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Documents Autentiques VOL 2 Stern

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La Salette<br />

<strong>Documents</strong> authentiques<br />

II<br />

Fin mars 1847 - avril 1849


Jean <strong>Stern</strong><br />

archiviste des Missionnaires<br />

de Notre-Dame de la Salette à Rome<br />

La Salette<br />

<strong>Documents</strong> authentiques :<br />

dossier chronologique intégral<br />

2<br />

Le procès de l’apparition<br />

fin mars 1847 — avril 1849<br />

avec la collaboration de<br />

P. Andrieux t et A. Chazelle<br />

Préface par<br />

Son Exc. Monseigneur Gabriel Matagrin<br />

Evêque de Grenoble<br />

LES ÉDITIONS DU CERF<br />

29, bd Latour-Maubourg<br />

Paris<br />

ASSOCIATION DES PÈLERINS<br />

DE LA SALETTE<br />

38970 Corps


Imprimi potest<br />

Rome,<br />

le 2 février 1984<br />

Eugène BARRETTE, m.s.<br />

Supérieur général.<br />

Nihil obstat<br />

La Tronche,<br />

le 2 février 1984<br />

Roger CASTEL, m.s.<br />

Censor deputatus.<br />

Imprimatur<br />

Rome,<br />

le 2S mars 1984<br />

Gabriel MATAGRIN<br />

Evêque. de Grenoble.<br />

© Association des Pèlerins de<br />

Notre Dame de la Salette<br />

Éditions du Cerf, 1984<br />

l.S.B.N. 2-204-02257-8


Remerciements<br />

Nos remerciements veulent aller à tous ceux qui nous ont aidé — et<br />

ils ont été nombreux.<br />

Aux noms énumérés dans le premier volume, nous voulons ajouter<br />

en particulier ceux de :<br />

M. V. Bettega, dont les recherches dans le domaine iconographique<br />

nous ont été d'un précieux secours ;<br />

Sœur Chantal de la Croix, des Sœurs du Christ ;<br />

M. R. Collier, directeur des services d'Archives des Alpes-de-Haute-<br />

Provence ;<br />

M. l ’abbé A. Débat, archiviste de l ’évêché de Rodez et de Vabres ;<br />

R.P. Duval, O.P., archiviste des Dominicains de la Province de<br />

France ;<br />

M. l ’abbéJ. Gourvennec, archiviste-adjoint à l ’évêché de Gap ;<br />

Mme A. Joisten, secrétaire de rédaction du Monde alpin et rhodanien<br />

;<br />

M. le chanoine Jomand, archiviste de l'archevêché de Lyon ;<br />

Sœur Madeleine de Jésus, du Carmel de Tours ;<br />

Sœur Marie-Jacques, secrétaire générale des Sœurs de l'Adoration ;<br />

R.P. Martin, C.S.Sp, postulateur de la cause de béatification du<br />

vénérable M. Dupont, « le saint homme de Tours » ;<br />

M. le chanoine A. Mélisson : outre les renseignements dont bénéficie<br />

le présent volume, nous lui devons notre premier contact avec la Salette,<br />

lors d ’un pèlerinage fait en sa compagnie en août 1943 ;<br />

M. X. de Montclos, professeur à l ’Université de Lyon II et directeur<br />

du Centre régional interuniversitaire d ’histoire religieuse ;<br />

Mme A. Play oust, conservateur adjoint aux Archives des Hautes-<br />

Alpes ;<br />

V


Rem erciem ents<br />

M. P.-Y. Play oust, directeur des services d ’Archives des Hautes-<br />

Alpes ;<br />

M. Reymond, de Pierre-Châtel, spécialiste de l'histoire régionale<br />

dauphinoise ;<br />

M. J. -P. Seguin, conservateur en chef au cabinet des estampes de la<br />

Bibliothèque nationale de Paris ;<br />

M. l'abbé P. Sommier, archiviste de l'évêché de Langres ;<br />

Mme M. -M. Viré, archiviste à l'évêché de Digne ;<br />

L'Imprimerie du Mont et, de Saint-Genis-Laval, Rhône, à qui revient<br />

le mérite de la réalisation technique du présent ouvrage ;<br />

Nos confrères, les Pères R. Butler, D. Charmot, J. Curtet, M. Tochon<br />

et le Frère Donald Wininski.<br />

In memoriam<br />

Le Père Pierre Andrieux est décédé le 1" décembre 1982, alors que<br />

le manuscrit du présent volume était déjà en grande partie achevé. Parmi<br />

les textes édités dans La Salette, documents authentiques nombreux sont<br />

ceux qui ont été déchiffrés par lui. Sa collaboration fut précieuse à un<br />

autre titre encore, de caractère plus personnel : originaire de la commune<br />

de la Salette-Fallavaux où il était né le 14 mars 1902, il connaissait le patois<br />

local avec ses nuances tant sémantiques que phonétiques. Responsable de<br />

la maison de Saint-Joseph à Corps, le Père Andrieux a travaillé jusqu’à<br />

ses tout derniers jours. Que le Seigneur l’accueille dans son repos !<br />

J. St.<br />

VI


ABREVIATIONS, SIGLES ET SIGNES<br />

ADI = Archives départementales de l’Isère.<br />

Annales = Annales de N .D . de la Salette. Pèlerinage de N.D. de la<br />

Salette, 1865 et suiv.<br />

Apparition = A. BOSSAN. La sainte apparition de Notre-Dame de la<br />

Salette et ses suites... 1863. Manuscrit de la main de<br />

l’auteur. MSG (cf. Bibl. ZA-4).<br />

A p t = Apparition de la Salette... La Salette de Tournai, 1933-<br />

1935, 3 vol. (Titre du 3' volume : N .D . de la Salette...).<br />

ARBAUD = F. ARBAUD. Hommage à Marie. Souvenirs d'un pèlerinage<br />

à la Salette, le 19 septem bre 1847. Digne 1848<br />

(doc. 401).<br />

ASV = Archives secrètes du Vatican.<br />

BASSETTE = L. BASSETTE. Le fait de la Salette. Nouv. éd., Paris,<br />

Éd. du Cerf, 1965.<br />

BERTRAND = I. BERTRAND. La Salette. <strong>Documents</strong> et bibliographie.<br />

Paris, Bloud & Barrai, 1889-<br />

BEZ = N. BEZ. Pèlerinage à la Salette, ou Examen critique de<br />

l'apparition de la Scc Vierge... Lyon-Paris, 1847 (doc. 163<br />

et 184). Nous citerons d’après l’édition de 214 pages.<br />

Bibl.<br />

= J. STERN. « La Salette. Bibliographie », dans Marian<br />

Library Studies, New Sériés, vol. 7 (1975), Dayton, Ohio.<br />

— Bibl. C-10 signifie : titre de l’imprimé décrit dans la<br />

notice C-10 de cette bibliographie.<br />

VII


Abréviations, sigles et signes<br />

BMG = Bibliothèque municipale de Grenoble.<br />

BMGC = Bibliothèque municipale de Grenoble, R. 8668 (documents<br />

sur la Salette, réunis par le collectionneur E.<br />

Chaper).<br />

BMGD = Bibliothèque municipale de Grenoble, R. 9670 (notes<br />

autographes de l’ingénieur M.-F.-B. Dausse).<br />

CHAMPON = A. CHAMPON. Notre-Dame de la Salette. Histoire<br />

monumentale... Manuscrit, MSG (cf. LSDA I, p. 22).<br />

DAUSSE = M.-F.-B. DAUSSE. L'homme d'oraison. L ’a b b é J.-B.<br />

Gerin... Grenoble, Baratier et Dardelet, 1879-<br />

Doc. = Document du présent dossier.<br />

Écho = M. DES BRULAIS. L'écho de la sainte montagne...<br />

Nantes, impr. Charpentier, 1852.<br />

EG = Evêché de Grenoble. — EG 12 signifie : Évéché de<br />

Grenoble, fonds « La Salette » des archives, article 12.<br />

EGD = Evêché de Grenoble, fonds « La Salette » des archives,<br />

article 155 (dossier relié). — EGD 9 signifie : neuvième<br />

pièce de EGD.<br />

EGDA = Evêché de Grenoble, fonds « La Salette » des archives,<br />

anicle 155, pièces reliées en annexe au dossier. — EGDA<br />

1 signifie : première pièce de EGDA.<br />

GINOULHIAC = Mgr GINOULHIAC, évêque de Grenoble. Instruction<br />

pastorale et Mandement du 4 novembre 1854 (reproduit<br />

dans BASSETTE, p. 343-396).<br />

GIRAY<br />

= J. GIRAY, évêque de Cahors. Les miracles de la Salette.<br />

Étude historique et critique. Grenoble, impr. Saint-Bruno,<br />

1921, 2 vol.<br />

HECHT = L. HECHT, O.S.B. Geschichte der Erscheinung der<br />

seligsten Jungfrau zweien Hirten-Kindem a u f dem Berge<br />

von Salette...Einsiedeln, K. und N. Benziger, 1847. 60<br />

pages (doc. 194).<br />

JS = Bibliothèque des Journées Salettines, 53, chemin des<br />

Hermières, 69430 Francheville.<br />

VIII


Abréviations, sigles et signes<br />

LSD A I = La Salette. <strong>Documents</strong> authentiques, volume I.<br />

MATHIEU = H. MATHIEU. Les avertissements du ciel et les fléaux de<br />

D ieu... Paris, A. Sirou et Desquers, mai 1847 (doc. 179).<br />

Mémoire au pape = Affaire de la Salette. Mémoire au pape. Grenoble, impr.<br />

E. Redon, 1854. 61 pages. Cette brochure anonyme a<br />

pour auteur principal J.-P. Cartellier, curé de Saint-Joseph<br />

de Grenoble.<br />

Message = L. VAN DEN BOSSCHE. Le message de Sœur Marie de<br />

Saint-Pierre. Carmel de Tours, 1954.<br />

MSG = Archives de la, Maison générale des Missionnaires de N.D.<br />

de la Salette à Rome.<br />

Nouveau<br />

sanctuaire<br />

Nouveaux<br />

documents<br />

J. ROUSSELOT. Un nouveau sanctuaire à Marie... Grenoble,<br />

Grand Séminaire, etc., 1853.<br />

= J. ROUSSELOT. Nouveaux documents sur l'événem ent<br />

de la Salette... Grenoble, Grand Séminaire, etc., 1850.<br />

Il existe une édition de 192 pages et une autre de 252<br />

pages. Nous citerons d’après cette dernière.<br />

PAN = Paris, Archives nationales.<br />

PBN = Paris, Bibliothèque nationale.<br />

PBNR = Paris, Bibliothèque nationale, 4° Lk7 3501. — (Recueil<br />

de pièces sur la Salette destinées au colportage, classées<br />

par ordre chronologique).<br />

PERRIN = Manuscrits de M. le curé Perrin écrits les premières années<br />

q u i ont suivi P Apparition par M. l'a b b é Perrin frère du<br />

curé de la Salette qu i desservait avec lui le pèlerinage...<br />

Manuscrit de la main de Jacques-Michel Perrin. — MSG<br />

(cf. Bibl. ZA-2).<br />

Relations -■= A. BOSSAN. Relations et détails sur l'apparition de N. -<br />

D. de la Salette. Recueillis en 1862. Manuscrit de la main<br />

de l’auteur. — MSG (cf. Bibl. ZA-3).<br />

Réponse -= J.-P. CARTELLIER. Mémoires sur la Salette. Livre 1".<br />

Réponse au U ’ livre de M. Rousse lot... Manuscrit, EG<br />

163. Voir infra, p. 186, note.<br />

Statistique -= Statistique générale du départem ent de l ’Isère... Grenoble,<br />

