médité sur l’apparition et sur les signes des temps à la lumière<br />
de l’Ecriture et en tenant compte de l’attitude manifestée par l’autorité<br />
ecclésiastique.<br />
U n e p r o p h é t i e ?<br />
A en croire des souvenirs tardifs de M. Dupont, Sœur Marie de Saint-Pierre<br />
aurait annoncé dans les premiers jours du mois de septembre 1846, donc avant<br />
l’apparition de la Salette, une visite de Marie à la terre. Le saint homme de<br />
(2) Supra, p. 20 et suivantes. — Une autre lettre de M. Dupont (doc. 367) laisse<br />
deviner que, sur cette affaire, il pensait comme M. le Brument. Toutefois, il ne semble<br />
pas s’être associé aux démarches intempestives de ce dernier.<br />
(3) Doc. 333 bis. Copie de 1848 : Tours C, cahier C, p. 45-48. Texte légèrement<br />
différent dans P.-J. JANVIER, Vie de la Sœur Saint-Pierre, 2.éd., Tours-Paris, 1884, p. 370-<br />
374 ; Message, p. 194-196. Nous avons mis en italiques le passage apparenté aux paroles<br />
rapportées dans la lettre de M. Dupont.<br />
(4) Cette lettre nous est connue uniquement par la citation qu’en donnent les censeurs<br />
dans leur rapport, dont le Carmel de Tours possède une copie.<br />
194
11 novembre 1847 Doc. 335<br />
Tours en aurait eu connaissance presque immédiatement par la prieure, Mère<br />
Marie de l’Incarnation, au cours d’un entretien sur la sœur : « Voici ce qu’elle<br />
vient de me \ dire / ajouta la R. Mère Pfrieure] ». M. Dupont qui, au même<br />
instant, se trouvait « un crayon à la main » (5), écrivit, rapportera-t-il plus tard,<br />
ce qui suit (6) : * M a M è r e a p a r l é a u x h o m m e s d e m a c o l è r e . E l l e v e u t f l é c h i r<br />
m a c o l è r e ; e l l e m ' a m o n t r é s o n s e i n e n m e d i s a n t : l a i s s e z - v o u s fléchir [?] p a r l e<br />
s e i n q u i v o u s a n o u r r i , e t l a i s s e z l u i [?] r é p a n d r e d e s b é n é d i c t i o n s s u r m e s a u t r e s<br />
e n f a n t s . E t a l o r s e l l e e s t d e s c e n d u e p l e i n e d e m i s é r i c o r d e s u r l a t e r r e : q u ' o n [?]<br />
a i t d o n c g r a n d e c o n f i a n c e e n e l l e ! »<br />
Le témoignage de M. Dupont fut accueilli avec scepticisme et M. Dupont<br />
regretta « de ne pouvoir offrir personnellement une garantie quelconque à [sa]<br />
déclaration, et par conséquent de ne pouvoir point faire passer [sa] conviction<br />
dans l’esprit du prochain » (7). — Les écrits de la sœur ignorent en effet toute<br />
communication surnaturelle remontant à septembre 1846 (8) et, implicitement,<br />
en nient même l’existence : « Vous savez ma bonne Mère qu’il y a plusieurs<br />
mois que je n’avais rien éprouvé d’extraordinaire », lit-on dans sa lettre du<br />
4 octobre 1846, où elle communique des paroles que Notre Seigneur lui aurait<br />
dites ce jour-là (9). M. Dupont, pourtant si empressé à communiquer au curé de<br />
Corps les faits extraordinaires ayant quelque rapport avec la Salette, ne lui<br />
transmet les fameuses paroles sur la visite de Marie à la terre que dans la présente<br />
lettre, postérieure à l’apparition de plus d’une année. Comme on l’a vu, il y<br />
présente ces paroles comme une confirmation, que la prieure lui a rapportée la<br />
veille, 8 novembre (10).<br />
Jeudi 11 novembre 1847<br />
335. LETTRE DE MGR DE BRUILLARD à l’abbé Mélin<br />
Original de la main du chanoine Chamard, signé par l’évêque (1 f. pliée<br />
22 cm x 27,5) : EG 107.<br />
(5) Note de M. Dupont pour le Père Bouix, S.J., p. 11. Original : Tours C. Le passage<br />
est reproduit dans la Vie de M.D. I. p. 154. La note de M. Dupont est datée du 16 juillet<br />
1868.<br />
(6) Doc. 334 : note au crayon, écrite par M. Dupont sur une feuille déchirée<br />
irrégulièrement, mesurant 13,6 cm x 8,3 / 7,7. Au verso de la feuille, conservée au<br />
Carmel de Tours, M. Dupont a ajouté une note, datée du 22 juillet 1863, dans laquelle il<br />
atteste que ces paroles furent prononcées par la sœur dans les cinq ou six premiers jours de<br />
septembre 1846.<br />
(7) Note du 13 mars 1865, de la main de M. Dupont, conservée au Carmel de Tours.<br />
(8) Dans la note au Père Bouix (cf. supra, note 5) M. Dupont laisse entendre qu’on<br />
lui a fait cette objection, qui n ’a pu être soulevée que par une personne ayant accès aux<br />
écrits de la sœur. Rappelons que l’interdiction portée par Mgr Morlot, de les communiquer<br />
aux personnes du dehors, était encore en vigueur en 1868. L’objectant pourrait être la<br />
prieure d ’alors, Mère Thérèse de Saint-Joseph qui, autrefois, avait écrit sous la dictée de<br />
Sœur Marie de Saint-Pierre.<br />
(9) Copie de 1848 : Tours C, cahier C, p. 68 ; dans Message, p. 134.<br />
(10) Le premier à attribuer à la carmélite de Tours une prophétie annonçant la Salette<br />
est peut-être le fondateur de l'association réparatrice de Saint-Dizier au diocèse de Langres,<br />
l’abbé Pierre Marche, selon qui, « peu de temps avant de mourir », elle aurait dit : « On<br />
se refuse à faire Réparation, Jésus va enfin envoyer sa Mère, pour la demander elle-même »<br />
(Pierre MARCHE, Nouveau manuel de l'archiconfrérie réparatrice, Paris 1858, p. 38). —<br />
L’abbé Marche a sans doute oublié les dates : en réalité, vingt et un mois se sont écoulés<br />
entre l’apparition de la Salette et le décès de la sœur (8 juillet 1848).<br />
195
Doc. 335<br />
<strong>Documents</strong><br />
Grenoble, le 11 nov. 1841<br />
La commission qui s’occupe de l’événement de la Salette est<br />
en grande activité dans ce moment. Elle s’est réunie lundi dernier,<br />
et il en sera ainsi tous les lundis, jusqu’à ce que le Rapport de<br />
MM. Rousselot et Orcel ait été discuté, et les objections des<br />
opposants résolues. Le but évident de ces derniers est de faire des<br />
deux enfants, des fourbes et des imposteurs. Il est donc essentiel<br />
de leur prouver qu’il n’en est rien.<br />
En conséquence, \ je vous prie / de venir à Grenoble avec<br />
Maximin et Mélanie pour assister à la réunion qui aura lieu à<br />
l’Evêché à 1 h 1/2 lundi prochain. Il serait très avantageux que<br />
vous arrivassiez ici, dimanche au soir, afin que les enfants pussent<br />
se reposer, et vous aussi, [...(p. 2)...]<br />
Ici, personne ne connaît encore ce projet, n ’en parlez donc à<br />
Corps qu’au moment de votre départ. [...]<br />
fPH[ILIBERT] Évêque de Grenoble<br />
[p. 3] P.S. [...] Vous pourrez repartir le lundi soir, si vous le<br />
voulez.<br />
Lundi 15 novembre 1847<br />
ÉVÉNEMENTS. Deuxième Conférence à l’évêché. L’abbé Mélin et Maximin<br />
sont interrogés au cours de la séance. Selon C h a m p o n (dans Annales, août 1884,<br />
p. 225-228), ils étaient arrivés à Grenoble la veille et logèrent chez le curé de la<br />
cathédrale. Peut-être fut-ce à cette occasion que Maximin donna les réponses<br />
rapportées par celui-ci à Marie Des Brûlais le 18 septembre 1849 [Echo, p. 152-<br />
153). Le garçon fut interrogé par Rousselot au moins le 15 et le 19 novembre<br />
(doc. 310, p. 5 ; doc. 376, p. 43-44 = Vérité, p. 41, 220-222). — Mélanie arriva<br />
à Grenoble le soir du 15, accompagnée de Sœur Sainte-Thècle, supérieure du<br />
couvent de Corps.<br />
* 338. PROCÈS-VERBAL DE LA DEUXIÈME CONFÉRENCE à<br />
l’évêché de Grenoble<br />
Manuscrit de la main du chanoine Chambon (1 f. pliée 30,5 cm x 40) :<br />
EGD 75.<br />
Seconde Conférence<br />
sur l’apparition de la Salette<br />
15 nov. 1847<br />
L’intérêt déjà si vif s’est augmenté de la nouvelle que Maximin<br />
était à l’évêché, qu’il paraîtrait et serait interrogé à cette séance.<br />
Déjà M. le Curé de Corps est présent et Mélanie doit arriver le<br />
soir même. Ainsi Monseigneur s’environne de tous les moyens<br />
possibles, pour éclairer le jugement qu’il prépare.<br />
196
15 novembre 1847 Doc. 338<br />
Après la lecture du procès verbal, quelques membres ont<br />
présenté de nouvelles observations sur le caractère des deux bergers,<br />
et sur l’effet moral de l’événement.<br />
On a dit que Mad[am]e la Supérieure des Sœurs de la<br />
Providence de Corps, paraissait circonvenir les deux enfants, et les<br />
préparer aux questions probables qui peuvent leur être adressées ;<br />
qu’ils refusent les étrennes avec une sorte de délicatesse affectée,<br />
mais qu’en secret ils les reçoivent avec empressement, que par<br />
conséquent, ils ne sont pas aussi simples qu’ils le paraissent. Sur<br />
le premier chef, M. le Curé de Corps et M. le Rapporteur assurent<br />
que Mad[am]e la Supérieure ne leur parle presque jamais de<br />
l’apparition, et qu’elle n’est pas présente, quand on les interroge.<br />
Sur le second chef, M. le Curé de Corps a encore dit que [p. 2]<br />
c’est par leur admirable désintéressement que ces deux enfants<br />
méritent peut-être le plus d’éloges ; que soit en public, soit en<br />
particulier, il faut souvent les presser pour leur faire accepter<br />
quelque chose. M. le Rapporteur a confirmé ce témoignage, en<br />
relisant cette partie du rapport où il est dit que les enfants<br />
remettent à Mad' la Supérieure tout l’argent qu’ils reçoivent, et<br />
qu’ils ne s’informent jamais de l’emploi qu’elle en fait.<br />
En ce qui concerne l’accusation de mensonge portée contre<br />
Maximin, dans la dernière séance, M. le Curé de Corps a dit que,<br />
dans le récit de Maximin, il avait toujours été question de<br />
profanation dans le lieu saint ; que sur ce point essentiel, il n’avait<br />
jamais varié ; que la circonstance des pierres jetées aux jeunes<br />
personnes par les jeunes gens, était un détail accessoire et explicatif<br />
ajouté peut-être par lui, parce qu’il avait dû être témoin de ce<br />
désordre, et qu’à un an de distance, il n ’est pas étonnant qu’il ne<br />
s’en soit plus souvenu. Cette explication a paru satisfaisante à un<br />
grand nombre.<br />
On a encore dit que tout le monde ne s’est pas converti à<br />
Corps, comme le dit M. le Rapporteur, et que la cupidité est pour<br />
beaucoup dans toutes les manifestations du pays. M. le Curé de<br />
Corps a répondu qu’il y avait en effet une famille à qui était allée<br />
une grande partie des bénéfices, et que c’est peut-être la seule<br />
[p. 3] qui n ’ait profité de l’apparition que de cette manière.<br />
Monseigneur a donné la parole à M. le Rapporteur qui a<br />
repris sa lecture sous ce titre : Opinion sur l’événement de la<br />
Salette (1).<br />
Sur le fait de la description extraordinaire que les enfants ont<br />
faite de l’apparition, un membre remarque qu’ils ont pu voir un<br />
costume pareil à celui qu’ils décrivent, à la statue de la Stc Vierge.<br />
M. le Curé de Corps répond que les statues qu’ils ont pu voir, 1<br />
(1) Doc. 310, vi.<br />
197
Doc. 338<br />
<strong>Documents</strong><br />
n ’ont pu leur donner aucune idée analogue. D ’ailleurs, ajoute un<br />
membre, les statues de la SK Vierge n ’ont pas l’éclat éblouissant<br />
du visage, elles n ’ont pas les instruments de la Passion sur la<br />
poitrine.<br />
M. le Rapporteur établit une thèse rigoureuse sur le témoignage<br />
des deux bergers : ils n ’ont pu être ni trompés, ni trompeurs. Un<br />
membre affirme que, d ’après toutes les règles de critique, et selon<br />
tous les théologiens, le témoignage de deux enfants ne peut<br />
suffire (2). Plusieurs répondent qu’il n ’est pas question ici d ’une<br />
certitude absolue, comme s’il s’agissait de la canonisation d ’un<br />
saint, mais d’une certitude morale ; qu’on ne veut pas provoquer<br />
une définition de foi, mais une croyance pieuse, et que pour cela,<br />
selon la doctrine de Benoît 14, et l’usage de l’Eglise, dans la<br />
question des apparitions, il suffit d ’une grande probabilité ; et<br />
enfin qu’il n ’y a rien eu de plus pour les apparitions de l’Osier,<br />
du Laus, de Ratisbonne (3). [p. 4] \\ Un membre s’est plaint du<br />
ton général du rapport qui ressemble plutôt, a-t-il dit, à une<br />
discussion qu’à un rapport. M. le Rapporteur a répondu qu’on ne<br />
pouvait pas abdiquer ses convictions, et que d’ailleurs, il aimait à<br />
se présenter pas seulement comme rapporteur mais comme postulateur<br />
de la cause. //<br />
Monseigneur a fait introduire Maximin. Il s’est montré inculte,<br />
distrait, sans empressement, mais aussi sans trop d’embarras, tel<br />
que le représentent toutes les descriptions. Il a fait son récit,<br />
moitié en français, moitié en patois. On lui a demandé \ d’abord /<br />
ce qu’il avait fait après l’apparition. Il a répondu qu’il était allé<br />
jouer avec des bergers de son âge, le reste de l’après-midi, jusqu’à<br />
cinq heures. On lui a demandé s’il leur avait parlé de ce qui<br />
venait de se passer ; il a répondu que non. Cette indifférence a<br />
paru à quelques uns un fait très grave et de nature à infirmer son<br />
témoignage.<br />
Monseigneur a levé la séance à trois h. et remis la réponse à<br />
cette objection à la prochaine séance.<br />
(2) Rappelons qu'une année plus tôt, les professeurs du grand séminaire de Grenoble<br />
avaient, dans leur rapport, posé fort correctement le problème du témoignage des enfants :<br />
il faut commencer par examiner ce que disent les enfants et comment ils le disent, puis<br />
chercher s'il existe des preuves extrinsèques ou miracles (LSDA I, p. 197 et 199).<br />
(3) N.D. de l'Osier (Isère) : pèlerinage qui doit son origine à un fait extraordinaire<br />
dont fut témoin le 25 mars 1649 un protestant nommé Pierre Port-Combet, puis à une<br />
apparition de la Vierge au même, quelques années plus tard (mars 1656 ?). Port-Combet<br />
entra dans l’Eglise catholique seulement quelques jours avant son décès, qui eut lieu le<br />
22 août 1657. — N.D. du Laus (Hautes-Alpes) : pèlerinage qui a pour origine les<br />
apparitions de la Vierge à la vénérable Benoîte Rancurel (1647-1718). — Alphonse<br />
Ratisbonne, fils d ’une famille de banquiers juifs de Strasbourg, eut le 20 janvier 1840, en<br />
l’église de Sant’ Andrea delle Fratte à Rome, une apparition de la Vierge, à la suite de<br />
laquelle il se convertit.<br />
198
16 novembre 1847 Doc. 339<br />
Mardi 16 novembre 1847<br />
Ev é nem ent. Troisième Conférence à l’évêché (cf. doc. 339 e t aussi doc. 376,<br />
p., 41 ; Vérité, p. 51, 218).<br />
*339. PROCÈS-VERBAL DE LA TROISIÈME CONFÉRENCE à<br />
l’évêché de Grenoble<br />
Manuscrit de la main du chanoine Chambon (1 f. pliée 30,5 cm x 40) :<br />
EGD 76.<br />
Troisième Conférence<br />
sur l’événement de la Salette,<br />
16 nov. 1847<br />
Après la lecture du procès verbal, deux membres se sont<br />
plaints de n ’y pas retrouver l’incident du débat qui concerne la<br />
distance où étaient les compagnons des deux petits bergers au<br />
moment de l’apparition, et qui forme selon eux, une difficulté,<br />
parce qu’ils ont dû être témoins aussi de l’événement. Plusieurs<br />
membres répondent que cela s’explique avec facilité, ou naturellement<br />
par les ondulations du terrain, ou providentiellement, parce<br />
qu’ils ont pu voir les deux petits bergers sans voir l’apparition (1).<br />
Monseigneur a donné la parole à M. le Rapporteur, pour<br />
répondre à l’objection qui a terminé la dernière séance, et qui est<br />
prise du silence que Maximin et Mélanie ont gardé envers leurs<br />
compagnons, après l’événement. Sérieuse d ’abord et importante<br />
aux yeux de quelques uns, cette objection s’est évanouie devant<br />
les raisonnements de M. le Rapporteur. Les deux enfants auraient<br />
exposé le récit qui venait de leur être confié, à des variantes<br />
inévitables et compromettantes, en le communiquant aux autres<br />
bergers. Ils auraient diminué l’intérêt et' l’effet des paroles qu’ils<br />
étaient chargés de transmettre. La Ste Vierge, a dit très-à-propos<br />
M. le Rapporteur, a mieux dirigé ses [p. 2] organes, en choisissant<br />
comme premiers dépositaires de ses révélations, les maîtres des<br />
deux enfants, personnes graves et sérieuses, et ayant autorité sur<br />
eux. En sorte que par leurs soins, les premières communications<br />
publiques \bijfé : sont descendues de la chaire, dans le lieu saint]<br />
ont \ été faites avec solennité par M. le Curé de la Salette, pendant<br />
la messe de paroisse /. Et ainsi, aujourd’hui on peut suivre la<br />
marche progressive qu’elles ont suivie, pour se répandre de la<br />
montagne dans la vallée et bien au delà du royaume.<br />
Mélanie interrogée sur cette circonstance, a répondu naïvement<br />
qu’elle avait cru être obligée de \b iffé: n ’en] parler de la merveille<br />
d ’abord qu’à ses maîtres, auxquels il lui a fallu demander ce que 1<br />
(1) Rappelons qu’en 1858 à Lourdes seule Bernadette aperçut la Vierge, malgré le<br />
grand nombre des personnes présentes devant la grotte.<br />
199
Doc. 339<br />
<strong>Documents</strong><br />
signifiait le mot \ mon / (2) peuple à qui elle avait à faire passer<br />
le récit de la {biffé: Dame] Se Vierge. D ’ailleurs, ajoute M. le<br />
Rapporteur, cette franchise des enfants sur une circonstance qui<br />
leur est défavorable, confirme leur témoignage, et inspire plus de<br />
confiance dans leurs autres dépositions, car c’est une règle de<br />
critique admise par tous, que l’on croit plus aisément des témoins<br />
qui parlent avec simplicité de leurs défauts (3).<br />
Un membre reproduit son objection principale tirée des<br />
conditions de la certitude, d ’après Bergier (4) et la philosophie de<br />
Bayeux (5), qui exigent un grand nombre de témoins. Plusieurs<br />
opposent encore la doctrine de Benoît XIV, et l’usage de l’Eglise<br />
dans la question des apparitions ; et un membre en particulier,<br />
insistant avec force, ajoute que, si le témoignage des deux petits<br />
bergers, avec la simplicité et la candeur que [p. 3] nous leur<br />
connaissons, ne suffit pas pour fonder une croyance pieuse sur ce<br />
qu’ils ont vu et entendu pendant demie heure [sic], il n ’y a plus<br />
rien de certain, pas même le fait d ’Emmaus qui n’est rapporté<br />
que par deux témoins. Un membre se scandalise de cet emploi de<br />
l’Ecriture Sainte, et déclare qu’il lui paraît inconvenant de s’en<br />
servir pour appuyer le fait de la Salette. Toute l’assemblée, à-peuprès,<br />
exprime une pensée contraire (6).<br />
Monseigneur donne l’ordre d ’introduire Mélanie qui entre<br />
dans la salle, avec un embarras doux et modeste. MacT la Supérieure<br />
des Soeurs de Corps l’accompagne. Alors commence, au milieu<br />
d ’un silence saisissant, un interrogatoire qui a été conduit avec<br />
beaucoup d ’esprit, avec une habileté capable de déconcerter le<br />
plus solide et le plus déterminé menteur. Il n’y a que la candeur,<br />
ou mieux, il n ’y a que la vérité qui puisse sortir sans blessures de<br />
ce cercle de questions subtiles et pressantes. Mélanie a répondu à<br />
tout, avec un accent timide mais plein de conviction. Deux fois sa<br />
parole a paru un moment contradictoire à celle de Maximin<br />
interrogé la veille. Mais on a bientôt reconnu, ou qu’elle n’avait<br />
pas compris la question, ou qu’elle répondait dans un autre ordre<br />
d ’idées, et sur un autre point de vue.<br />
(2) « mot » et « mon » sont ou biffés ou soulignés.<br />
(3) Rousselot reviendra sur cette difficulté une nouvelle fois plus tard (doc. 376, 11'<br />
Objection = Vérité, p. 217-218).<br />
(4) Le Dictionnaire philosophique de Nicolas-Sylvestre Bergier, 1718-1790, venait<br />
d ’être réédité par le cardinal Gousset (8 vol. in-8“, Besançon 1838). L’œuvre voulait réfuter<br />
les attaques des philosophes du dix-huitième siècle. « Bergier reste exclusivement sur ce<br />
terrain » (A. Dublanchy, dans A. VACANT - E.MANGENOT éd., Dictionnaire de théologie<br />
catholique, vol. II, Paris 1905, col. 745.<br />
(5) Il s’agit d’un cours donné au grand séminaire de Bayeux. Dans la Vérité, p. 8-9,<br />
Rousselot citera l’édition de 1842 des Institutiones philosophicae in seminario Bajocensi<br />
hahitae, éd. Noget-Lacoudre, tome I.<br />
(6) Toute cette discussion paraît artificielle, du fait qu’elle ignore l’argument de la<br />
convergence des probabilités.<br />
200
17 novembre 1847 Doc. 340<br />
Mélanie, après l’interrogatoire, a fait son récit, [biffé : il est<br />
le même que celui de Maximin] d ’une voix faible, mais avec<br />
beaucoup de netteté.<br />
Alors Monseigneur a demandé à Madc la Supérieure si, dans<br />
les commencements, Mélanie rapportait [p. 4] aussi fidèlement ces<br />
longs détails. Made la Supérieure a répondu que l’enfant disait<br />
tout aussi fidèlement, mais avec moins de suite. Et, a repris<br />
Monseigneur, a-t-elle de la facilité ? Mad' la Supérieure a dit<br />
qu’elle avait eu de la peine à lui apprendre l’acte de foi, et qu’elle<br />
n ’affirmerait pas même encore avoir bien réussi. Cette réponse a<br />
paru produire une vive impression sur l’assemblée.<br />
Maximin a été introduit. C’est toujours le même enfant,<br />
distrait, décontenancé, à l’aise, comme s’il était dans sa famille.<br />
Un membre lui a adressé quelques questions sur une religieuse<br />
qu’ils disent avoir vue sur la montagne, \ après la grande<br />
Apparition, / et qui avait disparu tout-à-coup. L’incident n ’a pas<br />
eu de suite, parce qu’on a cru reconnaître, aux réponses de<br />
l’enfant, que cette religieuse pouvait être une Sœur de Corps,<br />
qu’ils avaient un moment ap/?erçue, et qu’ils avaient perdu de<br />
vue dans les détours des ravins (7).<br />
Monseigneur a levé la séance, à trois h.<br />
Mercredi 17 novembre 1847<br />
ÉVÉNEMENTS. En raison de la présence des enfants à Grenoble, la Commission<br />
se réunit pour la troisième fois au cours de la semaine : ce sera la quatrième<br />
Conférence.<br />
340. LETTRE DE L’ABBÉ LOUIS PERRIN, curé de la Salette<br />
Original (1 f. pliée, 22 cm x 35) : EGD 7. — Lettre citée dans Vérité,<br />
p. 44-45.<br />
Destinataire : probablement l’abbé Auvergne, qui aura consulté le curé de<br />
la Salette pour le compte des rapporteurs ou de l’évêque, au sujet de trois<br />
difficultés soulevées lors de la première Conférence.<br />
Monsieur et bien digne ami,<br />
Bien que ce soit à peu près inutile, vu que vous avez en ce<br />
moment les enfans, Maximin et Mélanie en votre présence, pour<br />
les interroger et éclaircir vos doutes, je vais néanmoins vous<br />
transmettre mon sentiment sur les questions proposées.<br />
1°- Il est bien vrai, cher ami, que les enfans, dès le<br />
commencement m ’ont dit : qu'en hiver les garçons n ’allaient à<br />
l'église que pour se moquer de Dieu et de la religion ; et j’ai<br />
écrit : « ils remplissent leurs poches de pierres pour les jeter aux<br />
(7) Cette dernière objection sera discutée de nouveau dans la quatrième Conférence.<br />
201
Doc. 340<br />
<strong>Documents</strong><br />
filles (1). » Baptiste Pra vient de m ’assurer que le soir du 19 sept.<br />
1846, d ’après le récit des enfans il avait aussi écrit, sur la petite<br />
relation qui lui a été prise à Corps : Ils ne vont à l'Eglise que<br />
pour se moquer de la religion et de mon fils, en se jetxant des<br />
pierres les uns aux autres et aux filles, pour se faire rire (2). Il en<br />
était si persuadé qu’il s’est montré bien étonné lorsque je lui ai<br />
dit que maintenant les enfans démentaient [p. 2] cette parole et<br />
moi-même je ne l’étais pas moins jusqu’au jour, il y a à peu près<br />
un mois, que l’abbé Chenavas (3) vint me parler de cette difficulté<br />
et de ce démenti des enfans. Maintenant il m ’est impossible de<br />
vous fixer l’époque et le motif de la variation des enfans sur ce<br />
point (4). Après avoir entendu les enfans, on en tirera la conséquence<br />
que la prudence suggérera. M. le maire de la Salette ainsi<br />
que les autres personnes de la maison des maîtres des enfans sont<br />
aussi parfaitement persuadés que les enfans (5), dès le principe,<br />
ont parlé des pierres jetées au filles.<br />
2°- Les maîtres des enfans certifient aussi qu’ils n ’ont jamais<br />
remarqué que le mensonge fût un vice dominant chez ces enfans.<br />
Maximin n ’avait, disent-ils, guère d ’autre vice qu’une excessive<br />
légèreté. Mélanie, avant l’apparition, était extrêmement paresseuse,<br />
désobéissante et boudeuse, au point qu’elle ne voulait pas répondre<br />
lorsqu’on lui parlait et allait facilement se cacher dans un champ<br />
près de la maison, pour y passer la nuit, où le maître était obligé<br />
d ’aller la chercher. Mais après l’apparition elle était active,<br />
obéissante et faisait surtout bien exactement sa prière, qu’elle ne<br />
faisait auparavant qu’à l’extrémité. Déposition de Baptiste Pra.<br />
3°- La sinuosité du ruisseau est très-peu sensible, et le rocher<br />
qui s’avance dans le coude qu’il fait au-dessus de la fontaine,<br />
étant fort peu élevé, il est impossible que la personne qui est vers<br />
la fontaine, ne voie pas venir de dessus et de dessous, quiconque<br />
s’approche de la fontaine. Au lieu de 3 pas, il en faut au moins<br />
dix, pour qu’une personne, étant vers la croix de l’Assomption, et<br />
marchant [p. 3] vers le levant, pût se dérober aux regards de celle<br />
qui serait debout vers la fontaine. Je ne vois pas à quoi peut<br />
aboutir cette objection, puisque les enfants attestent qu’ils ont<br />
suivi la Dame et qu’ils étaient tout près d ’elle lorsqu’elle s’est<br />
fondue.<br />
Voilà, bien cher ami, ce que j’ai l’honneur de vous répondre<br />
sur ces petites difficultés, qui probablement ont toutes été éclaircies 1<br />
(1) Relation Perrin (doc. 7), v. 21.<br />
(2) En réalité, la phrase ne figure pas dans la relation Pra, telle qu’elle nous est<br />
parvenue à travers la copie Lagier de février 1847 (doc. 1).<br />
(3) Vicaire à Corps.<br />
(4) Annotation marginale d'une autre main : (Maximin ne le disait donc plus vers le<br />
17 oct., à peu près 1 mois avant cette lettre.)<br />
(5) Annotation marginale d ’une autre main : (Est-ce tous les deux ?).<br />
202
17 novembre 1847 Doc. 341<br />
dans la grande séance de lundi dernier. Plaise à Dieu que toutes<br />
ces solutions soient satisfaisantes, pour votre consolation, car vous<br />
n ’êtes pas ennemi de N.D. de la Salette, pour la mienne, pour<br />
celle de tous ceux qui aiment à se montrer les dévoués de Marie,<br />
et pour la plus grande gloire de Dieu.<br />
Daignez agréer...<br />
Perrin curé<br />
La Salette-Fallavaux, 17 nov. 1847.<br />
*341. PROCÈS-VERBAL DE LA QUATRIÈME CONFÉRENCE à<br />
l’évêché de Grenoble<br />
Manuscrit de la main du chanoine Chambon (1 f. pliée 30,5 cm x 40) :<br />
EGD 77.<br />
Selon Rousselot, lors de la 4cmc Conférence les « deux enfants sont interrogés<br />
sur diverses particularités de leur récit, ainsi que sur des circonstances qui, sans<br />
en faire partie, semblent devoir en affaiblir la vérité. Les deux enfants s’expliquent<br />
à la satisfaction générale de l’assemblée » (Vérité, p. 26). — Le procès-verbal ne<br />
signale que l’interrogatoire de Mélanie.<br />
N ote sur la difficulté soulevée à propos de Mélanie. Cartellier évoqua l’affaire<br />
de la lumière merveilleuse de la chapelle Saint-Sébastien, que nous connaissons<br />
déjà par M. Houzelot et dont parle encore un autre enquêteur de 1847, l’abbé<br />
Arbaud (doc. 135, p. 9 ; 401, p. 78). Cartellier tenait l’histoire d ’un tiers, dont<br />
il n ’indique pas le nom. Interrogée sur cette affaire lors des Conférences, Mélanie,<br />
écrit Cartellier, « a raconté le fa it de cette lumière comme je l'avois raconté moimême.<br />
Seulement, elle le place après le 19 septembre, et non pas avant. [...]<br />
Mais peu im porte cette circonstance ; elle a avoué la chose principale devant tous<br />
les membres de la commission dont la m ajorité avoit d ’abord refusé d'y croire.<br />
Elle est consignée dans les procès-verbaux de nos Conférences » (Réponse, p. 11-<br />
12). Rousselot reconnaîtra plus tard que « Mélanie, pressée de dire si elle n ’a<br />
jamais rien vu en dehors de l’apparition, parla de cette lumière dont elle croyait<br />
avoir été éclairée pendant une petite partie de sa route » (Nouveau sanctuaire,<br />
p. 156). — Cartellier ajoute que l’insertion dans le procès-verbal fut obtenue<br />
non sans peine : « Le procès-verbal où devoit se trouver le fa it en question n 'en<br />
disoit pas un mot. Dans celui qui le suivit il étoit si peu exprimé, il passoit<br />
tellem ent inaperçu que je me plaignis de cette rédaction et ne pus m'empêcher<br />
de dire à M! le Secrétaire : Il est étonnànt qu 'ayant le talent que vous avez, vous<br />
soyez constamment malheureux lorsqu 'il s ’agit de constater [p. 14] quelque chose<br />
à l'encontre de votre opinion » (Réponse, p. 12). — Si ce récit décrit le<br />
déroulement des événements avec exactitude, il nous faut conclure que le procèsverbal<br />
de la quatrième séance fut complété postérieurement, puisque, sous sa<br />
forme actuelle, il contient plusieurs lignes sur la difficulté en question, sans aller<br />
toutefois jusqu’à dire que Mélanie ait reconnu l ’exactitude de ce que Cartellier<br />
appelle « la chose principale ».<br />
203
Doc. 341<br />
<strong>Documents</strong><br />
Quatrième Conférence<br />
sur l’événement de la Salette<br />
17 nov. 1847<br />
Après la lecture du procès verbal, \ à 1 h 1/4 / un membre<br />
proteste contre l’emploi des mots certitude morale, au lieu des<br />
mots très grande probabilité du rapport, qui sont, assure-t-il,<br />
d ’une signification bien différente, et il demande que cette<br />
rectification soit introduite au procès verbal. Acte lui est donné de<br />
sa protestation.<br />
Revenant sur la question de la Sœur de la Providence que les<br />
enfants (1) disent avoir vue sur la montagne, un membre fait<br />
observer que Maximin a déclaré qu’elle s’était élevée dans les airs,<br />
comme la Dame de l’apparition, ou que du moins, il ne le savait<br />
pas. Plusieurs répondent que Maximin n ’a point dit que cette<br />
religieuse se fut élevée dans les airs, mais qu’elle avait disparu, en<br />
d ’autres termes qu’il l’avait perdue de vue, sans qu’il puisse<br />
expliquer de quelle manière.<br />
Sur ce même fait de la Sœur de la Providence, un membre<br />
signale une contradiction entre le dire de Maximin et le dire de<br />
M. le Curé de Corps. Selon Maximin, cette Sœur a été vue de<br />
près, et selon M. le Curé, elle a été vue de loin. M. le Curé<br />
répond que n ’attachant aucune importance à ce fait, [p. 2] ainsi<br />
que les enfants eux-mêmes, il avait voulu seulement en montrer<br />
la nullité dans la question de l’apparition, plutôt que de préciser<br />
la distance. Plusieurs ajoutent que ces deux versions peuvent<br />
s’entendre de deux moments successifs, c’est-à-dire que la Sœur a<br />
pu d’abord être vue de près, et que marchant d ’un pas rapide,<br />
elle a dû être aperçue de loin quelques moments après ; ce qui<br />
est rendu plus probable encore par les paroles de Maximin qui a<br />
raconté qu’il s’était mis à courir pour l’atteindre (2).<br />
Un autre membre montre une nouvelle contradiction dans les<br />
paroles de Mélanie. Elle aurait dit à certaines personnes qu’elle<br />
avait vu une clarté mystérieuse, longtemps avant l’apparition ; à<br />
d ’autres elle aurait déclaré qu’elle avait vu cette clarté, seulement<br />
après. Ainsi, pour le même fait, le oui et le non serai/ sort/ cette<br />
fois de la bouche de la jeune bergère. Il a été répondu que des<br />
enfants de la montagne, qui ne comprennent [pas] toujours ce 1<br />
(1) Un groupe de garçons parmi lesquels Maximin, montés à la Salette en octobre<br />
1846.<br />
(2) Les garçons avaient vu de loin une dame en noir, qu’ils prirent pour une religieuse<br />
de la Providence. En réalité, aucune sœur n ’était montée ce jour. Sur l’affaire de la « dame<br />
en noir », type par excellence de l’objection spécieuse, voir LSDA I, p. 62-63.<br />
204
17 novembre 1847 Doc. 341<br />
qu’on leur demande, pouvaient quelquefois, sans être taxés de<br />
mensonge volontaire, dire oui et non à des questions embarrassantes<br />
et multipliées. Qu’au surplus, il fallait introduire Mélanie pour<br />
l’interroger elle-même. Aux questions qui lui ont été posées sur<br />
cette circonstance, l’enfant a répondu avec netteté qu’elle n ’avait<br />
jamais vu de clarté, avant l’événement, sinon au moment de<br />
l’apparition, et de plus qu’elle ne l’avait jamais dit. L’auteur de<br />
l’incident {biffé : affirme] \ dit / qu’il sait le contraire de témoins<br />
dignes de foi. Le débat sur ce point n’est pas continué {biffé :<br />
faute de renseignements certains].<br />
Un membre demande des explications sur ces paroles [p. 3]<br />
du père de Maximin : je ne sais pas qui mangera du pain l’année<br />
prochaine, qui se rattachent à la visite de la terre du Coin. D ’une<br />
part, on dit que le père en a été très frappé, parce qu’il n ’en<br />
avait parlé à personne ; et d ’autre part, on dit que le propriétaire<br />
de la terre était présent. Un autre membre répond qu’à la vérité,<br />
le propriétaire était présent, au moment de la visite du champ de<br />
blé, mais que les paroles citées n ’ont été prononcées qu’au retour,<br />
et qu’alors Maximin était seul avec son père.<br />
M. le Rapporteur reprend sa lecture. Deux passages surtout<br />
provoquent des observations. Le premier est celui où il montre<br />
que la forme et l’élévation biblique du discours rapporté par les<br />
deux enfants, et quelques-unes de leurs réponses, sont au-dessus<br />
de leur intelligence (3). Un membre dit qu’il ne voit rien que de<br />
vulgaire dans le discours et dans les réponses. L’assemblée presque<br />
entière se prononce contre ce jugement. Le second passage est<br />
celui où M. le Rapporteur venge le clergé de cette odieuse<br />
accusation qui le présenterait comme faisant une spéculation<br />
honteuse des eaux de la Salette (4). Un membre demande des<br />
explications sur ce point, à M. le Curé de Corps. Un autre membre<br />
s’efforce de repousser cet incident comme tout-à-fait étranger à<br />
l’objet des conférences, et demande qu’il soit passé outre. M. le<br />
Curé de Corps dit quelques mots de son désintéressement, avec<br />
dignité et modestie ; et il déclare que de tout {biffé: l’argent] ce<br />
qui a pu lui revenir, en dehors des dépenses obligées, il ne s’est<br />
pas réservé [p. 4] un centime ; qu’une partie a été employée aux<br />
œuvres de charité dans le pays, et que le reste attend le jugement<br />
de Monseigneur, pour la construction d’une chapelle. Il est trois<br />
heures ; Monseigneur lève la séance. *92<br />
(3) Doc. 310, VI, p. 16-19, peut-être également VII, p. 30-31 ( = Vérité, p. 79, 86-<br />
92, 203-206).<br />
(4) Doc. 310, VII, p. 28-29 ( = Vérité, p. 200-201). Toutefois dans le manuscrit de<br />
son Rapport, Rousselot ne mentionne les accusations que d’une manière générale et ne dit<br />
rien sur celle qui a trait au commerce de l’eau.<br />
205
Doc. 343<br />
<strong>Documents</strong><br />
Vendredi 19 novembre 1847<br />
343. LETTRE DE L’ABBÉ REPELIN au chanoine Rousselot<br />
Original (4 p. 25 cm x 20) : EG 139. — Publié en partie dans Vérité,<br />
p. 89-91.<br />
Félix-Amédée-Perceval Repelin, né à Serres, Hautes-Alpes, en 1815, prêtre<br />
en 1839, était en 1847, professeur de rhétorique au petit séminaire d’Embrun. Il<br />
deviendra plus tard professeur au grand séminaire de Gap, curé-archiprêtre<br />
d’Orpierre, chanoine titulaire (1883) et théologal (1884). Il mourra en 1896.<br />
Ci-dessous on trouvera reproduites les pages 2 et 3 ; les deux autres ne<br />
traitent pas de la Salette.<br />
[p. 2] Il m ’eût été agréable surtout de m ’entretenir avec vous<br />
au sujet de la Salette. J ’ai été puisé, il est vrai, des renseignements<br />
à la source même, en visitant les lieux et en interrogeant les<br />
enfans. Mais les voyages que vous avez faits, les documens que<br />
vous aurez réunis auroient apporté quelque nouvelle preuve à celui<br />
qui n’a point de peine à croire. J ’eus le plaisir de parler beaucoup<br />
de l’Apparition, durant les quelques jours que je passai chez mon<br />
oncle à La Mure. J ’en conférai avec MM. les Ecclésiastiques, et M.<br />
l’Abbé Rabilloud (1), à son départ pour la retraite, me redemanda<br />
le récit d’une partie de mon entretien avec les deux petits bergers.<br />
Il tenoit à vous faire part d ’une petite circonstance dont je lui<br />
avois parlé. Permettez-moi, pour le plaisir que j’ai à m ’entretenir<br />
avec vous, d ’entrer ici en ces petits détails. Vous ne m ’en voudrez<br />
pas, j’espère, quand même ils vous seroient déjà tous connus.<br />
C’est avec M. le curé de Serres (2) que je fis mon pèlerinage<br />
à la Salette. C’était le 8 sept.; nous visitâmes les lieux. Nous<br />
fûmes satisfaits de ce site pittoresque et propice aux méditations<br />
religieuses. L’affluence des pèlerins de ce jour, les témoignages<br />
des gens du lieu, du maître de Mélanie et d ’une de ses petites<br />
compagnes, l’impression du lieu ouvrirent nos âmes à une pleine<br />
confiance. Le lendemain nous vîmes les enfans et les entretînmes<br />
successivement près de trois heures. Ils répondirent à nos questions,<br />
comme nous savions qu’ils avoient répondu à beaucoup d ’autres.<br />
Seulement quand j’en étois à demander à la petite si le personnage<br />
merveilleux qu’elle avoit vu ne pourrait pas être un mauvais esprit<br />
qui voudrait semer le désordre dans l’Eglise, elle me répondit<br />
comme elle avoit répondu à d ’autres. — Mais, Monsieur, le démon<br />
ne porte pas une croix. — Je poursuivis. Mais, mon enfant, le<br />
démon a porté notre Seigneur sur le temple, sur la montagne, il<br />
pourrait bien porter sa croix. — Non, Monsieur, dit-elle avec une 1<br />
(1) Vicaire à la Mure. Il avait interrogé les deux bergers moins de trois semaines après<br />
l’apparition.<br />
(2) Antoine Allard, 1794-1868, originaire de la Fare. En 1866, il fut nommé chanoine<br />
titulaire de la cathédrale de Gap.<br />
206
19 novembre 1847 Doc. 343<br />
certaine assurance, non, le bon Dieu ne laisseroit pas porter sa<br />
croix comme ça. C’est sur la croix qu’il est mort. — Mais il s’est<br />
laissé porter lui. — Mais c’est par la croix qu’il a sauvé le monde. »<br />
L’assurance de cet enfant, la profondeur de cette réponse dont<br />
elle ne sentoit peut-être pas la beauté me fermèrent la bouche.<br />
— Votre ange gardien sait-il votre secret, Mélanie ? — Oui,<br />
Monsieur. — Il y a donc quelqu’un qui le sait ? — Mais mon<br />
ange gardien n’est pas du [p. 3] peuple. — Si les anges gardiens<br />
le savent, nous finirons bien par le savoir. — Et faites-vous le<br />
dire, reprit-elle en souriant et en agitant les épaules.<br />
Voici une circonstance singulière par rapport au petit Maximin.<br />
Quand nous étions à Corps, il y avoit quatre à cinq jours (3) que<br />
ce petit éveillé étoit allé à la représentation de la Passion, donnée<br />
par des acteurs ambulans. A son retour, Maximin un peu plus<br />
animé que de coutume dit à une Sœur : « Oh ! ma Sœur, j’ai vu<br />
quelque chose de mon secret. » Il a dit cette parole trois ou quatre<br />
fois, les jours suivans. Mais il ne voulut jamais dire autre chose.<br />
Cette Sœur me parla de cet incident. Déjà j’avais entretenu le<br />
petit. Je le fis revenir. — Maximin, lui dis-je, il faut ici dire la<br />
vérité devant le bon Dieu qui te jugera. Tu as révélé quelque<br />
chose de ton secret, mon enfant ? — Moi, Monsieur, j’ai rien dit.<br />
— N ’es-tu pas allé l’autre soir à la représentation de la Passion ?<br />
— Oui, Monsieur, j’y suis allé. — N ’as-tu pas dit à ton retour à<br />
cette dame qui étoit là tout-à-l’heure, ne lui as-tu pas dit que tu<br />
avois vu quelque chose de ton secret. — Oui, Monsieur, je lui ai<br />
dit ça. — Ton secret regarde donc la Passion de Notre Seigneur.<br />
— Ah ! ça regarde puis ça ou autre chose. — Mais puisque tu es<br />
allé à cette représentation, ça doit regarder ce que tu y as vu.<br />
— Mais vous ne savez pas ce que j’ai vu avant ou pendant ou<br />
après. — Mais je pourrais le savoir en prenant des informations<br />
des gens qui t’ont vu quand tu allois, qui t’ont vu à la<br />
représentation, qui t ’ont vu à ton retour. — Faites-le possible ça,<br />
Monsieur. » A cette réponse précise et prompte nous n ’avons plus<br />
su qu’ajouter ; nous avons compris qu’il était impossible de réunir<br />
toutes ces circonstances et de démêler celle qui pouvoit avoir<br />
rapport à quelque chose de son secret. Il nous sembla que Dieu<br />
seul pouvoit donner un tel langage à des enfans.<br />
Aussi quelqu’étourdis qu’ils aient pu paraître en certaines<br />
rencontres, quelques difficultés qu’on rencontre dans les prophéties,<br />
je suis incliné à croire. Cette adhésion même me semble une<br />
(3) Quatre ou cinq jours avant le passage de Repelin en septembre et non celui de<br />
Rousselot en août, comme l’écrit à tort PERRIN, n°535.<br />
207
Doc. 343<br />
<strong>Documents</strong><br />
consolation, une force de ne savoir [?] comment m ’imaginer là<br />
une supercherie ou une intervention diabolique. Le témoignage<br />
\ naïf / de ces enfans, le concours de l’anniversaire sont de bien<br />
fortes présomptions. Joignez à cela la guérison d ’Avignon qui m ’a<br />
été confirmée par l’aumônier des Dames de S'Joseph (4).<br />
Pardonnez, Monsieur Rousselot, si je me suis permis tous ces<br />
détails avec vous qui en connaissez mille autres. Mais je tiens<br />
beaucoup à être éclairé là dessus ; et maintenant je désirerais savoir<br />
si l’autorité de Grenoble ne s’expliquera pas autrement que par<br />
une approbation \ tacite / du pèlerinage.<br />
Dimanche 21 novembre 1847<br />
ÉVÉNEMENT. A Avallon (Yonne), guérison d’Antoinette Bollenat, âgée de<br />
trente-trois ans. Souffrant d’une tumeur dans la région épigastrique, vomissant<br />
ce qu’elle mangeait, réduite à un état d’extrême faiblesse, le Dr Gagniard,<br />
médecin traitant, avait donné son cas comme désespéré le vendredi 19 novembre.<br />
Elle fut guérie le surlendemain, dernier jour d’une neuvaine à Notre-Dame de la<br />
Salette. — Dossier (1847-1850) : EG 119 et EG 134. Les principales pièces ont<br />
été publiées dans Vérité, p. 155-166, 173-181 ; Nouveaux documents, p. 127-<br />
164 ; Nouveau sanctuaire, p. 111-112 ; GlRAY I, p. 194-268.<br />
A la suite d’une enquête canonique, cette guérison fut proclamée miraculeuse<br />
dans un jugement porté le 4 mars 1849 par Mgr Mellon Jolly, archevêque de<br />
Sens. L’année suivante, Mgr Jolly transmit à l’évêque de Grenoble un certificat<br />
du Dr Gagniard attestant qu’Antoinette Bollenat n’avait pas rechuté (*). On<br />
trouvera plus loin le rapport du médecin traitant, des extraits du rapport présenté<br />
à l’archevêque de Sens au terme de l’enquête canonique et aussi le jugement<br />
prononcé par l’archevêque (doc. 368 bis, 509 et 516).<br />
Lundi 22 novembre 1847<br />
Év é n e m e n t. Cinquième Conférence à l’évêché.<br />
345. LETTRE DE L’ABBÉ LAGIER, curé de Saint-Pierre-de-<br />
Chérennes, à l’abbé Auvergne, pro-secrétaire à l’évêché de<br />
Grenoble.<br />
Original (1 f. recto pliée 21 cm x 26) : EG 38.<br />
Note. Lagier répond au sujet d’une difficulté soulevée lors de la première<br />
Conférence, sur laquelle ont été également consultés les curés de Corps et de la<br />
Salette. Rappelons qu’en février-mars, il avait longuement interrogé les deux<br />
voyants (doc. 184 bis).<br />
(4) Le capucin espagnol Joachim Font, monté à la Salette le 8 septembre 1847 (cf.<br />
GlRAYl, p. 348 et doc. 312).<br />
(*) Certificat Gagniard, 8 juillet 1850, EG 119 ; lettre Jolly, 10 juillet 1850, EG 142.<br />
208
Monsieur,<br />
22 novembre 1847 Doc. 346<br />
S'-Pierre de Cherennes le 22 nov. 1847<br />
Dans la première relation écrite à la Salette (*), il n ’est<br />
nullement question de pierres jetées aux filles.<br />
Ni Mélanie ni Maximin n ’ont parlé de ce fait. Mais ayant<br />
appris par diverses personnes qu’ils l’avaient dit en principe ; j’en<br />
fis part à Mélanie. Voici sa réponse : « Pour moi je n ’en ai jamais<br />
parlé ; mais Maximin le disait, parce qu’on lui avait dit de le<br />
dire ; et il n ’en a plus parlé depuis que je lui ai dit, qu’elle (la<br />
Dame) ne nous avait pas dit cela (**) ».<br />
Dites à MM' Rousselot et à Mr Orcel que sous peu je me<br />
procurerai le plaisir de leur porter moi-même une petite note.<br />
J ’ai l’honneur...<br />
LAGIER<br />
*346. ALLOCUTION DE MGR DE BRUILLARD aux membres de<br />
la Commission<br />
Brouillon entièrement de la main de l’évêque (1 f. recto-verso 29,5 cm x<br />
20,5) : EGD 78. — Copie de la main de l’abbé Auvergne, pro-secrétaire à<br />
l’évêché (1 f. recto-verso 29 cm x 19) : EGD 79.<br />
Ci-dessous nous reproduisons le texte de la copie, qui fut lue pendant la<br />
cinquième Conférence.<br />
Additions et corrections portées sur la copie. Elles sont toutes de la main de<br />
l’évêque, à l’exception peut-être d’une, qui sera signalée par une note.<br />
Messieurs,<br />
Vous ne serez pas étonnés qu’après quatre séances dont deux<br />
ont été remarquables par la présence des jeunes bergers (1), je<br />
vous adresse d ’abord quelques avis, et qu’ensuite je vous fasse<br />
\biffé : une] plusieurs questions importantes.<br />
I°- Les débats sur le grand fait de l’apparition ont été libres,<br />
ainsi qu’ils devaient l’être, et l’opposition a usé amplement de<br />
son droit de parler. Elle a même souvent semé des pierres sur la<br />
route que la commission avait à parcourir, et la marche \ de la<br />
discussion, / quoique non empêchée, en a été prodigieusement<br />
retardée.<br />
(*) La relation Pra (doc. 1), qui nous est connue par la copie qu’en fit Lagier en<br />
février 1847.<br />
(**) Lagier cite probablement de mémoire. Ses notes, du moins telles qu’elles nous<br />
sont parvenues, ne contiennent pas ces paroles.<br />
(1) En réalité, les bergers comparurent au cours de trois Conférences. Si l’évêque ne<br />
parle que de deux, c’est peut-être parce qu’il ne prend pas en considération la première<br />
des trois, celle du 15 novembre : Maximin n ’y fut introduit qu’en fin de séance.<br />
209
N.D. de Bon Conseil apparue à deux petits bergers sur la montagne de<br />
laSalette... Paris, L. Jurgis Jne, lmpr Editeur. N. 286.<br />
Cette estampe, où la Vierge est représentée parlant assise, illustre un détail<br />
colporté par diverses brochures, mais ignoré ou contredit par les relations<br />
privilégiées. Rousselot ne l'a pas retenu, et avec raison (cf. LSDAI, p. 221).