Allier, 1844-1849. 4 vol. et un supplément.<br />

IX


A bréviation s, sigles e t signes<br />

Suite - M. DES BRULAIS. Suite de l'écho de la sainte m ontagne...<br />

Nantes, impr. Charpentier, 1855.<br />

Tours C = Carmel de Tours, 13 rue des Ursulines, 37000 Tours.<br />

Tours SF = Centre spirituel de la Sainte-Face, 8, me Bernard-Palissy,<br />

37000 Tours.<br />

V . = Verset.<br />

Vérité = J. ROUSSELOT. La vérité sur l'événem ent de la Salette<br />

du 19 septembre 1846, ou Rapport à Mgr l ’évêque de<br />

Grenoble sur l'apparition de la sainte Vierge à deux p etits<br />

bergers... Grenoble, Grand Séminaire etc., 1848, (doc.<br />

447). — Nous citerons d’après l’édition contenant des<br />

textes du mois d’août 1848.<br />

Vie de M.D. = P.-D. JANVIER. Vie de M. D upont... 3' éd., Tours, A.<br />

Marne et fils, etc., 1886, 2 vol.<br />

VILLECOURT = C. VILLECOURT, évêque de la Rochelle. Nouveau récit<br />

de l'apparition de la sainte Vierge sur les montagnes des<br />

A lpes... 2' éd., Lyon-Paris, 1847 (doc. 309).<br />

*<br />

= L’étoile qui, dans les introductions, précède le titre d’un<br />

document, signifie que ce dernier est de date incertaine<br />

et par conséquent occupe, dans la suite chronologique<br />

des textes, une place seulement conjecturale.<br />

]<br />

[ ]<br />

= Variantes de l’appareil critique.<br />

Exemples : main]bras = au lieu de « main » , lire « bras ».<br />

mé\x\\add. gauche = après « main », ajouter<br />

« gauche ».<br />

ma.in]omis = omettre « main » .<br />

= — Avec la mention b iffé : texte biffé.<br />

— A l’intérieur de parenthèses : remplace des parenthèses.<br />

— Dans tous les autres cas : isole les textes ajoutés par<br />

l’éditeur au texte à reproduire.<br />

\ / = Addition linéaire ( i.e . complétant une ligne incomplète)<br />

ou addition interlinéaire.<br />

\ \ / / = Addition marginale.<br />

p. la, lb, etc. = Les lettres a, b, c, etc., après le numéro d’une page,<br />

indiquent la colonne : p. la signifie p.l, première<br />

colonne.<br />

X


CONVENTIONS<br />

DOCUMENTS. — Les devises qu’on trouve parfois au sommet<br />

de la première page d’une lettre n ’ont pas été reproduites. On a<br />

également omis, en général, les en-têtes imprimés.<br />

Pour éviter les confusions avec les mois de juillet et suivants,<br />

les abréviations 7bre, 8bre, etc., ont été généralement transcrites<br />

au moyen des abréviations actuellement en usage (sept., oct.,<br />

etc.). Quand on a cru utile de les reproduire telles quelles, on les<br />

a accompagnées d ’une explication.<br />

On a cherché à respecter l’orthographe des textes, excepté en<br />

ce qui concerne les accents, qui ont été mis suivant les règles<br />

actuellement en usage. En cas de lecture douteuse — chose assez<br />

fréquente en ce qui concerne la distinction entre majuscules et<br />

minuscules ainsi qu’entre les finales en ois, oi(en)t et en ais,<br />

ai(en)t — on suit l’usage actuel. Des italiques signalent les<br />

anomalies, à l’exception des finales en an(s), en(s), ois et oi(en)t.<br />

Exemples : ils fesait (pour « faisaient »), mais événemens, enfans,<br />

étoit (pour « événements », « enfants », « était »).<br />

On a également mis en italiques les en-têtes imprimés (quand<br />

ils ont été reproduits), les passages soulignés, la date des documents,<br />

quand celle-ci vient à la fin du texte (e.g. dans le doc. 133) et<br />

enfin, dans les introductions aux documents, dans les résumés et<br />

dans les commentaires, certaines citations un peu longues, que<br />

l’on a voulu mettre en évidence (e.g. dans l’introduction au<br />

doc. 288).<br />

Dans les citations, les guillemets qu’on rencontre parfois au<br />

début de chaque nouvelle ligne n ’ont pas été reproduits.<br />

Pour faciliter le repérage des références, on a divisé certains<br />

textes en versets (e.g. le doc. 175).<br />

Les notes consacrées aux variantes ne signalent les variantes<br />

orthographiques ou de ponctuation que si elles affectent le sens.<br />

Note importante. Quand on s’écartera des conventions énoncées<br />

ci-dessus, les dérogations seront signalées dans les introductions<br />

aux documents.<br />

XI


Conventions<br />

INTRODUCTIONS ET EXPLICATIONS. — Dans les introductions<br />

et les explications, nous écrivons toujours Ablandens, Dorcières<br />

(hameaux de la commune de la Salette-Fallavaux) et non<br />

Ablandins, Dorcière.<br />

Le terme « curé » est employé pour tous les prêtres responsables<br />

d ’une paroisse, y compris pour les curés-doyens, qui, d ’ailleurs,<br />

portent (ou portaient) dans le diocèse de Grenoble le titre<br />

d ’archiprêtre.<br />

Les villages mentionnés sans autre précision géographique<br />

appartiennent au département de l’Isère, à moins que le contexte<br />

n ’indique une localisation différente.<br />

XII


Préface<br />

Comme évêque du diocèse dont fa it partie la Salette, je tiens<br />

à remercier le Père Jean Stem d'avoir entrepris la publication<br />

des documents concernant l ’apparition du 19 septembre 1846.<br />

Cette présentation du dossier, fruit de recherches patientes et<br />

rigoureuses, aidera le peuple chrétien à connaître les faits qui<br />

amenèrent mon prédécesseur, Mgr Philibert de Bruillard, à<br />

juger l'apparition authentique. Elle aidera aussi ce même peuple<br />

à pénétrer le sens du message de la Salette à la lumière de la<br />

Tradition vivante et, ainsi, à se garder des interprétations<br />

douteuses et des prophéties suspectes.<br />

Parmi les événements rapportés dans le présent volume, je<br />

voudrais en relever un, modeste en apparence, mais très<br />

significatif quand on le place à l'intérieur de la Tradition<br />

vivante évoquée à l ’instant : à savoir la fondation à la Salette<br />

d'une association de prières invoquant la Vierge sous le vocable<br />

de Notre-Dame de la Salette, Péconciliatrice des pécheurs. En<br />

consacrant ce titre par l ’usage et, aussi et surtout, en reprenant<br />

le chemin de la sainte table, le peuple chrétien montra q u ’il<br />

avait parfaitem ent identifié le bu t du message apporté par<br />

Marie : non pas la crispation des pécheurs en des attitudes de<br />

peu r et de terreur, mais leur réconciliation avec Dieu.<br />

Il est vrai qu'à la Salette, Marie parle du bras de son Fils<br />

devenu lourd et pesant, tou t prêt, sem ble-t-il, à châtier son<br />

peuple infidèle. Certains ont reproché à la Dame de l'apparition<br />

d ’être venue propager l ’image d ’un Christ vengeur, très différent<br />

du Sauveur messager de la bonne nouvelle du salut. Mais<br />

cette accusation ne procède-t-elle pas d ’une conception du<br />

XIII


Préface<br />

christianisme où Dieu n'est plus le Dieu de la Bible et où le<br />

Fils n 'a pas grand-chose de commun avec le Fils de l ’homme<br />

qui, d'apres l'Evangile, menace du « feu étem el » ceux qui nelui<br />

ont pas « donné à manger » quand il avait faim 1? — Le<br />

Dieu de la Révélation est paradoxal : il se révèle déchiré entre<br />

la colère et la miséricorde, qui sont les deux faces de sa passion<br />

pour l'homme. « Le Sauveur, écrit Origène, est descendu sur<br />

terre par p itié pour le genre humain. Il a subi nos passions<br />

avant de souffrir la Croix, avant même qu 'il eût daignéprendre<br />

notre chair : car s'il ne les avait d'abord subies, il ne serait pas<br />

venu participer à notre vie humaine. Quelle est cette passion<br />

q u ’il a d'abord subie pour nous ? C ’est la passion de l ’amour.<br />

Mais le Père lui-même, Dieu de l'univers, lui qui est plein de<br />

longanimité, de miséricorde et de pitié, est-ce qu 'il ne souffre<br />

pas en quelque sorte ?... Le Père lui-même n 'est pas impassible.<br />

Si on le prie, il a p itié e t il compatit. Il souffre une passion<br />

d ’am our123». Ce texte étonnant introduit au cœur du mystère<br />

de la miséricorde divine. Certaines présentations de l ’impassibilité<br />

de Dieu ne ménagent-elles pas trop « l ’opinion des sages<br />

de ce monde » — en l ’occurrence, l'orthodoxie stoïcienne —,<br />

au lieu de « laisser transparaître la bouleversante nouveauté du<br />

christianisme’ » ?<br />

Si nous réfléchissons dans cette perspective, ne voyons-nous<br />

pas q u ’à la Salette Marie exprime et la passion du Père pour<br />

les enfants qui se sont détournés de Lui, et la passion du Fils,<br />

qu i a accepté de mourir afin que les enfants dénaturés<br />

redeviennent de véritables enfants, ayant obtenu le pardon de<br />

leurs péchés ? Si Marie, à la Salette, se montre en larmes, n 'estce<br />

pas comme messagère de la miséricorde de Dieu, n ’est-ce<br />

pas afin de nous inviter à retourner au Père, loin de qui ne se<br />

trouvent que misère et destruction ? Les larmes de Marie ne<br />

laissent personne indifférent. La prem ière station du ravin de<br />

l ’apparition, celle de la Dame en pleurs, provoque chez le<br />

pèlerin un choc. Mais pour vraiment entendre cet appel adressé<br />

au cœur, il fau t monter à la Salette avec un cœur d'enfant.<br />

En parlant à Maximin et à Mélanie, la belle Dame évoque,<br />

sans doute, des malheurs. En un langage accessible aux bergers<br />

(1) Man. 25, 41-42.<br />

(2) Cité dans Henri DE LUBAC, Histoire et Esprit. L'intelligence de l'Ecriture d'apres Origène,<br />

Aubier 1950, p. 241.<br />

(3) Cf. Henri DE LUBAC, op. cit., p. 242.<br />

XIV


Préface<br />

et à leurs compatriotes, elle rappelle des réalités q u ’ils ne<br />

connaissent que trop bien : b lé qu i tom be en poussière, pom m es<br />

de^tèrie qui se gâtent... La conséquence est prévisible : les<br />

grandes personnes auront faim , des enfants mourront. Nous<br />

savons par les historiens que la crise agricole des années 1845-<br />

184*ffut accompagnée d ’une crise industrielle, de chômage, de<br />

faillites et de spéculations aux effets désastreux pour les petites<br />

gens surtout. — Pourquoi ces paroles dans la bouche de Marie,<br />

sinon pou r nous inviter à réfléchir sur les événements à la lumière<br />

de la Révélation ? Une récolte catastrophique accompagnée d ’un<br />

cortège de misères nous rappelle que Dieu seul est tout-puissant.<br />

A un m om ent ou beaucoup s'imaginaient que, par la science<br />

e t la technique, l'hum anité allait enfin maîtriser l'univers, à<br />

un mom ent où prenaient leur essor des idéologies qui prom ettent<br />

de procurer le bonheur parfait sur cette terre, Notre-Dame de<br />

la Salette rappelait aux hommes leur faiblesse de créatures et<br />

de pécheurs. La création ne p eu t trouver en elle-même son<br />

salut. A la Salette, Marie découvre à son peuple la source des<br />

malheurs qui le frappent : l'oubli du Créateur et du Sauveur<br />

sans lequel il n 'existe, pour les hommes, aucun espoir de salut,<br />

pas même en ce monde.<br />

Que devons-nous faire pour avoir la vie, sinon revenir à<br />

Dieu ? « S ’ils se convertissent », d it la Dame de l ’apparition,<br />

« les pierres et les rochers se changeront en monceaux de<br />

blé... ». — Ne nous trompons pas : il n'y aura pas de miracle<br />

dispensant les hommes d'accomplir leur tâche d ’hommes.<br />

Notre-Dame de la Salette veut nous faire comprendre que c 'est<br />

en prenant au sérieux notre filiation divine que nous réussirons<br />

à bâtir un monde plus humain.<br />

En interprétant le message de la Salette comme un appel à<br />

se laisser réconcilier, la population de l ’époque revivait un<br />

mystère particulièrem ent cher à saint Paul e t aux Pères de<br />

l'Eglise, e t que le christianisme du dernier quart de notre<br />

vingtième siècle a senti le besoin d ’approfondir. Après avoir<br />

é té le thèm e de l ’Année sainte 1975, la réconciliation a été,<br />

conjointement avec la pénitence, celui du Synode des évêques,<br />

tenu à Rome au cours de l'automne dernier, en pleine<br />

Année sainte extraordinaire. Jean-Paul II, qui a qualifié de<br />

« providentielle » cette rencontre avec le Ju bilé célébré en<br />

mémoire du mystère de la Rédemption, « source de la réconciliai<br />

s


Préface<br />

tion et de la pénitence », a présenté ces dernières comme « une<br />

dimension — bien plus, la dimension fondamentale — de<br />

toute l ’existence chrétienne ». Avec le thème traité par le<br />

Synode, « nous touchons, d it le Saint-Père, en un certain<br />

sens les racines mêmes de l ’être chrétien dans le monde<br />

contemporain4 ».<br />

En d'autres termes : le thème de la réconciliation, dont les<br />

documents historiques attestent la présence au cœur de la<br />

dévotion salettine naissante, est lié à l ’essence même du<br />

christianisme. En effet, ce n 'est pas la lutte qui est première,<br />

mais la communion. Luttes, divisions et guerres sont l'effet<br />

d'une première rupture, celle que le péché a introduit entre<br />

l ’homme et son Créateur.<br />

Par sa m ort et sa résurrection, le Christ a détruit le péché<br />

avec ses conséquences e t a opéré la réconciliation des hommes<br />

avec Dieu et entre eux. « Le Christ est notre paix : de ce qui<br />

était divisé, il a fa it une unité. Dans sa chair, il a détruit le<br />

mur de séparation, de haine56». Malgré conflits e t guerres,<br />

l ’Esprit Saint est à l'œuvre, transformant les rapports entre<br />

personnes et nations, agissant dans et par l'Eglise, qui a<br />

précisém ent la mission de porter aux hommes cette réconciliation,<br />

qu 'elle-même célèbre journellem ent dans l ’Eucharistie.<br />

La réconciliation suppose l ’existence d ’un amour réciproque :<br />

amour de Dieu pour l ’homme, mais aussi amour de l ’homme<br />

racheté pour Dieu, amour que l'hom m e est cependant capable<br />

d ’offrir seulem ent s ’il a reçu en son cœur l'Esprit envoyé par le<br />

Christ. C ’est parce q u elle est pleine de grâce, que Marie a pris<br />

part e t p ren d encore part à notre réconciliation. Le Père Stem<br />

l'écrit très justem ent : « Le Christ, qui donne ... aux réconciliés<br />

de se présenter au Père comme ses fils, donne égalem ent à sa<br />

Mère de se présenter devant le Père comme celle qui, depuis<br />

Nazareth, est l'associée du Messie dans l ’œuvre de réconciliation<br />

et qui, au Calvaire, a prou vé son amour pour Dieu en acceptant<br />

que toute sa volonté soit faiteb ».<br />

(4) Discours de clôture du Synode, Documentation catholique, 1983, p. 1078.<br />

(5) Eph. H, 13-14.<br />

(6) J. STERN, « Marie dans le Mystère de notre réconciliation », Nouvelle Revue Théologique<br />

97 (1975), p. 22.<br />

XVI


Préface<br />

Ne comprenons-nous pas mieux l'immense portée de la<br />

Rédemption, dont nous célébrons actuellement le Jubilé,<br />

lorsque, avec les yeux de la foi, nous contemplons Marie<br />

intercédant comme Réconciliatrice auprès du Père ?<br />

Rome, le 25 mars 1984<br />

Jour de la consécration des peuples à Marie<br />

t Gabriel Matagrin, évêque de Grenoble.<br />

XVII


(bibliothèque<br />

Frontispice du « Nouveau récit » de Mgr Ville court, premier livre sur la Salette à paraître avec<br />

l'approbation de l'évêque de Grenoble (doc. 309).


INTRODUCTION<br />

La période sur laquelle porte ce deuxième volume de la série<br />

La Salette - <strong>Documents</strong> authentiques est caractérisée par la mise<br />

en route du procès de la Salette et son déroulement devant la<br />

commission instituée par l’évêque de Grenoble, Mgr Philibert de<br />

Bruillard. Disons dès à présent que, plus tard, la régularité du<br />

procès sera mise en doute par le cardinal de Bonald, archevêque<br />

de Lyon, et par Mgr Depéry, évêque de Gap. Le Saint-Siège, par<br />

contre, ne reprochera jamais à l’évêque de Grenoble d ’avoir violé<br />

les règles du droit ou d’avoir outrepassé ses pouvoirs en prononçant<br />

un jugement solennel au sujet de l’apparition.<br />

Pour aider le lecteur à s’orienter à travers événements et débats,<br />

nous commencerons par exposer la procédure fixée par le droit<br />

canon de l’époque pour ce genre de procès. Nous indiquerons<br />

ensuite un certain nombre de faits survenus entre mars 1847 et<br />

avril 1849 : ces points de repère faciliteront au lecteur la compréhension<br />

des nombreux documents du présent volume.<br />

I. L’EXAMEN CANONIQUE DES APPARITIONS<br />

L’autorité classique en la matière est le pape Benoît XIV<br />

(Prosper Lambertini, 1675-1758)', appelé par Montesquieu le<br />

« pape des savants » et considéré par certains comme le fondateur<br />

de la science canonique moderne. On trouvera son nom cité lors<br />

du procès de la Salette12, de même que plus tard lors des procès de<br />

Lourdes et de Pontmain.<br />

L’enseignement de Benoît XIV sur la façon de procéder à<br />

l’examen des apparitions nous est accessible à travers le monumental<br />

traité qu’il consacre aux procès de béatification et de canonisation3.<br />

(1) M. CASTELLANO, O.P., « La prassi canonica circa le apparizioni mariane » (dans<br />

Enciclopedia mariana * Theotocos », 2.éd., Gênes-Milan, 1958, p. 486-505), le présente<br />

comme « l’autore classico in materia » (p. 489, à propos des aspects à examiner).<br />

(2) Mandement du 19 septembre 1851, préambule de la partie juridique : « Nous<br />

appuyant sur les principes enseignés par le Pape Benoît XTV, et suivant la marche tracée<br />

par lui... ».<br />

(3) De servorum Dei beatificatione et beatorum oanonizatione. La première édition<br />

est de 1734-1738. Nous citerons d ’après les Opéra omnia de Benoît XIV, Prati, 1839-1847,<br />

18 volumes in-4°. Les volumes I à IV correspondent respectivement aux livres I à IV du De<br />

sert.; les volumes V à VII contiennent les index du traité et des compléments ajoutés par<br />

Benoît XTV après son accession à la papauté.<br />

1


Introduction<br />

L’œuvre, composée par Prosper Lambertini avant son accession au<br />

souverain pontificat en 1740, n’a point force de loi par elle-même4.<br />

Sa valeur et son autorité tiennent à la maîtrise avec laquelle<br />

l’auteur, riche de l’expérience qu’il a acquise dans ce genre de<br />

procès comme promoteur de la foi (avocat du diable) auprès de la<br />

Sacrée Congrégation des Rites, interprète la législation et résoud<br />

les cas qui se présentent. L’utilisateur de l’œuvre devra cependant<br />

tenir compte de la perspective de l’auteur qui, en général, envisage<br />

les apparitions et autres phénomènes d ’ordre charismatique dans<br />

un contexte particulier : à savoir le procès de béatification d ’un<br />

serviteur de Dieu5.<br />

Eprouver les esprits<br />

Bien que dépourvues de l’autorité propre à la révélation<br />

apostolique, les révélations « privées », c’est-à-dire confiées par<br />

Dieu à une personne privée6, méritent, selon Benoît XIV, le respect<br />

du peuple chrétien. Les exigences critiques qu’il formule à propos<br />

des faits mystiques ne sont qu’un aspect de l’attitude critique<br />

adoptée par lui à l’égard des miracles en général et à l’égard de la<br />

sainteté. De toute évidence, il n ’est adversaire ni de la mystique<br />

ni de la sainteté, mais il veut que leur authenticité soit établie par<br />

des preuves, « afin que le jugement de béatification et de<br />

canonisation ne risque pas d’être tourné en ridicule par les<br />

hérétiques »7. Benoît XIV s’inscrit par là-même dans la tradition<br />

de l’Eglise, à la fois critique et ouverte à l’éventualité des<br />

manifestations d ’ordre charismatique. Ainsi, à la veille de la crise<br />

protestante, le 5' concile du Latran, après avoir formulé une mise<br />

en garde contre ceux qui oseraient fournir des précisions sur la<br />

venue de l’antéchrist et le jour du jugement, protestait qu’il<br />

n ’avait nullement l’intention d ’assimiler à ces fables les révélations<br />

venues de Dieu :<br />

En effet, au témoignage d’Ambroise, on éteint la grâce de l’Esprit luimême,<br />

si l’on étouffe par la contradiction la ferveur de ceux qui se mettent<br />

(4) De sera. I, p. xxviii : préface à l’édition de 1743.<br />

(5) Quatorze chapitres de l’oeuvre sont expressément consacrés aux apparitions et autres<br />

phénomènes mystiques (II, c.32, III, c.42-53 ; IV, pars I, c.32).<br />

(6) La révélation « privata » peut cependant avoir pour objet le bien de l’Eglise,<br />

« bonum Ecdesiae » : De serv. III, c.ult., n.2.<br />

(7) De serv. III, c.6, n.l.<br />

2


L'examen canonique des apparitions<br />

à parler ; il est alors indéniable que l’on fait certainement outrage à<br />

l’Esprit-Saint. Comme il s’agit d’une affaire de grande importance et qu’il<br />

ne faut pas facilement donner foi à tout esprit, mais que, selon l’Apôtre,<br />

il faut éprouver les esprits pour voir s’ils viennent de Dieu, nous voulons<br />

que, de par le droit ordinaire, les inspirations dont il s’agit, avant d’être<br />

publiées ou prêchées au peuple, soient désormais soumises à un examen<br />

réservé au Siège apostolique [...]8.<br />

Le concile admet cependant que, s’il y a urgence, on soumette<br />

l’affaire à l’autorité ecclésiastique locale (l’ordinaire du lieu), qui<br />

procédera à l’examen en s’entourant d’un comité de sages. Elle<br />

pourra ensuite accorder l’autorisation de publier, si elle le juge<br />

opportun.<br />

Instances compétentes<br />

Qui a autorité pour prononcer un jugement ? — Le 5' concile<br />

du Latran semblait réserver cet acte au Saint-Siège, mais il s’agissait<br />

d ’un jugement prononcé à propos de personnes encore vivantes et<br />

se disant investies d ’une mission venue du ciel. Le cas de la<br />

Salette (comme le cas de Lourdes et de Pontmain) se présente<br />

différemment : il s’agit là d ’un miracle attribuable à Marie, sainte<br />

jouissant d ’un culte reconnu par l’Eglise et apparaissant à des<br />

voyants qui sont de simples témoins. Le texte législatif classique<br />

en la matière vient du concile de Trente :<br />

Nul nouveau miracle ne sera admis, nulle relique nouvelle reçue, sans leur<br />

reconnaissance préalable et leur approbation de la part de l’évêque. Celuici<br />

consultera des théologiens et d’autres hommes pieux. Dès qu’il parviendra<br />

à une conviction au sujet de ces miracles ou reliques, il fera ce qu’il<br />

estimera être conforme à la vérité et à la piété. S’il faut extirper un abus,<br />

source de doutes et de difficultés ou, surtout, s’il survient en la matière<br />

quelque problème plus grave, l’évêque, avant de trancher, attendra l’avis<br />

du métropolitain et des autres évêques de la province réunis en concile<br />

provincial. Cependant on n’adoptera aucune nouveauté, aucun usage<br />

inconnu jusque-là dans l’Eglise, sans avoir auparavant consulté le très saint<br />

pontife romain9.<br />

(8) Session XI, 19 décembre 1516, décret « Supernae maiestatis », dans Conciliorum<br />

oecumenicorum décréta, Bâle, etc., Herder, 1962, p. 613, cité dans De serv. II, c.l, n.7 et<br />

10. — Textes ou cas analogues, plus anciens : autorisation accordée par le pape Eugène III<br />

à sainte Hildegarde de publier ce qu’elle avait appris du Saint-Esprit, après examen du<br />

livre de ses visions en 1147-1148 (De serv. II, c.25, n.3) ; décrétale Quum ex iniuncto<br />

d’innocent III (1199), reprise dans les décrétales de Grégoire IX, lib.V, tit.VH, c.12.<br />

(9) Session XXV, 3-4 décembre 1563, dans Conc. oec. decr., p. 752.<br />

3


Introduction<br />

Selon Benoît XIV, ce texte reconnaît aux évêques le droit<br />

d ’approuver et de publier les miracles attribués à un saint<br />

canonisé10 1. Ils devront cependant tenir compte des précautions<br />

énoncées par le concile : consulter des experts, prendre l’avis du<br />

concile provincial et mettre le Saint-Siège au courant, si nécessaire.<br />

Avant de publier le Mandement du 19 septembre 1851, Mgr de<br />

Bruillard sollicitera effectivement l’avis de Pie IX, qui renverra<br />

l’évêque de Grenoble à la Sacrée Congrégation des Rites, conformément<br />

à la pratique romaine décrite par Benoît XIV : au niveau<br />

romain, l’examen et l’approbation des miracles relèvent du dicastère<br />

chargé du culte11, à moins qu’il n ’y ait lieu de soupçonner derrière<br />

l’affaire une machination, une tromperie, auquel cas elle relèverait<br />

de la compétence de l’Inquisition12.<br />

Preuves et témoignages<br />

Dans les procès de béatification et de canonisation, on doit<br />

observer en matière de preuves, les prescriptions de la procédure<br />

pénale, particulièrement exigeantes. Toutefois, Benoît XIV tempère<br />

cette exigeance par la formule « quantum fîeri potest », pour<br />

autant que la chose est faisable13. Ainsi, pour établir un point<br />

donné, le témoignage d ’une seule personne ne suffit pas, du<br />

moins en principe. On doit cependant admettre des exceptions,<br />

faute de quoi on rejetterait a priori dans les brumes de l’invérifiable<br />

les réalités d’ordre intime, comme celles par exemple rapportées<br />

dans l’autobiographie de sainte Thérèse d ’Avila ou, pour ce qui<br />

nous intéresse, les apparitions d ’un saint à un individu isolé,<br />

comme ce sera le cas, par exemple, à Lourdes. Benoît XIV admet<br />

que de tels faits puissent être reconnus comme authentiques.<br />

Seulement, dans de pareils cas, le témoignage devra être complété<br />

par un examen qui portera sur la personne du témoin, sur la<br />

nature de l’apparition et sur les effets qu’elle a produits14.<br />

(10) De serv. II, c.l, n .12-13 ; IV, pars II, c.ult., n.2.<br />

(11) Jusqu’à la réorganisation de la curie romaine sous Paul VI, la Congrégation des<br />

Rites était chargée du culte en général, y compris de ces phases préparatoires au culte des<br />

saints que sont les procès de béatification et de canonisation. La Sacrée Congrégation pour<br />

les causes des saints est de fondation toute récente : 1969-<br />

(12) De serv. III, c.52, n.13 ; IV, pars II, c.ult., en particulier n.3-5. La pratique a<br />

évolué : selon Castellano (article cité à la note 1), qui étudie la procédure en usage au<br />

vingtième siècle, un seul dicastère romain est compétent pour l’examen d ’une apparition :<br />

le Saint-Office.<br />

(13) De serv. III, c.6, n.3 ; également c.3, n.2-5.<br />

(14) De serv. III, c.51, n.3 (p. 587) ; IV, pars I, c.32, n.14 (p. 379) ; également III,<br />

c.10, n .11.<br />

4


V-.<br />

L'examen canonique des apparitions<br />

Les témoignages d’enfants présentent une difficulté analogue<br />

au cas du témoin unique. D ’après les règles du droit, ils ne<br />

constituent jamais une preuve proprement dite15. Benoît XIV<br />

aurait-il donc refusé a priori d’approuver des apparitions comme<br />

celle de la Salette ou, surtout, celles de Pontmain (1871), où les<br />

seuls voyants furent de jeunes enfants ? — On lui a effectivement<br />

prêté cette position qui, en réalité, se situe aux antipodes de sa<br />

pensée : c’est du moins la conclusion qui, à notre avis, s’impose,<br />

quand on prend la peine de parcourir les œuvres de cet esprit<br />

supérieur, qui fut « le plus canoniste des théologiens et le plus<br />

théologien des canonistes »16 et qui allie une érudition immense<br />

avec un remarquable bon sens. Rien de plus étranger à sa mentalité<br />

que d ’urger l’application des règles de façon mécanique, au point<br />

d ’en faire des empêchements à la recherche du vrai : « il appartient<br />

à l’homme bien formé de se contenter pour chaque objet du type<br />

de démonstration conforme à sa nature »17. Restant sauf le principe<br />

qu’il faut apporter des preuves solides, on tempérera les exigences<br />

d ’ordre formel en fonction de la réalité sous examen. Il est clair<br />

que la déposition d ’un enfant ne saurait constituer la preuve<br />

complète d ’une apparition. Mais les dépositions d’un groupe<br />

d ’adultes ne suffiraient pas davantage à prouver un fait en un<br />

domaine où les hallucinations collectives ne sont pas chose inouïe.<br />

Les témoignages complémentaires et les indices convergents qui<br />

figurent normalement parmi les considérants des jugements canoniques<br />

ne sont pas cités simplement pour suppléer à une insuffisance<br />

d ’ordre quantitatif, qu’il s’agisse du nombre des voyants ou de<br />

leur âge. Leur présence est nécessaire pour que soit éliminé tout<br />

doute raisonnable18.<br />

(15) De serv. III, c.6, n.}.<br />

(16) Card. André JULLIEN, Juges et avocats des tribunaux de l'Eglise, Rome, Officium<br />

libri catholici, 1970, p. 203.<br />

(17) De serv. III, c.l, n.6 : phrase d’Aristote (Ethique à Nicomaque, 1,3), reproduite<br />

par Benoît XIV d ’après saint Thomas (I Contra Gentes, 3). Lors du procès de Pontmain,<br />

H. Sauvé, chanoine théologal du diocèse de Laval, présenta l’objection contre les témoignages<br />

d ’enfants comme « insurmontable » : Benoît XIV aurait rejeté l’opinion de Sénèque, selon<br />

laquelle il n’est pas de témoin plus pur qu’un enfant (R. LAURENTIN et A. DURAND,<br />

Pontmain, histoire authentique, Paris, Apostolat des Editions, etc., 1970, vol. I, p. 72).<br />

En réalité, Benoît XIV, dans le passage auquel il est fait allusion (De serv. III, c.6,<br />

n.3), discute un point de droit positif et s’abstient de prendre position sur le fond (« quidquid<br />

sit de hujus Philosophi opinione »). De plus, la référence indiquée, Canonisation 1, 3,<br />

I, 19. De Testihus, est une faute de lecture : Benoît XIV a écrit « ex jure civili 1.3 et 1.19<br />

ff. de testih. ». Il s’agit d ’une référence au corpus de l’empereur Justinien.<br />

(18) Cf. la judicieuse remarque le l’abbé Suhard, futur cardinal et archevêque de<br />

Paris, lors du deuxième procès de Pontmain en 1920 : » Le témoignage des enfants vaut.<br />

5


Introduction<br />

Ajoutons une dernière remarque à propos de l’attitude adoptée<br />

par les autorités de l’Eglise. Là où les masses chrétiennes demeurent<br />

encore simples et naïves, les responsables toléreront aisément la<br />

diffusion d ’apparitions peu sûres, pourvu qu’elles édifient. Euxmêmes<br />

auront tendance à les admettre sur simple ouï-dire : qu’on<br />

songe aux innombrables prodiges rapportés par saint Alphonse de<br />

Liguori dans son livre Les gloires de Marie, paru au milieu du dixhuitième<br />

siècle ! Mais à une époque et dans les pays où l’esprit<br />

scientifique et la critique historique imprègnent la mentalité<br />

commune, l’autorité ecclésiastique évitera toute apparence d ’approbation<br />

précipitée, afin de ne pas scandaliser inutilement19.<br />

II. POINTS DE REPÈRE<br />

Rappelons brièvement quelle est la situation à la fin de<br />

l’hiver, cinq mois après l’événement du 19 septembre 1846. Les<br />

témoignages de Maximin et de Mélanie sur l’apparition d ’une<br />

Dame ont été largement diffusés par des récits assez différents les<br />

uns des autres quant aux nuances et à la forme, mais identiques<br />

cependant quant à la substance : tous, en effet, présentent le<br />

message de la Dame comme un appel à la conversion, à l’observance<br />

des devoirs religieux. L’autorité diocésaine de Grenoble, dont le<br />

territoire de la Salette dépend au point de vue ecclésiastique, est<br />

impressionnée par les témoignages des curés sur les fruits spirituels<br />

de l’apparition et sur l’importance des pèlerinages, qui se poursuivent<br />

aussi longtemps que la neige n ’a pas rendu les lieux<br />

fondé qu’il est, non sur l’autorité personnelle des témoins, mais sur l’évidence de leur<br />

témoignage, qui ressort des circonstances, tant de l’Apparition, que de l’attitude des<br />

témoins au cours de l’Apparition. Un seul témoin, dans l'occurrence, donnerait un<br />

témoignage suffisant... » (dans R. LaURENTIN - A. DURAND, op. cit., vol. III, p. 321). Le<br />

cardinal Jullien, qui fut durant de longues années membre du Tribunal de la Rote, a<br />

montré comment la décision portée par un juge est le fruit d ’une synthèse et non le<br />

résultat d’une opération arithmétique : JULLIEN, op. cit., ch. XIX, en particulier p. 440-<br />