22 novembre 1847 Doc. 346<br />
Il m ’a semblé qu’il y a eu bien du temps perdu (2) ; évitons<br />
ce malheur à l’avenir : le temps est si précieux ! et d ’ailleurs votre<br />
intention ne doit pas être de prolonger outre mesure nos débats<br />
et nos réunions.<br />
Il y a eu du temps perdu, lorsqu’on s’est permis une<br />
foule de questions étrangères au fait de l’apparition, et qui ne<br />
\ pouvaient / contribuer à le constater ou à le rejeter. Je cite un<br />
exemple \ entre plusieurs autres : / à l’occasion d ’une réflexion<br />
de M. le Rapporteur, à qui elle a paru utile pour compléter son<br />
travail, on s’est permis d’interpeller M. le Curé de Corps sur un<br />
soi-disant commerce d ’eau de la Salette (3). Or, comme l’a très<br />
sagement fait remarquer un membre de la Commission, ce fait ne<br />
regarde que l’Administration épiscopale. C’est à elle à s’enquérir<br />
de la vérité sur ce fait, [verso] à défendre ou permettre la vente<br />
de l’eau, à blâmer ou bien à absoudre le pasteur. Ce fait est<br />
entièrement étranger à la vérité ou à la fausseté de l’apparition,<br />
puisque cette apparition peut être vraie ou fausse, soit que le<br />
commerce de l’eau existe, soit qu’il n’existe pas.<br />
II0- \ J ’ai aussi quelques / demandes importantes à vous<br />
adresser, \ ou des faits à constater, / mais sans rentrer dans une<br />
discussion qui nous a paru épuisée. La Commission admet-elle le<br />
1" article du rapport sur la topographie des lieux ? Je demande<br />
un oui ou un non.<br />
La Commission admet-elle le 2e article sur le caractère des<br />
deux enfants, le 3e sur le récit de Mélanie, le 4e sur celui de<br />
Maximin ; et reconnaît-elle la conformité des deux récits... Vous<br />
avez entendu les deux bergers dont (4) le fameux secret ; est [sic]<br />
\ il est / (5) signalé dans le 3e artficle] du rapport. Je vous<br />
demande encore un oui ou un non sur ces objets (6).<br />
L ’opinion sur le fait de la Salette forme le 6' article. Le fait<br />
est-il réel, ou les enfants ne sont-ils ni trompés ni trompeurs ?<br />
Le rapport, s’appuyant sur des preuves intrinsèques, prouve<br />
(ou prétend prouver) que le fait en lui-même est démontré :<br />
1° par le caractère des enfants, 2° par la nature du récit des<br />
enfants, 3° par l ’inspection des lieux, 4° par la sagacité des<br />
enfants à résoudre les difficultés qui leur sont proposées.<br />
(2) Au moment où l’évêque interrompit les débats pour faire lire cette allocution, la<br />
discussion s'enlisait dans l’examen des notions de probabilité et de certitude. Les paroles<br />
de l'évêque, rédigées d’avance, visaient cependant d ’abord les Conférences précédentes.<br />
(3) Lors de la quatrième Conférence, le 17 novembre.<br />
(4) Le sens de la phrase demande qu’on lise ici « dans ». Le « dont » primitif ne<br />
semble pourtant pas avoir été retouché.<br />
(5) 11 est possible que cette addition soit de la main du copiste et non de celle de<br />
l'évêque, comme les autres. Le texte primitif était identique à celui du brouillon : « dont<br />
le fameux secret est signalé ».<br />
(6) La question posée à propos du 5cmc article a pour objet la fidélité des enfants à<br />
garder le secret (cf. doc. 347).<br />
211
Doc. 346<br />
<strong>Documents</strong><br />
C’est encore une marque d’adhésion, ou un refus d ’adhérer<br />
que je réclame : un oui ou un non.<br />
[Dans la marge, le résultat des rotes émis lors de la cinquième Conférence<br />
(probablement de la main de l’évêque) :]<br />
[1" article] oui - 1 [unanimité moins une voix]<br />
[2e article] oui - 4 [unanimité moins quatre vois]<br />
[3e et 4' articles] oui - 1 [unanimité moins une voix]<br />
[5e article] oui<br />
[6e article] oui - 4 3 pas de preuves suffisantes]<br />
1 des raisons pour nier<br />
[Dernier alinéa] oui - 4 [unanimité moins quatre voix]<br />
*347. PROCÈS-VERBAL DE LA CINQUIÈME CONFÉRENCE à<br />
l’évêché de Grenoble<br />
Manuscrit de la main du chanoine Chambon (1 f. pliée 30,5 cm x 40) :<br />
EGD 80.<br />
Les votes. Pour la première fois, la Commission est appelée à se prononcer.<br />
Du procès-verbal de la séance suivante (doc. 360) il résulte que tous les seize<br />
membres avaient le droit de vote, y compris les deux rapporteurs.<br />
Cinquième Conférence<br />
sur l’événement de la Salette<br />
22 nov. 1847<br />
A une heure et un quart, Monseigneur ouvre la séance.<br />
Lecture du procès verbal. Un membre réclame contre l’omission<br />
d ’un aveu \ public (1) / de Mélanie relatif à la clarté qu’elle a<br />
vue, quelque temps après l’apparition. Le débat s’engage un<br />
moment sur cette circonstance ; et la majorité décide qu’on n ’en<br />
peut rien conclure contre le fait de l’apparition.<br />
M. le Rapporteur et M. le Supérieur du Grand Séminaire,<br />
comme personnellement nommés dans une des dernières conférences,<br />
ramènent le débat sur la question de la certitude morale,<br />
et des conditions du témoignage. M. le Supérieur établit rigoureusement,<br />
et par les auteurs mêmes cités à l’appui de l’opinion<br />
contraire, 1° que la certitude morale et une très grande probabilité<br />
sont identiques, et ont absolument la même signification ; 2° que<br />
pour la certitude d ’un fait, il n’est pas nécessaire d ’avoir un grand<br />
nombre de témoins, mais qu’un t[rès (?)] petit nombre suffisent,<br />
quand ils offrent d’ailleurs les autres conditions de critique qui<br />
rendent le témoignage indubitable. Et enfin, pour prévenir une<br />
difficulté qui pourrait naître, il avertit que l’expression de 1<br />
(1) Addition peut-être d ’une autre main. — Sur l’objet de cet « aveu » de Mélanie,<br />
voir l’introduction au doc. 341.<br />
212
22 novembre 1847 Doc. 347<br />
probabilité qui a été employée d ’abord par M. le Rapporteur, ne<br />
doit s’entendre que d’une manière applicable au commencement<br />
de la [p. 2] discussion, et non pas à l’ensemble des démonstrations<br />
et à la conclusion finale, parce que ce qui pourrait n’être d ’abord<br />
qu’une simple probabilité arrive peu-à-peu à une très grande<br />
probabilité, c’est-à-dire à cette certitude morale nécessaire et<br />
suffisante pour établir un jugement sûr.<br />
L’auteur du débat répond à son tour ; et d ’abord il repousse<br />
avec une grande convenance, l’accusation d’avoir voulu adresser<br />
une interpellation personnelle. Ensuite il déclare que sa pensée<br />
n ’a pas été comprise sur le fond de la question ; qu’il a toujours<br />
entendu parler de la certitude théologique, selon Bergier, qui est<br />
bien différente de la probabilité, quelque grande qu’elle soit ; et<br />
enfin que, pour les conditions du témoignage, il a voulu établir<br />
en général qu’un grand nombre de témoins était souvent nécessaire.<br />
Presque toute l’assemblée reprend qu’il n’a jamais été question,<br />
dans ces conférences, de certitude théologique et absolue,<br />
mais de cette assurance à laquelle on peut atteindre dans les choses<br />
ordinaires de la vie, et qui s’appelle la certitude morale.<br />
Un membre de la Commission, appliquant à propos ces<br />
principes à l’Eucharistie, a très bien fait comprendre que la<br />
présence réelle, bien qu’elle soit d ’une certitude théologique et<br />
absolue, comme dogme révélé, n ’est pourtant que de certitude<br />
morale, c.à.d. d’une très grande probabilité, dans une hostie [p. 3]<br />
et dans un tabernacle.<br />
Ici Monseigneur fait lire une allocution (2) dont la pensée<br />
principale est d ’inviter la Commission à écarter désormais toute<br />
discussion étrangère à l’objet essentiel des Conférences, et à<br />
concentrer les débats sur le fait de l’apparition. Et aussitôt, pour<br />
gagner du temps, et commencer à se fixer, Monseigneur prend<br />
l’avis de l’assemblée sur les parties du rapport jusqu’à présent<br />
soumises à la discussion. Les opinions se sont manifestées comme<br />
il suit :<br />
1° sur la topographie des lieux, le rapport est accepté à<br />
l’unanimité, moins une voix.<br />
2° sur le caractère des deux enfants,.... accepté, à l’unanimité<br />
moins quatre voix.<br />
3° sur la conformité des deux récits des enfants, entre eux et<br />
avec le rapport,... accepté à l’unanimité moins une voix.<br />
4 0 sur la fidélité des enfants à garder leur secret,.... unanimité.<br />
5° sur la réalité du fait : ou les enfants ne sont-ils ni trompés,<br />
ni trompeurs ?... unanimité, moins quatre, qui formulent ainsi<br />
(2) Le doc. 346.<br />
213
Doc. 347<br />
<strong>Documents</strong><br />
leur opinion : trois ne trouvent pas les preuves suffisantes pour<br />
admettre ; un voit des raisons pour rejeter.<br />
6° sur la croyance générale (3)... accepté à l’unanimité non<br />
pas comme démonstration rigoureuse, mais comme présomption<br />
favorable.<br />
7° sur la démonstration du fait par le caractère [p. 4] des<br />
enfants, par la nature de leur récit, par l’inspection des lieux, par<br />
la sagacité des enfants à résoudre les difficultés qui leur sont<br />
proposées.... adhésion unanime, moins quatre (4).<br />
Monseigneur lève la séance à trois heures.<br />
Mardi 23 novembre 1847<br />
349. LETTRE DE MGR GUIBERT, évêque de Viviers, à Mgr de<br />
Bruillard<br />
Original (1 f. 24,4 cm x 18,8) : EG 93.<br />
Joseph-Hippolyte Guibert, 1802-1886, des Oblats de Marie Immaculée,<br />
devint évêque de Viviers en 1842, archevêque de Tours en 1858, de Paris en<br />
1871 et cardinal en 1873. Ce fut lui qui, le 21 août 1879, couronna la statue de<br />
Notre-Dame de la Salette (*).<br />
Note. Au cours des Conférences, une difficulté a dû être soulevée, que Mgr<br />
de Bruillard retrouvera bientôt dans une lettre du cardinal de Bonald (cf.<br />
doc. 395) : en portant une décision doctrinale, l’autorité diocésaine risque de se<br />
tromper, comme le montrent des faits survenus dans un passé récent. L’évêque<br />
de Viviers a été consulté au sujet d’un fait de ce genre.<br />
Evêché de Viviers Viviers, le 23 nov. 1841<br />
Monseigneur,<br />
Le fait de la prétendue possédée de St Laurent du Pape,<br />
auquel Votre Grandeur fait allusion dans la lettre qu’elle m ’a fait<br />
l’honneur de m ’écrire, est antérieur de deux ans à mon arrivée<br />
dans le diocèse. Je n ’ai donc jamais été dans le cas d’exprimer<br />
mon opinion sur la nature de ce fait.<br />
Mon vénérable prédécesseur s’étoit tenu à ce sujet dans la<br />
plus grande réserve. Seulement, un supérieur de communauté<br />
étranger au diocèse, passant dans nos contrées, demanda à Mgr<br />
Bonnet la permission d ’interroger la fille qui excitoit une si vive<br />
curiosité. Cette permission fut accordée et le religieux fit un<br />
rapport à l’autorité dans le sens d ’une vraie possession ou obsession.<br />
Mais ce rapport ne fut jamais ni approuvé ni publié par mon<br />
(3) Cette question ne figure pas dans les manuscrits de l’allocution prononcée par<br />
l’évêque (doc. 346).<br />
(4) Les réponses n.4, 5 et 7 portent respectivement sur les articles 5 et 6 ainsi que sur<br />
le dernier alinéa de l’allocution.<br />
(*) Sur le cardinal Guibert et la Salette, voir GlRAY I, p. 95-99.<br />
214
26 novembre 1847 Doc. 351<br />
prédécesseur. On ne tarda pas à reconnoître la supercherie de<br />
Jeannette [verso] et l’on se convainquit que les crises nerveuses<br />
étoient la suite de l’usage immodéré de l’eau de vie qu’elle buvoit<br />
en secret. Voilà, Monseigneur, la vérité sur cette affaire.<br />
J ’ai été heureux d’apprendre pendant les vacances, par Mr le<br />
Supérieur du Séminaire et par Mr l’abbé Rousselot, que la santé<br />
de votre Grandeur étoit entièrement rétablie. Je fais les vœux les<br />
plus ardents pour que Dieu conserve de longues années encore<br />
cette santé si précieuse à l’église et en particulier au diocèse de<br />
Grenoble.<br />
Veuillez...<br />
t J. HlPPOLYTE É vêque d e Viviers<br />
Mercredi 26 novembre 1847<br />
350. BILLET DE MGR DE BRUILLARD au chanoine Rousselot<br />
Original entièrement de la main de l’évêque (1 f. recto pliée 17,8 cm x<br />
23) : EG 73.<br />
Note. De même que la lettre de l’évêque de Viviers (doc. 349), ce billet<br />
nous transmet l’écho d’une difficulté soulevée lors des Conférences : en engageant<br />
son autorité à propos d’une apparition, l’autorité diocésaine court le risque<br />
d’avoir un jour à se dédire.<br />
Gr[enoble] 24 nov.<br />
Mgr de Bonald vient de me répondre en date du 21 (1). Il<br />
m ’a mandé qu’il n ’a pas eu besoin de se rétracter sur les visions<br />
et révélations de sa diocésaine du Puy (2), parce qu’il n ’y avait<br />
jamais cru.<br />
Salutem in D[omi]no<br />
tPH[ILIBERT] Epjiscopus] Grfatianopolitanus]<br />
Vendredi 26 novembre 1847<br />
351. ARTICLE DE L'UNIVERS, 15' année, n° 359, p. la-d<br />
Auteur : Louis Veuillot, dont les Mélanges, 2. éd., t. III, Paris 1861, p. 44-<br />
52, reproduisent l’article qui, dans l’Univers, est anonyme. — Sut L. Veuillot et<br />
la Salette, voir Annales, janvier et février 1914, p. 247-251, 276-286.<br />
Dates. L’article, paru dans l’Univers du 26 novembre, est daté de la veille.<br />
Dans les Mélanges, l’article est daté du 27 octobre.<br />
Contenu. Ce très long article — il occupe les quatre cinquièmes de la<br />
première page du journal — a été publié à l’occasion de la parution du Nouveau 1<br />
(1) Cette lettre est également mentionnée dans le doc. 395.<br />
(2) Le cardinal de Bonald avait été évêque du Puy de 1823 à 1839-<br />
215
Doc. 351<br />
<strong>Documents</strong><br />
récit de Mgr Villecourt (doc. 309). L’article présente l’apparition et ses suites.<br />
On trouvera ci-dessous deux extraits du commentaire de L. Veuillot.<br />
[p. lb] Assurément, il est de ceux qui ont le droit de parler dans<br />
l’Eglise, et personne ne contestera ni sa sincérité ni sa compétence.<br />
Néanmoins, le pieux prélat n ’a rien voulu faire sans l’agrément<br />
de son vénérable collègue, Mgr l’évêque de Grenoble. Il lui a<br />
soumis son manuscrit, et ce dernier l’a corrigé en certains endroits,<br />
de sorte qu’aujourd’hui la réalité de l’apparition et de ses suites<br />
nous est attestée par deux évêques.<br />
[Après avoir reproduit des extraits du Nouveau Récit de Mgr<br />
Villecourt, L. Veuillot conclut (p. ld) :] La sagesse éternelle, qui<br />
se rit des vains projets des hommes, contraindra l’incrédulité de<br />
notre âge à voir s'accomplir en sa présence, malgré ses clameurs,<br />
des prodiges semblables à ceux dont elle conteste l’existence dans<br />
les âges passés : une apparition, des conversions soudaines, des<br />
guérisons étonnantes et miraculeuses, un désert qui va devenir une<br />
ville par le concours des pèlerins, absolument comme si nous étions<br />
encore au dixième siècle, et même avec plus de rapidité, et en<br />
même temps une population nombreuse, remontant par un<br />
invincible effort la pente de l’irréligion sur laquelle elle commençait<br />
de descendre. Gloire à Dieu !<br />
Samedi 27 novembre 1847<br />
352. ANNOTATIONS DE LA MAIN DE L’ABBÉ LOUIS PERRIN,<br />
curé de la Salette, portées sur l’original des attestations de Pra et<br />
de Selme (doc. 296 et 297)<br />
Note. Le curé de la Salette vise les attestations de Pra et de Selme, les<br />
patrons des deux bergers à l’époque de l’apparition, sur la demande de l’avocat<br />
Dumanoir (voir le doc. 353).<br />
Annotation à l'attestation de J. B. Pra (doc. 296)<br />
Je déclare, d ’après la connaissance que j’en ai d ’ailleurs, que<br />
la présente attestation de Baptiste Pra, bon catholique, digne de<br />
foi, est conforme à la vérité, moins la circonstance de la vérification<br />
de la fontaine, détail que n’a pas compris le rédacteur de l’écrit.<br />
Baptiste Pra vient de me certifier que ce n ’est pas le lendemain à<br />
six heures du matin, mais seulement le surlendemain à midi,<br />
21 sept., qu’il a été sur la montagne, vérifier si la fontaine couloit,<br />
selon que le lui avoit assuré Mélanie Mathieu, le 19 au soir. Il a<br />
vu que la fontaine fluoit réellement et il a puisé de l’eau pour<br />
boire en travaillant à sa prairie voisine.<br />
La Salette-Pallavaux 27 nov. 1847.<br />
Perrin curé<br />
Annotation à l'attestation de Pierre Selme (doc. 297)<br />
Je déclare que la présente attestation de Pierre Selme, homme<br />
216
27 novembre 1847 Doc. 353<br />
digne de foi, est en tout conforme à l’exacte vérité. Les détails<br />
qu’elle renferme sont parfaitement en rapport, avec ceux que<br />
d ’autres personnes m’avoient donnés auparavant.<br />
La Salette-Fallavaux 27 nov. 1847.<br />
Perrin curé<br />
353. LETTRE DE L’ABBÉ LOUIS PERRIN, curé de la Salette, à<br />
l’avocat Dumanoir<br />
Original (1 f. 20,5 cm x 15,5) : EGD 71.<br />
O bjet : les attestations de J.B. Pra et Pierre Selme, que Dumanoir avait<br />
recueillies deux mois plus tôt et qu’il a demandé au curé de la Salette de viser.<br />
Très respectable Monsieur,<br />
Je m ’empresse de satisfaire de suite et autant qu’il m ’est<br />
possible à votre demande. Ignorant comment vous aviez pu faire<br />
rédiger ces procès-verbaux, je viens de faire appeler Baptiste Pra et<br />
Pierre Selme, et ils m ’ont expliqué l’énigme en me disant que ces<br />
procès-verbaux avoient été faits dans leur maison, en leur présence,<br />
par un Monsieur de Grenoble qu’ils appellent un avocat, et que<br />
ces pièces étoient réellement revêtues de leur propre signature.<br />
Cependant une erreur a été utile à quelque chose. Je leur ai fait<br />
lecture de ces écrits, Pierre Selme a assuré que le sien étoit exact,<br />
conforme à la vérité, et tel qu’il a fait la déposition des détails au<br />
Monsieur qui l’a rédigé. Baptiste Pra a assuré que son écrit étoit<br />
aussi conforme à la vérité, moins la circonstance du tarissement et<br />
du retour de l’eau de la fontaine : il se rappelle bien que huit<br />
jours avant l’apparition, travaillant à sa prairie voisine, il fut pour<br />
puiser de l’eau à la fontaine et la trouva entièrement sèche ; il se<br />
rappelle aussi que le soir du 19 sept. 1846, Mélanie \verso\ lui dit<br />
que la fontaine couloit, mais il n ’est pas vrai qu’il soit allé le<br />
lendemain sur la montagne pour vérifier le fait de la fontaine, il y<br />
est seulement allé le lundi 21 à midi en travaillant à sa prairie, et<br />
il a vu la fontaine qui couloit et y a puisé de l’eau. Mais il faut<br />
observer que le dimanche 20, il avoit fait une pluie très-abondante.<br />
Il n ’est pas vrai non plus qu’il eût remarqué que les années<br />
précédentes la fontaine fut moins abondante. Il résulte de ces<br />
observations, vénérable Monsieur, que je n ’ai pu signer ce procèsverbal<br />
qu’en y ajoutant la rectification que vous y lisez.<br />
La fontaine ayant été intermittente avant l’apparition qui fut<br />
immédiatement suivie d ’une pluie très-abondante, et n ’ayant point<br />
vu de sécheresse considérable depuis cette époque, si ce n’est celle<br />
du mois de Mai, où les montagnes étoient encore chargées de<br />
neige, il n’y a que la suite qui puisse prouver si réellement elle<br />
217
Doc. 353<br />
<strong>Documents</strong><br />
est miraculeuse dans son origine, bien qu’elle le soit déjà depuis<br />
long-temps dans ses effets. Voilà quel est mon sentiment à cet<br />
égard.<br />
Daignez agréer...<br />
Pe r r in curé<br />
La Salette 21 nov. 1847.<br />
Lundi 29 novembre 1847<br />
Év é n e m e n t. Sixième Conférence à l’évêché.<br />
356. ENTREFILET DE LA GAZETTE DE FRANCE, n° du 29<br />
novembre 1847, p. 2a (PBN)<br />
La Gazette de France avait pour directeur Antoine-Eugène de Genoude<br />
1792-1849- D ’origine modeste — son père avait tenu un café à Grenoble — il<br />
avait été anobli par Louis XVIII. Devenu veuf en 1834, il entra dans les ordres,<br />
tout en continuant son activité littéraire et politique (BASSETTE, p. 88). — Sous<br />
la Monarchie de juillet, la Gazette, organe des légitimistes, suivait une ligne<br />
politique modérée.<br />
Contexte. L’entrefilet s’inscrit dans une polémique entre la Gazette et<br />
YUnivers, journaux qui tous deux se veulent catholiques. La polémique porte sur<br />
les affaires de Suisse et, plus particulièrement, sur l’opportunité du « Sonderbund »<br />
(alliance formée par les cantons catholiques), qui s’effondra après la capitulation<br />
de Lucerne devant l’armée fédérale, le 24 novembre. Contrairement à la Gazette,<br />
les rédacteurs de l ’Univers étaient des partisans farouches du « Sonderbund », ce<br />
qui, selon certains, était révélateur de leur mentalité réactionnaire. Toujours estil<br />
que, dans YUnivers du 26 novembre, l’article sur la Salette (doc. 351) était<br />
immédiatement suivi d’une attaque dirigée contre la Gazette. Le lendemain (27<br />
novembre) celle-ci répondait qu’en allumant le flambeau de la foi, le Christ n’a<br />
pas éteint le flambeau de la raison, « puisqu’il est la raison et la lumière ».<br />
L’entrefilet du 29 novembre veut montrer que YUnivers se laisse entraîner à des<br />
exagérations.<br />
Nous invitons YUnivers, qui nous parle de ce qu’il appelle le<br />
miracle de la Salette, à lire le mandement de Fléchier sur la croix<br />
de Saint-Gervasi (1). Il y verra l’esprit de sagesse que ce grand<br />
évêque apportait à l’égard des prétendus miracles.<br />
« Ne vous faites pas un honneur, disait Fléchier, de raconter<br />
les miracles que vous imaginez avoir vus ou que vous avez ouï<br />
tumultueusement proclamer ; car, comme les vrais servent à<br />
confirmer la foi, à nourrir la piété, à soutenir les gens de bien et<br />
à confondre les impies, les faux offensent la vérité, qui est l’âme *191<br />
(1) E. Fléchier, 1632-1710, prédicateur célèbre et évêque de Nîmes. — En 1706, il<br />
autorisa un berger nommé Bertoumieu à dresser une croix sur un monticule situé dans la<br />
paroisse de Saint-Gervasy. Les manifestations de piété populaire qui s’ensuivirent provoquèrent<br />
bientôt chez lui quelque inquiétude (R. SAUZET, « Miracle et Contre-Réforme en Bas-<br />
Languedoc sous Louis XIV », dans Revue d'histoire de la spiritualité, 48 [1972], p. 179-<br />
191, en particulier 184 et suivantes).<br />
218
29 novembre 1847 Doc. 358<br />
de la religion, induisent les faibles à erreur, donnent matière aux<br />
railleries, fondent aux ennemis de l’Eglise un nouveau droit de la<br />
calomnier, et fournissent à tous les esprits mal intentionnés, par<br />
ces miracles qui sont faux, des préjugés contre ceux qui sont<br />
véritables. »<br />
« Nous défendons aux curés, aux ecclésiastiques, ou aux<br />
religieux qui se trouveront présens aux dévotions de cette croix,<br />
de donner des attestations de miracles dont on ne peut sainement<br />
juger sans les avoir examinés. Les acclamations du peuple ne font<br />
qu’une impression légère, une impétuosité de foi leur fait presque<br />
voir ce qu’ils ne voient pas. Quand ce feu de persuasion est<br />
refroidi, on les détrompe facilement (2). »<br />
En parlant comme Fléchier, nous sommes avec les protestans.<br />
Au reste, Y Univers se regimbe en vain contre le mouvement<br />
qui se fait en Europe, et qui a pour but de séparer le catholicisme<br />
de toutes les folies que ce journal voudrait unir à la religion. Le<br />
feu détruira partout les abus du moyen-âge (3), afin que les<br />
peuples qui sont sortis de l’Eglise puissent y rentrer.<br />
Oui, il faut régler l’exercice de la liberté religieuse partout. Il<br />
n ’est pas permis à des catholiques d ’imposer des opinions comme<br />
des dogmes ; c’est abuser de la liberté religieuse, et Y Univers ne<br />
cesse de se rendre coupable de cette faute vraiment grave dans<br />
tous les temps, et surtout dans ce temps-ci.<br />
358. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à Mgr de Bruillard<br />
Original (1 f. 30 cm x 40 pliée) : EG 96.<br />
Ci-dessous on trouvera tout ce qui, dans la lettre, concerne la Salette.<br />
Monseigneur,<br />
Je commence par remercier V. Grandeur des bontés, dont elle<br />
m ’a honoré, pendant mon séjour à Grenoble. Mme la Supérieure<br />
des Sœurs de la Providence, Maximin et Mélanie se joignent à<br />
moi pour vous exprimer la même pensée et les mêmes sentiments.<br />
Les quatre voyageurs ont fait retour en [?] bon port, et les secours<br />
de route ont été suffisants. En descendant de voiture, Maximin se<br />
détourna à la Cure, pour souper. Dès qu’il eut pris son potage, il<br />
refusa tout autre chose. Tu es déjà rassasié, lui dis-je ? oui, du<br />
plaisir d’être arrivé, répondit-il ; ici, il n’y a pas tant de pratiques<br />
qu’à Grenoble, pour me faire parler.<br />
[Melin traite ensuite d’affaires administratives.]<br />
(2) Lettre pastorale du 21 juillet 1706, dans les Oeuvres complètes, éd. Migne, 1856,<br />
t. I, col. 479-489 (le passage cité, col. 486-487).<br />
(3) Allusion à la conclusion de l’article de L. Veuillot (doc. 351).<br />
219
Doc. 358<br />
<strong>Documents</strong><br />
[(p. 2)...] Mr Rousselot m’a demandé un procès verbal de la<br />
guérison de la femme Laurent de Corps ; je le crois tout à fait<br />
inutile. Ce fait est imprimé, depuis bientôt un an ; il n’a été<br />
contredit par personne ; il est attesté par un certificat en règle du<br />
médecin (*) ; c’est perdre le temps, avec l’opposition, que de<br />
chercher à la satisfaire, quand elle ne peut attaquer des faits, si<br />
patents, sans s’exposer à la censure des vrais philosophes.<br />
[p. 3] La guérison de la femme Laurent est un fait extérieur,<br />
apparent, qui est attesté non pas, par quelques témoins, mais par<br />
deux ou trois mille personnes qui l’ont vue avant et après le<br />
changement qui s’est opéré dans sa position (**).<br />
J ’ai l’honneur...<br />
MÉLIN Archiptre<br />
Corps 29 nov. 1847<br />
* 360. PROCÈS-VERBAL DE LA SIXIÈME CONFÉRENCE à<br />
l’évêché de Grenoble<br />
Manuscrit de la main du chanoine Chambon (1 f. pliée 30,5 cm x 40) :<br />
EGD 81.<br />
Examen des guérisons. Avec la sixième Conférence commence l’examen des<br />
guérisons attribuées à N.D. de la Salette. Pour compléter ses dossiers, Rousselot<br />
a écrit ou fait écrire de divers côtés : à Avignon (doc. 355), à Corps (cf. doc. 358 ;<br />
doc. 368) et ailleurs, comme le montrent les réponses qu’il reçoit (doc. 359, 363,<br />
etc.). Lors de la séance du 29 novembre, il présente d’abord ce que, dans une<br />
lettre à Mélin (doc. 368), il appellera ses « deux pièces de 43 » (guérisons de<br />
Sœur Saint-Charles et de Mélanie Gamon, survenues respectivement le 16 avril<br />
et 15 août 1847), puis trois autres guérisons. L’examen fut très sommaire,<br />
puisqu’il dura moins de deux heures.<br />
Sixième Conférence<br />
sur l’événement de la Salette<br />
29 nov. 1847<br />
La séance a commencé à une heure et un quart par la lecture<br />
du procès verbal. Elle a été consacrée presque tout
30 novembre 1847 Doc. 362<br />
parvenue à son [sic] plus extrême période, et celui [biffé:<br />
d ’une autre religieuse] de \ Mélanie Gamon / de S. Félicien<br />
\ (Ardèche), / guérie également sur le champ, de plaies invétérées<br />
et d’une déviation de l’épine dorsale, ont paru produire une<br />
grande impression sur l’assemblée. Quelques objections ont été<br />
faites, quelques faits analogues ont été cités. La majorité n’a pas<br />
reconnu la parité, soit parce que la guérison n ’a pas été instantanée,<br />
soit parce qu’on ne produit pas de certificats de médecins constatant<br />
la maladie. D ’ailleurs, a-t-il été ajouté, si ces faits sont certains<br />
et authentiques, s’il faut les accepter comme miraculeux, rien<br />
n ’empêche, et la question de la Salette n ’en est pas atteinte. La<br />
majorité n’a pas admis non plus la parité de quelques miracles du<br />
bienheureux La Salle qui [p. 2] bien que certains et avérés ont été<br />
rejetés cependant par la procédure de la canonisation, parce que<br />
l’Eglise est moins sévère et moins exigeante dans les questions du<br />
genre de celle qui occupe la Commission (2).<br />
Un membre a proposé de scinder la question ainsi : Y a-t-il<br />
eu guérison ? La guérison est-elle miraculeuse ?<br />
Monseigneur a demandé à l’assemblée si les deux faits cités<br />
par M. le Rapporteur lui paraissaient miraculeux et suffisamment<br />
prouvés. Sur seize membres qui composaient l’assemblée, treize se<br />
sont prononcés par l’affirmative, trois contre.<br />
M. le Rapporteur a lu le récit de trois autres miracles (3). La<br />
majorité les a acceptés comme respectables et de nature à produire<br />
une impression très favorable ; mais elle a paru juger que, s’ils<br />
étaient seuls, ils ne suffiraient pas pour établir une démonstration<br />
rigoureuse.<br />
Monseigneur lève la séance à trois heures.<br />
Mardi 30 novembre 1847<br />
362. DEUX ENTREFILETS DE L'UNIVERS, 15' année, n° 362,<br />
p. lcd - 2a<br />
Auteur : Louis Veuillot, qui a reproduit l’un et l’autre texte dans ses<br />
Mélanges (2. éd., t. III, Paris 1861, p. 52-57).<br />
(2) Malgré le caractère embarrassé de la rédaction, le sens de la phrase est clair. La<br />
majorité de la Commission rappelle que des miracles « rejetés » dans un procès de<br />
canonisation, i.e. non admis comme preuves dans un tel procès, peuvent être cités comme<br />
preuves à propos d ’une affaire comme celle de la Salette. En effet, il n'y a point « parité »<br />
entre les deux cas : dans l’un, il s’agit de proclamer un nouveau saint, dans l’autre, on se<br />
prononce seulement au sujet d ’un acte attribué à une sainte déjà universellement honorée<br />
dans l’Eglise.<br />
(3) Quels sont ces trois miracles ? — Si, parmi les guérisons énumérées dans le<br />
Rapport, on élimine celles que Rousselot a biffées, celles pour lesquelles il lui manque<br />
encore des précisions ou des pièces justificatives et enfin celle de V. Sauvet, qui sera<br />
présentée Ion de la septième Conférence, il reste, dans l’ordre du Rapport, les guérisons<br />
de Soeur Prouvèze, de Soeur Angélique Carbasse, de Soeur Saint-Antoine Granet, de<br />
Henriette Luya et de Sylvie Julien. Rousselot aura probablement présenté les trois premières<br />
de ce groupe.<br />
221
Doc. 362<br />
<strong>Documents</strong><br />
LE PREMIER ENTREFILET répond à la Gazette de la veille (doc. 356).<br />
Après avoir reproduit une partie de la citation de Fléchier et observé que « ce<br />
que la Gazette rapporte est fort sage », L. Veuillot rappelle que « ce n’est pas<br />
Y Univers qui a parlé de ce qu’il appelle en effet le miracle de la Sal/ette », mais<br />
un évêque, avec l’approbation de l’évêque responsable, qui « a pris lui-même, et<br />
nous l’avons dit, les précautions que Fléchier recommande ».<br />
Il reproche ensuite à la Gazette de ne souffler mot de tout cela et reproduit<br />
les deux derniers paragraphes de celle-ci, qu’il commente ainsi :<br />
[p. ld] La Gazette rentre ici dans la thèse politique des corpsfrancs<br />
et dans la thèse religieuse de M. le pasteur Athanase<br />
Coquerel. La pente est si forte ! Les corps-francs détruisent en<br />
effet les abus du moyen-âge, congrégations, pèlerinages, couvents,<br />
dévotions à la sainte Vierge et autres folies, par le feu. Ils règlent,<br />
comme on sait et comme on voit, l’exercice de la liberté religieuse ;<br />
ils pillent, ruinent et tuent les ultramontains pour leur apprendre<br />
à ne pas imposer leurs opinions (1). C’est un peu sévère ! La<br />
Gazette, si célèbre par son angélique charité, devrait s’en tenir<br />
aux moyens plus doux de M. le pasteur Coquerel. On sait que ce<br />
pieux chrétien, dans le saint désir qui le presse de faire rentrer<br />
dans l’Eglise les peuples qui en sont sortis, propose d ’en détruire<br />
les portes et d ’en abattre les murailles. [...]<br />
LE DEUXIÈME ENTREFILET répond au Conservateur (doc. 357) :<br />
[p. 2a] Une feuille ministérielle, qui ne vaut pas encore<br />
l’honneur d ’être nommée (2), déplore en termes touchants le tort<br />
que nous faisons « à la grande et sainte cause du christianisme et<br />
de l’Eglise catholique, en publiant tout au long le récit d ’un<br />
nouveau miracle. » Cette feuille demande ce que « diraient les<br />
Bonald, les Frayssinous, les de Maistre, eux qui, etc., « s’ils voyaient<br />
quelques jeunes hommes que rien n ’autorise vouloir aujourd’hui<br />
faire descendre jusqu’à eux ce qu’il y a de plus respectable et<br />
souiller de leurs exagérations factices la dignité du sanctuaire. »<br />
Ces quelques jeunes hommes que rien n ’autorise, on les connaît<br />
(3) ; mais la feuille ministérielle n ’en sait rien, non plus que<br />
la feuille gallicane, et poursuit son pathos : « Les esprits sont donc<br />
bien abaissés aujourd’hui, pour que ce qui fut défendu autrefois<br />
par des génies éminents se trouve maintenant livré aux entreprises<br />
de quelques intelligences grossières et aux visions d ’une ignorance<br />
ridicule. » Point d ’exclamation.<br />
~Le feuille ministérielle nous fait voir ensuite qu’elle a fréquenté<br />
les Saints-Pères. « Ce n’était pas ainsi que le [sic] Athanase, les 1<br />
(1) La même page de l’Univers contient un article intitulé « Les radicaux du Valais »,<br />
sur les atrocités commises par la «Jeune-Suisse ».<br />
(2) La Gazette de France du 30 novembre, p. 3b, indique qu’il s’agit du Conservateur.<br />
(3) Ce sont les rédacteur de l'Univers.<br />
222
2 décembre 1847 Doc. 367<br />
Ambroise, les Jérôme et les Augustin combattaient le paganisme<br />
expirant. » Nous demandons ce qu’en savent les éloquents écrivains<br />
? Mais bast ! [...]<br />
Mercredi 1" décembre 1847<br />
366. LA VOIX DE L ’ÉGLISE, n° du 1" décembre 1847, p. 184-<br />
185, 189 : compte rendu du Nouveau récit de Mgr Villecourt et<br />
annonce d ’un « miracle opéré à Blois » (*)<br />
Remarque. Noter les conclusions que la revue tire de la publication du livre<br />
écrit par l'évêque de la Rochelle, ainsi que de l’autorisation, accordée par<br />
l’archevêque de Lyon à l ’c association réparatrice », de s’établir dans son diocèse.<br />
[...] Ce que nous dirons, c’est qu’après une telle publication,<br />
qui nous fait espérer, d ’ailleurs, [p. 185] que celle de l’approbation<br />
de Mgr de Grenoble suivra de près, et qui nous assure que, à<br />
Rome même, on ne doute pas, il n ’est plus permis à un catholique<br />
d ’élever des doutes n ’y [sic] d’opposer des difficultés ; c’est que<br />
désormais nous n’aurons à combattre sur ce fait que ceux qui ne<br />
veulent pas de la réforme des mœurs demandée par la sainte<br />
Vierge.<br />
D ’autre part, on voit, dans ce numéro même (1), que S.E. le<br />
Cardinal-Archevêque de Lyon vient d ’approuver les prières de la<br />
religieuse de Tours, la Croix de Y Association réparatrice et la<br />
médaille avec leurs légendes, etc., et l’on sait que S.S. Pie IX a<br />
élevé l’Association à la dignité d ’Archiconfrérie, qu’il l’a enrichie<br />
d ’abondantes indulgences. Or, cette Association avec ses prières,<br />
etc., formait l’objet principal des révélations de Tours, qui reçoivent<br />
ainsi la plus haute consécration que jamais révélations aient reçues<br />
du vivant de leur auteur (2). Par là, les faits principaux racontés<br />
dans nos Avertissements du Ciel (3) sont mis hors de litige. Nous<br />
pourrons bientôt en ajouter d’autres.<br />
MjATHIEU]<br />
Jeudi 2 décembre 1847<br />
367. LETTRE DE M. DUPONT, « le saint homme de Tours », à<br />
l’abbé Mélin<br />
Original (4 p. en 1 f. pliée 20,5 cm x 26,5) : EG 116.<br />
[p. 3] L’écrit de Mgr de [sic] Villecourt est donc appelé à faire du<br />
bien [...]<br />
(*) 11 s’agit de la guérison de Joséphine Leblais, arrivée le 19-20 septembre.<br />
(lj Même numéro de la Voix de l'Eglise, p. 188-189.<br />
(2) La Voix de l'Eglise suit ici la version Le Brument (cf. l’introd. au doc. 259). On<br />
peut être certain que le Cardinal de Bonald, si soucieux de ne pas compromettre l’autorité<br />
ecclésiastique à propos de faits extraordinaires, n ’a pas eu l’intention d ’approuver, à propos<br />
de l'association réparatrice, des révélations venues de Tours ou d ’ailleurs.<br />
(3) Doc. 179 ; cf. aussi doc. 130 bis.<br />
223
■Doc. 367<br />
<strong>Documents</strong><br />
Je ne l'ai pas entièrement parcouru. A la page 81 j’ai cru<br />
reconnaître l’identité du personnage auquel Mgr fait allusion, avec<br />
le curé de Grenoble qui le 27 juillet vint sur la montagne éprouver<br />
ce qu’était une âme inspirée d ’en haut (*). Mélanie le fit tomber<br />
dans un grand embarras, en lui disant : Est-ce que vous essayez<br />
de comprendre un mystère. — J ’aimerais bien apprendre que le<br />
digne ecclésiastique, à qui tout le monde rend hommage à<br />
Grenoble, n ’a pas attendu tout ce qui se passe [?] maintenant<br />
pour modifier ses pensées [... ]<br />
Voilà l’œuvre contre le blasphème, établie à Grenoble, et<br />
malgré les provocations d ’un imprimeur de Paris, établie sur les<br />
bases de la révélation de Tours (**). [...]<br />
Samedi 4 décembre 1847<br />
368 bis. RAPPORT DU DR EDME GAGNIARD SUR LA GUÉRI<br />
SON D ’ANTOINETTE BOLLENAT<br />
Exemplaire signé par le docteùr (1 f. pliée 26 cm x 41) : EG 119. —<br />
Édition incomplète dans la Voix de l'Église, 1" février 1848, p. 213-214 ; même<br />
texte incomplet dans Vérité, p. 163-166 et GlRAYl, p. 203-206.<br />
Ci-dessous nous éditons intégralement le manuscrit de Grenoble.<br />
Je soussigné docteur en médecine de la faculté de Paris,<br />
demeurant à Avallon (Yonne) certifie avoir donné mes soins à<br />
Marie Antoinette Bolenat (1), depuis 1830 jusqu’en 1847, et avoir,<br />
pendant le cours de sa maladie qui a duré 19 à 20 ans, observé ce<br />
qui suit :<br />
Marie Antoinette Bolenat, âgée de 33 ans, d ’un tempérament<br />
lymphatique et sanguin, avoit eu une bonne santé jusqu’à l’âge<br />
de 12 ans ; à cette époque elle fut jet/ée par terre et accablée de<br />
coups par une femme qui, en même tenu, lui appuya violemment<br />
le genou sur la poitrine et sur la région épigastrique. A partir de<br />
ce moment, elle a toujours souffert de l’estomac et, un an après,<br />
1828, les vomissemens commencèrent et se continuèrent avec<br />
quelques rares intermittences (2), jusqu’en 1843. Depuis ce tenu<br />
les vomissemens n ’ont point cessé, c’est-à-dire que le moindre<br />
aliment, une cuillerée de lait, \ de bouillon, / d’eau même étoit,<br />
[biffe': rejetée] presque toujours, rejetée [biffé: elle n ’a jamais<br />
pris depuis cette dernière époque de bouillon sans le rejet/er<br />
immédiatement.]<br />
(*) M. Dupont s’était trouvé à la Salette en même temps que l’abbé Cartellier, curé<br />
de Saint-Joseph. Mgr Villecourt semble faire plutôt allusion au vicaire général Berthier (cf.<br />
doc. 223).<br />
(**) M. Dupont semble ignorer que l’imprimeur de Paris suit les directives de Mgr<br />
Parisis, de qui dépend l’archiconfrérie réparatrice (cf. doc. 259).<br />
(1) Le présent document orthographie toujours ce nom avec un seul /.<br />
(2) Le document renvoie ici à une 1" note marginale, que nous reproduirons plus<br />
loin, à la suite du texte.<br />
224
4 décembre 1847 Doc. 368 bis<br />
En 1840 les douleurs de l’estomac devinrent intolérables au<br />
moindre contact ; à peine la main effleuroit-elle la peau de cette<br />
région qu’une syncope produite par la douleur, se manifestoit. Je<br />
profitai d ’une de ces syncopes pour palper la région épigastrique<br />
où je découvris alors une tumeur grosse comme un œuf de poule ;<br />
cette tumeur alla toujours en augmentant, et dans ces derniers<br />
temps elle occupoit la région épigastrique entière et tout l’hypocondre<br />
gauche. Cette tumeur n ’offroit aucun des caractères d’un<br />
anévrisme, je la crus squirreuse (3).<br />
Les syncopes devinrent de plus en plus fréquentes et [p. 2]<br />
longues. Elles se renouvelèrent jusqu’à 10, 20, 30 fois dans les<br />
24 heures durant, de dix minutes à une deux et même, une fois,<br />
trois heures, et cela, au moindre mouvement soit qu’on soulevât<br />
un peu la malade ou qu’on la changeât de lit, soit qu’elle eût un<br />
accès de toux un peu plus fort qu’à l’ordinaire, ou qu’elle éprouvât<br />
la plus petite émotion morale.<br />
Il survint aussi vers 1847 une toux incessante qui ne lui laissoit<br />
pas une seule seconde de repos. Cette toux qui fut toujours le<br />
plus grand tourment de la malade et par elle-même et par les<br />
douleurs d ’estomac qu’elle renouveloit sans cesse, dura trois mois<br />
entiers, la première fois qu’elle se manifesta, malgré toute espèce<br />
de médications : opiacés, allérants [?], antispasmodiques etc., etc.<br />
Enfin elle céda comme par enchantement à une saignée que la<br />
malade avoit toujours refusée jusque-là. Depuis lors, à chaque<br />
retour de cette toux, une petite saignée qui n ’étoit sur la fin que<br />
de deux ou trois cuillerées en faisoient justice. — J ’ai pratiqué<br />
ainsi {biffé : dix à douze] \ 24 / saignées {biffé : par an] les deux<br />
dernières années jusqu’en 1847.<br />
Les douleurs, le séjour au lit depuis 3 ans, la diète absolue<br />
avoient réduit la malade à un état de maigreur et de faiblesse<br />
extrême. Sa voix éteinte ne dépassoit plus le bord des lèvres ;<br />
fièvre, sueurs nocturnes, douleurs épigastriques atroces, figure<br />
hippocratique (4). Depuis 8 jours, on n ’avoit pu changer la malade<br />
de lit ; je voulus palper encore une fois la tumeur qui occupoit la<br />
partie supérieure et latérale gauche du ventre ; mais la douleur<br />
fut si vive que je dus y renoncer (5) et que je quittai la malade<br />
pendant la syncope en prévenant les parens que je ne voulois plus<br />
rien faire, que tout remède étoit inutile, et qu’il falloit laisser<br />
mourir cette pauvre fille en repos, ce qui ne pouvoit tarder. Tel<br />
étoit l’état où se trouvoit A. Bolenat le 19 novembre 1847. Je n ’y<br />
retournai pas le 20 ; mais le 22 on vint me dire que le 21 au soir<br />
elle étoit guérie.<br />
(3) Squirre : tumeur dure, indolore.<br />
(4) Figure hippocratique : figure qui ressemble à celle d’un moribond.<br />
(5) 2' note marginale (voir plus loin).<br />
225
Doc. 368 bis<br />
<strong>Documents</strong><br />
Je ne crus pas d’abord à cette guérison, mais le lendemain<br />
23, quand dès le matin je vis ma malade levée, venant au-devant<br />
de moi avec un air de bonheur indicible, restant sur ses jambes<br />
tout le tenu de ma visite, me parlant avec force [p. 3] et énergie,<br />
me disant que le 21 novembre à 6 h du soir elle s’étoit levée<br />
seule, sans aide, avoit mis ses bas (6), s’étoit présentée devant ses<br />
parens stupéfaits, avoit mangé le soir deux potages gras et des<br />
légumes, s’étoit endormie sur son côté gauche sur lequel elle ne<br />
s’étoit pas couchée depuis 10 ans, avoit dormi toute la nuit ; que<br />
le lendemain 22 elle avoit fait quatre repas dont deux se<br />
composoient de saucisses et de côtelettes, avoit passé la journée<br />
entière jouissant d ’une parfaite santé, recevant et reconduisant<br />
toutes les personnes qui venoient la voir ; que ce même jour elle<br />
étoit restée jusqu’à 11 h 1/2 du soir à m ’attendre, que la nuit<br />
avoit été excellente ; quand dis-je le surlendemain 23, je la vis<br />
dès le matin occupée à prendre une tasse de lait au café avec force<br />
pain, que je la trouvai sans douleur dans le ventre, digérant tout,<br />
ne vomissant rien, quand enfin j’eus palpé avec force et avec le<br />
plus grand soin les régions abdominales naguère si douloureuses,<br />
quand surtout, je ne sentis plus la tumeur (7), il fallut bien me<br />
rendre à l’évidence des faits.<br />
Depuis cette époque A. Bolenat marche, mange et dort<br />
comme on le fait en parfaite santé.<br />
RÉSUMONS<br />
1“ Depuis 17 ans A. Bolenat<br />
vomissoit tout ce qu’elle mangeoit,<br />
digéroit à peine quelque cuillerée de<br />
lait ou de bouillon ; les 3 derniers<br />
mois jusqu’au 21 nov. elle ne digéroit<br />
plus rien.<br />
2° Depuis 3 ans A. Bolenat n’a<br />
pas marché, est restée couchée sur<br />
son dos, pouvant à peine \ faire /<br />
exécuter quelques légers mouvemens<br />
à ses membres inférieurs.<br />
[p. 4] 3° Depuis 10 ans A. Bolenat<br />
ne pouvoit se coucher sur son côté<br />
gauche, étoit presque entièrement<br />
privée de sommeil.<br />
1° Le 21 nov. à 6h du soir sans<br />
transition aucune, sans qu’aucune<br />
crise se soit manifestée, elle mange<br />
et digère très bien un fort potage,<br />
des légumes et des fruits.<br />
2° Le 21 nov. A. Bolenat se lève,<br />
met ses vêtements, ses bas, se promène<br />
dans sa chambre.<br />
3° Le 21 nov. A. Bolenat se couche<br />
sur le côté gauche et dort toute la<br />
nuit.<br />
226<br />
(6) y note marginale (voir plus loin).<br />
(7) 4' note marginale (voir plus loin).
4 ° Depuis 19 ans, les douleurs<br />
d’estomac insupportables sur la fin,<br />
n’avoient jamais cessé.<br />
5 ° Depuis 7 ans une tumeur<br />
énorme existoit à la partie supérieure<br />
moyenne et latérale du ventre et<br />
depuis longtemr je n’employois plus<br />
aucune espèce de médications soit<br />
pour guérir cette tumeur, soit pour<br />
en arrêter le développement.<br />
6° Le 19 novembre 1847 A. Bolenat<br />
présentoit tous les symptômes d’une<br />
mon prochaine.<br />
6 décembre 1847 Doc. 369<br />
4° Le 21 nov., il ne reste plus<br />
aucune douleur \ ni / à la région<br />
épigastrique, \ ni à aucune autre partie<br />
de l’abdomen. /<br />
5 ° Le 21 nov. la tumeur a complètement<br />
disparu (8).<br />
6° Le 21 novembre et jours suivants<br />
nous l’avons vue pleine { b i f f é : de<br />
joie et] de santé (9).<br />
En foi de quoi j’ai délivré le présent certificat que je déclare<br />
sincère et véritable.<br />
Avallon 4 déc. 1847<br />
NOTES MARGINALES<br />
GAGNIARD d.m.P[aris (?)]<br />
(1) Ces intermittences étoient de 15 à 20 jours, trois ou quatre<br />
fois l’année.<br />
(2) Je me suis repenti depuis de n’avoir pas profité de cette<br />
syncope pour explorer la tumeur comme je le faisois d ’habitude,<br />
mais je ne doutois nullement de la présence de cette tumeur qui<br />
existoit depuis 7 ans, qui avoit été toujours en augmentant et que<br />
j’avois palpée et explorée il y a à peu près 3 ou 4 mois.<br />
(3) Depuis près de 3 ans les membres inférieurs ne pouvoient<br />
faire aucune mouvement. Quand on mettoit la malade sur un<br />
fauteuil une personne étoit obligée de soulever les jambes pour<br />
présenter les pieds au feu.<br />
(4) Aucun mouvement critique aucun écoulement quelconque<br />
purulent ou autre n’avoit eu lieu par aucune voie.<br />
Lundi 6 décembre 1847<br />
É v é n e m e n t. Septième Conférence à l’évêché.<br />
* 369. PROCÈS-VERBAL DE LA SEPTIÈME CONFÉRENCE à<br />
l’évêché de Grenoble<br />
Manuscrit de la main du chanoine Chambon (1 f. pliée 30,5 cm x 40) :<br />
EGD 82.<br />
(8) La Voix de l'Eglise, la Vérité, GlRAY ainsi que le Rapport Chanveau (doc. 509,<br />
p. 11 : extrait du présent certificat) ajoutent ici le contenu de la 44m' note marginale.<br />
(9) Légère inexactitude : d ’après le texte principal, le docteur Gagniard ne revit<br />
Antoinette que le 23 novembre.<br />
227
Doc. 369<br />
<strong>Documents</strong><br />
Septième Conférence<br />
sur l’événement de la Salette<br />
6 déc. 1847<br />
M. le Rapporteur lit plusieurs pièces relatives à la guérison de<br />
l’aveugle de Lalley (1).<br />
On oppose 1° le silence des médecins ; 2° l’opinion d ’une<br />
personne respectable de Corps (2), qui ne croit pas à ce miracle,<br />
bien que d ’ailleurs, elle professe une croyance entière au fait de<br />
l’apparition ; 3° une guérison analogue d ’Eybens (3).<br />
La majorité reprend 1° que le silence des médecins ne peut<br />
avoir aucune valeur contre le fait, parce que, en général, dans cet<br />
ordre de choses surnaturelles, ils ne consentent presque jamais à<br />
prêter leur concours, et que nous avons d ’ailleurs une multitude<br />
de témoignages capables de produire la conviction, en dehors des<br />
certificats de médecins.<br />
2° que l’opinion d’une personne, quelque respectable qu’elle<br />
soit, est d’un bien faible poids, contre cinquante autres non moins<br />
dignes de confiance.<br />
3° que la guérison de l’aveugle d’Eybens peut être miraculeuse<br />
aussi, et que dans tous les cas, on n ’y retrouve pas certaines<br />
circonstances essentielles qui recommandent la guérison de l’aveugle<br />
de Lalley. \verso] Monseigneur consulte l’assemblée. Le fait<br />
est unanimement accepté, sinon comme guérison certainement<br />
miraculeuse, au moins comme guérison extraordinaire (4).<br />
M. le Rapporteur lit des considérations générales écrites avec<br />
beaucoup de chaleur et de sentiment, sur les merveilles opérées<br />
dans l’ordre moral, à la suite de l’apparition (5). Un membre y<br />
ajoute l’exemple frappant {biffé: d ’une] de la (6) paroisse {biffé:<br />
des montagnes voisines] de \ Corps /, où on n ’avait pas vu un<br />
seul homme, le jour même de l’Ascension, un an auparavant (7), 1<br />
(1) Victorine Sauvet. Nous avons dit plus haut, p. 144-146, ce qu’il fallait penser de<br />
cette guérison. Ajoutons qu’au début de novembre le curé de Lalley avait transmis à Mgr<br />
de Bruillard les doutes que le patron de Victorine et le médecin traitant avaient exprimés<br />
au sujet de cette cécité (doc. 313, 316 et 324).<br />
(2) Il s’agit de Marie Aglot, qui avait été guérie elle-même l’année précédente par<br />
l’eau de la Salette (cf. LSDA I, p. 55). Sa belle-fille, qui portait le même nom, était un<br />
des signataires du procès-verbal de la guérison contestée (doc. 291). Rousselot {Vérité,<br />
p. 28) a confondu les deux. D’après Mélin, belle-mère et belle-fille auraient toutes deux<br />
cru au miracle (doc. 374).<br />
(3) Eybens : commune dans la banlieue sud de Grenoble.<br />
(4) Réponse à laquelle même les opposants peuvent souscrire : une guérison peut sortir<br />
du commun, sans être pour autant miraculeuse.<br />
(5) Doc. 310, p. 26-28 = Vérité, p. 192-195.<br />
(6) « de la » : mots écrits par-dessus « d'une ».<br />
(7) Nous n'avons jamais rencontré cette affirmation sous la plume du curé de Corps.<br />
Noter que les corrections aboutissant à « de la paroisse de Corps » sont peut-être d ’une<br />
autre main que de celle de Chambon, le rédacteur du procès-verbal. Le texte primitif<br />
parlait simplement « d ’une paroisse voisine », sans préciser laquelle. On rencontre le même<br />
vague à propos de la région de Corps dans un texte préparé par Rousselot au début de<br />
l’année 1848 (doc. 395, p. 1).<br />
228
9 décembre 1847 Doc. 372<br />
et qu’ils fréquentent maintenant avec édification. Monseigneur,<br />
pour appuyer ces observations, rappelle que plusieurs personnes<br />
racontent qu’elles se sont senties vivement et involontairement<br />
émues, et que leurs larmes ont coulé, quand elles sont arrivées sur<br />
le lieu de l’événement.<br />
M. le Rapporteur reprenant sa lecture, présente la solution<br />
des trois premières objections du rapport ; à savoir 1° sur<br />
l’inconvenance du langage ; 2° sur le défaut de sagesse dans les<br />
conseils qui recommandent de ne pas semer ; 3° sur l’exagération<br />
des promesses qui annoncent des monceaux de blé et de pommes<br />
de terre (8).<br />
Il est trois heures, Monseigneur lève la séance.<br />
Mercredi 8 décembre 1847<br />
ÉVÉNEMENT. A Avallon (Yonne), guérisons de Pierrette Gagnard et de Louise<br />
Boblin. Pierrette Gagnard, âgée de 32 ans, atteinte depuis cinq mois de cécité<br />
complète, avec céphalalgie frontale et plusieurs attaques de paralysie, guérit le<br />
dernier jour d’une neuvaine à N.D. de la Salette. Dossier : EG 119 ; Vérité,<br />
p. 166-181 ; Nouveaux documents, p. 127-137 ; GlRAY II, p. 307-308. Ces deux<br />
guérisons furent présentées à la Commission d’enquête chargée également<br />
d’examiner la guérison d’Antoinette Bollenat, mais, à la différence de cette<br />
dernière, elles n’aboutirent pas à un jugement épiscopal. On verra plus loin<br />
(doc. 509) pourquoi.<br />
Jeudi 9 décembre 1847<br />
372. LETTRE DE PIERRE PEYTARD, maire de la Salette-Fallavaux,<br />
au chanoine Rousselot<br />
Original (1 f. pliée 22,5 cm x 31) : EGD 84.<br />
Cachet postal : Corps, 12 décembre 1847.<br />
Monsieur le Vicaire Général,<br />
La Salette-Fallavaux, le 9 décembre 1847<br />
Vous m’avez fait l’honneur de m ’écrire le 24 nov. dernier<br />
me disant que Mgr l’Evêque vous ayant nommé Rapporteur dans<br />
l’affaire de la Salette vous aviez besoin de recueillir tous les<br />
renseignements qui se rattachent à ce fait important et vous me<br />
posez à cet égard, Monsieur le Vicaire Général, diverses questions<br />
auxquelles je réponds de la manière suivante :<br />
Sur la 1" question, Monsieur le Vicaire Général, je dis que je<br />
ne crois pas qu’il se trouve de personne plus dans le cas que vous<br />
d ’avoir pu apprécier en questionnant ces Enfants sur les lieux<br />
1° S’ils peuvent être trompeurs ou soit-il [sic] inventeurs de leur<br />
(8) Doc. 310, p. 30-31 = Vente', p. 203-206.<br />
229
Doc. 372<br />
<strong>Documents</strong><br />
récit, 2° S’ils ont pu le concerter, 3° Et enfin s’ils peuvent être<br />
dupes de quelque mystification.<br />
Sur la 2' question, je dis que depuis le 20 sept. 1846 jour où<br />
je fis subir un interrogatoire minutieux à ces Enfants (1), je n ’ai<br />
reconnu aucune variation dans le récit qu’ils débitent depuis près<br />
de quinze mois.<br />
Sur la 3' question je dis et j’affirme qu’aucune espèce de<br />
désordre n ’a eu lieu parmi la foule des pèlerins qui se transporta<br />
sur la montagne [verso\ le 19 septembre dernier ; que tout au<br />
contraire se passa dans un ordre on ne peut mieux parfait. A mon<br />
témoignage on peut y ajouter celui de la Brigade de Gendarmerie<br />
de Corps qui, ce jour-là, se transporta sur la montagne et y<br />
demeura constamment pendant toute la journée.<br />
Et enfin en dernier lieu, Monsieur le Vicaire Général, je dis<br />
qu’on peut ajouter foi aux dépositions de Baptiste Pra et de Pierre<br />
Selme, anciens maîtres de ces Enfants ; ils sont braves gens et je<br />
les crois incapables de mentir.<br />
Voilà, Monsieur le Vicaire Général, tous les renseignements<br />
que je puis vous fournir dans cette affaire.<br />
Je suis...<br />
Le Maire de la Salette-Fallavaux<br />
P. PEYTARD<br />
* 374 bis. MANUSCRITS LAGIER N.6 et N.7 : MSG 83 et 86<br />
Editions : voir LSD A I, p. 278.<br />
Manuscrit n° 6 (1 p.) : résumé des trois premières pages du premier<br />
interrogatoire de Mélanie par Lagier (doc. 96). Il est impossible de dater ce<br />
manuscrit, qui a pu être écrit en mars 1847 comme aussi plus tard, voire peu<br />
avant le décès de Lagier en 1859-<br />
Manuscrit n° 7 (7 p.): première partie du récit de Mélanie, jusqu’à<br />
« ensemensas per las terras » (doc. 96, v. 78). Ce manuscrit, plus développé par<br />
endroits que le doc. 184 bis, semble postérieur à celui-ci et antérieur au doc. 375.<br />
Cf. P. Andrieux, M.S., dans A p T II, p. 100-101.<br />
* 375. NOTES ET RÉCITS EXTRAITS DES NOTES DE L’ABBÉ<br />
LAGIER<br />
Manuscrit de la main de l’abbé Auvergne, pro-secrétaire à l’évêché de<br />
Grenoble (10 f. recto-verso dont 9 numérotées, 22 cm x 14) : EGD 31-35.<br />
Rousselot a marqué sur l’enveloppe : « N otes extraites de la Relation de M' 1<br />
(1) En réalité, le 20 septembre Peytard n ’a pu interroger que la seule Mélanie (cf. la<br />
Note critique ajoutée au doc. 305).<br />
230
Avant le 13 décembre 1847 ? Doc. 375<br />
l'Abbé Lagier [...]. M’ Lagier, natif de Corps, était dans son pays en février<br />
1847, et pendant 15 à 18 jours consécutifs il n’a cessé d'interroger les deux<br />
bergers. » — Edité dans Relations, n° 1177-1365. ‘<br />
Auteur. Il nous paraît plus probable que Lagier ait lui-même composé ce<br />
texte, qui est peut-être la « petite note » promise dans sa lettre du 22 novembre<br />
(doc. 345), et qu’Auvergne se soit borné à copier.<br />
Date. Ce manuscrit, dont a été tiré une partie du récit de Mélanie publié<br />
dans la Vérité, est peut-être antérieur à la première révision du Rapport Rousselot<br />
(doc. 376).<br />
Contenu. Evénements ayant précédé et suivi le discours (f. 1-3 : EGD 31).<br />
— Le discours d’après Mélanie (f. 4-5 : EGD 32). — Le discours d’après Maximin<br />
(f. 6-7 : EGD 33). — Notes diverses (f. 7-9 : EGD 34). — Questions à Mélanie<br />
et réponses (f. 10 : EGD 35).<br />
On trouve l’équivalent dans les manuscrits Lagier conservés (*). La matière a<br />
cependant subi un traitement : les notes primitives offraient l’aspect d’un procèsverbal<br />
d’interrogatoire ; ici, mises à part les Notes du manuscrit EGD 34, on a<br />
plutôt affaire à un récit continu (**).<br />
Ci-dessous nous reproduisons les quelques détails du manuscrit EGD 34 qui<br />
paraissent absents des manuscrits autographes de Lagier conservés.<br />
[f. 7 verso\ Il [Maximin] pense que leur sommeil a duré une<br />
heure ou une heure 1/2 (L’apparition 8 ou 10 minutes.)<br />
[f. 8 recto...] \ Quand l’ont-ils vue (1) ? — Le lundi ?<br />
Maximin crut la voir fluer le même jour [?] Mélanie n’assure<br />
pas qu’elle soit merveilleuse, mais d ’autres le disent. / [...]<br />
Quand la stc Vierge leur a dit d ’avancer, ils étoient presque<br />
arrivés au fond de la combe. [...]<br />
Le soir Mélanie, s’entretenant avec Maximin disoi^/zt : ce qui<br />
étoit le plus joli, c’étoit la chaîne et la croix (2).<br />
[f. 8 verso...] En pleurant [...] \ elle ne faisoit point des<br />
sanglots / [... ]<br />
Et j’ai pensé Oh ! que male [?] de garcious [?] que batia sa<br />
maïre [...]<br />
[f. 9 verso] Plus tard, étant au couvent, Maximin a dit \\ à<br />
Mélanie : si tu me dis le tien, moi je te dis le mien. Et en<br />
particulier Maximin dit à la sœur que c’étoit pour le lui faire dire,<br />
mais [?] quand il le sauroit, le sien lui passeroit loin du nez (3). //<br />
(*) Le début du manuscrit EGD 31 (faits antérieurs au discours) correspond au<br />
doc. 374 bis, n° 7. La suite de ce manuscrit ainsi que EGD 32 et 35 correspondent au<br />
doc. 96. EGD 33 correspond au doc. 105. Les notes de EGD 34 correspondent, à quelques<br />
détails près, au doc. 184 bis.<br />
(**) Le manuscrit d ’Auvergne est accompagné d'un schéma de l’apparition de la main<br />
de Lagier (EGD 36 : copie du doc. 108, reproduite dans BASSETTE, entre les pages 60 et<br />
61).<br />
(1) Cette question concerne la source de l’apparition.<br />
(2) Dans le doc. 99, v. 3, il était question du fichu au lieu de la chaîne.<br />
(3) Même idée dans doc. 99, v.10, mais dans un style moins imagé.<br />
231
Doc. 376<br />
<strong>Documents</strong><br />
* i l 6. PREMIÈRE RÉVISION DU RAPPORT ROUSSELOT<br />
(doc. 310)<br />
Cahier EG 12, p. 1-38 sommet, corrections et additions ; p. 38 bas - 46,<br />
texte. De ia main de Rousselot, à l’exception de quelques rares corections de la<br />
main de l’évêque, ajoutées probablement plus tard. — Au texte des p. 38-46<br />
correspond Vérité, p. 215-223.<br />
Date. D ’après le contenu, cette première révision fut terminée avant la<br />
dernière des Conférences (13 décembre 1847). Les documents mentionnés dans<br />
les additions avaient tous été reçus pendant le déroulement de celles-ci.<br />
Ci-dessous nous reproduisons — en le résumant parfois — uniquement le<br />
texte des p. 38-46. Rappelons que diverses corrections et additions marginales<br />
ou interlinéaires des p. 1-38 ont été reproduites plus haut, avec le Rapport<br />
primitif. Quant aux corrections ou additions apportées ultérieurement au texte<br />
des p. 38-46, nous ne les avons pas écartées, et cela pour le motif exposé à<br />
propos du doc. 310 (voir p. 165).<br />
[p. 38] 10' OBJECTION. La plupart des faits miraculeux [...]<br />
ont eu lieu sur des femmes et sur des Religieuses. Or, qui ne sait<br />
le rôle que l’imagination et les nerfs jouent dans les personnes du<br />
sexe ?<br />
RÉP. 1° On peut citer des guérisons opérées sur des hommes,<br />
entre autres, celle du maréchal ferrant, guéri d’une tumeur au<br />
côté, que les médecins jugeaient dangereuse, et qu’aucun remède<br />
n ’avoit pu faire disparaître (1).<br />
[Autres réponses, p. 38-39 : des guérisons comme celles de Sœur Saint-<br />
Charles ou Mélanie Gamon n’ont aucun lien avec l’imagination ; les femmes<br />
étant en général plus pieuses que les hommes, il n’est pas étonnant qu’elles<br />
obtiennent davantage de grâces ; etc.].<br />
[p. 40-41] il' O b je c t io n [le silence de Maximin et de Mélanie à propos de<br />
l’apparition, devant les autres enfants, l’après-midi du 19 septembre (2)].<br />
[p. 41] 12' OBJ. [...] que les garçons mettoient dans leurs<br />
poches des pierres ou autres projectiles pour les jeter aux filles [le<br />
dimanche à la messe. — Au début, les deux bergers mettaient ce<br />
reproche sur les lèvres de la Dame.] Comment s’est faite cette<br />
addition (3) ? Pourquoi a-t-elle été retranchée ? Il y a plus :<br />
Quelques personnes ayant interrogé Maximin plus tard sur cette 1<br />
(1) Rousselot veut sans doute parler de Paul Reynier (cf. supra, p. 103),qu’il confond<br />
ici avec un marréchal-ferrant qui, en réalité, souffrait d ’une maladie du foie. L’abbé<br />
Terrasson, curé de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence), chargé par l’évêque de Digne<br />
d ’enquêter sur les guérisons arrivées dans sa région, informa Rousselot par une lettre datée<br />
du 1er décembre 1847 (doc. 365) que le maréchal-ferrant avait rechuté à la suite<br />
d ’imprudences.<br />
(2) On peut lire dans le procès-verbal de la troisième Conférence (doc. 339) l’essentiel<br />
de la réponse donnée par Rousselot.<br />
(3) Objection soulevée dès la première Conférence (cf. doc. 332 et 338).<br />
232
Avant le 13 décembre 1847 Doc. 376<br />
circonstance des pierres jetées aux filles dont il ne parloit plus, et<br />
lui ayant demandé s’il n ’en avoit point parlé dans ses premières<br />
dépositions, Maximin leur auroit dit que non, et par conséquent<br />
aurait menti. De tout ceci on veut faire ressortir : 1° Une<br />
contradiction dans le [p. 42] récit de Maximin ; 2° Un mensonge<br />
dit à quelques personnes qui assurent l’avoir entendu sortir de sa<br />
bouche.<br />
RÉPONSE AU REPROCHE DE CONTRADICTION<br />
1° Cette addition laisse absolument intact le principe mis en<br />
avant par la Dame, et constamment répété par les enfants : Ils<br />
vont à l'Eglise pour se moquer de la Religion. Cette addition n ’est<br />
donc qu’un simple développement, qu’une pure application locale<br />
du principe ; mais il est impossible d’y découvrir une vraie<br />
contradiction.<br />
2° Si quelques-unes des premières relations attribuent aussi<br />
\\ ou paraissent attribuer // l’addition à Mélanie, il est juste<br />
d ’observer que ces relations ne donnent point séparément le récit<br />
de chaque enfant et que des deux elles n’en font qu’un (4).<br />
3° Mr \\ Mélin // curé de Corps, interrogea séparément les<br />
deux enfants dans la semaine qui suivit l’apparition ; [ils ne lui<br />
parlèrent point] de ces pierres jetées. Ce ne serait donc que plus<br />
tard que cette circonstance serait entrée dans le récit de Maximin (5).<br />
\\[... (6)]//<br />
4° Maximin et Mélanie, interrogés séparément, à des jours<br />
différents ont été parfaitement d ’accord sur trois choses : 1) que<br />
Maximin \ seul / avoit fait cette addition ; 2) que cette addition<br />
n ’étoit point de la Sainte Vierge ; 3) enfin que Mélanie l’entendant<br />
un jour sortir de la bouche de Maximin, elle lui dit : Q u’est-ce<br />
que tu dis là ? Est-ce que la Ve Vierge a parlé de cela ? [... ]<br />
50 Maximin interrogé sur le motif de son addition a répondu<br />
deux choses :<br />
La première, que dans son récit, il étoit plus occupé de la<br />
vue et de l'habillement de la belle Dame que de ce q u ’il disoit.<br />
Cette préoccupation de Maximin, surtout dans les premiers temps,<br />
est très-vraisemblable ; il est presque impossible que l’apparition<br />
si extraordinaire, n’ait laissé dans son esprit des traces profondes,<br />
qui ont dû se reproduire chaque fois qu’il a été appelé pour faire<br />
son récit. Il avoit à peine onze ans, et qui ne sait combien sont<br />
vives [p. 43] et durables les impressions du jeune âge ?<br />
(4) La distinction faite ici par Rousselot entre deux groupes de relations est capitale<br />
pour la critique des témoignages. Sur les relations contenant l’addition, voir doc. 331,<br />
note 1.<br />
(5) Témoignage de Mélin du 19 décembre 1846 (doc. 52, LSDA I, p. 206-207).<br />
(6) Dans la marge, Rousselot résume la lettre Lagier du 22 novembre (doc. 345).<br />
233
Doc. 376<br />
<strong>Documents</strong><br />
La seconde chose répondue par Maximin, c’est qu’il entendoit<br />
faire bien des commentaires, bien des applications sur cet endroit<br />
de son récit ; on lui faisoit ratifier et approuver ces commentaires,<br />
ces applications par un simple oui \\ et on\ les / inséroit dans la<br />
relation comme partie du texte. // Le désordre connu et commun<br />
dans la localité devoit naturellement se présenter à l’esprit des<br />
habitants qui questionnoient les enfants, et les porter à {biffé :<br />
s’enquérir si] \ croire que / la Ste Vierge en disant, ils ne vont à<br />
l ’Eglise que pour se moquer de la Religion, avoit [biffé : n ’avoit pas<br />
nommément] \ voulu sans doute / désigner \\ particulièrement //<br />
l’abus d ’y jeter des pierres. De là, Maximin auroit pris légèrement<br />
à la vérité, mais assez innocemment l’addition faite à son récit.<br />
{Interrogatoire de Maximin par Rousselot (7) qui demande si<br />
l’on n ’a pas voulu ajouter au récit des choses que la Dame n ’avait<br />
pas dites.]<br />
Maximin, Oui, Monsieur. Des femmes ou filles ont voulu me<br />
soutenir que la Stc Vierge m’avoit parlé de la danse et des mauvaises<br />
confessions.<br />
Moi : Eh bien ! qu’as-tu \ dit / à ces femmes ?<br />
Maximin : Je leur ai dit que la S" Vierge n ’avoit pas dit cela.<br />
Et comme elles vouloient que la S" Vierge en eut parlé, je m’en<br />
suis allé en disant : Comme vous voudrez. [... ]<br />
RÉPONSE AU REPROCHE DE MENSONGE<br />
Les maîtres des enfants certifient qu’ils n’ont jamais remarqué<br />
que le mensonge fût un vice dominant chez les enfants. C’est la<br />
déposition de Baptiste Pra en particulier (8). Le 15 nov. au soir,<br />
je fis venir Maximin chez moi, et, en présence d’un autre prêtre,<br />
je lui fis les questions suivantes :<br />
Moi : On m’a dit qu’avant l’Apparition de la Dame tu étois<br />
bien menteur ?<br />
Maximin , en souriant et d ’un ton de candeur : on ne vous a<br />
pas trompé, on vous a dit vrai ; je jurois aussi après mes vaches en<br />
leur jetant des pierres lorsqu’elles [p. 44] s’écartoient.<br />
Moi : Et depuis l’apparition, continues-tu à mentir, à jurer ?<br />
Maximin : Oh ! non, je ne le fais plus, je ne le ferai plus ;<br />
c’est mal.<br />
[Le don de prophétie et le don des miracles n ’empêchent pas<br />
de tomber dans quelque faute].<br />
Ceux qui accusent Maximin de mensonge, ont-ils lu dans le<br />
moment ce qui se passoit au fond de son âme ? Ne se sont-ils pas<br />
(7) « lors de la tenue des conférences », précise Rousselot dans la Vérité, p. 220.<br />
(8) Lettre Perrin du 17 novembre (doc. 340).<br />
234
13 décembre 1847 Doc. 377<br />
trop pressés de prendre pour un mensonge ce qui étoit peut-être<br />
une simple erreur ? Prévenus contre les enfants, contre leur récit,<br />
[biffé : peut-être] \\ et // contre la nouveauté du fait, ont-ils<br />
interrogé ces enfants avec le calme, [biffé : ou] la douceur, [biffé :<br />
et même] l’indulgence et même les égards que l’on doit à ceux<br />
que l’on suppose être dans l’erreur, dans l’illusion, victimes de la<br />
fraude et de la supercherie ? Car il n ’est guère possible<br />
\ d’imaginer / que les bergers \\ de la Salette //, ignorants,<br />
grossiers, et tels que tout le monde les trouve après un moment<br />
d ’observation, aient ourdi d’eux-mêmes la fable qu’on leur prête,<br />
qu’ils aient été sciemment trompeurs. La vérité s’obtient par la<br />
sagesse de ceux qui la recherchent. Or, on aurait interrogé des<br />
[p. 45] enfants abusés comme des criminels déjà convaincus (9)<br />
[ - ] Depuis quatorze \ seize / mois, Maximin et Mélanie sont<br />
interrogés continuellement et sur le fond et sur les accessoires de<br />
l’apparition. [...] Trois ou quatre personnes croient avoir fait<br />
tomber Maximin en contradiction sur une circonstance accessoire<br />
au fait principal. Mais si ces enfants avoient inventé le fait, ou s’il<br />
[sic] l’avoit appris d’un habile fourbe, n ’auroient-ils pas été pris<br />
mille fois au dépourvu ? [...] L’objection se [p. 46] tourne en<br />
preuve [...].<br />
Lundi 13 décembre 1847<br />
ÉVÉNEMENT. Huitième et dernière Conférence à l’évêché de Grenoble.<br />
377. NOTES SUR LA HUITIÈME CONFÉRENCE à l’évêché de<br />
Grenoble<br />
Notes de la main du chanoine Chambon (1 f. 30 cm x 20,5) : EGD 83.<br />
Date. Le secrétaire de la Commission a probablement pris ces notes au cours<br />
même de la Conférence.<br />
Contenu. Il correspond aux objections 4 à 12 du Rapport Rousselot (doc. 310<br />
et 376 : cahier EG 12, p. 29, 38-40 ; texte plus élaboré dans Vérité, p. 206-223).<br />
Renseignements complémentaires donnés par Rousselot : « Cette séance est<br />
consacrée à la lecture des objections, dont les solutions sont adoptées à la trèsgrande<br />
majorité » (Vérité, p. 28).<br />
4° obj[ection] Les prophéties n ’ont pas été accomplies.<br />
Pommes de terre. \ On oppose qu’elles étaient gâtées, et que par<br />
conséquent ce n’était pas une prophétie (1). / = C'est à cause de *1<br />
(9) Tout ce passage vise en particulier Cartellier, qui, à en juger d’après sa propre<br />
Réponse, fut en effet un enquêteur exaspérant. Les questions qu’il posa au sujet de la<br />
« dame en noir » (cf. doc. 341, note 2), durent mettre la patience de Maximin à rude<br />
épreuve (Réponse, p. 10-11).<br />
(1) La disette avait en effet commencé l’hiver précédent (cf. LSDA I, p. 8), mais le<br />
discours de la Salette le laissait entendre : «Je vous l'ai fait voir l’année dernière... »<br />
(doc. 175, v. 10). — Les mots qui suivent l’objection sont la réponse.<br />
235
Doc. 377<br />
<strong>Documents</strong><br />
vos fautes que les pommes de terre se gâtent ; elles se gâteront<br />
davantage.<br />
5° Les prédictions n ’étant pas encore toutes accomplies, ne<br />
vaut-il pas mieux attendre ? = objection]<br />
Les malheurs [?] ne sont pas accomplis, et par conséquent,<br />
on ne peut pas vérifier, et les enfants manquent de cette preuve<br />
de leur mission. — Rép[onse], Les menaces sont conditionnelles ;<br />
il y a eu des conversions ; qui pourrait dire combien il en faut. La<br />
S" Vierge n ’a pas donné l’accomplissement comme preuve de son<br />
apparition. Ce n ’est pas ce que nous avons à examiner. Et encore<br />
une fois, on s’est converti ; dans quelle mesure ? Il est impossible<br />
et inutile de le vérifier. Mgr. a su, par ses rapports avec les Curés<br />
qu’il y a eu un changement général. M. Bouvier à Méaudre (2), il<br />
n ’y a eu [?] que deux ou trois hommes qui n’aient pas fait leurs<br />
pâques ; à Tencin... [b iffé : l’événement de la Salette] Mgr. de<br />
Villecourt cite douze paroisses où il [sic] opéré de grandes<br />
conversions, en prêchant l’événement.<br />
6° Préjugé [biffé : que réveille] défavorable que réveille le<br />
secret (3).<br />
7° L’entraînement pieux à la Salette paraît naturel (4). Object.<br />
On ne peut pas conclure de cet entraînement religieux à la vérité<br />
de l’apparition, à cause de l’amour naturel que nous avons du<br />
merveilleux, surtout aux jours d ’adversité. — Rép. [biffé : S’il]<br />
On n’entend pas prouver \ établir la certitude de / l’apparition<br />
par chacune des preuves, mais par l’ensemble, et en vérité, reprend<br />
un membre, il y a tant de preuves et tant de lumières qu’il y a<br />
témérité à la rejeter.<br />
8° Pourquoi la S" Vierge ne se plaint-elle [que] de certains<br />
excès en négligeant beaucoup d ’autres qui ne paraissent pas moins<br />
graves (3).<br />
9° Désordre parmi les pèlerins de la Salette (6). [Biffé : Obj.<br />
il y a des]<br />
(2) Méaudre : commune du canton de Villard-de-Lans. — Bouvier : sans doute le<br />
chanoine Bouvier.<br />
(3) Il s’agit du refus des enfants à révéler leurs secrets (cf. Vérité, p. 209).<br />
(4) C’est-à-dire, * il est dû à l’attrait de la nouveauté, au prestige du merveilleux, à<br />
l’aiguillon de la curiosité. On a comparé le pèlerinage de la Salette aux attroupements<br />
formés par des visionnaires fanatiques, enthousiastes, tels que Swedenborg, madame<br />
Krudner, etc. D ’autres enfin, dit-on, l’ont assimilé au fameux pèlerinage de la Mecque »<br />
(Vérité, p. 211).<br />
(5) On trouvera la réponse à cette objection dans le doc. 310, p. 34-35 {supra, p. 178)<br />
et dans Vérité, p. 213-214.<br />
(6) Rousselot répond qu’il « est des personnes douées du singulier talent de ne<br />
découvrir et de n ’envisager que le mauvais côté des choses » (doc. 310, p. 35 ; texte presque<br />
identique dans Vérité, p. 214). Au demeurant, on n ’a pas signalé de désordres lors de<br />
l’anniversaire du 19 septembre ; or « si quelque désordre avoit dû avoir lieu, n’étoit-ce pas<br />
dans cette foule compacte de 50 60 mille âmes... » (doc. 310, p. 36 = Vérité, p. 215).<br />
236
20 décembre 1847 Doc. 379<br />
10° Les guérisons sont opérées sur des femmes (7). Object.<br />
Ce sont d ’heureuses crises. — Rép. Il y a invocation de la Ste<br />
Vierge, et Dieu alors [verso] serait l’auteur de l’illusion.<br />
11° Silence des enfants envers leurs camarades.<br />
12° Contradiction de Maximin sur les pierres jetées aux filles.<br />
Lundi 20 décembre 1847<br />
379- LETTRE DE MGR PARISIS, évêque de Langres, au journal<br />
Y Univers<br />
Dans YUnivers, 24 décembre 1847, p. 3b.<br />
Note. La lettre concerne l’archiconfrérie réparatrice des blasphèmes et de la<br />
violation du dimanche, établie au diocèse de Langres. Mgr Parisis élève une<br />
protestation contre les manœuvres de certains partisans trop zélés de Sœur Marie<br />
de Saint Pierre, du Carmel de Tours (cf. l’introduction au doc. 259).<br />
Ci-dessous, on trouve la partie de la lettre où l’évêque traite du rapport<br />
entre l’œuvre de dévotion qu’est l’archiconfrérie et les révélations privées en<br />
question. Ses lignes dépassent l’affaire de Langres et concernent la Salette au<br />
moins indirectement. Elles montrent d’après quels principes un évêque de<br />
l’époque abordait le problème des apparitions ; elles laissent deviner l’atmosphère<br />
trouble qu’une certaine piété créait par ses exagérations.<br />
[...] On nous a blâmé de ne pas avoir donné pour point de<br />
départ et pour appui principal à notre Archiconfrérie des apparitions<br />
et des révélations récentes. On nous a écrit et on nous a fait<br />
adresser sur cela les paroles les plus étranges. Des laïques ont<br />
prétendu avoir pour la direction de cette œuvre une mission<br />
divine ; ils nous ont fait dire qu’en ne marchant pas avec eux<br />
nous faisions schisme. Des prêtres nous ont accusé de faire une<br />
œuvre rationaliste au lieu d ’une œuvre chrétienne. Ces accusations<br />
n ’ont, il est vrai, aucune valeur en elles-mêmes, mais elles ont<br />
pour source un fanatisme effrayant, dont il est bon, Monsieur le<br />
Rédacteur, que vos lecteurs catholiques soient prévenus.<br />
Assurément, je respecte profondément les communications<br />
que Dieu peut faire à ses humbles serviteurs. Je sais très bien que<br />
sa conversation est de préférence avec les âmes simples (Prov. III,<br />
32), et que son esprit souffle où il veut (Joan. III, 8) ; mais je<br />
n ’étais pas le juge compétent de ces faits, sur lesquels les Ordinaires<br />
ne se sont pas encore prononcés, et c’est après avoir consulté ces<br />
derniers que je me suis abstenu de mentionner, dans mes<br />
instructions relatives à l’Archiconfrérie, ce que l’on me reproche<br />
de ne pas avoir pris pour base.<br />
J ’ai mieux aimé ne donner à une œuvre toute catholique<br />
d ’autre base que cette pierre inébranlable sur laquelle seule le fils<br />
(7) Les objections 10, 11 et 12 sont développées dans le doc. 376.<br />
237
Doc. 379<br />
<strong>Documents</strong><br />
de Dieu a bâti son Eglise. Rome a parlé, 1° en accordant des<br />
indulgences nombreuses à notre Association réparatrice ; 2° en<br />
l’érigeant en Archiconfrérie ; 3° en permettant que le nom auguste<br />
du chef vénéré de l’Eglise fut inscrit sur ses registres (1). [...]<br />
Dimanche 9 janvier 1848<br />
389- LETTRE DE L’ABBÉ CARTELLIER, curé de Saint-Joseph à<br />
Grenoble, à Mgr de Bruillard<br />
Exemplaire (*) de la main de Cartellier (1 f 22,5 cm x 17,5) : BMGC 45.<br />
Copie (faite sans doute sur cet exemplaire) : BMG, R.8667 (n.20).<br />
Contexte. Cartellier ayant continué après la clôture des Conférences à<br />
manifester son désaccord, l’évêque lui demande de lui faire connaître ses<br />
difficultés : «J’attends de vous par écrit, et promptement s’il est possible,<br />
communication des choses que vous avez apprises sur les enfants qui jettent un<br />
nuage sur leur témoignage et vous le rendent suspect » (doc. 388 : billet<br />
entièrement de la main de l’évêque). — La réponse de Cartellier paraît typique<br />
de la tendance qu’il a de mêler aux problèmes de fond des considérations d’ordre<br />
personnel.<br />
Monseigneur,<br />
Dans la trop longue lettre que j’ai eu l’honneur d ’écrire à<br />
votre Grandeur (**), je parlois, bien évidemment, de choses<br />
apprises avant les réunions à l’Evêché au sujet de la Sal/ette, et<br />
non de choses apprises depuis ces réunions. Par conséquent, ce<br />
que je savois, je l’ai dit dans ces assemblées auxquelles Monseigneur<br />
m’a fait l’honneur de m’appeler. Si je n’ai pas réussi à le faire<br />
entendre, ce n ’est, certes, pas ma faute. Au lieu de mériter le<br />
reproche d ’avoir tu ce que j’ai appris, j’ai plutôt, aux yeux de<br />
plusieurs, le tort d ’avoir trop fait dans nos conférences pour le<br />
faire connoître. Il falloit pourtant un effort [verso] puisqu’on<br />
sembloit vouloir tout étouffer. Les choses que j’ai apprises, elles<br />
doivent être dans le procès verbal de nos assemblées. Si elles n ’y<br />
sont pas consignées, ou si elles n’y sont qu’imparfaitement, encore<br />
là ce n ’est pas ma faute. On peut se souvenir qu’à chaque<br />
conférence, j’avois quelques observations à faire sur la rédaction<br />
du procès-verbal. Il m ’est même arrivé de revenir sur la même<br />
(1) Mgr Parisis en avait été informé par une lettre de la Secrétairerie d ’Etat, datée du<br />
20 novembre. — Dans son numéro du 1" janvier 1848, la Voix de l ’Eglise s’en prendra<br />
ouvertement à la lettre publiée dans l'Univers. Elle croit savoir que plus de quinze évêques,<br />
dont celui de Grenoble, ont accepté « l'œuvre conçue à Tours », sans « changer l’idée de<br />
son auteur » (doc. 383). — Pour ce qui regarde l’« auteur », nous avons exposé plus haut<br />
(p. 24) sa véritable position. Quant à l’évêque de Grenoble, sa lettre pastorale sur<br />
l’association réparatrice (doc. 370) ne souffle mot des révélations de Tours et présente<br />
l’œuvre simplement comme une filiale de l’archiconfrérie de Langres.<br />
(*) Exemplaire comportant des ratures. Cartellier a peut-être envoyé à l’évêque un<br />
autre exemplaire.<br />
(**) Lettre non retrouvée.<br />
238
11 janvier 1848 Doc. 390<br />
chose auprès de Mr le Secrétaire dans deux ou trois réunions. A la<br />
fin, je m ’étois lassé ; je laissois passer. Les choses que j’ai apprises<br />
sur les enfants et qui jettent du nuage sur leur témoignage et me<br />
le rendent suspect sont donc tout simplement celles que j’ai dites<br />
dans nos réunions et que le procès-verbal doit conserver. Mais<br />
comme on s’est contenté de nier ces choses qui sont pourtant hors<br />
de doute, ou qu’on a refusé d’en examiner la valeur lorsqu’elles<br />
ont été avancées par les enfants, ces choses restent pour moi [?] ce<br />
qu’elles étoient ; c’est-à-dire que le nuage subsiste, et que le<br />
témoignage des enfants est (1) suspect. \\ J ’entremis dans ces<br />
détails, je rappe/erois les [ou : ces] choses ; mais alors ce seroit un<br />
long travail à faire. Je le ferois, s’il le falloit ; mais ce n ’est pas ce<br />
qui m ’est demandé. //<br />
Ou je suis bien malheureux dans mes expressions, ou j’ai fait<br />
comprendre à Monseigneur le prix que j’attache et que je dois<br />
attacher à sa bienveillance ; car c’étoit le cœur qui écrivoit ma<br />
lettre, surtout à cet endroit. Si sa Grandeur dans la réponse qu’elle<br />
a daigné me faire m ’assure [?] que je conserve cette bienveillance,<br />
elle n ’a rien pu m ’accorder à quoi je tienne davantage. C’est dans<br />
ces sentiments de respect, d’obéissance et de reconnaissance que<br />
j’ai l’honneur d’être...<br />
Grenoble 9 janvier 1848<br />
Mardi 11 janvier 1848<br />
J. Cartellier<br />
390. BILLET DE MGR DE BRUILLARD à l’abbé Cartellier, curé<br />
de Saint-Joseph à Grenoble<br />
Original de la main de l’évêque (1 f. recto 21 cm x 13) : BMGC 46.<br />
N ote sur le parti de l'opposition. Ce billet contient le plus ancien témoignage<br />
sur ce que Rousselot appelle le « parti de l’opposition » (Nouveau sanctuaire,<br />
p. 18). Il eut pour premier noyau les membres qui, lors des Conférences, s’étaient<br />
trouvés en minorité. En présentant des objections pendant les réunions tenues en<br />
présence de l’évêque, ils avaient exercé leur droit. Mais, observe Rousselot, une<br />
fois la « commission dissoute, ils cessaient d’être conseillers ; ils n’étaient plus<br />
saisis de la question ; ils ne pouvaient plus faire d’opposition au sentiment bien<br />
connu du Prélat sans lui manquer de respect » (ibidem). La manifestation « au<br />
moins imprudente » de leurs opinions devant le public fit qu’on regarda les<br />
membres de la minorité comme des chefs de parti, qu’ils « l’aient voulu ou<br />
non » (ibidem, p. 19).<br />
Gr. 11 j[anvie]r 1848<br />
Communiquez, mon cher Curé, à Mr l’abbé Rousselot, ou de<br />
vive voix ou par écrit (ce qui vaudrait mieux), les doutes qui vous<br />
restent par rapport au témoignage des deux enfants. Je saurai par 1<br />
(1) Plusieurs mots biffés, absolument illisibles.<br />
239
Doc. 390<br />
<strong>Documents</strong><br />
lui ce que je dois en penser. Si depuis la clôture des conférences<br />
vous continuez avec vos intimes votre système d’opposition, vous<br />
êtes dans une mauvaise voie.<br />
Ce qui vous convient, ainsi qu’à eux, c’est d’attendre avec<br />
respect l’avis doctrinal de l’Evêque diocésain sur le fait dont il<br />
s’agit et qui met en émoi tant de milliers de personnes. J ’en ai lu<br />
et entendu assez pour prononcer ou pour m’abstenir.<br />
Je vous salue en N.S.<br />
fPH[ILIBERT]<br />
Suite. Le 14 janvier, Cartellier proteste (doc. 391, EG 88) : « je ne continue<br />
pas avec mes intimes mon système d'opposition, car, il n’est pas commencé. [...]<br />
Ne me sera-t-il donc plus permis, depuis les conférences sur la Sal/ette, de voir<br />
ceux que je voyois auparavant ? [...] Je n’ai rien à décider ; je comprends tout<br />
mon bonheur de n’avoir qu’à me soumettre ; c’est ce que j’ai fait et ce que je<br />
fais. » — Plus exactement, c’est ce qu’il prétend faire, car en refusant d’expliciter<br />
les difficultés qu’il a soulevées lui-même, il ne donne pas l’exemple de la<br />
soumission parfaite.<br />
Deuxième moitié de janvier 1848<br />
ÉVÉNEMENT. Le 24 janvier, décès de Marie Court, marâtre de Maximin.<br />
* 395. LETTRE DE MGR DE BRUILLARD au cardinal de Bonald,<br />
archevêque de Lyon<br />
Brouillon de la main de Rousselot, avec des corrections et des additions de<br />
la main de l’évêque (6 p. 22,5 cm x 17,5) : EG 68. — Lettre éditée dans<br />
BASSETTE, p. 147-154, d ’après la copie du cahier EG 13.<br />
Rédacteur : Rousselot, qui a donné au texte l’empreinte de son style.<br />
Date : Seize mois après l’apparition ; les corrections apportées par l’évêque<br />
sont plus tardives (d’après le contenu).<br />
Occasion de la lettre : les objections formulées par le cardinal dans quatre<br />
lettres, qui nous sont connues uniquement par la présente réponse.<br />
Ci-dessous nous reproduirons les objections et observations du cardinal, telles<br />
qu’on les lit dans le manuscrit de Rousselot. Les réponses de ce dernier, plutôt<br />
prolixes, seront en partie reproduites, en partie résumées. On ne signalera pas la<br />
présence de passages biffés. Quant aux additions et corrections de la main de<br />
l’évêque, leur origine sera indiquée seulement là où elles paraissent vraiment<br />
significatives.<br />
Dans sa correspondance des 19, 21, et 29 novembre dernier<br />
et 10 janvier courant, S[on] Efminence] fait deux choses : 1° des<br />
objections contre le fait en lui-même ; 2° diverses observations sur<br />
les inconvénients de rompre le silence gardé jusqu’ici et de donner<br />
une décision authentique.<br />
240
Janvier 1848 Doc. 395<br />
S[on] E[minence] me permettra de répondre aux unes et aux<br />
autres.<br />
I. RÉPONSE AUX OBJECTIONS.<br />
l erc OBJECTION. — De respectables ecclésiastiques sont passés<br />
à Corps le vendredi. Ils ont eu de la peine à être servis en maigre ;<br />
on ne semblait pas comprendre que la loi de l'abstinence oblige<br />
les chrétiens. (Lettre du 10 janvier 1848). Donc la conversion de<br />
Corps n ’est pas entière, et S.E. a peine à y croire.<br />
RÉPONSE. — 1 ° Cette objection a été faite dans la Commission<br />
présidée par moi ; elle a été pleinement résolue par le Curé de<br />
Corps qui était présent.<br />
Jamais on n’a prétendu que tous les habitants, jusqu’à un, se<br />
\ fussent / convertis ; on a toujours porté à cent et quelques ceux<br />
qui ne se sont pas confessés dans un canton composé de 9<br />
paroisses et peuplé de 6 000 âmes. \\ Mais cette exception, presque<br />
imperceptible, infirme-t-elle la vérité de la conversion en masse<br />
du Canton ? //<br />
Mais dans tout le canton et dans les environs les travaux du<br />
dimanche et les blasphèmes ont généralement et absolument cessé ;<br />
mais les \ irrévérences / de la jeunesse dans les églises ont cessé ;<br />
mais les offices, les instructions et les sacrements sont fréquentés ;<br />
mais là où 40 hommes faisaient leur pâques, il y en a maintenant<br />
des centaines ; mais dans une des neuf paroisses, pas un homme<br />
n ’y a manqué ; mais ce que ni les jubilés précédents, ni les<br />
missions, ni le zèle des pasteurs n ’avaient pu faire, la voix de deux<br />
bergers parlant au nom de la Reine du Ciel l’a obtenu.<br />
20 La réalité et la généralité des conversions m ’ont été attestées<br />
unanimement et à plusieurs reprises par tous les prêtres qui<br />
vivent au milieu de cette population, naguère presque sauvage,<br />
aujourd’hui devenue chrétienne, polie et bienveillante pour le<br />
clergé. Le témoignage des prêtres du canton est confirmé par celui<br />
de tous les prêtres du voisinage et par celui de nombre d ’autres<br />
ecclésiastiques, ou envoyés par moi sur les lieux, ou attirés par le<br />
désir de vérifier le fait de la Salette, et d’en examiner les<br />
conséquences sur les habitants. \\ Tous m ’ont rendu les témoignages<br />
les plus certains et les plus consolants sur le changement opéré<br />
dans ces montagnes, et sur le nombre des communions qui ont<br />
lieu maintenant à Noël et à Pâques. //<br />
3° [Les objectants ont généralisé des cas qui sont l’exception.<br />
Selon le curé de Corps, l’auberge la plus importante du bourg a<br />
effectivement peu profité de l’apparition spirituellement (1).] 1<br />
(1) Voir doc. 401, note 5.<br />
241
Doc. 395<br />
<strong>Documents</strong><br />
4° [Il est abusif de nier la conversion de Corps, sous prétexte<br />
qu’on y a aperçu] une danse de noces ou de baptême. Est-ce que<br />
le retour à la foi et aux pratiques de la religion détruit tout-àcoup<br />
tous les abus, ceux surtout que beaucoup de gens n’envisagent<br />
pas comme tels \\ et ne regardent pas comme répréhensibles ? (la) -<br />
// Les' habitants de Corps pour être véritablement convertis,<br />
doivent-ils être devenus tous des saints et impeccables ?<br />
2' OBJECTION. — Le Dialogue entre la S5CVierge et les deux<br />
enfants n'est pas assez compliqué, assez long, pour q u ’on n'ait<br />
pas pu le mettre dans la tête de ces enfants, dans un dessein de<br />
spéculation pour l'endroit. Or, on aurait assez bien réussi. \\ (Lettre<br />
du 10 janvier 1848). //<br />
RÉPONSE. — 1° Quel est l’habile sorcier \\ ou le personnage<br />
mystérieux // qui en un quart d’heure, sur une montagne entièrement<br />
découverte, \ sous les yeux de 40 à 50 / autres petits [p. 2]<br />
bergers, a appris leur rôle aux deux enfants ? Par où est-il monté<br />
sur la montagne ? Comment n’a-t-il pas été aperçu de personne,<br />
ni en traversant les hameaux, ni dans les sentiers bordés de<br />
travailleurs ? Où a-t-il pris son costume ? Comment a-t-il pu<br />
apprendre à Maximin qui n’était aux Ablandins que depuis six<br />
jours, à répéter son rôle aussi bien qu’à Mélanie qui y était depuis<br />
six mois ? Comment ce personnage s’est-il livré à la discrétion de<br />
deux enfants qui par menace ou par promesse pouvaient si<br />
facilement le compromettre ? Comment le Maire de la Salette,<br />
homme de sens, comment les autres habitants de Corps et des<br />
environs, n ’ont-ils pas soupçonné la supercherie ? Comment au<br />
contraire ont-ils cru, et se sont-ils convertis avant de savoir quel<br />
retentissement aurait au loin le récit \ des enfants, / quelle foule<br />
de pèlerins il amènerait à la montagne ? Comment \ ont /-ils<br />
prévu que la fontaine desséchée donnerait bientôt de l’eau et ne<br />
tarirait plus ensuite ? Comment \ ont-ils / prévu que cette eau<br />
deviendrait l’objet d’un commerce lucratif pour le pays ? etc. [...]<br />
2° [L’eau est demandée de fort loin, parce que son usage<br />
opère des prodiges, ce qu’un charlatan ne pouvait prévoir.]<br />
3° [...] S’il faut supprimer tout ce dont s’empare la cupidité<br />
humaine, il faut supprimer les magnifiques processions de la Fête-<br />
Dieu, qui à Lyon seulement, procurent chaque année, dit-on, un<br />
commerce \ de / plus de cent mille francs.<br />
4° [Il est normal de faire rembourser les frais de transport<br />
pour une eau qu’il faut aller chercher à seize km de Corps. Les<br />
habitants ne semblent pas s’être enrichis de cette « spéculation » ;<br />
ils ont exercé la charité envers les pèlerins pauvres.]<br />
(la) Addition de la main de l’évêque.<br />
242
Janvier 1848 Doc. 395<br />
5° [Ceux qui sont venus enquêter sur les lieux et qui (p. 3)]<br />
croient, ont pris toutes les précautions pour n’être pas trompés.<br />
[ - ] 6° [L’apparition se prouve par un ensemble de preuves<br />
convergentes. Il faut donc tenir compte des preuves extrinsèques :<br />
les guérisons d ’Avignon, d’Avallon, etc.]<br />
3e OBJECTION. — Le fameux secret ne leur aurait-il pas été<br />
im posé sur cette intrigue. Même lettre du 10 janvier 1848.<br />
RÉPONSE [L’imposteur qui aurait imposé aux deux bergers de<br />
garder le secret sur son « intrigue », aurait été obligé de les préparer<br />
d ’avance aux interrogatoires.] A-t-il prévu cet intrigant que dans<br />
un salon de Grenoble on présenterait \ en nov. dernier (2), / à<br />
Mélanie une dame qu’elle n ’a jamais vue, et qu’on lui demanderoit<br />
si le personnage de la Salette étoit plus grand ou plus \ petit /<br />
que \ cette / dame ? Mélanie de répondre sur le champ : Il était<br />
plus grand. Maximin à son tour introduit et mis en présence de la<br />
même dame, fait la même réponse. A-t-il prévu, cet intrigant, les<br />
milliers d ’autres épreuves qu’ont subies ces enfants et dont ils se<br />
sont toujours tirés d ’une manière admirable ?<br />
4' OBJECTION. — Le costume que les enfants prêtent à la SI'<br />
Vierge est bien étrange. Même lettre.<br />
RÉPONSE : Plus il est étrange, moins il est de l’invention des<br />
enfants.<br />
5' OBJECTION. — On ne justifie pas bien le non-accomplissem<br />
ent des prophéties.<br />
RÉPONSE. — 1 ° Toutes les prophéties ne deviennent claires et<br />
lumineuses qu’après leur entier accomplissement.<br />
2° Des prophéties conditionnelles et comminatoires, telles que<br />
celles de Jonas aux Ninivites, ne s’accomplissent que lorsque la<br />
condition n’est pas remplie et que les menaces sont méprisées,<br />
[(p. 4)...]<br />
6e OBJECTION. — Les apparitions du village de La Creysse en<br />
1831 approuvées par l ’Evêché de Rodez, étaient fausses et inventées<br />
par les aubergistes et les marchands de vin ; le Conseil épiscopal<br />
en fu t pour sa décision. Lettre du 29 novembre 1847 (3)<br />
(2) Addition de la main de l'évêque.<br />
(3) En mai 1830, des enfants de la Cresse (ou Creysse), village de l’Aveyron, crurent<br />
apercevoir dans un buisson un enfant mystérieux qui leur dit : « c’est moi, ne craignez<br />
point ». Le curé du village, l’abbé L.-A. Duranc (1801-1880), considéra ces paroles comme<br />
une imitation de celles prononcées par le Christ lors de sa marche sur les eaux du lac de<br />
Galilée. Au cours des mois suivants, il y eut d ’autres visions ou faits extraordinaires, que<br />
le curé attribua au démon (cf. le récit du curé dans le « Livre de paroisse » de la Cresse).<br />
Contrairement à ce qu’on lit dans l’objection, l’évêché de Rodez ne donna aucune<br />
approbation. Les faits se situent au reste lors d ’une vacance du siège et les vicaires généraux<br />
eurent la prudence de ne pas se prononcer. (Renseignements transmis par Mr l’Abbé<br />
A. Débat, archiviste diocésain de Rodez.)<br />
243
Doc. 395<br />
<strong>Documents</strong><br />
RÉPONSE. 1° Après la révolution de juillet 1830 et les années<br />
suivantes, il ne fut question dans toutes les parties de la France<br />
que de prophéties, de visions, d ’apparitions. Les grandes secousses<br />
politiques montent les imaginations ; on veut lire dans l’avenir ;<br />
les personnes pieuses souvent autant \ que / les autres croient voir<br />
ce qu’elles désirent, ce qu’elles craignent, ce qu’elles espèrent.<br />
Bientôt, le temps fit justice des prophètes et des prophéties.<br />
[... A la Salette] au contraire, tout va en grandissant, et le<br />
nombre des miracles, et le concours des pèlerins, même \\ aujourd<br />
’hui, malgré les glaces et les neiges (4). //<br />
2° La fréquence des apparitions \ susdites / devait naturellement<br />
les rendre suspectes. Dieu, ses anges et ses saints apparaissentils<br />
ainsi à chaque instant et à tout venant ? D ’ailleurs, on ne<br />
donnait aucun but précis [... ]<br />
3° [Les apparitions de la Creysse n ’ont produit aucun fruit<br />
spirituel, tandis que la Salette a produit des fruits spirituels<br />
durables.]<br />
4° [Il n’est pas raisonnable de rejeter toutes les apparitions,<br />
sous prétexte qu’il en existe de fausses.]<br />
[p. 5] II. RÉPONSE AUX OBSERVATIONS.<br />
l irc OBSERVATION. — Quel inconvénient y a-t-il à garder le<br />
silence ?<br />
RÉPONSE. — 1° Celui de ne pas obéir à la voix du Ciel quand<br />
elle se fait entendre ; 2° Celui de contrister tous les bons chrétiens,<br />
qui semblent n ’attendre que d ’être appuyés et fortifiés par<br />
l’autorité dans leur lutte incessante contre le mal, dans leur<br />
dévotion envers la S" Vierge. C’est peut-être au concours religieux<br />
des cent mille pèlerins de la Salette que nous devons la nonréalisation<br />
des menaces du ciel ; 3 ° Celui de donner gain de cause<br />
aux incrédules, qui déjà et malgré le silence du clergé, ont<br />
accumulé contre les prêtres et contre la religion, mille impiétés,<br />
mille noirceurs, mille calomnies (5) ;<br />
2' OBSERVATION. — En faisant une déclaration solennelle,<br />
une manifestation publique, n ’occasionnera-t-on pas mille écrits<br />
remplis de blasphémés, d'im piétés contre la religion ?<br />
RÉPONSE. — 1° M algré le silen ce rigoureux gardé d ep u is<br />
\ p lu s de / seize m o is, to u t cela a eu lieu ; on n e p eu t pas en<br />
dire n i en écrire p lu s q u ’o n en a d it, q u ’on en a écrit.<br />
(4) De la main de l’évêque à partir de « même ».<br />
(5) Etant donné les suites de l’apparition, l’évêque pouvait difficilement ne pas<br />
intervenir, ne serait-ce que pour rapporter ou modifier ce qui avait été son premier acte<br />
public à propos de la Salette : une interdiction faite à ses prêtres de faire imprimer le récit<br />
de l’apparition ou de le proclamer en chaire (doc. 3).<br />
244
Janvier 1848 Doc. 395<br />
2° Malgré l’impiété du siècle, la conversion de Mr Ratisbonne<br />
a été déclarée miraculeuse (6) ; [...] les effets merveilleux de la<br />
Médaille miraculeuse ont été recueillis et publiés [...] etc (7).<br />
3° [Les miracles donnent l’occasion de réfléchir et de se<br />
convertir. ]<br />
3' OBSERVATION. — Est-il donc d'une nécessitépressante pour<br />
l'Eglise q u ’on se prononce sur cette apparition de la Salette,<br />
\ d’après / sur le témoignage de deux enfants ?<br />
RÉPONSE. — Mais si ces deux enfants ne sont ni trompeurs,<br />
ni trompés ; mais si le Ciel confirme leur témoignage par de vrais<br />
miracles, alors pourquoi se taire ? Et pourquoi ne pas rassurer,<br />
encourager les enfants de l’Eglise ? [...] Est-ce qu’on discontinue<br />
à Rome, par respect pour l’impiété, de procéder à la béatification<br />
et à la canonisation des saints ? [... ]<br />
[p . 6] 4' OBSERVATION. — Les marchands d ’images, de croix,<br />
etc. attendent votre manifestation avec une grande impatience.<br />
RÉPONSE. — Ils ne l’ont pas attendue ; depuis le commencement,<br />
ils les fo n t circuler par milliers. Mais ce sont les bons<br />
fidèles qui attendent avec impatience que leur confiance soit<br />
justifiée par l’autorité.<br />
5e OBSERVATION. — Les Protestants profitent de tout cela, et<br />
la Religion catholique n 'y gagnera rien.<br />
RÉPONSE. — La Salette est environnée de Protestants ; il faut<br />
que les pèlerins passent au milieu d ’eux pour y arriver. Jusqu’ici,<br />
cependant, point de désordre, point de mouvement désordonné<br />
parmi eux. [...]<br />
y [sic pour 6e] OBSERVATION. — Je crois toujours que les<br />
grands soutiens de l ’apparition de la Salette sont tous ces<br />
spéculateurs ; ils vendent \ de / l ’eau à force ; vous sentez qu 'ils<br />
ne renonceraient qu 'avec peine à ce profit.<br />
RÉPONSE. — Ce ne sont point ces spéculateurs qui ont été<br />
appelés à mon conseil, qui ont formé ni ma conviction, ni celle<br />
de la majorité de mon clergé et des fidèles de toutes les parties de<br />
la France et de l’étranger. [...]<br />
Il n ’y a que les personnes pieuses et persuadées de la réalité<br />
de l’apparition de la Salette, qui cherchent à se procurer de l’eau.<br />
Or celles-là ne s’adressent pas à des marchands, en eussent-ils des<br />
tonneaux [...].<br />
(6) Décret du 3 juin 1842, porté par le cardinal Patrizzi, vicaire de Pie IX pour la<br />
ville de Rome.<br />
(7) Ils avaient été publiés dans des livres parus avec l’approbation de l’autorité<br />
ecclésiastique. Toutefois ni les apparitions qui étaient à l’origine de la Médaille miraculeuse<br />
ni les miracles qui lui étaient attribués n ’avaient fait l’objet d ’une approbation solennelle,<br />
exception faite de la conversion d ’Alphonse Ratisbonne (cf. R. LAURENTIN - P. ROCHE,<br />
Catherine Labouré et la Médaille miraculeuse, vol. I, Paris, Dessain et Tolra, etc., p. 52-56<br />
et 313-314).<br />
245
Doc. 396<br />
<strong>Documents</strong><br />
* 396. UNE RÉPONSE DE MAXIMIN<br />
Note ajoutée par une main inconnue dans la marge du Rapport Rousselot<br />
(doc. 310) : EG 12, p. 33.<br />
Note. Cette addition est probablement antérieure à la deuxième révision du<br />
Rapport Rousselot (doc. 397), à en juger par les ratures qui la couvrent. Elle est<br />
en effet entièrement biffée.<br />
D. Tu as bien au moins dit ton secret à Mélanie ?<br />
R. Si j’avais dit mon secret à Mélanie, tout le monde le<br />
saurait bien !<br />
Maximin a fait cette réponse le 1" mars 1847, chez M 'le Curé<br />
de Corps, en sa présence et en la présence de plusieurs témoins.<br />
* 398. PROJET DE JUGEMENT DOCTRINAL ET DE CIRCU<br />
LAIRE AU CLERGÉ<br />
Manuscrit de la main de Rousselot, avec des corrections et des additions de<br />
la main de Mgr de Bruillard (6 p. 20,5 cm x 15/17,5) : EG 68.<br />
Remarque. Ce texte, préparé par Rousselot seize mois après l’apparition (cf.<br />
p. 4) montre qu’en dépit de plusieurs interventions du cardinal de Bonald,<br />
l’évêque de Grenoble n’a pas renoncé au projet qu’il avait formé, de prononcer<br />
un jugement doctrinal à l’issue des Conférences. Cependant le jugement ne fut<br />
pas publié, en raison peut-être de la dernière intervention du cardinal, plus<br />
probablement à cause de la nouvelle situation politique que va créer bientôt la<br />
Révolution de février. Pendant les périodes agitées, l’autorité ecclésiastique évite<br />
tout geste extraordinaire.<br />
Contenu : résumé de l’apparition et de ses suites ; justification de l’attitude<br />
expectante adoptée par l’évêque ; historique des examens canoniques ; sollicitations<br />
reçues par l’évêque afin qu’il approuve l’apparition ; la décision canonique.<br />
Ci-dessous nous reproduisons le passage où l’évêque justifie son attitude<br />
expectante, ainsi que le dispositif juridique terminant le projet.<br />
[p. 2] Au milieu de ce mouvement général des esprits (1), la<br />
prudence nous faisoit une loi de ne point précipiter notre jugement,<br />
de tout examiner avec une sage lenteur, de nous mettre en garde<br />
contre l’enthousiasme, et de recueillir néanmoins tout ce qui se<br />
publioit sur le fait.<br />
La même pmdence nous obligeoit de commander un silence<br />
absolu à notre bien-aimé clergé, et nous lui fîmes défense expresse<br />
d ’en parler en public et du haut de la chaire évangélique. Nous<br />
aimons à le proclamer : la France entière a admiré sa docilité.<br />
Si l’Evénement étoit divin, le Ciel saurait s’expliquer plus<br />
tard et faire reconnoître son intervention. Si, au contraire,<br />
l’Evénement étoit l’effet ou d ’une sacrilège imposture ou d ’une<br />
déplorable illusion, il serait {biffé: bientôt] sûrement réduit à 1<br />
(1) Il s’agit de l’émotion soulevée pat la nouvelle de l’apparition.<br />
246
Janvier 1848 Doc. 398<br />
rien avec le temps (2) et par suite d ’un examen sévère, lent,<br />
consciencieux.<br />
Cependant et depuis seize mois, l’Evénement a grandi de<br />
jour en jour [...]<br />
[p. 5] Nous avons arrêté et ordonné, nous arrêtons et ordonnons<br />
ce qui suit (3) :<br />
ART. l. Le fait de la Salette est véritable, ou l’apparition de<br />
la S" Vierge sur la montagne de la Salette à deux petits bergers,<br />
Maximin Giraud et Mélanie Mathieu le 19 sept. 1846, est revêtue<br />
de toutes les preuves qui placent un fait au rang des vérités que<br />
l’on croit d ’une foi humaine, que l’on regarde comme moralement<br />
certaines, et comme ayant atteint ce degré de probabilité qui fait<br />
négliger toutes les suppositions contraires (4).<br />
ART. 2. Nous permettons de parler en chaire de l’apparition ;<br />
d ’en déduire les conséquences morales et pieuses qui s’y rattachent<br />
naturellement, et qui peuvent tourner à l’édification des fidèles.<br />
On pourra donc en parler comme on parle des faits contenus dans<br />
l’histoire de l’Eglise, dans les vies des Saints et dans les livres qui<br />
paraissent revêtus de l’autorité épiscopale. On pourra en parler<br />
comme on parle de la conversion de Mr Ratisbonne, de la guérison<br />
de Mlle de Maistre, etc.<br />
ART. 3. Nous levons la défense portée par notre circulaire<br />
du... novembre 1846 (5) ; mais la peine qui y était portée sera<br />
désormais encourue par ceux qui auraient la témérité de s’élever<br />
{biffé : contre le fait] du haut de la chaire évangélique et devant<br />
l’assemblée des fidèles, contre le fait dont nous proclamons la<br />
vérité (6).<br />
ART. 4. Nous autorisons le culte de Notre-Dame de la Salette,<br />
le pèlerinage, les neuvaines et autres pratiques de piété en son<br />
honneur, pourvu qu’il ne s’y glisse rien de contraire à la foi, à<br />
l’esprit et aux règles de l’Eglise. Nous approuvons également<br />
l’usage de l’eau de la fontaine merveilleuse. Nous permettons<br />
(2) L’importance du facteur « temps » pour le discernement des faits historiques a été<br />
mis en évidence par le cardinal J.H. Newman (1801-1890) dans son fameux Essai sur le<br />
développement : « L’histoire ne peut être écrite qu’avec un certain recul. C’est ainsi que le<br />
Canon du Nouveau Testament n’a été fixé qu’à la suite d ’un développement... Ainsi<br />
encore, l’Eglise ne prononce la canonisation des saints que longtemps après leur entrée<br />
dans le repos éternel » (Essai, ch. I, section II, n.5 : trad. M. Lacroix, DDB 1964).<br />
(3) Rappelons que le dispositif juridique qui suit n ’est encore qu’un projet.<br />
(4) L'article prend soin de ne pas ranger l’apparition parmi les vérités à croire de foi<br />
divine, auxquelles tout catholique doit adhérer.<br />
(5) Doc. 3 : circulaire imprimée, datée en fait du mois d ’octobre. Peut-être fut-elle<br />
publiée seulement en novembre.<br />
(6) La peine mentionnée dans la circulaire était la suspense encourue « ipso facto »,<br />
i.e. l'interdiction faite aux membres du clergé d ’exercer leurs fonctions, du simple fait<br />
d’avoir transgressé l’interdiction en question. — Noter que le présent article veut appliquer<br />
cette peine non pas à tous les actes hostiles à l’apparition, mais uniquement à ceux posés<br />
par des ecclésiastiques dans l’exercice de leurs fonctions publiques.<br />
247
Doc. 398<br />
<strong>Documents</strong><br />
enfin l’usage des images et des médailles déjà répandues au sujet<br />
de l’apparition. Mais nous défendons de publier aucune formule<br />
[p. 6] particulière de prières, aucun cantique nouveau, aucun livre<br />
de dévotion, qui auraient rapport à l’apparition de la Salette, sans<br />
notre approbation expresse.<br />
ÀRT. 5. Nous désirons vivement la construction d’une<br />
chapelle sur le lieu de l’apparition ; nous invitons les pieux pèlerins<br />
à y concourir par quelques offrandes volontaires. Nous autorisons<br />
MM. les curés de Corps et de la Salette à ouvrir un registre dans<br />
lequel seront régulièrement inscrits les noms des bienfaiteurs et le<br />
montant de leurs dons. Ce registre sera déposé et conservé dans<br />
les archives de la chapelle future.<br />
ART. 6. Nous autorisons l’Abbé Rousselot à publier par la<br />
voie de l’impression, son rapport sur l’apparition de la Salette,<br />
avec toutes les pièces justificatives qui s’y rapportent.<br />
* 399 et * 400. RELATIONS DE PÈLERINAGES faits en mai et<br />
juin 1847<br />
Dans Arbaud, p. 89-93.<br />
Note. Ces deux textes, que nous connaissons uniquement par Arbaud, ont<br />
pour auteurs des ecclésiastiques des « Basses-Alpes » (aujourd’hui Alpes-de-Haute-<br />
Provence), donc du diocèse de Digne. L’auteur du premier texte fit « le voyage<br />
de la Salette en compagnie de plusieurs autres prêtres » (Arbaud, p. 89). Nous<br />
ignorons quand ces textes furent écrits et à quel genre littéraire ils appartiennent<br />
(lettres privées ou récits destinés à être publiés...).<br />
Doc. 399 (Arbaud, p. 89-91)<br />
[...] Voici ce qui m ’a le plus frappé dans mon pèlerinage,<br />
[p. 90] Pendant l’entretien que j’eus avec Maximin Giraud (25 mai<br />
1847) et qui ne dura pas moins d ’une heure et demie, il ne dit<br />
pas un mot qui pût me faire douter de la véracité des faits ; il<br />
répondit à toutes les questions avec la naïveté de l’enfance et<br />
l’aplomb de la persuasion. Quand je voulus le tourner en ridicule<br />
sur le prétendu secret que la Sainte Vierge lui aurait confié, et<br />
quand, avec un sourire moqueur, je lui demandai en langue<br />
provençale : Qu’est-ce que cela pouvait être, il me fit en patois la<br />
réponse suivante dont j’admire encore l’à-propos et le laconisme :<br />
« Et que que sieyé ! » Ce qui signifie : « Et quoi que ce soit ! »<br />
Nous vîmes d’après cela qu’il était inattaquable et qu’il ne parlait<br />
que de ce qu’il avait entendu ou vu de ses propres yeux. Aussi,<br />
nous ne voulûmes pas prolonger un entretien qui nous avait assez<br />
convaincus.<br />
[La suite concerne des guérisons.]<br />
Doc. 400 (A r b a u d , p. 91-93)<br />
C’était le 16 juin 1847. Je gravissais la montagne de la Salette<br />
en compagnie de 13 prêtres, parmi lesquels se trouvait le vénérable<br />
248
Janvier 1848 Doc. 400<br />
curé de la cathédrale de Grenoble (1). Mélanie Mathieu nous<br />
accompagnait. [... Voici quelques-unes des réponses qu’elle donna<br />
à ceux qui marchaient en tête et parmi lesquels se trouvait l’auteur<br />
de ces lignes.]<br />
Mélanie, on m’a dit que la Sainte Vierge t ’avait révélé un<br />
secret ainsi qu’à Maximin ; (à ce mot de secret, elle releva sa<br />
petite tête et sembla me dire avec un regard méfiant : Avancez,<br />
je me tiens sur mes gardes.) Vous devriez nous le faire connaître,<br />
puisque, après tout, il faut espérer qu’un jour Dieu vous permettra<br />
de le divulguer. Elle me répondit : Si un jour nous le faisons<br />
connaître, alors vous le saurez ; pourquoi me le demandez-vous ?<br />
Après mille autres questions insignifiantes, craignant de l’avoir<br />
fatiguée, je lui dis : Mélanie, tu dois être bien ennuyée, tu as<br />
entendu tant de fois les mêmes interrogations !..... Elle répondit.<br />
Monsieur le curé, vous fatiguez-\p. 92\vous quand vous dites la<br />
messe tous les jours ? Je lui fis observer que le rapprochement<br />
n ’était pas juste parce que, si je disais la messe tous les jours,<br />
c’était par devoir. Elle répliqua : vous célébrez la messe tous les<br />
jours sans vous fatiguer parce que c’est votre vocation, et moi, je<br />
dis ces choses sans jamais m ’ennuyer, parce que la Sainte Vierge<br />
m ’a recommandé de les rapporter à tout son peuple. Tout en<br />
discourant de la sorte, nous arrivâmes au sommet de la montagne,<br />
où nous éprouvâmes les douces émotions qu’y ressent tout voyageur,<br />
quand bien même il ne soit témoin d’aucun miracle.<br />
Après trois heures de séjour sur les lieux sanctifiés par la<br />
présence de Marie, nous redescendîmes et j’eus encore l’avantage<br />
de m ’accompagner avec Mélanie pendant une heure. Je profitai<br />
de cette bonne fortune pour engager avec elle le dialogue suivant :<br />
— Mélanie, si ton confesseur te demandait ton secret, tu<br />
serais bien obligée de le lui révéler.<br />
— Si mon secret était un péché, oui, mais comme ce n ’est<br />
pas un péché, je ne suis pas tenue de le lui faire savoir.<br />
— Et s’il te refusait l’absolution pour cela ?<br />
— S’il me refusait l’absolution, je serais également contente<br />
parce que j’aurais fait mon devoir, mais lui n ’aurait pas fait le<br />
sien.<br />
— Quoi que tu dises, je crois que ton secret regarde le duc<br />
de Bordeaux (2) ?<br />
A ce mot, elle me regarda d ’un air étonné, comme une<br />
personne qu’on interroge sur une chose entièrement inconnue,<br />
puis elle répondit : 1<br />
(1) J.B. Gerin.<br />
(2) Petit-fils de Charles X et héritier du trône de France, selon les légitimistes. Nous<br />
avons ici un des premiers exemples d’une approche des secrets dans une problématique<br />
d’ordre politique.<br />
249
Doc. 401<br />
<strong>Documents</strong><br />
Qu’est-ce donc que le duc de Bordeaux ?<br />
— C’est un prince de la famille royale qui devait occuper le<br />
trône de France, et au lieu d ’être roi, il est dans l’exil, pendant<br />
qu’un autre règne à sa place.<br />
Elle répondit froidement :<br />
Eh ! qu’importe à Dieu que celui-là règne ou un autre ?<br />
Changeant de sujet, je lui dis :<br />
Mélanie, on m ’a rapporté que le procureur du roi t’avait<br />
interrogée et t’avait menacée de graves châtiments pour te faire<br />
avouer ton secret.<br />
— Non, M. le curé, c’est le juge de paix, qui, pendant trois<br />
heures, nous questionna séparément avec Maximin (3).<br />
[p. 93] — Que voulait-il de votre part ?<br />
— Il voulait nous faire parler sur l’apparition : il s’efforça de<br />
nous gagner par de l’argent, il voulait nous engager à rétracter<br />
toutes nos paroles et à divulguer notre secret.<br />
— Que lui répondis-tu ?<br />
— Gardez votre argent ; je ne me rétracte point et je ne<br />
veux pas dévoiler mon secret.<br />
— Alors, ne te menaça-t-il pas de la prison ?<br />
— Oui, M. le curé.<br />
— Et toi, que lui dis-tu ?<br />
— J'entrerai dans la prison, mais mon secret y entrera avec<br />
moi.<br />
— On m ’a dit qu’on t’avait menacée de la mort : est-ce que<br />
cette menace ne t’avait pas effrayée ?<br />
— Je n’avais pas pour cela bien peur, et je lui répondis : M.<br />
le juge de paix, on ne meurt qu 'une fois.<br />
Telles sont les principales réponses que j’ai entendues de la<br />
bouche de Mélanie et dont je garantis l’authenticité.<br />
* 401. ABBE ARBAUD. Hommage à Marie. Souvenirs intimes<br />
d'un pèlerinage à la Salette, le 19 septembre 1847...<br />
Digne, Repos, 1848. 126, [1] p. 22 cm.<br />
L'auteur. François Arbaud, né à Manosque, Alpes-de-Haute-Provence, le<br />
2 novembre 1817, était le neveu d’un évêque de Gap. Ordonné prêtre en 1841,<br />
professeur au petit séminaire de Forcalquier, il mourut le 11 septembre 1848,<br />
donc peu de temps après avoir terminé son livre (*).<br />
L'enquête. L’abbé Arbaud séjourna à Corps du 17 au 22 septembre 1847. Il<br />
prit probablement des notes par écrit : sa description si détaillée de l’anniversaire,<br />
confirmée par les autres témoignages qui nous sont parvenus, paraît indépendant<br />
de ces derniers au point de vue rédactionnel. Arbaud connaît Bez et VlLLECOURT,<br />
mais non la Vérité de Rousselot, qui paraîtra en août.<br />
250<br />
(3) L’interrogatoire avait eu lieu le 22 mai (cf. doc. 169 et 170).<br />
(*) Renseignements communiqués par M.-M. Viré, archiviste à l’évêché de Digne.
Avant février 1848 Doc. 401<br />
Date du livre. Le manuscrit de l’enquête fut terminé en janvier au plus<br />
tard : une lettre du début de février (doc. 402) se trouve reproduite non dans le<br />
corps de l’ouvrage, mais dans un « Article supplémentaire » contenant également<br />
une lettre datée du 28 mars (doc. 411). Il se peut que le livre parut seulement<br />
durant l’été : Rousselot semble ignorer son existence au moment où il prépare le<br />
compte-rendu des « publications sur la Salette » qu’on lit dans la Vérité.<br />
Ci-dessous nous reproduisons les pages les plus significatives du livre (en<br />
particulier ce qui concerne les deux enfants). Le reste sera signalé ou résumé.<br />
[.Introduction : Aperçus philosophiques et théologiques sur<br />
les apparitions. — Ch. I (p. 25-29) : Résumé des faits et de leurs<br />
suites. — Ch. II (p. 31-87) : Souvenirs du voyage.<br />
[Arrivé à Corps le 17 septembre au soir, Arbaud rencontre les<br />
enfants dans la cuisine du presbytère (p. 32).] Ma première pensée<br />
fut d ’examiner avec une attention scrupuleuse leurs démarches,<br />
leurs paroles, leur tenue, leur physionomie. Mais, à dire vrai,<br />
comme leur extérieur est très-simple sans être négligé, et qu’ils<br />
parurent s’apercevoir fort peu de ma présence, ils m ’inspirèrent<br />
sur-le-champ une certaine défiance. Je pense que plusieurs personnes<br />
auront éprouvé comme moi cette impression du premier<br />
moment : car, d’un côté, on s’attend à trouver tout de suite<br />
quelque chose d’extraordinaire en eux, et de l’autre, ils n ’offrent<br />
rien qui les distingue des autres enfants. Ce qui répugne surtout<br />
quand on a formé des jugements préconçus ou quand on s’est<br />
formé d ’eux un portrait avantageux, c’est qu’ils ne témoignent<br />
aucun désir de vous voir et de vous parler ; ils n ’usent [p. 33]<br />
d ’aucune prévenance pour vous disposer favorablement à leur<br />
égard. Cependant le nuage qui s’était élevé subitement dans mon<br />
esprit, fut assez léger pour me permettre d’apprécier leur air<br />
candide et empreint de bonté, leur joie enfantine, leurs petites<br />
étourderies, leur franchise, leur laissé'-aller. On voyait qu’ils<br />
n ’avaient pas été façonnés à jouer un rôle par une main habile,<br />
ou, du moins, qu’ils se préparaient fort mal à le remplir, si tant<br />
est qu’ils soupçonnassent qu’ils allaient être interrogés. Ils n ’étaient<br />
pas, comme on pourrait se le figurer, guindés, compassés, avisés,<br />
défiants ; en un mot, ce n ’étaient pas des enfants machines.<br />
[...Arbaud interroge Maximin, qui] répondit d ’une voix douce et<br />
faible par un simple oui. Je compris qu’il était fatigué des visites<br />
qu’il avait reçues dans la journée et je ne le pressai pas davantage,<br />
me réservant de l’entretenir dans une circonstance plus propice. Je<br />
dis aussi quelques mots à Mélanie : elle garda la même réserve.<br />
[...]<br />
[18 septembre. — Conversation avec des ecclésiastiques venus de Grenoble,<br />
de Nîmes, de Montpellier... (p. 35). Un prêtre rapporte que l’abbé Combalot<br />
lui a dit qu’il ne viendra pas prêcher à la Salette, l’autorité n’ayant pas encore<br />
publié son approbation.]<br />
251
Pèlerins vers 1860<br />
grave'par E. D ardelet<br />
252
Avant février 1848 Doc. 401<br />
Un autre prêtre raconta que, d ’après ce qu’il avait ouï dire,<br />
le R.P. Lacordaire combattait l’authenticité du fait et qu’il était<br />
allé jusqu’à lui appliquer les trois épithètes suivantes : « Absurde,<br />
ridicule, impossible (1). » [... Les prêtres vont au presbytère pour<br />
interroger Maximin. Un capucin venu de Lyon] lui dit avec<br />
douceur : « Ecoute, si cette nuit étant là-haut sur la montagne, je<br />
te confessais, et si [p. 36] alors, je te demandais de me dire ton<br />
secret, est-ce que tu ne me le dirais pas ? » Maximin stupéfait jeta<br />
un coup-d’œil rapide sur l’habit du religieux et lui répondit sans<br />
hésiter : « Mais vous n’êtes pas prêtre ! » A ces mots, l’assemblée<br />
poussa un éclat de rire et s’écria : « tu te trompes Maximin ;<br />
monsieur, est réellement prêtre. »<br />
[Conversation avec le peintre Jules Guédy ; description de la pierre trouvée<br />
le 24 mai. — Description de Corps et de la Salette-Fallavaux ; visite au village<br />
de la Salette ; rencontre de groupes de pèlerins ; retour à Corps.<br />
Dimanche 19 septembre : ascension de la montagne. — Description des<br />
lieux. — La veillée préparatoire et le jour anniversaire sur la montagne.<br />
Lundi 20 septembre : visite au couvent des sœurs de la Providence. Arbaud<br />
interroge Maximin. (p. 56)]<br />
Je lui dis en commençant : « Eh bien ! Maximin, tu dois être<br />
bien fatigué ainsi que [p. 57] Mélanie, après une journée comme<br />
celle d ’hier. Quelle foule immense ! si vous ne dites pas la vérité,<br />
sais-tu que vous êtes bien coupables de faire courir ici tant de<br />
gens et de si loin ! » Il détourna la tête et ne répondit rien. En<br />
même temps, il exerça son activité naturelle en parcourant des<br />
yeux et des mains tout ce qui le frappait dans mon extérieur : la<br />
soutane, le rabat, les boutons, le cordon de montre. S’étant aperçu<br />
que j’avais un livre à la main, il le prit sans façon, l’ouvrit au<br />
hasard et se mit à lire deux phrases latines d ’une leçon d ’Ecriture<br />
Sainte. Je le félicitai sur ce qu’il savait lire dans le bréviaire qui<br />
est écrit en latin et je lui fis espérer qu’un jour peut-être il serait<br />
revêtu de la dignité sacerdotale. Après cela, je le priai de me<br />
raconter fidèlement tout ce qu’il avait vu et entendu sur la<br />
montagne Sous-les-baisses, un an auparavant. Alors il devint plus<br />
attentif, sembla rentrer en lui-même, baissa la tête et fit le récit<br />
suivant d’un ton bas, et empreint de tristesse.<br />
[Suit le récit de Maximin d’après Bez (doc. 163) reproduit presque mot à<br />
mot, avec trois renseignements complémentaires (p. 58) :] 1<br />
(1) Sur l’opposition de Lacordaire à la Salette au cours des premières années qui<br />
suivirent l’apparition, cf. également Cartellier : Lacordaire « pense que toutes les guérisons<br />
miraculeuses que l’on cite et qu’on pourra citer ne prouvent rien en faveur de la Salette ;<br />
parce qu’il lui semble qu’une personne qui invoque la S" Vierge comme ayant apparu à la<br />
Salette peut en cela se tromper et cependant être exaucée ; il trouve qu’il n ’y a pas une<br />
connexion nécessaire entre l’apparition et la guérison miraculeusement obtenue » (Réponse,<br />
p. 101-102).<br />
253
Doc. 401<br />
<strong>Documents</strong><br />
(Arrivé à cet endroit [v. 14 : «... vous n’en avez pas fait<br />
cas »], Maximin dit que la dame, voyant qu’ils ne comprenaient<br />
pas, Mélanie surtout, ce que signifiait le mot pommes de terre,<br />
leur dit : Ah ! mes enfants, vous ne comprenez pas le français, je<br />
vais vous parler en patois. Il continue lui-même en patois son<br />
intéressant récit).<br />
[Après le v. 18 : «... les petits enfants au-dessous de sept<br />
ans mourront du tremble. »] (En disant ces paroles, le jeune berger<br />
agite les bras convulsivement et par secousses continues comme le<br />
fait une personne qui aurait la fièvre d’accès).<br />
[Après le v. 20 : « ... les noix deviendront mauvaises »] (Après<br />
cette phrase, Maximin s’arrêta, parut réfléchir un instant sur son<br />
secret et continua en disant :)<br />
Si on se convertit, le blé viendra sur la pierre et sur les rochers<br />
[... Quand Maximin a terminé son récit, Arbaud l’interroge sur<br />
les secrets. L’enfant répond qu’il a reçu le sien après Mélanie.<br />
Arbaud lui demande le moment précis (p. 59) :]<br />
Craignant de se compromettre, Maximin me jeta un coup<br />
d ’œil, réfléchit un moment et me dit : [p. 60] C’est au milieu.<br />
— Bien, c’est au milieu. Mais après quelle parole ? De quoi<br />
s’agissait-il ?<br />
— C’est lorsque elle a parlé de la famine.<br />
— Est-ce après avoir dit cette phrase : les raisins pourriront,<br />
les noix deviendront mauvaises ?<br />
— Oui. [...]<br />
— Est-ce que tu n ’as jamais rêvé que la Sainte Vierge t ’avait<br />
parlé ?<br />
— Oui, ça m’est arrivé une fois.<br />
[Répondant à diverses autres questions, Maximin dit que la figure de la<br />
Vierge était trop brillante pour qu’il puisse bien la voir, que la clarté répandue<br />
par la Dame était plus forte que celle du soleil, (p. 61) qu’ils ont cm que c’était<br />
quelque dame qui passait par là...]<br />
Je ne sais s’il y a illusion de ma part, mais on sent, quand on le<br />
voit de près, quand on le considère attentivement, quand on le<br />
tient dans ses bras, qu’il a été en communication avec un être<br />
supérieur et bienfaisant. Sa voix est douce, faible, mais touchante ;<br />
son regard vif et prompt annonce un caractère déterminé ; comme<br />
il est jeune et ardent, il aime le jeu à la folie : il saute, il court, il<br />
va, vient, retourne, s’en va de nouveau, préférant de beaucoup la<br />
vie libre et indépendante des champs à la vie triste et sédentaire<br />
de l’école. Toutefois, la dissipation à laquelle il se livre est aimable,<br />
modérée, harmonique avec son tempérament nerveux et sanguin.<br />
La légèreté et les étourderies dont plusieurs personnes lui font un<br />
grand crime, ne l’empêchent pas de rentrer, sitôt que la circonstance<br />
l’exige, dans le ton et dans le maintien que demande»/ la nature<br />
254
Avant février 1848 Doc. 401<br />
de son récit ; il se calme tout de suite, il change de pose, il<br />
acquiert une gravité simple et modeste autant qu’il lui est permis<br />
de le faire, et se tient fort bien en garde contre toutes les attaques<br />
même les plus insidieuses.<br />
[Suit le portrait de Maximin par Bez. — Arbaud interroge ensuite Sœur<br />
Sainte-Thècle, supérieure du couvent, qui lui répond qu’elle se comporte à<br />
l’égard des deux enfants d’une manière sévère (p. 63).]<br />
Aussi, dit-elle, ils me craignent et me fuient comme le feu. — Je<br />
crus m ’apercevoir, en effet, dans plusieurs circonstances, que ces<br />
paroles n’étaient ni fausses ni exagérées, mais très-exactes. [...]<br />
Je priai ensuite Mmc la supérieure de me faire connaître les<br />
mœurs, les habitudes, les dispositions, l’état intellectuel des deux<br />
enfants ; de me dire si elle n ’avait pas remarqué en eux des<br />
défauts tels que la duplicité, le mensonge, l’hypocrisie ; de<br />
s’expliquer nettement sur une accusation d’ivrognerie qu’on faisait<br />
peser sur Maximin, grief qui le déshonorerait lui et son récit. Elle<br />
me répondit que Maximin et Mélanie ne se fuyaient pas et ne se<br />
cherchaient pas, attendu qu’ils étaient étrangers l’un à l’autre<br />
avant l’événement. Quand il y avait entr’eux quelque petit sujet<br />
de dispute ou d ’altercation, ils ne se permettaient aucun mot<br />
grossier et aucune parole injurieuse. C’étaient tout au plus quelques<br />
boutades et rivalités d ’enfance exemptes de procédés blessants.<br />
Lorsque l’occasion de faire quelque niche, quelque escapade se<br />
présentait, ils ne laissaient pas que d ’en profiter ; mais comme ils<br />
savaient qu’après leurs fautes, la correction ne se faisait pas<br />
attendre, alors, dans les cas épineux où ils étaient pressés de<br />
s’expliquer sur leur conduite, ils cherchaient quelquefois à s’excuser<br />
et à se mettre à couvert par des réponses peu exactes ; du reste, ils<br />
n ’étaient pas capables de soutenir longtemps leurs petits mensonges,<br />
et bientôt ils étaient amenés à faire l’aveu de leur culpabilité.<br />
Ils étaient encore peu polis, peu prévenants, peu affables envers<br />
les personnes qui les abordaient, quoique d’ailleurs leurs allures<br />
franches et leur naïve simplicité les fissent chérir de tous ceux qui<br />
les avaient connus. Cela [p. 64] provenait de ce que leur éducation<br />
première avait été fort négligée, et de ce qu’ils étaient, par nature,<br />
peu susceptibles de perfectionnement. Mélanie surtout était trèsdure<br />
à apprendre. Depuis un an qu’ils étaient à l’école, à peine<br />
commençaient-ils à lire et à réciter quelques lignes du Catéchisme.<br />
Ils avaient de la peine à retenir leurs prières vocales du matin et<br />
du soir. Ni l’un ni l’autre n ’avaient encore fait la première<br />
communion. Il fallait plus d’un an avant qu’ils fussent à même<br />
de remplir ce devoir important. Du reste, à part les saillies de<br />
caractère et l’état inculte dans lequel ils avaient vécu, ils n ’étaient<br />
sujets à aucun vice grossier, et jouissaient encore de la candeur et<br />
de l’innocence de leurs premières années. Mélanie voulait qu’on<br />
255
Doc. 401<br />
<strong>Documents</strong><br />
lui fit les manches de ses robes larges et pendantes comme celles<br />
des religieuses, parce que, disait-elle, la dame qu’elle avait vue les<br />
portait ainsi. Elle voulait un habillement simple et modeste, une<br />
coiffe relevée et couvrant la partie supérieure du front, un long<br />
cordon pour ceinture, une robe de couleur bleue. Elle courait<br />
toujours vers les vieilles femmes, dans l’espoir de trouver cachée,<br />
sous des dehors obscurs, la dame mystérieuse. Maximin s’élançait<br />
vers les pauvres et les mendiants qui se rencontraient sur son<br />
passage, parce qu’il avait entendu dire que Jésus-Christ avait<br />
souvent emprunté cette forme pour se manifester à ses serviteurs.<br />
Il n’était jamais si content que lorsqu’il se trouvait en leur<br />
présence ; il aimait à leur raconter sa vision, et finissait par les<br />
gratifier des quelques sous que les étrangers veulent à toute force<br />
lui faire accepter. Quant à l’accusation d ’ivrognerie dirigée contre<br />
lui, elle était fausse et il était aisé de l’en justifier. Deux fois, il<br />
est vrai, il avait succombé à un sommeil léthargique après avoir<br />
bu du vin, mais les circonstances dans lesquelles il se trouvait le<br />
rendaient pleinement innocent. La première fois, il était allé sur<br />
la montagne en compagnie de plusieurs personnes et de la<br />
supérieure elle-même du couvent. Après avoir fait quatre heures<br />
de chemin dans des sentiers rocailleux et à pente brusque, sous le<br />
feu d’un soleil piquant, il était arrivé trempé de sueur, la supérieure<br />
voulant prévenir quelque fâcheuse maladie, lui avait fait boire un<br />
doigt de vin chaud et sucré, qui l’avait enivré. Il est facile de voir<br />
qu’il n ’y avait aucune culpabilité de la part de Maximin. La<br />
seconde fois, plusieurs prêtres l’ayant conduit au même lieu et<br />
dans des circonstances analogues, l’avaient tellement pressé de<br />
boire, sous prétexte qu’il avait chaud, qu’ils l’avaient réduit en<br />
un instant à l’état de sommeil. Ils n ’avaient pas [p. 65] réfléchi<br />
que ce qui ne produit rien de fâcheux sur un homme mûr, est<br />
plus que suffisant pour troubler la raison à un pauvre petit enfant.<br />
On ne peut donc en aucune manière accuser Maximin d ’être sujet<br />
à l’ivrognerie. D ’ailleurs Maximin et Mélanie étaient sobres et<br />
tempérants ; sous ce rapport, on ne pouvait que les louer. Ils<br />
manifestaient toujours un grand intérêt à entendre parler de la<br />
Sainte Vierge ; ils allaient à la Salette toujours avec un nouveau<br />
plaisir : huit jours avant la fête du 19 septembre, ils avaient<br />
demandé la permission de séjourner sur la montagne pendant<br />
toute la semaine, espérant, disaient-ils, voir de nouveau la tant<br />
belle Dame. Le refus qu’on avait cru devoir faire à leur demande,<br />
en vue de leur utilité, les avait plongés dans une profonde tristesse.<br />
Je demandai encore à Mmc la supérieure si, depuis le temps<br />
qu’elle avait les jeunes bergers sous son inspection, elle n ’avait<br />
jamais remarqué qu’ils eussent varié dans leur récit, et surtout si,<br />
d ’une façon quelconque, ils n ’avaient pas laissé pénétrer leur secret<br />
aux personnes qui les entouraient habituellement. Elle me répondit<br />
256
Avant février 1848 Doc. 401<br />
qu’ils avaient toujours raconté la même chose dans les mêmes<br />
termes ; qu’il n’y avait pas de différence à les entendre maintenant<br />
et à les avoir entendus le premier jour. Jamais, ils ne s’étaient<br />
laissé surprendre à l’endroit du secret ; ils n ’avaient rien dit, ni<br />
rien fait qui pût le faire découvrir. Seulement, un examen attentif<br />
et persévérant lui avait fait remarquer que lorsqu’on parlait à<br />
Mélanie touchant le secret, elle prenait tout à coup un air triste,<br />
et au contraire, quand on interrogeait Maximin là dessus, sa<br />
physionomie devenait sensiblement plus gaie et plus ouverte. D ’où<br />
il résulte que leurs secrets sont distincts et ont rapport à des objets<br />
d ’une nature différente.<br />
Satisfait des explications qui m ’avaient été données, je priai<br />
Mmc la supérieure d ’appeler Mélanie afin que je pusse l’interroger.<br />
Elle l’amena bientôt et se retira. Sur ces entrefaites, il se présenta<br />
trois personnes qui venaient aussi pour entendre le récit des jeunes<br />
enfants. Nous fîmes asseoir Mélanie devant nous et elle commença<br />
à parler d ’une voix faible et timide. Nous prêtions toute l’attention<br />
possible afin de ne rien laisser échapper, mais malgré notre bonne<br />
volonté, nous perdîmes plusieurs mots, tant elle était affaiblie et<br />
écrasée par la dure corvée qu’elle avait supportée la veille. Il me<br />
fut cependant aisé de comprendre qu’elle s’accordait parfaitement<br />
avec Maximin. Même sens, mêmes pauses, mêmes gestes, même<br />
ton. Elle raconta la première partie en français, mais la seconde<br />
fut dite en patois.<br />
[p. 66] Lorsqu’elle eut fini de parler, j’engageai avec elle la<br />
conversation suivante :<br />
— Ecoute, Mélanie, tout ce que tu viens de dire est-il bien<br />
vrai ?<br />
— Oui.<br />
— Est-ce que tu ne mens pas quand tu dis que tu as vu la<br />
Sainte Vierge ?<br />
— Je sais pas si c’était la Sainte Vierge, mais je sais que nous<br />
avons vu une belle dame.<br />
— Tu te trompes. Je vais te dire, moi, comment tout cela<br />
s’est passé.<br />
Vous vous êtes endormis après avoir pris votre petit repas.<br />
Pendant que vous dormiez, vous avez rêvé tous les deux en même<br />
temps que vous voyiez une belle dame ; après vous être réveillés,<br />
vous vous êtes raconté votre songe et comme il était à peu près le<br />
même, vous êtes tombés d ’accord pour dire que vous aviez vu<br />
quelque personnage extraordinaire sur la montagne.<br />
— Non, ce n ’est pas vrai ; nous ne l’avons pas rêvé.<br />
— Es-tu bien sûre d ’avoir été éveillée, lorsque tu as eu cette<br />
vision ; peut-être tu ne le sais pas bien.<br />
— Je sais bien quand je dors ou quand je veille.<br />
257
Doc. 401<br />
<strong>Documents</strong><br />
— Alors dis-moi : as-tu bien entendu parler cette dame, l’astu<br />
bien regardée et bien vue ?<br />
— Oui.<br />
— Sa voix était-elle forte ?<br />
— Oui.<br />
— Etait-elle en même temps douce et agréable ?<br />
— Oui.<br />
— Etait-elle comme celle des autres femmes ?<br />
— Non, elle avait quelque chose de bien plus beau.<br />
— As-tu prêté toute ton attention lorsqu’elle a passé de<br />
l’autre côté du ravin pour s’en aller ?<br />
— Oui.<br />
— L’as-tu suivie ?<br />
— Oui.<br />
— Comment marchait-elle ?<br />
— Sur la cime de l’herbe.<br />
— As-tu bien ouvert les yeux lorsqu’elle s’est élevée en l’air ?<br />
— Oui.<br />
— Mais comment a-t-elle fait pour monter en haut ?<br />
[p. 67]— Eh bien, elle s’est élevée de ça (Mélanie étend la<br />
main à la hauteur d ’un mètre au-dessus du sol), et puis nous<br />
n ’avons plus vu la tête, plus le corps, plus les pieds.<br />
— Lorsqu’elle a eu disparu as-tu vu encore quelque chose ?<br />
— Oui, j’ai vu une clarté.<br />
— Ecoute bien ce que je vais te dire :<br />
Quand ce personnage a eu fini son rôle, après qu’il s’est<br />
évanoui à vos yeux, est-ce que vous n ’avez pas eu l’idée de courir<br />
tout de suite de l’autre côté de la crête, pour voir s’il ne se serait<br />
pas caché quelque part, ou s’il ne s’enfuyait pas par le chemin<br />
d’Ourcière (2) ?<br />
— Non, ce n ’était pas nécessaire.<br />
Cette réponse produisit sur moi une profonde impression<br />
parce qu’elle me prouvait que les enfants avaient réellement vu le<br />
personnage monter dans les airs, sauf mensonge de leur part. Je<br />
poursuivis en disant :<br />
— Je comprends parfaitement ce que tu veux dire ; oui, ce<br />
n ’était pas nécessaire puisque vous l’aviez vu disparaître après qu’il<br />
avait quitté la terre. Mais enfin, n ’avez-vous pas pensé que c’était<br />
qu’elle [sic] méchante sorcière qui voulait vous attraper ?<br />
— Oh non !<br />
— C’est peut-être la domestique de M. le curé qui vous a<br />
fait cette niche. Elle s’est habillée comme une grande dame, elle<br />
(2) Ourcière : ancien nom de Dorcières, village situé sur la pente méridionale du<br />
Planeau (voir infra, p. 305 et la carte, LSDA I, p. 6).<br />
258
Avant février 1848 Doc. 401<br />
vous a surpris au moment où vous n ’y pensiez pas et vous l’avez<br />
prise pour un être miraculeux et céleste.<br />
— Eh bien ! si c’est la domestique de M. le curé, dites-lui<br />
de le faire encore une fois, et vous verrez !.....<br />
— Si ce n’est pas la domestique de M. le curé qui vous a<br />
trompés, alors ce sera quelque beau nuage blanc qui a pris la<br />
forme d ’une figure humaine. Vous l’aurez suivi jusqu’à ce qu’il<br />
se soit dissipé.<br />
— Eh bien ! si c’est un nuage, faites-moi un peu parler un<br />
nuage, vous !.....<br />
Mélanie était de mauvaise humeur en entendant mes objections<br />
; elle finit par me dire : « Vous ne croyez pas à la Sainte<br />
Vierge. » Je lui répondis : « Mais oui, je crois à la Sainte Vierge ;<br />
seulement, je ne crois pas encore que vous l’ayez vue et qu’elle<br />
vous ait dit ce que tu as raconté. » Elle répliqua avec feu : « Croyezle<br />
ou ne le croyez pas, cela ne me fait rien. » En disant ces mots,<br />
elle se dressa comme pour s’en aller ; je la retins malgré elle en la<br />
[p. 68] calmant par ces paroles : « Allons, eh bien oui, je crois<br />
maintenant que vous avez eu le bonheur de voir la Sainte Vierge,<br />
et qu’elle vous a parlé. Combien devez-vous vous estimer heureux !<br />
Combien de personnes voudraient aussi la voir ! Demeure encore<br />
un peu et puis nous te laisserons aller. Est-il vrai que tu aies un<br />
secret ? »<br />
— Oui.<br />
— Sais-tu s’il est le même que celui de Maximin ?<br />
— Je sais pas moi.<br />
— Est-ce que tu ne l’as pas dit à M. le curé ?<br />
— Non.<br />
— Veux-tu me le dire ?<br />
— Non.<br />
— Est-ce que je ne le saurai jamais ?<br />
— Vous le saurez ou vous ne le saurez pas.<br />
— La Sainte Vierge, comment était-elle habillée ?<br />
— Elle avait des souliers blancs avec des roses autour de ses<br />
souliers ; il y en avait de toutes les couleurs ; des bas jaunes, un<br />
tablier jaune, une robe blanche avec des perles partout, un fichu<br />
blanc, des roses autour, un bonnet bien haut, une couronne autour<br />
de son bonnet avec des roses ; elle avait une chaîne très-petite qui<br />
tenait une croix avec son Christ ; à droite étaient des tenailles, à<br />
gauche un marteau, aux extrémités de la croix. Une grande chaîne<br />
tombait comme les roses autour de son fichu ; elle avait la figure<br />
blanche, allongée ; je ne pouvais pas la voir bien longtemps<br />
pourquoi qu’elle nous éblouissait.<br />
Lorsqu’elle se fut arrêtée, je lui montrai l’image de la Sainte<br />
Vierge que j’avais dans mon bréviaire, et je lui dis : « Regarde un<br />
peu si la personne que tu as vue ressemblait à cette figure ? »<br />
259
Doc. 401<br />
<strong>Documents</strong><br />
« Non, non, point du tout, » répondit-elle, et en même temps<br />
elle était impatiente de sortir. Alors une des personnes qui se<br />
trouvaient dans le salon, lui dit : « Avant de t’en aller, Mélanie,<br />
il faut que tu nous fasses un plaisir. Il y a ici une jeune demoiselle<br />
que nous avons amenée pour la recommander à la protection de<br />
la Sainte Vierge ; elle est presque muette, car elle ne peut<br />
prononcer que quelques mots ; sais-tu ce qu’il faut faire, il faut<br />
l’embrasser, afin que par ce moyen la Sainte Vierge la protège. »<br />
Aussitôt que Mélanie eut entendu ces paroles, elle fit un geste de<br />
refus et se mit en mesure de sortir. Nous la priâmes de rester et<br />
nous la conjurâmes au nom de la charité de faire ce qu’on lui de-<br />
[p. 69]mandait. La jeune demoiselle qui souhaitait ardemment<br />
d ’être guérie, s’élança sur elle pour l’étreindre dans ses bras, mais<br />
la jeune bergère la repoussa vivement. Elle s’obstina dans son<br />
refus, demeura inflexible malgré nos pressantes sollicitations et se<br />
mit à pleurer en disant : « Non, non ! je ne veux pas ; je<br />
n ’embrasse personne !..... » Sa candeur, son innocence et sa<br />
délicatesse avaient trop bien révélé son mérite pour que nous<br />
dussions la molester plus longtemps. Nous lui accordâmes enfin la<br />
permission de se retirer et en un instant, elle disparut en fermant<br />
la porte sur elle.<br />
M. l’abbé Bez en fait le portrait en ces termes : [Suit le<br />
portrait de Mélanie par BEZ.]<br />
Lorsque Mélanie se fut retirée, nous prîmes congé de Mmc la<br />
supérieure et nous sortîmes après avoir rencontré, à la porte de la<br />
cuisine, le jeune Maximin qui faisait son récit à un pauvre mendiant<br />
ravi de l’entendre, et lui donnait en finissant un p etit sou en<br />
signe d’amitié.<br />
[Arbaud interroge ensuite Marie Laurent, qui avait été guérie le 24 novembre<br />
1846, et son époux, puis l’aubergiste Magnan et le père de Maximin (p. 77).]<br />
Dans la matinée du mardi, 21 septembre, je me transportai<br />
[p. 78] chez les parents de Mélanie qui habitent une pauvre maison<br />
située non loin du couvent. Je pénétrai dans une grande chambre<br />
déguenillée où étaient réunis le père, la mère et quelques petits<br />
enfants. Après les avoir salués et après avoir félicité la pauvre mère<br />
de la faveur que la Sainte Vierge avait accordée à sa fille, je lui<br />
manifestai le désir de connaître quelques-uns des détails les plus<br />
intimes qui se rattachaient à l’histoire de Mélanie. Elle prit aussitôt<br />
la parole et me donna à peu près les informations suivantes :<br />
« Vivant dans une condition misérable, la nécessité les avait<br />
forcés à placer leur enfant chez différents maîtres, depuis l’âge de<br />
sept ans ; à l’époque de l’apparition, elle était chez le sieur<br />
Baptiste Pra, dans le hameau des Ablandens, à l’exception des<br />
trois mois les plus rigoureux de l’année, décembre, janvier, février,<br />
elle avait toujours vécu hors de la maison et hors du village où<br />
260
Avant février 1848 Doc. 401<br />
elle était peu connue ; après l’événement arrivé à la Salette, elle<br />
s’était empressée de quitter les Ablandens pour venir leur raconter<br />
avec grande abondance de larmes le prodige qui l’avait tant<br />
frappée ; son père, parti pour le Dévoluy 15 jours avant, avait été<br />
le dernier du village à apprendre la grande nouvelle ; peu crédule<br />
de son naturel et scieur de long de son métier, il avait accueilli les<br />
propos de Mélanie avec un mépris qui s’était changé bientôt en<br />
indignation ; ils avaient usé de tous les moyens pour persuader à<br />
Mélanie qu’elle était victime d ’un fol entêtement, mais les<br />
persécutions les plus acharnées, les châtiments, les insultes, les<br />
sarcasmes n’avaient amené aucun résultat, si ce n ’est celui de la<br />
rendre plus ferme et plus inébranlable ; elle avait toujours montré<br />
un cœur bon, doux, sensible, timide, patient et ennemi du<br />
déguisement, elle avait en revanche la tête fort dure et, tandis<br />
que ses frères et sœurs apprenaient fort bien leur catéchisme, elle<br />
ne pouvait retenir les notions élémentaires de la doctrine chrétienne<br />
; elle était parvenue cependant à réciter en français le Notre<br />
père, qui êtes aux cieux... sans comprendre d ’une manière bien<br />
claire ce que signifiaient ces mots : Notre père... Enfin, elle lui<br />
avait raconté qu’après l’événement de la Salette, passant un soir<br />
auprès de la chapelle de St. Sébastien, elle avait vu bien<br />
distinctement et sans frayeur l’intérieur de l’édifice illuminé par<br />
une brillante clarté et que cette même lumière avait accompagné<br />
ses pas jusqu’à la demeure de son maître (3). »<br />
Quand elle eut cessé de parler, je lui adressai cette question :<br />
[p. 79] « Comment se fait-il que votre fille ne comprit pas la<br />
langue française, puisque, d’après ce que je vois, vous la parlez<br />
vous-même assez bien ; on dit ordinairement que les enfants savent<br />
parler la langue de leurs parents. » Elle répondit à cela que Mélanie<br />
comprenait certainement quelques mots français lorsque la Sainte<br />
Vierge lui a parlé et qu’elle aurait pu, en fréquentant la maison<br />
paternelle, en savoir davantage, mais elle en avait été empêchée<br />
en demeurant la plus grande partie de l’année chez des ménagers<br />
où l’on ne se sert habituellement que du patois. [...]<br />
[Troisième visite à la Salette. — Arbaud interroge le maire Peytard.<br />
Description des lieux de l’apparition (p. 81).]<br />
L’endroit où coule actuellement la fontaine, n ’était pas celui<br />
où la source jaillissait originairement. Comme on voulait rassembler<br />
les précieux filets d ’eau qui s’échappaient dans les entrailles de la<br />
terre, on a creusé un petit lit où ils viennent se réunir et on l’a<br />
soigneusement recouvert. Aussi, la première des 14 croix dont se<br />
composent les différentes stations, est-elle plantée un peu au-<br />
(3) Sur cet épisode, voir p. 203.<br />
261
Doc 204 bis : Vue du plateau de la Salette et portrait des deux bergers, par Jules Gue'dy<br />
« Cet endroit que M.élanie eut soin de noter en y enfonçant son bâton de bergère, est marqué par une petite croix... » (Arbaud, p. 82).