441, où Ton trouvera une analyse du jugement porté le 18 janvier 1862 par Mgr Laurence,<br />

évêque de Tarbes, sur les apparitions de Lourdes.<br />

(19) Pour de plus amples informations sur l’examen canonique des apparitions selon<br />

Benoît XTV, nous nous permettons de renvoyer le lecteur au rapport que nous avons<br />

présenté en septembre 1983 lors du Congrès mariologique international de Malte. Les actes<br />

du Congrès seront publiés par les soins de l’Académie pontificale mariale internationale de<br />

Rome.<br />

6


Points de repère<br />

inaccessibles. Mais elle ne connaît les témoignages des deux voyants<br />

que d ’une façon très approximative. Elle ignore le contenu et,<br />

probablement, l’existence même de l’enquête menée en févriermars<br />

par l’abbé Lagier, parfait connaisseur du patois de Corps.<br />

L’évêque, Mgr Philibert de Bruillard, penche à titre personnel<br />

pour la réalité de l’apparition. Il évite toutefois d’engager son<br />

autorité et reste dans l’expectative. La circulaire du 9 octobre 1846<br />

demeure en vigueur : elle interdisait au clergé de parler de<br />

l’apparition en chaire, tant que l’autorité ecclésiastique ne l’aurait<br />

pas approuvée.<br />

Au cours du printemps et de l’été 1847, des éléments nouveaux<br />

modifieront cet état de choses : annonces de guérisons, polémiques<br />

et développements d ’ordre spirituel. Ils amèneront l’évêque de<br />

Grenoble à mettre en route l’examen canonique et à prendre<br />

position.<br />

Annonces de guérisons<br />

En avril, arrivent à l’évêché des lettres annonçant coup sur<br />

coup deux guérisons obtenues par l’invocation de Notre Dame de<br />

la Salette et l’usage de l’eau coulant de la source de l’apparition.<br />

La deuxième guérison surtout, celle de Sœur Saint-Charles,<br />

religieuse hospitalière de Saint-Joseph d’Avignon, fait impression.<br />

Alitée depuis huit ans, arrivée à un état de faiblesse extrême, elle<br />

avait été guérie subitement, au cours d’une neuvaine. Dans les six<br />

mois qui suivent, on signalera une douzaine d ’autres guérisons.<br />

Polémiques et poursuites judiciaires<br />

Le 9 avril 1847, un journal de Paris, le Constitutionnel,<br />

annonce qu’une brochure sur la Salette est en vente dans une<br />

église de la capitale. Il propose qu’on la distribue aux députés :<br />

ceux-ci pourront ainsi se rendre compte de « ce qu’on doit<br />

attendre des hommes qui demandent avec tant d ’ardeur la liberté<br />

d ’enseignement ». (Le gouvernement songeait à présenter à la<br />

chambre une loi limitative du monopole de l’Université.) Divers<br />

journaux emboîtent le pas. D ’autre part, en plusieurs villes,<br />

Angers, Paris, etc., police et parquet, voulant empêcher la diffusion<br />

des récits de l’apparition, engagent des poursuites contre des<br />

7


Introduction<br />

imprimeurs et des libraires qui les vendent, sous prétexte qu’ils<br />

ont omis les formalités prescrites par la législation sur les imprimés.<br />

Le vrai motif de ces interventions est la crainte que le message ne<br />

produise « de funestes impressions sur les populations ignorantes »<br />

(note du 20 mai 1847 pour le Garde des Sceaux).<br />

Développements spirituels<br />

La suite des événements cependant montre que les craintes<br />

étaient vaines : les populations qui ont pris le message à cœur,<br />

l’ont interprété comme les habitants de Ninive interprétèrent jadis<br />

le message du prophète Jonas : non pas comme un bulletin de<br />

prévisions météorologiques, mais comme une jnvitation à la<br />

conversion et à la prière. Les pèlerinages reprennent après la fonte<br />

des neiges et surtout après la Pentecôte. Un témoin oculaire parle<br />

de six mille pèlerins pour la seule journée du 31 mai. — Certains<br />

de ces pèlerins viennent de fort loin : de Marseille, de Nantes, de<br />

Tours... Pour le 19 septembre 1847, premier anniversaire de<br />

l’apparition, les estimations vont de trente à cent mille pèlerins.<br />

Le dernier chiffre, certainement exagéré, veut symboliser l’atmosphère<br />

du jour. Le curé de la cathédrale de Grenoble déclarera<br />

qu’il n ’a jamais rien vu de semblable, « ni à Lyon à l’arrivée des<br />

Bourbons, au retour de l’exil ; ni à l’apparition de Bonaparte, au<br />

retour de l’île d ’Elbe » (doc. 289). Comme l’anniversaire tombe<br />

un dimanche, l’évêque permet qu’on célèbre la messe dans une<br />

chapelle érigée sur la montagne. Entre temps, afin de « satisfaire<br />

à Dieu pour les deux grands crimes signalés par la déclaration des<br />

enfants de Corps » (doc. 259), Mgr Parisis, évêque de Langres,<br />

érige une confrérie « réparatrice des blasphèmes et de la violation<br />

du dimanche », qu’un bref de Pie IX, daté du 30 juillet, élève au<br />

rang d’archiconfrérie, ce qui permet à l’association d ’affilier des<br />

succursales.<br />

L'enquête canonique<br />

Parmi les pèlerins de l’été 1847, figure Mgr Clément Villecourt,<br />

évêque de la Rochelle et futur cardinal. De passage à Grenoble le<br />

19 juillet, il rend visite à Mgr de Bruillard, qui, ce même jour,<br />

nomme deux enquêteurs officiels : le chanoine Rousselot, professeur<br />

de morale au grand séminaire diocésain, et le chanoine Orcel,<br />

8


Points de repère<br />

supérieur de la même maison. Au moment de cette nomination,<br />

le premier enquêteur croit déjà à l’authenticité de l’apparition,<br />

tandis que le second est encore sceptique. Partis de Grenoble le<br />

27 juillet, les enquêteurs passent dans neuf diocèses du sud-est,<br />

cherchant à rassembler une documentation sur les guérisons qu’on<br />

leur a signalées. A Nîmes, ils ont la chance de rencontrer l’abbé<br />

Lambert, qui, durant un séjour fait à Corps au mois de mai, avait<br />

noté par écrit le récit de chacun des enfants. Maniant parfaitement<br />

le provençal, il a su, mieux que d ’autres, reproduire les paroles<br />

que la Dame avait prononcées en patois. La relation Lambert<br />

deviendra la pièce maîtresse du récit publié l’année suivante par<br />

Rousselot et reproduit maintes et maintes fois jusqu’à nos jours.<br />

Rousselot et Orcel visitent Corps et la Salette le 25 et le<br />

26 août. Ils interrogent Maximin et Mélanie, diverses personnes<br />

qui les connaissent et des ecclésiastiques de la région.<br />

Les Conférences à / ’évêché de Grenoble et les débuts de l ’opposition<br />

L’enquête terminée, Rousselot compose un Rapport, que Mgr<br />

de Bruillard fait examiner par une commission qui se réunit à<br />

l’évêché de Grenoble, en novembre et en décembre 1847. Présidée<br />

par l’évêque en personne, elle comprend seize membres : les<br />

vicaires généraux, les chanoines de la cathédrale, les curés de la<br />

ville épiscopale et les deux commissaires enquêteurs, qui viennent<br />

du grand séminaire.<br />

La commission se réunira huit fois. A chacune des Conférences,<br />

le Rapport fait l’objet de critiques formulées par le vicaire général<br />

Berthier, un adversaire de la première heure, et trois des cinq<br />

curés de Grenoble. Le groupe des opposants n ’est homogène qu’en<br />

apparence. Les difficultés soulevées par le vicaire général Berthier<br />

se situent moins au niveau des faits qu’à celui des documents,<br />

qu’il estime contradictoires. Nous avons déjà étudié sa façon de<br />

lire les textes1. Les curés de Saint-Louis et de Saint-André présentent<br />

des objections d ’ordre général : ils insistent sur la prudence<br />

nécessaire en pareille matière et sur la difficulté d’atteindre à la<br />

certitude. Lorsque l’évêque, au cours de la cinquième Conférence,<br />

demande à la commission de se prononcer sur la réalité de<br />

l’apparition, la majorité répond par un oui. Sur les quatre votes<br />

négatifs, trois sont motivés par l’insuffisance des preuves fournies<br />

(1) La Salette. <strong>Documents</strong> authentiques (dorénavant LSDA), I, en particulier, p. 140.<br />