Avant février 1848 Doc. 401<br />
dessus du torrent, sur le lieu où la Sainte Vierge était assise. La<br />
seconde qui est située à quatre pas de la précédente, du même<br />
côté du ravin, occupe, d ’après ce que disent les enfants qui l’ont<br />
eux-mêmes plantée, la position tenue par le personnage, pendant<br />
qu’il leur a parlé. Cette croix est à raison de la circonstance dont<br />
je viens de parler, l’objet d ’un culte plus profond que la première.<br />
On la voit couverte de chapelets, de rubans, de fleurs entrelacées,<br />
d ’images, de livres, et enfin de trois ou quatre béquilles. En outre,<br />
elle soutient une petite niche dans laquelle Mélanie a placé une<br />
statue grossièrement habillée à la vérité, mais imitant, autant que<br />
possible, par l’identité du costume, la dame qu’elle a vue. Qu’il<br />
est touchant et naïf ce symbole où reluit un hommage sincère<br />
rendu à la réalité du fait !...<br />
Les autres croix plantées sur la rive gauche se développent à<br />
des distances égales sur un plan brusquement incliné. Elles<br />
jalonnent pour ainsi dire par leurs contours, le chemin qu’a suivi<br />
le personnage inconnu.<br />
La X IV m', c’est-à-dire, la dernière du chemin de la croix,<br />
n ’atteint pas tout à fait la crête du plateau. Elle porte un tronc<br />
soigneusement fermé dans lequel chacun dépose les dons que lui<br />
inspire sa piété. Plus d ’une fois, on a vu des femmes y jeter leurs<br />
bagues et leurs pendants d ’oreilles. Quoique placée à l’extrémité<br />
[p. 82] du côté du sud, elle n ’indique cependant pas le lieu précis<br />
où la Sainte Vierge s’est élevée en l’air, en présence des deux<br />
bergers, et a fini par s’évanouir. Cet endroit que Mélanie eut soin<br />
de noter exactement en y enfonçant son bâton de bergère, est<br />
marqué par une petite croix qui s’élève presque au pied de la<br />
précédente. Comme celle qui est située auprès de la fontaine, elle<br />
est chargée de médailles, de chapelets, de couronnes de fleurs,<br />
d ’images, de scapulaires, de béquilles et s’appelle Croix de<br />
l'Assomption, parce que c’est de là que le personnage se serait<br />
élevé en l’air, je remarquai que parmi toutes les croix, il n ’y en<br />
avait pas une d ’intacte. On les avait coupées selon la direction des<br />
arêtes, soit en travers, soit du haut en bas. Deux principalement,<br />
la seconde et l’avant-dernière qui rappellent des souvenirs plus<br />
précieux, avaient été terriblement endommagées. Elles ne tenaient<br />
presque plus sur leur base.<br />
[Retournant à Corps par les Ablandens, Arbaud interroge P. Selme et B. Pra,<br />
qu’il trouve entourés de leurs familles. On lui dit que le récit des enfants n’a<br />
point changé avec le temps (p. 84).]<br />
Seulement, dans le principe, ils rapportaient le discours de la<br />
dame tout en patois, tandis que, plus tard, ils ont raconté la<br />
première partie en français et la seconde en patois. Cette particularité<br />
ne devait pas les rendre suspects, car ils avaient eu soin, dès le<br />
263
Doc. 401<br />
<strong>Documents</strong><br />
début, d’avertir que la grande dame s’était énoncée en français et<br />
n’avait commencé à parler patois qu’au mot pommes de terre (4).<br />
[Arbaud rentre à l’hôtel au clair de lune. Rencontrant un artiste qui avait<br />
voulu daguerréotyper la foule réunie sur la montagne, il lui demanda s’il avait<br />
réussi (p. 85).]<br />
Il me répondit que, malheureusement pour lui, temps et peine,<br />
tout avait été perdu. La brume épaisse et humide qui enveloppait<br />
l’assemblée, ayant détrempé les préparations chimiques étendues<br />
sur les plaques, il lui avait été impossible de se livrer à l’opération.<br />
Pour se dédommager, il se proposait de tirer le portrait des deux<br />
enfants, chose à laquelle je l’engageai beaucoup, attendu que tous<br />
ceux qu’on en a fai/ jusqu’à ce jour sont très-peu ressemblants.<br />
[Interrogatoire de Mme Consolin, hôtellière (5). Elle répond à Arbaud que<br />
les habitudes du pays ont effectivement changé depuis l’apparition et lui raconte<br />
que le charron Giraud, insulté en sa présence par un étranger, s’en alla sans<br />
avoir pu répliquer un seul mot (p. 86).]<br />
Il courut droit à sa maison et tomba à coups redoublés sur son<br />
misérable enfant, après l’avoir attaché au pied d’une table. [...]<br />
Puis, à la suite de cette scène, il le consigna pour huit jours dans<br />
un réduit obscur, et le condamna au pain et à l’eau (6). Au bout<br />
des huit jours, chose étonnante ! Maximin était [p. 87] aussi ferme<br />
et aussi inébranlable qu’auparavant.<br />
[Ch. III (p. 89-97) : Réponses admirables de Maximin et de<br />
Mélanie. — Doc. 399, 400, extraits de BEZ, puis (p. 96) :]<br />
Un questionneur importun adressa à Maximin la même<br />
objection que j’avais présentée à Mélanie au sujet des nuages. Il<br />
lui dit que la belle dame qu’il avait vue, n ’était autre chose qu’un<br />
nuage blanc qui, par la manière dont le soleil l’avait frappé, avait<br />
offert des dehors éclatans de lumière et de couleurs. Le jeune<br />
berger se contenta de lui répondre : « Faites donc parler un<br />
nuage. » L’enfant avait raison ; la chose est en effet passablement<br />
difficile. Cependant, l’interlocuteur ne se tint pas pour battu, et<br />
il ajouta une seconde difficulté. « Mais, dit-il, faisant un effort<br />
d ’imagination, si c’était une femme cachée dans un nuage. »<br />
« Oh ! Monsieur, répliqua Maximin, faites donc porter une femme<br />
(4) Récit donné au début « tout en patois » : pour donner à leur entourage une<br />
première idée de ce qui leur était arrivé, les enfants devaient spontanément s’exprimer en<br />
patois.<br />
(5) Arbaud orthographie « Consolin ». Il s’agit sans doute de l’hôtel Gonssolin (devenu<br />
plus tard hôtel Dumas), identifié par BASSETTE, p. 148, avec celui que Mélin présente<br />
comme « l’auberge la plus apparente de Corps, celle où se présentent naturellement les<br />
étrangers un peu honorables » (témoignage de Mélin reproduit dans le doc. 395, p. 1).<br />
(6) Témoignage isolé et manifestement exagéré. Il teste néanmoins vrai que l’enfant a<br />
souffert pour l’apparition.<br />
264
Avant février 1848 Doc. 401<br />
sur un nuage, car nous l’avons vue s’élever et disparaître ; nous<br />
n ’avons plus vu la tête, plus vu le bras, plus le corps, plus les<br />
pieds ; elle s’est fondue. [...]<br />
[Ch. IV (p. 99-122) : Réponse à dix objections. ]<br />
[(p. 102)...] On ne peut disconvenir que les paroles de<br />
Maximin et de Mélanie ne ressemblent à une véritable récitation.<br />
Aussitôt qu’un voyageur les a priés de raconter l’événement, ils<br />
enfilent leur histoire avec une rapidité étonnante, à voix basse, la<br />
tête baissée, ainsi que le pratiquent les jeunes écoliers. Ils<br />
prononcent également et sur le même ton demandes et réponses.<br />
Ils paraissent même ne concevoir que fort peu l’importance et la<br />
gravité de ce qu’ils annoncent. Voilà ce qu’on découvre à la<br />
première inspection.<br />
[...(p. 103) Cependant] tout en reconnaissant que Maximin<br />
et Mélanie récitent leur histoire plutôt qu’ils ne la racontent, il y<br />
aurait de l’inexactitude et de l’injustice à ne pas reconnaître qu’il<br />
y a dans leur ton une modestie et une empreinte de tristesse qui<br />
frappent vivement. S’ils ne sont pas à même de concevoir la portée<br />
de leurs paroles, il paraît cependant qu’ils ont senti et qu’ils<br />
sentent profondément la mission dont ils sont investis, puisqu’ils<br />
se défendent si habilement contre leurs contradicteurs.<br />
Ils ne sont pas non plus si froids ni si superficiels, car ils<br />
laissent apercevoir de temps en temps les larmes qui mouillent<br />
leurs yeux, aux passages les plus touchants de leur discours. Il ne<br />
faut donc pas exagérer le caractère de monotonie avec lequel ils<br />
ont l’habitude de débiter. [...]<br />
[Article supplémentaire (p. 123-124) : doc. 402 et 411. —<br />
Table des matières.]<br />
ÉVÉNEMENTS d e février-m a rs-a v ril 1848<br />
Révolution de février et début de la Seconde République. Le roi Louis-<br />
Philippe abdique le 24 février. La seconde République s’instaure sous le signe de<br />
l’alliance entre la liberté et la religion. « Tout s’annonce d’une manière non<br />
seulement inoffensive mais encore favorable », déclare Mgr de Bruillard dans une<br />
lettre datée du 4 mars et destinée à être lue publiquement dans les églises du<br />
diocèse (*). Il y eut cependant en quelques endroits des manifestations anticléricales,<br />
en particulier à Lyon et à Vienne (Isère). Au cours des semaines qui<br />
suivent l’écroulement de la monarchie, va se développer une crise économique<br />
extrêmement grave, engendrant chômage et agitation sociale. L’inquiétude gagne<br />
le pays. Le dimanche de Pâques, 23 avril, pour la première fois en France on élit<br />
les députés au suffrage universel. 84 % des inscrits votent. Les élus appartiennent<br />
en majorité au centre et à la droite.<br />
(*) Lettre citée par J. Emery dans B. BLIGNY, éd. Le diocèse de Grenoble, Paris,<br />
Beauchesne, 1979, p. 225.<br />
265
Doc. 411<br />
<strong>Documents</strong><br />
La Salette. « Forcément suspendu pendant deux mois, le pèlerinage a été<br />
fréquenté de nouveau à partir du 15 février 1848. Dès lors, nous avons vu des<br />
personnes venues de fort loin et qui, appuyées uniquement sur la protection<br />
puissante de N.D. de la Salette, se sont estimées heureuses de parvenir au lieu<br />
de l’apparition, malgré plusieurs pieds de neige et un vent glacial. Nous étions<br />
autorisés à reprendre l’oblation interrompue du Saint Sacrifice sur la montagne<br />
dès le 25 mars ; mais nous n’avons pu jouir de cette faveur que le 10 mai »<br />
(PERRIN, n° 663). — Mgr de Bruillard autorise également le curé de la Salette à<br />
instituer une « neuvaine perpétuelle » de prières, consistant dans la récitation des<br />
litanies de la Vierge, d’un Pater, d’un Ave et du Souvenez-vous de saint Bernard<br />
(doc. 407, 409, 410, 416 ; Perrin, n° 168-181).<br />
Mardi 28 mars 1848<br />
411. LETTRE ENVOYÉE DE CORPS à l’abbé Arbaud<br />
Dans Arbaud, p. 124.<br />
Auteur : peut-être l’abbé Mélin.<br />
Une nouvelle approche de la Salette. Les fameux secrets confiés le 19<br />
septembre 1846 à Maximin et à Mélanie ne contiendraient-ils pas la clef de<br />
l’avenir politique, qui paraît si incertain depuis le renversement de la monarchie<br />
au mois de février ? La présente lettre renvoie l’écho des toutes premières réactions<br />
exprimées en vertu de cette attente.<br />
Monsieur l’Abbé,<br />
Plusieurs personnes ont pensé, comme vous, que les graves<br />
événements qui se sont passés, et qui vont se développer en France<br />
avaient quelque liaison avec l’apparition (1). Si cela est, Dieu s’en<br />
est réservé le secret. Les deux enfants n ’ont encore rien divulgué.<br />
Ces événements n ’ont influencé en rien leur conduite, qui est<br />
toujours absolument la même, quant à ce fait.<br />
J ’ai l’honneur d’être...<br />
Corps le 28 mars 1848.<br />
Mercredi 19 avril 1848<br />
414. LETTRE DES ABBÉS LOUIS ETJ.-M. PERRIN, de la Salette,<br />
à Mgr de Bruillard<br />
Original écrit de la main de l’abbé J.-M. P. et signé des deux frères (3 p.<br />
26,5 cm x 19,5) : EG 134.<br />
Note. La lettre a pour objet l’expansion de la dévotion née de l’apparition.<br />
Pour la première fois, il est question de la fondation d’une confrérie en l’honneur<br />
de Notre-Dame de la Salette. 1<br />
(1) Dans une lettre datée du lendemain 29 mars (doc. 412), l’abbé Mélin prend cette<br />
idée â son propre compte : « L’apparition aux deux bergers ne paroissoit pas un fait assez<br />
éclatant à quelques-uns ; ils attendoient de plus grands événements pour y croire. Je pense<br />
que leurs désirs ont été exaucés. 11 a été solennel le coup de tonnerre qui vient d'éclater<br />
soudain, sans aucun signe précurseur : intonuit de coelo Dominas. » — Cette lettre ne<br />
contient cependant aucune allusion aux secrets de la Salette.<br />
2 66
Monseigneur,<br />
19 avril 1848 Doc. 414<br />
Les deux frères de la Salette ont l’honneur de présenter leur<br />
profond hommage à votre Grandeur. Comme leur position les met<br />
toujours en rapport avec tous les départemens de la France, ils ont<br />
cru devoir informer leur vénéré Pontife de ce que l’on dit et de ce<br />
que l’on fait relativement au fait surnaturel de l’apparition. Voici,<br />
par ordre, quelques remarques à ce sujet.<br />
1° Honneurs rendus à l’eau privilégiée et aux pierres touchées<br />
par la Reine du ciel.<br />
Made Sœur Ste Sophie, Suprc des religieuses hospitalières de<br />
N.D. de la Victoire, à Morlaix (Finistère) ayant reconnu plusieurs<br />
fois la puissance de cette eau sur les malades de sa communauté,<br />
et notamment sur deux religieuses, de la guérison desquelles les<br />
relations ont été envoyées à l’Evêché, nous apprend, dans une<br />
lettre du 13 mars, comment elle s’applique à témoigner sa<br />
reconnaissance à Notre Dame de la Salette.<br />
« Vous saurez avec satisfaction sans doute, Monsieur le Curé,<br />
que notre bon aumônier, entrant dans mes vues, nous bâtit, en ce<br />
moment, une petite chapelle expiatoire sur une colline élevée. Elle<br />
sera dédiée à Notre Dame de la Salette (1). »<br />
[Dévotion à N.D. de la Salette chez les Annonciades célestes de Langres et<br />
les Dames blanches du monastère de la Rochelle. — Guérison de Jeanne Laurent,<br />
fille de service à Clichy, Seine (2). S’étant par inadvertance enfoncé une épingle<br />
dans l’oreille, elle en fut délivrée par l’application d’un fragment de pierre<br />
emporté de la Salette par un séminariste de Saint-Sulpice. (p. 2) ...]<br />
Quand donc nous sera-t-il permis de pouvoir, nous aussi,<br />
répondre aux vœux si ardens de tous ceux qui, en si grand nombre,<br />
nous demandent, et de vive voix et par écrit, à voir, à toucher, et<br />
surtout à vénérer ces monumens auxquels Marie a communiqué<br />
par le contact une puissance divine, puisqu’ils deviennent les<br />
instrumens de sa miséricordieuse bonté ! [... ]<br />
2° Désir manifesté dans le diocèse et dans toute la France.<br />
[... Le silence gardé par l’autorité étonne. On l’attribue à des interventions<br />
inspirées par la crainte que la Salette pourrait faire du tort à d’autres pèlerinages.] 1<br />
(1) La chapelle construite chez les Religieuses Hospitalières de Saint-Augustin du<br />
couvent de N.D. de la Victoire devint, à partir du mois de septembre suivant, un centre<br />
de pèlerinage fréquenté par le public. (PERRIN, n ” 703-706 ; J.M. ABGRALL, La Salette de<br />
Morlaix, Brest 1907.)<br />
(2) Cette guérison, qui eut lieu vers le 8 novembre 1847, semble n'avoir été connue à<br />
l’évêché de Grenoble que par une seule relation (doc. 334 ter), dont une copie fut envoyée<br />
au curé de la Salette par un ancien pèlerin, l’abbé Berger, séminariste à Saint-Sulpice.<br />
Originaire d'Avallon dans l’Yonne, l'abbé Berger avait informé le curé de la Salette en<br />
décembre 1847 de la guérison d ’Antoinette Bollenat (GlRAY 1, p. 195-196).<br />
267
Doc. 414<br />
<strong>Documents</strong><br />
Beaucoup de prêtres de notre diocèse manifestent le désir que Sa<br />
Grandeur levât au moins la défense de parler en chaire du fait<br />
extraordinaire de la Salette, et l’on ajoute que cette mesure serait<br />
une approbation suffisante dans les circonstances difficiles où nous<br />
nous trouvons. « Au moins, disent-ils, nous pourrions librement<br />
donner connaissance aux fidèles des nombreuses guérisons qui<br />
s’opèrent par l’invocation de Notre Dame de la Salette. Que<br />
pourrions-nous dire de plus édifiant pendant le beau mois de<br />
Marie qui va commencer ? Car jamais nous [p. 3] n ’avons remarqué<br />
autant de froideur à remplir le devoir pascal. Parler des prodiges<br />
de la bonté et de la puissance de Marie, ne serait-ce pas un moyen<br />
sûr de réveiller les remords et de toucher les cœurs coupables ? Si<br />
nous ne pouvons pas parler des bienfaits de notre Mère, comment<br />
donc pourrons-nous lui exprimer notre reconnaissance ? Si, au<br />
contraire, cet avantage nous est donné, nous pourrons parfois<br />
conduire nos paroissiens sur la montagne privilégiée, affermir leur<br />
foi contre les jours mauvais, dont nous sommes menacés ; conjurer<br />
Marie de protéger toujours la France et son pieux clergé. »<br />
3° Confrérie de Notre Dame \ des / Sept Douleurs à la<br />
Salette.<br />
Monseigneur, nous soumettons à Votre Grandeur le dessein<br />
que nous aurions d ’établir à la Salette la confrérie de Notre Dame<br />
des Sept Douleurs. La Ste Vierge elle-même semblerait le demander,<br />
en voici les raisons : l re [raison] La Reine du ciel est apparue aux<br />
deux bergers le 19 septembre, jour où, selon la liturgie romaine,<br />
l’Eglise célèbre la fête de Notre Dame de Pitié ou des Sept<br />
Douleurs de Marie (3).<br />
T [raison] Les guérisons surnaturelles opérées depuis moins de<br />
deux ans, se sont toutes opérées, celles du moins que nous<br />
connaissons, sur les corps souffrans en faveur des malades. Ces<br />
malades ont tous obtenu le bienfait de la guérison en invoquant<br />
Notre Dame de la Salette, en buvant de l’eau merveilleuse qui a<br />
coulé sous ses pieds après avoir parlé aux enfans privilégiés. Cette<br />
fontaine, ne semble-t-elle pas avoir eu sa première source dans les<br />
larmes de la Mère des Douleurs, puisqu’elle a pleuré quand elle a<br />
daigné se montrer ? Et maintenant qu’elle a fait de cette eau<br />
l’instrument de ses miséricordes, ne semble-t-elle pas nous dire<br />
que nous soulagerons son cœur oppressé, que nous serons ses vrais<br />
enfans, nés sur le Calvaire, si nous compatissons à ses douleurs, si<br />
(3) L’apparition eut lieu dans l’après-midi des premières vêpres de la fête, fixée à<br />
l’époque au troisième dimanche de septembre.<br />
268
19 avril 1848 Doc. 414<br />
nous versons quelques larmes, en l'honorant dans cette confrérie<br />
(4).<br />
3e [raison] Les saints nous assurent, et spécialement St. Alphonse<br />
de Liguori, que la Ste Vierge exauce plus facilement ceux qui<br />
l’invoquent au nom de ses souffrances (5).<br />
Notre intention serait, Monseigneur, d’inscrire, dans cette<br />
confrérie, tous les pèlerins qui se présenteraient ; nous porterions<br />
aussi dans le Registre les noms des malades nombreux qui nous<br />
sont recommandés, quoique absens. Cette admission serait propre<br />
à les consoler dans leurs souffrances et à augmenter leur confiance<br />
en la Mère des affligés. — Les membres bien portans de la confrérie<br />
n ’auraient pour toute charge qu’un Pater et \ un / Ave à réciter<br />
chaque jour ; les membres malades en feraient autant, selon leurs<br />
forces ; sinon, il ne faudrait pas qu’ils cessassent pour cela de<br />
participer aux grâces et aux indulgences attachées à la confrérie.<br />
— Il serait loisible aux uns et aux autres de réciter seulement le<br />
dimanche les sept Pater et sept Ave, toujours en l’honneur des<br />
sept Douleurs de la Mère de Dieu.<br />
Voilà, Monseigneur, ce que nous avons cru devoir soumettre<br />
à votre Grandeur. Quant aux deux premiers articles, nous ne<br />
sommes absolument que les interprètes des sentimens qui nous<br />
ont été manifestés. Pour le troisième, une réponse nous est<br />
nécessaire ; mais il n ’est pas besoin qu’elle soit écrite. Le mardi<br />
de Pâques nous nous proposons de descendre à Grenoble tous<br />
deux, il suffira que Sa Grandeur nous la donne de vive voix.<br />
Nous avons l’honneur...<br />
La Salette, 19 avril, 1848.<br />
Les abbés PERRIN Curé.<br />
Perrin, Prêt.<br />
(4) Il est possible qu’à l’origine de ce projet il y ait eu une démarche du baron<br />
Charles Debuquoy (ou de Bucquoy), qui figure parmi les correspondants des frères Perrin.<br />
Ardent propagateur de la dévotion à 1’ Addolorata, il avait en décembre 1846 écrit à<br />
l’évêque de Grenoble, se déclarant prêt à offrir une statue de N.D. des Sept Douleurs<br />
(LSDA I, p. 210). Debuquoy, qui, pendant la Révolution et l’Empire, avait accompagné<br />
le futur roi Louis-Philippe dans son exil, était entré en contact avec l’ordre des Servites de<br />
Marie, eux-mêmes zélateurs de cette dévotion. (Renseignements sur Debuquoy d’après Fr.<br />
SOULIER, éditeur, Life o f St. Juliana Falconieri... to which is added a short Account o f the<br />
Lives and Virtues o f her Daughters in Religion, Londres 1888, p. 195-201, cité par<br />
O.J. DlAS, « Les archives générales des Servites de Marie et la dévotion à l’Addolorata en<br />
France... », dans Association des archivistes de l'Eglise de France, bulletin n ' 13, janviermars<br />
1980, p. 26-27.)<br />
(5) Saint Alphonse de Liguori (1696-1787), Les gloires de Marie, « Discours » sur ses<br />
douleurs : « Aussi le Sauveur attache des grâces bien précieuses à la dévotion aux douleurs<br />
de Marie [...] » (traduction L.-J. Dujardin, Oeuvres ascétiques de st Alphonse, tome VIII,<br />
10 éd., Paris, etc., 1880, p. 18).<br />
269
Doc. 424<br />
<strong>Documents</strong><br />
É v é n e m e n t s d e m a i 1848<br />
Retour à la Salette de la pierre de l'apparition. Début mai, le maire de la<br />
commune, soutenu par son curé, recommence à réclamer la fameuse pierre,<br />
toujours entre les mains du curé de Corps (cf. doc. 371). Le 8, celui-ci écrit à<br />
Mgr de Bruillard que, mis à part le fragment retranché avec l’autorisation de ce<br />
dernier (1), il la tient à la disposition des réclamants et attend qu’on vienne la<br />
chercher. Mélin pense que c’est là une question de « sordide centralisation du<br />
fait tombé du ciel » (doc. 420). Le 11 (ou le 12 ?) il remettra la pierre au curé<br />
de la Salette (cf. doc. 422).<br />
Première communion de Maximin et de Mélanie. Elle a lieu à Corps, le<br />
dimanche 7 mai (Vérité, p. 40).<br />
Troubles à Paris. Le 15 mai, les ouvriers envahissent l’Assemblée nationale.<br />
La Garde nationale des quartiers bourgeois et l’armée rétablissent l’ordre.<br />
Débuts de la confrérie de Notre Dame de la Salette. L’évêque de Grenoble<br />
ayant acquiescé à la dernière des demandes formulées par les frères Perrin dans<br />
leur lettre du 19 avril (doc. 414), ceux-ci commencent à former une association<br />
de prières ou confrérie en l’honneur de Notre Dame de la Salette. Les premières<br />
inscriptions qu’on trouve dans le registre de la confrérie sont datées du 1er mai.<br />
La lettre officielle d’érection, signée par l’évêque, porte la date du 31 : «En<br />
vertu des pouvoirs que nous avons reçus du Souverain Pontife, en date du 9 mai<br />
1848, | Nous avons érigé et par les présentes nous érigeons, dans l’église de La<br />
Salette, la confrérie de N’ D‘ des sept Douleurs » (2). — Très tôt cependant et<br />
même dès le début, s’il faut prendre le récit de l’abbé J.-M. Perrin à la lettre, la<br />
confrérie fut connue sous le titre de Notre Dame Réconciliatrice de la Salette (3) :<br />
« Dès les premiers jours de mai 1848, aussitôt après que la neige eut disparu et<br />
nous eut permis d’aller célébrer les saints mystères dans la petite et modeste<br />
chapelle de la montagne privilégiée, nous avons annoncé aux pèlerins l’établissement<br />
de la confrérie de N.D. réconciliatrice de la Salette. Ce vocable nouveau 123<br />
(1) Cf. doc. 279- — H existe un manuscrit intitulé « Procès verbal du partage de la<br />
pierre... » (1 f. pliée 28,8 cm x 39, EG 100). Entièrement de la main de Mélin, il n’est<br />
pas signé. Croyant avoir affaire à un projet de procès-verbal rédigé à l’époque du partage,<br />
nous l’avons d’abord classé sous le n° 294 bis (septembre 1847). Un nouvel examen de la<br />
pièce nous l’a fait repousser à une époque ultérieure : le texte parle en effet de septembre<br />
1847 comme d ’une époque révolue : (« à cette époque... »). La pièce pourrait être<br />
contemporaine d ’une attestation dans laquelle Mélin, signant « Archip1" ch[anoine]<br />
hojnoraire] », certifie l’authenticité du fragment détaché (1 f. pliée 29 cm x 19,5, EG 100).<br />
Mélin fut nommé chanoine honoraire en 1852.<br />
(2) Doc. 425 bis (1 f. recto collée dans le premier registre de la confrérie, le<br />
doc. 417 bis). Nous avons mis en italiques le texte manuscrit complétant le formulaire<br />
imprimé. — On peut se demander s’il ne s’agit pas là d ’un document en réalité plus<br />
tardif, que l’on a antidaté au 31 mai 1848. En janvier 1849 (doc. 500), puis de nouveau<br />
dans une lettre du 6 avril 1852 adressée à l’évêque (EG 118), le curé de la Salette écrit que<br />
la confrérie n ’a pas encore été érigée à proprement parler. Mais peut-être veut-il dire par<br />
là qu'elle n’a pas reçu d ’indulgences propres à elle.<br />
(3) Les deux titres successifs se trouvent au début du premier registre de la confrérie<br />
(doc. 417 bis : un volume, 30 cm x 20,5). On a d ’abord écrit : « Confrérie de Notre<br />
Dame de la Salette sous le vocable des Sept Douleurs de la Ste Vierge, établie spécialement<br />
en faveur des Malades. Le 30 avril 1848 » (cf. aussi Echo, p. 207). Sur ce texte on a collé<br />
une feuille portant : « Confrérie de Notre Dame réconciliatrice de la Salette. » Ce premier<br />
registre va jusqu'à janvier 1851.<br />
270
6 juin 1848 Doc. 426<br />
que les populations pieuses ont consacré elles-mêmes, fut accueilli avec plaisir » (4).<br />
La confrérie comptera près de six mille inscrits à la fin de l’année et dix-huit<br />
mille trois ans plus tard (5).<br />
Samedi 20 mai 1848<br />
424. LETTRE DE L’ABBÉ LOUIS PERRIN, curé de la Salette, à<br />
Mgr de Bruillard, avec des annotations de la main de ce dernier<br />
Original : EG 100. — Extrait dans Annales, juillet 1912, p. 58-59.<br />
Résumé. Le curé de la Salette demande à son évêque 1) que les curés du<br />
voisinage soient autorisés à « conduire leurs paroissiens en procession sur la<br />
montagne de l’apparition » ; 2) que, pour les guérisons obtenues, on puisse<br />
célébrer « comme une fête dite d'action de grâces » ; 3) qu’il soit permis de<br />
donner la bénédiction du Très Saint Sacrement « sur la montagne les 1ers<br />
dimanches du mois et les jours de fêtes solennelles, comme dans l’église de la<br />
paroisse ».<br />
Dans la marge, de la main de l'évêque :<br />
[face à la première demande] Oui<br />
[face à la deuxième demande] Attendre que l’Evêché se soit<br />
prononcé<br />
[face à la troisième demande] Il faut éviter de détourner les<br />
paroissiens de leurs paroisses respectives. Attendons. Je permets<br />
cependant de le faire le 1er dimanche du mois, quand on y aura<br />
dit la Messe.<br />
6 juin et jours suivants<br />
426. JOURNAL DE DUPANLOUP : pèlerinage à la Salette<br />
Manuscrit « Voyages (1847-1852) » : archives de la famille Du Boÿs, Saint-<br />
Martin-de-la-Place, 49160 Longué.<br />
Circonstances du pèlerinage. Félix Dupanloup, déjà illustre et sur le point<br />
d’être nommé évêque d’Orléans (1), était venu passer quelques jours au château<br />
de la Combe-de-Lancey, au nord de Grenoble, chez Albert Du Boÿs, dont<br />
(4) PERRIN, n° 48. Le choix de ce vocable fut peut-être opéré par les frères Perrin sous<br />
l’influence des Gloires de Marie, de saint Alphonse de Liguoti. L’idée que Marie obtient<br />
au pécheur la réconciliation avec son Fils forme pour ainsi dire le leitmotiv de la première<br />
partie de cet ouvrage, qu’ils connaissaient (cf. PERRIN, n° 69 et 74 ; doc. 414, note 5). —<br />
Dans ce qui nous reste de la correspondance du curé de la Salette, le terme « réconciliatrice »<br />
apparaît pour la première fois dans une lettre du 6 septembre 1848, connue par l’extrait<br />
qu’en donne l’abbé Jacques-Michel Perrin : « Veuillez bien, M 'le Curé, nous inscrire dans<br />
la confrérie de N.D. réconciliatrice de la Salette » (lettre de « Mllc Francisca C‘““ de<br />
Robiano », de Bruxelles ; dans PERRIN, n° 49 ; cf. aussi ibidem, n° 607, 749). Parmi les<br />
documents originaux parvenus jusqu’à nous, le plus ancien à contenir ce terme est une<br />
lettre datée du 21 janvier 1849, annonçant à Mgr de Bruillard « que les personnages les<br />
plus distingués, soit ecclésiastiques, soit laïques demandent à être agrégés dans la confrérie<br />
de Notre Dame réconciliatrice de la Salette. Très volontiers ils s’imposent la récitation<br />
quotidienne d ’un Rater et d ’un Ave qu’elle prescrit » (doc. 496 : texte de la main de<br />
l’abbé Jacques-Michel, signé pat son frère, le curé).<br />
(5) Exactement 5 540 fin 1848, 6 000 le 11 février 1849 et 17 941 début 1851 d ’après<br />
le registre.<br />
(1) Il fut nommé évêque d ’Orléans le 6 avril 1849.<br />
271
Doc. 427<br />
<strong>Documents</strong><br />
l’épouse avait été une de ses élèves au catéchisme parisien de Saint-Hyacinthe.<br />
Une solide amitié et des convictions communes liaient les deux hommes. On les<br />
vit collaborer activement, en particulier lors du concile du Vatican. Dupanloup<br />
revint plusieurs fois à la Combe ; c’est là qu’il mourut, le 11 octobre 1878 (2).<br />
L’ascension aux lieux de l’apparition eut lieu le vendredi 9 juin (ou le<br />
jeudi 8). En cours de toute, Dupanloup rencontra de nombreux pèlerins : « au<br />
moins 200 personnes dès cinq heures du matin » (doc. 524). En interrogeant<br />
Maximin — ou peut-être en lisant le rapport Rousselot qu’il eut entre les mains<br />
durant les vacances dauphinoises de 1848 et qu’il « trouva bien » (3), — il<br />
découvrit que les souvenirs du maire Peytard au sujet des événements du<br />
lendemain de l’apparition demandaient vérification (4). Dupanloup remonta une<br />
nouvelle fois à la Salette en août 1872 (5).<br />
6 juin : mardi, départ pour Grenoble, et pour Gap [...]<br />
Enfin à Corps — douce pensée avant d ’arriver : La Stc Vierge a<br />
visité ces lieux — est apparue sur ces montagnes. Il me semblait<br />
l’apercevoir.<br />
7 juin, mercredi : je demeure à Corps. Le temps se remet. Je<br />
vois ces enfants. Promenade.<br />
8 vendredi (6) : je monte à la montagne : jolie route jusqu’au<br />
village des Ablandins — délicieuses prairies — fleurs innombrables<br />
— ruisseaux de toutes parts. Messe — puis je déjeune — fais mes<br />
stations — visite la fontaine — y bois — cueille mes fleurs — joie<br />
des primevères, Descente agréable. Bons curés — la Reine<br />
9 samedi (7) : départ à 5hrcs [du matin, pour Gap].<br />
Dimanche de la Pentecôte, 11 juin 1848<br />
427. LETTRE DE L’ABBÉ DUPANLOUP à Albert Du Boÿs<br />
Lettre publiée dans l'Ami de la religion, t. 141, n° 4758 (7 avril 1849),<br />
p. 46-57, sans indication de l’auteur et du destinataire.<br />
L’auteur est Dupanloup, qui, le 25 août 1854, répondra à une consultation<br />
de l’archevêque de Chambéry, Mgr Billiet, au sujet de la Salette : « On a publié<br />
dans l’Ami de la Religion, le samedi saint de l’année 1849, une lettre de moi<br />
sur le sujet qui vous préoccupe : c’est toute ma pensée, ni plus ni moins » (*).<br />
On a probablement retouché la lettre avant de la publier. La façon dont elle cite<br />
le Rapport Rousselot laisse entendre que son éditeur a eu entre les mains le<br />
Rapport imprimé, paru seulement en août 1848.<br />
(2) Cf. J. G adille, Albert Du Boÿs..., Louvain 1968, en particulier p. 26-32. J.<br />
GODEL, dans le Bulletin mensuel de l ’Académie delphinale, novembre 1977, p. 162-180.<br />
M. LAVOREL, M .S., Monseigneur Dupanloup et la Salette, (1981), multigraphié, MSG.<br />
(3) N ote de la main de Rousselot sur la couverture du manuscrit EG 12 (doc. 310).<br />
Cf. aussi ROUSSELOT, Défense de l'événement de la Salette..., Grenoble 1851, p. 25.<br />
(4) Cf. supra, p. 156, la note critique ajoutée au doc. 305 et le doc. 434.<br />
(5) Cf. le Journal intime de Dupanloup, Paris 1902, p. 129-136, cité dans BASSETTE,<br />
p. 415.<br />
(6) Le 8 juin était en réalité un jeudi.<br />
(7) Le samedi était en réalité le 10 juin. D ’après la suite du texte, Dupanloup repassa<br />
à Grenoble le samedi suivant.<br />
(*) Original : archives de l’archevêché de Chambéry, Série F, correspondance Billiet.<br />
272
11 juin 1848 Doc. 427<br />
Le destinataire. Rousselot, qui reproduit la lettre, indique simplement qu’elle<br />
fut « écrite par M. l’abbé Dupanloup, aujourd’hui Evêque d’Orléans, à l’un de<br />
ses amis de Grenoble » (Nouveaux documents, p. 70-71). Il s’agit évidemment<br />
d’Albert Du Boys (cf. Annales, novembre 1878, p. 273).<br />
Mon cher ami,<br />
Vous m ’avez encouragé à visiter la montagne de la Salette, et<br />
j’en descends à cette heure même. J ’espère que vous voudrez bien<br />
que je vous rende compte, en toute simplicité, de toutes les<br />
observations que j’y ai faites, de toutes les impressions que j’y ai<br />
reçues : il est juste que je partage tout cela avec vous.<br />
J ’avais entrepris ce pèlerinage, je dois vous l’avouer, sans<br />
aucune prévention favorable. Je ne veux diminuer en rien le mérite<br />
des diverses relations qui ont été publiées à ce sujet, et que j’avais<br />
lues avec soin ; mais le ton, l’enthousiasme, la vivacité de ces<br />
relations, m’avaient plutôt inspiré des préjugés contraires.<br />
J ’ai passé près de trois jours, soit à Corps, soit à la Salette ;<br />
les impres-[p. 47]sions personnelles que j’y ai reçues ont été, je<br />
dois le dire encore, sans aucun charme, presque sans aucune<br />
émotion (1) : me voici enfin de retour.<br />
J ’en suis revenu comme j’y étais allé, sans attendrissement ;<br />
je dirai presque, sans intérêt ; au moins sans cet intérêt qui naît<br />
de l’enthousiasme. Et cependant, plus je m’éloigne de ces lieux,<br />
plus je réfléchis à tout ce que j’y ai vu et entendu, plus la réflexion<br />
amène en moi une conviction qui me fait en quelque sorte<br />
violence. Je ne puis m’empêcher de me redire sans cesse : Il est<br />
bien difficile que le doigt de Dieu ne soit pas là.<br />
Trois circonstances particulières me paraissent être ici des<br />
signes de la vérité : 1° le caractère soutenu des enfants ; 2° les<br />
nombreuses réponses, absolument au dessus de leur âge et de leur<br />
portée, qu’ils ont faites spontanément dans les divers interrogatoires<br />
auxquels on les a soumis ; 3° la fidélité avec laquelle ils gardent<br />
le secret qu’ils prétendent leur avoir été confié.<br />
1° Le caractère soutenu des enfants.<br />
J ’ai donc vu ces deux enfants : Le premier examen que j’en<br />
ai fait, m ’a été très-désagréable. Le petit garçon surtout m ’a<br />
étrangement déplu. J ’ai vu beaucoup d’enfants dans ma vie, j’en<br />
ai vu peu ou point qui m ’aient donné une aussi triste impression.<br />
Ses manières, ses gestes, son regard, tout son extérieur est<br />
repoussant, à mes yeux, du moins.<br />
Ce qui a peut-être ajouté à la mauvaise impression que j’en 1<br />
(1) « sans charme » : affirmation qui, prise à la lettre, serait en contradiction avec le<br />
journal de voyage (doc. 426). L’auteur veut dire qu’il a gardé son sang-froid.<br />
273
Doc. 427<br />
<strong>Documents</strong><br />
recevais, c’est qu’il ressemble singulièrement à un des enfants les<br />
plus désagréables, les plus méchants que j’aie jamais élevés.<br />
En disant ainsi l’impression fâcheuse que j’ai reçue de ce petit<br />
garçon, je ne prétends détruire en rien les impressions plus<br />
heureuses que sa vue a fait éprouver à d ’autres. Je me borne<br />
simplement à dire ce que je suis sûr d ’avoir éprouvé moi-même.<br />
Il faut avouer que si mon témoignage finit par être favorable à ces<br />
enfants, ce ne sera pas du moins un témoignage suspect ; je<br />
n ’aurai certainement pas été séduit par eux. La grossièreté de<br />
Maximin est peu commune ; son agitation surtout est vraiment<br />
extraordinaire : c’est une nature singulière, bizarre, mobile, légère ;<br />
mais d ’une légèreté si grossière, d’une mobilité quelquefois si<br />
violente, d ’une bizarrerie si insupportable, que le premier jour où<br />
je le vis, j’en fus non-seulement attristé, mais découragé. « A quoi<br />
bon, me disais-je, faire le voyage pour voir un pareil enfant ?<br />
quelle sottise j’ai faite ! » J ’avais toutes les peines du monde à<br />
empêcher les soupçons les plus graves de s’emparer de mon esprit.<br />
Quant à la petite fille, elle me sembla aussi fort désagréable<br />
à sa façon. Sa façon, je dois le dire, est cependant meilleure que<br />
celle du petit garçon. Les dix-huit mois qu’elle a passés chez les<br />
Religieuses de Corps l’ont, à ce qu’on dit, un peu façonnée.<br />
Malgré cela, elle m ’a paru encore un être boudeur, maussade,<br />
stupidement silencieux, ne disant guère que des oui ou des non,<br />
quand elle répond. Si elle dit quelque chose de plus, il y a<br />
toujours une certaine raideur dans ses réponses, et une timidité de<br />
mauvaise humeur qui est loin de mettre à l’aise avec elle.<br />
Du reste, après avoir vu ces deux enfants, chacun d’eux<br />
plusieurs fois, je ne leur ai jamais trouvé aucun des charmes de<br />
leur âge : ils n’ont, ou du [p. 48] moins ils ne paraissent avoir<br />
rien de cette piété, de cette candeur de l’enfance qui touche, qui<br />
attire, qui inspire la confiance.<br />
J ’ai vu le petit garçon surtout, fort long-temps de suite,<br />
particulièrement le jour où je suis monté à la Salette. Nous avons<br />
ce jour-là passé à peu près ensemble quatorze heures ; il est venu<br />
me chercher à mon auberge à cinq heures du matin ; il m ’a<br />
accompagné à la montagne de Y Apparition, et nous ne nous<br />
sommes séparés qu’à sept heures du soir. Certes, j’ai eu le temps<br />
de le voir de près, de l’étudier avec soin, de l’observer sévèrement,<br />
de le retourner de toutes les façons : je ne m ’y suis pas épargné.<br />
Il n’a pas cessé un moment, je dois le dire, d ’être pour moi l’objet<br />
des observations les plus attentives, en même temps que de la<br />
plus profonde défiance. Il n ’a pas cessé un moment de me déplaire,<br />
et ce n ’est que l’après-midi, assez tard, que, peu à peu, comme<br />
malgré moi, la réflexion favorable prenait le dessus et l’emportait<br />
sur la mauvaise impression. Presque à mon insu et contre toutes<br />
mes prévisions, en regardant et en écoutant tout ce que je voyais<br />
274
11 juin 1848 Doc. 427<br />
et entendais, je fus amené à me dire : « Malgré ces enfants et ce<br />
qu’ils ont de désagréable, tout ce qu’ils disent, tout ce que je<br />
vois, tout ce que j’entends, n ’est explicable que par la vérité de<br />
leur récit. »<br />
Dès Grenoble, on m ’avait prévenu contre l’espèce de narration<br />
que ces enfants me feraient de ce qui leur était arrivé et de ce<br />
qu’ils avaient vu sur la montagne. On m ’avait dit qu’ils récitaient<br />
tout cela comme une leçon. On ajoutait, il est vrai, avec assez de<br />
raison, qu’il fallait bien un peu les excuser à cet égard : que<br />
depuis dix-huit mois, ils avaient fait ce récit tant de milliers de<br />
fois, qu’on ne devait pas s’étonner qu’il fût devenu pour eux une<br />
routine. J ’étais assez disposé à l’indulgence à cet égard, pourvu<br />
que la routine et la récitation n ’allassent pas jusqu’au ridicule ;<br />
mais il en arriva tout autrement. Bien que ces enfants me<br />
déplussent extrêmement avant ce récit, et aient continué de me<br />
déplaire après, je dois avouer que, tout en le récitant, ils le firent<br />
l’un et l’autre avec une simplicité, une gravité, un sérieux, un<br />
certain respect religieux, dont le contraste avec le ton toujours<br />
vulgaire et habituellement grossier du petit garçon, avec le ton<br />
habituellement maussade de la petite fille, me frappa trèsparticulièrement.<br />
Je dois ajouter dès à présent que cet étonnement se renouvela<br />
pour moi pendant ces deux jours presque constamment, surtout<br />
avec le petit garçon, qui passa, comme je l’ai déjà dit, un jour<br />
tout entier avec moi. Je le mis alors parfaitement à son aise ; je<br />
lui laissai prendre toutes ses libertés : tous ses défauts, toutes ses<br />
grossièretés m’apparurent ainsi sous toutes les formes.<br />
Et cependant, toutes les fois que ce grossier enfant était<br />
ramené, même de la manière la plus inattendue, à parler du grand<br />
événement, il se faisait en lui un changement étrange, profond,<br />
subit, instantané, et il en est de même de la petite fille. Le petit<br />
garçon conserve ces yeux, cet extérieur si désagréables ; mais ce<br />
qu’il y a d ’excessif dans sa grossièreté est tout-à-fait dompté. Ils<br />
deviennent même tout à coup si graves, si sérieux ; ils prennent<br />
comme involontairement quelque chose de si singulièrement simple<br />
et ingénu, quelque chose même de si respectueux pour eux-mêmes<br />
en même temps que pour ce qu’ils disent, qu’ils inspirent aussi à<br />
ceux qui les écoutent, et [p. 49] leur imposent une sorte de crainte<br />
religieuse pour les choses dont ils parlent, et une sorte de respect<br />
pour leurs personnes. J ’ai éprouvé très-constamment, et quelquefois<br />
très-vivement, ces impressions, sans cesser toutefois un moment<br />
de les trouver des enfants très-désagréables.<br />
Je place ici une observation qui se rapporte à ce que je viens<br />
de remarquer : lorsqu’ils parlent du grand événement dont ils se<br />
prétendent les témoins, ou bien qu’ils répondent aux questions<br />
qu’on leur adresse à cette occasion, ce respect singulier pour ce<br />
275
K)<br />
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(bibliothèque municipale de Grenoble)<br />
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V éritab les P o r t r a its .<br />
(Bibliothèque municipale de Grenoble)
11 juin 1848 Doc. 427<br />
qu’ils disent va si loin, que quand il leur arrive de faire<br />
quelqu’une de ces réponses véritablement étonnantes, parfaitement<br />
inattendues, qui confondent les interrogateurs, coupent court à<br />
toutes les questions indiscrètes, résolvent simplement, profondément,<br />
absolument, les plus graves difficultés, ils n’en triomphent<br />
en rien. On est quelquefois stupéfait ; pour eux ils demeurent<br />
impassibles. Le plus léger sourire ne vient pas seulement errer sur<br />
leurs lèvres.<br />
Du reste ils ne répondent jamais aux questions qu’on leur<br />
adresse que de la manière la plus simple et la plus brève. La<br />
simplicité est quelquefois rustique, mais la justesse et la précision<br />
sont toujours extraordinaires. Dès qu’il s’agit du grand événement,<br />
ils ne paraissent plus avoir aucun des défauts ordinaires de leur<br />
âge : surtout ils ne sont en rien conteurs et bavards. Maximin<br />
cause beaucoup d ’ailleurs : quand il est à l’aise, c’est un véritable<br />
petit babillard : pendant les quatorze heures que nous avons<br />
passées ensemble, il m’a donné de ce défaut toutes les preuves<br />
possibles ; il m’a parlé de toutes choses et avec une grande<br />
abondance de paroles, m ’interrogeant sans aucune retenue, me<br />
disant le premier son avis, contredisant le mien. Mais sur<br />
l’événement qu’il raconte, sur ses impressions, sur ses craintes ou<br />
ses espérances pour l’avenir, sur tout ce qui se rattache à l’apparition<br />
ce n ’est plus le même enfant. Sur ce point il ne prend jamais<br />
l’initiative, il n ’a jamais une indiscrétion, jamais une inconvenance.<br />
Il ne donne jamais un détail au-delà de ce qu’on lui demande<br />
précisément. Quand il a dit le fait qu’il est chargé de dire, quand<br />
il a répondu à la question qu’on lui adresse, il se tait. On est<br />
avide, on voudrait qu’il parlât toujours, qu’il ajoutât des détails,<br />
qu’il racontât ce qu’il a éprouvé, et ce qu’il éprouve encore ; mais<br />
non ; il n ’ajoute pas un mot à la réponse nécessaire. Puis<br />
bientôt il reprend le fil interrompu de sa conversation, parle fort<br />
abondamment d ’autre chose, s’il y a lieu, ou s’en va.<br />
Le fait certain est qu’ils n’ont ni l’un ni l’autre absolument<br />
aucune envie de causer de l’événement qui les rend cependant si<br />
célèbres.<br />
D ’après tous les renseignements que j’ai recueillis sur les<br />
lieux, ils n’en causent jamais inutilement avec personne, ni avec<br />
leurs petits camarades, ni avec les religieuses qui les élèvent, ni<br />
avec les étrangers. Quand on les interroge, ils répondent : ils<br />
disent le fait simplement, si c’est le fait qu’on leur demande ;<br />
donnent simplement la solution, si c'est une difficulté qu’on leur<br />
propose ; n’ajoutent rien à ce qui est nécessaire, et ne retranchent<br />
rien non plus. Ils ne refusent, du reste, jamais de répondre aux<br />
questions qu’on leur adresse, mais on ne peut venir à bout de les<br />
faire parler au-delà d ’une certaine mesure. Vous aurez beau<br />
multiplier les questions indiscrètes : leur ré-[p. 50]ponse ne l’est<br />
277
Doc. 427<br />
<strong>Documents</strong><br />
jamais. La discrétion, la plus difficile de toutes les vertus, leur est<br />
naturelle (sur ce point seulement) à un degré inouï : on a beau<br />
les presser ; on sent en eux quelque chose d ’invincible, dont ils<br />
ne se rendent pas compte à eux-mêmes, qui repousse tous les<br />
efforts, et qui se joue involontairement et inébranlablement de<br />
toutes les tentations les plus vives et les plus fortes.<br />
Quiconque connaît les enfants, ces natures légères, mobiles,<br />
vaines, causeuses, indiscrètes, curieuses, et fera les mêmes expériences<br />
que moi, partagera la stupéfaction que j’ai éprouvée, et se<br />
demandera s’il est vaincu par ces deux enfants, ou par une force<br />
supérieure et divine.<br />
Je n’ajouterai pas que depuis deux ans, ces deux enfants et<br />
leurs pauvres familles, sont demeurés aussi pauvres qu’auparavant.<br />
C’est un fait que j’ai vérifié suffisamment pour moi, et qu’il est<br />
facile de constater avec la plus parfaite certitude.<br />
Ce que je dirai, pour l’avoir observé, c’est que les enfants et<br />
le petit Maximin en particulier, que j’ai vu de beaucoup plus près<br />
et beaucoup plus longuement, m ’ont paru avoir gardé une<br />
simplicité et, je dirai le mot, une humilité si absolue, malgré<br />
l’honneur qu’ils ont reçu et l’illustration dont cet honneur les<br />
environne, que cette simplicité et cette humilité ne paraissent pas<br />
même des vertus à un degré quelconque en eux : ils sont comme<br />
cela et ont l’air de ne pouvoir en aucune manière être autrement ;<br />
et ils le sont avec une naïveté passive qui stupéfait, quand on y<br />
regarde de près et qu’on y réfléchit.<br />
Le fait est qu’ils ne comprennent même pas l’honneur qu’ils<br />
ont reçu, et semblent n ’avoir aucune idée de la célébrité qui<br />
s’attache désormais à leurs noms. Ils ont vu des milliers de pèlerins,<br />
60 000 mille en un jour (2), venir à leur voix sur la montagne de<br />
la Salette. Ils n ’en ont été ni plus fiers, ni plus recherchés dans<br />
leurs paroles ou leurs façons. Ils regardent tout cela sans un<br />
étonnement, sans une pensée, sans un retour sur eux-mêmes. Et<br />
au fait, si ce qu’ils racontent est vrai, ils entendent leur rôle<br />
comme la très-sainte Vierge l’a entendu elle-même. Elle n ’a pas<br />
prétendu leur faire un honneur ; elle a prétendu se choisir des<br />
témoins qui fussent au-dessus de tous soupçons par une simplicité<br />
si profonde, si absolue, si extraordinaire, que rien n ’y fût<br />
comparable, et que naturellement on ne sût ni l’expliquer ni la<br />
comprendre ; et elle y a réussi.<br />
Tel est le premier trait de vérité que j’ai remarqué en ces<br />
enfants.<br />
2° Je trouve le second dans les nombreuses réponses, absolument<br />
au-dessus de leur âge et de leur portée, q u ’ils ont faites<br />
278<br />
(2) Allusion aux foules du 19 septembre 1847.
11 juin 1848 Doc. 427<br />
spontanément dans les divers interrogatoires auxquels on les a<br />
soumis.<br />
Car il faut remarquer que jamais accusés n ’ont été, en justice,<br />
poursuivis de questions sur un crime comme ces deux pauvres<br />
petits paysans le sont depuis deux ans sur la vision qu’ils<br />
racontent. A des difficultés souvent préparées d ’avance, quelquefois<br />
longuement et insidieusement méditées, ils ont toujours opposé<br />
des réponses promptes, brèves, claires, péremptoires. On sent<br />
qu’ils seraient radicalement incapables de tant de présence d ’esprit,<br />
si tout cela n ’était la vérité. On les a vu conduire, comme [p. 51]<br />
on conduirait des malfaiteurs, sur le lieu même, ou de leur<br />
révélation ou de leur imposture ; ni les personnages les plus graves<br />
et les plus distingués ne les déconcertent, ni les menaces et les<br />
injures ne les effraient, ni les caresses et la douceur ne les font<br />
fléchir, ni les plus longs interrogatoires ne les fatiguent, ni la<br />
fréquente répétition de toutes ces épreuves ne les trouve en<br />
contradiction soit chacun avec lui-même, soit l’un avec l’autre.<br />
On ne peut moins avoir l’air de complices ; et le fussent-ils, il<br />
leur faudrait un génie sans exemple, pour être ainsi constamment<br />
conformes à eux-mêmes, depuis deux ans passés que dure et se<br />
continue sans interruption cette étrange et rigoureuse information.<br />
Ce qui ne les empêche pas de mêler à tout cela les contrastes les<br />
plus bizarres, tantôt la grossièreté de leur éducation, quelquefois<br />
î’impatience et une certaine mauvaise humeur, tantôt la douceur,<br />
le calme, un sang-froid imperturbable, tantôt, ou plutôt toujours,<br />
une discrétion, une réserve, impénétrables à tous, parents, compagnons,<br />
connaissances, à l’univers entier.<br />
Voici du reste des questions et des réponses que j’emprunte<br />
tout à la fois à mes souvenirs personnels, à des procès-verbaux en<br />
bonne et due forme, déposés à l’évêché de Grenoble, et dont je<br />
vous garantis l’authenticité.<br />
[Suivent des demandes et des réponses qu’on lit également dans Vérité,<br />
p. 72-73, 87-90 et, en partie, dans Bez.]<br />
[p. 53] Un de mes amis, deux jours avant que je fisse le<br />
voyage de la Salette, dit à Maximin : Nous devons tous obéissance<br />
au Pape : Eh bien ! si le Pape te disait : Mon enfant, tu ne dois<br />
rien croire de tout cela : que lui dirais-tu ? L’enfant répondit avec<br />
la plus grande douceur et le plus grand respect : Je lui dirais qu 'il<br />
verra.<br />
Voilà, mon cher ami, quelques-unes des innombrables réponses<br />
de ces enfants : je ne sais si vous les jugerez comme moi, mais<br />
elles sont assurément, c’est le moins qu’on en puisse penser, fort<br />
étonnantes. Et cet étonnement s’augmentera encore des dernières<br />
observations que j’ai faites sur ces enfants, et que je vais vous<br />
raconter en finissant.<br />
279
Doc. 427<br />
<strong>Documents</strong><br />
3° Voici le troisième trait de vérité que j'ai remarqué en ces<br />
enfants.<br />
On sait qu’ils se prétendent chacun possesseur d’un secret<br />
que l’autre ignore, et qu’ils ne doivent ni ne veulent dire à<br />
personne.<br />
Je n’ai pu m ’empêcher de voir, dans leur fidélité à garder ce<br />
secret, un signe caractéristique de leur véracité.<br />
Ils sont deux, ayant chacun un secret, et cela depuis bientôt<br />
deux ans : ayant chacun le leur, jamais l’un ne s’est vanté de<br />
savoir celui de l’autre. Leurs parents, leurs maîtres, leurs curés,<br />
leurs camarades, des milliers de pèlerins les ont interrogés sur ce<br />
secret, leur en ont demandé une révélation quelconque ; on a fait<br />
à cet égard des efforts inouïs : ni l’amitié, ni l’intérêt, ni les<br />
promesses, ni les menaces, ni l’autorité civile, ni l’autorité<br />
ecclésiastique, rien n ’a pu les entamer à cet égard à un degré<br />
quelconque ; et, aujourd’hui encore, après deux années de tentatives<br />
constantes, on n ’en sait rien, absolument rien.<br />
Moi-même, j’ai fait les plus grands efforts pour pénétrer ce<br />
secret. Quelques circonstances singulières m ’ont aidé à pousser mes<br />
efforts plus loin que d’autres : même j’ai cru un moment réussir ;<br />
voici comment :<br />
J ’avais emmené, comme je l’ai dit, le petit Maximin à la<br />
montagne avec moi. Malgré les répugnances que ce petit garçon<br />
m ’inspirait, j’avais cherché néanmoins à être bon et aimable pour<br />
lui, et je lui faisais toutes les avances possibles pour tâcher d ’ouvrir<br />
et de gagner son cœur. Je n’y avais pas trop réussi. Mais en arrivant<br />
au sommet de la montagne, quelqu’un qui se trouvait là lui donna<br />
deux images, une entre autres représentant les combats du<br />
24 février, dans les rues de Paris (3). Au milieu des combattants,<br />
on voyait un prêtre qui soignait les blessés. Le petit garçon<br />
s’imagina trouver quelque ressemblance entre cet ecclésiastique et<br />
moi ; et, bien que je lui eusse dit qu’il se trompait complètement,<br />
il demeura persuadé que c’était moi, et, à dater de ce moment, il<br />
me témoigna la plus vive et la plus rustique amitié. Dès lors il<br />
parut tout-à-fait à son aise et en grande familiarité. J ’en profitai<br />
avec empressement, et nous devînmes les meilleurs amis du monde,<br />
sans qu’il cessât toutefois, je dois l’avouer, de m ’être parfaitement<br />
désagréable. Dès lors il se pendit à mon bras, et ne le quitta plus<br />
de toute la journée. Nous descendîmes ainsi la montagne ensemble.<br />
Je le fis déjeuner, dîner avec moi. Il se mit à causer de toutes<br />
choses avec le plus grand abandon, de la République [p. 34] des<br />
arbres de la liberté, etc. etc. Quand je ramenais la conversation<br />
(3) 24 février 1848 : début de la Révolution de février. Toutefois les combats ne<br />
commencèrent que plus tard.<br />
280
11 juin 1848 Doc. 427<br />
sur ce qui m’intéressait uniquement, il me répondait, comme je<br />
l’ai dit, brièvement, simplement ; tout ce qui avait trait à<br />
l’apparition de la très-sainte Vierge était toujours comme quelque<br />
chose à part dans notre conversation. Il s’arrêtait tout court, dans<br />
le plus grand entraînement de son bavardage : le fond, la forme,<br />
le ton, la voix, la précision de ce qu’il me disait alors, tout<br />
devenait soudain singulièrement grave et religieux. Puis il passait<br />
bientôt, sur un autre sujet, à tout l’abandon de la conversation la<br />
plus familière et la plus vive.<br />
Alors je recommençais mes efforts et mes insinuations les plus<br />
habiles pour profiter de cet abandon et de cette ouverture et le<br />
faire parler sur ce qui m’intéressait, et en particulier sur son secret,<br />
sans qu’il s’en aperçût et sans qu’il le voulût. Je tenais absolument<br />
à voir clair dans cette âme, à la saisir en défaut et à tirer bon gré<br />
mal gré la vérité du fond de ce cœur. Mais je dois le confesser,<br />
tous mes efforts, depuis le matin, avaient été parfaitement inutiles :<br />
au moment où je croyais atteindre mon but et obtenir quelque<br />
chose, toutes mes espérances s’évanouissaient. Tout ce que je<br />
m ’imaginais tenir m ’échappait tout à coup, et une réponse de<br />
l’enfant me replongeait dans toutes mes incertitudes. Cette réserve<br />
absolue me parut si extraordinaire dans un enfant, je dirai même<br />
en un être humain quelconque, que sans lui faire une violence à<br />
laquelle ma propre conscience aurait répugné, je voulus aller aussi<br />
loin que possible, et tenter les derniers efforts pour le vaincre en<br />
quelque chose et surprendre enfin son secret. Ce singulier secret<br />
me tenait par-dessus tout à cœur. Pour l’entamer sur ce point je<br />
n’épargnai aucune séduction dans la mesure qui me parut tolérable.<br />
Après bien des essais et des efforts absolument inutiles, une<br />
circonstance bien futile en apparence m ’offrit une occasion que je<br />
crus un moment favorable.<br />
J ’avais avec moi un sac de voyage dont le cadenas se fermait<br />
et s’ouvrait à l’aide d’un secret, qui dispense de se servir d ’une<br />
clef. Comme ce petit garçon est très-curieux, touche à tout, regarde<br />
tout, et toujours de la manière la plus indiscrète, il ne manqua<br />
pas de regarder mon sac de voyage ; et me le voyant ouvrir sans<br />
clef il me demanda comment je faisais. Je lui répondis que c’était<br />
un secret. Il me demanda très-vivement de le lui montrer. Le mot<br />
de secret réveilla dans mon esprit l’idée du sien. Je profitai de la<br />
circonstance et lui dis : Mon enfant, c’est mon secret ; vous n'avez<br />
pas voulu me dire le vôtre, je ne vous dirai pas le mien. Ceci fut<br />
dit moitié sérieux, moitié plaisant.<br />
Ce n'est pas la même chose, me répondit-il sur-le-champ. Et<br />
pourquoi, lui dis-je ? Parce q u ’on m'a défendu de dire mon<br />
secret : on ne vous a pas défendu de dire le vôtre. — La réponse<br />
était péremptoire. Je ne me tins pas pour battu ; et, sans avoir<br />
l’air de l’avoir bien compris, je lui dis du même ton : Puisque<br />
281
Doc. 427<br />
<strong>Documents</strong><br />
vous n ’avez pas voulu me dire le vôtre, je ne vous dirai pas le<br />
mien. Il insista. J ’excitai moi-même ses instances et sa curiosité.<br />
J ’ouvrais, je fermais mystérieusement mon cadenas sans qu’il pût<br />
comprendre mon secret : j’eus l’indignité de le tenir ainsi ardent,<br />
passionné, suspendu pendant plusieurs heures ; [p. 55] dix fois<br />
pendant ce temps le petit garçon revenait violemment à la charge.<br />
Je le veux bien, lui disais-je, mais dites-moi aussi votre secret.<br />
A ces paroles tentatrices, l’enfant religieux reparaissait aussitôt,<br />
et toute sa curiosité semblait s’évanouir. Puis, quelque temps<br />
après, il me pressait encore. Je faisais même réponse, et je trouvais<br />
toujours même résistance. Le voyant immuable, je lui dis enfin :<br />
Mais au moins, mon enfant, puisque vous voulez que je vous dise<br />
mon secret, dites-moi quelque chose du vôtre : je ne vous demande<br />
pas de me le dire tout-à-fait ; mais, dites-moi, au moins, ce que<br />
vous pouvez en dire. Dites-moi, au moins, si c'est une chose<br />
heureuse ou malheureuse ? Ce ne sera pas me dire votre secret.<br />
Je ne puis pas, fut sa seule réponse : seulement, comme nous<br />
étions en amitié, je remarquai qu’il y avait une expression de<br />
regret dans son refus et dans sa parole.<br />
Je cédai enfin, et lui montrai le secret de mon cadenas. Il fut<br />
enchanté : il sauta de joie : il ouvrit, ferma plusieurs fois le sac de<br />
voyage. Je lui dis : Vous voyez, moi, je vous ai dit mon secret, et<br />
vous ne m'avez point dit le vôtre. Il parut affligé de cette nouvelle<br />
instance et de cette sorte de reproche. Je crus devoir n ’y plus<br />
revenir. Et je demeurai convaincu, comme le sera quiconque<br />
connaît l’indiscrétion humaine, et en particulier l’indiscrétion des<br />
enfants, que ce petit garçon venait de subir victorieusement une<br />
des tentations, une des violences morales les plus fortes qui se<br />
puissent imaginer.<br />
Bientôt cependant, je pris de nouveau la chose sur un ton<br />
plus sérieux encore, et je lui fis subir un nouvel assaut. Voici<br />
quelle en fut l’occasion.<br />
Je lui avais donné quelques images achetées au sommet de la<br />
montagne. Il n’avait qu’un très-mauvais chapeau de paille. Je lui<br />
en achetai un autre, en rentrant dans le bourg de CORPS. Puis je<br />
lui offris de lui donner ce qu’il voudrait encore. Il me demanda<br />
une blouse. Je lui dis d ’en aller acheter une. Elle coûtait 58 sous<br />
que je payai. Il alla montrer les images, la blouse et le chapeau à<br />
son père, et revint me dire que son père était bien content. Il<br />
m ’avait déjà parlé avec une certaine affection des chagrins et des<br />
malheurs de son père ; je profitai encore de l’occasion de la mort<br />
récente de sa mère (4), et tout en me reprochant un peu,<br />
intérieurement, les tentations que je faisais subir à cet enfant, je<br />
(4) Il s'agit en réalité de la belle-mère de Maximin, décédée le 24 janvier 1848.<br />
282
11 juin 1848 Doc. 427<br />
lui dis : Mais, mon enfant, si vous vouliez dire de votre secret ce<br />
que vous pouvez en dire, on pourrait faire beaucoup de bien à<br />
votre père. J ’allai plus loin. Je lui dis : Moi-même, mon cher<br />
enfant, je pourrais lui procurer bien des choses, et faire q u ’il soit<br />
avec vous, chez lui, bien tranquille et bien heureux, sans manquer<br />
de rien. Pourquoi vous obstinez-vous ainsi à refuser de dire de<br />
votre secret ce que vous pouvez en dire, quand cela pourrait être<br />
si avantageux à votre père et le tirer de peine.<br />
Certes, la tentation était vive. L’enfant était en pleine<br />
confiance. Il ne pouvait douter de ma sincérité, et dans le vrai,<br />
j’étais disposé à faire tout ce que je lui disais. Il le voyait. C’était<br />
manifeste. Il me répondit d ’un ton plus bas : Non, monsieur, je<br />
ne puis pas.<br />
Il faut avouer que, s’il avait fait une première fable, il ne lui<br />
était pas difficile de m ’en faire une seconde, et de me dire alors<br />
un secret quelconque, [p. 56] analogue à son grand récit, et dont<br />
la confidence aurait eu immédiatement pour lui de si grands<br />
avantages.<br />
Il préféra me faire la réponse que j’ai rapportée, ou plutôt, sans<br />
rien préférer, il me fit cette réponse spontanément, simplement.<br />
Je ne me regardai pas comme entièrement battu, et je poussai<br />
la tentation encore plus loin, trop loin peut-être, mais certainement<br />
jusqu’aux dernières bornes ; vous allez en juger et me blâmer<br />
peut-être :<br />
Une circonstance particulière faisait que j’avais sur moi une<br />
assez grande somme en or. Tandis qu’il rôdait autour de moi dans<br />
la chambre de mon auberge, regardant tous mes effets, fouillant<br />
partout en véritable gamin, ma bourse et cet or se rencontrèrent<br />
sous ses yeux. Il s’en saisit avec empressement, le déroula sur la<br />
table, et se mit à le compter, en fit plusieurs petits paquets, puis<br />
après les avoir faits, il s’amusa à les défaire et à les refaire. Quand<br />
je le vis bien enchanté, bien ravi par la vue et le maniement de<br />
cet or, je pensai que le moment était venu pour éprouver et<br />
connaître avec certitude sa sincérité. Je lui dis avec amitié : Eh<br />
bien ! mon enfant, si vous me disiez de votre secret ce que vous<br />
pouvez m ’en dire, je pourrais vous donner tout cet or pour vous<br />
et pour votre père. Je vous donnerai tout, et tout de suite ; et<br />
n 'ayez pas d ’inquiétude, car j ’ai d ’autre argent pour continuer<br />
mon voyage.<br />
Je vis alors un phénomène moral assurément très-singulier, et<br />
j’en suis encore saisi en vous le racontant. L’enfant était tout<br />
entier absorbé par cet or : il jouissait de le voir, de le toucher, de<br />
le compter. Tout à coup, à mes paroles, il devient triste, s’éloigne<br />
brusquement de la table et de la tentation, et me dit : Monsieur,<br />
je ne puis pas. J ’insistai : Et cependant il y aurait là de quoi faire<br />
votre bonheur et celui de votre père. Il me répondit encore une<br />
283
Doc. 427<br />
<strong>Documents</strong><br />
fois : Je ne puis pas ; et d’une manière et d ’un ton si ferme,<br />
quoique très-simple, que je me sentis vaincu. Cependant, pour<br />
n ’en avoir pas l’air, j’ajoutai d ’un ton qui voulait affecter le<br />
mécontentement, le mépris, l’ironie : Mais peut-être que vous ne<br />
voulez pas me dire votre secret, parce que vous n 'en avez pas :<br />
c’est une plaisanterie. — Il ne parut pas offensé de ces paroles, et<br />
me répondit vivement : Oh ! si ! j ’en ai un ; mais je ne puis pas<br />
le dire. — Qui vous l'a défendu ? — La sainte Vierge.<br />
Je cessai dès lors une lutte inutile. Je sentis que la dignité de<br />
l’enfant était plus grande que la mienne. Je posai avec amitié et<br />
respect ma main sur sa tête ; je traçai une croix sur son front, et<br />
je lui dis : Adieu, mon cher enfant ; j ’espère que la sainte Vierge<br />
excuse toutes les instances que je vous ai faites. Soyez toute votre<br />
vie fidèle à la grâce que vous avez reçue. Et après quelques<br />
moments, nous nous quittâmes pour ne plus nous revoir (5).<br />
A des interrogations, à des offres du même genre, la petite<br />
fille m’avait répondu : Oh ! nous avons assez ; il n ’y a pas besoin<br />
d'être si riches.<br />
Tel est le troisième signe de vérité que j’ai remarqué en ces<br />
enfants. Maintenant que penser de tout cela ? Est-ce vérité, erreur<br />
ou imposture ?<br />
Tout cela ne peut s’expliquer raisonnablement que par une<br />
des quatre suppositions suivantes :<br />
Il faut : 1° ou admettre la vérité surnaturelle de l’apparition,<br />
du récit et du secret des enfants. Mais c’est fort grave et d’une<br />
grande conséquence. S’il [p. 57] y a là une fourberie et qu’elle se<br />
découvre un jour, par ces enfants ou par d ’autres, la sincérité<br />
trompée de tant de coeurs religieux, n ’aura-t-elle pas à en souffrir ?<br />
2° Ou dire qu’ils ont été trompés, et qu’ils sont encore le<br />
jouet d ’une hallucination. Mais quiconque a fait le voyage de la<br />
Salette et tout examiné, n’hésitera pas à affirmer que cette<br />
supposition est absolument ridicule et inadmissible.<br />
3° Ou bien que les enfants sont les inventeurs de cette fable,<br />
qu’ils l’ont imaginée à eux seuls, et qu’à eux seuls ils la soutiennent<br />
envers et contre tous, depuis deux années, sans se contredire ni se<br />
démentir jamais. Pour ma part, il m ’est absolument impossible<br />
d ’admettre cette troisième supposition. La fable me paraîtrait ici<br />
plus étonnante que la vérité.<br />
(5) Selon une biographie de Maximin parue quelques années après sa mon, Dupanloup<br />
aurait brutalisé le garçon : « Plutôt que de se tenir pour entièrement battu, il aima mieux<br />
le battre dans sa chambre d'auberge, où il l’avait enfermé avec lui » (Triomphe de Notre-<br />
Dame de la Salette... Maximin peint par lui-même, Nîmes 1881, [publié sans le nom de<br />
l’auteur] p. 171). L'auteur (l’abbé Le Baillif, curé de Farceaux, Eure) ne nomme pas<br />
Dupanloup, mais, d’après le contexte, il s’agit de lui. — La conduite prêtée au futur<br />
évêque d ’Orléans ne cadre ni avec sa lettre à Du Boÿs, ni avec ce que l’on sait par ailleurs<br />
de ce grand éducateur. Cf. la mise au point de Marcel Lavorel, citée supra, p. 272, note 2.<br />
284
14 juin 1848 Doc. 428<br />
4° Ou bien enfin qu’il y a un inventeur, un imposteur caché<br />
derrière les deux enfants, et qu’ils se sont prêtés à jouer le rôle<br />
qu’il leur a préparé dans son imposture, et qu’il leur apprend<br />
chaque jour à jouer de nouveau. Sans aller au fond des choses,<br />
comme l’a fait M. Rousselot, je me bornerai à répondre que tout<br />
ce qui précède répugne à cette supposition. L’inventeur me<br />
paraîtrait tout à la fois bien mal habile de choisir pour acteurs et<br />
témoins d ’une imposture aussi extraordinaire des êtres pareils, et<br />
bien habile de leur faire jouer un rôle semblable pendant deux<br />
années, devant deux ou trois centr mille spectateurs successifs,<br />
observateurs, investigateurs, interrogateurs de toute espèce, sans<br />
que ces deux enfants se soient jamais trahis en rien, une fois ou<br />
l’autre ; sans que personne ait découvert cet imposteur derrière la<br />
scène ; sans qu’une seule indiscrétion des enfants l’ait fait<br />
soupçonner ; sans qu’il en ait apparu un seul indice jusqu’à ce<br />
jour !<br />
Reste donc la première supposition, c’est-à-dire la vérité<br />
surnaturelle qui se trouve d’ailleurs très-fortement confirmée :<br />
1° Par le caractère soutenu des enfants ; 2° par les réponses<br />
absolument au-dessus de leur âge et de leur portée qu’ils ont faite<br />
dans les divers interrogatoires auxquels on les a soumis ; 3° par la<br />
fidélité extraordinaire avec laquelle ils gardent le secret qu’ils<br />
prétendent leur avoir été confié.<br />
Si j’étais obligé de me prononcer et de dire oui ou non sur<br />
cette révélation, et que je dusse être jugé à ce sujet sur la sincérité<br />
rigoureuse de ma conscience, je dirais oui plutôt que non. La<br />
prudence humaine et chrétienne me ferait dire oui plutôt que<br />
non, et je ne croirais pas avoir à craindre d’être condamné au<br />
jugement de Dieu comme coupable d’imprudence et de légèreté.<br />
Tout à vous.<br />
Gap, ce 11 juin 1848<br />
Mercredi 14 juin 1848<br />
ÉVÉNEMENT. Ce jour-là, passage probable, dans les écoles de Corps, de<br />
M. Rataboul, sous-inspecteur de l’instruction primaire (1). Nous signalons ce<br />
passage, car, à en croire Déléon, les enfants furent interrogés en 1848 par un<br />
haut fonctionnaire de Grenoble, conduit chez les soeurs de la Providence par<br />
l’inspecteur primaire. « Ce langage, leur d it le haut fonctionnaire, a-t-il é té le<br />
vôtre dès le m om ent même de l ’apparition ? Est-ce dans ces termes que vous<br />
avez p a rlé à vos maîtres, le soir même du 19 septem bre 1846 ? — Non,<br />
répondent, sans hésiter, les deux enfants. — Com ment donc, maintenant, parlezvous<br />
d ’une manière si précise et si sûre ? — C ’est M. le curé qu i a rappelé nos 1<br />
(1) La date du passage est seulement probable, sans plus. Elle ne nous est connue, en<br />
effet, que par un projet d ’itinéraire établi l’année précédente (ADI T 507, archives de<br />
l’Inspection d ’Académie).<br />
285
Doc. 428<br />
<strong>Documents</strong><br />
souvenirs » (2). Déléon n’indique le nom ni de l’inspecteur ni du haut<br />
fonctionnaire. Le rôle qu’il attribue à Mélin ne cadre guère avec la façon dont<br />
celui-ci présente l’apparition dans les relations dues à sa plume : Mélin, qui<br />
éprouve de la répugnance à entrer dans les détails, donne seulement des résumés<br />
schématiques (cf. LSDA 1, p. 128).<br />
Jeudi 15 juin 1848<br />
428. AUTORISATION DE MGR DE BRUILLARD, permettant à<br />
Rousselot de publier son Rapport<br />
Dans Vérité, p. 3-4.<br />
Portée de l'autorisation. Rousselot, éditeur du texte et sans doute aussi son<br />
inspirateur, l’introduit par les mots suivants : « Approbation de Monseigneur<br />
l'évêque de Grenoble ». Ce titre, qui ne fait point partie du document, en<br />