9


Introduction<br />

dans le Rapport. Une seule voix se prononce formellement contre<br />

la réalité de l’apparition : celle du curé de Saint-Joseph, J.-P.<br />

Cartellier, qui poursuivra le combat contre la Salette après la<br />

clôture des Conférences.<br />

Approbation de l ’apparition<br />

En ouvrant les Conférences, Mgr de Bruillard avait laissé<br />

entendre qu’à leur issue il prononcerait un « jugement doctrinal »<br />

(doc. 330). Les troubles politiques de 1848, peut-être aussi une<br />

intervention du cardinal de Bonald, archevêque de Lyon, lui font<br />

ajourner son projet. Cependant début juin la Salette reçoit un<br />

pèlerin de marque, l’abbé Dupanloup, qui, l’année suivante,<br />

deviendra évêque d ’Orléans. Dupanloup interroge les enfants. Il<br />

est vivement frappé par le contraste entre leur médiocrité habituelle<br />

et le changement qui s’opère en eux quand ils parlent de<br />

l’apparition, entre « le ton toujours vulgaire et habituellement<br />

grossier » de Maximin, « le ton habituellement maussade » de<br />

Mélanie, et la simplicité, le sérieux, avec lesquels ils donnent le<br />

récit (doc. 427). Durant un séjour dans la région de Grenoble, il<br />

prend connaissance du Rapport Rousselot et le trouve bon. Mgr<br />

de Bruillard décide alors d’en permettre la publication, mieux<br />

encore, de prendre position ouvertement, en tant qu’évêque. Ce<br />

n ’est pas la première fois qu’un livre sur la Salette va paraître avec<br />

son consentement. Dès septembre 1847, il avait donné son accord<br />

à la publication, par Mgr Villecourt, d ’un Nouveau récit de<br />

l'apparition (doc. 309). Mais cette fois-ci, il va nettement plus<br />

loin : dans une lettre signée, placée en tête du livre de Rousselot,<br />

il déclare avoir « constamment partagé l’avis de la très-grande<br />

majorité de la Commission » (doc. 428). Ainsi, au vu et au su de<br />

tous, l’évêque du lieu admet l’authenticité de l’apparition. Bien<br />

qu’il n’ait pas formulé de « jugement doctrinal » au sens juridique<br />

du terme — le jugement doctrinal viendra en 1851 —, la Salette<br />

possède désormais un statut ecclésial. Bientôt du reste ce nom<br />

figurera dans un acte solennel : le 4 mars 1849, Mgr Jolly,<br />

archevêque de Sens, proclame miraculeuse la guérison d ’Antoinette<br />

Bollenat, d’Avallon dans l’Yonne, guérison obtenue à la suite<br />

d ’une neuvaine à la très sainte Vierge « invoquée sous le nom de<br />

Notre Dame de la Salette ».<br />

10


Points de repere<br />

Notre Dame Re'conciliatrice des pécheurs<br />

En mai 1848, le curé de la Salette fonde dans sa paroisse une<br />

confrérie en l’honneur de Notre Dame des Sept-Douleurs. La « vox<br />

populi » ne tarde pas à désigner l’association sous un autre nom,<br />

celui de Notre Dame Réconciliatrice des pécheurs. Ce vocable<br />

deviendra le titre liturgique de la Dame de la Salette. On le trouve<br />

dans les documents du Saint-Siège, du bref de Pie IX en faveur<br />

de l’archiconfrérie de la Salette (7 septembre 1852) au texte de la<br />

messe de la Salette, révisé après Vatican II et approuvé par la<br />

Sacrée Congrégation du Culte (25 juin 1976).<br />

Remous suspects<br />

Comme le miel attire les mouches, les manifestations charismatiques<br />

attirent les esprits crédules et portés aux excès de zèle.<br />

Pendant qu’à l’évêché de Grenoble on examine le fait de la<br />

Salette, autour de l’association réparatrice de Langres règne une<br />

agitation inquiétante : sous prétexte de fidélité à des révélations<br />

venues du ciel et transmises par une carmélite de Tours, Sœur<br />

Marie de Saint-Pierre, on prétend imposer à l’association une autre<br />

forme que celle voulue par l’évêque fondateur. Dans une lettre<br />

qui paraît dans Y Univers du 24 décembre 1847, Mgr Parisis réagit<br />

vigoureusement contre ces manœuvres, auxquelles la carmélite de<br />

Tours reste d’ailleurs totalement étrangère : elle sait en effet que<br />

les révélations privées sont soumises à l’Eglise et non l’Eglise aux<br />

révélations (doc. 386).<br />

A la Salette, parallèlement au développement qui aboutit à la<br />

dévotion à Notre Dame Réconciliatrice des pécheurs, un autre<br />

développement se fait jour à la suite de la Révolution de février<br />

1848 et de la confusion qu’elle a engendrée. Certaines têtes, rêvant<br />

d ’un monarque qui viendrait rétablir l’ordre dans le pays, pensent<br />

trouver dans les secrets confiés aux deux bergers la clef de l’avenir<br />

politique et une confirmation de leurs espoirs.<br />

L’approche que nous évoquons ici deviendra manifeste à partir<br />

de 1850. Le présent volume, qui va seulement jusqu’en avril 1849,<br />

contient cependant des signes avant-coureurs de cette exploitation<br />

politique de l’apparition. Dès avril 1847 rôde à Corps, autour de<br />

Maximin et de Mélanie, un certain Houzelot, marchand d ’orfèvrerie<br />

religieuse et chasseur de reliques (à Lourdes, il réussira à se procurer<br />

le capulet de Bernadette). La suite de l’histoire salettine le montrera<br />

11


Introduction<br />

mêlé aux manœuvres des partisans du pseudo-baron de Richemont,<br />

un aventurier qui se faisait passer pour Louis XVII.<br />

Bilan<br />

La Salette possède désormais droit de cité dans l’Eglise.<br />

L’évêque du lieu a ouvertement déclaré qu’il estime l’apparition<br />

authentique et il a autorisé, sur la montagne visitée par les pèlerins,<br />

l’exercice du culte liturgique. En 1849, après qu’un autre évêque<br />

eut déclaré miraculeuse une guérison obtenue par l’invocation de<br />

Marie sous le titre de Notre Dame de la Salette, il engagera des<br />

pourparlers avec l’autorité municipale, en vue de l’acquisition du<br />

terrain. Mgr de Bruillard, il est vrai, n’a pas encore émis sur<br />

l’apparition un jugement doctrinal proprement dit. Comme nous<br />

l’avons déjà noté, ce dernier n ’interviendra qu’en 1851. Il reste<br />

que, selon la remarque formulée par Rousselot dans la conclusion<br />

de son Rapport, l’autorité compétente peut autoriser la fondation<br />

d ’un sanctuaire, sans pour autant « se prononcer définitivement<br />

sur le grand événement qui fait mouvoir les populations »<br />

(doc. 310). En agissant de la sorte, elle favorise la dévotion envers<br />

la sainte Vierge, chose excellente, même en l’absence de toute<br />

apparition ou manifestation extraordinaire. Mgr de Quélen, archevêque<br />

de Paris, n ’avait-il pas en 1832 autorisé la frappe de la<br />

médaille miraculeuse, sans s’être prononcé auparavant sur les<br />

apparitions qui étaient à son origine ? Observons en passant que<br />

cette ligne de conduite met en application une règle énoncée par<br />

saint Jean de la Croix, dont on connaît l’autorité en matière de<br />

phénomènes mystiques : quand on exécute un point demandé<br />

dans une révélation privée, il faut le faire non parce que la chose<br />

a été demandée par révélation, mais parce qu’elle est raisonnable<br />

et conforme à l’Evangile2.<br />

Quant aux objections soulevées par les opposants de la Salette,<br />

elles ont exercé une influence bienfaisante, en obligeant les<br />

rapporteurs à comparer les diverses relations de l’apparition, à<br />

interroger les témoins, à examiner les enfants de plus près.<br />

L’épreuve du temps aide à discerner ce qui sépare l’apparition de<br />

la Salette d’autres faits extraordinaires mais inauthentiques, comme<br />

les prétendues apparitions qui auraient eu lieu, en 1848, dans le<br />

(2) La montée du Carmel, livre II, ch. 21 (dans Œuvres complètes, Paris, DDB, 1959,<br />

p. 236).<br />

12


Notre édition<br />

diocèse de Valence et aussi, tout près de la Salette, au Périer.<br />

Enfin, à l’intérieur même du mouvement né de la Salette, l’épreuve<br />

du temps permettra de distinguer entre appel à la conversion ou<br />

dévotion d ’une part et interprétations politisantes de l’autre.<br />

III. NOTRE ÉDITION<br />

Rappelons que ce dossier suit l’ordre chronologique des<br />

documents3. Un numéro a été attribué à tous les documents<br />

conservés, à l’exception des demandes de renseignements, des<br />

sollicitations de faveurs spirituelles et des pièces concernant les<br />

guérisons survenues après le début des Conférences tenues à<br />

l’évêché de Grenoble en novembre-décembre 1847. Ces derniers<br />

documents ne recevront un numéro individuel que s’ils présentent<br />

un intérêt majeur4.<br />

Vu l’impossibilité de reproduire tous les textes — ce qui aurait<br />

exigé trois ou quatre volumes comme celui-ci ! — on a dû opérer<br />

un choix. Priorité a été donnée aux enquêtes opérées sur les lieux,<br />

aux renseignements fournis par les habitants, aux textes illustrant<br />

les diverses mentalités rencontrées. Le dossier est cependant présenté<br />

dans son intégralité. Le répertoire placé à la fin du volume énumère<br />

en effet tous les documents du n° 127 au n° 530 inclus et fournit<br />

des renseignements sur ceux d ’entre eux qui, dans le corps de<br />

l’ouvrage, n ’ont pas fait l’objet d’une présentation spéciale.<br />

(3) Cf. LSDA I, p. 27-28.<br />

(4) Le lecteur désireux de connaître ces diverses guérisons et leurs dossiers respectifs en<br />

détail, consultera les deux volumes de GlRAY.<br />

13


.v*,-r


DOCUMENTS<br />

fin mars 1847 — avril 1849<br />

N ° 127 — 530


LES VOYANTS<br />

QUELQUES RAPPELS<br />

Maximin Giraud (1835-1875) a onze ans lors de l’apparition. C’est le<br />

quatrième enfant d’un pauvre charron. Il a perdu sa mère alors qu’il<br />

n’avait pas encore atteint dix-huit mois.<br />

Mélanie Mathieu / Calvat (1831-1904) a quatorze ans et demi lors de<br />

l’apparition. Quatrième enfant d’une famille indigente, elle a été placée<br />

en service chez des paysans de la région dès l’âge de dix ans environ.<br />

LE CADRE GÉOGRAPHIQUE<br />

Les lieux de l’apparition se trouvent à 1 800 m d’altitude, adossés à la<br />

chaîne de montagnes qui entoure la commune de la Salette-Fallavaux.<br />

Un chemin muletier relie celle-ci à Corps, chef-lieu du canton auquel la<br />

commune appartient.<br />

Corps (900 m), où habitent les familles des deux voyants, est la dernière<br />

commune de l’Isère avant les Hautes-Alpes, sur la route de Grenoble à<br />

Gap. Corps offre aux visiteurs des possibilités d’accueil hôtelier et un<br />

bureau de poste. C’est là qu’ils peuvent rencontrer et interroger les deux<br />

voyants.<br />

LE CADRE ECCLÉSIASTIQUE<br />

Corps et la Salette appartiennent au diocèse de Grenoble.<br />

Mgr Philibert de Bruillard (1765-1860) est évêque de Grenoble depuis<br />

1826. Il lui appartient de juger de l’apparition au nom de l’Eglise et<br />

d’autoriser l’exercice du culte liturgique sur les lieux.<br />

L’abbé Pierre Mélin (1810-1874), curé-archiprêtre de Corps, est le principal<br />

correspondant local de l’évêché.<br />

LA DIFFUSION DE LA « GRANDE NOUVELLE »<br />

Les relations qui la font connaître présentent entre elles des divergences<br />

notables, qui tiennent surtout au fait que les unes ont été écrites sous la<br />

dictée d’un des voyants, tandis que d’autres sont des amalgames de<br />

témoignages ou encore des récits composés de mémoire. Un travail de<br />

critique s’impose donc. Il sera accompli en 1847-1848.<br />

16


4é<br />

Village de la Salette vers 1860, par M.augendre.<br />

A droite, chapelle de Saint-Sébastien, aujourd'hui disparue. A côté, façade de la chapelle de<br />

Notre-Dame des Sept Douleurs. Au centre, le village de la Salette (1 ISO m) avec l'église<br />

paroissiale. Au fond à gauche, le Gargas (2 207 m) et, à droite, le Chamoux (2 197 m). Entre<br />

les deux, le Planeau (1 802 m), dont le sommet cache les lieux de l'apparition.<br />

Le site. La commune de la Salette-Eallavaux, avec sa douzaine de villages (la<br />

Salette, les Ablandens, Dorcieres, Saint-Julien, Eallavaux, etc.) occupe un cirque<br />

de montagnes calcaires et marneuses, aux flancs raides et dénudés, d ’une<br />

âpre grandeur. Il s'agit de la bordure sédimentaire occidentale de massifs<br />

anciens, cristallins, recouverts par les mers du secondaire, puis rajeunis par les<br />

plissements alpins ; le massif dit du Pelvoux (l'Olan : 3 564 m) n'est pas loin.<br />

Cette bordure, fortement basculée vers l'ouest, plissée, faillée, a été sculptée par<br />

les glaciers : tout cela explique — sommairement — l ’architecture complexe de<br />

ce petit massif marginal, drainépar la Se'zia, qui se jette dans la vallée profonde<br />

et majestueuse du Drac, comblée en partie maintenant par les eaux du barrage<br />

du Saute t. (D’apres A. Mélisson et M. Toc bon. — On trouvera des renseignements<br />

complémentaires dans les « Eléments de géologie salettine » de<br />

M. Tochon, parus dans les Annales, mai-juin et juillet-août 1975.)<br />

17


Doc. 127<br />

<strong>Documents</strong><br />

Dimanche de la Passion, 21 mars 1847<br />

Événem ent. Guérison à Avignon de Sœur Prouvèze, religieuse coadjutrice<br />

des Dames du Sacré-Cœur. Dossier dans Vérité, p. 115-118 ; GlRAY II, p. 77-81.<br />

Cf. doc. 129, 133, 138, 191. — Alitée depuis quatre mois en raison d’un<br />

rhumatisme nerveux aux lombes, la sœur est guérie subitement en assistant à la<br />

messe le dernier jour d’une neuvaine au cours de laquelle elle a fait usage de<br />

l’eau de la fontaine miraculeuse. Selon le docteur Cade, médecin traitant « le<br />

recouvrement subit des forces musculaires, après un alitem ent aussi prolongé, est<br />

tou t à fa it en dehors des lois ordinaires de la nature » (doc. 191)-<br />

Parmi les guérisons obtenues hors des limites du diocèse de Grenoble, ce fut<br />

la première à connaître un certain retentissement. Le chanoine Rousselot la<br />

mentionna dans son Rapport du 15 octobre 1847 à l’évêque de Grenoble<br />

(doc. 310).<br />

Mardi 23 mars 1847<br />

127. APPARITION DE LA TRÈS-SAINTE VIERGE À DEUX<br />

PETITS BERGERS SUR LA MONTAGNE DE LA SALLETTE<br />

[sic]... ; GUÉRISON MIRACULEUSE D ’UNE FEMME INFIRME<br />

DEPUIS 23 ANS ; ACCOMPAGNÉES DES LETTRES DE MGR<br />

L ’ÉVÊQUE DE GAP ET DE M. L ’ABBÉ CHABRAND GRAND<br />

VICAIRE, ETC., ETC., SUR CES DEUX MIRACLES<br />

Paris, Bouasse-Lebel et cie, 1847. 32 p. 13 cm (PBNR 12).<br />

Date. La « Déclaration » par laquelle les éditeurs disent se soumettre au<br />

jugement de l’Eglise porte la date du 23 mars.<br />

Le récit (p. 3-18). Il dépend des mêmes sources que celui de la brochure<br />

Notre Dame et deux bergers des Alpes (doc. 71) ou, plus probablement, plagie<br />

celle-ci sans remonter plus haut.<br />

Les deux lettres annoncées dans le titre sont les documents 45 et 27 bis.<br />

Mardi 30 mars 1847<br />

129 bis. LETTRE DE MÈRE SAINTE-THÈCLE, Supérieure des<br />

Sœurs de la Providence de Corps, à M. Dupont (*)<br />

Original : Tours SF, B 28.<br />

Note. La Mère Sainte-Thècle, qui dirige l’école fréquentée par les deux<br />

bergers de la Salette, livre ici ses impressions sur les enfants. Sa lettre contient en<br />

outre une précision sur la coiffure de la Dame de l’apparition.<br />

(*) Nous avons déjà rencontré Léon Dupont (ou Papin-Dupont), surnommé « le saint<br />

homme de Tours » (LSDA I, p. 66, etc ). Il a désormais droit au titre de vénérable : par<br />

un décret daté du 21 mars 1983, la Sacrée Congrégation des Saints a, en effet, proclamé<br />

l’héroïcité de ses vertus. Le décret mentionne l’apparition de la Salette parmi les événements<br />

qui fournirent à M. Dupont l’occasion d’approfondir sa vie spirituelle et de se livrer à la<br />

diffusion de la parole de Dieu (Acta Apostolicae Sedis, 1983, p. 1057-1058).<br />

18


JO mars 1847<br />

Doc. 129 bis<br />

Monsieur,<br />

Corps, le 30 mars 1847.<br />

Le 21 mars, j’ai été grandement étonnée lorsque l’on m ’a<br />

remis deux volumes, intitulés Année de Marie (1). [,..Mr le Curé]<br />

m ’a chargé" d ’être auprès de vous [p. 2] l’interprète de ses<br />

sentiments de respect.<br />

[...] Il y a dans ce moment le Jubilé dans sa paroisse : il<br />

paraît y avoir une grande émulation ; nous ne sommes encore<br />

qu’au troisième jour (2).<br />

Le jour que je reçus vos livres, j’étais si heureuse de les avoir<br />

que je me mis à en lire une partie. J ’avais à mes côtés Mélanie<br />

Mathieu qui est la petite privilégiée de la S" Vierge. Comme tous<br />

les enfans, elle aime à voir les images, et pour lui faire plaisir, je<br />

les lui faisais parcourir ; quand tout à coup elle m’arrête, avec<br />

vivacité et me dit en me faisant remarquer la statue de Notre<br />

Dame de bon espoir, que la coiffure de la S" Vierge était comme<br />

celle-là (3). Jusqu’alors les deux enfans s’accordaient à dire qu’elle<br />

avait une coiffe à la paysanne bien haute, mais ils ne savaient pas<br />

bien définir comment elle était faite. Votre livre contribuera<br />

beaucoup à en donner une idée juste.<br />

[p. 3] La petite fille devient bien gentille ; elle avait d ’abord<br />

quelques défauts dans le caractère ; mais elle se corrige beaucoup.<br />

Le petit garçon, plus jeune de quatre ans, est vif et léger, d ’une<br />

naïveté qui fait plaisir. Il est malade dans ce moment de la petite<br />

vérole ; mais il n ’y a plus de danger. Il commence à savoir lire et<br />

à servir la messe. Je ne sais si Monsieur a appris que les deux<br />

enfans étaient dans la plus grande ignorance et qu’ils appartiennent<br />

à des parents extrêmement pauvres. Ils sont dans notre maison,<br />

nourris et entretenus par la charité publique. On les prépare l’un<br />

et l’autre, à leur première communion ; le jour n ’en est pas encore<br />

fixé, mais ce sera peu de temps après Pâques (4) ; veuillez,<br />

Monsieur, penser à eux dans vos ferventes prières, pour leur [sic] 1<br />

(1) Année de Marie, ou Pèlerinages aux sanctuaires de la Mère de Dieu, suivis de<br />

méditations sur plusieurs des principales vérités de la religion. Par MM. D. et B. Tours<br />

1842, 2 vol., planches, 19 cm. — lis auteurs sont M. Dupont et l’abbé Bodet, prêtre du<br />

diocèse de Rouen.<br />

(2) Il s’agit des exercices du jubilé accordé par Pie IX à l’occasion de son avènement<br />

encore tout récent (juin 1846).<br />

(3) Voir p. 21. — La couronne élevée que porte Notre Dame de Bon Espoir contraste<br />

avec la coiffure des autres Vierges reproduites dans l'ouvrage : simple voile (par exemple<br />

N.D. du Laus), diadème (par exemple N.D. de la Garde).<br />

(4) Une lettre du curé de Corps à M. Dupont, datée du 24 mai 1847 (doc. 172 bis),<br />

explique que les choses allèrent moins vite que prévu : « Je vous remercie de votre offrande<br />

pour les deux enfants. Les maladies qui ont régné pendant l’hiver et qui ont décimé les<br />

enfants, nous ont fait ajourner la première communion ; il ne nous a pas été possible de<br />

les instruire. » Maximin et Mélanie firent leur première communion seulement l’année<br />

suivante.<br />

19


Doc. 129 bis<br />

<strong>Documents</strong><br />

aider à préparer dans leurs cœurs, une demeure digne du grand<br />

Dieu qu’ils vont recevoir pour la lircfois.<br />

Je suis...<br />

Sr M" SKTHÈCLE,<br />

Supérieure.<br />

* 130 bis. ARTICLE DE LA VOIX DE L ’ÉGLISE, I, p. 335-336<br />

(mars 1847) : Encore un avertissement du ciel<br />

Source. L’article reprend le contenu d’Une notice consacrée à l’oeuvre<br />

réparatrice demandée par Sœur Marie de Saint-Pierre, du Carmel de Tours (*).<br />

M. Dupont avait envoyé la notice à quelques personnes, dont le curé de Corps<br />

(cf. doc. 91) ; cette fois, l’affaire est portée devant le grand public.<br />

[...] Depuis trois ans et demi Dieu se communique à une<br />

âme d’une vertu reconnue et éprouvée, lui demandant [...]<br />

l’établissement d ’une œuvre, ou plutôt d’une association proprement<br />

dite, qui doit avoir pour fin et double but :<br />

1° La réparation des blasphèmes du saint nom de Dieu et<br />

des profanations du dimanche ;<br />

2° La sanctification de ce saint jour et l’extirpation des<br />

blasphèmes, et conséquemment la conversion des blasphémateurs<br />

et des profanateurs.<br />

[... Notre Seigneur] a donné sa face adorable, outragée comme<br />

dans sa passion, pour être l’objet sensible de l’association, contre<br />

laquelle il annonce que Satan se déchaînera. [...]<br />

Cette œuvre, qui a commencé de s’établir à Tours, avec<br />

l’autorisation de Mgr L’Archevêque, porte le nom à’Association<br />

des défenseurs du saint nom de Dieu. [... (p. 336)...] Nous prions<br />

qu’on veuille bien remarquer la corrélation des avertissements de<br />

Tours, avec ceux de la Salette, près Grenoble.<br />

Suite. L’association de Tours n’eut qu’une existence éphémère.<br />

L’œuvre réparatrice fut effectivement fondée au cours de l’année f847,<br />

mais à Saint-Dizier, au diocèse de Langres. Son fondateur, l’abbé<br />

Pierre Marche, la considéra comme une réponse donnée à la fois aux<br />

avertissements de la Salette et aux demandes formulées par Sœur Marie<br />

de Saint-Pierre (1). Il est d’autant plus opportun de reconnaître le rôle<br />

joué par cette dernière que sa mémoire a souffert, tant des excès de zèle<br />

de certains disciples que de la rigueur de certains jugements portés sur<br />

ses écrits après son décès. 1<br />

(*) On trouvera une notice sur cette carmélite dans notre premier volume (LSDA I,<br />

p. 269). Nous n ’avons malheureusement pu utiliser pour notre travail la toute récente<br />

biographie par Dom Guy-Marie OURY, Vers le message de Thérèse de Lisieux : Sœur Marie<br />

de Saint-Pierre, Chambray-lès-Tours, C.L.D., 1983-<br />

(1) Pierre MARCHE, Notice sur Tarchiconfrérie réparatrice, Saint-Germain-en-Laye,<br />

impr. de Réal. [4] p. en 1 feuille (Tours C) ; la Notice est datée du 24 septembre 1848.<br />

— Nouveau m anuel de T'archiconfrérie réparatrice, par le même, Paris 1858, p. 36-39.<br />

20


La coiffure de la Dame. Les premières relations insistent sur la hauteur de la coiffure.<br />

« Elle avait un bonnet de forme simple, abaissé sur les yeux et fort élevé sur<br />

le front, selon la coiffure des femmes de l'Oisan » (Perrin : doc. 7, v. 41) . —<br />

« Sa coiffure était haute, et à-peu-près celle des femmes de la montagne »<br />

(Chambon : doc. 20, v. 11) . — « La coiffe était longue, tombait presque sur les<br />

yeux à moitié du front et s'élevait beaucoup en se reculant sur le devant, s'élargissant<br />

sur le derrière, et j- 'élevant beaucoup et finissant par se recourber un peu<br />

sur le devant... » (Lagier : doc. 96, v. 100 ; cf. aussi doc. 105, v. 61) .<br />

La coiffe ou « calette » portée autrefois « par les femmes du Dauphiné et en particulier<br />

du Grésivaudan [...] ressemblait assez, par sa hauteur et sa forme élargie<br />

vers le sommet, à une mitre d'évêque... » (E. Delehaye, La calette e t les bonnets<br />

du Dauphiné, Grenoble 1910, p. 7.) — Noter que le Grésivaudan historique ne<br />

se limite pas à la vallée de l'Isère, mais englobe l ’Oisans et la Mateysine, avec la<br />

Mure et Corps.<br />

21


Doc. 130 bis<br />

<strong>Documents</strong><br />

Sœur Marie de Saint-Pierre (1816-1848) et la réparation. La réparation,<br />

telle que présentée par la sœur, a une dimension apostolique. Elle<br />

vise le salut du prochain. En blasphémant Dieu, la France « comme une<br />

vipère », déchire « les entrailles de sa miséricorde » (2). La sœur voit la<br />

justice de Dieu prête à frapper. Mais Dieu veut, en quelque sorte, qu’on<br />

l’oblige à faire miséricorde à une humanité qui, pourtant, met le comble<br />

à son iniquité en l’attaquant pour ainsi dire de front, par le blasphème<br />

et la profanation du jour qui lui est consacré (3). Pour réparer l’outrage<br />

infligé à Dieu publiquement et obtenir miséricorde, il faut une réparation<br />

publique et même ecclésiale : « Ce divin Sauveur m’a fait entendre que<br />

l’œuvre de la réparation des blasphèmes était née de lui et de l’Eglise<br />

son épouse, qu’il fallait à sa naissance produire l’autorité divine, dont<br />

elle émane, afin qu’elle ait vie et qu’elle soit bien reçue des fidèles » (4).<br />

Au centre de la piété réparatrice, Sœur Marie de Saint-Pierre met la<br />

dévotion à la sainte Face du Sauveur. Les outrages lancés contre la<br />

Divinité ne peuvent atteindre celle-ci. En revanche, elles atteignent la<br />

Face du Christ, miroir et expression de la Divinité. Le Christ a souffert<br />

dans sa Face les outrages lancés contre son Père. La réparation guérit en<br />

quelque sorte les douleurs de cette Face, qui, tel un cachet, imprime<br />

dans les âmes l’image de Dieu, que le péché avait effacée (3).<br />

On reconnaît là un thème cher à sainte Thérèse de Lisieux : « Oh !<br />

que cette Sainte Face-là m’a fait du bien dans ma vie ! » dit-elle quelques<br />

semaines avant sa mort à propos d’une effigie, semblable à celle vénérée<br />

à Tours dans l’oratoire établi dans l’ancienne maison de M. Dupont.<br />

« Ces paroles d’Isaïe : « Qui a cru à votre parole... Il est sans éclat, sans<br />

beauté... etc. » ont fait tout le fond de ma dévotion à la Sainte Face,<br />

ou, pour mieux dire, le fond de toute ma piété. » Comme chez Sœur<br />

Marie de Saint-Pierre et conformément à la tradition carmélitaine, cette<br />

piété se veut résolument apostolique : « Vivre d’amour c’est essuyer ta<br />

Face,/C’est obtenir des pécheurs le pardon » (6). Notons que les écrits<br />

de la carmélite de Tours avaient trouvé une large audience au Carmel de<br />

Lisieux et ne furent pas sans influencer Thérèse Martin (7).<br />

(2) Lettre du 7 décembre 1843, dans Message, p. 92.<br />

(3) « O Dieu, qui avez la miséricorde de vouloir être apaisé, ne rejetez pas votre<br />

peuple » (Recueil de prières pour la réparation des blasphèmes, et de la profanation du<br />

saint jour du Dimanche, p. 4 ; ce cahier manuscrit, conservé au Carmel de Tours, serait de<br />

la propre main de Sœur Marie de Saint-Pierre) ; Message, p. 51-52, 90, 166 et passim.<br />

(4) Lettre du 23 mars 1846. Copie de 1848 (Tours C), p. 67. Texte reproduit dans<br />

Message, p. 133.<br />

(5) Textes datés du 27 octobre 1845 et du 21 janvier 1847, reproduits dans Message,<br />

p. 114-117 et 123-125.<br />

(6) S“ Thérèse de TEnfant-Jésus et de la Sainte-Face, Derniers entretiens, Paris, DDB<br />

— Editions du Cerf, 1971, p. 304, 305.<br />

(7) S" Thérèse de TE.-J., Correspondance générale, Paris, Editions du Cerf — DDB,<br />

1972-73, II, p. 1207-1208. En 1885, tous les membres de la famille Martin s’étaient fait<br />

inscrire dans Tarchiconfrérie de Langres et dans celle de la Sainte-Face de Tours (ibidem, I,<br />

p. 498, note h ; Message, p. 203. — Il existe également une parenté spirituelle entre Sœur<br />

22


mars 1847<br />

Doc. 130 bis<br />

Ils ont cependant fait l’objet de jugements négatifs de la part de<br />

l’autorité ecclésiastique. Deux ans après le décès de la sœur, Mgr Morlot,<br />

archevêque de Tours (8), interdira de les communiquer à qui que ce<br />

soit : « dans l’état actuel et après les réflexions les plus approfondies », il<br />

lui paraît impossible de leur attacher « l’importance que quelques<br />

personnes auraient pensé ou penseraient pouvoir leur attribuer » (9).<br />

Cétte interdiction il est vrai, sera levée par Mgr Colet, peu de temps<br />

après son installation sur le siège de saint Martin, mais, vers la fin du<br />

siècle, un décret de la Congrégation de l’Inquisition déclarera que « ces<br />

écrits n’ont pas les caractères de vraies révélations et qu’ils contiennent<br />

des nouveautés qui peuvent être pernicieuses à la véritable piété des<br />

fidèles » (10). Ceux qui se plaisent à illustrer les relations entre charisme<br />

et institution au moyen de la dialectique du maître et de l’esclave<br />

trouveront donc là un exemple de choix. Mais l’historien qui se donne la<br />

peine de prendre en considération l’ensemble de la documentation<br />

aboutira à des vues sensiblement plus nuancées.<br />

Mgr Morlot avait en effet commencé par se montrer extrêmement<br />

favorable à la fondation d’une œuvre réparatrice. Il avait même suivi<br />

personnellement la mise au point du projet : « Le soin de joindre aux<br />

réparations touchant le blasphème celles qui sont relatives aux profanations<br />

des s“ jours me satisfait pleinement », écrit-il le 23 janvier 1847 à Mère<br />

Marie de l’Incarnation, prieure du Carmel. « Il m’a toujours paru que<br />

l’idée primitive qui n’allait qu’aux blasphèmes et pas au delà était<br />

incomplète et pas suffisamment en rapport avec les besoins et les<br />

circonstances ». Mais la divulgation des faits concernant Sœur Marie de<br />

Saint-Pierre va bientôt l’indisposer : « Voilà que de tous côtés on s’adresse<br />

à moi pour avoir des explications et des renseignements sur des faits<br />

extraordinaires, miraculeux », communique-t-il début mars à la même<br />

prieure. Or, pour sa part, il ne s’est point prononcé sur leur caractère<br />

surnaturel : « n’allons pas préjuger des choses qui sont d’une nature aussi<br />

délicate ni surtout les livrer à tous les commentaires de la publicité. Au<br />

fond cela n’est nullement nécessaire pour atteindre le but que nous nous<br />

proposons » (11).<br />

L’œuvre réparatrice est à peine établie au diocèse de Langres, que<br />

surgissent des troubles. Certains disciples de la sœur, persuadés que ses<br />

Marie de Saint-Pierre et la fondatrice de la Congrégation de l’Adoration réparatrice,<br />

Théodolinde Dubouché (cf. l’autobiographie inédite de cette dernière [archives de la<br />

Congrégation, 39 rue Gay-Lussac, Paris 5'] et Mgr D’HULST, Vie de la vénérable Marie-<br />

Thérèse du Cœur de Jésus, 7.éd., Paris 1935, p. 112-115).<br />

(8) François-Nicolas Morlot, 1795-1863, deviendra cardinal en 1855 et archevêque de<br />

Paris en 1857. Noter qu’il était originaire de Langres, donc du diocèse où l’oeuvre réparatrice<br />

fut effectivement fondée.<br />

(9) Décret du 5 août 1850.<br />

(10) Nous citons d’après F. BERINGER, Les Indulgences, 4 éd. française, t. II, Paris<br />

s.d. (1925 ?), p. 155, note 3. Le décret est daté du 7 avril 1897.<br />

(11) Les lettres du 23 janvier et du 5 (ou 3 ?) mars 1847, que nous venons de citer,<br />

sont conservées au Carmel de Tours. L’archevêque, au fond, suit la doctrine de saint Jean<br />

23


Doc. 130 bis<br />

<strong>Documents</strong><br />

communications venaient droit du ciel, reprochent au règlement de<br />

l’œuvre de s’en écarter et propagent un autre règlement, le seul vraiment<br />

fidèle, estiment-ils. Comme nous le verrons plus loin, l’évêque de Langres,<br />

Mgr Parisis, protestera publiquement contre ces agissements, provoqués<br />

en fin de compte par l’ignorance du fait que les révélations privées font<br />

l’objet d’un discernement ecclésial.<br />

Dans quelle mesure Sœur Marie de Saint-Pierre pensait-elle que les<br />

paroles qu’elle transmettait — celles concernant la réparation et d’autres<br />

encore — lui venaient telles quelles du ciel ? Il est impossible de répondre<br />

à cette question, ne serait-ce que du fait qu’une partie de ses lettres au<br />

moins ne nous est connue que sous une forme retouchée. Ainsi son écrit<br />

sur l’œuvre réparatrice : « Cet ouvrage en deux cahiers n’est que la<br />

reproduction des lettres de Sœur St Pierre, revues, corrigées et annotées<br />

par elle. Celle-ci a écrit cet ouvrage par ordre de la Mère Prieure » (12).<br />