exprime cependant la portée. En effet, Mgr de Bruillard autorise la publication<br />
du Rapport, non pas simplement parce que celui-ci ne contient rien contre la foi<br />
et les mœurs, mais parce que, dans l’opinion de l’évêque, ses conclusions<br />
correspondent à la réalité. Pour la première fois, l’évêque se prononce publiquement<br />
et officiellement en faveur de l’authenticité de l’apparition, sans toutefois<br />
engager son autorité par un jugement solennel, qu’il donnera seulement en<br />
1831 (*)•<br />
PHILIBERT DE BRUILLARD, par la miséricorde divine et la<br />
grâce du Saint-Siège apostolique, Evêque de Grenoble ;<br />
Nous avons lu attentivement, et nous avons fait lire, examiner<br />
et discuter en notre présence dans une Commission nombreuse,<br />
formée de MM. nos Vicaires généraux, des membres de notre<br />
Chapitre, du Supérieur de notre Séminaire diocésain et des cinq<br />
Curés de notre ville épiscopale, le manuscrit intitulé : La Vérité<br />
sur / ’événement de la Salette, du 19 septembre 1846, ou Rapport<br />
à Mgr l ’Evêque de Grenoble sur l ’Apparition de la sainte Vierge à<br />
deux petits bergers sur la montagne de la Salette, canton de Corps<br />
(Isère).<br />
Nous avons constamment partagé l’avis de la très-grande<br />
majorité de la Commission, qui a successivement adopté tous les<br />
articles de ce Rapport.<br />
En conséquence, nous permettons à l’auteur de publier, par<br />
la voie de l’impression, son travail avec l’introduction et les pièces<br />
justificatives.<br />
(2) La Salette Fallavaux..., par Donnadieu [pseudonyme de C. Déléon], vol. I,<br />
Grenoble 1852, p. 51-52 ; cf. aussi le Mémoire au pape, p. i2. Démenti de Mélin : lettre<br />
de Mélin à Rousselot, 8 janvier 1853, EGD 1, reproduite dans les Nouveaux documents,<br />
p. 281-285.<br />
(*) A en croire Cartellier, Rousselot aurait annoncé dès le mois de mai « dans la chaire<br />
de la Cathédrale que Mgr lui avoit enfin ouvert la bouche, qu’à présent il pouvoit prêcher<br />
la Salette » (Réponse, p. 83).<br />
286
25 juin 1848 Doc. 431<br />
Ce Rapport, vivement désiré et impatiemment attendu depuis<br />
longtemps, nous paraît propre à [p. 4] dissiper bien des préventions,<br />
à éclairer l’opinion publique, à opérer la conviction dans les esprits<br />
droits. Ceux qui croient, ceux qui doutent, et ceux-là même qui<br />
ne croient pas, ne le liront pas sans intérêt, et, nous l’espérons,<br />
sans quelque profit.<br />
Les personnes pieuses verront qu’elles ont pu admettre le fait<br />
sans mériter le reproche d ’imprudence ou de faiblesse d ’esprit.<br />
Celles qui ont cru devoir suspendre leur jugement, seront sans<br />
doute frappées des preuves nombreuses qui entourent ce fait<br />
extraordinaire. Enfin, celles qui, entraînées par les préjugés,<br />
s’inscrivent en faux contre tout ce qui sort de l’ordre commun,<br />
contre tout ce qui est merveilleux, se rappelleront, sans doute,<br />
que<br />
Le vrai peut quelquefois n ’être pas vraisemblable ; et qu’un<br />
événement qui, depuis plus de vingt mois, retentit dans le monde<br />
catholique et a déjà mis en mouvement plus de cent mille pèlerins,<br />
ne mérite pas d ’être rejeté sans examen.<br />
Donné à Grenoble le 15 juin 1848.<br />
tPHILIBERT, Evêque de Grenoble.<br />
Par mandement :<br />
CHAMARD, Chane hone, Secrétaire.<br />
Dimanche 25 juin 1848<br />
ÉVÉNEMENT. Dans Paris, hérissé depuis deux jours de barricades, l’archevêque<br />
de la ville, Mgr Affre, est mortellement blessé par une balle perdue, au cours<br />
d’une tentative de médiation entre les forces de l’ordre et les insurgés, qui seront<br />
réprimés avec dureté.<br />
431. PATOIS DE MÉLANIE<br />
Manuscrit de la main de l’abbé Lagier (1 f. pliée 28,5 cm x 37) : EGD 37.<br />
— Reproduit avec une traduction dans la Vérité, p. 55-57.<br />
Destinataire : Rousselot ou Auvergne. Ce dernier aida Rousselot à préparer<br />
l’édition imprimée de son Rapport.<br />
S‘ Pierre de Cherennes le 25 juin 1848<br />
TRADUCTION<br />
'Si las truffas se gastoun éï rien<br />
que per vous aoutres, vous ôou aïou<br />
fa véïre (veyre) Tan passa, n ’aïa pas<br />
vougu fas conti, 2qu’éra ôou coun-<br />
['Si les pommes de terre se gâtent,<br />
ce n’est rien que pour vous autres. Je<br />
vous l’avais fait voir Tan passé ; vous<br />
n’en avez pas voulu faire cas. 2Que<br />
287
Doc. 431<br />
<strong>Documents</strong><br />
trère, quand troubava de truffas gastas<br />
djurava, l’y bitava lou noue de moun<br />
fis ôou méï (ou bien et plus étymologique,<br />
mey) (1). 123É van countinua<br />
qu’aqeytan per tsalendas {b iffé : ny]<br />
ni {biffé : auourait] ôourè plus.<br />
4Si ava de bla fôou pas lou semenas,<br />
que tout ce que semenaré las bestias<br />
{biffé : lou] \-vous lou / (2) mendjarein,<br />
é ço que vendrè toumbarè tout<br />
en poussièra quant l’eyqouïré.<br />
5Vendret una granda famina,<br />
6d’avant que la famina vène lous<br />
maris ôou dessous de sept ans prendten<br />
un tremble muriren entre las mas<br />
de las persounas que lous tendren, é<br />
lous àoutres faren lour penitensa de<br />
famina.<br />
7Las nouzes vendren boffas, lous<br />
rasins puriren.<br />
8Si se counvertissoun las peyras,<br />
lous routsats seren de mounteous de<br />
bla. 9Las truffas seren ensemensas per<br />
las terras.<br />
10Fasa {biffé : bien] bian vouatra<br />
priera, mous marris ?<br />
"Pas gaïre madama.<br />
"Fôou bian la fas, mous marris<br />
vèpre é mati, quant diria ôoumen<br />
qu’un pater é un ave maria quant<br />
pouiré pas mey fas, é quant pouiré<br />
mey fas n’en mai dire. "L’stiou (3)<br />
vaï que quaouqua fena un paou<br />
d’iadje à la messa, lous aoutres trabailloun<br />
tout l’stiou la dimentsa ; I4é<br />
l’hiver quant saboun pas que fas lous<br />
garçous van à la messa per se mouquas<br />
de la relidjiou ; {verso] 15é la careyma<br />
van à la boutsaria couma lous tsis.<br />
c’était au contraire ; quand vous trouviez<br />
des pommes de terre gâtées, vous<br />
juriez en y mettant le nom de mon<br />
fils au milieu. 3Elles vont continuer ;<br />
que cette année pour la Noël, il n’y<br />
en aura plus.<br />
4Si vous avez du blé, il ne faut pas<br />
le semer ; tout ce que vous sèmerez,<br />
les bêtes le mangeront ; ce qui viendra<br />
tombera tout en poussière, quand<br />
vous le battrez.<br />
5I1 viendra une grande famine.<br />
6Avant que la famine vienne, les<br />
enfants au-dessous de sept ans prendront<br />
un tremblement et mourront<br />
entre les mains des personnes qui les<br />
tiendront ; les autres feront pénitence<br />
par la famine.<br />
7Les noix deviendront mauvaises,<br />
les raisins pourriront. 8S’ils se convertissent,<br />
les pierres et les rochers se<br />
changeront en monceaux de blé. 9Les<br />
pommes de terre seront ensemencées<br />
par les terres.<br />
10Faites-vous bien votre prière mes<br />
enfants ?<br />
"Pas guère, Madame.<br />
"Il faut bien la faire mes enfants,<br />
soir et matin : quand vous ne pourrez<br />
pas mieux faire, dire seulement un<br />
Pater et un Ave Maria, et quand<br />
vous pourrez faire mieux, en dire<br />
davantage.<br />
13L’été, il ne va que quelques femmes<br />
un peu âgées à la Messe ; les<br />
autres travaillent le dimanche tout<br />
l’été ; 14et l’hiver quand ils ne savent<br />
que faire, les garçons ne vont à la<br />
Messe que pour se moquer de la<br />
(1) « meï (ou bien... mey) » : à l’exception de « mey », mots biffés (par une main<br />
étrangère ?) et omis dans l’édition imprimée.<br />
(2) Correction peut-être d ’une main étrangère. La Vérité reproduit le-texte corrigé.<br />
(3) « L’stiou » : biffé (par une main étrangère ?) et omis dans l’édition imprimée.<br />
288
26 juin 1848 Doc. 432<br />
16N ’ava djis vegu de bla gasta mous<br />
marris (4) ? — 17Oh ! nou madama.<br />
18 É vous moun marri, n’en deva<br />
bian avé vegu, un viadje vès lou<br />
Couïn embe vouetre paire, que lou<br />
mestre de la pessa, que dïsia à vouètre<br />
paire d’anas veyre soun bla gasta, é<br />
pey lé anera tous dous, prenguera<br />
dous tréis éipias de bla din vouatras<br />
mas (5), las froutera, é tseyguait tout<br />
en poussièra, é pey vous n’entournera,<br />
19quant era plus que dimé houra luen<br />
de Couarp vouetre paire vous beyllé<br />
una pèça de pa en vous disan : té,<br />
moun marri mendja encas de pa<br />
àqueytan, que sabou pas qui n’en vaï<br />
mendjas l’an que ven, si lou bla<br />
countinua couma quo !<br />
20Oh ! si madama m’en rappellou<br />
avus, adès me n’en rappellavou pas.<br />
religion. 15Le carême, on va à la<br />
boucherie comme les chiens.<br />
I6N ’avez-vous pas vu du blé gâté,<br />
mes enfants ?<br />
17(Maximin répondit :) Oh ! non,<br />
Madame.<br />
18Vous devez bien en avoir vu, mon<br />
enfant (en s’adressant à Maximin),<br />
une fois vers la terre du Coin, avec<br />
votre père. Le maître de la pièce dit<br />
à votre père d’aller voir son blé gâté ;<br />
vous y êtes allés tous les deux. Vous<br />
prîtes deux ou trois épis dans vos<br />
mains, les froissâtes, et tout tomba<br />
en poussière ; puis vous vous en<br />
retournâtes. 19Quand vous n’étiez<br />
plus qu’à une demi-heure de Corps,<br />
votre père vous donna un morceau<br />
de pain en vous disant : Tiens, mon<br />
enfant, mange encore du pain cette<br />
année ; je ne sais pas qui en mangera<br />
l’année prochaine, si le blé continue<br />
encore comme ça.<br />
20Oh ! oui, Madame ; je m’en souviens<br />
à présent, tout à l’heure, je ne<br />
m ’en souvenais pas.]<br />
Vous pouvez, je pense, accepter en toute sûreté soit sous le<br />
rapport du patois, soit sous le rapport de l’exactitude du fait le<br />
récit de Mélanie, tel que je vous le renvoie.<br />
J ’ai l’honneur...<br />
LAGIER, prêtre<br />
Lundi 26 juin 1848<br />
432. LETTRE DES ABBÉS LOUIS ETJ.-M. PERRIN, de la Salette,<br />
à Mgr de Bruillard<br />
Original : EG 134.<br />
Contenu. Guérisons. — Pèlerinages : plus de mille pèlerins le lundi de la<br />
Pentecôte (12 juin), sept à huit cents le jour de la Fête-Dieu (22 juin) et le jour<br />
de la Saint-Jean-Baptiste (24 juin), cent à deux cents les dimanches ordinaires.<br />
Les pèlerins sont moins nombreux que l’année précédente, mais plus fervents. 45<br />
(4) Les deux derniers mots ont été corrigés en « moun marri », mon enfant, (par une<br />
main étrangère ?). La Vérité reproduit le texte primitif.<br />
(5) Les deux derniers mots ont été corrigés en « sa ma », sa main, (pat une main<br />
étrangère ?). La Vérité reproduit le texte primitif.<br />
289
Doc. 434<br />
<strong>Documents</strong><br />
Juillet 1848<br />
ÉVÉNEMENTS. Pseudo-apparitions au Périer, commune du canton de Valbonnais,<br />
limitrophe de celui de Corps. Cartellier les rapporte en ces termes, après<br />
avoir parlé d’apparitions dans la Drôme (*) : « Là [au Périer] la S" Vierge se<br />
serait montrée le 30 juin, le 5, le 6, le 15, le 16 juillet 1848. Elle aurait tenu le<br />
langage qu’elle a tenu partout : que son Fils étoit surtout irrité des blasphèmes<br />
et des profanations du dimanche [...] ». Cartellier conclut que la dame de la<br />
Salette et la dame du Périer « se ressemblent à merveille ; on dirait qu’il n’y en<br />
a qu’une » (**).<br />
A ceux qui voient dans cette similitude une difficulté pour la Salette,<br />
Rousselot fait remarquer que les autres apparitions sont postérieures à celle du 19<br />
septembre 1846, l’imitent et la supposent, comme « la fausse monnaie suppose<br />
la véritable. [...] Que ces apparitions subséquentes soient le fruit de cerveaux<br />
malades, cela résulte assez de ce que dans ces visions prétendues, il y a presque<br />
toujours eu marteau e t tenailles, secret obligé, larmes répandues, etc. Désormais<br />
la Reine des cieux ne pourra plus se montrer autrement que comme elle a apparu<br />
à la Salette » (***).<br />
Jeudi 6 juillet 1848<br />
434. LETTRE DE L’ABBÉ LOUIS PERRIN, curé de la Salette, au<br />
chanoine Rousselot<br />
Original (1 f. pliée 27 cm x 40,5) : EGD 85.<br />
Monsieur le Vicaire Général,<br />
La Salette 6 juillet 1848<br />
Je viens de faire \ part / à Monsieur le Maire de la Salette de<br />
l’apparente contradiction qu’avoit cru trouver M. Dupanloup (1).<br />
M. le Maire de la Salette m ’a assuré qu’il avoit interrogé le petit<br />
Maximin sur le fait de l’Apparition, le surlendemain de cet<br />
événement. « Le lundi, vient-il de me dire, 21 sept. 1846, je<br />
descendis à ma vigne chercher quelques raisins qui commençoient<br />
à être bons. Tout préoccupé de ce que m ’avoit \ dit / la veille<br />
(*) Sur les innombrables apparitions qui auraient eu lieu de mars 1848 à décembre<br />
1849 dans cinq paroisses du diocèse de Valence (la Chaudière, Pradelle, Brette, la Fare et<br />
Espeluche), voir B. DELPAL, La vie chrétienne dans les paroisses du diocèse de Valence au<br />
milieu du XDC siècle, 2 vol. multigraphiés (thèse pour le doctorat de troisième cycle<br />
soutenu à Lyon II le 8 novembre 1980), I, p. 203-228 ; cf. aussi doc. 459 et BMG R.8667<br />
(23-24). A côté d'analogies avec les récits de la Salette, on rencontre des éléments nouveaux :<br />
un langage apocalyptique, des reproches au sujet du clergé, des invitations à des pratiques<br />
de piété (processions, etc.) qui, en fait, éloignent les fidèles du culte liturgique. Après une<br />
période d ’enthousiasme, ces apparitions tombèrent dans l’oubli, à la satisfaction de<br />
l’évêque, Mgr Chatrousse.<br />
(**) Réponse, p. 31-32. Dans le Mémoire au pape de 1854 (p. 28), Cartellier date les<br />
apparitions du Périer du « mois de juillet 1848 », sans autre précision.<br />
(***) Nouveaux documents, p. 46-47. Mgr de Braillard voulut imposer aux visionnaires<br />
du Périer une rétractation (cf. le brouillon du décret écrit de sa main, 28 avril 1851,<br />
EG 124). — Sur ces « apparitions », cf. aussi GlNOULHIAC, p. 25, dans BASSETTE, p. 372.<br />
(1) Sur cette contradiction, vois supra, p. 156, la note critique ajoutée au doc. 305.<br />
290
11 juillet 1848 Doc. 436<br />
Mélanie, en revenant de ma vigne, je passai chez le père Giraud,<br />
je fis appeler Maximin, je lui demandai d’abord si ce que m ’avoit<br />
raconté Mélanie étoit vrai, il me répondit que oui, puis il me<br />
raconta son histoire que je trouvai la même que celle de Mélanie ;<br />
je persistai à ne vouloir pas croire, je niai tout et je fis tout mon<br />
possible pour faire nier aussi à Maximin d ’abord par promesse de<br />
plusieurs pièces d ’argent que je lui présentai, comme j’avois fait<br />
la veille à Mélanie, puis par menace de la prison et tous mes<br />
expédients furent inutiles. »<br />
Il paroit donc réellement, Monsieur, que c’est le petit Maximin<br />
qui ne se rappelle pas les circonstances, et que le rapport de M. le<br />
Maire est à peu près fidèle (*). [...(verso)...]<br />
Perrin curé<br />
P.S. Toujours est-il vrai, Monsieur, que ce récit de M. le<br />
Maire dans la brochure de Mgr de la Rochelle, est inexact, puisque<br />
ce récit raconte qu’il interrogé [sic] le dimanche, lendemain de<br />
l’apparition les deux enfans séparément, puis simultanément.<br />
Votre sagesse saura pourvoir à ce petit inconvénient.<br />
N ote critique. Par le ton affirmatif et son style concret, le nouveau témoignage<br />
de Peytard ressemble fort au premier, qu’il contredit en partie. De l’un et l’autre<br />
témoignage nous retiendrons le sens général, à savoir que le maire interrogea<br />
Maximin en maniant promesses et menaces.<br />
Mardi 11 juillet 1848<br />
436. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à M. Dupont, « le saint homme<br />
de Tours »<br />
Original : Tours SF, B 28.<br />
[...(p. 2)] Les enfants vont toujours bien ; ils sont calmes au<br />
milieu de la tempête. Peut-être voient-ils au delà des orages le<br />
calme lumineux du retour de l’ordre et de la paix (1). [...(p. 3)]<br />
Je me suis fait recevoir dans l’association du scapulaire de la<br />
Passion (2) ; et je suis autorisé par Mr Etienne (3) à y recevoir moimême<br />
ceux qui le désirent. A Grenoble, [p. 4] le st curé de la<br />
cathédrale a reçu plus de trois mille personnes en un mois. [...] *1<br />
(*) Cette phrase laisse entendre que c’est en interrogeant Maximin que Dupanloup<br />
découvrit la difficulté. Il l’aurait donc signalée à Rousselot après son pèlerinage à la Salette.<br />
(1) On retrouve les mêmes idées, exprimées presque dans les mêmes termes, dans une<br />
lettre de Mélin à Mgr de Bruillard (doc. 446).<br />
(2) Le scapulaire rouge de la Passion a pour origine les visions qu’eut le 26 juillet<br />
1846 Sœur Apolline Andriveau, des Filles de la Charité (R. LAURENTIN, Vie authentique<br />
de Catherine Labouré, Paris, DDB, etc., 1980, II, p. 301).<br />
(3) Supérieur général des Lazaristes.<br />
291
Dessin de Marie Rolland<br />
« Montagne de la Salette<br />
* Vue de la petite chapelle de planches construite à quelques pas de l'apparition de la Ste Vierge. Nous y avons entendu la messe le dimanche 13 juillet 1848. »
16 juillet 1848 Doc. 439<br />
Dimanche 16 juillet 1848<br />
Evénem ent. Pèlerinage du chanoine Michon et de la famille Bolland.<br />
* 439. DESSIN ET JOURNAL DE MARIE BOLLAND du 7 au 16<br />
juillet 1848<br />
Dessin original (22 cm x 14) : EG 105. — Publié, ainsi que le Journal,<br />
dans Annales, février 1924, p. 232-236. L’original du Journal se trouvait alors en<br />
la possession de l’abbé de Gailhard Bancel, curé de la Motte-Chalançon, Drôme,<br />
neveu de Marie Bolland.<br />
Marie Bolland, née en 1830 à Chimilien, était fille d’Augustin Bolland,<br />
professeur à la faculté de droit de Grenoble. Entrée chez les Filles de la Charité,<br />
elle prit le nom de Sœur Cécile. Elle mourut en juillet 1906, supérieure de la<br />
maison de la rue Ville-l’Evêque, à Paris.<br />
Date. Il est évidemment possible que le dessin et les notes sur le pèlerinage,<br />
qui eut lieu le 16 juillet, soient postérieurs de quelques jours.<br />
Ci-dessous nous reproduisons, d’après les Annales, l'essentiel du passage<br />
concernant le séjour à la montagne.<br />
[p. 235] Enfin, nous avons aperçu les premières cabanes et des<br />
groupes de pèlerins et, à midi moins un quart, nous étions sur la<br />
Montagne. M. Michon commençait sa messe, aussi sommes-nous<br />
entrés tout de suite dans la petite chapelle qu’on a élevée dans ce<br />
lieu. Nous étions baignés de sueur, et tout ce que je pouvais faire<br />
dans cet état, c’était d ’offrir mon cœur à Dieu. De temps en<br />
temps, pendant la messe, des voix bien simples et bien fraîches<br />
chantaient des cantiques à la Sainte Vierge ; la simplicité de la<br />
chapelle, la piété des assistants, tout cela impressionnait vivement<br />
et nous remplissait d ’une ferveur inaccoutumée. Après la messe,<br />
nous avons été nous asseoir sur l’herbe avec M. Michon et un<br />
ecclésiastique, nommé M. Finet, qu’il avait amené avec lui, et que<br />
maman avait connu à Vienne, et, là, nous avons fait un délicieux<br />
repas. C’était de l’eau miraculeuse que nous buvions, et nous<br />
n’étions qu’à quelques pas du lieu où elle coulait depuis l’Apparition...<br />
Au moment où nous terminions notre repas, le Curé de la<br />
Salette e[s]t venu prévenir M. Michon que l’heure des vêpres était<br />
arrivée, et il le priait en même temps, de présider cette cérémonie.<br />
M. Michon a pris, en effet, un rochet et une étole, puis il a fait<br />
placer les hommes du côté du ravin où il se trouvait, les femmes<br />
de l’autre, puis il a entonné. Rien n ’est plus touchant que les<br />
deux chœurs se répondant ainsi sur la Montagne. Ces chants en<br />
plein air, ces bons montagnards si recueillis, ces mères tenant leurs<br />
enfants dans leurs bras, ces troupeaux nous entourant, c’était<br />
vraiment l’image de ce qui se passait au temps de Notre-Seigneur.<br />
M. Michon nous a ensuite adressé quelques paroles sur le but qui<br />
nous réunissait en ce lieu ; puis on a chanté, toujours en deux<br />
293
Doc. 439<br />
<strong>Documents</strong><br />
chœurs, les litanies de la Sainte Vierge et le Sub tuum ; on est<br />
alors rentré dans la chapelle où l’on a donné la Bénédiction et la<br />
cérémonie s’est terminée par une Consécration à Notre-Dame de<br />
La Salette. Le temps approchait où il nous faudrait repartir, bien<br />
à regret, car nous nous trouvions si bien sur cette Montagne !<br />
Nous avons employé les courts instants qui nous restaient à visiter,<br />
mieux que nous ne l’avions fait encore, l’endroit même où la<br />
Sainte Vierge était apparue. M. Michon y a fait venir [p. 236] les<br />
enfants et leur a fait raconter tout ce qu’ils avaient vu. Mélanie,<br />
que nous avions déjà remarquée à cause de son costume bleu,<br />
paraît très modeste mais aussi très timide, de sorte que nous ne<br />
l’avons presque pas entendu parler. Mais Maximin nous a enchantés<br />
par son air de vivacité et de franchise. Toutes nos attaques sur son<br />
secret ont été inutiles. Avant de partir, nous avons acheté quelques<br />
chapelets et quelques médailles, puis nous avons cueilli des fleurs<br />
et des plantes en souvenir. M. Michon et M. Finet n ’ont pas voulu<br />
descendre avec nous ; ils désiraient passer la nuit sur la Montagne.<br />
Nous avons dit adieu à Notre-Dame de La Salette, mais non pour<br />
toujours, car nous avions un grand désir d ’y revenir. Cette journée<br />
si heureuse ne s’effacera jamais de notre mémoire, et il nous<br />
semblait, en nous éloignant, que notre Consécration à la Sainte<br />
Vierge nous préservait désormais de tout malheur...<br />
Près de la chapelle de Notre-Dame de Gournier, nous avons<br />
trouvé Maximin qui était descendu là, je ne sais comment. Ç’a<br />
été une grande joie pour nous, car nous l’avons emmené avec<br />
nous jusqu’à Corps, et tout le long du chemin nous nous sommes<br />
amusés à lui faire des questions. Nous avons bien pu juger là de<br />
son étourderie et de sa légèreté ; il courait constamment et ne<br />
nous répondait qu’avec distraction ; on ne peut pas remarquer<br />
chez lui l’ombre d ’amour-propre. [...]<br />
Mardi 18 juillet 1848<br />
440. LETTRE DE L’ABBÉ AUVERGNE, pro-secrétaire à l’évêché,<br />
à l’abbé Mélin<br />
Original : EG 99<br />
N o t e . Auvergne a écrit cette lettre en tant que bras droit du chanoine<br />
Rousselot dans la préparation de l’édition imprimée du Rapport à l’évêque.<br />
[...] Le secret a-t-il été confié d’abord à Mélanie, puis à<br />
Maximin ? ou vice versâ ? M. Lagier et M. Lambert ne sont pas<br />
d ’accord là dessus (1). [...] 1<br />
(1) Lagier (doc. 99, v. 9) : d'abord Mélanie et ensuite Maximin. Lambert (doc. 175,<br />
v. 14) : ordre inverse.<br />
294
6 août 1848 Doc. 447<br />
[P.S.] Certain incorrigible prétend que la source avait tari il y<br />
a déjà quelque temps. Le fait est-il vrai ? On ajoute qu’à cette<br />
époque on n ’y puisait plus que de la boue.<br />
19 juillet 1848<br />
441. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à l’abbé Auvergne, pro-secrétaire<br />
à l’évêché de Grenoble<br />
Original (1 f. pliée 20,5 cm x 26) : EGD 87.<br />
Mon cher Ami,<br />
J ’ai pris les Enfants séparément. Mélanie m ’a répondu sans<br />
hésiter ; le secret a été confié à Maximin le premier ; car j’ai cru<br />
un moment que la Dame ne disoit rien, parce que je ne l’entendoi/<br />
plus parler.<br />
A la même question, Maximin m ’a d’abord répondu qu’il ne<br />
se le rappeloit pas. Puis, après un moment de réflexion, il m ’a<br />
dit : c’est à moi que le secret a été confié le premier ; Mélanie a<br />
cru que la Dame ne disoit rien, et c’est alors qu’elle me disoit le<br />
secret ; ce n’est qu’après, qu’elle a dit le secret à Mélanie, et je<br />
n ’entendoir pas parler.<br />
[p. 2] La coïncidence de la \ même / raison donnée par les<br />
deux Enfants, pris séparément, est frappante, et ne permet pas<br />
d ’hésiter. C’est à Maximin que le secret a d ’abord été confié.<br />
La fontaine n ’a jamais tarir ; et si elle tarissoit, cela ne<br />
porteroit aucun préjudice à l’Apparition ; c’est la foi seule des<br />
pèlerins qui l’a fait entrer dans cette merveille, pour la rendre en<br />
quelque sorte, matériellement visible, dans toute l’Europe où son<br />
eau a déjà opéré des prodiges. Dites à ce quidam de venir y boire.<br />
Je l’accompagnerai (1).<br />
[p. 3] L’Abbé Girin (2) a dû vous voir avec plaisir ; et la<br />
merveille séculaire de sa paroisse méritoit votre visite.<br />
Toujours tout à vous.<br />
MÉLIN Archip"'<br />
Corps 19 juil. 48<br />
Dimanche 6 août 1848<br />
447. CHANOINE ROUSSELOT. La vérité sur l'événement de la<br />
Salette du 19 septembre 1846, ou Rapport à Mgr l ’évêque de 1<br />
(1) La réponse de Melin manque ici de nuances. D ’après le curé de la Salette, pèlerins<br />
et troupeaux avaient causé des dégâts, de sorte qu’à certains moments on en retirait de<br />
l’eau trouble, presque de la boue (doc. 484).<br />
(2) Il s'agit sans doute de l’abbé Jean-François Girin, de 1837 à 1847 curé d'une<br />
paroisse limitrophe de la Salette (cf. supra, p. 120).<br />
295
Doc. 447<br />
<strong>Documents</strong><br />
Grenoble sur l'apparition de la sainte Vierge à deux petits bergers,<br />
sur la montagne de la Salette, canton de Corps (Isère)<br />
Grenoble, Grand séminaire, Baratier frères et fils, A. Carus, 1848, 240 p.<br />
18 cm.<br />
Préparation. De la correspondance de juin-juillet il résulte que<br />
Rousselot, après le passage de D upanloup à Grenoble en juin, s’attaqua<br />
sans plus tarder à la préparation de l’édition imprimée de son Rapport.<br />
Il eut pour collaborateur l’abbé Auvergne. Le livre fut mis sous presse<br />
vers le 20 juillet (Vérité, p. 101), mais reçut des compléments en cours<br />
de route. La date du 6 août, que nous avons attribuée à ce livre, est celle<br />
de la déclaration au dépôt légal. Le premier tirage compta deux mille<br />
exemplaires. Un second tirage fut préparé dès septembre. O n y trouve<br />
une lettre de Mgr Villecourt, datée du 25 août 1848 (doc. 458). Pour<br />
insérer cette addition, Rousselot abrégea la fin de son introduction (p. 31-<br />
32).<br />
Contenu. Le livre se présente comme une édition revue et augmentée<br />
du Rapport d ’octobre 1847 (doc. 310). — On y trouve les additions<br />
suivantes : l’approbation de l’évêque de Grenoble (doc. 428) ; une<br />
introduction comprenant une dissertation sur la certitude et les miracles,<br />
un résumé des Conférences de l’autom ne précédent et un compte-rendu<br />
de diverses publications sur la Salette (p. 5-32) ; des renseignements sur<br />
l’enquête Lagier, les relations Lambert, D um anoir et Chambon ; une<br />
note sur le récit donné le 20 septembre 1846 par l’abbé Jacques Perrin ;<br />
un examen de diverses hypothèses explicatives (p. 60, 63-64, 83-86) ; le<br />
texte de la relation Pra, de la réponse Bouvier, des attestations Pra et<br />
Selme, d ’une lettre de l’abbé Louis Perrin (doc. 1, 152 bis, 296, 297,<br />
405) ; des renseignements et pièces justificatives concernant vingt-deux<br />
guérisons (celles déjà traitées dans le Rapport d ’octobre 1847 étant<br />
comprises dans ce nombre), arrivées dans treize diocèses (p. 101-192,<br />
226-235).<br />
La relation Bez des récits de Maximin et de Mélanie, q u ’on lisait<br />
dans le Rapport prim itif, a été remplacée par d ’autres relations.<br />
Les récits de Maximin et de Mélanie : la vulgate salettine. Le livre<br />
(p. 53-58, 64-69) reproduit les récits d ’après Lambert (doc. 175), à<br />
l’exception du patois de Mélanie, pour lequel il suit Lagier (1). Le résultat<br />
constitue ce q u ’on peut appeler la « vulgate salettine », à savoir l’histoire<br />
dé l’apparition telle q u ’elle est connue du grand public jusqu’à nos<br />
jours.<br />
Les récits enregistrés par Lambert et Lagier, rédacteurs consciencieux<br />
et bons connaisseurs du patois, sont, à de minimes détails près, identiques.<br />
Ils sont le fruit d ’un processus d ’harmonisation, arrivé à terme vers la fin<br />
de l’hiver 1846-47 au plus tard et qui m arque principalement le récit de<br />
(l)*15oc. 431. — Nous avons déjà fait allusion supra, p. 67-68, aux retouches que<br />
l’abbé Auvergne a fait subir au récit de Maximin.<br />
296
6 août 1848 Doc. 447<br />
Maximin. On sait en effet q u ’au début de l’autom ne 1846 le garçon<br />
rapportait surtout les passages où la Dame le m ettait en cause personnellem<br />
ent : questions sur le blé gâté et sur la prière, épisode de la terre du<br />
Coin, — attitude parfaitem ent naturelle chez un enfant de onze ans, qui<br />
m ontre par là que, loin de réciter un texte appris, il rapporte une<br />
expérience vécue (2). La façon dont il présente les paroles de la Dame à<br />
Dausse et à Lagier en février-mars 1847 doit certainement quelque chose<br />
aux récits q u ’il a entendu faire à Mélanie entre temps. Mais une influence<br />
en sens inverse, de Maximin sur Mélanie, a dû également exister. La<br />
relation Pra (doc. 1), qui est la plus ancienne trace écrite du récit de<br />
Mélanie, réunit en effet à la fin les éléments qui, au témoignage de<br />
l’abbé Perrin, curé de la Salette, étaient racontés et compris par le garçon<br />
plutôt que par la fille. Il est pour le moins vraisemblable q u ’ils aient été<br />
ajoutés par Mélanie après que l ’un ou l’autre des paysans présents lors de<br />
l’interrogatoire du 20 septembre 1846 lui ait expressément dem andé si la<br />
Dame n ’avait pas parlé de ces détails, q u ’il tenait de la bouche de<br />
Maximin (3).<br />
R é a c t i o n s é p i s c o p a l e s (4). Les archives de l’évêché de Grenoble<br />
possèdent plusieurs lettres adressées par des évêques français à Mgr de<br />
Bruillard ou à Rousselot après la parution du livre (5). Les évêques<br />
félicitent, disent que l ’approbation épiscopale placée en tête du livre a<br />
produit sur eux une impression favorable, mais ne s’engagent pas<br />
nécessairement eux-mêmes. Plusieurs se déclarent convaincus, tels Mgr<br />
M athieu, archevêque de Besançon, ou Mgr Monier de Prilly, évêque de<br />
Châlon-sur-Marne (doc. 462, 473). Certains observent que l’approbation<br />
donnée par Mgr de Bruillard n ’est pas encore un jugem ent solennel.<br />
Ainsi par exemple Mgr Villecourt qui, dans une lettre datée du 25 août<br />
1848, écrit : « J ’ignore si l’intention de Votre Grandeur est de faire suivre<br />
le rapport d ’une sentence. Elle a grâce d ’état pour se déterm iner au parti<br />
(2) La relation Bail-Collonge, du 3 novembre 1846, rédigée après un interrogatoire de<br />
Maximin, met effectivement en tête du discours les passages sur la prière, sur les pommes<br />
de terre et le blé gâtés et sur l’épisode de la terre du Coin. La relation de Monteynard<br />
présente une structure semblable (doc. 13 bis ; doc. 16 bis, v. 3-6 ; cf. aussi doc. 20, v. 19-<br />
23, et doc. 81 ; dans LSDA I, p. 91, 107, 117 et 253).<br />
(3) Relation Perrin (doc. 7) v. 28 : « Ce qui suit a été plus particulièrement compris<br />
et retenu par le petit Germain ; Mélanie avouant qu’il est certain que la dame a parlé au<br />
petit sans qu’elle ait bien pu la comprendre » (LSDA I, p. 73-74). Cf. LSDA I, p. 120, et<br />
aussi la réponse du même abbé Louis Perrin au Père Bossan, accompagnant une lettre du<br />
5 mai 1863 : « Oui, il est vrai qu’au commencement Maximin s’exprimoit plus difficilement<br />
que Mélanie en faisant le récit et que c’est pour cela qu’on interrogeoit Mélanie de<br />
préférence, excepté quand il s’agissoit du fait du blé gâté de la terre du Coin et de la<br />
fidélité à la prière » (MSG C-2).<br />
(4) En ce qui concerne l’attitude de Pie IX, voir le doc. 409-<br />
(5) Doc. 450, 451, 454, 457, 459, 461, 462, 463, 465, 473, 489. — Dans l’impossibilité<br />
de reproduire toutes ces lettres, nous donnerons in extenso celles des évêques de Gap et de<br />
Viviers, NNSS Depéry et Guibert (doc. 450 et 465), particulièrement intéressantes par les<br />
critères qu’elles proposent et par la personnalité de leurs auteurs respectifs, qui jouèrent<br />
tous deux un rôle dans l'histoire de la Salette.<br />
297
Doc. 447<br />
<strong>Documents</strong><br />
le plus sage. En tout cas, votre approbation du rapport sera toujours<br />
d ’une grande consolation pour les âmes pieuses » (doc. 457).<br />
R e m a r q u e s c r i t i q u e s (6). Cartellier reproche au livre de passer sous<br />
silence la plupart des critiques formulées lors des Conférences à l’évêché<br />
{ R é p o n s e , p. 68). Le reproche nous paraît exagéré, car les allusions aux<br />
difficultés soulevées par les opposants ne m anquent pas. Elles auraient<br />
sans doute été plus complètes, si Cartellier n ’avait pas fait la sourde<br />
oreille quand l’évêque lui dem anda de présenter ses objections par écrit<br />
(cf. doc. 389). Pour notre part, nous reprocherions plutôt à Rousselot les<br />
libertés q u ’il s’est permises — rarement il est vrai — dans la reproduction<br />
des textes : correction de la déclaration de B. Pra (doc. 296) d ’après un<br />
témoignage recueilli ultérieurem ent (doc. 352), légère modification d ’une<br />
lettre privée, destinée à sauvegarder la réputation d ’une famille (doc. 247)<br />
et, chose plus grave, commise par inadvertance nous l’espérons, omission<br />
d ’un passage significatif concernant la cécité de Victorine Sauvet (7).<br />
Tout en regrettant ces déficiences, nous croyons q u ’on aurait mauvaise<br />
grâce d ’en faire un crime à un auteur-éditeur obligé de travailler vite et,<br />
sans doute, avec l’aide de plusieurs collaborateurs. L’oeuvre paraît<br />
méritoire, surtout si on la compare aux écrits des opposants (Cartellier,<br />
Berthier et, plus tard, Déléon), bourrés d ’à-peu-près et d ’inexactitudes (8).<br />
On peut enfin reprocher à Rousselot le parti q u ’il prétend tirer de<br />
l’accumulation de « pièces justificatives » dans la partie du livre consacrée<br />
aux guérisons. Il espère m ettre « ainsi le lecteur en état de juger luimême<br />
de la vérité des miracles par le nombre et la gravité des<br />
témoignages » ( V é r i t é , p. 102). Mais on peut difficilement aboutir à des<br />
jugements définitifs à partir de dossiers encore provisoires par la force des<br />
choses : une guérison aussi impressionnante que celle survenue le<br />
8 décembre précédent à Avallon sur la personne de Marie-Pierrette<br />
Gagniard, aveugle depuis deux ans, guérison pour laquelle la V é r i t é<br />
(p. 170 et suivantes) produit un rapport médical et le rapport favorable<br />
de la commission d ’enquête nommée par l’archevêque de Sens, ne fut<br />
point déclarée miraculeuse par ce dernier, après nouvel examen (cf.<br />
doc. 509).<br />
T e x t e . L’essentiel du Rapport à l’évêque (doc. 310) et les documents<br />
édités par Rousselot ont déjà été reproduits dans notre série chronologique,<br />
à l’exception toutefois des « pièces justificatives » concernant les guérisons,<br />
reproduites seulement dans de rares cas : données intégralem ent, ces<br />
pièces auraient à elles seules occupé un quart environ du présent ouvrage.<br />
(6) Rappelons que le Rapport d ’octobre 1847 a déjà fait l’objet d ’une note critique<br />
(supra, p. 164). Les présentes remarques visent uniquement les compléments publiés dans<br />
l’édition imprimée.<br />
(7) Doc. 271 bis : voir supra, p. 145, note 2.<br />
(8) Des inexactitudes rencontrées chez ces trois opposants ont été signalées dans<br />
LSDA I, p. 94, 140, 174.<br />
298
20 août 1848 Doc. 450<br />
Mardi 15 août 1848<br />
ÉVÉNEMENT. Bénédiction de la croix plantée l'année précédente au sommet<br />
du Planeau. Cette croix fut remplacée plus tard par une autre croix, puis par une<br />
troisième le 14 septembre 1861 (d’après Bossan, Apparition, n° 883).<br />
Dimanche 20 août 1848<br />
450. LETTRE DE MGR DEPÉRY, évêque de Gap, à Mgr de<br />
Bruillard<br />
Original (1 f. 20,5 cm x 26,5) : EG 93. — Extrait dans Nouveaux<br />
documents, p. 97.<br />
Note. On se rappelle l’empressement de l’évêque de Gap à annoncer la<br />
nouvelle de l’apparition, dès l’automne de 1846, sans attendre que l’évêque de<br />
Grenoble se soit prononcé : « je suis allé plus vite que lui », avait-il confié à son<br />
compatriote, l’abbé Nicod (LSDA I, p. 244 ; cf. p. 189). Dans la présente lettre,<br />
il loue au contraire la modération de Mgr de Bruillard, lui suggérant même de<br />
ne pas engager son autorité dans un jugement solennel. Mais l’exemple qu’il cite<br />
n’est vrai qu’à moitié.<br />
Monseigneur,<br />
Gap, le 20 Août 1848<br />
L’autorisation que vous venez de donner à la publication du<br />
petit ouvrage dont vous me faites l’honneur de m ’adresser un<br />
exemplaire, et la conviction profonde de votre Grandeur sur la<br />
vérité du fait de la Salette, sont sans aucun doute bien capables<br />
de fixer mes incertitudes et d ’augmenter ma foi sur cet événement<br />
extraordinaire.<br />
Je pense comme vous, Monseigneur, qu’il faut laisser au<br />
temps d’affermir cette dévotion naissante. Le Ciel ne manquera<br />
pas de se déclarer et d’appuyer les faits merveilleux relatés dans<br />
l’ouvrage de Monsieur Rousselot par d ’autres faits plus merveilleux<br />
encore.<br />
Je me trouvais à Rome lors de l’enquête faite sur l’apparition<br />
de la Sainte Vierge à Mr de [sic] Ratisbonne. [verso] La Cour<br />
Romaine refusa de se prononcer (1). « Mr de Ratisbonne est<br />
homme, me disait à cette occasion le Cardinal Castracane (2), il<br />
peut démentir plus tard ce qu’il affirme aujourd’hui, et compromettre<br />
ainsi le haut jugement de l’Eglise et le couvrir de confusion. 1<br />
(1) S’il est vrai que cette apparition ne fut pas l’objet d ’un jugement solennel, son<br />
résultat, à savoir la conversion de Ratisbonne, le fut bel et bien de la part de l’autorité<br />
romaine compétente, à savoir le cardinal Patrizzi, vicaire de Pie IX pour la ville de Rome<br />
(cf. doc. 395, notes 6 et 7).<br />
(2) Préfet de la S. Congrégation des Indulgences et cardinal-évêque de Palestrina.<br />
299
Doc. 450<br />
<strong>Documents</strong><br />
Dieu merci, la religion n ’a plus besoin de miracles maintenant, et<br />
nous pouvons attendre sans qu’il y ait péril dans le retard. »<br />
J ’ai l’honneur...<br />
flRÉNÉE, Év. de Gap<br />
Vendredi 8 septembre 1848<br />
ÉVÉNEMENTS. « C’est le 8 septembre 1848, fête de la Nativité de la Stc Vierge,<br />
que pour la première fois, des hommages solennels ont été offerts à N.D.<br />
Réconciliatrice de la Salette par les populations en corps et formant des processions<br />
embellies de tous les ornemens du culte religieux. MM. les curés du voisinage de<br />
la Salette avaient sollicité auprès de Monseigneur la permission de se rendre à la<br />
tête de leurs paroissiens en processions au mont béni. Sa Grandeur, toujours<br />
attentive à seconder le pieux élan de ses ouailles à honorer Marie, leur a permis<br />
très volontiers cette démonstration publique et éminemment pieuse » (P errin,<br />
n° 666). — Par un temps magnifique, on voit six processions gravir les pentes de<br />
la montagne : les paroisses de la Salette, de Corps, du Monestier d’Ambel, de<br />
Saint-Jean-des-Vertus, de la Salle et des Méarotz. Les rayons du soleil se reflètent<br />
sur les bannières rouges, sur les croix embellies de guirlandes, sur les aubes des<br />
pénitents, les voiles des confréries. Deux autres processions, venues de Saint-<br />
Michel et de Valjouffrey, arrivent après avoir franchi les montagnes qui limitent<br />
le cirque au nord et à l’ouest. Les fidèles, estimés à deux mille, entrent dans la<br />
petite chapelle paroisse après paroisse, pour assister à la messe de leurs pasteurs<br />
respectifs. Les vêpres sont chantées en plein air, les hommes formant un chœur<br />
sur la rive droite du ruisseau et les femmes sur la rive gauche. Après une<br />
allocution prononcée par un prêtre étranger, a lieu dans la chapelle la bénédiction<br />
du Saint-Sacrement (*).<br />
465. LETTRE DE MGR GUIBERT, évêque de Viviers, à Mgr de<br />
Bruillard<br />
Original (1 f. 19 cm x 24,5) : EG 93. — Extrait dans Nouveaux documents,<br />
p. 99.<br />
Note. Ayant reçu un exemplaire de la Vérité comme beaucoup d’autres de<br />
ses collègues dans l’épiscopat, l’évêque de Viviers ne se borne pas à envoyer des<br />
félicitations. Sa lettre énonce en peu de mots le fondement de tout jugement<br />
positif dans le domaine des apparitions et des charismes en général : à savoir,<br />
l’argument des probabilités convergentes. D ’autre part Mgr Guibert, qui possédait<br />
une certaine expérience des lieux de pèlerinage — il avait autrefois dirigé la<br />
communauté chargée de desservir N.D. du Laus au diocèse de Gap — suggère<br />
une mesure d’ordre pastoral que l’évêque de Grenoble réalisera effectivement<br />
quatre ans plus tard, en fondant les Missionnaires de N.D. de la Salette.<br />
Rappelons que Mgr Guibert, devenu cardinal-archevêque de Paris, couronna la<br />
statue de N.D. de la Salette en 1879 au nom du Saint-Siège.<br />
(*) Nous avons résumé le compte rendu de la fête qu’on lit dans une lettre adressée à<br />
Mgr de Bruillard et datée du 25 septembre suivant (doc. 472). Ecrite de la main de l’abbé<br />
J.-M. Perrin, elle est signée par son frère, le curé de la Salette.<br />
300
Monseigneur,<br />
8 septembre 1848 Doc. 465<br />
Viviers, le 8 septembre 1848<br />
Je suis très reconnaissant de la bonté que vous avez eue de<br />
m ’envoyer un exemplaire de la brochure sur Notre Dame de la<br />
Salette. On a tant parlé dans ces derniers temps de l’apparition<br />
de la S“ Vierge dans ce lieu béni, que j’étois très désireux d ’en<br />
lire le récit authentique et consciencieux.<br />
Votre Grandeur me fait l’honneur de me demander mon<br />
sentiment sur ce fait merveilleux. J ’avoue, Monseigneur, que si le<br />
témoignage des jeunes bergers étoit isolé et réduit à sa seule<br />
valeur, il ne me paroîtroit pas suffisant pour produire une entière<br />
conviction. Mais quand on le voit corroboré par la conversion des<br />
habitants de la contrée et surtout par les nombreux miracles opérés<br />
par l’invocation de Notre Dame de la Salette, le doute ne seroit<br />
pas raisonnable. Les guérisons miraculeuses sont attestées de façon<br />
à satisfaire les esprits les plus difficiles. Or comment Dieu pourroitil<br />
favoriser l’erreur ou l’illusion par des faits qui dérogent si<br />
manifestement aux lois ordinaires de la nature ?<br />
Aussi, Monseigneur, je pense que Votre Grandeur fera [verso]<br />
une chose agréable à Dieu et utile à la propagation du culte de la<br />
Sainte Vierge, en autorisant l’établissement, sur la montagne<br />
sainte, d ’une église dont le service seroit confié à quelque pieuse<br />
communauté qui entretiendroit en ce lieu la dévotion envers Marie<br />
en même temps qu’elle préviendroit les abus qui se glissent<br />
quelquefois dans les pèlerinages.<br />
Daignez agréer...<br />
t J. HlPPOLYTE, év êq u e d e Viviers<br />
ÉVÉNEMENTS d u 10 au 19 se p te m b r e 1848<br />
Pèlerinage de l'abbe Lemeunier, aumônier de l’hospice civil de Sées, Orne.<br />
Parti de Corps le dimanche 10 au matin, il gravit la montagne, accompagné de<br />
plusieurs jeunes gens de Corps, qui lui parlent du changement opéré dans les<br />
habitudes religieuses du pays depuis l’apparition. L’abbé Lemeunier assiste à la<br />
messe célébrée dans la chapelle du pèlerinage par le curé de la Salette, à laquelle<br />
tous les fidèles présents communient ; puis, sur l’invitation du curé, il adresse à<br />
l’assemblée quelques mots d’édification (1).<br />
Travaux à la source de l'apparition, nécessités par les dégradations causées<br />
par les pèlerins et aussi par les bêtes. Ces travaux eurent lieu au cours de la<br />
semaine précédant la fête-anniversaire du 19 septembre (2).<br />
A Morlaix, Finistère, le 18 septembre, dans la propriété du couvent de N.D.<br />
de la Victoire, bénédiction de la première chapelle élevée en l’honneur de N.D. 1<br />
(1) Doc. 491 ; dans la 3. éd. (1849), p. 27-35. Comme récit de l’apparition, Lemeunier<br />
donne celui de VlLLECOURT.<br />
(2) Voir plus loin, doc. 483, 484 ; cf. également PERRIN, n" 601.<br />
301
Doc. 469<br />
<strong>Documents</strong><br />
de la Salette. Ce dernier titre n’ayant pas encore été approuvé officiellement par<br />
l’autorité ecclésiastique, elle fut érigée, « pour le moment sous le vocable de<br />
N.D. Réparatrice, en attendant celui de N.D. de la Salette. Mais », précise la<br />
religieuse qui donne cette information, « ce n’est que sous ce dernier et précieux<br />
nom qu’elle est connue » (3). « C’est convaincus de la nécessité de propager<br />
l’esprit d’expiation que nous avons voulu aussi, à cet autre bout de notre pauvre<br />
France, élever un petit sanctuaire à Marie Réparatrice », écrit l’abbé de Kermenguy,<br />
aumônier de la maison. « Notre pensée a été comprise, et comment ne l’auraitelle<br />
pas été, lorsque les événemens qui se succèdent depuis dix-huit mois,<br />
découvrent tous les jours à l’œil le moins clairvoyant, et le bras vengeur de Dieu<br />
qui se lève et la miséricorde qui l’arrête, sans nul doute aux instances de Marie ?<br />
— Notre oratoire a maintenant pris le nom de la Salette, c’était tout naturel. La<br />
sainte Vierge dans son apparition n’avait pas une autre pensée que la nôtre.<br />
D ’ailleurs la Mère Sophie qui a eu la première l’idée de la chapelle, avait surtout<br />
en vue de répandre la connaissance de l’apparition, et s’est empressée de lui<br />
appliquer ce vocable. Je vous l’avoue ici, quoique j’y contribuasse indirectement,<br />
vu que l’Eglise n’a pas encore parlé, j’ai paru quelquefois faire une demi<br />
opposition. De plus, persuadé que ce nom lui resterait, je tenais à faire ressortir<br />
la pensée d’expiation qu’il comporte lui-même (4).<br />
Anniversaire de l'apparition. La veille, au village de la Salette, l’abbé<br />
Auvergne, pro-secrétaire à l’évêché, authentifie la pierre de l’apparition en y<br />
apposant le sceau de Mgr de Bruillard (5).<br />
Environ trois cents pèlerins, dont une douzaine de prêtres, passent la nuit<br />
du lundi 18 au mardi 19 septembre sur la montagne. Le soir l’abbé Sibillat,<br />
vicaire à la Tronche, prononce une allocution sur la prière. Vers deux heures et<br />
demi du matin, les exercices commencent par la prière ; puis le curé de la Salette<br />
expose brièvement l’historique de l’apparition et cite quelques guérisons, après<br />
quoi commence la célébration des messes, qui se poursuivra jusqu’après onze<br />
heures. Dans la matinée arrivent deux processions : les paroisses des Angelas et<br />
de Cordéac. Nombre de pèlerins venus de cette dernière paroisse ont fait les sept<br />
heures de chemin à jeun et communient à la messe célébrée par leur curé. Vers<br />
midi et demi, une foule, estimée par les abbés Perrin à cinq mille personnes, se<br />
masse des deux côtés de la source pour écouter le sermon de l’abbé Gerin. Le<br />
curé de la cathédrale de Grenoble parle environ une heure sur la puissance et la<br />
bonté de Marie. Il fait ensuite prier pour le pape, l’évêque de Grenoble, les<br />
malades, les personnes qui se sont recommandées à Notre Dame de la Salette et<br />
(3) Lettre de Sœur Sainte-Sophie, assistante au couvent de N.D. de la Victoire à<br />
Morlaix, au curé de la Salette, 27 septembre 1848 (dans PERRIN, n° 703).<br />
(4) Lettre du 28 octobre 1849 au curé de la Salette (dans PERRIN, n ' 706). Sur cette<br />
chapelle, cf. doc. 414, note 1. En évoquant les idées de réparation et d ’expiation, l’abbé<br />
de Kermenguy propose une interprétation de la Salette qui rencontrera un grand succès et<br />
qui sera chère, en particulier, au Père S.-M. Giraud, deuxième supérieur général des<br />
Missionnaires de N.D. de la Salette (cf. sa Pratique de la dévotion à N.D. de la Salette<br />
[Bibl. C-16, 26] et l’article « Giraud » du Dictionnaire de spiritualité, vol. VI, Paris,<br />
Beauchesne, 1967, col. 402-407).<br />
(5) Doc. 467 ; cf. Annales, juillet 1912, p. 59, note 1. — En 1862, la pierre fut<br />
déposée dans un reliquaire offert par Mme Rocher de Perret, d ’Apt, Vaucluse. La donatrice<br />
avait été guérie d ’une maladie cutanée en novembre 1848, après un pèlerinage à la Salette.<br />
Des renseignements venus d ’Apt empêchèrent toutefois Rousselot de parler de cette<br />
guérison. (Dossier Rocher de P., EG 122 ; GlRAY I, p. 42-44, 75, 76 ; Annales, mars 1899,<br />
p. 301-302.)<br />
302
20 septembre 1848 Doc. 469<br />
pour la conversion des pécheurs. Vient enfin la bénédiction du Saint-Sacrement,<br />
que le curé de la Salette, après consultation des ecclésiastiques présents, fait<br />
donner en plein air. — Les pèlerins ont été nettement moins nombreux que lors<br />
du premier anniversaire, mais les abbés Perrin s’estiment dédommagés par la<br />
piété et la ferveur de ceux qui sont venus, bien que les communions n’aient<br />
guère dépassé trois cents : beaucoup de pèlerins ont préféré communier à Corps<br />
ou dans leurs paroisses respectives, pour n’avoir pas à faire l’ascension à jeun (6).<br />
Mercredi 20 septembre 1848<br />
469. LETTRE DE PIE IX au chanoine Rousselot<br />
Original signé de la main du pape (1 f. pliée 32 cm x 44,8) : EG 67. —<br />
Brouillon : ASV, Lettere latine, posizioni e minute, maggio-novembre 1848. —<br />
Lettre publiée avec une traduction française dans les Nouveaux documents, p. 95-<br />
96.<br />
Occasion de la lettre. Rousselot avait fait hommage à Pie IX d’un exemplaire<br />
de la Vérité, accompagné d’une lettre écrite en latin. Il déclarait soumettre le<br />
livre au jugement du Siège apostolique et implorait la bénédiction du Saint-Père<br />
pour les pèlerins qui montaient à la Salette, malgré les difficultés de l’accès et<br />
les intempéries, priant sur la montagne pour la France, l’Eglise et son chef (*).<br />
Rédaction de la lettre. Pie IX chargea de la rédaction Mgr Palma, Secrétaire<br />
pour les lettres latines. Mgr Palma devait perdre la vie au début de la Révolution<br />
romaine, frappé d’une balle le 16 novembre 1848, lors d’une fusillade entre les<br />
Gardes suisses du Quirinal et des insurgés.<br />
Ci-dessous nous reproduisons la traduction pâme dans les Nouveaux documents<br />
ainsi que le texte original du passage consacré plus spécialement à la<br />
Salette.<br />
Cher fils, salut et bénédiction apostolique.<br />
Nous avons lu avec plaisir votre lettre écrite de Grenoble en<br />
date du 18 août 1848, et remplie de vos sentiments de respect, de<br />
vénération pour Nous. Avec votre lettre Nous avons reçu le petit<br />
livre qui y était joint, et que vous avez fait imprimer sous ce<br />
titre : La vérité sur l ’événement de la Salette, etc. Dès que les<br />
affaires graves et importantes que Nous avons à traiter chaque<br />
jour, Nous le permettront, Nous ne négligerons pas d ’en prendre<br />
lecture. En attendant, Nous vous remercions de votre envoi, et<br />
nous vous félicitons beaucoup d’avoir travaillé avec tant de zèle<br />
en le composant à étendre la gloire de la bienheureuse Vierge<br />
Marie.<br />
(6) Nous avons résumé le compte rendu de la fête, par les frères Perrin (doc. 472). Le<br />
chiffre de 15 000 pèlerins « à l’époque de l’anniversaire », donné par Gerin (doc. 476),<br />
paraît exagéré.<br />
(*) Doc. 449 : lettre de Rousselot à Pie IX. Original : ASV, Lettere latine, posizioni e<br />
minute, maggio-novembre 1848. Rousselot a écrit « 19 Août » (en français) au début de la<br />
lettre et « 18 Augusti » à la fin.<br />
303
Doc. 469<br />
<strong>Documents</strong><br />
Fuerunt autem Nobis jucundissima,<br />
quae narras de frequentissimo populi,<br />
undique ad b[eatissi]mam Virginem<br />
venerandam istùc advenientis concursu<br />
; et gratum in primis animo<br />
Nostro fuit a te accipere, populum<br />
ipsum pro humilitatis Nostrae persona<br />
potentissimum Deiparae patrocinium,<br />
atque auxilium istic implorare. Optamus<br />
vero plurimum, populum, de<br />
quo loqueris, certiorem fîeri, Nos<br />
Apostolicâ bene-[p. 2]dictione ilium<br />
cumulare.<br />
Il Nous a été surtout singulière -<br />
[p. 96]ment agréable d’apprendre ce<br />
que vous racontez de ce concours<br />
nombreux de pèlerins qui accourent<br />
de toutes parts en cet endroit pour y<br />
honorer la bienheureuse Vierge Marie,<br />
et en particulier de savoir que ce<br />
peuple arrivé sur ce lieu, y implore<br />
pour notre humble Personne, la toute-puissante<br />
protection et le secours<br />
de la Mère de Dieu. Aussi, avonsnous<br />
le plus grand désir que ce peuple<br />
dont vous parlez, soit averti que<br />
Nous le couvrons de notre bénédiction<br />
apostolique.<br />
Enfin, Nous vous accordons à vous-même, avec la plus vive<br />
affection, le bienfait de cette même bénédiction apostolique.<br />
Donné à Rome, à Sainte-Marie-Majeure, le 20 septembre<br />
1848, la troisième année de notre pontificat.<br />
PIE, Pape IX du nom.<br />
Portée de la lettre. Comme on l’a vu, la réponse venue de Rome précise<br />
que le Saint-Père n’a pas encore pris connaissance du livre : formule diplomatique<br />
signifiant qu’il n’a porté aucun jugement — ni positif ni négatif — sut les<br />
positions défendues pat l’auteur. C’est donc forcer la portée de la lettre, que d’y<br />
voir une adhésion au Rapport de Rousselot, ou une prise de position en faveur<br />
de l’authenticité de l’apparition. Pie IX, toutefois, ne s’en tient pas à une<br />
attitude purement « neutre » : en effet, il se déclare explicitement en faveur des<br />
pèlerinages qui se font à la Salette en l’honneur de Marie.<br />
Mardi 10 octobre 1848<br />
478. PLAN DU LIEU DE L ’APPARITION ET VÉRITABLES<br />
PORTRAITS<br />
« Lith. grav. sur pierre. R. Philisdor, pl. Grenette, 10, Grenoble » (1 f. recto<br />
27,3 cm x 15 [dimensions du cadre imprimé]) : BMG Pd 6(26). — Ajouté<br />
comme frontispice au 2lme tirage de la Vérité.<br />
Date. Le 10 octobre est le jour de la déclaration au dépôt légal.<br />
Origine du plan. Dès le mois d’août l’abbé Auvergne avait envoyé aux curés<br />
de la Salette et de Corps des relevés du plan cadastral, les priant d’y indiquer<br />
l’emplacement des deux sources, du chemin parcouru par la Dame, etc. (doc. 455 ;<br />
voir ci-contre le doc. 452). Un plan manuscrit conservé à l’évêché de Grenoble<br />
est peut-être le résultat de ces consultations. Il est également possible que ce<br />
plan manuscrit soit le fruit d’une enquête de l’abbé Auvergne, monté à la Salette<br />
304
A la partie de l'Extrait reproduite ci-dessus, nous avons ajouté : (a) l'entrée de la basilique, d'apres le cadastre<br />
de 1970, (b) le chemin de ronde du Plane au et (c) la parcelle n. 176 de l'ancien cadastre (hachures), propriété<br />
de Pierre Selme qui, le jour même de l'apparition, était m onté travailler au Planeau (cf supra,<br />
A m >-<br />
Au bas de l'Extrait on lit : « Certifié conforme par le Directeur des contributions directes et du Cadastre de<br />
l'Isère Grenoble, le 21 août 1848» (suit la signature). Ont é té portés sur la feuille peu après cette date :<br />
— le pointillé allant de la combe de la petite Baisse à l'emplacement de la basilique et censé figurer le chemin<br />
parcouru par la Dame (il aurait dû s'arrêter nettem ent en deçà de la basilique : comparer avec le plan<br />
P- 311) J .<br />
— les limites de la « Parcelle à acquérir» (par l'évêché), parcelle constituée de communaux (trait continu) et<br />
de terrains privés (pointilléau sud).
Doc. 478<br />
<strong>Documents</strong><br />
pour l’anniversaire de l’apparition (1). Le plan lithographié paraît inspiré du<br />
manuscrit. Le chemin parcouru par la Dame suit toutefois un tracé différent :<br />
une ligne ondulée dans le manuscrit, un z renversé dans la lithographie (comparer<br />
les deux plans infra, p. 310 et 311).<br />
Portraits de Maximin et Mélanie (voir supra, p. 276). La lithographie<br />
reproduit des daguerréotypes. Le résultat fut critiqué par certains, mais à tort,<br />
selon les abbés Perrin : « Pour nous », écrivent-ils à Rousselot à propos de la<br />
gravure, « nous la trouvons très-fidèle et nos correspondants l ’ont jugée ainsi. Sa<br />
défectuosité ne doit être attribuée qu 'au daguerrotype qui toujours donne un air<br />
sévère et sinistre à ses personnages » (2) . — « J ’ai immédiatement reconnu mes<br />
deux bien-aimés », écrit de son côté Marie Des Brûlais à l’abbé Mélin, qui lui<br />
avait envoyé les portraits (3) ; « mais ce ne sont plus des enfants : Maximin est<br />
devenu grand et fort ; ce sont bien ses traits, mais ce n 'est pas son aimable et<br />
candide expression. Quant à Mélanie, c’est maintenant une femme, et non plus<br />
cette frêle jeune fille, qui paraissait avoir à peine 12 ans » (doc. 512).<br />
Des observations de l’institutrice nantaise il résulte que le daguerréotype fut<br />
tiré plusieurs mois — peut-être une année — après son séjour à Corps, donc en<br />
1848. Certaines reproductions plus récentes du daguerréotype portent au verso<br />
l’indication « Maximin & Mélanie photographiés sur la Montagne de la Salette le<br />
19 Septembre 1847 par A. Poton. Seul éditeur. Grenoble ». L’indication est<br />
inexacte, au moins en ce qui concerne la date : comme le rapporte l’abbé Arbaud,<br />
un photographe monté ce jour avait vu son matériel gâté par le mauvais temps (4).<br />
Dimanche 29 octobre 1848<br />
483. LETTRE DE L’ABBÉ LOUIS PERRIN, curé de la Salette, au<br />
chanoine Rousselot<br />
Original de la main du curé (1 f. pliée 22 cm x 34) : EG 112. — Lettre<br />
publiée dans les Annales, mai 1913, p. 366-367, à l’exception de la fin, qui<br />
concerne des guérisons.<br />
Note. La lettre a pour principal objet des projets d’embellissement et de<br />
réparation, proposés par Rousselot. Ci-dessous on trouvera un passage sur l’état<br />
dans lequel se trouvait la source avant les travaux de la mi-septembre.<br />
[...] Votre projet, Monsieur le Grand Vicaire, d ’environner la<br />
fontaine précieuse d ’une forte grille est aussi très-heureux. Plût à<br />
Dieu qu’on l’eût réalisé dès le commencement, nous n ’aurions<br />
pas aujourd’hui la juste crainte de voir peut-être bientôt cette<br />
source [p. 2] bénie se confondre entièrement avec le torrent et<br />
s’anéantir. Car c’est un fait certain qu’aujourd’hui elle a sa<br />
principale source tout à fait sous le courant du Séziat [sic] et 1<br />
(1) Doc. 468 (1 f. recto 24,5 cm x 39) : EG 99. — La légende est de la main<br />
d ’Auvergne. Le dessin est probablement de la même main.<br />
(2) Doc. 500. — Le curé de la Salette regrettait cependant « que la S" Vierge, au<br />
moins d ’une manière quelconque, n ’ait pas été représentée au regard des heureux bergers »<br />
(doc. 488).<br />
(3) Il s’agit peut-être d’un tirage spécial et non des lithographies donnant à la fois le<br />
plan et les bergers.<br />
(4) ARBAUD, p. 85, reproduit supra, p. 264.<br />
306
29 octobre 1848 Doc. 484<br />
quelle n ’en est séparée que par une lame de rocher qui n’a pas<br />
dix centimètres d’épaisseur. Oui, Monsieur, un piquet de soldats<br />
eût été nécessaire et le jour et la nuit pour conserver la fontaine,<br />
les rochers et les saints lieux dans leur aspect primitif, selon vos<br />
légitimes et nobles désirs. Malheureusement vous n ’avez pas pu<br />
vérifier par vous-même l’état de dégradation où étoit réduite notre<br />
vénérée fontaine par les pèlerins avant le 19 de cette année. Par<br />
un zèle déplacé et pour avoir des échantillons respectables on avoit<br />
découvert et remonté la source primitive au moins de trois mètres,<br />
enfin jusqu’au milieu du torrent, et elle n’étoit conduite depuis<br />
long-temps au point fluant primitif que par un mauvais canal<br />
toujours percé qui en troubloit l’eau [...].<br />
* 484. LETTRE DE L’ABBÉ PERRIN, curé de la Salette, à Mgr<br />
de Bruillard<br />
Original (1 f. recto-verso 26 cm x 21) : Eg 112. — Texte presque intégral<br />
dans les Annales, mai 1913, p. 367-369- — Date et signature manquent : le<br />
curé de la Salette a sans doute oublié de les ajouter au bas du texte, qui a été<br />
écrit par son frère, l’abbé Jacques-Michel, à moins qu’elles n’aient figuré sur une<br />
deuxième feuille, aujourd’hui égarée.<br />
Date. D ’après le contenu, la lettre est de 1848, mais postérieure au 19<br />
septembre. Elle pourrait être contemporaine du doc. 483.<br />
Objet. On a accusé les frères Perrin d’avoir fait sceller la source de<br />
l’apparition, de telle manière que personne ne puisse prendre de l’eau sans leur<br />
assentiment. La lettre rejette l’accusation en exposant le motif et la nature des<br />
travaux.<br />
[...] depuis fort longtemr, et surtout depuis deux ans, cette<br />
fontaine a été presque la seule de ces parages, il s’ensuivait donc<br />
que les troupeaux de vaches et de brebis venaient s’y abreuver de<br />
toutes parts (1). Cette nécessité de breuvage pour les troupeaux<br />
entraînait de graves inconvéniens pour la fontaine. Presque à<br />
chaque heure du jour, les pèlerins, venus souvent de fort<br />
loin, étaient affligés de trouver cette eau précieuse souillée<br />
d ’immondices ; cette vue était repoussante ; et il fallait profiter<br />
du matin pour pouvoir la puiser propre. L’année dernière nous<br />
avions pratiqué un canal de deux mètres de longueur environ, en<br />
donnant à l’eau une petite chute, mais plusieurs fois ce canal a<br />
été affaissé par les troupeaux et par la masse des pèlerins. Le 8<br />
septembre encore, on l’a brisé entièrement, afin que plusieurs<br />
personnes fussent à même de puiser à la fois, et tous ne retiraient 1<br />
(1) Lagier et Auvergne signalent à quelques mètres en aval de la source de l’apparition<br />
une «fontaine endessous > (Lagier: EGD 36 [cf. supra, p. 231, note]) ou «fontaine<br />
inférieure dite des bestiaux » (Auvergne : doc. 468) : il s’agit sans doute de petits barrages<br />
servant d ’abreuvoirs.<br />
307
Doc. 484<br />
<strong>Documents</strong><br />
que de l’eau trouble, presque de la boue. Indigènes et étrangers,<br />
tous n’avaient donc qu’une voix pour demander une réparation<br />
forte et durable à cette fontaine. Nous nous en sommes occupés<br />
activement [verso] huit jours avant le 19. Après avoir déblayé<br />
l’ancien canal, nous avons reconnu la nécessité de réunir en un<br />
seul endroit les eaux qui suintaient du rocher en plusieurs endroits,<br />
dans une circonférence de trois mètres. Le seul moyen de les<br />
recueillir était la construction d ’une citerne. Aussi l’avons-nous<br />
construite sur le canal même et remparée d ’une très forte<br />
maçonnerie, capable de résister à l’impétuosité des flots du torrent.<br />
La citerne, haute d’un mètre sur deux de long, est fermée pardevant.<br />
Immédiatement au dessous de la porte, l’eau de la source<br />
privilégiée flue par un conducteur en fer, fixé solidement dans<br />
l’intérieur de la citerne.<br />
[...]<br />
Cette réparation à la fontaine offre donc aujourd’hui plusieurs<br />
avantages très importans. Le premier, est d’avoir ramassé dans la<br />
citerne, autant que possible, les eaux de la source qui filtrent en<br />
différens points du rocher et de les avoir fait converger vers le<br />
tube extérieur. Le second, est d ’avoir actuellement une eau toujours<br />
limpide et très propre sans qu’on puisse en aucune manière la<br />
troubler. Le troisième, est d’avoir ménagé un endroit à part où les<br />
troupeaux ont la faculté de s’abreuver et les malades gangreneux<br />
celle de se laver, sans que rien de repoussant et d ’inconvenant<br />
puisse fatiguer. Un quatrième avantage bien marqué encore, c’est<br />
d ’avoir pu rétablir la fontaine dans son état primitif et de la voir<br />
maintenant fluer à l’endroit précis où la Dame reposait les pieds,<br />
lors de son apparition, tandis qu’à notre insu on l’avait éloignée<br />
d ’un mètre environ.<br />
Dans ce travail, plus solide qu’élégant sans doute, nous<br />
\ avons / eu une autre pensée, Monseigneur, que nous aimons à<br />
soumettre à Votre Grandeur, celle de jeter les premiers fondemens<br />
d ’un petit oratoire qu’on pourrait élever plus tard sur cette fontaine<br />
miraculeuse, de manière à contenir un tableau d ’une certaine<br />
dimension, reproduisant avec fidélité l’attitude de l’auguste Mère<br />
de Dieu, assise, la tête appuyée sur les deux mains, représentant<br />
sa profonde tristesse et son état de souffrance, tel que les enfans<br />
disent l’avoir vue avant qu’elle leur parlât.<br />
[...] Nous avons cru prudent de fermer la citerne à clé, afin<br />
que l’eau fût toujours bien propre ; mais elle n ’est nécessaire à<br />
personne pour avoir de l’eau et nous la donnons très volontiers à<br />
tous ceux qui veulent faire l’inspection de la fontaine.<br />
Nous avouons, Monseigneur, que les fausses inculpations nous<br />
sont bien pénibles dans notre position délicate [...].<br />
308
10 novembre 1848 Doc. 486<br />
Vendredi 10 novembre 1848<br />
486. OFFICE DIVIN DE NOTRE-DAME DE LA SALETTE, À<br />
L ’USAGE ET À LA DÉVOTION DES PRÊTRES ET DES FIDÈLES,<br />
PAR M. BOUVIER, CHANOINE ET DOYEN DU CHAPITRE DE<br />
L ’ÉGLISE CATHÉDRALE DE GRENOBLE<br />
Grenoble, chez le sacristain de la cathédrale, Baratier frères et fils, A. Carus,<br />
1848. 143, [l]p. ill. (mus.) 14 cm x 9.<br />
Date. Le 10 novembre est le jour de la déclaration au dépôt légal.<br />
Contenu. Le livre contient un office complet, de matines à complies, texte<br />
latin avec une traduction française. Un récit de l’apparition, qui veut donner les<br />
paroles de la Dame seulement « à peu près », forme les lectures du deuxième<br />
nocturne :<br />
[...(p. 32)] La colère de Dieu est sur la terre, à cause des<br />
péchés des hommes ; parce que le nom de Dieu est trèsfréquemment<br />
blasphémé parmi vous. Le bras de mon Fils est<br />
étendu pour punir les pécheurs. Depuis longtemps je le repousse,<br />
mais il s’appesantit tous les jours davantage, et je ne puis presque<br />
plus le soutenir. La terre est maudite, à cause de vos péchés [...].<br />
Suites. Publié sans l’autorisation de l’autorité ecclésiastique, cet office<br />
liturgique valut bientôt à son auteur et à l’imprimeur les blâmes de Mgr de<br />
Bruillard qui, en outre, reprocha au chanoine Bouvier de s’être arrogé le titre de<br />
doyen du chapitre, auquel il n’avait pas droit (doc. 493, 494). En 1850, le livre<br />
fut blâmé publiquement par les évêques de Langres et de Gap, NN.SS. Parisis et<br />
Depéry (1), alertés par Cartellier (2). En 1854, après le décès de l’auteur, on<br />
dénonça l’oeuvre au Saint-Siège (3). Dans son Mandement du 4 novembre 1854,<br />
Mgr Ginoulhiac, nouvel évêque de Grenoble, défendit la mémoire du défunt :<br />
« Il eût été facile d'apprendre de nous, si l'on eût voulu s'en informer, que<br />
l ’auteur de ce livre, prêtre d’ailleurs respectable, et dont on aurait eu peut-être<br />
des raisons personnelles de parler avec plus de respect, nous ayant demandé notre<br />
approbation, nous lui avions répondu que, dans la discipline actuelle de l ’Eglise,<br />
ce n'est pas aux Evêques, mais au Saint-Siège, qu’il appartient d’autoriser de<br />
nouveaux offices, surtout quand ils ont pour objet de nouvelles fêtes (4) ! »<br />
ÉVÉNEMENTS de novembre 1848 à janvier 1849<br />
A la Salette. « Après le 2' anniversaire, nous avons pu, en 1848, continuer à<br />
offrir le saint [sacrifice de la messe] sur la montagne jusqu’au 15 novembre, et, 1<br />
(1) Lettre de Mgr Parisis au doyen de Fruges (diocèse d ’Arras), 3 décembre 1852, dans<br />
GlRAY I, p. 117-119- — Mgr Depéry, Circulaire du 18 octobre 1850 (cf. Bibl. A-12).<br />
(2) Cf. la lettre de Mgr Parisis à Cartellier, 13 juin 1850, BMG R.8667 (28 [copie<br />
citée dans BASSETTE, p. 181]).<br />
(3) Cf. la lettre de Mgr Fioramonti, Secrétaire aux Lettres Latines, à Mgr Ginoulhiac,<br />
10 juin 1854, EG 105.<br />
(4) GINOULHIAC, p. 39-40. L’évêque vise le Mémoire au pape, p. 55 et 56 de l’opuscule<br />
imprimé. Dans le Mémoire manuscrit envoyé à Rome par les opposants, ces passages<br />
manquent (ASV, Lettere latine, posizioni e minute, 1854 [119]).<br />
309
. ï u i J / a + M ^ d M . ' r k u j a «<br />
V i r ^ ^ « t 'T J eut s V u , ^ i V v u ^ i b l ^<br />
X ^ (j^<br />
f. X V « - K - ^ W - £(U*~ VavL , ai>C-, .v ^ - ^<br />
1. ruisseau du Sézia, formépar les neiges.<br />
2. fontaine des hommes ou du goûter des<br />
enfans, à midi.<br />
5. ils vont poser leurs sacs vers les pierres<br />
d'une fontaine tarie.<br />
4. ils s'endorment un peu plus bas que<br />
leurs sacs.<br />
5. ils vont chercher leurs vaches et les<br />
voient en se retournant. * * * %<br />
6. en redescendant ils voient la clarté A<br />
devant eux.<br />
7. ils franchissent le ruisseau et se présentent<br />
devant la S“ Vierge qui les a appelés<br />
et qui s'est<br />
8. ils suivent la S“ Vierge qui disparaît<br />
devant eux.<br />
9. fontaine inférieure, dite des bestiaux.<br />
10. chemin ardu et tortueux de la Salette.<br />
11. pâturages dits Sous les Baisses.<br />
: ï • chemin parcouru par les enfans.<br />
+ •+- r chemin parcouru par la S,e Vierge.<br />
On a planté quatorze croix depuis le lieu<br />
de la conversation jusqu 'à celui de la disparition<br />
Dessin de la montagne de la Salette [...]<br />
Schéma de l'apparition et légende par Auvergne (extrait du doc. 468)<br />
« Dessin de la montagne de la Salette telle qu 'on la voit en se plaçant sur le planeau de cette<br />
montagne au sud [...]. »
Plan et légende figurant dam le 2e tirage du livre de Rousselot (doc. 478)
PLAN DU LIEU DE<br />
L’APPARITION<br />
1 Fontaine du goûter<br />
2 Lieu du sommeil<br />
5 Endroit d'où les enfants ont cherche'<br />
leurs Vaches<br />
4 Lieu où étaient les Vaches<br />
5 Point d'où ils ont vu la clarté<br />
6 Fontaine merveilleuse où la S“ Vierge<br />
était assise<br />
7 Croix de la conversation<br />
8 Chemin planté de Croix parcouru par<br />
la S“ V.<br />
9 Croix de l'Assomption<br />
10 Chapelle provisoire<br />
11 Cabanes construites apres iApparition<br />
Chemin parcouru par la S‘e Vierge.<br />
40 mitres.