L’original des lettres demeure introuvable. On peut aussi se demander<br />

dans quelle mesure les fameuses lettres ont été rédigées directement par<br />

elle. Certaines de ses communications orales à la Mère Prieure furent<br />

mises par écrit par Sœur Thérèse de Saint-Joseph (13).<br />

Sœur Marie de Saint-Pierre n’avait en tout cas rien d’une entêtée.<br />

Elle soumettait ses paroles intérieures au contrôle de sa prieure. Dans<br />

l’affaire de Langres, elle prit résolument parti pour l’institution : il faut<br />

« faire bien comprendre à ceux qui sont un peu scandalisés et troublés<br />

des modifications que Mgr l ’Evêque de Langres a jugé à propos de faire<br />

en P établissement de cette œuvre, que les révélations doivent être soumises<br />

à l ’Eglise, et non l'Eglise aux révélations. C’est à elle d ’examiner,<br />

d'interpréter, de prononcer : et aux simples fidèles de se soumettre à ses<br />

décisions et à ses ordonnances qui sont toujours équitables. Car l ’Eglise<br />

est conduite par le St Esprit, et N. S.J. C. a dit en parlant d ’elle : « Qui<br />

vous écoute, m'écoute, et qui vous méprise, me méprise » (14).<br />

Les protestations formulées par la sœur durant l’hiver 1847-1848<br />

constituent la dernière page de son message. Malheureusement, celui-ci a<br />

de la Croix, évoquée plus haut : les choses demandées dans une révélation doivent être<br />

mises en pratique, non parce qu’elles ont été révélées, mais parce qu’elles sont conformes<br />

à la raison et à la doctrine évangélique (cf. supra, p. 12).<br />

(12) Rapport des censeurs nommés par Mgr Morlot. — L’ouvrage en question nous est<br />

connu par une copie de 1848 : Tours C, cahiers B et C.<br />

(13) Cf. la déposition de cette dernière pour la béatification de M. Dupont (procès<br />

ordinaire de Tours, 1883-1888) : « Relativement aux révélations de Sœur Marie de St.<br />

Pierre, je puis en parler pertinemment, puisque alors j’écrivais par Tordre de la Mère<br />

Prieure, sous la dictée de Sœur Marie de St. Pierre [...]» (S. CONGR. PRO CAUSIS<br />

SANCTORUM, P.n.147. Turon. Beatificationis et canonisationis servi Det Leonis D upont...<br />

Positio super virtutibus. Roma tip. Guerra, 1980, p. 66).<br />

(14) Doc. 386 : Lettres de Sœur Marie de Saint-Pierre sur Tarchiconfrérie réparatrice<br />

de Saint-Dizier, au diocèse de Langres, datées du 30 décembre 1847, 2, 3 et 4 janvier<br />

1848. Copie de 1848 : Tours C, cahier E. — Le texte reproduit ci-dessus appartient à la<br />

lettre du 2 janvier 1848. La sœur le présente à la prieure comme une déclaration de Notre<br />

Seigneur, reçue par elle durant la sainte communion.<br />

24


9 avril 1847 Doc. 131 bis<br />

été tronqué, car on s’est abstenu de diffuser ces protestations qui nous<br />

montrent que, dans l’esprit de Sœur Marie de Saint-Pierre, la réparation,<br />

contrairement à ce qu’ont cm et fait croire certains de ses disciples,<br />

n’était point liée à l’observance de prescriptions que Notre Seigneur<br />

aurait révélées au monde par son intermédiaire, mais à la communion<br />

ecclésiale, seule garante de la présence du Christ (15).<br />

Vendredi de Pâques, 9 avril 1847<br />

131 bis. ARTICLE DU CONSTITUTIONNEL, p. 1 f<br />

N o te. Ce journal parisien avait déjà publié à propos de la Salette un article<br />

le 20 février précédent (doc. 84). Le présent article ouvre une nouvelle polém ique.<br />

M. l’Abbé Desgenettes (1), le grand propagateur des miracles,<br />

a trouvé des rivaux : on en pourra juger par la copie textuelle<br />

d ’une affiche apposée en ce moment au portail de l’église Saint-<br />

Merry (2) :<br />

APPARITION DE LA T.S. VIERGE<br />

à deux petits bergers<br />

Sur la montagne de la Sal/ette, canton de Corps, diocèse de Grenoble.<br />

Guérison miraculeuse d'une femme infirme depuis 23 ans,<br />

Accompagnée des lettres de Mgr l’évêque de Gap, et de M. l’abbé<br />

Chabrand, grand-vicaire, etc., etc., sur ces miracles, avec belles gravures<br />

représentant :<br />

1° l’Apparition ; 2° la Guérison ; 3° la Bénédiction des biens de la<br />

terre,<br />

Avec prière par Mgr L’Archevêque de Paris.<br />

(15) Au Carmel de Tours, les responsables, pensant que « son grand désir de la paix<br />

et de l’union avait pu exercer à son insu une certaine influence » sur ces dernières<br />

déclarations au sujet de l'archiconfrérie de Langres, jugèrent hors de propos d ’en donner<br />

« une connaissance positive aussitôt » (Tours C, cahier Y, introduction). Janvier, biographe<br />

de la soeur et de M. Dupont, n ’en fait guère cas. La confrérie réparatrice érigée en 1876 à<br />

Tours dans l’oratoire de la Sainte-Face, avait été affiliée à l’archiconfrérie de Langres.<br />

« Seulement, comme l’association ne répondait qu’imparfaitement à la première pensée de<br />

M. Dupont et de la soeur Saint-Pierre, l’archevêque de Tours [Mgr Colet], usant de son<br />

droit [...], apporta quelques notables modifications aux principaux articles du règlement »<br />

(Vie de M.D. II, p. 502-503). L’appel que fait ici Janvier à la « première pensée » de la<br />

soeur est hors de propos : » Qu’on remarque bien qu’en 1843 et en 1844, N.S. me donnait<br />

alors le plan de son oeuvre », écrit-elle le 3 janvier 1848, « mais il voulait que ce plan fut<br />

soumis à l’examen de l'Eglise, afin qu'elle devienne une oeuvre basée sur un fondement<br />

solide. Dieu a permis que l’Evêque de Langres fut l’architecte à qui ce plan fut soumis ; il<br />

y a fait quelques modifications ; nous devons les adopter avec respect et bénir la bonté de<br />

N . S. qui dans sa miséricorde infinie, vient au secours de notre faiblesse, en nous donnant<br />

quelques lumières pour nous faciliter l’obéissance que nous devons rendre aux ordres de<br />

son ministre » (doc. 386).<br />

(1) Curé de N.D. des Victoires à Paris et fondateur de l’archiconfrérie du Saint et<br />

Immaculé Coeur de Marie.<br />

(2) L’affiche faisait connaître la brochure éditée par Bouasse-Lebel (doc. 127).<br />

25


Doc. 131 bis<br />

<strong>Documents</strong><br />

Le tout, approuvé par le prélat (3), se distribue à la porte de<br />

l’église Saint-Merry. C’est la marchande de bénitiers et de chapelets<br />

qui est chargée de la vente. On nous demande s’il ne serait pas<br />

convenable de faire distribuer à MM. les députés un exemplaire<br />

de cet ouvrage édifiant, en même tenu qu’on leur distribuera le<br />

projet de loi annoncé sur l’instruction publique ? Il importe, en<br />

effet, que l’on connaisse ce qu’on doit attendre des hommes qui<br />

demandent avec tant d’ardeur la liberté d’enseignement (4).<br />

Suite. Le lendemain 10 avril le 'National (doc. 132) annonce que « dans tous<br />

les couvens et dans tous les séminaires on ne parle depuis quelque tem% que de<br />

ce miracle » et que déjà « on exploite officiellement la chose ». En guise de<br />

preuve, le journal reproduit l’article du Constitutionnel à partir du titre de la<br />

brochure. — Le même jour, l’A m i de la religion (doc. 132 bis) demande à ce<br />

dernier de lui « dire ce q u 'il y a de commun entre la liberté d'enseignement et<br />

la petite industrie d ’une marchande de bénitiers, entre le projet de loi sur<br />

l'instruction secondaire et une affiche de fabricant d'images, entre l'enseignement<br />

catholique et les récits de quelques faits extraordinaires sur lesquels l'autorité n 'a<br />

pas encore prononcé ».<br />

Lundi 12 avril 1847<br />

133. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN, curé de Corps, à Mgr de<br />

Bruillard, évêque de Grenoble<br />

Original (1 f. 30 cm x 20,5) : EGD 46.<br />

Monseigneur,<br />

Votre Grandeur a bien voulu m’informer que Sa Sainteté<br />

avoit promis de satisfaire aux Pâques et au Jubilé par une seule<br />

communion (1). Je viens l’en remercier. Nous avons trouvé tant<br />

de bonne volonté et tant d ’envie de bien faire, même chez les<br />

hommes, que nous n ’avons presque pas pu nous servir de cette<br />

permission ; chacun ayant été bien aise de faire deux communions.<br />

Dans la même lettre, Monseigneur, qui avoit appris, par le<br />

bon Mr Mory (2), que Maximin avoit la petite vérole, lui faisoit<br />

l’honneur de demander de ses nouvelles. Maximin est entièrement<br />

rétabli. Il a bien souffert les premiers jours, au moment où se<br />

(3) L’approbation de l’archevêque, mentionnée à la p. 31 de la brochure, porte sur la<br />

« Prière pour les biens de la terre » et non sur l’ensemble de l’imprimé, comme le prétend<br />

le Constitutionnel.<br />

(4) Salvandi, ministre de l’Instruction publique, est sur le point de présenter à la<br />

Chambre un projet de loi limitant le monopole de l’Université et donnant partiellement<br />

satisfaction aux catholiques. Le projet, déposé le 12 avril, ne sera pas pris en considération<br />

par les députés : il ne satisfaisait ni les partisans du monopole ni ceux de la liberté de<br />

l'enseignement.<br />

(1) Lettre du 29 mars (doc. 128).<br />

(2) M' Mory (ou Maury ?) : pèlerin de Metz, auteur d ’une relation (cf. doc. 148).<br />

26


12 avril 1847 Doc. 133<br />

faisoit le travail de l’éruption ; j’avois même conçu quelques<br />

craintes. Une strangulation assez forte, sembloit être le symptôme<br />

du croup*?, maladie très-dangereuse pour les enfants, et presque<br />

toujours mortelle, quand elle se déclare avec la vérolette. M.<br />

l’Abbé Lagier, à qui j’avois fait part de mes craintes, les<br />

communiqua à Mélanie (3). Maximin ne mourra pas de cette<br />

maladie, ajouta-t-elle aussitôt. — Il est très-souffrant, répondit<br />

l’interlocuteur, et à dessein, exagéra la position du malade. — Je<br />

vous dis, répliqua Mélanie, qu’il ne mourra pas de cette maladie ;<br />

et cependant, elle n ’avoit pas vu Maximin depuis qu’il étoit alité.<br />

Une semblable affirmation, en pareilles circonstances, indiqueroit<br />

qu’il y a quelque chose de commun dans la destinée de ces deux<br />

enfants, et qu’ils en sont instruits l’un l’autre. Quoi qu’il en soit,<br />

j’ai cru bien faire d ’en informer V. Grandeur.<br />

Les décès dont j’ai déjà parlé à Monseigneur, continuent avec<br />

une proportion effrayante, surtout pour les petits enfants (4). Nous<br />

avons atteint le chiffre de 43, qui est au dessus de la moyenne<br />

annuelle pour toute l’année ; et sur ce nombre, il n’y a que dix<br />

grandes personnes ; c’est plus des trois quarts pour les petits<br />

enfants (5).<br />

[verso] Votre Grandeur sait peut-être déjà qu’une religieuse<br />

du Sacré-Cœur, alitée depuis 4 mois, a été guérie miraculeusement<br />

à Avignon, le Dimanche de la passion, dernier jour d ’une neuvaine,<br />

adressée à N.D. de La Salette, pendant laquelle elle avoit fait<br />

usage de l’eau de la fontaine qui flue depuis l’Apparition (6) ;<br />

c’est la Supérieure de cette maison qui m ’en a informé elle-même<br />

avec bonheur.<br />

Le Jubilé s’est fait à Corps avec édification ; nous étions 4<br />

confesseurs, et nous sommes restés d’accord que jamais nous<br />

n ’avions donné l’absolution avec autant d ’assurance, que pendant<br />

ce saint temps. Il y a eu tant de grâces, et des grâces si<br />

(3) Rappelons que l’abbé Lagier vint à Corps au mois de février et repartit dans sa<br />

paroisse, Saint-Pierre-de-Cherennes, au début de mars (LSDA I, p. 277-278). Il se pourrait<br />

que l’abbé Mélin fasse allusion à une deuxième visite de l'abbé, à l’occasion de la sépulture<br />

de son père, qui eut lieu le 17 mars, lendemain du décès.<br />

(4) L'évêque sera impressionné par ces nouvelles : « La mort de vos enfants est très<br />

significative et l’assurance de Mélanie par rapport au rétablissement de Maximin ne l’est<br />

pas moins. Engagez-les bien à prier pour la conversion des pécheurs, surtout au moment<br />

de leur lre com[mun]ion » (lettre du 13 avril 1847 à Mélin, doc. 134).<br />

(5) Au cours des six premiers mois de l’année 1847, il y eut à Corps 39 décès d ’enfants<br />

de moins de sept ans accomplis, contre 5 pour la même période en 1844, 4 en 1845 et 3<br />

en 1846 (cf. aussi LSDA I, p. 341, note 3). En 1846, la période juillet-août avait été<br />

particulièrement meurtrière pour ces enfants, avec 11 décès, contre 1 en 1844, 3 en 1845,<br />

puis 7 en 1847. Le total des enfants de moins de sept ans décédés dans 43 communes du<br />

sud de l’Isère au cours des six premiers mois de 1847 monte à 187, contre respectivement<br />

98, 113 et 136 pour les six premiers mois de 1844, 1845 et 1846. (ADI série M 122, liasses<br />

52-55. Les 43 communes dont on a tenu compte sont celles pour lesquelles chacune de ces<br />

liasses annuelles contient des renseignements sur ce point.)<br />

(6) Il s'agit de Soeur Prouvèze, guérie le 21 mars.<br />

27


Doc. 133<br />

<strong>Documents</strong><br />

extraordinaires, que j’en suis embarrassé pour l’avenir. J ’ai tout<br />

mis hier entre les mains de la tant belle Dame ; elle a été le grand<br />

prédicateur, le confesseur par excellence ; en terminant, je lui ai<br />

demandé d’être l’appui, le soutien de l’œuvre qu’elle a si bien<br />

commencée. Oh ! qu’elle est bonne Marie ! Oh ! qu’elle est<br />

puissante !<br />

Voilà, Monseigneur, ce qu’il me tardoit de vous dire ; je<br />

l’eusse fait plus tôt ; mais je voulois voir la fin ; puis les derniers<br />

jours de Carême, j’ai été fatigué. L’abstinence a été plus pénible<br />

cette année, par l’absence des pommes de terre ; mais comment<br />

faire gras, quand presque tout le pays a fait maigre ?<br />

Nous préparons en ce moment une première Communion,<br />

Maximin et Mélanie en feront partie (7) ; ils vont très-bien l’un et<br />

l’autre.<br />

J ’ai l’honneur...<br />

Corps 12 avril 1847.<br />

Mardi 13 avril 1847<br />

MÉLIN Archip"'<br />

ÉVÉNEMENTS. La brigade de gendarmerie de Corps arrête quatre marchands<br />

ambulants, qui s’étaient fait remettre par un vieillard du canton de Saint-Bonnet,<br />