Doc. 497<br />
<strong>Documents</strong><br />
jusqu’à Noël, des voyageurs étrangers ont fait le pieux pèlerinage, sans avoir à<br />
supporter les rigueurs d’un froid intense. L’hiver de 1849, tout à fait exceptionnel<br />
dans nos montagnes alpines, n’a donné que peu de neige, en comparaison des<br />
années ordinaires. Aussi avons-nous vu, dans chaque mois, quelques pèlerins<br />
intrépides parvenir au sommet désiré » (Perrin, n° 712).<br />
Révolution romaine. Le 15 novembre, le comte Pelegrino Rossi, ministre de<br />
Pie IX, est assassiné. Des agitateurs provoquent des troubles dans la ville. Le 24<br />
novembre, Pie IX s’enfuit de Rome et va se réfugier à Gaète.<br />
Louis-Napoléon est élu président de la République les 10 et 11 décembre,<br />
recueillant 74,2 pour cent des suffrages exprimés : « résultat à'une très habile<br />
propagande bonapartiste », qui a su exploiter « la légende napoléonienne,<br />
particulièrement vivace dans nos campagnes » (*). Dans l’Isère, un des principaux<br />
artisans de ce triomphe avait été le journal l'Union dauphinoise, dirigé par l’abbé<br />
Claude-Joseph Déléon (**), qui, trois ans plus tard, deviendra un opposant<br />
acharné de la Salette.<br />
Mercredi 24 janvier 1849<br />
497. LETTRE DE COLOMB DE GAST, à Saint-Sauveur, Loire (1),<br />
à l’abbé Mélin<br />
Original : EG 67.<br />
Objet : recommandation aux prières des deux bergers ; demande d’eau de<br />
la Salette. La lettre rapporte un ouï-dire :<br />
[...] On nous a dit, que Maximin avait donné à croire que<br />
son secret, était l’annonce d ’une apparition de Notre Seigneur<br />
Jésus-Christ. [...]<br />
Remarque critique. Plusieurs lettres de février-mars 1849 transmettent à<br />
Corps les échos de bruits circulant au sujet des secrets de la Salette ou au sujet<br />
d’autres apparitions (2). Il est permis de considérer tout cela comme un signe de<br />
l’excitation des esprits, provoquée par les récents événements politiques (3).<br />
(*) P. VlGIER, La Seconde République, Paris, PUF, 1967, p. 56, 57.<br />
(**) En 1815, à l'âge de dix-sept ans, il avait escorté l’empereur de Vizille à Grenoble,<br />
lors de son retour de l’île d ’Elbe (récit de Déléon paru dans le Petit Grenoblois, 3-5 mai<br />
1888, cité dans BASSETTE, p. 295).<br />
(1) Il s’agit probablement d’un parent de l’abbé Adrien Colomb de Gast, ami du<br />
curé d ’Ars et fondateur de l’association lyonnaise des Cinq-Plaies, qui fut à l’origine d ’une<br />
Congrégation féminine. (Cf. Mgr R. FOURREY, Le curéd'Ars authentique, Paris, A. Fayard,<br />
1964, p. 285-289, 342-350.)<br />
(2) Doc. 498, 501, 504, 518, 523, auxquels on peut ajouter une lettre de l’automne<br />
précédent (doc. 485), où il est question d ’une nouvelle apparition dont aurait bénéficié<br />
l’un des deux enfants de la Salette.<br />
(3) Un correspondant du Mans, de convictions légitimistes, signale à Mélin les<br />
agissements du pseudo-baron de Richemont, qui se faisait passer pour Louis XVII (cf.<br />
BASSETTE, p. 184) : il « a été rencontré dernièrem[en]t dans le midi de la France par le<br />
bon Père Fulgence qui a gobé la pillule et croit bien que c'est celui que nous attendons !<br />
Il a même dû en faire part au S' Père. Quel intrigant ! La vérité sera bientôt connue au<br />
g[ran]d jour de la manifestation [...] (doc. 507)». — Il s’agit de la manifestation du<br />
monarque légitime.<br />
312
3 février 1849 Doc. 301<br />
Samedi 3 février 1849<br />
501. LETTRE DE MME (ou Mlle) E.(?) BOUJALLIAT (*) à l’abbé<br />
Mélin<br />
Original (1 f. pliée 13,5 cm x 26,5) : EG 70. Écriture difficilement lisible.<br />
O bjet : demande d’eau de la Salette. La lettre rapporte un ouï-dire, à propos<br />
duquel on se reportera à la Remarque critique du doc. 497.<br />
Monsieur le Curé,<br />
[...(p. 2)] je n ’ai pas reçu de réponse à ma dernière. Peutêtre<br />
étais-je indiscrète ? Pardon. La curiosité vous le savez est le<br />
partage des dames. Mais cependant ce sont de très bons prêtres de<br />
notre ville qui m’ont engagé"à le faire et cela me procure l’honneur<br />
de visites. Car on vient souvent demandé" si j’ai reçu réponse ?<br />
Voici encore une autre question. C’est [?] un bon [?] prêtre [p. 3]<br />
de Bourges m ’écrit [?] et me dit que la bonne Religieuse qui avait<br />
reçu en 1830 de la S" Vierge la Médaille Miraculeuse avait fait le<br />
voyage de Paris à la Salette à pied et quelle a reçu (on ne dit pas<br />
pendant ou après) révélation de divers événements que nous avons<br />
eus depuis 1 an et elle dit qu 'au moment où la Chambre ne pouta<br />
plus s'entendre on la dissoudra qu'alors pendant les élections le<br />
gouvem[eme]nt sera renversé et que Paris et plusieurs villes de<br />
France souffriront beaucoup (1) que dans cette crise terrible<br />
plusieurs ministres du Seigneur périront mais que Celui qui doit<br />
tout pacifier ne se fera [?] pas attendre longtems. Que ça sera très<br />
prompt. Connaissez-vous cela ? A-t-elle été sur la Salette (2) ?<br />
Seriez-vous assez bon pour me dire ce que vous en savez s’il est<br />
possible.<br />
[p. 3...]<br />
Votre très humble servante E [?] B.<br />
le 3 février 1849<br />
Je me recommande aux prières de nos chers [ou chères] enfants<br />
[...] *1<br />
(*) Signature de lecture douteuse, qu’on trouve dans une lettre du 22 novembre 1850,<br />
EG 18, de la même main. La présente lettre porte, en guise de signature, des initiales. —<br />
Une lettre signée E. BOUJALLIAT (doc. 515 bis) a été publiée partiellement dans les Annales,<br />
décembre 1904, p. 144-145. Il s’agit probablement de la même correspondante.<br />
(1) Le thème des villes éprouvées apparaît déjà dans l’Addition à la Prédiction faite<br />
aux deux enfants, envoyée à Corps de Sion-Vaudémont et communiquée par Mélin à<br />
l’évêque en mars 1847 (LSDA I, p. 257 et 341).<br />
(2) La sœur de la Médaille miraculeuse (sainte Catherine Labouré) n’est jamais venue<br />
à la Salette. Il est question d ’une mystérieuse religieuse également dans le doc. 523.<br />
313
Doc. 504<br />
<strong>Documents</strong><br />
Jeudi 8 février 1849<br />
504. LETTRE DE MÈRE GRAMAGNAC, Supérieure du couvent<br />
des Dames du Sacré-Cœur à Avignon, à l’abbé Mélin<br />
Original : EG 38.<br />
Note. Angélique, sœur de Maximin, se trouve à Avignon. Le charron Giraud,<br />
gravement malade — il mourra le 23 février — a demandé le retour de sa<br />
fille (*). Mère Gramagnac annonce au curé de Corps que la jeune fille veut<br />
retourner au pays et rapporte par la même occasion un ouï-dire à propos duquel<br />
on se reportera à la Remarque critique du doc. 497.<br />
[...] On m’a assurée que Maximin avait dit q[uel]q[ues] mots assez<br />
significatifs qui donneraient à penser que son secret a rapport aux<br />
événements dont nous sommes témoins. Mr Berlioz frère d’une<br />
des nôtres a dit à sa sœur qu’un jour parlant à Maximin de ce qui<br />
était arrivé à Rome, l’enfknt répondit on en verra bien d’autres. [... ]<br />
Mardi 20 février 1849<br />
509. RAPPORT DU VICAIRE GÉNÉRAL E. CHANVEAU à Mgr<br />
Mellon Jolly, archevêque de Sens, sur les guérisons d ’Antoinette<br />
Bollenat et de Marie-Pierrette Gagnard, survenues à Avallon,<br />
Yonne, le 21 novembre et le 8 décembre 1847<br />
Expédition signée par le vicaire général Chanveau et envoyée à l’évêché de<br />
Grenoble en avril 1849 (**) (un cahier 32 cm x 20, p [l]-[30]) : EG 119. —<br />
Texte presque en entier dans Nouveaux documents, p. 127-163 ; longs extraits<br />
dans G ir a y I , p. 227-248.<br />
Note. Lors des Conférences tenues à Grenoble en novembre-décembre 1847,<br />
la commission épiscopale avait consacré moins de quatre heures à l’examen de<br />
trois guérisons (cf. doc. 360 et 369). La commission chargée par l’archevêque de<br />
Sens d’examiner le même nombre de guérisons a regardé les choses de plus près.<br />
Après avoir écarté une guérison qui paraissait incomplète et pouvait donner prise<br />
à des critiques, elle consacra six séances à l’examen de chacune des deux autres<br />
(Vérité, p. 174 : rapport de la commission).<br />
Le vicaire général Chanveau va plus loin encore : optant délibérément pour<br />
l’attitude tutioriste, il ne présente à l’approbation de l’archevêque que la seule<br />
guérison d’Antoinette Bollenat. Comme son rapport sera effectivement suivi d’un<br />
jugement proclamant le caractère miraculeux de cette dernière guérison, nous<br />
avons cru bon d’en reproduire au moins les parties principales. Les parties omises<br />
seront remplacées par des résumés.<br />
Description du dossier des guérisons et historique. — Le 23 novembre 1847,<br />
M. Gally, curé de Saint-Martin d’Avallon, informe l’archevêque de la guérison<br />
d’Antoinette Bollenat, survenue l’avant-veille. Le 21 janvier 1848, M. Darcy,<br />
archiprêtre de Saint-Lazare d’Avallon, l’informe des guérisons de Pierrette<br />
(*) Lettre du charron Germain Giraud à la Supérieure, 20 février 1849, EG 70 (original,<br />
contenant six lignes adressées par Maximin à sa sœur).<br />
(**) Cf. la lettre de Chanveau à Mgr de Bruillard, 5 avril 1849, citée dans GlRAY I,<br />
p. 248, note.<br />
314
20 février 1849 Doc. 509<br />
Gagnard et de Louise Boblin, survenues à Avallon le 8 décembre 1847. Le<br />
24 janvier 1848, l’archevêque de Sens nomme une commission chargée de<br />
procéder à une enquête juridique. Cette commission se réunit du 7 au 14 février<br />
1848. Le 22 février, son président, l’archiprêtre Darcy, envoie les résultats à<br />
l’archevêque (1), qui en prend connaissance avec les membres de son conseil. Le<br />
7 novembre suivant, l’archevêque charge le vicaire général Chanveau de procéder<br />
à un nouvel examen et de lui soumettre un rapport (p. 3). ]<br />
C’est ce travail que j’ai l’honneur de vous présenter ; je devais<br />
commencer par rappeler l’historique qui a ammené [?] cette<br />
procédure ; je dois [p. 4] maintenant procéder à la discussion des<br />
faits relatifs aux guérisons. [...]<br />
La commission [...] a été unanime à reconnaître l’effet d ’une<br />
protection surnaturelle dans la guérison de Louise Boblin ; mais<br />
cette guérison ne paraissant pas complète, et diverses circonstances<br />
pouvant donner prise aux critiques de l’incrédulité, la commission<br />
a cru ne pas devoir en faire l’objet d ’une enquête ; elle a borné<br />
son travail aux deux guérisons d’Antoinette Bollenat et de Marie-<br />
Pierrette Gagnard.<br />
[G uériso n de marie-pierrette g a g n a r d ]<br />
Après avoir imploré l’assistance de l’Esprit-Saint, source de<br />
toutes lumières, j’ai, d ’après votre ordre et en présence de Dieu,<br />
examiné avec la plus scrupuleuse attention les pièces relatives à la<br />
guérison extraordinaire de Marie-Pierrette Gagnard, les interrogatoires<br />
de la malade, les témoins, le rapport du médecin qui la traite.<br />
Le résultat de ce sérieux examen a été que cette guérison n ’était<br />
pas de nature à pouvoir soutenir une discussion, et en conséquence,<br />
j’ai cru devoir refuser de présenter à Votre Grandeur, comme<br />
miraculeuse, une guérison qui ne présente pas à mes yeux le<br />
caractère du miracle.<br />
Je dois vous rendre compte des raisons sur lesquelles repose<br />
mon jugement ; les voici : [...]<br />
!°.[ - (P 5)]<br />
Ainsi, d ’après la déposition de la malade et d ’après le<br />
témoignage du médecin qui la traite, on peut conclure qu’il y a<br />
chez le sujet, non pas affection ou lésion du nerf optique, ce qui<br />
serait [p. 6] plus grave, mais dérangement du mécanisme de l’œil,<br />
et paupières fermées par un mouvement spasmodique ou convulsif<br />
tel qu’on en rencontre fréquemment chez les femmes, et surtout<br />
chez celles qui sont hystériques ; mouvement qui constituerait la<br />
privation de l’usage de la vue, mais qui n ’entraîne pas nécessairement<br />
la privation de la faculté de voir. Donc en premier lieu, il 1<br />
(1) Rapport du 21 février 1848, EG 119 ; dans la Vérité, p. 173-181.<br />
315
Doc. 509<br />
<strong>Documents</strong><br />
n ’est pas démontré que M. Pierrette Gagnard soit frappée de<br />
cécité ; premier motif qui nous porte à refuser de présenter comme<br />
miraculeuse la guérison de cette malade.<br />
2°Je crois que l’on peut expliquer naturellement cette guérison<br />
sans avoir recours à l’intervention divine par un miracle. [...]<br />
En effet, selon le médecin, la malade a un abcès ; mais tout<br />
abcès se termine naturellement par la suppuration, et lorsque la<br />
suppuration est parfaite, l’inflammation cesse, décroît, disparaît<br />
entièrement et avec elle, les symptômes trop souvent effrayants<br />
dont l’inflammation était cause disparaissent, tantôt subitement,<br />
plus souvent avec gradation ; mais trop souvent ces symptômes ne<br />
disparaissent complètement que longtemps après l’évacuation du<br />
pus et la cessation [p. 7] de l’inflammation.<br />
N ’est-ce point là ce qui est arrivé dans le cas qui nous occupe ?<br />
[...(p. 8)] Sans doute, Dieu aura accordé une bénédiction<br />
particulière aux moyens curatifs employés par la science médicale ;<br />
mais Votre Grandeur pensera sans doute comme moi, qu’on ne<br />
peut admettre ici une guérison miraculeuse [...(p. 9)]<br />
[ G u é r i s o n d ’A n t o i n e t t e B o l l e n a t ]<br />
Je passe, Monseigneur, au second fait de guérison extraordinaire<br />
opérée sur la personne de Marie-Antoinette Bollenat. Ici le<br />
travail de l’examen me paraît plus difficile et je sens plus vivement<br />
encore le besoin de l’assistance de l’Esprit-Saint que j’invoque de<br />
nouveau.<br />
Je dois d ’abord établir les faits ; mais pour les établir je<br />
laisserai de côté les relations faites à différentes époques et<br />
imprimées dans la Voix de l'Eglise (2) ; je ne tiendrai pas compte<br />
des dépositions de la malade ; je n ’établirai les faits que d ’après<br />
le certificat fait et signé par Mr Edme Gagnard [sic], docteurmédecin<br />
de la faculté de Paris qui exerce à Avallon et qui donne<br />
les soins de son art à la malade depuis 1830 jusqu’en 1847,<br />
pendant le cours de sa maladie qui a duré 19 ou vingt ans.<br />
[Le vicaire général décrit l’origine, l’évolution de la maladie et la guérison<br />
d’après le rapport du Dr Gagniard (doc. 368 bis), puis établit la crédibilité de la<br />
malade et des témoins. Antoinette Bollenat est simple et franche. Au demeurant,<br />
comment simuler une telle maladie pendant dix-neuf ans ? Les divers témoins<br />
interrogés par la commission sont des personnes estimées pour leurs qualités<br />
personnelles. Ils connaissent bien la malade. Leurs témoignages concordent<br />
(p. 12).]<br />
La guérison arrive dans le temps où elle était attendue non<br />
(2) La Voix de l'Église, 1" février 1848, p. 209-214, contient les relations de l’abbé<br />
Gally (29 janvier 1848) et du Dr Gagniard (4 décembre 1847).<br />
316
20 février 1849 Doc. 509<br />
pas par le médecin qui déclare qu'il ne peut plus rien faire, que<br />
tout remède est inutile, qu ’il faut laisser mourir cette pauvre fille<br />
en repos, ce qui ne peut tarder (n° 15, certificat du docteur<br />
Gagniard page 8, lignes 4, 5) (3) mais elle arrive cette guérison au<br />
moment où elle était demandée par la prière et l’invocation de<br />
Marie et attendue par la foi et la piété ; elle arrive lorsqu’on<br />
n ’attend plus que le dernier soupir de la malade, à la fin d ’une<br />
neuvaine faite en l’honneur de la T.Stc Vierge, sous l’invocation<br />
de N. Dame de la Salette ; la malade passe subitement de l’agonie<br />
à la santé, du dégoût de tout aliment et de l’incapacité prouvée<br />
d ’en digérer aucun, à un excellent appétit et à un jeu parfait des<br />
organes digestifs, de la plus complète insomnie à un sommeil<br />
calme et profond, et la tumeur qui existait, disparaît pour ne plus<br />
reparaître (Rapport n° 19, V, VI.) (4)<br />
Aussi votre Commission conclut-elle à admettre dans cette<br />
guérison qui pendant dix-neuf ans a été demandée à la science et<br />
que la science n ’a pu opérer, une intervention surnaturelle, un<br />
miracle (Rapport, n° 19, VII.)<br />
Telle est aussi mon opinion, Monseigneur, cette guérison est<br />
miraculeuse. Il y a ici un véritable miracle, proposition que,<br />
d ’après les principes théologiques, nous allons établir, je l’espère,<br />
d ’une manière convaincante pour la gloire de Dieu et de la T.S"<br />
Vierge à l’intercession de laquelle est dû ce miracle.<br />
[Il s’agit, en effet, d’une maladie grave dans sa cause (des violences subies à<br />
l’âge de douze ans), dans sa durée (dix-neuf ans) et dans ses effets (incapacité<br />
d’absorber de la nourriture ; tumeur dans la région épigastrique ; douleurs et<br />
affaiblissement extrêmes). La médecine a été impuissante, au point que le<br />
médecin avait fini par déclarer qu’il fallait laisser mourir la pauvre fille en paix.<br />
— La guérison a été instantanée et complète, y compris en ce qui concerne les<br />
plaies causées au dos par trois années d’alitement. Aucune élimination ou accident<br />
naturel n’explique la disparition de la tumeur. Enfin, il n’y a point eu de<br />
rechute. Selon le Dr Gagniard, qui a souvent revu A. Bollenat depuis sa guérison<br />
et qui l’a examinée, en particulier, le 30 janvier 1849, elle se trouve toujours en<br />
parfaite santé (5). — Au terme de son travail, le vicaire général formule une<br />
« consciencieuse pensée », qu’il soumet à l’archevêque, car ce n’est pas en vain<br />
que l’Esprit-Saint a reposé sur lui au jour de sa consécration épiscopale (p. 29).]<br />
De l’examen scrupuleux des faits, il résulte que la guérison<br />
d ’Antoinette Bollenat renferme tous les caractères que Benoît XIV<br />
(3) Dans l’exemplaire du rapport Gagniard (doc. 368 bis) de l'évêché de Grenoble, le<br />
passage cité se trouve à la page 2.<br />
(4) Il s’agit du rapport de la commission de janvier-février 1848.<br />
(5) Le 8 juillet 1850, le Dr Gagniard certifie de nouveau qu’A. Bollenat se trouve en<br />
excellente santé (original : EG 119 ; cf. la lettre de l’archevêque à Mgr de Bruillard,<br />
10 juillet 1850, EG 142). En 1853, elle montera à la Salette en pèlerinage (GlRAY I,<br />
p. 260-263).<br />
317
Doc. 509<br />
<strong>Documents</strong><br />
exige pour une guérison miraculeuse : la [p. 30] guérison d’Antoinette<br />
Bollenat est donc miraculeuse (6).<br />
Dans quelle classe de miracles doit-on placer cette guérison ?<br />
Il faut en convenir, ce n ’est point ici un miracle au-dessus de la<br />
nature supra naturam comme le serait la résurrection d’un mort ;<br />
ce n’est pas un miracle opposé aux lois de la nature comme le<br />
serait une infraction aux règles et aux principes qui la régissent<br />
par l’ordre du Créateur contra naturam ; mais c’est un miracle du<br />
troisième ordre opéré comme dit la théologie outre la nature<br />
praeter naturam (7).<br />
C’est un miracle ; il vient de Dieu : la science et l’art ont été<br />
invoqués, et la science et l’art ont hautement confessé leur<br />
impuissance : ex Deo, non ex arte. Il vient de Dieu invoqué avec<br />
foi et confiance, à la suite d ’une neuvaine faite en l’honneur de<br />
la très sainte Vierge implorée depuis quelque temps sous le nom<br />
de Notre-Dame de la Sal/ette ; ce miracle a été opéré non par la<br />
force des paroles comme on dit non ex vi verborum, mais par les<br />
prières et l’intercession de Celle qui jamais ne fut invoquée en<br />
vain, par l’intercession de la glorieuse Mère de Dieu sed alicujus<br />
sancti precibus et intercessione.<br />
Quel est le but de ce miracle, que doit-il en résulter ? Ah !<br />
sans doute, un témoignage de bonté miséricordieuse pour celle<br />
qui en a été l’objet ; mais aussi une preuve nouvelle en faveur de<br />
la foi catholique ad fidei catholicae confirmationem, la glorification<br />
de la puissante Mère de Dieu adannuntiandam alicujus sanctitatem,<br />
l’édification des âmes pieuses, peut-être le retour de quelques<br />
âmes indociles à la foi et à la piété, peut-être la conversion de<br />
quelques pécheurs.<br />
Agissant donc selon ma conscience et ma conviction personnelle,<br />
j’ai l’honneur de proposer à Votre Grandeur de prononcer<br />
affirmativement sur le fait miraculeux de la guérison d ’A. Bollenat,<br />
fait miraculeux dont j’ai entrepris l’examen par votre ordre, pour<br />
la gloire de Dieu et l’honneur de sa sainte Mère. Puisse ce travail<br />
attirer la bénédiction du Fils et la protection de la Mère sur celui<br />
qui aimera toujours à se dire<br />
Monseigneur,<br />
De Votre Grandeur,<br />
Le très respectueux et très affectueux serviteur.<br />
E. CHANVEAU, vie. g[én éra]l<br />
Sens, le 20 février 1849<br />
(6) Chanveau a cité de Benoît XIV le De... beatificatione et... canonizatione, livre IV,<br />
I"' partie, chapitres 8 et 9.<br />
(7) Miracles de troisième ordre : faits que la nature peut produire, mais qui sont<br />
réalisés d ’une manière que la nature ne peut imiter, tels la guérison instantanée d ’une<br />
maladie grave.<br />
318
4 mars 1849 Doc. 516<br />
Dimanche 4 mars 1849<br />
516. MANDEMENT DE MGR MELLON JOLLY, archevêque de<br />
Sens, déclarant miraculeuse la guérison d’Antoinette Bollenat<br />
Expédition signée par Mgr Jolly et par le vicaire général Chanveau (p. 31 du<br />
cahier décrit dans l’introd. au doc. 509) : EG 119- — Texte dans Nouveaux<br />
documents, p. 164, et dans GlRAY I, p. 251.<br />
Note. L’évêché de Grenoble fut informé du jugement porté par l’archevêque<br />
de Sens vers le 10 mars 1849. Une expédition de chaque document cité dans le<br />
mandement se trouve aux archives (EG 119).<br />
MELLON JOLLY par la miséricorde divine et la grâce du saint<br />
Siège apostolique, Archevêque de Sens, Evêque d'Auxerre, primat<br />
des Gaules et de Germanie.<br />
Vu le rapport de la Commission nommée par nous, le<br />
24 janvier 1848, pour procéder à une enquête juridique sur les<br />
faits relatifs à une guérison extraordinaire arrivée à Avallon le<br />
21 novembre 1847 sur la personne d ’Antoinette Bollenat, après<br />
une neuvaine à la très-sainte Vierge (1) ;<br />
Vu les interrogatoires des témoins et médecin en date des 7,<br />
8 et 14 février 1848 (2) ;<br />
Vu les certificats et pièces annexées à ces interrogatoires (3) ;<br />
■Vu le rapport présenté à nous le 20 février 1849 par M. l’abbé<br />
Chanveau, notre vicaire général, chargé par nous de l’examen de<br />
cette affaire et d ’en discuter les faits (4) ;<br />
Vu les conclusions du rapport ;<br />
Après avoir pris l’avis de notre Conseil,<br />
Le saint nom de Dieu invoqué,<br />
Déclarons, pour la gloire de Dieu, la glorification de la<br />
très-sainte Vierge et l’édification des fidèles, que la guérison<br />
d ’Antoinette Bollenat, opérée le 21 novembre 1847, après une<br />
neuvaine à la très-sainte Vierge Mère de Dieu invoquée sous le<br />
nom de Notre-Dame de la Sal/ette, présente toutes les conditions<br />
et tous les caractères d’une guérison miraculeuse et constitue un<br />
miracle du troisième ordre (5). 1<br />
(1) Texte dans Vérité, p. 173-181.<br />
(2) Longs extraits dans GlRAY I, p. 207-223.<br />
(3) En particulier le rapport du Dr Gagniard, du 4 décembre 1847 (doc. 368 bis).<br />
(4) Doc. 509.<br />
(5) Miracles de troisième ordre : voir doc. 509, note 7.<br />
319
Doc. 516<br />
<strong>Documents</strong><br />
Donné à Sens, sous notre seing, le sceau de nos armes et le<br />
contre-seing de; notre Vicaire général secrétaire particulier le 4 mars<br />
de l’an de grâce 1849.<br />
[sceau] fMELLON archev. de Sens<br />
Par Mandement de Monseigneur l’Archevêque.<br />
Samedi 17 mars 1849<br />
E. CHANVEAU vie. g[énéra]l<br />
518. LETTRE D ’E. DE LEUDEVILLE à l’abbé Mélin<br />
Original (1 f. pliée 20,5 cm x 26,5) : EG 67.<br />
Note. Cette lettre contient un des plus anciens témoignages sur la tendance<br />
à considérer les secrets de la Salette comme des prophéties d’ordre politique. Son<br />
auteur, qui croit à l’existence de Louis XVII, assistera en septembre 1850 à la<br />
rencontre entre Maximin et le pseudo-baron de Richemont (*).<br />
Monsieur le curé,<br />
Lyon 17 mars 1849.<br />
Je vous remercie sincèrement, de l’empressement que vous<br />
avez bien voulu mettre aussitôt de retour chez vous, à me répondre<br />
et à m ’expédier les 2 caisses demandées [...].<br />
[p. 3] Comme vous le dites fort bien, Monsieur, l’événement<br />
de Lasralette a été l’avant-coureur du mouvement européen. C’était<br />
un avertissement plein de miséricorde, et ce secret impénétrable,<br />
pourrait bien se relier plus étroitement qu’on ne le croit, aux<br />
destinées politiques et religieuses de notre France.<br />
Malheureusement, on se demande avec effroi, quel est le fruit<br />
que l’on a tiré de cette grâce signalée ; c’est ce qu’il appartient à<br />
Dieu seul de juger. Quant à moi, Monsieur, j’attends la tempête,<br />
mais je l’attends plein de confiance dans la miséricorde divine,<br />
qui, je n ’en doute pas, veut encore donner au monde, et à notre<br />
beau pays, que la Ste Vierge a daigné nommer (sa patrie) ; [sic]<br />
des jours de foi [p. 4] et d’amour.<br />
(*) BASSETTE, p. 190 et lettre E. de Leudeville à Rousselot, 29 avril 1853 (EG 174). E.<br />
de Leudeville, qui était connu de saint Pierre-Julien Eymard, le fondateur des Prêtres du<br />
Saint-Sacrement, devint prêtre, mais n’exerça pas de ministère actif (selon E. MILLON,<br />
L'affaire d'Ars, La Salette 1932, vol. I, p. 48 [dactylographié, EG, MSG]).<br />
320
21 mars 1849 Doc. 524,<br />
Vous me félicitez Monsieur le curé, de voir ainsi les choses de<br />
ce monde. Hélas, ceux qui les voient autrement sont bien à<br />
plaindre [...].<br />
Veuillez agréer...<br />
Mardi 27 mars 1849<br />
E. DE LEUDEVILLE<br />
523. LETTRE DU CHANOINE BLANCHARD, directeur au grand<br />
séminaire de Gap (*), à l’abbé Mélin<br />
Original (1 f. pliée 20,5 cm x 26,5) : EG 67.<br />
N ote. Sur les bruits rapportés dans cette lettre, voir la Remarque critique au<br />
doc. 497.<br />
Monsieur le Curé,<br />
Gap, le 27 mars 1849<br />
Je saisis avec bonheur l’occasion qui se présente pour vous<br />
renouveler l’assurance de mon respect, tout en vous priant de<br />
vouloir bien me dire ce que vous savez sur les faits que je vais<br />
avoir l’honneur de vous soumettre.<br />
J ’ai eu occasion de voir dernièrement à Aix un ecclésiastique<br />
de ma connaissance, professeur à la faculté de théologie ; il m ’a<br />
parlé d ’une apparition de la Ste Vierge qu’on dit avoir eu lieu à<br />
Château-Thierry, diocèse de Soissons, postérieurement à l’apparition<br />
de la Salette ; il m’a ajouté qu’une Religieuse Célestine de<br />
Château-Thierry, étant venue à Corps, les enfants de la Salette<br />
[p. 2] vous auraient dit : Monsieur le Curé, écoutez cette sœur,<br />
car elle aussi a un secret.<br />
Sans doute, Monsieur le Curé, vous ne pouvez rien me dire<br />
de positif sur la réalité de l’apparition à Château-Thierry ; c’est si<br />
loin de nos pays ! Mais ayez, je vous prie la bonté de me dire ce<br />
que vous savez du voyage de cette religieuse à la Salette et du<br />
propos qu’on attribue, à cette occasion, à Maximin ou à Mélanie.<br />
Tout ce que je sais positivement là-dessus, c’est que le 9 février<br />
dernier, une Religieuse Célestine du diocèse de Soissons, s’est<br />
(*) BLANCHARD, Jean-Chrysostome (1802-1881), fut professeur au grand séminaire de<br />
Gap au moins depuis 1838 jusqu’en 1856. Ce fut un « apôtre zélé de N.D. de la Salette »<br />
(Apparition, n" 1799)- Il ne faut pas le confondre avec son cousin Zéphirin Blanchard<br />
(1812-1897), également professeur au grand séminaire en 1847.<br />
321
Doc. 523<br />
<strong>Documents</strong><br />
embarquée {biffé : pour] à Marseille pour aller voir le pape à<br />
Gaëte, j’ignore de quelle mission elle est chargée (1).<br />
M. Dumas continue d’aller bien, nous sommes contents de<br />
lui.<br />
[p. 3] Agréez...<br />
É v é n e m e n t s d'avril 1849<br />
L’Abbé Blanchard, chan. hon.<br />
Direct, du Séminaire<br />
Guérison de l’abbé Martin, clerc minoré du grand séminaire de Verdun.<br />
Dossier : G iray I, p. 269-283. — Le malade souffrait de rhumatisme articulaire<br />
et d’une sciatique, avec atrophie de la jambe gauche. Il fut guéri le 1" avril,<br />
dimanche des Rameaux, premier jour d’une neuvaine en l’honneur de Notre-<br />
Dame de la Salette, après avoir bu de l’eau puisée à la source de l’apparition.<br />
D ’après le médecin traitant, la maladie étant d’origine nerveuse, la guérison<br />
pouvait à la rigueur s’expliquer naturellement (G iray I, p. 280). Mgr Louis<br />
Rossât, évêque de Verdun, déclara « certain et incontestable le fait de la guérison<br />
instantanée et bien soutenue » ; il lui paraissait « très difficile d’expliquer une<br />
telle guérison par les seules forces de la nature » (déclaration du 1“ août 1849,<br />
dans G iray I, p. 279).<br />
A la Salette, après un mois de mars assez doux pour que la neige ait disparu<br />
des « plages cultivées » (doc. 517), une « grande abondance de neige » vient de<br />
nouveau encombrer les chemins jusqu’à la mi-mai (PERRIN, n° 712).<br />
Samedi 7 avril 1849<br />
524. COMPTE-RENDU DE LA VÉRITÉ de Rousselot (doc. 447),<br />
dans Y Am i de la religion, t. 141, n.4758 (7 avril 1849), p. 45-46<br />
Auteur ou du moins inspirateur du compte rendu : l’abbé Dupanloup, sur<br />
le point d’être nommé évêque d’Orléans.<br />
Contenu. Le compte rendu reproduit un long passage de la lettre d’approbation<br />
figurant en tête du livre (doc. 428), fait l’éloge de celui-ci et donne un<br />
aperçu sur les pèlerinages aux lieux de l’apparition. Il est suivi de la lettre<br />
Dupanloup du 11 juin 1848 (doc. 427).<br />
Le recenseur commente ainsi l’approbation donnée par Mgr de Bruillard<br />
(p. 45) : 1<br />
(1) Blanchard n'aurait-il pas confondu « apparition » et « guérison »? Le 27 février<br />
précédent, une religieuse célestine de Notre-Dame des Chesnaux-lès-Château-Thierry, Sœur<br />
Victoire, avait été guérie d’une maladie du cœur, après avoir fait usage de l’eau de la<br />
Salette (GIRAY II, p. 311 ; dossier : EG 38). Blanchard n ’est toutefois pas seul à mentionner<br />
une mystérieuse religieuse célestine. Selon une lettre de l’abbé Nicod, curé de la Croix-<br />
Rousse à Lyon et partisan du pseudo-baron de Richemont, « Sœur Romaine, Religieuse<br />
Célestine », aurait connu ce dernier (lettre du 28 mars 1850 à Mgr Raess, évêque de<br />
Strasbourg, copie : EG 17). Signalons aussi que l’auteur de La véritable réparation (J.-A.<br />
Boullan ou peut-être C.-M.-A. de Brandt, chanoine d ’Amiens) croit savoir que quelques<br />
évêques français envoyèrent à Pie IX « une Sainte fille », qui plusieurs mois à l’avance<br />
annonça au pape la révolution de 1848 (La véritable rép., 7.éd., Paris 1873, p. 184).<br />
322
18 avril 1849 Doc. 525<br />
Le Concile de Trente (Sess. 25) a sagement défendu de<br />
proclamer aucun miracle qui ne soit avéré et authentique. Dans<br />
une matière aussi délicate, cette défense est d ’une grande importance<br />
: le faux ferait facilement douter du vrai. Mais après une<br />
approbation si formelle, donnée à la suite de l’examen le plus<br />
long et le plus sérieux, nous n ’hésitons pas à recommander à nos<br />
abonnés la lecture du Rapport publié à Grenoble.<br />
Jeudi 18 avril 1849<br />
525. LETTRE DE MGR DE BRUILLARD à l’abbé Mélin<br />
Original (1 f. recto-verso 21 cm x 13,5) : EG 112. Seule la signature est de<br />
la main de l’évêque. — Extrait dans les Annales, octobre 1913, p. 154.<br />
Grenoble, le 18 avril 1849-<br />
J ’ai lu, mon cher Pasteur, avec le plus vif intérêt la lettre qui<br />
vous vient de Constantinople, et que j’ai remise à Mr Rousselot (1).<br />
J ’apprends avec le plus vif plaisir que vous êtes plus satisfait<br />
de vos Pâques que vous ne l’avez été l’année passée, et que de<br />
grandes conversions se préparent [... (2).]<br />
Veillez, je vous prie, à ce que l’orthographe et l’écriture de<br />
Maximin deviennent bonnes.<br />
Quand vous croirez le temps favorable pour proposer l’acquisition<br />
d ’un emplacement [verso] sur la montagne privilégiée, vous<br />
me le manderez. Le maire de la Salette n’a-t-il pas été changé ?<br />
Si aucun particulier ne s’est présenté pour se dire propriétaire du<br />
sol, c’est donc une propriété communale.<br />
Nous avons vérifié qu’il n’y a que quatre ans que j’ai visité<br />
votre paroisse et le canton. Je n ’ai donc point l’intention d ’y aller<br />
cette année. Ma santé, d ’ailleurs, n ’est pas très forte dans ce<br />
moment.<br />
Recevez...<br />
Ph[ILIBERT] Evêque de Grenoble<br />
Remarque. Bien que cette lettre ne nous apprenne absolument rien sur le<br />
fait de l’apparition, elle ne manque pas d’être significative : elle témoigne en<br />
effet qu’à l’évêché de Grenoble on songe à prendre sérieusement en main<br />
l’organisation d’un sanctuaire ecclésial, dépendant de l’autorité centrale du<br />
diocèse (3). Le jugement que vient de porter l’archevêque de Sens sur la guérison<br />
d’Antoinette Bollenat (doc. 516) et la publication de la lettre de Mgr Dupanloup<br />
dans l'A m i de la religion (cf. doc. 524) sont probablement pour quelque chose 1<br />
(1) Il s’agit d ’une des nombreuses lettres reçues par le curé de Corps.<br />
(2) Le passage que nous omettons concerne des dispenses de mariage.<br />
(3) Un détail significatif : la première inscription dans le registre des « Offrandes pour<br />
N.D. de la Salette déposées au secrétariat de l’Evêché » (EG 101) porte la date du 12 avril<br />
1849.<br />
323
Doc. 530<br />
<strong>Documents</strong><br />
dans le franchissement de ce nouveau pas. Mgr de Bruillard se sent publiquement<br />
soutenu par des membres de l’épiscopat.<br />
Mardi 30 avril 1849<br />
530. LETTRE DU CHANOINE ROUSSELOT à Mgr Dupanloup,<br />
évêque d’Orléans<br />
Photocopie de l’original (2 p.) : MSG.<br />
Monseigneur<br />
Grenoble 30 avril 1849<br />
Les amis et les connaissances que vous avez dans notre<br />
Dauphiné n ’ont pas été les derniers à applaudir à votre nomination<br />
à l’épiscopat [...]<br />
Permettez-moi, Monseigneur, de me mêler à la foule qui, en<br />
ce moment, se presse autour de vous, et de vous offrir aussi mes<br />
félicitations empressées et les vœux ardents que je forme pour le<br />
succès de votre nouvel apostolat.<br />
Je vous dois, Monseigneur, des actions de grâces pour le<br />
compte que vous avez bien voulu rendre de mon livre sur la<br />
Salette dans l'Am i de la Religion, N° du 7 de ce mois (1). Votre<br />
admirable lettre est venue [p. 2] renforcer d’une manière toute<br />
particulière la réalité de l’apparition et confirmer une croyance qui<br />
devient de plus en plus générale dans notre patrie, et qui se<br />
répand dans l’univers catholique. Les miracles se multiplient, l’eau<br />
merveilleuse est demandée de toutes parts, les prières, les neuvaines,<br />
les pèlerinages continuent. Peu de sanctuaires de Marie auront été<br />
aussi célèbres à leur origine ; peu auront été aussi \ recommandés /<br />
à la piété, à la confiance, au respect du monde entier. [... (2)]<br />
Veuillez agréer...<br />
l ’A b b é ROUSSELOT 1<br />
(1) Doc. 524.<br />
(2) La suite de la lettre concerne la restauration d ’un ancien titre paroissial (Saint-<br />
Vincent-du-Chevalon à Voreppe).<br />
324
DOSSIER COMPLÉMENTAIRE
(Evêché de Grenoble)<br />
« Dessiné sur les lieux par Ferdinand Rostaing. »<br />
Entre cet exemplaire et celui du dépôt légal, il y a de légères différences :<br />
ainsi la végétation qu 'on voit dans le coin inférieur gauche manque dans le dernier.
DOSSIER COMPLÉMENTAIRE<br />
I. APPARITION DE LA TRÈS STE VIERGE À DEUX ENFANTS<br />
SUR LA MONTAGNE DE LA SALETTE, PRÈS CORPS (ISÈRE)<br />
Lithographie de G. Margain et C. Pégeron (cadre extérieur : 226 mm x<br />
187 ; cadre intérieur : 198 mm x 159)-<br />
Dessinateur. La légende porte : « Dessiné sur les lieux par Ferdinand<br />
Rostaing » (1).<br />
Date. Nous avons d’abord daté cette lithographie d’une époque tardive.<br />
Marteaux et tenailles sont en effet placés avec la tête et les mâchoires en haut,<br />
représentation commune à partir des années cinquante, mais pratiquement ignorée<br />
de l’iconographie primitive (2). Le premier tirage est cependant bel et bien de<br />
1846 : en fait foi le cachet porté sur l’exemplaire conservé au Cabinet des<br />
estampes de la Bibliothèque nationale. La déclaration au dépôt légal avait eu<br />
lieu à Grenoble, le 12 novembre de cette année (cf. ADI 10-T-19).<br />
N ote sur le crucifix de la Salette. Le marteau et les tenailles, caractéristiques<br />
du crucifix de la Salette, appartiennent à l’iconographie traditionnelle des<br />
instruments de la Passion, comme la lance, les clous et l’éponge (3). On les<br />
trouve sur des croix dans les Hautes-Alpes (à Saint-Véran), la vallée du Rhône (4)<br />
et ailleurs. Tels que les a représentés Rostaing, marteau et tenailles paraissent ne<br />
tenir à rien, ce qui est conforme aux descriptions qu’on lit dans plusieurs relations<br />
des plus anciennes (5). L’artiste les a cependant placés au-dessus du crucifix, alors<br />
que les récits les situent plutôt de chaque côté du Christ, à la hauteur des 1<br />
(1) Peintre spécialisé dans les tableaux religieux, Ferdinand Rostaing, né en 1821 à<br />
Grenoble, de Basile Rostaing, gendarme à cheval, et de Catherine Archier-Carlet, originaire<br />
de la Motte-Saint-Martin. Il se maria en 1848 avec Rosine Millon, couturière. A la Mure, il<br />
habitait rue Cotte-Rouge. On lui doit un tableau de l’ancienne église de la ville et de la<br />
cure. (Renseignements communiqués par M. Reymond.)<br />
(2) Voir par exemple les illustrations des pages xviii et 332.<br />
(3) Cf. l’article « Arma Christi », dans Lexikon der christlichen Ikonographie, vol. I,<br />
Rome, Fribourg, etc., Herder, 1968, col. 183-187.<br />
(4) Les mariniers du Rhône avaient coutume autrefois de sculpter des croix sur lesquelles<br />
figuraient un marteau et des tenailles, une main, un ciboire, un pichet, une lanterne et<br />
d ’autres objets symboliques. (Cf. Bernard CLAVEL, « Les croix de mariniers du musée de<br />
Serrières », dans Jardin des arts, n° 97-98, décembre 1962 - janvier 1963 ; on trouvera la<br />
reproduction d’une telle croix dans ci-dessous, p. 330.<br />
(5) Dans les relations de Perrin, de Cat, de Dumanoir, d ’Auvergne (doc. 7, v. 43 ;<br />
11, v. 42 ; 124, v. 15 ; 125, v. 15 et dans d’autres encore ; voir aussi l’interrogatoire subi<br />
par Mélanie le 13 septembre 1847 (doc. 264 bis).<br />
327
Dossier complémentaire<br />
croisillons : le manche du marteau et les bras des tenailles les « dépassaient en<br />
bas » (6).<br />
La lithographie : voir p. 326.<br />
II. RELATION ROSTAING : Détails d ’un événement extraordinaire<br />
arrivé à deux enfants sur la montagne de la Salette près<br />
Corps<br />
Grenoble, impr. de Prudhomme. Texte sur deux pages, accompagné de la<br />
lithographie du dessin de Ferdinand Rostaing (1 f. pliée 32 cm x 47) : EG 108.<br />
— Texte sur trois pages : BMGC 260.<br />
Date, La déclaration au dépôt légal est datée du 20 novembre 1846 (ADI<br />
10-T-19). Il est toutefois possible que les textes que nous connaissons soient des<br />
rééditions : un imprimé portant le même titre et sortant des mêmes presses fut<br />
déclaré au dépôt légal le 14 mai 1847.<br />
L'auteur : d’après le registre du dépôt légal, le peintre Rostaing, de la Mure,<br />
donc un habitant de la région.<br />
Son enquête. L’auteur déclare s’être « transporté sur les lieux ». Mais ni son<br />
dessin ni le récit ne laisse apparaître une connaissance tant soit peu précise du<br />
vallon de la Sézia. Son enquête Ta sans doute mené à Corps, mais guère audelà.<br />
Ci-dessous on trouvera le texte EG 108, dont le texte BMGC 260 ne diffère<br />
d’ailleurs que par de légères variantes, telles que « s'approcher », « des tenailles »<br />
et « la tête » au lieu de « s'approchée/ », « les tenailles » et « sa tête ».<br />
Le 19 septembre 1846, sur les trois heures de l’après-midi,<br />
deux enfants, Maximin Giraud, âgé de 12 ans, de la commune de<br />
Corps, et Mélanie Calvat (1), âgée de 14 ans, de la commune de<br />
la Salette-et-Fallavaux, étant à garder des vaches appartenant à<br />
des propriétaires de cet endroit, s’endormirent : le temps était<br />
magnifique. Peu de temps après, ils s’éveillèrent et n ’aperçurent<br />
plus leurs vaches près d’eux ; l’inquiétude les prit, mais, en<br />
descendant de quelques pas, ils les virent couchées à peu de<br />
distance ; rassurés, ils les y laissèrent, et, se sentant de l’appétit,<br />
se dirigèrent vers des grosses pierres contre lesquelles ils avaient<br />
l’habitude de déposer leurs besaces contenant quelques aliments.<br />
En approchant, ils furent grandement surpris de voir une belle<br />
dame assise sur une de ces pierres, tenant sa tête dans ses mains,<br />
et dans l’attitude d ’une femme qui pleure amèrement ; elle se<br />
dresse devant eux et les enfants reculent frappés de l’éclat de sa<br />
majesté. Alors elle leur dit : « N ’ayez point peur, mes enfants,<br />
c’est à vous que je veux révéler bien des choses qui, quoique trèsapparentes,<br />
restent sans attention de la part de mon peuple... » 1<br />
(6) Notes de Lagier (doc. 184 bis, v. 235).<br />
(1) Nous nous trouvons ici en présence de la plus ancienne trace écrite de l’application<br />
du nom de Calvat à Mélanie, si toutefois la présente édition de la relation Rostaing remonte<br />
effectivement à novembre 1846 ou tout au moins à mai 1847.<br />
328
Dossier complémentaire<br />
Les enfants s’approchèrent. « Vous direz, continue-t-elle, à tous<br />
ceux qui voudront entendre, que la juste colère de mon fils est<br />
sur le point d’éclater ; je ne puis plus retenir son bras ; la conduite<br />
des hommes est indigne. Dieu leur a donné six jours pour travailler<br />
et le septième pour se reposer et le servir ; ils n’en font rien,<br />
beaucoup aussi, dans maintes occasions, se servent de son nom<br />
pour jurer, pour l’insulter ; actions infâmes qui lui [p. 2] déplaisent<br />
infiniment. Je le prie, poursuit-elle, d ’ajourner autant que possible<br />
les châtiments qu’il leur réserve : s’ils ne changent pas de conduite,<br />
ils seront cause de toutes les calamités qui viendront fondre sur<br />
eux. Si les années passées n’ont pas eu de suffisantes récoltes, si<br />
celle qui vient ne se montre pas bien, c’est que mon fils est las de<br />
cet état de choses. Qu’ils changent de conduite, qu’ils se<br />
convertissent et reviennent à Dieu, et alors ils verront renaître<br />
l’abondance qui a commencé à disparaître pour faire place à une<br />
affreuse misère (2). »<br />
Après ces paroles, la belle dame s’éloigna doucement de<br />
quelques pas et s’éleva tout à coup : les deux enfants virent<br />
d ’abord sa tête s’effacer, puis ses bras, puis son corps ; les pieds,<br />
cependant, paraissaient encore : ils formaient dans les airs comme<br />
une espèce de sillon (3). Enfin, tout finit par disparaître entièrement,<br />
laissant ces enfants dans une immobilité complète, résultat<br />
de l’émotion produite par tout ce qu’ils venaient de voir et<br />
d ’entendre.<br />
Elle était, ont-ils ajouté, d ’une taille haute et d ’un port<br />
majestueux ; sa figure était belle, pâle et triste ; ses bras, joints<br />
devant sa poitrine, supportaient une croix d’or sur laquelle ils<br />
voyaient le Christ ; puis d ’un côté le marteau et de l’autre les<br />
tenailles, pour nous rappeler sans doute que son fils avait bien<br />
souffert, attaché sur une croix pour le rachat de nos péchés, et<br />
que nous le laissions dans l’oubli après tout ce qu’il a fait pour<br />
nous. Elle portait sur sa tête une couronne d ’or ; ses vêtements<br />
blancs étaient parsemés de perles éblouissantes ; son fichu était<br />
bordé de roses éclatantes ; ses souliers, qui étaient blancs, avaient<br />
une large boucle par-dessus ; sous ses pieds, on voyait des perles<br />
d ’or et des roses. Le poids de son corps, disaient-ils encore, ne<br />
faisait pas plier les brins d ’herbe sur lesquels elle marchait.<br />
Arrivés à la maison, ils contèrent tout ce qu’ils avaient vu,<br />
ainsi que le leur avait dit la belle dame, comme ils l’appelaient<br />
dans leur langage naïf. 23<br />
(2) Le langage abstrait prêté à la Dame de l’apparition par Rostaing rappelle le style<br />
de la première relation Melin (doc. 2).<br />
(3) La présence, à la fin de l’apparition, d’une trace dans les airs, est mentionnée<br />
dans plusieurs récits de Maximin (cf. LSDA I, p. 300, note 3).<br />
329
Dossier complémentaire<br />
Tous ces détails ont été recueillis de la bouche même des<br />
enfants par l’auteur du dessin, qui s’est transporté sur les lieux<br />
afin que sa publication fut en tout conforme à la vérité.<br />
Par l'auteur du dessin.<br />
Croix d e Mariniers<br />
Bois peint. 19' siècle.<br />
Musée des arts et traditions populaires.<br />
330
APPENDICE
APPARITION DE LA S ‘" VIERGE ,<br />
le 19 sep tem b re 1846,<br />
à deux bergers sur la montagne de la Salette,<br />
G erm ain GIRAUD,âgé de 12 ans,etMêlanie CALVAT,â|5éedelians<br />
(Bibliothèque municipale de Grenoble)<br />
La Ste Vicrcp a dit aux •nfants<br />
Dieu, a donné six jours pour travailler , le septième doit être consacré au repos ft: sanctifié<br />
par la pnere ; il n'en est pas ainsi : les hommes profanent la religion ou ne l'observentpas.<br />
ils ju r e n t, ils blasphèm ent le nom de Dieu , c'est infâme : s'ils ne changent de conduite,<br />
la colère du fils de Dieu éclatera el punira les hommes par la famine et au tres m a lh e u rs ,<br />
si au c o n tra ire ils ch angen t de conduite, et qu'ils se convertissent à la religion que le<br />
C hrist a enseignee, ils v erro n t renaître l'abondance et le b o n h eu r.<br />
Lithographie de C. Pégeron, Grenoble.
UN CHRISTIANISME FONDÉ SUR LA PEUR ?<br />
Il y a quelques années, un théologien citait le « Christ de la<br />
Salette, imploré par la Vierge compatissante et miséricordieuse de<br />
ne pas châtier »', comme typique d ’un christianisme pour qui<br />
Dieu reste le Seigneur jaloux de son honneur, justicier et vengeur.<br />
Vers la même époque, un hebdomadaire catholique publiait dans<br />
son courrier des lecteurs un texte encore plus défavorable à notre<br />
apparition. Rappelant que la Dame s’était plainte de ne plus<br />
parvenir à retenir le bras de son Fils, puis avait prophétisé des<br />
catastrophes, le correspondant protestait : «Je ne peux pas aimer<br />
un Dieu, un Père, qui punirait ses enfants de pareilles atrocités »12.<br />
On ne rencontre pas de réactions de ce genre à l’époque<br />
couverte par le présent volume et le volume précédent (septembre<br />
1846-avril 1849). En remarquant cette différence, le lecteur un<br />
peu averti songera de suite aux travaux consacrés actuellement par<br />
les historiens à l’évolution de la mentalité religieuse. Parmi les<br />
éléments fondamentaux de la religion des Français du début du<br />
dix-neuvième siècle jusque vers les années quarante, Gérard Cholvy<br />
relève, à côté du sens du sacré, d ’une foi qui attend tout de Dieu<br />
et de l’inquiétude du salut, « le sentiment d ’une impuissance<br />
radicale devant une nature hostile, la maladie, l’épidémie [...].<br />
Plus que la foi en Jésus Christ », conclut-il, « c’est de la croyance<br />
au Dieu créateur qu’il s’agit, le Dieu redoutable dont il faut<br />
apaiser la colère par l’expiation, la purification, le recours à ces<br />
médiateurs que sont la Vierge et les saints »3. On reconnaît là<br />
plusieurs thèmes présents dans le fait du 19 septembre 1846 et<br />
dans le mouvement spirituel auquel il a donné naissance. La<br />
question peut donc être posée : ce fait et ce mouvement n ’appar<br />
(1) C. DUQUOC, Dieu différent, Paris, éd. du Cerf, 1977, p. 66.<br />
(2) La Vie, n° 1724 (semaine du 14 au 20 septembre 1978), p. 50. Le correspondant<br />
de l’hebdomadaire situe l’apparition « en 1870 » et croit que le message annonce, entre<br />
autres malheurs, des « guerres ». Il paraît connaître la Salette non pas à travers les relations<br />
primitives, écrites en 1846-1847 sous la dictée des voyants et dont aucune ne parle de<br />
guerres, mais à travers le fameux « secret de Mélanie ». Rappelons que ce secret, dont il<br />
existe des traces écrites à partir des années cinquante et qui sera diffusé dans le public<br />
après la défaite de 1870, n ’a jamais reçu l’approbation de l’autorité ecclésiastique qualifiée<br />
pour se prononcer sur l'apparition au nom de l’Eglise, à savoir le Saint-Siège et l'évêque<br />
de Grenoble. — Voir J. JAOUEN, La grâce de la Salette au regard de l ’Eglise, (nouv. éd.),<br />
Corps, Association des pèlerins de la Salette, 1981, p. 252 et suivantes ; notre étude « A<br />
propos de deux versions du fait de la Salette. Note sur les documents anciens », dans<br />
Marianum, 38 (1976), p. 482-492.<br />
(3) Dans B. PLONGERON et R. PANNET éd., Le christianisme populaire, Paris, Le<br />
Centurion, 1976, p. 203.<br />
333
Appendice<br />
tiendraient-ils pas aux ultimes manifestations d ’un christianisme<br />
où la « pastorale de la peur »4 5joue encore un rôle prépondérant,<br />
bien que, par certains de leurs aspects — qu’on pense à la<br />
compassion montrée par la Dame de l’apparition — ils soient en<br />
harmonie avec la piété plus sentimentale, moins austère, qui<br />
envahit la religion populaire vers la même époque ? Bref : en<br />
dépit de la présence d ’éléments consolateurs, ce fait et ce<br />
mouvement ne véhiculeraient-ils pas les restes ou organes témoins<br />
d ’un christianisme « de la peur, austère et doloriste »\ trop peu<br />
conscient, encore, de la nouveauté apportée par Jésus ?<br />
Nous avons pensé qu’au terme de ce deuxième volume, qui<br />
portait sur l’étape « discernement » (enquête officielle, approbation<br />
du pèlerinage par l’évêque...), il convient de formuler quelques<br />
remarques sur le problème évoqué, lequel engage le sens même<br />
du charisme salettin.<br />
Incohérences ?<br />
Le fils de la Dame apparue aux deux enfants est « tellement<br />
courroucé » qu’il va lancer sur les hommes « la foudre de ses<br />
vengeances » ; son bras est « parti pour écraser le peuple »6. On<br />
rencontre ce genre d ’expressions dans de très anciens récits de<br />
l’apparition. Non pas dans tous, cependant : elles manquent, en<br />
particulier, dans les relations privilégiées, c’est-à-dire dans les<br />
relations prises sous la dictée des enfants, par des interrogateurs<br />
bons connaisseurs du patois7. Ainsi les relations Pra, Comte, Lagier,<br />
Lambert et d ’autres encore, parlent simplement du bras (ou de la<br />
main) du Fils devenu trop pesant, et que la Dame ne parvient<br />
plus à soutenir. Mais est-ce un bras levé pour châtier ou, au<br />
contraire, un bras qui protège aussi longtemps qu’il demeure levé,<br />
comme celui de Moïse qui, soutenu par Aaron et par Hur, obtint<br />
aux Hébreux la victoire contre les Amalécites (Exode, 17, 12) ?<br />
Les relations privilégiées ne disent rien d ’explicite à ce sujet. Elles<br />
suggèrent toutefois, plus loin nous verrons comment, que le Christ,<br />
essentiellement, sauve et protège. Autre point remarquable : pour<br />
autant que ces mêmes relations attribuent les châtiments à une<br />
personne concrète, elles indiquent presque toujours, non pas la<br />
personne du Fils, mais la Dame elle-même, qui déclare : « Si la<br />
récolte se gâte, ce n ’est rien que pour vous autres ; je vous l’ai<br />
(4) Jean DELUMEAU, « Leçon inaugurale au Collège de France », dans Le Christianisme<br />
va-t-il mourir ? » Paris, Hachette, 1977, p. 197.<br />
(5) M. LAGRÉE, « Religion populaire et populisme religieux au XIX' siècle », dans J.<br />
DELUMEAU éd., Histoire vécue du peuple chrétien, Toulouse, Privât, 1979, tome II, p. 164.<br />
(6) LSDA I, p. 98-99, 117.<br />
(7) Sur les relations privilégiées, voir LSDA I, p. 31-32.<br />
334
Un christianisme fo n d é sur la peur ?<br />
fait voir l’année passée pour les pommes de terre... »8. — Il est<br />
évident que la Dame châtie non pour assouvir un besoin de<br />
vengeance, mais pour éduquer, pour corriger.<br />
La comparaison des relations et ce que nous savons des origines<br />
de chacune permet de conclure que celles d ’entre elles qui<br />
emploient le langage vindicatif sont le fruit d ’interprétations, de<br />
relectures. Au demeurant, en général leurs auteurs ne prétendent<br />
pas reproduire le mot à mot du message attribué par les deux<br />
enfants à la Dame. Ils écrivent en se souvenant et, par conséquent,<br />
en revoyant les choses à travers leur vision religieuse habituelle.<br />
Ainsi, le thème des vengeances divines occupe à l’intérieur de leur<br />
champ mental un espace non négligeable.<br />
Ces chrétiens ignoraient-ils que Dieu est bon ? Certainement<br />
pas. L’abbé Mélin, curé-archiprêtre de Corps, chef-lieu du canton<br />
auquel appartient la Salette, et principal correspondant de l’évêché<br />
de Grenoble dans l’affaire de l’apparition, appartient au groupe<br />
de ceux qui parlent du Fils « irrité » voulant « écraser les hommes »<br />
et laisser tomber sur eux « ses vengeances ». Cette théologie sévère<br />
ne l’empêche aucunement de considérer l’apparition comme « une<br />
grande faveur du ciel ». Ne serait-ce point pour dessiller les yeux<br />
de la société « et lui faire connaître ses erreurs que ce Dieu bon et<br />
miséricordieux la menace de la faim »9 ?<br />
Mais les réflexions de Mélin sont-elles vraiment cohérentes ?<br />
En insistant comme il le fait sur le thème des vengeances, ne<br />
contredit-il pas la bonne nouvelle apportée par Jésus ?<br />
Une affaire de longue durée<br />
Le verdict d’incohérence qui nous vient spontanément sur les<br />
lèvres ici ou en des cas semblables, tient à une structure mentale<br />
devenue, pour ainsi dire, une seconde nature aux gens imbibés de<br />
la culture européenne des trois derniers siècles : affaire de longue<br />
durée, pour employer le jargon des historiens. Sous l’influence de<br />
la philosophie des lumières, nous en sommes venus, souvent, à<br />
conférer à l’intelligence de l’homme et à son imagination un rôle<br />
par trop ambitieux : de simples instruments donnant accès à la<br />
connaissance du réel, nous en avons fait'la mesure du réel. Ce<br />
que notre intelligence et notre imagination n’embrassent point,<br />
ne parviennent point à saisir et à exprimer, est rejeté dans les<br />
ténèbres extérieures de l’absurde et du non-être. On a parlé, à<br />
(8) Lagier (doc. 96, v. 65) ; formules identiques ou semblables chez Pra, Dausse,<br />
Lambert et chez d’autres.<br />
(9) Doc. 2, v. 10 et 24 ; doc. 37.<br />
335
Appendice<br />
propos des pèlerinages, de poussées de panique10. Fatalement, les<br />
comportements dont les tenants et les aboutissants nous échappent<br />
ou sont difficiles à analyser, nous paraissent irrationnels ou<br />
« paniques ».<br />
De toute évidence, beaucoup parmi les paysans qui, durant<br />
l’automne de 1846, reviennent à la pratique religieuse en apprenant<br />
la nouvelle de l’apparition, sont des gens qui ont peur. L’état des<br />
récoltes laisse prévoir une disette. Une conversion au Dieu d ’amour,<br />
déclenchée par les mécanismes psychologiques de la peur, n ’est-ce<br />
pas là une contradiction dans les termes, pour ainsi dire ? — Oui<br />
sans aucun doute, — mais, au fait, de quel type de peur s’agit-il<br />
en l’occurrence ? De la peur viscérale qu’on éprouve devant les<br />
menaces d ’un assassin par exemple ou bien, plutôt, de cette peurcrainte<br />
liée au sens du devoir moral et qui représente un état<br />
psychologique absolument original, aussi distinct de la peur<br />
ordinaire que du sentiment esthétique ?<br />
Des gesticulations vues de loin semblent dépourvues de tout<br />
sens, jusqu’au moment où nous nous apercevons qu’il s’agissait<br />
d ’une conversation entre sourds-muets. Or nous voyons Dieu<br />
d ’infiniment loin. Nos moyens de connaissance n ’ont aucune<br />
proportion avec son être. Nous sommes incapables de nous<br />
représenter à la fois, en un même acte de connaissance, les divers<br />
éléments du mystère de Dieu. De par sa nature, le christianisme<br />
exige de ses adeptes une foi qui implique dépassement des cadres<br />
conceptuels et lutte contre la tyrannie des langages. Il n ’y a pas<br />
de christianisme sans mystère et sans nuit. Si les théologiens<br />
passent leur temps à expliquer, il n’empêche que tout chrétien, à<br />
certains moments de son existence, se voit affronté à des situations<br />
qui, aux yeux de l’intelligence abandonnée à ses propres lumières,<br />
débouchent sur le désespoir.<br />
Le Dieu des Ecritures est amour et II est tout-puissant.<br />
Néanmoins, des calamités déferlent continuellement sur sa création<br />
: famines, épidémies, séismes... Ceux qui voient là une<br />
contradiction fondamentale ont proposé plusieurs solutions :<br />
l’athéisme pour qui Dieu n ’existe pas, car, s’il existait, ce serait<br />
un être foncièrement pervers ; le déisme des lumières, qui admet<br />
(10) A. DUPRONT, « Formes de la culture de masses : de la doléance politique au<br />
pèlerinage panique (XVIIP-XX' siècle) », dans Niveaux de culture et groupes sociaux. Actes<br />
du colloque réuni du 7 au 9 mai 1966 à l'Ecole normale supérieure. Paris-La Haye, Mouton<br />
& Co, 1967, p. 149-170, par exemple p. 150-151 : « A première vue, les foules de Lourdes<br />
sont ce qu’elles sont, une poussée panique au lieu sacralisé par la présence surnaturelle,<br />
ruée au miracle devenue habitude collective. » Ou encore p. 163-164, où il est question du<br />
« combat traditionnel entre l’ordre stable et quotidien d’Eglise et la vie panique, sacrale,<br />
sans intermédiaires ou le moins possible, du pèlerinage » et du « combat [...] de la liturgie<br />
contre l’anthropologie, pour ne pas dire le folklore, de la spiritualité contre la sacralité. »<br />
— Les relations à l’intérieur de l’Eglise sont présentées ici suivant un schéma qui rappelle<br />
la dialectique hegelienne du maître et de l’esclave.<br />
336
Un christianisme fo n d é sur la peur ?<br />
l’existence de Dieu mais nie la Providence et, enfin, le néomarcionisme.<br />
On sait que Marcion (mort vers 160), un des premiers chrétiens<br />
hétérodoxes, distinguait deux divinités : le Dieu de l’Ancien<br />
Testament, qu’il faut rejeter, parce qu’il est mauvais, et le Dieu<br />
de la bonne nouvelle apportée par le Christ. Marchant sur les<br />
foulées de Marcion, certains chrétiens considèrent volontiers les<br />
éléments terrestres et sévères du christianisme comme autant<br />
d ’organes témoins du stade vétérotestamentaire ou même paganosacral.<br />
Entrés dans le christianisme par accident, ils seraient donc<br />
à éliminer. On rencontre ainsi divers essais d’épuration, les uns<br />
frustes et même grossiers, les autres recourant à des procédés<br />
sophistiqués, mais tous à la poursuite d’un christianisme qui serait<br />
enfin un christianisme chimiquement pur : en fait, un christianisme<br />
aplati, réduit aux dimensions des notions dont la raison humaine<br />
peut faire le tour.<br />
La bonne nouvelle de Jésus-Christ<br />
Si, pour voir un peu clair dans le difficile problème du rapport<br />
entre Dieu et les hommes, nous choisissons d ’écouter ceux qui,<br />
les premiers, ont présenté au monde la bonne nouvelle de<br />
l’Evangile, nous constatons qu’ils parlent de vengeance et de colère<br />
avec au moins autant d ’insistance que les prophètes de l’Ancien<br />
Testament. Un saint Paul ne se gêne aucunement pour enseigner<br />
que « le Seigneur tire vengeance » des péchés (I Thess. IV, 6), que<br />
« la colère de Dieu se révèle du haut du ciel contre toute impiété<br />
et toute injustice des hommes » et que le pécheur impénitent<br />
s’amasse « un trésor de colère » (Rom. I, 18 ; II, 5). Saint Pierre,<br />
commentant les épreuves qui frappent la communauté chrétienne,<br />
n’hésite pas à reprendre à son compte la parole du livre des<br />
Proverbes (XI, 31 grec) : « Si le juste est sauvé à grand’peine,<br />
qu’adviendra-t-il de l’impie et du pécheur (I Pierre IV, 18) ? »<br />
L’Apocalypse, dernier livre du canon néotestamentaire, nous<br />
présente un cavalier nommé « Verbe de Dieu », qui mènera les<br />
païens « avec un sceptre de fer » (Apoc. XIX, 11).<br />
L’homme est un être à la fois créé et aimé. Le langage de la<br />
Bible correspond à une certaine dimension du réel, insoupçonnée<br />
de qui, aujourd’hui encore, continue à se mouvoir dans l’espace<br />
géométrique du siècle des lumières. Le résidu de christianisme<br />
obtenu en biffant tous les textes gênants — et ils sont très<br />
nombreux — sera un christianisme a-sémite, un christianisme<br />
« nouvelle droite » si l’on veut, en tout cas très différent de celui<br />
vécu par l’apôtre Paul.<br />
Dans le monde où nous vivons, souffrance et mort frappent<br />
en fait tous les humains, justes et pécheurs. Saint Paul, qui a<br />
expressément réfléchi sur le problème que pose à la conscience<br />
337
Appendice<br />
chrétienne l’universalité de ces maux, y voit la conséquence de<br />
l’état de rupture dans lequel tous les hommes viennent au monde<br />
depuis que fut commis le premier péché. Les hommes naissent<br />
perturbés, livrés aux déterminismes aveugles de la chair et du<br />
monde, parce qu’ils naissent privés du lien vital avec le Père qui,<br />
le premier, les a appelés à l’existence.<br />
Par pure bonté,' Dieu s’est réconcilié les hommes en envoyant<br />
parmi eux son Fils. Voués « par nature à la colère » (cf. Ephésiens<br />
II, 3), les hommes peuvent devenir fils de Dieu, — à condition,<br />
évidemment, de vivre unis au Christ, mort pour eux et ressuscité :<br />
« Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont<br />
Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos<br />
fautes, nous a fait revivre avec le Christ » (Ephésiens II, 4-5).<br />
Toutefois, si le peuple que le Christ s’est acquis oublie Dieu, il<br />
redevient la proie des déterminismes de la nature, sans espoir<br />
désormais de pouvoir leur échapper, et finit dans la décomposition :<br />
« puisque te voilà tiède, ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma<br />
bouche » (Apocalypse, III, 16). Le Nouveau Testament adresse ces<br />
paroles à une Eglise tombée dans la médiocrité11.<br />
C’est exactement la situation qu’exprime le message de la<br />
Salette. Les châtiments qu’il annonce procèdent non pas de la<br />
présence du Christ, mais de son absence : « Si je veux que mon<br />
Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse... »<br />
(doc. 1, 175, etc.). Interpréter ces paroles comme l’expression d ’un<br />
conflit entre une mère compatissante et un Fils vengeur, c’est<br />
commettre un contresens et les comprendre à rebours. Loin de<br />
vouloir faire écran entre les pécheurs et son Fils pour leur éviter<br />
une présence vengeresse, elle veut, au contraire, leur éviter qu’il<br />
ne les « abandonne », car sa présence est salvifique. Le bras que 1<br />
(11) Le Nouveau Testament veut même dépasser la sévérité de l’Ancien : « Quelqu’un<br />
rejette-t-il la Loi de Moïse ? Impitoyablement il est mis à mort sur la déposition de deux<br />
ou trois témoins (cf. Deutéronome XVII, 6). D ’un châtiment combien plus grave sera jugé<br />
digne, ne pensez-vous pas, celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, tenu pour<br />
profane le sang de l’alliance dans lequel il a été sanctifié, et outragé l’Esprit de la grâce ?<br />
Nous connaissons, en effet, celui qui a dit : A moi la vengeance. C'est moi qui rétribuerai.<br />
Et encore : le Seigneur jugera son peuple. Oh ! chose effroyable que de tomber aux mains<br />
du Dieu vivant ! » (Héb. X, 28-31 ; traduction de la Bible de Jérusalem.) Sur l’homogénéité<br />
du Nouveau Testament par rapport à l’Ancien en ce qui concerne la doctrine du jugement<br />
et sur la spécificité de son apport, voir P. GRELOT, Péché originel et rédemption examinés<br />
à partir de l'épître aux Romains, Tournai-Paris, Desclée, 1973, p. 276 : la « révélation du<br />
Dieu-Père comme Amour rend-elle complètement caduque son ancienne représentation<br />
comme Autorité, Loi et Jugement ? Le « Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui<br />
nous a bénis de toutes bénédictions spirituelles aux cieux dans le Christ » (Ephésiens I, 3),<br />
serait-il différent de celui de l’Ancien Testament ? On reconnaît ici la vieille tentation de<br />
Marcion : opposer l'une à l’autre les deux Lois, — et finalement les deux Dieux dont elles<br />
dépendent. Saint Paul ne raisonne absolument pas de cette façon. [...] La perspective du<br />
«Jour de la Colère » où se révélera le juste Jugement de Dieu » (Rom. 2, 5) reste à<br />
l’horizon du temps de l’Eglise, comme une menace pour ceux qui mépriseraient le don de<br />
grâce ; mais ce qu’il y a de neuf, c’est que les croyants peuvent désormais espérer qu’ils<br />
seront « sauvés de la Colère » (Rom. 5, 9).<br />
338
Un christianisme fo n d é sur la peur ?<br />
Marie veut « retenir » reste, quand même et toujours, le bras qui<br />
sauve.<br />
Il est vrai que, pour les hommes qui le refusent, le Sauveur<br />
devient le Juge. Les récits de seconde main et les commentaires<br />
qui parlent du bras qui « va frapper » ou de « vengeance »<br />
expriment, à leur manière, un des aspects des rapports entre<br />
l’homme et Dieu, aspect attesté dans les Ecritures, qui le présentent<br />
comme la conséquence d ’une négation ou d ’un oubli contre<br />
nature.<br />
Notons enfin que les commentaires de l’apparition interprètent<br />
volontiers l’annonce des maux à la lumière de l’optimisme chrétien.<br />
Ils y voient non pas une prédiction scellée par la fatalité, mais<br />
une invitation à retourner au Sauveur, lancée par Celle qui l’avait<br />
accueilli au nom de son peuple. Le curé de Corps qui, nous l’avons<br />
vu, évoque conjointement vengeance et miséricorde, avait sans<br />
doute présents dans l’esprit ces paroles qu’on peut lire dans le<br />
Nouveau Testament : « Mon fils, ne méprise pas les corrections<br />
du Seigneur », « Ceux que j’aime, je les corrige » (Héb. XII, 5 ;<br />
Apoc. III, 19). Les larmes des mères qui ont perdu leurs enfants<br />
durant l’hiver 1846-1847, ne sont plus des larmes de désespoir, si<br />
elles ont été assumées dans la foi et dans l’espérance.<br />
339
TABLES
REPERTOIRE DES DOCUMENTS<br />
DU DOSSIER CHRONOLOGIQUE<br />
Le présent répertoire énumère tous les documents de la série<br />
chronologique, du n° 127 au n° 530 inclus. Pour les documents<br />
manuscrits qui, dans le corps de l’ouvrage, n ’ont pas fait l’objet<br />
d ’une présentation, il indique, dans la mesure du possible, le lieu<br />
où est conservé l’original (e.g. doc. 131) ou, à défaut, une copie<br />
(e.g. doc. 133bis). Les références aux publications de textes ont<br />
été ajoutées pour d ’évidentes raisons pratiques. Elles n’engagent<br />
pas notre responsabilité en ce qui concerne la valeur des éditions.<br />
Une flèche ? suivie d’une référence signifie qu’à l’endroit<br />
indiqué on trouvera des renseignements complémentaires ou un<br />
extrait du document.<br />
Doc./Ev.<br />
JOUR<br />
PAGE<br />
Mars 1847<br />
Ev.<br />
127.<br />
128.<br />
129.<br />
129 bis.<br />
130.<br />
* 130 bis.<br />
A Avignon, guérison de Sœur Prouvèze.<br />
Apparition de la très-sainte Vierge à deux petits<br />
bergers : brochure contenant des lettres de Mgr<br />
Depéry, évêque de Gap, et de Chabrand, son vicaire<br />
général.<br />
Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : demande des<br />
nouvelles de Maximin. — EG 107. A doc. 148.<br />
Lettre d ’Avignon sur la guérison de Sœur Prouvèze.<br />
— Extrait dans doc. 159, p. 19-20 et GlRAY II,<br />
p. 77-78.<br />
Lettre de Mère Sainte-Thècle à M. Dupont : la<br />
coiffure de la Dame ; renseignements sur Maximin<br />
et Mélanie.<br />
Lettre d’un ecclésiastique à la Voix de la vérité,<br />
publiée dans la numéro du 31 mars : tous les<br />
visiteurs repartent convaincus de l’impossibilité d’une<br />
hallucination ou d’une supercherie (cf. BEZ, p. 208-<br />
209).<br />
Article de la Voix de l'Eglise : une œuvre réparatrice,<br />
demandée par Dieu, a commencé à Tours.<br />
21<br />
23<br />
29<br />
30<br />
30<br />
31<br />
18<br />
18<br />
18<br />
21<br />
Avril 1847<br />
Ev. Guérison de Fanie Lacombe, de Mus, Gard, atteinte<br />
d ’hydropisie depuis neuf mois. (D’après des documents<br />
de 1856, édités dans Notre-Dame de la Salette.<br />
Journal religieux paraissant à Muret, septembre 1860,<br />
p. 118; cf. GlRAY II, p. 301-302). —<br />
130 ter. Mélin à Dupont : remerciements pour des imprimés<br />
contre le blasphème. — Tours SF, B 28. 7<br />
343
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
131. Lettre de Paulin de Puymirol, ancien juge, à Toulouse,<br />
à Mgr de Bruillard : d ’après une lettre qu’il a reçue<br />
de l’évêque, on peut croire à l’apparition. — EG 139- 7<br />
131 bis. Article du Constitutionnel : « M. l’Abbé Desgenettes...<br />
a trouvé des rivaux ». 9 25<br />
132. Article du National p. 2-3 '"p. 26. 10 —<br />
132 bis. Entrefilet de l'Ami de la Religion, t. 133, p. 88.<br />
/" p. 26. 10<br />
133. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : nombreuses<br />
communions à Corps ; Maximin est guéri. 12 26<br />
Ev. Les gendarmes de Corps arrêtent quatre marchands<br />
ambulants. 13 28<br />
133 bis. Lettre de Mélin à un curé : Monseigneur croit<br />
à l’apparition ; Mélanie travaille à l’aiguille en<br />
s’instruisant et Maximin passe ses moments de loisir<br />
à jouer. — Copie : Tours SF, B 28. 13<br />
134. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : la mort des<br />
enfants est significative, de même l’assurance de<br />
Mélanie par rapport au rétablissement de Maximin.<br />
— EG 107. 13<br />
135. Lettre de Houzelot : enquêtes à Grenoble et à Corps. 13 28<br />
136. Autographe de Maximin. /* p. 37 14 —<br />
* 136 bis. Lettre de Houzelot : enquête à Corps. vers 15 36<br />
Ev. A Avignon, guérison de Sœur Saint-Charles. 16 41<br />
137. Lettre de Mgr Depéry, évêque de Gap, à Mgr de<br />
Bruillard : on a publié ses lettres contre son gré. 16 41<br />
138. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard sur la guérison<br />
de Sœur Prouvèze. — EGD 44. — Dans GlRAY II,<br />
p. 78-79. 17<br />
139. Lettre de Mgr Depéry, évêque de Gap, aux journaux.<br />
Dans YUnivers, 27 avril 1847, p. 2d ; dans l'Ami de<br />
la religion, t. 133, p. 246 (27 avril 1847). A p. 42. 20<br />
139 bis. Nouvelle relation de l'apparition miraculeuse... :<br />
brochure éditée à Paris, par Dopter. /" Bibl. C-30a. _<br />
140. Lettre de Mgr Villecourt, évêque de la Rochelle, à<br />
Mélin : il faut maintenir les deux bergers dans<br />
l’humilité. 20 43<br />
141. Lettre de M. Dupont à Mélin : la Salette, le message<br />
de Sœur Marie de Saint-Pierre du Carmel de Tours,<br />
la médaille miraculeuse. — EG 116. — Dans Annales,<br />
mars 1904, p. 226-228. 20<br />
Ev. A Paris, la police saisit chez l’imprimeur Alcan un<br />
récit de l’apparition. ? p. 46. 21 _<br />
142. Lettre de Morel à Giuseppe Frassinetti, prieur de S.<br />
Sabina à Gênes : l’apparition est authentique. — Cf.<br />
G. FRASSINETTI, Apparizione di Maria santissima a<br />
due pas torelli delle Alpi, nouv. éd., Rome 1912,<br />
p. 5. 22<br />
143. Lettre de Gerin à Mélin : en prêchant le chemin de<br />
croix, il a fait dire à la sainte Vierge, sans rien<br />
nommer, « tout ce qu’elle a dit sur la Salette ». —<br />
EG 21. 26<br />
344
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
144. Commentaire de l’Univers sur la lettre Depéry<br />
(doc. 139). L'Univers, p. 2d-3a. A p. 42. 27 _<br />
144 bis. Commentaire de Y Ami de la religion, sur la lettre<br />
Depéry (doc. 139). L’Ami de la religion, t. 133,<br />
p. 246. A p. 42. 27<br />
145. Article du Patriote des Alpes, n° 1694, p. 2-3 : un<br />
plagiat de la Salette en Angleterre. 27 _<br />
145 bis. Lettre de Melin sur les deux guérisons d'Avignon.<br />
Traduction d ’un extrait dans HECHT, p. 34-35. 27 _<br />
* 145 ter. Apparition de Corps, dans \'Etoile du matin,<br />
3îmc année (1847), 2'mc partie, « Trésors de la jeunesse<br />
» (Lyon, Bibliothèque municipale, n ” 356042),<br />
p. 84-85. Contient un extrait de la lettre Depéry à<br />
Nicod (doc. 75). ?<br />
146. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : guérison de<br />
Sœur Saint-Charles ; les deux bergers commencent à<br />
écrire ; Mélin a accompagné à la Salette, encore<br />
encombrée de neige, une mère venue demander la<br />
guérison de son enfant. — EGD 45. — Extraits dans<br />
Annales, décembre 1909, p. 217, et dans BASSETTE,<br />
p. 63. A p. 47, note 12. 29<br />
147. Lettre de Florent Manson à Y Etoile du matin, sur la<br />
guérison de Sœur Saint-Charles. Dans Apparition<br />
miraculeuse de la sainte Vierge à de jeunes bergers...<br />
Lyon 1847, p. 13-21 (PBNR 18). 29 —<br />
Mai 1847<br />
La Salette dans la presse locale. 44<br />
Ev. Poursuites judiciaires. Reprise des pèlerinages. Processions<br />
à Besançon. _ 45<br />
* 148. Relation Maury. ? 48<br />
149. Lettre de Mère Gramagnac, Supérieure du couvent<br />
des Dames du Sacré-Cœur à Avignon, à la Supérieure<br />
générale de son Institut : guérison de Sœur Saint-<br />
Charles et autres guérisons. Copie (autographie) :<br />
EG 123. — Dans BEZ, p. 146-150 ; VlLLECOURT,<br />
p. 171-174 ; cf. GlRAY I, p. 341-343. 1<br />
150. Lettre de Mme Bail-Collonges, d ’Aspres-les-Corps,<br />
Hautes-Alpes, à M. Bail, à Lyon : il y a des pèlerins<br />
venus de loin. — Archives privées. 1<br />
151. Article daté du 1" mai dans le Censeur, journal de<br />
Lyon, n° du 2 mai, p. lab. A p. 44. 1 _<br />
152. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : il demande des<br />
relations sur les guérisons d'Avignon. — EG 122<br />
(dossier Sœur Saint-Charles). — Extrait dans GlRAY I,<br />
p. 341. 2<br />
Le Courrier de l ’Isère, n° 4221, p. 3bc, reproduit la<br />
lettre Depéry aux journaux (doc. 139). 4 _<br />
* 152 bis. Réponse du chanoine Bouvier au Censeur. Dans la<br />
Gazette de Lyon, n" du 16 mai, p. 3bc ; BEZ, p. 202-<br />
207 ; etc. A p. 44-45. ?<br />
345
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev.<br />
153<br />
154.<br />
154 bis.<br />
155.<br />
155 bis.<br />
156.<br />
157.<br />
Ev.<br />
158.<br />
159.<br />
160.<br />
161.<br />
162.<br />
163.<br />
163 bis.<br />
164.<br />
165.<br />
JOUR<br />
Entrefilet du Patriote des Alpes, n° 1698, p. 2-3 :<br />
Mgr Depéry a désavoué sa lettre en faveur de la<br />
Salette. /" p. 45. 6<br />
Article de la Gazette de Flandres et d'Artois,<br />
15' année, n° 129, p. lbc : la police de Lille a saisi<br />
une gravure sur la Salette. /* p. 45. 9<br />
Entrefilet de l'Echo du Nord, n° du 9 mai, p. 2 : la<br />
police a saisi deux opuscules sur la Salette, édités par<br />
le « parti-prêtre ». A p. 45. 9<br />
Entrefilet du Messager du Nord, n° du 9-10-11 mai,<br />
p. 3 : le 7 mai, la police de Lille a saisi des brochures<br />
sur la Salette. 9<br />
Lettre de Mme Reynaud-Collonges, d’Aspres-les-<br />
Corps, Hautes-Alpes, à M. et Mme Bail, à Lyon : la<br />
misère des habitants fait pitié à voir. — Archives<br />
privées, A p. 45, note 9- 10<br />
Lettre de Marie-Félix Déléon, curé de Meyzieux, à<br />
Mélin : le prie de lui envoyer de l’eau de la Salette<br />
par l’intermédiaire de Cartellier, curé de Saint-Joseph<br />
de Grenoble. — EG 142. — Dans Annales, octobre<br />
1904, p. 68-69 (où l’auteur est cependant confondu<br />
avec son frère, C.-J. D.) 11<br />
Dessin : Apparition de la Ste Vierge à 2 enfants de<br />
la Salette. Lithographié par Pégeron, à Grenoble,<br />
pour le compte de M. Larget. — Titre d’après<br />
ADI 10-T-19. — Déclaration au dépôt légal : 13 mai. 13<br />
Au diocèse d’Avignon, guérison de Sœur Saint-<br />
Antoine Granet. 14<br />
Entrefilet du Censeur, journal de Lyon, n° 3861,<br />
p. 3b : d’après les journaux de Lille, la police a opéré<br />
des saisies. A p. 45, 58. 14<br />
Relation Gueydan-Prudhomme. 14<br />
Lettre de Mélin à Dom Orsise Carayon, abbé de la<br />
trappe d’Aiguebelle : « on a descendu plus de vingt<br />
quintaux de pierres de ces lieux vénérés ». — Archives<br />
de l'abbaye d’Aiguebelle, par Grignan, Drôme. 15<br />
Lettre du procureur général auprès de la cour royale<br />
d’Angers au Garde des Sceaux : mise en garde contre<br />
des imprimés. -— PAN BB18 1452 (3821). A p. 58. 15<br />
Lettre de Gerin à Mélin : « Monsieur Bez, votre<br />
ancienne connaissance, accompagné d'un jeune<br />
homme, va en pèlerinage à la Salette ». — EG 21. 16<br />
Relation Bez. 17<br />
Plan géométral du lieu dit Les Baisses, par Valentin,<br />
p. 87. 18<br />
Entrefilet du Patriote des Alpes, p. 3 : reproduction<br />
du doc. 154 bis, suivie d’un commentaire sur « ces<br />
misérables jongleries » dont est victime « la partie<br />
pauvre et crédule de la population » A p.45. 18<br />
Le Courrier de l'Isère, n° 4328, p. 3ab, reproduit le<br />
doc. 152 bis, d’après la Gazette de Lyon. 20<br />
PAGE<br />
49<br />
49<br />
50<br />
346
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
166. Rapport préparé au ministère de la Justice à l’intention<br />
du Garde des Sceaux. 20 57<br />
167. Lettre du procureur général auprès de la cour royale<br />
d’Angers au Garde des Sceaux : il a engagé des<br />
poursuites. — PAN BB18 1452 (3821). 21<br />
168. Lettre du Préfet de police au Garde des Sceaux : il<br />
lui envoie une lithographie vendue à Lyon. — PAN<br />
BB18 1452 (3821). / p. 44, note 2. 22<br />
169. Relation Long. 22 59<br />
Ev. Conversation entre Mélin et le greffier Giraud. 23 63<br />
170. Lettre de F. Long au procureur du roi à Grenoble. 23 63<br />
171. Lettre de Mélin à Bouvier : il le félicite pour sa<br />
réponse au Censeur ; quant à lui, il est tenu à la<br />
réserve. — EG 137. 23<br />
172. Portraits de Maximin et de Mélanie par Jules Guédy. 24 65<br />
172 bis. Lettre de Mélin à M. Dupont : il le remercie pour<br />
une offrande en faveur des deux enfants. — Tours SF.<br />
/" p. 19, note 4. 24<br />
173. Lettre de Joseph Mourier, supérieur du petit séminaire<br />
de Valence,- à l'abbé d’Aiguebelle : il est revenu<br />
convaincu de la Salette, où il a interrogé longuement<br />
les deux bergers. — Archives de l’abbaye d’Aiguebelle,<br />
par Grignan, Drôme. 24<br />
* 174. Une réponse de Maximin. av. 25 66<br />
175. Relation Lambert. 29/30 66<br />
176. Lettre de M. Dupont à Mélin : l’autorité ne montre<br />
guère d'empressement en faveur de l’œuvre réparatrice.<br />
— EG 116. — Dans Annales, juillet 1897,<br />
p. 56-58, puis de nouveau mai 1904, p. 296-298. 30<br />
Ev. Plusieurs milliers de personnes montent en pèlerinage. 31 74<br />
177. Rapport et déclaration sur la guérison de Sœur Saint-<br />
Charles. 31 74<br />
178. Attestation authentifiant la pierre de l’apparition. 31 77<br />
* 179- Les Avertissements du ciel et les fléaux de Dieu...,<br />
par Mathieu. _ 78<br />
180. Numéro vacant, affecté primitivement à la relation<br />
Rostaing.<br />
— _<br />
* 181. Apparition de la sainte Vierge à deux enfants...<br />
Metz, Dembourg et Gangel, dépôt légal : 1847.<br />
Peut-être antérieur au mois de mai. Sera réédité en<br />
1852 : cf. Bibl. C-57. ? —<br />
Juin 1847<br />
Ev. Pèlerinages. 79<br />
182. Lettre de Morel à Mathieu : réponses des enfants ;<br />
pèlerinage du 31 mai. 4 79<br />
183. Lettre du peintre Jules Guédy à Bez : il a trouvé à la<br />
Salette une pierre extraordinaire. — Dans BEZ, p. x-<br />
xi. p. 64. 5<br />
* 184. Pèlerinage à la Salette..., par Bez. ■> 81<br />
347
Répertoire des documents<br />
D o c./E v .<br />
* 184 bis.<br />
185.<br />
Ev.<br />
186.<br />
187.<br />
188.<br />
189.<br />
190.<br />
191.<br />
192.<br />
* 193.<br />
194.<br />
195.<br />
195 bis.<br />
196.<br />
196 bis.<br />
197.<br />
198.<br />
199.<br />
Relevé des notes Lagier. Date incertaine.<br />
JOUR<br />
?<br />
PAGE<br />
88<br />
Lettre de Melin à Mgr de Bruillard : le blé se vend<br />
encore 37 à 37,50 F l’hectolitre ; le lundi de la<br />
Pentecôte et le 31 mai dut mille pèlerins ont fait<br />
l’ascension. — EGD 50. — Extrait dans Annales,<br />
mars 1910, p. 314, et dans BASSETTE, p. 64. 9<br />
Guérison de Sœur Angélique Carbasse. 10 —<br />
Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : il règle la<br />
pension des deux enfants. — EG 107. 10<br />
Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : ses embarras<br />
financiers ; sollicite une aide pour son église, où se<br />
célèbrent « presque habituellement cinq, six, jusqu’à<br />
huit messes par jour ». — EGD 51. — Citée dans<br />
BASSETTE, p. 66. 11<br />
Lettre de Louis Berlioz à Mélin : il viendra à la<br />
Salette avec les enfants de chœur de la cathédrale.<br />
— EG 142. A p. 1 1 7, note 4. 11<br />
Article de la Gazette du Vaucluse sur la guérison de<br />
Sœur Saint-Charles. — Copie de l’article : EG 123.<br />
— Cité dans GlRAY I, p. 345, note 1. 12<br />
Lettre du ministre de la Justice et des Cultes à Mgr<br />
de Bruillard : il lui demande son concours pour<br />
« déjouer de coupables manœuvres ». 12 92<br />
La guérison de Sœur Prouvèze : relation, suivie d’un<br />
certificat du Dt Cade. — EG 123. — Dans Vérité,<br />
p. 115-118, et (en partie) dans GlRAY II, p. 79-80. 13<br />
Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin. 13 93<br />
Réponse de Mgr de Bruillard au ministre de la Justice<br />
et des Cultes. 7 94<br />
Récit en allemand de Hecht. 14 95<br />
Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : on demande<br />
la construction d’un oratoire. 14 96<br />
Jules Guédy, peintre. Copie d'une pierre trouvée sur<br />
la montagne de la Salette... Déclaration au dépôt<br />
légal : 15 juin. Cf. Bibl. C-33, S p. 65. 15<br />
Lettre de M. Dupont à Mélin. — EG 116. — Dans<br />
Annales, juin 1904, p. 341-343. 16<br />
Lettre de Louise Dupont, de la Tour-du-Pin, à<br />
M. Dupont : un grand vicaire de Nancy est revenu<br />
de la Salette croyant convaincu. — Tours SF, B 28. 16<br />
Lettre de Veuve Antoine Grand, à son frère, curé à<br />
Lens-Lestang, Drôme : elle a été guérie par l’eau<br />
de la Salette d'une douleur au cœur. — Copie :<br />
BMGD 11. 18<br />
Entrefilet du Patriote des Alpes, n° 1718, p. 4.<br />
A p. 97. 22<br />
Lettre de Houzelot au charron Giraud, père de<br />
Maximin : il lui envoie des médailles qu’il vient « de<br />
faire de Notre Dame de la Salette avec la S" Face,<br />
tel quelle est dessine' au café Magnan ». — Archives<br />
privées. 25<br />
348
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
200. Article du Patriote des Alpes, et lettre d’un habitant<br />
de la région. 26 97<br />
201. Lettre de Melin à Mgr de Bruillard : nouvelles du<br />
pèlerinage. — EGD 55. — Extraits dans BASSETTE,<br />
p. 70-71. 26<br />
202. Lettre de Gerin à Melin : il est prêt à collaborer à la<br />
formation des deux enfants. — EG 21. — Extraits<br />
dans Annales, novembre 1907, p. 503. 27<br />
203. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin. 28 100<br />
204. Lettre d’Auvergne à Mélin : il a remarqué « des petits<br />
vers rouges dans les épis de blé qui avoisinent<br />
Grenoble ». — EG 99- 28<br />
204 bis. Dessins de Jules Guédy. A p. 64, 65, note, et 262. 30 —<br />
Ev. Aménagement des lieux de l’apparition au cours de<br />
l'été. — 101<br />
Juillet 1847<br />
205. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : ses difficultés<br />
financières ; une jeune fille qui boitait s’est trouvée<br />
soulagée. — EGD 56. — Extraits dans BASSETTE,<br />
p. 71. 1<br />
Ev. Guérison de Sylvie Julien. Interrogatoire Mounier.<br />
Circulaire de l’évêque de Versailles. 2 101<br />
206. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : il demande des<br />
renseignements sur les guérisons rapportées dans BEZ<br />
et conseille au curé de refuser l’hospitalité aux prêtres,<br />
à quelques rares exceptions près. — EG 107. 3<br />
* 207. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : réponse au<br />
doc. 206. ap. 3 102<br />
208. Lettre de Mme (ou Mlle) Berlioz sur une guérison.<br />
— EG 128. 6 _<br />
Ev. Guérison de Paul Reynier (9-10 juillet ou 9 juin ?). 9-10 103<br />
209. Lettre de Maître, archiprêtre de Mens, à Mgr de<br />
Bruillard : « plusieurs protestants ne sont pas éloignés<br />
de croire vrai le langage des pèlerins narrateurs ». —<br />
EG 140. 10<br />
210. Lettre de Maximin à Mgr de Bruillard : remerciements.<br />
— EG 70. 11 _<br />
211. Lettre de Mme (ou Mlle) Berlioz sur une guérison.<br />
— EG 128. 13 _<br />
212. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : qu’il prenne<br />
« des notes exactes sur toutes les guérisons extraordinaires<br />
». — EG 107. 16<br />
213. Nomination de Rousselot et Orcel comme commissaires<br />
délégués. 19 103<br />
214. Lettre d’Auvergne à Mélin : envoyer à Rousselot les<br />
noms des personnes guéries. — EGD entre 58 et 59. 19 _<br />
215. Lettre de Moulin, curé de Saint-Paul-les-Monestier,<br />
à Mgr de Bruillard : il envoie un rapport sur<br />
la guérison de H. Luya, le 17 juin précédent. —<br />
EG 122. 19<br />
349
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
216. Lettre de Mgr Villecoutt, évêque de la Rochelle, à<br />
Melin : il annonce son arrivée à Corps. — EG 93. 19 _<br />
217. Relation Manin. 19 105<br />
Ev. Pèlerinage de Mgr Villecourt. 21 106<br />
218. Numéro vacant, affecté primitivement au doc. 232 bis<br />
(lettre Maurel). 21 _<br />
219. Notes de Manin sur le pèlerinage de Mgr Villecourt.<br />
— 4 pages, dans le « Registre de paroisse » du<br />
Monestier-d’Ambel (cf. l’introd. au doc. 217).<br />
Extraits copiés par Bossan en 1862 dans Relations,<br />
n° 719-724. 23<br />
220. Lettre de Mélanie à Mgr de Bruillard : remerciements.<br />
— EGD 60. — Dans Annales, novembre 1907,<br />
p. 501. 23<br />
221. Lettre de Maximin à Mgr de Bruillard : remerciements.<br />
— EGD 59- — Dans Annales, novembre<br />
1907, p. 501. 24<br />
221 bis. Lettre de M. Dupont à sa mère : l’évêque de Grenoble<br />
a été guéri par l’eau de la Salette. — Tours SF,<br />
A 15. 26<br />
Ev. Pèlerinage de M. Dupont. 27 107<br />
222. Guérison de Sœur Saint-Antoine Granet : certificat<br />
du Dr Casimir, de Bédarrides, Vaucluse ; lettre et<br />
déclaration de la sœur ; témoignage de Maurel, curé<br />
de Bédarrides. — Dans GlRAY II, p. 82-83 ; cf. aussi<br />
BMGD 12. 24-27<br />
223. Lettre de Mgr Villecourt à Mélin : il veut faire<br />
connaître la Salette. 28 108<br />
Août 1847<br />
224. Attestation de l’avocat J. Chaudon sur la guérison<br />
de Sœur Saint-Charles. — Copie : EG 122. — Extrait<br />
dans GlRAY I, p. 347. 1<br />
224 bis. Certificat du Dr Savy sur la guérison de Sylvie Julien.<br />
— EG 38. — Utilisé dans Vérité, p. 143. 1<br />
225. Lettre de Sœur Pineau à Rousselot : avant de livrer à<br />
la publicité les doc. 177 et 224, attendre que l’autorité<br />
diocésaine d’Avignon ait procédé à des informations<br />
juridiques. — EG 122. 4<br />
226. Lettre de Mgr Villecourt à Chenavas : il demande<br />
des renseignements. — EG 93. A p. 179. 4 _<br />
227. Lettre de Mme Pignet-Château à Mgr Depéry.<br />
S p . 113. _ _<br />
227 bis. Lettre signée Fernex, à un chanoine : sur le pèlerinage<br />
de Mgr Villecourt. Dans la Voix de l'Eglise, 1" septembre<br />
1847, p. 90. 4<br />
228. Relation Marmonnier. 5 109<br />
229. Lettre de Mgr Villecourt à Michon : il demande des<br />
renseignements. — EG 93. — Extraits dans Annales,<br />
septembre 1907, p. 441-442. 6<br />
350
Répertoire des documents<br />
Doc. / Ev.<br />
229 bis.<br />
*230.<br />
230 bis.<br />
231.<br />
231 bis.<br />
232.<br />
232 bis.<br />
233.<br />
234.<br />
235.<br />
Ev.<br />
236.<br />
237.<br />
238.<br />
239.<br />
240.<br />
Ev.<br />
241.<br />
242.<br />
JOUR PAGE<br />
Lettre d ’Isidore Mounier, curé de Saint-Sorlin-de-<br />
Vienne, à Mgr de Bruillard, sur la guérison de Sylvie<br />
Julien. — EG 38. — Citée dans Vérité, p. 144.<br />
6<br />
Lettre de Mgr Villecourt à Mgr de Bruillard : il est<br />
revenu de la Salette convaincu. — EG 93. — Dans<br />
Annales, septembre 1907, p. 440. vers 6<br />
Lettre de J.B. Castese, prêtre à Chiavari, diocèse de<br />
Gênes, à Mgr des Bruillard : une brochure sur la<br />
Salette a été imprimée à Gênes fin juillet. — EGD 61.<br />
— Extrait dans BASSETTE, p. 74. 7<br />
Lettre de M. Dupont à un ami. 9 110<br />
Lettre de M. Dupont à Le Pailleur. 9 110<br />
Lettre de Mgr de Bruillard à un prêtre de Gênes : sa<br />
conviction est proche de la certitude. — Dans G.<br />
FRASSINETTI, Apparizione di Maria santissima a due<br />
pastorelli delle Alpi. Roma, tip. Vaticana, 1912,<br />
p. 17. 11<br />
Lettre de Maurel, curé de Lincel, diocèse de Digne,<br />
à Mounier, curé de Saint-Sorlin-de-Vienne, sur la<br />
guérison de Sylvie Julien. — EG 38. — Extrait de la<br />
lettre dans Vérité, p. 143-144, où Rousselot la date<br />
par erreur du 21 juillet précédent. 11<br />
Lettre du curé Perrin à Mgr Villecourt sur des<br />
guérisons. — Dans VILLECOURT, p. 149-152. 12 _<br />
Lettre de Mgr Cart, évêque de Nîmes, à Mgr de<br />
Bruillard : concerne Lambert et sa relation. 13 112<br />
Lettre de Mgr Depéry à V Univers : il proteste contre<br />
la publicité faite à son nom. 14 112<br />
A Saint-Félicien, Ardèche, guérison de Mélanie<br />
Gamon. 15 113<br />
Lettre de M. Dupont au capitaine de frégate Le<br />
Bobinée : son pèlerinage à la Salette. — Dans Vie<br />
de M.D. I, p. 164-166. 16<br />
Lettre de Latta, aumônier à Pradines, Loire, à Mgr<br />
Villecourt : ses impressions de pèlerinage. — Dans<br />
Villecourt, p. 153-158. 16<br />
Lettre de Michon à Mgr Villecourt : son pèlerinage à<br />
la Salette. — Dans VILLECOURT, p. 159-165. 18 _<br />
Lettre de Châtelain, curé de Sainte-Foy-les-Lyon,<br />
Rhône, à Mgr Villecourt : il rapporte le récit de deux<br />
pèlerins. — Extrait dans VILLECOURT, p. 166-168. 19<br />
Lettre du Dr Gaston Michel, de Roquemaure, Gard,<br />
à Granet, curé de Lens-Lestang, Drôme, sur la<br />
guérison de Soeur Saint-Antoine Granet. — Copie :<br />
BMGD 14. — Extrait dans GlRAY II, p. 85-86. 20<br />
Enquête de Rousselot et Orcel à Gap, Corps et la<br />
Salette. 25-26 117<br />
Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : il a appris que<br />
les enfants se contredisent ; la permission de célébrer<br />
la messe à la Salette n ’est pas une décision doctrinale. 28 118<br />
Lettre de Mgr Villecourt à Mgr de Bruillard : sa<br />
relation est achevée. — EGD 62. — Extrait dans<br />
Annales, septembre 1907, p. 441. A p. 158. 30<br />
351
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
243. Lettre de Melin à Mgr de Bruillard : prendre des<br />
précautions avec la municipalité de la Salette-Faliavaux.<br />
31 118<br />
244. Lettre de Day à Mgr de Bruillard : il a voulu « éclaircir<br />
davantage le fait ». 31 119<br />
245. Lettre de Girin à Mgr de Bruillard : « j’ai parfois<br />
objecté pour m’éclairer ». 31 120<br />
Septembre 1847<br />
Ev. Attitude des enfants. — A la Salette, guérison de<br />
Véronique Audoyer. 1 120<br />
246. Lettre de M. Dupont à Mélin : l’affaire de Langres<br />
est terminée. — EG 116. — Dans Annales, juin<br />
1904, p. 344-345. 1<br />
247. Lettre de Bech, patron de Victorine Sauvet, au père<br />
de celle-ci : concerne la cécité de Victorine. —<br />
EG 122. A p. 145, note 3. 1<br />
247 bis. Lettre de M. Dupont à Mélin : il annonce le<br />
pèlerinage de deux Pères de Sainte-Croix. — EG 116.<br />
— Cf. Annales, juin 1904, p. 346. 2<br />
248. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : il le consulte<br />
sur une difficulté. 3 120<br />
249. Lettre d ’Elysée Reynaud, d ’Aspres-les-Corps, Hautes-<br />
Alpes, à sa tante, Mme Bail, à Villeurbanne, Rhône :<br />
l’évêque « a enfin donné l’ordre à MR le curé de<br />
Corps de solenniser ce jour » (/. e. le 19 septembre).<br />
— Archives privées. 3<br />
Ev. Maximin parle de son secret. A doc. 314 et 343. vers 4<br />
250. Lettre du maire Peytard à Mgr de Bruillard : la<br />
commune est prête à construire la chapelle. —<br />
EG 112. — Dans Annales, mars 1913, p. 311-312.<br />
21 p. 121. 4<br />
250 bis. Lettre de Morel à Mathieu : les enquêteurs ont<br />
« conclu au miracle ». — Dans la Voix de l'Eglise,<br />
1" octobre 1847, p. 127-128. A p. 158. 4<br />
251. Guérison de Soeur Angélique Carbasse : lettre d ’Aldéguier,<br />
vicaire général à Perpignan, et relation. —<br />
Dans Vérité, p. 123-126 ; GlRAY II, p. 89-91 ; cf.<br />
aussi VlLLECOURT, p. 175-178. 4<br />
251 bis. Lettre de Mélin à M. Dupont : le travail des enquêteurs<br />
a été fructueux ; le jour anniversaire, il y aura<br />
un grand pèlerinage. — Tours SF, B 28. 5<br />
252. Lettre de Mgr de Bruillard à Mgr Villecourt : il<br />
approuve la publication préparée par ce dernier. —<br />
Dans Villecourt, p. 169-170. a p. 158. 5<br />
253. Annotations de Mgr de Bruillard sur la lettre Peytard. ap. 4 12 i<br />
Ev. La fête de la Nativité à la Salette. 8 122<br />
254. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : réponse à une<br />
difficulté. 8 122<br />
352
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
255. Début de la première lettre de Marie Des Brûlais à<br />
une amie : description d’un spectacle touchant. 9 124<br />
255 bis. Journal de Marie Des Brûlais : conversation avec le<br />
guide ; description des lieux ; rencontre avec Maximin.<br />
— Dans Echo, p. 8-20. 9<br />
256. Lettre de Marie Des Brûlais à un ecclésiastique : elle<br />
se sent guérie. — Dans Echo, p. 98. 9-10 _<br />
256 bis. Journal de Marie Des Brûlais : interrogatoire de<br />
Mélanie. 10 125<br />
257. Lettre de Mgr Villecourt à Mélin : il a hâte de publier<br />
son récit. 10 126<br />
258. Suite de la première lettre de Marie Des Brûlais à<br />
une amie (doc. 255). — Dans Echo, p. 97. 10 _<br />
258 bis. Lettre de Mélin à M. Dupont : Le Mans, Nantes,<br />
Paris ont déjà envoyé des pèlerins. — Tours SF, B 28. 10 _<br />
259. Lettre de Mgr Parisis, évêque de Langres, à Mgr de<br />
Bruillard : mise en garde au sujet de l’archiconfrérie<br />
réparatrice. 11 126<br />
260. Lettre de Mme Bouasse née Lebel, 26, rue de la<br />
Harpe, Paris, à Mgr de Bruillard : se dit l’unique<br />
dépositaire du signe de l’archiconfrérie réparatrice.<br />
— EGD 68. 21 p. 129. 11<br />
261. Lettre d ’Auvergne à Mélin : il lui demande d’envoyer<br />
la relation Pra. — EG 99- 11<br />
262. Lettre de Marie Des Brûlais à un ecclésiastique. —<br />
Dans Echo, p. 99-100. 11 _<br />
262 bis. Journal de Marie Des Brûlais : entretien avec Mélanie. 12 129<br />
263. Lettre de Rousselot à Mélin : il lui demande des<br />
documents et lui conseille de prendre des notes le<br />
prochain 19 septembre. — EG 122 (dossier Marie<br />
Laurent). 12<br />
264. Lettre de la baronne de M. à Mgr Villecourt : l’eau<br />
de la Salette continue à faire des merveilles. — Dans<br />
Villecourt, p. 182-183. 12<br />
264 bis. Journal de Marie Des Brûlais : entretien avec Maximin,<br />
nouvel interrogatoire de Mélanie. 13 130<br />
265. Lettre du maire Peytard à Mgr de Bruillard : réclamation<br />
au sujet de la pierre de l’apparition. 13 131<br />
266. Guérison de Marie Laurent : certificat du Dr Calvat.<br />
— EG 122. — Dans GlRAY II, p. 68-69. 21 p. 220. 13 _<br />
266 bis. Journal de Marie Des Brûlais : interrogatoire de<br />
Maximin. 14 132<br />
267. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : il lui demande<br />
d ’accéder aux désirs du maire Peytard au sujet de la<br />
pierre et lui transmet le modèle de croix envoyé par<br />
Mme Bouasse. — EG 100. 14<br />
268. Lettre de M. Dupont à Mélin : il transmet des dons.<br />
— EG 116. — Dans Annales, août 1904, p. 16-18. 14<br />
* 269. Lettre de Mme Bouasse à un curé (Mélin ?) avec une<br />
note de recommandation de la main de Mgr Parisis.<br />
— EG 139. vers 14<br />
353
Répertoire des documents<br />
Doc./Hv. JOUR PAGE<br />
Septembre 1847 (suite)<br />
270. Journal de Marie Des Brûlais : réponses de Maximin à<br />
un jeune homme.— Dans&^o, p. 73-74. A p. 133,<br />
note 1. 15<br />
271. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : il ne craint pas<br />
les menaces du maire Peytard. 15 132<br />
271 bis. Lettre de Bech au père de Victorine Sauvet. —<br />
EG 122. A p. 145, note 2. 15<br />
272. Lettere de Mgr Villecourt à Mgr de Bruillard : il lui<br />
soumet le manuscrit de son livre. — EG 93- 15<br />
272 bis. Journal de Marie Des Brûlais : réponses de Maximin. 16 133<br />
273. Début d ’une lettre de Marie Des Brûlais à un<br />
ecclésiastique : à la Salette on respire la paix. —<br />
Dans Echo, p. 100-101. 16<br />
274. Début d ’une lettre de Marie Des Brûlais à une amie :<br />
les effets bienfaisants de l’eau de la Salette. — Dans<br />
Echo, p. 103-104. 16<br />
Ev. Les pèlerins affluent. 17 134<br />
274 bis. Journal de Marie Des Brûlais : interrogatoires de<br />
Maximin et de Mélanie. 17 134<br />
275. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin. — EG 100. —<br />
Extrait dans Annales, mars 1912, p. 309. A p. 136. 17 _<br />
276. Convocation adressée à Mélin par le juge de paix de<br />
Corps, « pour répondre à la réclamation de M. le<br />
Maire de la Salette-Fallavaux ». — EG 100. — Dans<br />
Annales, mars 1912, p. 309. 17<br />
277. Suite de la lettre de Marie Des Brûlais à un<br />
ecclésiastique (doc. 273) : les pèlerins viennent de<br />
loin. — Dans Echo, p. 101-102. 17<br />
Ev. La veille de l’anniversaire. 18 134<br />
278. Suite de la lettre de Marie Des Brûlais à une amie<br />
(doc. 274) : sermon entendu à Corps. 18 135<br />
279. Lettre de Mélin à Mgt de Bruillard : Corps est<br />
encombré de pèlerins. 18 136<br />
279 bis. Journal de Marie Des Brûlais : notes d ’interrogatoire,<br />
portrait des enfants, la toilette de la sainte Vierge. 18 136<br />
280. Suite de la lettre de Marie Des Brûlais à un<br />
ecclésiastique (doc. 277) : elle a pu jeûner sans<br />
éprouver de fatigue réelle. — Dans Echo, p. 102-<br />
103. 18<br />
Ev. La célébration du premier anniversaire. — Guérisons<br />
à Morlaix, Finistère. 19 137<br />
281. Lettre de M. Dupont à Mélin : considérations pieuses<br />
et nouvelles sur une souscription. — EG 116. —<br />
Dans Annales, octobre 1904, p. 84-85. 19<br />
281 bis. Journal de Marie Des Brûlais : réponses de Mélanie ;<br />
le caractère des deux enfants. — Dans Echo, p. 87-<br />
88, 92-94. A p. 138. 19<br />
Ev. A Blois, guérison de Joséphine Leblais. 19-20 139<br />
* 282. Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : la célébration<br />
de l’anniversaire. ap. 19 139<br />
354
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
Ev. Un ancien militaire à la Salette. 21 141<br />
283. Article du Patriote des Alpes, n° 1757, p. 2-3 :<br />
« Affaire mystérieuse. Apparition du diable et scènes<br />
nocturnes » (à Lyon), A p. 143. 21<br />
284. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : la célébration<br />
de l’anniversaire. — EG 112. A p. 142. 21<br />
285. Lettre du Maire Peytard à Mgr de Bruillard : réclamation<br />
au sujet de la pierre. — EG 100. — Extraits<br />
dans Annales, avril 1912, p. 335, 336. ? p. 149. 21<br />
286. Lettre de Dombey à Auvergne : son pèlerinage avec<br />
M. Dupont. 21 142<br />
287. Lettre de Marie Des Brûlais à un ecclésiastique : la<br />
célébration de l’anniversaire sur la montagne. —<br />
Dans Echo, p. 109-112. 22<br />
288. Lettre du préfet de l’Isère à Mgr de Bruillard :<br />
l’autorité religieuse aurait dû informer l’administration<br />
au sujet de la célébration. 23 142<br />
288 bis. Lettre de Mgr Villecourt à un ecclésiastique : « il<br />
suffit de les voir [». e. les enfants] pour être convaincu<br />
de leur témoignage ». — Dans la Voix de l'Eglise,<br />
1" novembre 1847, p. 154-155. 24<br />
289. Lettre de Gerin à Duffriche-Desgenettes : la célébration<br />
de l’anniversaire sur la montagne. — Dans<br />
Villecourt, p. 188-194. a p. 137. 24<br />
* 290. Réponse de Mgr de Bruillard au préfet de l'Isère. ap. 23 144<br />
Ev. A la Salette, guérison de Victorine Sauvet. 25 144<br />
291. « Procès-verbal [de la guérison de Victorine Sauvet]<br />
fait sur les lieux [...]. Fait à quatre copies » :<br />
déclaration de Victorine S., recueillie par le curé<br />
Perrin. — EG 122. — Liste des signataires dans<br />
Vérité, p. 140-141. A p. 144, note 1. 25<br />
292. Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : la guérison<br />
de Victorine Sauvet. — EG 122. 25 _<br />
293. Lettre du Cardinal de Bonald à Mgr Bouvier, évêque<br />
du Mans : il n ’a pu obtenir rien de bien clair. 25 146<br />
294. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : la pierre de<br />
l’apparition. 26 149<br />
294 bis. Numéro vacant. A p. 270, note 1. — —<br />
295. Déclaration de Victorine Sauvet sur sa guérison. —<br />
Copie : BMGD 15. — Dans VILLECOURT, p. 178-<br />
181. 27<br />
296. Attestation de Pra. 28 149<br />
297. Attestation de Selme. 28 151<br />
297 bis. Lettre de Mélin à M. Dupont : la célébration de<br />
l ’anniversaire sur la montagne. — Tours SF, B 28. 28 _<br />
298. Lettre de l’abbé Boissieux sur son pèlerinage. —<br />
Dans Voix de l'Eglise, 1“ novembre 1847, p. 155-<br />
156. A p. 135. 28<br />
299. J.G ., rédacteur de VEtoile du matin, à Lyon :<br />
déposition de Marguerite Jacquy sut sa guérison ; le<br />
pèlerinage du 26 septembre en action de grâces pour<br />
la guérison de Victorine Sauvet, d ’après un frère du<br />
Sacré Cœur. — Dans Apparition miraculeuse de la<br />
355
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
sainte Vierge à de jeunes bergers près de la Salette...,<br />
Lyon, bureau de YEtoile du matin, 1837, p. 32-35<br />
(PBNR 18). 28<br />
300. Guérison de Victorine Sauvet : procès-verbal par<br />
Carron, curé de Lalley ; attestation de plusieurs<br />
habitants de Lalley ; lettre de Tabardel, curé de<br />
Cordéac. — EG 122. 30<br />
301. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : le curé de Corps<br />
a la confiance de son évêque. — EG 107. 30<br />
302. Lettre de Marie des Brûlais à Mélin : remerciements<br />
pour l’accueil. — EG 116. 30 —<br />
Octobre 1847<br />
303. La Voix de l ’Eglise, 1“ octobre 1847, p. 128 : la<br />
célébration de l'anniversaire sur la montagne. 1<br />
304. Lettre de Louis Clappier, de Solliès-Pont, Var, au<br />
curé Perrin : Bech, homme « à principes religieux<br />
bien sincères », et le Dr Gués doutent de la cécité<br />
de Victorine Sauvet.— EG 122. 1-2<br />
Ev. Arrivée à la Salette d ’un prêtre auxiliaire. 2 153<br />
305. Lettre du maire Peytard à Mgr Villecourt : les<br />
interrogatoires du 20 septembre 1846. 2 154<br />
306. Attestation de la cécité de Victorine Sauvet par des<br />
habitants de Lalley. — EG 122. 2<br />
307. Lettre de M. Dupont à Mélin : Satan fait des<br />
efforts pour détruire l’œuvre contre le blasphème. —<br />
EG 116. — Dans Annales, octobre 1904, p. 87.<br />
A p. 181. 7<br />
307 bis. Lettre de Maître, curé de Mens, à Mgr de Bruillard :<br />
la guérison de Victorine Sauvet est miraculeuse. —<br />
EG 122. 8<br />
308. Attestation de Terrasson, curé de Forcalquier, diocèse<br />
de Digne, sur la guérison de Paul Reynier. — EG 38. 9<br />
* 308 bis. Anecdotes sur Maximin. ? 156<br />
309. Nouveau récit de l ’apparition, par Mgr Villecourt. 15 158<br />
310. Rapport de Rousselot à Mgr de Bruillard. 15 163<br />
311. Lettre de Mélin à Mgr Villecourt : réponses à ses<br />
questions. 17 179<br />
311 bis. Lettre de Mélin à M. Dupont : l’apparition est « toute<br />
populaire ». 19 181<br />
312. Lettre de Joachim Font, capucin, à Rousselot, sur la<br />
guérison de Sœur Saint-Charles et de Sœur Darmane<br />
(?). — EG 122. — Extrait dans GlRAY I, p. 348. 19<br />
313. Lettre du Dr Gués à Carron, curé de Lalley, sur<br />
Victorine Sauvet. — EG 122. A p. 145, note 2. 19<br />
314. Notes de l’ingénieur Dausse sur Maximin et Mélanie. 20 182<br />
* 315. Brouillon de lettre de l'ingénieur Dausse à Maximin.<br />
— BMGD 23. A p. 138, note 5. vers 21<br />
*316. Lettre de Bech à Carron, curé de Lalley. — EG 122.<br />
— A p. 145, note 2. vers 21 —<br />
356
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
317. Guérison de Mélanie Gamon : relation de la guérison<br />
par Fustier, curé de Saint-Félicien, Ardèche, et<br />
certificat du Dr Fargier-Lagrange. — Dans GlRAY I,<br />
p. 376-379. 23<br />
318. Lettre de Dubost, de Marseille, à Carton, curé de<br />
Lalley : le Dr Spitz a changé d’opinion au sujet de<br />
la maladie de Victorine Sauvet. — EG 122. Cf.<br />
Vérité, p. 136-137. 26<br />
319- Relation de plusieurs guérisons, par le curé Perrin.<br />
— EG 134. 16 et 27 _<br />
320. Lettre de l’abbé Louis Berlioz à Mélin : projets au<br />
sujet de Maximin. 28 183<br />
321. Lettre de M. Dupont à Mélin : il transmet la relation<br />
d’un fait extraordinaire (guérison de J. Leblais ?) ;<br />
au Mans, il a vu Mlle Moreau, guérie en mai. —<br />
Dans Annales, décembre 1904, p. 143-144. 28<br />
Ev. Célébration de la dernière messe de la saison sur la<br />
montagne. 29 183<br />
322. Lettre de Mme Bayer, tante de M. Bech, à Victorine<br />
Sauvet. — EG 122. — Citée dans Vérité, p. 137. 31 —<br />
Novembre 1847<br />
322 bis. La Voix de l'Eglise, 1" novembre 1847, p. 155-158 :<br />
« Anniversaire de l’apparition » (doc. 298, etc.). 1<br />
323. Lettre de Dumanoir à Maximin : qu'il se corrige de<br />
son étourderie. — EG 70. — Extrait dans Annales,<br />
juin 1907, p. 328, note 1. 2<br />
324. Lettre de Carron, curé de Lalley, à Mgr de Bruillard :<br />
concerne Victorine Sauvet. — EG 122. é p. 228,<br />
note 1. 2<br />
325. Attestations de la cécité de Victorine Sauvet, 20<br />
octobre-4 novembre 1847. — EG 122 (dossier Victorine<br />
Sauvet, n° 5-10).<br />
326. Lettre de Gerin à Mélin : la veille, en annonçant les<br />
Conférences, Mgr de Bruillard a pour la première<br />
fois parlé officiellement de la Salette. — EG 21. 4<br />
327. Lettre de convocation adressée aux curés de Grenoble. 4 184<br />
328. Lettre de Canon, curé de Saint-Paul-Trois-Châteaux,<br />
diocèse de Valence, sur la guérison de Marie Bernard.<br />
— Citée dans le doc. 310, p. 26. 5<br />
Ev. Les Conférences à l’évêché. — 185<br />
329. Lettre de Rose Reyssé, de Marseille, à son père :<br />
concerne Victorine Sauvet. — EG 122. 5 _<br />
330. Allocution de Mgr de Bruillard et règlement des<br />
Conférences. 8 187<br />
331. Lettre de Rousselot à Mélin : il rapporte des<br />
objections. 8 189<br />
* 332. Procès-verbal de la première Conférence. 8 ? 190<br />
* 333. Annotations du vicaire général Berthier à la relation<br />
Guillaud. ? 191<br />
357
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
333 bis. Lettre de Soeur Marie de Saint-Pierre à sa prieure,<br />
p . 194. 8<br />
334. Note de M. Dupont : paroles de Sœur Marie de<br />
Saint-Pierre. — Tours C. ? p. 195. 8<br />
334 bis. Lettre de M. Dupont à Mélin : paroles de Sœur<br />
Marie de Saint-Pierre ; Satan cherche à embrouiller<br />
l’affaire de Langres-Tours. 9 193<br />
334 ter. Lettre de Sœur Mayet, Supérieure des Sœurs de la<br />
Charité, à Clichy, à une religieuse de la même<br />
Congrégation, à Paris : la maladie et la guérison de<br />
Jeanne Laurent. — Copie : EG 120. — Dans V érité,<br />
p. 149-151. é p . 267, note 2. 9<br />
335. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : il lui demande<br />
d ’amener Maximin et Mélanie à Grenoble. 11 195<br />
336. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : quand on verra<br />
les enfants, les soupçons de fourberie tomberont<br />
d'eux-mêmes. — EG 107. 13<br />
337. Lettre du secrétaire de l’administration de N.D. de<br />
la Garde, à Marseille, à Carron, curé de Lalley :<br />
concerne les déclarations de Victorine Sauvet. —<br />
EG 122. p. 146. 13<br />
Ev. Présence à Grenoble de Mélin et des deux enfants. 15 196<br />
* 338. Procès-verbal de la deuxième Conférence. 15 ? 196<br />
* 339. Procès-verbal de la troisième Conférence. 16 ? 199<br />
340. Lettre du curé Perrin à Auvergne (? ) : il répond à des<br />
difficultés soulevées lors de la première Conférence. 17 201<br />
* 341. Procès-verbal de la quatrième Conférence. 17 ? 203<br />
342. Lettre et attestation de Rambaud, curé d ’Aubenasles-Alpes,<br />
diocèse de Digne, sur la guérison de<br />
Thomas Martin, en mai 1847. — EG 119. 17 et 18<br />
343. Lettre de Repelin à Rousselot : son pèlerinage à la<br />
Salette. 19 206<br />
344. Lettre du curé Perrin (écrite de la main de son frère) :<br />
réclamation au sujet de la pierre. — EG 112. 20<br />
Ev. A Avallon, Yonne, guérison d’Antoinette Bollenat. 21 208<br />
345. Lettre de Lagier à Auvergne : il répond à une<br />
difficulté soulevée lors de la première Conférence. 22 208<br />
* 346. Allocution de Mgr de Bruillard, lue lors de la<br />
cinquième Conférence. 22 209<br />
* 347. Procès-verbal de la cinquième Conférence. 22 ? 211<br />
348. Attestation du Dr Savy sur la guérison de Louise<br />
Almaric, de Saint-Michel, Alpes-de-Haute-Provence,<br />
atteinte de chlorose, guérie à la Salette fin juin 1847.<br />
— EG 119 ; cf. G ir a y II, p. 302. 23<br />
349. Lettre de Mgr Guibert, évêque de Viviers, à Mgr de<br />
Bruillard : il répond à une consultation. 23 214<br />
350. Billet de Mgr de Bruillard à Rousselot. 24 215<br />
351. Louis Veuillot : compte rendu dans Y Univers du livre<br />
de Mgr Villecourt. 26 215<br />
351 bis. Lettre de Mélin à M. Dupont : jusqu’ici les conclusions<br />
du rapporteur ont été admises par la commission.<br />
— Tours SF, B 28. 26<br />
358
Répertoire des documents<br />
Doc. /Ev.<br />
352.<br />
353.<br />
354.<br />
*355.<br />
356.<br />
357.<br />
358.<br />
359.<br />
* 360.<br />
361.<br />
362.<br />
363.<br />
JOUR PAGE<br />
Annotations du curé Perrin aux attestations de Pra<br />
et de Selrae.<br />
27<br />
216<br />
Lettre du curé Perrin à Dumanoir : une inexactitude<br />
dans l’attestation de Pra. 27 217<br />
Article du Siècle, n° 5036, p .l bc, « Les saints et les<br />
miracles de notre temps » : sur un ton mi-sérieux<br />
mi-badin résume l’article paru la veille dans l'Univers. 27<br />
Lettre de Mgr de Bruillard à Mgr Naudo, archevêque<br />
d ’Avignon : il demande une copie de l’enquête et<br />
du mandement que Mgr Naudo avait promis de<br />
préparer sur la guérison de Soeur Saint-Charles. —<br />
Brouillon : EG 122. — Extraits : GlRAY I, p. 349-<br />
350, note 5. av. 29<br />
Entrefilet de la Gazette de France ; l’Univers se laisse<br />
entraîner à des exagérations. 29 218<br />
Article du Conservateur. — Cité dans la Gazette de<br />
France du lendemain 30 novembre, p. 3b.<br />
/" doc. 362. 29<br />
Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : la guérison de<br />
la femme Laurent est connue de tous. 29 219<br />
Procès-verbal de la guérison de Henriette Luya, le<br />
17 juin 1847, par Moulin, curé de Saint-Paui-les-<br />
Monestier. — EG 122. 29<br />
Procès-verbal de la sixième Conférence. 29 ? 220<br />
Déclarations et témoignages concernant Victorine<br />
Sauvet. — EG 122. 29 et 30 _<br />
Entrefilets de Y Univers : réponses à la Gazette et au<br />
Conservateur. 30 221<br />
Lettre de Champeau : la guérison de Mlle Moreau<br />
n ’est pas miraculeuse. — Citée dans doc. 310, p. 26. 30 —<br />
Décembre 1847<br />
364.<br />
365.<br />
366.<br />
367.<br />
368.<br />
368 bis.<br />
369.<br />
Lettre de Mgr Villecourt à Mgr de Bruillard : il<br />
publiera un mandement contre le blasphème et la<br />
profanation du dimanche. — EG 93. 1<br />
Lettres de Terrasson, curé de Forcalquier, diocèse de<br />
Digne, à son évêque et à Rousselot : sur les guérisons<br />
de Paul Reynier, Almaric, Thomas Martin, etc. —<br />
EG 119. ? p. 232, note 1. 1<br />
Article et entrefilet de la Voix de l'Eglise : il n’est<br />
plus permis à un catholique d'élever des doutes sur<br />
la Salette. 1<br />
Lettre de Dupont à Mélin. 2 223<br />
Lettre de Rousselot à Mélin : il insiste pour que<br />
Mélin dresse le procès-verbal de la guérison de Marie<br />
Laurent. — EG 122. — Extraits dans GlRAY I, p. 34-<br />
35. 4<br />
Rapport du Dr Gagniard sur la guérison d'Antoinette<br />
Bollenat. 4 224<br />
Procès-verbal de la septième Conférence. 6 ? 227<br />
359
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
Ev. A Avallon, Yonne, guérison de Pierrette Gagniard. 8 229<br />
370. Lettre pastorale de Monseigneur l'Evêque de Grenoble,<br />
pour l'établissement de l'association réparatrice.<br />
Grenoble, impr. J. Baratier, 12 pages. Minute : EG,<br />
registre des Mandements, p. 134-141. é p. 238,<br />
note 1. 8<br />
371. Lettre de Melin à Mgr de Bruillard : la pierre « est<br />
encore à la cure de Corps, et tant qu’il n ’y aura<br />
pas de chapelle autorisée, elle est aussi bien là<br />
qu’ailleurs ». —• EG 96. 9<br />
372. Lettre du maire Peytard à Rousselot : il répond à des<br />
questions. 9 229<br />
373. Lettre de Simon Cattet à Michon. — EG 9- A p. 148,<br />
note 2. 9<br />
374. Lettre de Mélin à Rousselot. — EG 122 (dossier<br />
Victorine Sauvet). — é p. 228, note 2. 11<br />
*374 bis. Manuscrits Lagier, n° 6 et 7. > 230<br />
* 375. Notes et récits extraits des notes Lagier. ? 230<br />
* 376. Première révision du rapport Rousselot. é p. 164. t 232<br />
* 377. Notes sur la huitième Conférence. 13 ? 235<br />
378. Lettre de Lambert à Rousselot. — EGD 48. 17 —<br />
378 bis. Lettre de Rousselot à Mélin : on parle d ’un miracle<br />
arrivé à Avallon. — Citée dans GlRAY I, p. 195. 18<br />
379. Lettre de Mgr Parisis à Y Univers : il proteste contre<br />
l’agitation autour de l’œuvre réparatrice. 20 237<br />
380. Petit abrégé..., par Sœur Marie de Saint-Pierre.<br />
é p. 193, note 1. 25<br />
381. Lettre de Mélin à M. Dupont, qui vient de perdre sa<br />
fille. — Tours SF, B 28. 26<br />
382. Guérison de Marie Laurent : procès-verbal dressé par<br />
Mélin. — EG 122. — Dans GlRAY II, p. 70-72.<br />
é p. 220, note. 31 —<br />
Janvier 1848<br />
383. « Association réparatrice », dans la Voix de l ’Eglise,<br />
1" janvier 1848, p. 206-207 : protestation contre la<br />
lettre de Mgr Parisis à YUnivers. é doc. 379- 1<br />
384. Lettre de Marie Des Brûlais à Maximin et à Mélanie.<br />
— EG 116. 1<br />
385. Lettre de G. Reynaud, d ’Aspres-les-Corps, à sa<br />
tante : « Monseigneur de Grenoble est sur le point<br />
d ’approuver la dévotion à Notre-Dame de la Salette ».<br />
— Archives privées. 2<br />
386. Lettres de Sœur Marie de Saint-Pierre sur l’archiconfrérie<br />
de Langres : Notre Seigneur veut qu’on obéisse<br />
à l’autorité ecclésiastique, é p. 24-25, notes 14 et<br />
15.<br />
387. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : la « grande œuvre<br />
[...] prend chaque jour un nouvel accroissement ».<br />
EG 107. 5<br />
360
Répertoire des documents<br />
Doc. /Jgv. JOUR PAGE<br />
388'. Billet de Mgr de Bruillard à Cartellier : qu’il fasse<br />
connaître ses difficultés au sujet des enfants. —<br />
BMGC 44. s doc. 389. 8<br />
389. Lettre de Cartellier à Mgr de Bruillard : il a déjà dit<br />
ce qu’il avait à dire. 9 238<br />
390. Billet de Mgr de Bruillard à Cartellier : s’il continue<br />
son système d ’opposition, il est dans une mauvaise<br />
voie. 11 239<br />
391. Lettre de Cartellier à Mgr de Bruillard : il ne fait<br />
point d ’opposition. — EG 88. Brouillon : BMGC 47.<br />
? p. 240. 14<br />
392. Lettre des abbés Perrin à Orcel : mise en garde contre<br />
un soldat qui se prétend guéri miraculeusement. —<br />
EG 9. — Extrait dans GlRAY I, p. 36. ? p. 141. 18<br />
393. Lettre des abbés Perrin à Mgr de Bruillard : guérisons<br />
dans l’archidiocèse de Sens (Louise Boblin, Pierrette<br />
Gagnard) et à Clichy (Jeanne Laurent). — EG 119. 20<br />
Ev. Décès de Marie Court, marâtre de Maximin. 24 240<br />
394. Lettre de Mélin à Rousselot : il a reçu un document<br />
important. — EG 128. 24 _<br />
* 395. Lettre de Mgr de Bruillard au cardinal de Bonald :<br />
réponses aux objections. ? 240<br />
* 396. Une réponse de Maximin. ? 246<br />
* 397. Deuxième révision du Rapport Rousselot. é p. 164. ? —<br />
*398. Projet de jugement doctrinal et de circulaire. ? 246<br />
*399. Relation d’un pèlerinage fait en mai 1847. av. fév. 248<br />
*400. Relation d’un pèlerinage fait en juin 1847. av. fév. 248<br />
*401. Hommage à Marie. Souvenirs intimes d ’un pèlerinage,<br />
par Arbaud. av. fév. 250<br />
Février 1848<br />
Ev. Evénements de février-mars-avril : la révolution de<br />
février et ses suites ; reprise des pèlerinages et<br />
institution de la neuvaine perpétuelle. 265<br />
402. Lettre envoyée à Arbaud de Corps : les enfants<br />
persévèrent dans leurs affirmations et continuent à<br />
garder le secret ; après le 19 septembre, il y a eu des<br />
foules de 1 000 à 1 500 personnes. — Dans ARBAUD,<br />
p. 123-124. 5<br />
* 403. Résumé du Rapport Rousselot, de la main de Dausse.<br />
— BMGD 16. ?<br />
404. Lettre de Mgr Villecourt à Mgr de Bruillard : il<br />
communique le récit d ’une guérison venant de<br />
s’opérer à Autun (guérison de Françoise Dufraigne ?<br />
— EG 134 ; cf. Vérité, p. 228). — EG 93. 12<br />
*405. Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : depuis le<br />
15 février, presque tous les jours des personnes font<br />
l’ascension, malgré plusieurs pieds de .neige ; des<br />
lettres arrivent de la France entière. — Extrait dans<br />
Vérité, p. 235-236. ap. 15<br />
361
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev.<br />
Mars 1848<br />
JOUR<br />
PAGE<br />
Ev.<br />
406.<br />
407.<br />
408.<br />
408 bis.<br />
409.<br />
410.<br />
411.<br />
412.<br />
Voir p. 265. —<br />
Lettre d ’Edward Geo. Kirwan Browne à Mgr de<br />
Bruillard : il a traduit en anglais l’opuscule de Mgr<br />
Villecourt ; le bruit court en Angleterre que l’autorité<br />
épiscopale a rejeté la Salette. — EG 140. 1<br />
Lettre de Mgr de Bruillard au curé Perrin : il approuve<br />
la « neuvaine perpétuelle ». — Citée dans PERRIN,<br />
n° 170. 13<br />
Lettre de Rousset Pomaret, capitaine du génie à<br />
Bayonne, à Rousselot : il rapporte les objections d ’un<br />
pasteur protestant allié à sa famille et envoie une<br />
brochure (Bibl. F-2 ?). — EG 38. 14<br />
Lettre de Pierre Marche, curé à Saint-Dizier, diocèse<br />
de Langres, au curé Perrin : il rapporte une guérison.<br />
Dans GlRAY II, p. 97-100. /" page 127, note 4. 15<br />
Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : il remercie<br />
l’évêque d ’avoir autorisé la célébration de la messe à<br />
la chapelle de la montagne et signale une guérison<br />
arrivée à Arcis-sur-Aube, Aube. — EG 112. — Extrait<br />
dans Annales, avril 1913, p. 331 (sous une date<br />
inexacte). 16<br />
Lettre des frères Perrin à Mgr de Bruillard : la<br />
neuvaine perpétuelle, approuvée par Monseigneur,<br />
vient d ’obtenir une guérison. — EG 112. — Extrait<br />
dans Annales, avril 1913, p. 333. ? p. 127, note 4. 22<br />
Lettre envoyée à Arbaud de Corps : la Salette et les<br />
événements politiques. 28<br />
Lettre de Mélin à M. Dupont : l’ordre n’a pas été<br />
troublé à Corps. — Tours SF, B 28.
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
Mai 1848<br />
Ev.<br />
Début de la confrérie de N.D. Réconciliatrice. —<br />
Retour à la Salette de la pierre de l’apparition. 270<br />
417 bis. Registre de la confrérie de Notre Dame de la Salette.<br />
— Sanctuaire de la Salette, archives. ? p. 270,<br />
note 3. 1<br />
418. Requête adressée à Mgr de Bruillard par le conseil<br />
de fabrique de la paroisse de la Salette : que l'autorité<br />
épiscopale, essentiellement compétente en cette<br />
matière, prenne en considération la réclamation<br />
concernant la pierre de l’apparition. — EG 100. —<br />
Dans Annales, juin 1912, p. 13-15. 3<br />
419- Lettre des frères Perrin à Mgr de Bruillard : la position<br />
de Mélin au sujet de la pierre n ’est pas tenable. —<br />
EG 100. — Dans Annales, juin 1912, p. 11-12. 3<br />
Ev. Première communion de Maximin et de Mélanie. 7 —<br />
420. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : « ce n’est<br />
point là une question de pierre, mais de sordide<br />
centralisation du fait tombé du ciel ». — EG 100.<br />
— Extrait dans Annales, juin 1912, p. 15-16. 8<br />
421. Lettre de Mgr de Bruillard au curé Perrin : le curé<br />
de Corps tient la pierre à la disposition des paroissiens<br />
de la Salette. — EG 100. — Extrait dans Annales,<br />
juin 1912, p. 16. 10<br />
422. Reçu signé par les membres du conseil de fabrique<br />
et du conseil municipal de la Salette : Mélin a rendu<br />
la pierre. — EG 100. — Dans Annales, mars 1899,<br />
p. 300. 12<br />
Ev. Troubles à Paris. Voir p. 270. 15 —<br />
423. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : il a cédé la<br />
pierre, tout en refusant le dédommagement qu’on<br />
lui offrait. — EG 100. — Extrait dans Annales,<br />
juillet 1912, p. 57-58. 19<br />
424. Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : il demande<br />
l ’autorisation de faire à la montagne des célébrations<br />
publiques. 20 271<br />
425. Attestation de l’authenticité de la pierre, par Mélin.<br />
— EG 100. — Extrait dans Annales, juillet 1912,<br />
p. 58. 25<br />
425 bis. Lettre d ’érection de la confrérie de Notre-Dame de<br />
la Salette. A p. 270. 31 —<br />
426.<br />
Juin 1848<br />
Journal de Dupanloup : son pèlerinage à la Salette. 6-9 271<br />
427. Lettre de Dupanloup à Du Boÿs : interrogatoire des<br />
deux enfants. 11 272<br />
363
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
Ev. Passage d’un inspecteur de l’enseignement primaire<br />
à Corps. 14 ? 285<br />
428. Autorisation de Mgr de Bruillard, permettant la<br />
publication du Rapport Rousselot. 15 286<br />
429. Lettre des vicaires capitulaires d ’Avignon à Rousselot :<br />
l’archevêque (décédé le 29 avril) était persuadé du<br />
caractère miraculeux de la guérison de Sœur Saint-<br />
Charles. — EG 122. — Dans GlRAY I, p. 350-351. 23<br />
* 430. Récit de Maximin tiré de Lambert. — Peut-être<br />
antérieur à juin. é p. 67, note 5. ?<br />
Ev. Mgr Affre, archevêque de Paris, est blessé mortellement<br />
d ’une balle. 25 287<br />
431. Patois de Mélanie par Lagier. 25 287<br />
432. Lettre des frères Perrin à Mgr de Bruillard : nouvelles<br />
de guérisons et de pèlerinages. 26 289<br />
433. Lettre de Cari Winderman, professeur à l'université<br />
de Bâle, à Rousselot : il voudrait traduire en allemand<br />
le récit de Rousselot, annoncé dans les journaux. —<br />
EG 122. — Dans Nouveaux documents, p. 100-101. 26 —<br />
Juillet 1848<br />
Ev. Pseudo-apparition au Périer. 290<br />
434. Lettre du curé Perrin à Rousselot : sur « l’apparente<br />
contradiction » signalée par Dupanloup. 6 290<br />
435. Lettre de Rousselot à Cari Winderman : la Vérité est<br />
sous presse. — Note inscrite sur le doc. 433 : EG 122. 11 _<br />
436. Lettre de Mélin à Dupont : les enfants demeurent<br />
calmes au milieu de la tempête. 11 291<br />
437. Lettre des frères Perrin à Rousselot : ils envoient<br />
la copie d'une lettre adressée par une demoiselle<br />
d ’Avallon (Yonne) à une amie d ’Autun, datée<br />
du 11 décembre 1847 et concernant les guérisons<br />
d'Antoinette Bollenat, Pierrette Gagnard et Louise<br />
Boblin. — EG 134 (lettre Perrin et copie de la lettre<br />
d ’Avallon). 12<br />
438. Lettre de Ferrucci, agent ecclésiastique à Rome, à<br />
Auvergne : il a fait lire aux messieurs de la Congrégation<br />
des Rites l'imprimé sur la Salette ; ils estiment<br />
que le livre de Rousselot fera du bien. — EG. 13<br />
*439 Dessin et journal de Marie Bolland : son pèlerinage<br />
du 16 juillet. 16 ? 292<br />
440. Lettre d ’Auvergne à Mélin : questions sur les secrets<br />
et la source. 18 294<br />
441. Lettre de Mélin à Auvergne : réponse aux questions<br />
posées. 19 295<br />
442. Lettre de Terrasson, curé de Forcalquier, diocèse de<br />
Digne, à Rousselot : concerne plusieurs guérisons. —<br />
EG 119. 21<br />
443. Lettre de Rousselot à Mélin : il prépare un abrégé<br />
de son livre. — EG 68. 30<br />
3 64
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
Août 1848<br />
444. Lettre du curé Perrin à Rousselot : les pèlerins<br />
sont moins nombreux, mais beaucoup d'entre eux<br />
participent aux sacrements ; dans la chapelle provisoire,<br />
on a célébré jusqu’à dix messes en un jour. 1<br />
445. Lettre de Rousselot à Mélin : son livre sera disponible<br />
avant le 15. — EG 68. 2 _<br />
446. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard. — EG 137.<br />
A p. 291, note 1. 6 _<br />
447. La Vérité sur l'événement de la Salette, par Rousselot. 6 295<br />
Ev. Bénédiction de la croix du Planeau. 15 299<br />
448. Lettre d ’Auvergne à Mélin : la Vérité a été tirée à<br />
2 000 exemplaires. — EG 99- 16 _<br />
449. Lettre de Rousselot à Pie IX. A p. 303. 18-19 —<br />
450. Lettre de Mgr Depéry, évêque de Gap, à Mgr de<br />
Bruillard : il a reçu le livre de Rousselot. 20 299<br />
451. Lettre d ’un évêque (Mgr Devie, év. de Belley ? —<br />
Cf. doc. 455) à Mgr de Bruillard : il félicite ce dernier<br />
d ’avoir approuvé le livre de Rousselot. — Extrait<br />
dans Nouveaux documents, p. 96-97. 20<br />
452. « Extrait du plan cadastral parcellaire de la commune<br />
de la Salette et [sic] Fallavaux ». A p. 304-305. 21 _<br />
453. Entrefilet du Patriote des Alpes, n° 1902, p. 3-4 : le<br />
dimanche précédent, on a vendu à Grenoble « les<br />
oraisons et les lettres miraculeuses trouvées àjérusalem<br />
ou au St-Sépulcre, et écrites de la propre main de<br />
Jésus-Christ [...] A voir toutes ces histoires de miracles<br />
de la Salette et d’ailleurs [...] nous en sommes encore<br />
en 1815 ». 22<br />
454. Lettre du bienheureux Eugène de Mazenod, évêque<br />
de Marseille, à Mgr de Bruillard : le remercie de lui<br />
avoir envoyé le livre de Rousselot. — EG 14. —<br />
Extrait dans Nouveaux documents, p. 97-98. 22<br />
455. Lettre d'Auvergne à Mélin : demande des renseignements<br />
; l’évêque de Belley a écrit à Monseigneur. —<br />
EG 99. — Extrait dans GlRAY I, p. 164. A p. 304. 23<br />
456. Lettre de Rousselot à Mélin : lui recommande Mr<br />
Edom, recteur d’académie. — EG 68. 25 _<br />
457. Lettre de Mgr Villecourt, évêque de la Rochelle, à<br />
Mgr de Bruillard : il le remercie de lui avoir envoyé<br />
le livre de Rousselot. — EG 93. — Extrait dans<br />
Vérité, p. 32. A p. 297. 25<br />
458. Lettre de Bez à Rousselot : il félicite l’auteur et fait<br />
une remarque rectificative à propos de son propre<br />
livre. — EG 9. A p. 51. 27 ou 29<br />
459. Lettre de Mgr Chatrousse, évêque de Valence, à<br />
Rousselot : il félicite l’auteur et annonce qu’il a fait<br />
procéder à des enquêtes sur des apparitions qui<br />
auraient eu lieu dans son propre diocèse en mars<br />
1848. — EG 14. — Extrait dans GlRAY I, p. 100.<br />
A p. 290. 31<br />
365
Répertoire des documents<br />
Doc. / Ev.<br />
Septembre 1848<br />
JOUR<br />
PAGE<br />
460.<br />
461.<br />
462.<br />
463.<br />
464.<br />
Ev.<br />
465.<br />
Ev.<br />
466.<br />
Ev.<br />
Ev.<br />
467.<br />
Ev.<br />
* 468.<br />
469.<br />
470.<br />
471.<br />
472.<br />
Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : le service<br />
du pèlerinage entraîne des charges. — EG 112. —<br />
Extraits dans A finales, avril 1913, p. 333-334. 1<br />
Lettre de Mgr Billiet, archevêque de Chambéry, à<br />
Rousselot : il a fait parvenir un exemplaire de son<br />
livre au roi Charles-Albert. — EG 80. 2<br />
Lettre de Mgr Césaire Mathieu, archevêque de Besançon,<br />
à Mgr de Bruillard : il voyait encore des<br />
« nuages sur des points accessoires : mais l’ouvrage de<br />
M. Rousselot les a dissipés ». — EG 122. — Extrait<br />
dans Nouveaux documents, p. 98. é p. 48. 6<br />
Lettre du même à Rousselot : il le félicite pour<br />
son livre.— EG 123. — Extrait dans Nouveaux<br />
documents, p. 98. 6<br />
Lettre de Ferrucci, agent ecclésiastique à Rome, à<br />
Auvergne : il a remis un exemplaire de la Vérité au<br />
Sacriste de Sa Sainteté. — EG. 7<br />
La fête de la Nativité à la Salette. 8<br />
Lettre de Mgr Guibert, évêque de Viviers, à Mgr de<br />
Bruillard : il donne son avis et invite l’évêque de<br />
Grenoble à confier le service du pèlerinage à une<br />
communauté. 8<br />
Pèlerinage de Lemeunier. 10<br />
M.anuel du pèlerin à Notre-Dame de la Salette, par<br />
Rousselot. Grenoble, A. Carus, Baratier frères et fils.<br />
108 pages. Déclaration au dépôt légal : 10 septembre.<br />
é Bibl. H-l. 10<br />
Travaux à la source de l’apparition. vers 15<br />
A Morlaix, Finistère, bénédiction de la première<br />
chapelle construite en l’honneur de Notre-Dame de<br />
la Salette. 18<br />
Attestation de l’authenticité de la pierre de l’apparition,<br />
par Auvergne. — Dans PERRIN, n ' 681, et<br />
Annales, mars 1899, p. 301. /" p. 302. 18<br />
La célébration du deuxième anniversaire de l'apparition.<br />
19<br />
« Dessin de la montagne de la Salette telle qu’on la<br />
voit en se plaçant sur le planeau de cette montagne<br />
au sud. » EG 99- p. 304-306. ?<br />
Lettre de Pie IX à Rousselot. 20<br />
Lettre de Mgr Cart, évêque de Nîmes, à Mgr de<br />
Bruillard : remerciements et voeux. — EG 93. (Peutêtre<br />
de décembre et non de septembre.) 21<br />
Lettre de Ferrucci, agent ecclésiastique à Rome, à<br />
Auvergne : concerne la réponse de Pie IX à Rousselot.<br />
— EG. 21<br />
Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : sur les<br />
fêtes du 8 et du 19 septembre. — EG 112. — A<br />
l’exception de la fin, dans Annales, avril 1913,<br />
p. 334-338. /” p. 302-303. 25<br />
300<br />
300<br />
301<br />
301<br />
301<br />
302<br />
303<br />
366
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
473. Lettre de Mgr Monier de Prilly, évêque de Châlonssur-Marne,<br />
à Mgr de Bruillard : remerciements pour<br />
le livre de Rousselot sur l’apparition, à laquelle il<br />
croit « très fermement ». — EG 93. — Extrait dans<br />
Nouveaux documents, p. 100, et GlRAY I, p. 135. 27<br />
474. Numéro vacant. — —<br />
Octobre 1848<br />
475. Compte-rendu de la Vérité, dans la Gazette de Lyon,<br />
n° du 1" octobre 1848. — Reproduit dans Nouveaux<br />
documents, p. 66-70. 1<br />
476. Lettre de Gerin à Dausse : « Il y a eu cette année à<br />
Notre-Dame de la Salette, à l’époque de l'anniversaire,<br />
un mouvement de quinze mille pèlerins ». —<br />
Dans DAUSSE, p. 124-125. 2<br />
477. Lettre de Mgr Cart, évêque de Nîmes, à Mgr de<br />
Bruillard : remerciements pour le livre de Rousselot.<br />
— EG 93. 6<br />
478. Plan du lieu de l’apparition et portraits des deux<br />
bergers. — Lithographie. 10 304<br />
478 bis. Voix de la vérité : garder la réserve sur l’apparition<br />
tant que l'Eglise ne s’est pas prononcée. — Citée<br />
dans Réponse, p. ii. 14<br />
479. Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : depuis le<br />
19 septembre il y a eu « peu de voyageurs, mais<br />
distingués la plupart par leur rang et leur tendre<br />
piété». — EG 112. — Extrait dans Annales, avril<br />
1913, p. 339. 16<br />
480. Lettre de Rousselot à Mélin : il demande des renseignements<br />
en vue d'une 2îmt édition de la Vérité. —<br />
Citée dans GlRAY I, p. 33-34. 20<br />
481. Entrefilet du Patriote des Alpes, n° 1929, p. 3 : cite<br />
le Peuple souverain, selon qui Mgr de Bruillard<br />
aurait l’intention de démissionner en raison de ses<br />
infirmités. 22<br />
482. Lettre de J.A. Giraud à Rousselot : la « dévotion à<br />
N.D. de la Salette est très-connue à Brighton » en<br />
Angleterre. — EG 127. 24<br />
483. Lettre du curé Perrin à Rousselot : travaux aux lieux<br />
de l’apparition. 29 306<br />
* 484. Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : travaux à<br />
la source de l’apparition. ? 307<br />
Novembre 1848 -<br />
485. Lettre de Desnoyer, vicaire général à Orléans, au<br />
secrétaire de l’évêché de Grenoble : il a entendu<br />
parler d'une nouvelle apparition à l’un des deux<br />
bergers. — EG 122. 6<br />
367
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
486. Office divin de Notre-Dame de la Salette, par<br />
Bouvier. 10 309<br />
Ev. Célébration de la dernière messe de la saison à la<br />
chapelle de la montagne. A Rome, assassinat du<br />
ministre Rossi. 15 309<br />
487. Lettre de Mélin à M. Dupont : il lui envoie des livres<br />
et le portrait des enfants. — Tours SF, B 28. 15 _<br />
Ev. Pie IX s’enfuit de Rome. 24 —<br />
488. Lettre du curé Perrin à Rousselot : il transmet le récit<br />
de la guérison de Mélanie Duvey. — EG 112. 30 —<br />
Ev.<br />
Décembre 1848<br />
Louis-Napoléon est élu président de la République.. 10-11 312<br />
489. Lettre de Mgr Mioland, évêque d ’Amiens, à Rousselot<br />
: la lecture de son livre Ta singulièrement édifié ;<br />
il informe sur une guérison attribuée à N.D. de la<br />
Salette dans son diocèse. — EG 119- 21<br />
490. Lettre d ’Auvergne à Mélin : comptes de librairie. —<br />
EG 99- 28<br />
*491. Pèlerinage à la Salette, canton de Corps (Isère), au<br />
mois de septembre 1848, par Julien Lemeunier.<br />
Séez, impr. J. Valin, 108 pages. — Cf. Bibl. A-7.<br />
S p. 301. ? —<br />
368<br />
492.<br />
Janvier 1849<br />
Lettre du curé Perrin à Tesson, des Missions étrangères<br />
de Paris : déjà plus de 80 guérisons sont venues à sa<br />
connaissance ; la confrérie compte 6 000 inscrits. —<br />
BMGC 22. 2<br />
493. Lettre de Mgr de Bruillard à Bouvier. — Brouillon :<br />
EG 123. p. 309. 8 _<br />
494. Lettre du même à l’imprimeur Baratier. — Brouillon :<br />
EG 123. /" p. 309. 8 _<br />
495. Lettre du curé Perrin à Lemeunier : son registre<br />
contient déjà 90 miracles « bien constatés » ; il<br />
demande à son correspondant de propager la confrérie.<br />
— Dans J. LEMEUNIER, Pèlerinage à la Salette,<br />
3-éd., Séez, J. Valin, 1849, p. 106-107. 20<br />
496. Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : après la<br />
parution du livre de Rousselot, les populations ont<br />
multiplié neuvaines et autres prières ; depuis le 19<br />
septembre, on lui a signalé quinze guérisons, dont<br />
quatre dans la Sarthe ; les personnages les plus<br />
distingués se font inscrire à la « confrérie de Notre<br />
Dame réconciliatrice de la Salette » ; il existe à la<br />
Salette une confrérie de pénitents et pénitentes. —<br />
EG 112. 21
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev.<br />
497.<br />
498.<br />
499.<br />
500.<br />
JOUR<br />
Lettre de Colomb de Gast à Melin : rapporte un ouïdire<br />
sur le secret de Maximin. 24<br />
Lettre de Fouqueré, du Mans, à Melin : la Vierge a<br />
apparu à Cholet à quatre filles de 12 à 14 ans ; elle<br />
annonçait des fléaux et pleurait. — EG 67. 25<br />
Lettre des frères Perrin à Mgr de Bruillard : ils ont<br />
reçu des dons pour la construction de la chapelle. —<br />
EG 112 (les signatures manquent). — Extrait dans<br />
Annales, octobre 1913, p. 153-154. 31<br />
Lettre des frères Perrin à Rousselot : le père Eymard<br />
a annoncé la guérison de Mlle Guillot (cf. GlRAY I,<br />
p. 390-410) ; le portrait des enfants est fidèle ;<br />
Monseigneur n’a pas encore approuvé la confrérie<br />
officiellement. — EG 112. A p. 306. 31<br />
PAGE<br />
312<br />
501.<br />
502.<br />
503.<br />
504.<br />
505.<br />
506.<br />
507.<br />
508.<br />
509.<br />
510.<br />
Ev.<br />
511.<br />
512.<br />
Février 1849<br />
Lettre d ’E. Boujalliat (?) à Mélin : la religieuse de la<br />
Médaille miraculeuse aurait fait le voyage de Paris à<br />
la Salette. 3<br />
Lettre de Louis Veuillot au curé Perrin : il le remercie<br />
de lui avoir envoyé de l’eau de la Salette. — Dans<br />
Annales, mars 1885, p. 343-344. 6<br />
Lettre du Père Joseph Nin, cordelier : la dévotion à<br />
N.D. de la Salette aux Baléares. — EG 67.<br />
Lettre de Mère Gramagnac à Mélin : bruits au sujet<br />
du secret de Maximin. 8<br />
Lettre d ’Auvergne à Mélin : il lui demande s’il<br />
enverra Maximin au séminaire et quand. — EG 99- 9<br />
Lettre de Rousselot à Mélin : il prévoit une 2'm'<br />
édition de son livre avant la fin de l’année. —<br />
EG 68. 10<br />
Lettre de Fouqueré, du Mans, à Mélin : renseignements<br />
sur Louis XVII. — EG 67. A p. 312, note 3. 12<br />
Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : il aurait voulu<br />
parler avec Mélin au sujet des deux enfants. —<br />
EG 107. 13<br />
Rapport du vicaire général Chanveau sur les guérisons<br />
d’Avallon. 20<br />
Lettre d’Edouard Dézobeaux, de Saint-Servan, Illeet-Vilaine,<br />
à M. Dupont : il a été guéri le 23 janvier<br />
précédent après avoir bu de l’eau de la Salette. —<br />
Tours SF, B 28. 22<br />
Décès du père de Maximin. 23<br />
Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : «Je souhaite<br />
que l’essai que vous faites de Maximin pour le latin<br />
soit couronné de succès. C’est une grande charité de<br />
votre part qui vous a fait entreprendre une telle<br />
oeuvre. » — EG 107. 24<br />
Lettre de Marie Des Brûlais à Mélin : elle le remercie<br />
de lui avoir envoyé le portrait des enfants. — EG 116.<br />
A p. 306. 25<br />
313<br />
314<br />
314<br />
369
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
513. Lettre de Melin à M. Dupont : « on crie vers la S"<br />
montagne de toutes les parties de l’Europe » ; il y a<br />
eu des guérisons à Cambrai et dans le Var. — Tours<br />
SF, B 28. 25<br />
514. Lettre de Gerin à Melin : « je n ’entends plus rien<br />
dire de la part des opposants ». — EG 21. 27<br />
515. Prospectus de la Vérité. — EG 68. 28 —<br />
515 bis. Lettre d’E. Boujalliat (?) à Mélin : à Blois on aime<br />
les médailles de la Salette. — Extraits dans Annales,<br />
décembre 1904, p. 144-145. A p. 313. 28 —<br />
Mars 1849<br />
516. Mandement de Mgr Jolly, archevêque de Sens, sur la<br />
guérison d ’Antoinette Bollenat. 4 319<br />
517. Lettre du curé Perrin à Lemeunier : * déjà chaque<br />
jour nous voyons arriver des pèlerins qui viennent de<br />
très-loin ». — Dans J. LEMEUNIER, Pèlerinage à la<br />
Salette en septembre 1848, 8.éd., Plancy, Société de<br />
Saint-Victor, 1851, p. 106-107. 16<br />
518. Lettre d ’E. de Leudeville à Mélin : le secret pourrait<br />
être lié aux destinées de la France. 17 320<br />
519. Lettre de Faivre, curé de la Grand-Combe-des-Bois,<br />
Doubs, à Rousselot (originaire de cette paroisse) : sur<br />
la demande de Mélin, il envoie un don pour<br />
contribuer à l’éducation des enfants. — EG 138. 19<br />
520. Lettre de Rousselot à Mélin : remerciements, etc. —<br />
E 68. 22<br />
521. Lettre de Pernet, à Lavigny, Jura, à Rousselot :<br />
attendre que l’évêque se soit prononcé et éviter toute<br />
exaltation. EG 127. 23<br />
522. Lettre de Rousselot à Mélin : il annonce des dons et<br />
lui demande d ’expédier de l’eau de la Salette et des<br />
livres. — EG 99- 26<br />
523. Lettre de Blanchard à Mélin : rapporte des ouï-dires. 27 321<br />
Avril 1849<br />
Ev. A Verdun, guérison de l’abbé Martin. 1 322<br />
A la Salette, la neige encombre de nouveau les<br />
chemins. 322<br />
524. Compte rendu de la Vérité, dans Y A m i de la religion. 7 322<br />
525. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : prévoir l’acquisition<br />
des lieux de l’apparition. 18 323<br />
526. Lettre de Mgr Devie, évêque de Belley, à Mgr de<br />
Bruillard : « j’ai lu avec un véritable intérêt la<br />
brochure de M. Rousselot ». — EG 173. 20<br />
527. Lettre de Reims, signée « Grand’amy » (pseudonyme),<br />
à Mgr de Bruillard : « les niaiseries de langage, les<br />
gestes, les larmes (...) sont indignes de la divine idée<br />
que nous avons de la très s" Vierge ». — EG 69. 24<br />
370
Répertoire des documents<br />
Doc./Ev. JOUR PAGE<br />
528. Lettre de Verdot, curé de Saint-Maurice de Besançon,<br />
à Rousselot : il lui demande son avis sur deux<br />
opuscules. — EG 129. 26 —<br />
529- Lettre de Melin à M. Dupont : « L’envoi d ’eau et de<br />
quelques petits livres vous sera, sans doute, arrivé<br />
[...]. Vous voilà à même de continuer vos largesses,<br />
et d ’ajouter au chiffre, déjà énorme de 1 800.<br />
[...] J ’applaudis, de toute mon âme, à l’adoration<br />
nocturne ». — Tours SF, B 28. 30<br />
530. Lettre de Rousselot à Mgr Dupanloup : il le remercie<br />
pour le compte rendu paru dans l’Am i de la religion. 30 324<br />
DOSSIER COMPLÉMENTAIRE<br />
I. Apparition de la très r" Vierge... Lithographie,<br />
d'après un dessin par Rostaing. > 12-11-1846 327<br />
II. Relation Rostaing. 20-11-1846 328<br />
371
TABLE DES ILLUSTRATIONS<br />
Lieux de l’apparition, par Dardelet ...................................... couv.<br />
Frontispice du livre de Mgr Villecourt.................................... XVIII<br />
Le village de la Salette, par Maugendre.................................. 17<br />
Calette du Dauphiné. — Notre Dame du Bon Espoir........ 21<br />
Plan de Corps. — Autographe de Maximin.......................... 38<br />
Image éditée par Houzelot. — Illustration de l’imprimé Alcan 46<br />
Mélanie et Maximin, par Jules Guédy. — Illustration de la brochure<br />
imprimée par Prudhomme............................................ 52<br />
Vue du village et des montagnes de la Salette, par Jules Guédy 64<br />
Plan géométral.......................................................................... 87<br />
La Dame assise entre les deux bergers.................................... 210<br />
Pèlerins. — Corps, par Dardelet............................................ 252<br />
Vue du plateau de la Salette et portrait des deux bergers, par<br />
Jules Guédy.............................................................................. 262<br />
Dupanloup. — Maximin et Mélanie...................................... 276<br />
Vue de la petite chapelle de planches, par Marie Bolland. . . 292<br />
Extrait du plan cadastral.......................................................... 305<br />
Plan par Auvergne.................................................................... 310<br />
Plan figurant dans le livre de Rousselot.................................. 311<br />
La Dame conversant avec les enfants, par Ferdinand Rostaing 326<br />
Croix de mariniers.................................................................... 330<br />
«La $te Vierge a dit aux enfants».......................................... 332<br />
373
INDEX<br />
Le « s » signifie page(s) suivante(s). Cependant lorsque le contenu de la page<br />
indiquée explicitement indique lui-m êm e que le thèm e se poursuit, on n 'apas toujours<br />
cru nécessaire de mettre ce signe.<br />
A bgrall, 267.<br />
Ablandens, hameau, XII, 17, 149, 151,<br />
etc.<br />
Affre, archev. de Paris, 287.<br />
AGLOT née Marie Guémard et sa bellefille<br />
Marie, 228.<br />
A lbertin, prof, au grand sém., 157,<br />
176.<br />
A lcan, imprimeur, 37, 46.<br />
Aldéguier, 352.<br />
A llard A., curé de Serres, 206.<br />
Almaric Louise, malade, 101, 177, 358,<br />
359.<br />
Alméras-Latour, 186.<br />
A lphonse d e Lig u o r i, s ., 2 6 9 , 2 7 1 .<br />
Ambel, commune du canton de Corps,<br />
— curé d’, 63 ; guérison à, 49, 95.<br />
A m i de la religionypériodique, 26, 272,<br />
322, 324, 344, 345.<br />
A ndrieux P., VI, 33, 34, 37, 67, 89,<br />
153.<br />
Andriveau, Sœur Apolline, 291.<br />
ANGELINI, lieutenant, 29.<br />
Annales, VII.<br />
Annonciades, Sœurs, 267.<br />
A pparition, VII.<br />
Apparition de la ste Vierge, 347.<br />
Apparitions autres que la S. : voir<br />
Ardouin, Château-Thierry, Cholet,<br />
Lourdes, Médaille mir., Pontmain,<br />
Savigliano, Scapulaire ; — non reconnues<br />
ou rejetées, voir en particulier 11,<br />
23, 81, 243, 290, 312, 321.<br />
A rba ud, VII, 134s, 138, 141, 143,<br />
250-266, 361.<br />
Archiconfrérie réparatrice, voir Langres.<br />
A r d o u in Marie, visionnaire, 109-<br />
A r n a u d , Sœur, 76.<br />
Associations réparatrices, 11, 20s, 126,<br />
181, 183, 193, 223, 237, 347, 362.<br />
Auch, archev. d’, 59-<br />
A udoyer Véronique, malade, 120.<br />
Autorité ecclésiastique et apparitions ou<br />
révélations, 1, 12, 24, 198, 221, 237,<br />
245, 299, 309 ; — et la S., voir Bruillard<br />
(de). Pie IX, Saint-Siège.<br />
A uvergne, pro-secrétaire à l’évêché, 67,<br />
95, 187, 201, 208, 230, 296, 302, 349,<br />
352, 364-366, 368, 369, etc. ; — plan,<br />
304, 310 ; — relation, 95, 327.<br />
Avallon, guérisons à, 208, 229, 267, 314,<br />
360.<br />
Avignon, guérisons à, 345, 346 ; voir<br />
Prouvèze, St-Charles.<br />
Babou, lieu-dit, 153.<br />
Bail-Collonge, 297, 345, 346, 352.<br />
Baisse(s), montagne, 84, 87, 150s, 166,<br />
305.<br />
Baratier, im p rim eu r, 94, 309, 360.<br />
Barral, 78, 135.<br />
Ba rth e, 146.<br />
374
Index<br />
Bassette, VII, 103, 186.<br />
Bayer, 357.<br />
Bayeux, philosophie de, 200.<br />
Beaup L., M.S., 77.<br />
Bech, 144s, 356, 357.<br />
Belley, év. de, 365, 370.<br />
Bellier, 176.<br />
Benoît XIV, pape, l, 158, 198, 200,<br />
317.<br />
Berger, 267.<br />
Bergier, 200, 213.<br />
Berlioz, 349.<br />
Berlioz J.B., 77.<br />
Berlioz Louis, 77, 93, 117, 183.<br />
Berlioz, Soeur, 314.<br />
Bernard Marie, guérie, 177, 357.<br />
Bertenéous, hameau, 89-<br />
Berthier, vicaire gén., 9, 108, 185s,<br />
191, 224, 298.<br />
« Bêtes (les) mangeront » 53, 349, etc.<br />
Bettega V, 65.<br />
Bez, 50, 65, 106, 115, 125, 164, 253,<br />
296, 346, 347 ; — jugements sur, 67,<br />
102, 148, 164, 180 ; — relation, livre,<br />
VII, 50, 81.<br />
Bigillion, 65.<br />
BlLLlET, archev. de Chambéry, 272, 366.<br />
Blanchard J.C., 59, 321.<br />
Blasphème et profanation du dimanche,<br />
53, 69, 359 ; voir Associations réparatrices,<br />
Colère de Dieu.<br />
Blois, ville, 139, 223, 370.<br />
Boblin Louise, malade, 229, 315, 361,<br />
364.<br />
Bodet, 19.<br />
Boissieux, 135.<br />
Bolenat, voir Bollenat.<br />
Bo lland, 292.<br />
Bollenat Antoinette, malade, 208,<br />
267, 314, 319, 364.<br />
Bona, cardinal, 158.<br />
Bonald (de) Louis, 146, 222.<br />
Bo nald (de) Maurice, archev. de Lyon,<br />
1, 110, 146, 187, 215, 223, 240.<br />
BOSSAN, VII, IX, 56, 77, 88, 106, 138,<br />
297, 350.<br />
Bouasse-Lebel, éditeur, 18, 25, 95,<br />
128s, 133, 353.<br />
Bouix, S.J., 195.<br />
Boujalliat, 313, 370.<br />
Boullan, 322.<br />
BOUVIER Jacques, chanoine, 44s, 185,<br />
236, 296, 309, 347.<br />
Bouvier J.B., év. du Mans, 146.<br />
Br a n d t (de), 77, 322.<br />
Browne, 362.<br />
Bruillard (de), Philibert, év. de Grenoble,<br />
XIII, 6s, 16, 265 ; — malade, consomme<br />
l’eau de la S., 94, 100, 110,<br />
350 ; — et enquête Rousselot, 103,<br />
108, 111s, 118s, 164, 286 ; — et Conférences,<br />
184, 186s, 195, 200, 209,<br />
213, 229, 246, 357 ; — attitudes et<br />
mesures négatives, 7, 81, 94, 148, 247,<br />
267, 309, 362 ; — attit. et mesures<br />
positives, 78, 117, 158, 286, 344, 360,<br />
voir aussi Chapelle ; — correspondance,<br />
voir aussi 343-370.<br />
Brumont, 41.<br />
Cade, Dr, 18, 348.<br />
CALVAS, voir Calvat Mélanie.<br />
Calvat, Dr, 353.<br />
Calvat Mélanie, 63, 328 ; voir Mélanie.<br />
Canon, 357.<br />
Canadiens, cimetière des, 36.<br />
Carayon Orsise, abbé d’Aiguebelle,<br />
346, 347.<br />
Carbasse, Sœur Angélique, malade, 91,<br />
221, 352.<br />
Carnal, 190.<br />
Carron, curé de Lalley, 146, 356, 357.<br />
Cart, év. de Nîmes, 66, 112, 366, 367.<br />
CARTELLIER J.P ., curé de St-Joseph à<br />
Grenoble et opposant, EX, 10, 60, 103,<br />
117, 139, 164, 185, 203, 253, 286,<br />
290, 298, 309, 346 ; — enquête, 107,<br />
190, 224, 235.<br />
Casimir, Dr, 49, 350.<br />
Castagnier, Sœur, 76.<br />
Castellano, O.P., 1.<br />
Castese, 351.<br />
Castracane, cardinal, 299.<br />
CAT, 327.<br />
Catherine Labouré, s., voir Médaille<br />
miraculeuse.<br />
Cattet, 148.<br />
Célestines, Sœurs, 321s.<br />
Censeur (Le) , journal, 44, 58, 345, 346.<br />
Chabrand, vicaire gén. de Gap, 18.<br />
375
Index<br />
C h am a rd, secrétaire de l’évêché, 103,<br />
207, etc.<br />
C h a m bon, secrétaire des Conférences,<br />
21, 185s, 189, 228, 296, etc.<br />
Chamoux, montagne, 17.<br />
C h am peau, 177, 359-<br />
C h a m po n, VIII, 74, 122, 196.<br />
CHANVEAU, 227, 314, 320.<br />
Chapelle et culte liturgique sur les lieux,<br />
96, 110, 118, 121s, 140, 178, 271,<br />
292, 301, 308, 322.<br />
C haper, VIII.<br />
Château-Thierry, apparition, 321.<br />
CHATELAIN, 351.<br />
C hatrousse, év. de Valence, 290, 365.<br />
Chandon, 350.<br />
Chenavas, vicaire à Corps, 106, 135,<br />
179, 202.<br />
C h ocheyras, 65.<br />
Cholet, apparition, 369<br />
Cholvy, 333.<br />
Clappier, 356.<br />
Clarté ou sillon vu par Maximin, 119,<br />
121s, 329.<br />
Clergé (reproches au), 290.<br />
Coin, lieu-dit, 54, 107, 192, 205, 297,<br />
etc.<br />
Colère de Dieu, 81, 181, 193, 302, 309,<br />
329, 332s.<br />
COLET, archev. de Tours, 23, 25.<br />
Colomb de Gast, 312.<br />
Colportage d’imprimés, 44s, 58, 92.<br />
COMBALOT, 110, 251.<br />
Comte, 90, 334.<br />
Conférences à l’évêché, 184-237 pas sim.<br />
Confrérie, — de N.D. des Sept Douleurs,<br />
268, 270 ; — de N.D. Réconciliatrice<br />
de la S., voir Réconciliatrice ;<br />
— des Pénitents à Corps et à la S., 190,<br />
368.<br />
Conservateur, journal, 222.<br />
CONSOLIN voir G onssollin.<br />
Constitutionnel, journal, 7, 25.<br />
Conversions, 236; — dans la région de<br />
Corps, 94, 102, 107, 114, 135, 197,<br />
228, 241, 301, 323.<br />
COQUEREL, pasteur, 222.<br />
Corps, chef-lieu de canton, 16, 27, 38,<br />
etc. ; voir Conversions, Gendarmes.<br />
Consnier et LACHÈSE, imprimeurs, 47.<br />
Courrier de l ’Isère, journal, 345, 346.<br />
COURT Marie, belle-mère de Maximin,<br />
240 ; voir Maximin Giraud.<br />
Cresse ou Creysse, Aveyron, 243.<br />
Croix, — de la Dame de l’apparition,<br />
131, 327, etc. ; — sur les lieux de<br />
l’apparition, 49, 86, 87, 101, 125, 166,<br />
180, 261, 310 ; — du Planeau, 151,<br />
299 ; — de mariniers, 327, 330.<br />
Dame de l’apparition, — description,<br />
37, 55, 62, 196, etc. ; — coiffure, 19,<br />
21 ; conversant assise (?), 210 ; tournée<br />
vers le nord, 86.<br />
Dame noire, 204.<br />
Danse et mauvaises confessions, 103,<br />
234, 242.<br />
Darcy, 314.<br />
Dardelet, graveur, 373.<br />
D armane, Sœur, malade, 356.<br />
D ausse, ingénieur, VIII, 48, 49, 123,<br />
138, 182, 361, 367.<br />
D ay, 119.<br />
D ébat, V, 243.<br />
D ebuquoy, 269-<br />
Delehaye E., 21.<br />
DÉlÉON, C.J., opposant, 60, 285, 298,<br />
312.<br />
Déléon, M.F., 346.<br />
Delpal, 290.<br />
Delumeau, 334.<br />
Demenjon, 362.<br />
Denaz, 78.<br />
D epéry Irénée, év. de Gap, 1, 18, 41,<br />
59, 112, 117, 148, 299, 309, 345.<br />
D es Brûlais, VIII, X, 124-137 passim,<br />
196, 306, 360 ; — malade, 124.<br />
DESGENETTES, voir Duffriche-<br />
Desgenettes.<br />
Desmoulins, 185.<br />
D esnoyer, vicaire gén. d’Orléans, 367.<br />
DEVIE, év. de Belley, 365, 370.<br />
Dévoluy, massif, 261 ; — l’hydropique<br />
du, 49, 99.<br />
DÉZOBEAUX, malade, 369-<br />
D ias O.J., 269-<br />
Disette, XV, 45, 77, 79, 92, 235, 348,<br />
etc. ; — voir Bêtes, Prophéties.<br />
D ombey, 101, 107, 142.<br />
Donnadieu, 286.<br />
376
Index<br />
Dorcière(s), hameau, XII, 17, 37, 153,<br />
305.<br />
Dourières = Dorcières, 87.<br />
D o y e n , 146.<br />
Drôme, apparitions, 290.<br />
D ubost, 357.<br />
DUBOUCHÉ Théodolinde, 23, 127.<br />
Du BoŸS, 182, 271s.<br />
DUBOYS, 58.<br />
Duffriche-Desgenettes, 25, 355.<br />
D ufraigne Françoise, malade, 361.<br />
DUMANOIR, docteur en droit, 50, 95,<br />
106, 192, 296, 327, 357 ; — rédacteur<br />
des attest. Pra et Selme, 149, 151,<br />
216s.<br />
Dumas, hôtel, 264.<br />
Dupanloup, 290, 296, 322s.<br />
D u po n t Léon, vénérable, V, X , 18s, 22,<br />
110, 142, 177, 181, 193s, 223, 291,<br />
343-371 passim ; — pèlerinage, 107.<br />
D u po n t Louise, 348.<br />
D u pr o n t, 336.<br />
Duquoc, O.P., 333.<br />
Durand, 5.<br />
D uvey Mélanie, malade, 368.<br />
Eau de la source de l’apparition, — bienfaisante,<br />
18, 86, 100, 353, 354, etc. ;<br />
— envoyée, 369, 370, 371, etc. ; —<br />
vendue (?), 100, 205, 211, 245 ; voir<br />
aussi Fontaines, Guérisons.<br />
Écho, VIII.<br />
Echo du N ord, journal, 346.<br />
Ed o m , 365.<br />
Enfants (décès d’), 19, 27.<br />
Enquête canonique ordonnée par — l’év.<br />
de Grenoble, 103, voir aussi Rousselot<br />
; — par l’archev. de Sens, 314 ; —<br />
voit aussi Autorité ecclés. et apparitions.<br />
Eppinger, Mère Alphonse-M., 28.<br />
ÉTIENNE, 9 3 , 100.<br />
Étie n n e, Sup. Gén. Lazariste, 291.<br />
Eugène III, pape, 3.<br />
Ex-votos, 99, 101, 106, 166, 263.<br />
Eybens, commune, 228.<br />
Eym ard, s . Pierre-Julien, 110, 320, 369-<br />
Eymery, 106.<br />
Face du Christ, — et réparation, 21s ; —<br />
. vue sur une pierre, 29, 35, 49, 78, 82,<br />
120, 348.<br />
Faivre, 370.<br />
Fallavaux, hameau, 17.<br />
Fargier-Lagrange, 357.<br />
Faure Joseph, 74, 78.<br />
Fernex, 350.<br />
Ferrucci, 364, 366.<br />
Finet, 292.<br />
Fioramonti, 309-<br />
Fléchier, 218, 222.<br />
Font Joachim, capucin, 208, 356.<br />
Fontaine de l'apparition, 47s, 86, 134,<br />
150, 166s, 171, 180, 247, 295 ; voir<br />
aussi Eau ; — travaux à la, 101, 301,<br />
306s ; — et fontaine du « goûter »,<br />
171, 180, 310, 311 ; — et fontaine des<br />
bêtes, 307, 310.<br />
Forcalquier, guérisons à, 232.<br />
FOUQUERÉ, 369.<br />
Fourrey, Mgr R., 312.<br />
Frassinetti, 344, 351.<br />
Frayssinous, 222.<br />
Fulgence, 312.<br />
Fustier, 357.<br />
Gadille, 272.<br />
G agnard Pierrette, malade, 229, 314,<br />
361, 364.<br />
G agniard, Dr, 208, 224, 316s.<br />
G agniard Pierrette, voir Gagnard.<br />
G aillard Marie, femme Laurent,<br />
malade, 49, 177, 220, 260, 353, 359,<br />
360.<br />
G ally, 314s.<br />
GAMON Mélanie, malade, 113, 221,<br />
232, 357.<br />
Gap, év. de, voir Depéry.<br />
Gargardou Gargas, montagne, 17, 171.<br />
CAST, Colomb de, 312.<br />
Gautier, 78.<br />
Gay Antoine, 28.<br />
Gazette de Flandres, journal, 346.<br />
G azette de France, journal, 218, 222.<br />
Gazette de Lyon, journal, 345, 346, 367.<br />
G azette des tribunaux, périodique, 58.<br />
Gendarmes, 28, 31, 55, 144, 230, 311,<br />
372.<br />
Genevey, 185.<br />
GENOUDE (de), 218.<br />
377
Index<br />
G érard, D r, 74.<br />
G é r e n t e , 173.<br />
G e r i n , c u r é d e la c a t h é d r a l e , VIII, 93,<br />
100, 137, 141, 184s, 196, 302s, 344,<br />
346, 349, 355, 357, 367, 370.<br />
G e r m a i n p o u r Maximin, 31, 151, e t c .<br />
G lN O U L H lA C , é v . d e G r e n o b l e<br />
(1853-70), VIII, 123, 146, 309.<br />
G i r a u d , famille de Maximin, v o i r<br />
Maximin.<br />
G iraud, greffier, 60, 63, 79.<br />
G iraud C laude, 176.<br />
G i r a u d J.A., 367.<br />
G iraud S.M ., M .S., 164, 302.<br />
G i r a y , VIII.<br />
G ir in, 78, 120, 295.<br />
G irolet, 78.<br />
G o d e l, 272.<br />
G o n s s o l i n , 264.<br />
Gournier, N.D. de, chapelle, 115, 294.<br />
«Goûter» = repas de midi, 55, 171, etc.<br />
G r a m a g n a c , Mère, 314, 345.<br />
G r a n d , Veuve A n toine, m alade, 348.<br />
G r a n d ’a m y, 370.<br />
G r a n e t , Sr St-Antoine, 49, 221, 350,<br />
351.<br />
G relot, 338.<br />
Grenoble, — bibliothèque, VIII ; —<br />
évêché, voir Bruillard, Ginoulhiac ;<br />
vicaires généraux, voir Berthier,<br />
Périer ; secrétaire et pro-secrétaires,<br />
voir Auvergne, Chamard, Morel ;<br />
archives, VIII.<br />
G e y d a n , 49.<br />
G uÉDY, p ein tre, 64, 106, 253, 262.<br />
Guérisons, 7, 13, 102, 349, 351, 357,<br />
362, 364, 368, 370 ; voir Aglot, Almaric,<br />
Audoyer, Bernard, Boblin, Bollenat,<br />
Bruillard (de), Carbasse,<br />
Darmane, Des Brûlais, Désobeaux,<br />
Dévoluy, Dufraigne, Forcalquier,<br />
Gagnard, Gaillard, Gamon, Grand,<br />
Granet, Guyot, Jacquy, Julien, La<br />
Bourdonnec, Lacombe, Laurent<br />
Jeanne, Leblais, Luya, Maréchalferrant,<br />
Martin (abbé), Martin Thomas,<br />
Moreau, Pinguern, Prouvèze,<br />
Reynier, Rocher de Perret, St-Charles,<br />
Sauvet, Viciot, Victoire ; — selon le<br />
Rapport Rousselot, 177, 296, 298 ; —<br />
examinées lors des Conférences, 228,<br />
232 ; — douteuses, 95, 141, 229, 302.<br />
Gués, Dr, 145, 356.<br />
G u i b e r t , év. de Viviers, 214, 300.<br />
G uillaud, 191.<br />
G u y o t , m alade, 369-<br />
H é b e r t , garde des sceaux, 57, 92, 94.<br />
H e c h t, O .S .B ., VIII, 48, 95.<br />
H en r y, 185.<br />
H ild eg a rde, s ., 3.<br />
H o h e n l o h e , 43.<br />
H o s t a c h y , M.S., 124, 154.<br />
HOUZELOT, 11, 46, 66, 107, 348 ; —<br />
enquête, 28-41.<br />
Incrédulité punie, 40.<br />
J a c q u y , m alade, 355.<br />
J a n v i e r , X, 25, 107, 194.<br />
J a o u e n , M .S., 333.<br />
J ean de la Cr o ix , s., 12, 23.<br />
J ea n-Paul II, p ape, XV.<br />
JOLLY Mellon, archev. de Sens, 314, 317,<br />
319, 323.<br />
J o m a n d , V, 50.<br />
Journaux et périodiques, 7, 44 ; voir Ami<br />
de la religion, Censeur, Conservateur,<br />
Constitutionnel, Courrier de l’Isère,<br />
Echo du Nord, Gazette de Flandres,<br />
Gazette de France, Gazette de Lyon,<br />
Gazette des tribunaux, Messager du<br />
Nord, National, Patriote des Alpes,<br />
Siècle, Univers, Voix de l’Eglise, Voix<br />
de la vérité.<br />
Jubilés, XV, 19, 27, 32, 116, 241.<br />
Juge de paix, 354 ; voir Long.<br />
J ulien Sylvie, m alade, 101, 350, 351.<br />
J ullien, cardinal, 5s.<br />
KEISSER, 185.<br />
K erm enguy (de), 302.<br />
Kr u d n e r, 236.<br />
La Bo u r d o n n e c, m alade, 139.<br />
Labouré C atherine, s., voir M édaille<br />
m iraculeuse.<br />
Lacom be, m alade, 343.<br />
La cord a ire, O .P ., 253.<br />
La C roix D'A zolette, archev. d ’Auch,<br />
59.<br />
378
Index<br />
LAGIER, 7, 27, 31, 67, 123, 208, 296,<br />
307, 334 ; — Notes, 88, 230s ; —<br />
patois, 287.<br />
LAGRÉE, 333.<br />
Lambert, 66, 78, 112, 114, 186, 296,<br />
334, 360 ; — Relation, 68.<br />
Langres, — Annonciades, 267 ; —<br />
Archiconfrérie réparatrice de St-Dizier,<br />
11, 126, 352 ; voir aussi Associations<br />
réparatrices ; — Evêque, voir Parisis.<br />
Larnage (d e), 182.<br />
La R o c h e l l e , — Dames blanches, 267 ;<br />
— évêque, voir Villecourt.<br />
Latran, 5' concile du, 2.<br />
La t t a, 106, 351.<br />
LAURENT Jeanne, malade, 267, 361.<br />
Laurent Marie, voir Gaillard.<br />
La u rentin, 6, 245, 291.<br />
Laus, N.D. du, 19, 100, 198, 300.<br />
L a v o r e l , M.S., 272, 284.<br />
Le B a il l if , 284.<br />
Leblais, m alade, 139, 223, 357.<br />
Le Bo b in e c, 351.<br />
L e B r u m e n t , 29, 41, 128, 147, 223.<br />
Lem eunier, 301, 362, 368, 370.<br />
Lemps (de), 185.<br />
L e P a il l e u r , 110.<br />
Lettres célestes, 44, 365.<br />
LEUDEVILLE (d e ), E ., 320.<br />
Lieux de l’apparition, 16, 48, 86, 89,<br />
166, 191, 202, 261, 304 ; — plans, 87,<br />
304s, 310s ; — acquisition par l’évêché,<br />
12, 121s, 149, 305, 323 ; — voir<br />
aussi Chapelle et culte, Croix, Exvotos,<br />
Fontaine, Pèlerinages, Pierre de<br />
l’apparition, Statue, Tronc.<br />
Long, 59, 63, 79, 95, 250 ; — relation,<br />
60.<br />
LOUIS XVII, 369 ; voir Richemont (de).<br />
Lourdes, N.D. de, 1, 3, 6, 199, 336.<br />
L u b a c (de), cardinal, XIV.<br />
L u y a , malade, 177, 359.<br />
M., — pour Mathieu, 223 ; — pour<br />
Michoudet (?), 79.<br />
MAGNAN(D), 29, 35, 120, 260, 348.<br />
M aistre (de), 222.<br />
M a is t r e (Mlle de), 247.<br />
Maître, 349, 356.<br />
M a n i n , 78, 350 ; — relations, 105.<br />
M a n s o n , 345.<br />
M arcel(L)in , 148.<br />
M a r c h e J.B., 127.<br />
M a r c h e P., 20, 127, 195.<br />
M a r c io n, 337s.<br />
Maréchal-ferrant de Reillanne, malade,<br />
177, 232.<br />
M a r g a in, lith o g r., 327.<br />
M arie de l'In c a r n a t io n , prieure du<br />
Carmel de Tours, 23s, 193s.<br />
M arie de St-Pierre, carm élite, IX, i l ,<br />
20s, 128, 193, 237 ; — p ro p h étisant<br />
en sept. 1846 (?), 194.<br />
M a rm onnier, 109-<br />
MARTIN, abbé, m alade, 322.<br />
Ma r tin, m inistre, 92.<br />
M a r t i n Thomas, malade, 358, 359-<br />
M a t h i e u , famille de Mélanie, v o i r<br />
Mélanie.<br />
M a t h i e u C., archev. de Besançon, 48,<br />
297, 366.<br />
M a t h i e u h ., IX, 78s., 110, 223, 352.<br />
M a u g en d r e, 7.<br />
M aurel, 350.<br />
M a u r y o u Mory, 26, 48.<br />
M a x im in et M é l a n ie , — avant et après<br />
l’apparition, 149-153, 180, 199, etc. ;<br />
— rapports entre, 83, 160, 163, 182,<br />
191, etc. ; — première communion,<br />
19, 270, 362 ; — leurs bienfaiteurs,<br />
19, 120, 348, 349, 370 ; — portraits,<br />
52, 65, 276, 306, 368 ; — habits, reliques,<br />
35, 37, 40, 107 ; — objets de<br />
vénération et mises en garde de<br />
Mgr Villecourt, 43, 109, 115, 126,<br />
138 ; — une nouvelle apparition (?),<br />
367 ; — récits, interrogatoires et<br />
témoignages, 29, 37, 50, 60, 63, 66,<br />
79, 84, 89, 96, 106s, 110, 125, 129s,<br />
132s, 135s, 142, 154, 156, 162, 168,<br />
171, 183, 196, 199, 203, 206, 209,<br />
231s, 233s, 242, 246, 248-265passim,<br />
274s, 287, 290s, 294, 296, 328 ; voir<br />
Pape ; — formation de leurs récits,<br />
296 ; — manière de réciter, 29, 63,<br />
153, 162, 265, 275 ; — voir aussi<br />
Maximin Giraud, Mélanie Mathieu.<br />
M a x i m i n G i r a u d , 1 6, 1 9, 26, 82, 106,<br />
130, 136, 138, 159, 167, 180, 183,<br />
189, 191, 202, 219, 234, 251s, 270,<br />
379
Index<br />
273s, 323, 344, 369 ; voir M axim in et<br />
M élanie ; — son chien et sa chèvre,<br />
101, 168, 170 ; — autographes de, 37,<br />
349, 350 ; — lettres à, 357, 360, 362 ;<br />
— Ma profession de fo i, 123 ; — voir<br />
aussi C larté, Pierres jetées ; — père et<br />
belle-m ère, 33s, 80, 84s, 107, 139,<br />
151, 205, 260, 264, 282, 348 ; décès,<br />
240, 314 ; — A ngélique, sœ ur, 131,<br />
314.<br />
Maximin pein t par lui-même, 284.<br />
M aximy (de), C ., 77.<br />
MAYET, Sœ ur, 358.<br />
Ma zenod (de), E ugène, bienheureux,<br />
365.<br />
M édaille m iraculeuse, 12, 245, 313, 344.<br />
M édailles de la S., 348, 370.<br />
M éarotz, voir St-Pierre-de M.<br />
Mélanie M athieu ou C alvat, 16, 19,<br />
83, 131, 150, 161, 169, 202, 255, 260,<br />
270, 274, 344, 369 ; voir M axim in et<br />
Mélanie ; — lettre à, 360 ; — autograp<br />
h e de, 350 ; — statu e placée par,<br />
263 ; — voir aussi St-Sébastien ; —<br />
fam ille, 40, 85, 260 ; — C alvas/C alvat,<br />
63, 328.<br />
Mélin, curé de C orps, 16, 60, 77, 82,<br />
93, 100, 112, 142, 165, 179, 189, 196,<br />
204, 266, 335 ; — interrogé lors des<br />
C onférences, 196, 204 ; — accusé de<br />
faire du com m erce, 205, 211 ; — et<br />
M axim in, M élanie, 35, 80, 131, 286,<br />
344, 369 ; — litige avec Peytard, voir<br />
Pierre de l ’apparitio n ; — correspondance,<br />
voir aussi 343-371.<br />
M élisson, V, 17.<br />
Mémoire au p a p e, IX.<br />
M ens, guérison à, 95.<br />
Message, IX.<br />
Messager du Nord, jo urnal, 346.<br />
M ichel, D r, 49, 351.<br />
MiCHON, 67, 74, 77, 114, 185, 293,<br />
350, 360.<br />
Mic h o u d et, 60.<br />
Millon, 320.<br />
MlOLAND, év. d ’A m iens, 368.<br />
M oliard, 127.<br />
M onestier-d’A m b el, paroisse, 105, 300,<br />
350.<br />
Monier de Prilly, voir Prilly.<br />
Mo n tey n a rd (de), 297.<br />
Mont-sous-les-Baisses, voir Planeau.<br />
M o r e a u , malade, 177, 357, 359.<br />
M o r e l , pro-secrétaire à l’évêché, 60, 79,<br />
95, 344, 351, 352.<br />
Morlaix, chapelle et guérisons à, 139,<br />
267, 301.<br />
M O R L O T , archev. de Tours, 23.<br />
M O R Y , v o i r M a u r y .<br />
M o u l i n , 349, 359-<br />
M o u n ier, 101, 351.<br />
M o u r i e r , 347.<br />
M u l l e r , 146.<br />
National, journal, 26.<br />
N a u d o , archev. d ’A vignon, 41, 359-<br />
Neuvaine perpétuelle, 266, 362.<br />
N e w m a n , J.H., cardinal, 247.<br />
N iC O D , 299, 322, 345.<br />
Niederbronn, extatique de, 28.<br />
N in , cordelier, 369-<br />
Ninive, 8, 243.<br />
N.-D. de Bon Conseil, 210.<br />
N.-D. de Bon Espoir, 19, 37.<br />
N .-D . et deux bergers des Alpes, 18, 95.<br />
Nouveau sanctuaire, IX.<br />
Nouveaux documents, IX.<br />
Nouvelle relation, 344.<br />
Office divin, 309-<br />
Offrandes, 11, 121, 322, 353, 354, 369,<br />
371 ; voir Ex-votos, Tronc.<br />
Oisans, montagnes, 21.<br />
Opposition à l’apparition, — de la part<br />
d’ecclés., 9, 12, 126, 185, 239, 298 ;<br />
voir Berthier, Bonald (de) M., Cartellier,<br />
Déléon C.J. ; — de la part du<br />
gouvernement et des autorités départementales,<br />
poursuites judiciaires, 43,<br />
45, 57, 59, 92, 142 ; — dans la presse,<br />
44, 97, 143 ; — une brochure, 362.<br />
O R C E L , — commissaire d é l é g u é , 103s,<br />
— 8, 111, 154, 169, 179, 185, 361.<br />
O r i g è n e , XIV.<br />
Osier, N.-D. de T, 198.<br />
Oursière = Dorcières, 305.<br />
O u r y , O . S . B . , 2 0 .<br />
PALMA, 303.<br />
P a n n e t, 333.<br />
380
Index<br />
Pape (Mention du) dans les interrogatoires,<br />
33, 85, 279, etc.<br />
P a p i n D u p o n t , v o i r D u p o n t .<br />
PAQUET, 166.<br />
PAR1SIS, év. de Langres, 8, 11, 24, 126,<br />
224, 237, 309, 353.<br />
Patois, 40, 67, 89, 106, 109, 129, 248,<br />
263, 287.<br />
Patriote des Alpes, journal, 97, 345, 346,<br />
355, 365, 367.<br />
P a t r i z z i, c a r d i n a l , 245, 299-<br />
PÉ G E R O N , l i t h o g r . , 65, 327, 332, 346.<br />
P e l a u d , Sœur, 76.<br />
Pèlerinages, — en hiver et au début du<br />
printemps, 47s, 266, 309, 322 ; —<br />
principaux, 74, 134, 137, 300, 302,<br />
361, 367 ; — selon un opposant, 99-<br />
Pellenc, préfet, 142.<br />
Pénitents, voir Confrérie.<br />
PÉrier, vie. g én., 185.<br />
Périer, Le, commune, 290.<br />
PERNET, 370.<br />
Perrin C ., aventurier, 28.<br />
P e r r in J a c q u e s , c u r é d e la S . e n s e p t e m <br />
b r e 1846, 125, 132, 150, 152, 154,<br />
199, 296.<br />
P e r r i n , f r è r e d e L o u is P . , I X , 47, 266,<br />
289, 300, 303, 306, 358, 361-364,<br />
369 ; p r ê t r e a u x i l i a i r e à la S., 153.<br />
P e r r i n Joseph, M.S., 146.<br />
Perrin Louis, curé de la S., IX, 21, 47,<br />
78, 156, 163, 297, 300, 303, 306,<br />
327 ; — correspondance, 96, 139, 201,<br />
216s, 266, 289s, 351 ; voir aussi<br />
355-370.<br />
Petit, 185.<br />
«Peuple», 200, etc.<br />
P e y t a r d , maire de la S., 121, 125, 143,<br />
150, 154, 162, 229, 261, 290 ; — voir<br />
Pierre de l’apparition.<br />
Phénomènes extraordinaires, 28, 214,<br />
218, 243, 290.<br />
PHILISDOR, graveur, 304.<br />
PIEIX, 126, 223, 312, 322 ; — et la S.,<br />
4, 302s, 366.<br />
Pierre, — de l’apparition, 77, 125, 167,<br />
270, 302, 358 ; fragments, 32, 34,<br />
167, 270 ; litige entre Mélin et Peytard,<br />
131s, 167, 270, 360, 363 ; —<br />
trouvée par Guédy, 65 ; — brisée au<br />
café Magnan, voir Face du Christ.<br />
P ierre-Julien Ey m a rd, s . , voir Eymard.<br />
Pierres jetées aux filles, 189, 191s, 201,<br />
209, 233.<br />
PiERRON, voir Sœur St-Charles.<br />
PiGNET-CHATEAU, imprimeur, 47, 59,<br />
92, 113.<br />
Pin ea u, Sœ ur, 41, 76, 350.<br />
PlNGUERN (de), malade, 139-<br />
Planeau ou Mont-sous-les-Baisses, 17,<br />
151, 299, 305, 311, 366.<br />
Playoust A., V, 117.<br />
Playoust P.-Y., V.<br />
Pl o n g e r o n, 333.<br />
POMARET, 362.<br />
PONCET, 120.<br />
Pontmain, N.D. de, 1, 3, 5s.<br />
POTON, p h o to g rap h e, 306.<br />
Pra Baptiste, patron de Mélanie aux<br />
Ablandens, 84, 149, 152, 170, 180,<br />
190, 230, 234, 263, 296, 334 ; —<br />
témoignage sur la fontaine, 150, 216s.<br />
Prédications (Premières) sur l’apparition,<br />
106, 108, 111, 117, 135, 286, 344.<br />
Prêtres indignes, 290.<br />
Prilly, Sœur, 76.<br />
Prilly, Monier de, év. de Châlons-sur-<br />
Marne, 41, 297, 367.<br />
Prophéties sur la disette, 53, etc. ; —<br />
objections, 81, 235, etc.<br />
Protestants, 112, 130, 143, 182, 219,<br />
245, 349, 362.<br />
ProuvÈZE, Sœur, malade, 18, 27, 43,<br />
221, 343, 344, 348.<br />
PRUDHOMME, imprimeur, 49, 52, 328.<br />
Puymirol (de), 344.<br />
Q uÉLEN (de), archev. de Paris, 12.<br />
R., curé d’Ambel, 63.<br />
Rabilloud, 206.<br />
Raess, év. d e Strasbourg, 322.<br />
Raisins et noix, 30, etc.<br />
Ram ba u d, 358.<br />
Rataboul, 285.<br />
Rancurel Benoîte, vçnérable, 198.<br />
Ratisbonne A.M., 109, 198, 245, 247,<br />
299.<br />
Ra y m o n d , 148.<br />
Réconciliatrice (N.D.) de la Salette, XIII,<br />
381
Index<br />
269-271, 300, 367, 368, 369 ; — titre<br />
reconnu par le Saint-Siège, 11.<br />
Reillanne, guérisons à, 177.<br />
Relations, IX.<br />
Relations, 16 ; — de LS D A II : Arbaud,<br />
253, 257 ; Bez, 50 ; Des Brûlais, 125,<br />
130 ; Gueydan-Prudhomme, 49 ;<br />
Lagier, 88, 287 ; Lambert, 66 ; Long,<br />
59 ; Manin, 105 ; Marmonnier, 109 ;<br />
Rostaing, 328 ; Rousselot, 51, 164,<br />
171, 296 ; Villecourt, 159.<br />
Réparatrice (Dévotion), voir Associations<br />
réparatrices.<br />
Réparatrice (N.D.), chapelle, 302.<br />
Repelin, 125, 176, 206.<br />
Réponse, 186.<br />
Revol, 185.<br />
Rey, 63.<br />
Reym ond, V, 327.<br />
Reynaud E., 352.<br />
Reynaud G ., 360.<br />
Reynaud-Collonges, 346.<br />
Reynier, malade, 103, 232, 358, 359.<br />
Reyssé, 357.<br />
RlCHEMONT (de) : C. Perrin, 12, 28, 66,<br />
312, 320, 322.<br />
Robiano (de), 271.<br />
Roche, Dr, 74.<br />
Roche P., 245.<br />
Rocher de Perret, malade, 302.<br />
Rodez, diocèse, 243.<br />
Romaine, Sœur, 322.<br />
Rosette de la Minouna, 89.<br />
ROSSAT, év. de G ap puis de V erdun,<br />
322.<br />
Rostaing, 327s.<br />
Rousselot, — commissaire délégué, 8,<br />
103, 185-237passim, 239 ; — Rapport<br />
manuscrit, 163, 232, 361 ; — Rapport<br />
imprimé ou Vérité, X, 286, 295, 303,<br />
322, 324, 364-368 ; — autres livres,<br />
IX, 364, 366 ; — collaborateur de<br />
l’évêque, 240, 246 ; — également<br />
306, 349, 359-370.<br />
Roval, 111.<br />
Sacré-Cœur, Frère du, 355.<br />
Saint-Augustin G range, Mère, 77.<br />
Saint-Baudille, guérison à, 95.<br />
Saint-Charles Pierron, Sœur, malade,<br />
7, 41, 49, 74, 102, 156, 157s, 177,<br />
220, 232, 345, 348, 350, 356, 359,<br />
364.<br />
Saint-Dizier, — Association réparatrice<br />
de, 126 ; voir Associations réparatrices<br />
; — Sœurs de, 77, 127.<br />
Saint-Gervasy, croix de, 218.<br />
Saint-Jean-des-Vertus ou Côtes-de-Corps,<br />
commune, 102, 120, 300.<br />
Saint-Julien, hameau, 17, 151.<br />
Saint-Laurent-du-Pape, «possédée de»,<br />
214.<br />
Saint-Michel, canton de Corps, 95, 300,<br />
311.<br />
Saint-Michel, Alpes-de-H.-P., 101, 177.<br />
Saint-Pierre-de-Méarotz, canton de<br />
Corps, 103, 300.<br />
Saint-Sébastien, — chapelle, 17 ; —<br />
lumière vue par Mélanie à la chapelle,<br />
36, 115, 203, 261.<br />
Saint-Siège, 3 ; — et la S., 4, 11, 309,<br />
333, 364 ; voir Pie IX.<br />
Sa in te-Clotilde, Sœ ur, 78, 133.<br />
Sa inte-So p h ie, Sœ ur, 267, 302.<br />
Sainte-ThÈCLE, Supérieure des Sœurs de<br />
C orps, 18, 29, 35s (?), 77, 120, 130,<br />
132, 161, 168, 170, 182, 196, 200,<br />
255.<br />
Sa in te-Valérie, Sœur, 78, 106, 133.<br />
Salette-Fallavaux (La), commune, 16, 17,<br />
64, 98 ; — curés, voir Perrin Jacques<br />
et Perrin Louis ; — maire, voir<br />
Peytard.<br />
Salle (La), commune, 300.<br />
SALVANDI, ministre, 26.<br />
Sa uvé, 5.<br />
Sauvet Victorine, malade, 144, 154,<br />
228, 298, 355-359.<br />
Sa u zet, 218.<br />
Savigliano, Italie, 93.<br />
SAVY, Dr, 350, 358.<br />
Scapulaire rouge, 291.<br />
Secrets, — gardés par les enfants, 31,<br />
121, 125, 213, 280, 361 ; — place<br />
dans le message, 131, 254, 294s ; —<br />
selon le rapport Rousselot, 173 ; —<br />
existence mise en doute, 180 ; — et<br />
politique, 11, 249, 266, 312, 320, 333,<br />
362 ; — voir aussi Maximin et Mélanie,<br />
récits, interr. et témoignages.<br />
382
Index<br />
Selme Pierre, patron de Maximin aux<br />
Ablandens, 62, 65, 84, 150s, 168, 170,<br />
216s, 230, 263, 296.<br />
Sens, archev. de, voir Jolly.<br />
Sept-Douleurs, — chapelle, 17 ; — confrérie,<br />
268, 270.<br />
Sézia(t), 87, 166, 305, 306, 310 ; voir<br />
aussi Lieux.<br />
Sibillat, 74, 138, 141, 302.<br />
Siècle, journal, 359-<br />
SlMILIEN, 138.<br />
Sion-V., voir Thiriet.<br />
Sophie, sœur, 267, 302.<br />
Source, voir Fontaine.<br />
Spit z, Dr, 357.<br />
Statistique, IX.<br />
Statue sur les lieux, 263.<br />
<strong>Stern</strong>, VII, XVI, 333.<br />
Suhard, archev. de Paris, 6.<br />
Suite, X.<br />
Sw edenborg, 236.<br />
T abardel, 78, 356.<br />
Terrasson, 232, 356, 364.<br />
T esson, M .E.P., 368.<br />
T hérèse d ’Avila, s., 4.<br />
T hérèse de J ésus, Sœur, 77.<br />
THÉRÈSE de Lisieux, s., 22.<br />
T hérèse de St J oseph, Sœur, 24, 195.<br />
T hiriet T h., voyante de Sion-V., 81,<br />
313.<br />
T homas d ’A quin, s., 5.<br />
T o c h o n, M .S., VI, 17.<br />
Tours, — Association réparatrice, 20 ;<br />
voir Associations réparatrices ; —<br />
archev., voir Colet, Morlot ; — sœur,<br />
voir Marie de St-P.<br />
Trente, concile de, 3, 322.<br />
Tronc sur les lieux, 96, 122, 263.<br />
Tsabanaria, hameau, 89-<br />
Univers, journal, 112, 215, 218, 221,<br />
237, 344, 345, 359, 360.<br />
U tten, 124.<br />
V., Mr, 66.<br />
Valence, diocèse, 13, 290, 365.<br />
Valentin, 87.<br />
Valjouffrey, commune, 300, 311.<br />
Van den Bossche, IX.<br />
Vareilles, 77.<br />
Vengeance de D ieu, voir Colère.<br />
Verdot, 371.<br />
Vérité\ voir Rousselot.<br />
Verrier, 66.<br />
VEUILLOT, 158, 215, 221, 369.<br />
VlCIOT, malade, 127.<br />
Victoire, Sœur, malade, 322.<br />
Vie (La), hebdomadaire, 333.<br />
Vieux, 151.<br />
VlLLECOURT, év. de La Rochelle, 43, 103,<br />
106, 108, 111, 126, 179, 183, 236,<br />
296, 350-356, 359, 361 ; — Nouveau<br />
récit, X, XVIII, 158, 215, 223, 291,<br />
301, 362.<br />
Villes éprouvées ou coupables, 313.<br />
Viré, VI, 250.<br />
Viviers, év. de, voir Guibert.<br />
Voix de l'Eglise, périodique, 20, 110,<br />
141, 145, 147, 156, 223s, 227, 238,<br />
316, 350, 352, 355-357, 359, 360,<br />
362 ; — directeur, 78.<br />
Voix de la vérité, périodique, 367.<br />
Vulgate salettine, 296.<br />
W inderman, 364.<br />
383
TABLE DES MATIÈRES<br />
Remerciements<br />
Abréviations, sigles et signes<br />
Conventions<br />
PRÉFACE par Son Exc. Mgr Matagrin<br />
V<br />
VII<br />
XI<br />
XIII<br />
In t r o d u c t io n<br />
I. L’examen canonique des apparitions 1<br />
II. Points de repère 6<br />
III. Notre édition 13<br />
DOCUMENTS N° 127-530 (fin mars 1847 - avril 1849) 15<br />
D ossier co m plém en ta ire 3 2 5<br />
APPENDICE. Un christianisme fondé sur la peur ? 331<br />
Répertoire des documents du dossier chronologique 343<br />
Table des illustrations 373<br />
Index 374<br />
i<br />
385