Hautes-Alpes, une somme de mille deux cents francs, lui promettant de lui<br />

rendre son argent, disant « q u ’ils allaient le faire bénir et faire une neuvaine à<br />

Notre-Dame-du-Laus, et qu 'apres cette époque ils lui rendraient son argent et il<br />

en aurait en grande quantité, mais de n 'en parler S personne avant seize jours »<br />

(déclaration du brigadier Solle, 3 décembre 1849, dans Nouveaux documents,<br />

p. 43-46). Des opposants ayant prétendu voir en ces escrocs les auteurs de<br />

l’apparition, Rousselot établit que leur passage à Corps est postérieur à celle-ci<br />

de sept mois (ibidem).<br />

135. LETTRE DE M. HOUZELOT<br />

Copie d’une main inconnue, donnant les doc. 135 et 136 bis (en tout 12 p.<br />

30 cm x 20) : Tours SF, B28. — Extrait de la main de Houzelot, dans une<br />

lettre terminée le 3 janvier 1850 et adressée au Chanoine Rousselot (en tout 8 p.<br />

26 cm x 21) : EG 136.<br />

L'auteur. Houzelot, bijoutier-orfèvre, fabriquant d’objets de piété, résidant<br />

à Paris, 104 rue de Vaugirard, puis à Ercuis, Oise, visita Corps à trois reprises au<br />

moins : en 1847, en 1849 et en 1850. C’était un homme à l’affût des phénomènes<br />

extraordinaires. Il s’intéressa à l’extatique de Niederbronn (Mère Alphonse-Marie<br />

Eppinger, fondatrice des Sœurs du Très-Saint-Sauveur) ; au « possédé » Antoine<br />

Gay, dont il transcrivit certaines divagations (cf. sa lettre du 9 octobre 1850,<br />

EG 142) ; au pseudo-baron de Richemont (l’aventurier C. Perrin, qui se faisait<br />

passer pour Louis XVII ; cf. BASSETTE, p. 185).<br />

28<br />

(7) Voir p. 19, note 4.


13 avril 1847 Doc. 135<br />

Le destinataire : peut-être M. Le Brument (cf. doc. 136 bis, fin), que nous<br />

retrouverons plus loin, à propos des démêlés qu’il eut avec Mgr Parisis.<br />

L'enquête de 1847. A Grenoble, Houzelot interrogea le lieutenant Angelini<br />

au sujet de la pierre brisée au café Magnan à Corps, en octobre 1846, et que le<br />

lieutenant avait emportée (cf. doc. 10 bis). Il quitta Grenoble pour Corps dans<br />

la nuit du samedi 10 au dimanche 11 avril et repartit pour Gap le 14 suivant.<br />

Dans une lettre datée du 27 octobre 1890 (MSG), il observera qu’à « cette époque<br />

il était bien intéressant d'entendre Mélanie et Maximin après l'événem ent »,<br />

tandis que, quelques années plus tard, il entendit Maximin, fatigué par les<br />

répétitions innombrables, donner son récit « machinalement ». Lors de sa visite<br />

de 1847, il fit écrire à l’enfant un texte (le document 136), « en lui dictant lettre<br />

par lettre ». Houzelot, en fit tirer des fac-similés, dont il envoya un exemplaire à<br />

Sœur Sainte-Thècle, la Supérieure des Sœurs de Corps ; « pou r \ me / remerciem<br />

ent [sic] elle m'écrivit que Maximin ne sachant pas écrire n 'avait p u faire cela »<br />

(ibidem). La sœur n’avait sans doute pas en Houzelot une confiance totale. A en<br />

juger par la composition de ses lettres, ce devait être un esprit brouillon.<br />

Notre édition. Les deux copies par lesquelles cette lettre nous est connue<br />

présentent entre elles de nombreuses divergences. En recopiant son texte pour<br />

Rousselot, Houzelot l’a probablement retouché. Ci-dessous on trouvera le texte<br />

tel qu’on le lit dans l’autre copie. Les principales variantes de l’extrait pour<br />

Rousselot seront indiquées en note. — Aptes avoir donné l’essentiel des réponses<br />

du lieutenant Angelini, nous reproduirons l’enquête menée à Corps auprès des<br />

deux enfants, mais nous omettrons les renseignements concernant les suites de<br />

l’apparition (pèlerinages, position de l’évêque et du clergé, etc.), que l’enquêteur<br />

a probablement entendus de la bouche d’autres témoins et qui nous sont déjà<br />

connus par d’autres documents.<br />

N.B. Pour faciliter la lecture, nous avons augmenté le nombre des alinéas,<br />

mais nous avons respecté l’orthographe et la ponctuation, cette dernière très<br />

fantaisiste.<br />

Corps, le 13 Avril 1847<br />

[... (p. 2)... L’officier] nous dit qu’en effet, sur cette pierre<br />

qu’il avait cassée, il y avait une figure d’homme à barbe pointue,<br />

les yeux baissés et fortement arqués. Les uns disaient que c’était<br />

une figure de Christ, mais que pour lui il n’y avait vu qu’une<br />

figure ordinaire. Puis il entra dans des développements religieux<br />

qui étaient pitoyables [...]. Cette pierre, il l’a portée à sa mère<br />

qui est en Corse, à ce qu’il dit. Je lui fis observer que quand bien<br />

même tous se seraient fait illusion sur cette tête de Christ, cela ne<br />

détruisait pas ce que les enfants ont dit ; il suppose qu’on le leur<br />

a appris cela [sic] ; il doit parler ainsi avec sa manière de voir<br />

[-]• Etant (1) arrivé à Corps, je fus trouver le curé de la paroisse<br />

qui eut la complaisance de me conduire dans une maison où sont<br />

les 2 enfants sous la direction des religieuses qui sont chargées 1<br />

(1) L’extrait pour Rousselot commence ici (« Etant arrivé »).<br />

29


Doc. 135<br />

<strong>Documents</strong><br />

provisoirement de leur instruction, et on me laissa seul pour les<br />

questionner tout à mon aise. Je les pris séparément l’un après<br />

l’autre, et tous deux m ’ont rapporté mot à mot ce qui est dans la<br />

relation que nous avons en main (2), il y a eu une légère différence<br />

dans quelques mots, ainsi ils m ’ont dit en plus que les raisins et<br />

les noix pourriront. Le reste est assez exact. Les deux enfants<br />

s’expliquent en français, principalement le petit Germain, il le<br />

comprend {biffé : mieux] assez (3). Je craignais de ne pouvoir<br />

causer avec eux, ce que j’ai fait parfaitement avec le petit Germain<br />

et qui (4) répond toujours à propos aux questions qu’on lui fait.<br />

Après avoir questionné la petite Mélanie, je fus très content d ’elle ;<br />

surtout de sa naïveté, de sa simplicité et de cet air de candeur<br />

avec lequel elle vous rapporte cela. J ’allai chez Monsieur le<br />

curé, après avoir questionné la petite, et je lui exprimai mon<br />

contentement de la manière dont la petite Mélanie [p. 3] m ’avait<br />

rapporté les choses. Il me dit : si vous avez été content de la petite<br />

fille, vous le serez bien autrement du petit garçon. En effet, je<br />

fus le questionner (5). J ’ai été enchanté et de son récit et de tout<br />

ce qu’il m ’a dit. Il faut le voir pour s’en faire une juste idée ; il a<br />

un air de simplicité et d ’innocence vraiment remarquable. Ces<br />

enfants ont quelque chose qui impressionne. Diveri personnes,<br />

entre autres un Monsieur venu de Strasbourg ne pouvais s’empêcher<br />

de pleurer en les entendant. Pour mon compte, je l’ai bien mis à<br />

la question (6), je lui ai fait de belles promesses, j’ai bien étudié<br />

ce qui pouvait lui faire plaisir pour lui faire avouer son secret, il<br />

est inflexible ; il est constamment à l’épreuve par toutes sortes de<br />

personnes qui viennent de divers contrées de la France pour les<br />

(7) voir et qui que ce soit n’a jamais pu lui faire dire la moindre<br />

des choses, c’est prodigieux dans un enfant de cet âge ; c’est bien<br />

ce qui prouve qu’il y a quelque chose de providentiel dans sa<br />

mission et dans ce secret qu’il ne veut pas divulguer. Vous allez<br />

voir les réponses qui vous surprendront autant que moi surtout<br />

d ’un enfant qui n ’a jamais rien appris puisqu’il ne sait ni lire ni<br />

écrire il n’a pas le temps d ’apprendre on le dérange souvent dans<br />

la journée pour le questionner : je vous avoue que cet enfant est<br />

une bien belle preuve de conviction ; il y met toute la complaisance<br />

possible, il ne se fatigue pas des questions qu’on lui fait. Un<br />

(2) D ’après la lettre de 1890 citée dans l’introduction au présent document, il s’agit<br />

de « la petite brochure publie' le 2 février 1847 » donc de Notre-Dame et deux bergers des<br />

Alpes (doc. 71).<br />

(3) Extrait pour Rousselot : En français... assez] principalement en français le petit<br />

Maximin le parle mieux et le comprend assez<br />

(4) Extrait pour Rousselot : ce que j’ai... et qui] (pensant qu’il ne parlait que le<br />

patois). Le petit Maximin<br />

(5) Extrait pour Rousselot : questionner] add. vu qu’il était absent<br />

(6) Extrait pour Rousselot : question] add. (Maximin)<br />

(7) Extrait pour Rousselot : les]le<br />

30


13 avril 1847 Doc. 135<br />

Ecclésiastique (8) est resté 15 jours à Corps et il venait tous les<br />

jours les questionner de 2 à 4 heures chaque fois (9). Mr le Curé<br />

le[s] laisse (10) à la disposition des visiteurs, seul avec eux, afin<br />

que chacun puisse se convaincre de la vérité. On voulait les envoyer<br />

faire leurs études dans divers endroits. Mr le Curé s’y est opposé<br />

afin qu’ils restassent là comme témoignage, pour que tout le<br />

monde puisse les voir et s’assurer du fait. Je vous communique les<br />

demandes et les réponses du petit Germain. La plupart ont été<br />

écrites sous sa dictée. J ’étais seul avec lui, et fort à l’aise pour lui<br />

parler. Je n ’ai mis aucun ordre dans mes demandes je vous les<br />

communique telles qu’elles sont notées.<br />

D. (11) — Seriez-vous bien content de revoir la Ste Vierge ?<br />

Il me répondit que quoiqu’il soit bien tard (7 heures et demi du<br />

soir), il partirait de suite s’il savait la voir.<br />

D. — Si vous la voyiez de nouveau, que lui diriez-vous ? —<br />

Ah ! je lui demanderais ce qu’il faut faire pour convertir la<br />

France (12) ; je me mettrais à genoux et lui demanderais des<br />

grâces.<br />

D. — Mais les personnes riches ne craindront pas la famine,<br />

elles achèteront facilement du pain. — R. Il n ’y aura ni pain ni<br />

pommes de terre et leur argent ne leur servira de rien. Les riches<br />

ne sont pas plus que les pauvres devant Dieu.<br />

[p. 4] D. — Si vous ne voulez pas communiquer votre secret,<br />

on ne vous croira qu’imparfaitement. — R. Ceux qui ne veulent<br />

pas me croire aujourd’hui me croiront plus tard lorsqu’ils seront<br />

pris par la faim.<br />

D. — Si je vous donnais de l’argent en quantité, consentiriezvous<br />

à me dire votre secret. — R. Quand vous me donneriez<br />

toutes les richesses de la France, je ne le dirais pas : ça m ’est<br />

défendu...<br />

D. — Pourquoi ne voulez-vous pas le faire connaître ? — R.<br />

La Ste Vierge m ’a bien recommandé de n’en rien dire, je tiens à<br />

lui obéir : sans cela elle me punirait.<br />

D. — Elle en a donné (13) le pouvoir. — R. Oui, étant la<br />

Mère de Dieu.<br />

D. — Si on vous disait : Vous allez avoir la tête tranchée<br />

vous laisseriez-vous faire ? Je ne le pense pas. — R. Allez chercher<br />

des gendarmes, des sabres et vous verrez que je me laisserai faire.<br />

(8) Il s'agit de l'abbé Lagier (cf. doc. 184 bis).<br />

(9) Extrait pour Rousselot ; de 2 à 4 heures chaque fois] trois et quatre fois<br />

(10) Extrait pour Rousselot : le laisse] laisse les enfants<br />

(11) Dans l'extrait pour Rousselot, la série des Demandes/Réponses est précédée du<br />

sous-titre : « Questions adressér à Maximin le 12 avril 1847 ».<br />

(12) Extrait pour Rousselot : la Francejson peuple<br />

(13) Extrait pour Rousselot : donnéjdonc<br />

31


Doc. 135<br />

<strong>Documents</strong><br />

D. — Vous mourriez donc pour garder votre secret. — R.<br />

Oui, certainement ; une fois mon, j’aurais fait mon devoir.<br />

D. — Mais il y en a qui ne veulent pas vous croire. — R. Ils<br />

me croiront quand ils auront faim et il sera trop tard.<br />

D. — Mais il faudrait donner beaucoup de publicité à cet<br />

événement ; beaucoup l’ignorent. — R. Tout le monde le sait et<br />

Dieu récompensera ceux qui le feront connaître à ceux qui n ’en<br />

savent rien. Quand vous irez dans votre province, vous le direz à<br />

d ’autres ; il en viendra encore qui le diront à d ’autres et tout le<br />

monde le saura.<br />

D. — Comme on appelait les pensionnaires pour souper je<br />

lui dis : Je vous empêche de manger en vous retenant. — R. Oh<br />

non ! Mr, je n ’ai pas faim ; j’aurais voulu aller à la bénédiction<br />

du St-Sacrement, parce que c’est la clôture du Jubilé. (Dans une<br />

autre circonstance, il me dit qu’il priait pour les malades.)<br />

Je lui ai demandé des pierres où la Ste Vierge avait marché.<br />

Je lui dis que je désirerais en avoir un gros morceau, vu que j’étais<br />

dans une ville où il y avait beaucoup d ’habitants, il me dit qu’il<br />

m ’en donnerait un morceau, mais pas trop gros, parce qu’il faut<br />

qu’il en réserve pour d ’autres qui viendront ; je lui fis des<br />

observations sur l’endroit où il avait ramassé des pierres, si elles<br />

avaient bien été prises à l’endroit où avait marché la Ste Vierge. Il<br />

m ’a dit qu’il en était parfaitement sûr qu’il se rappellerait toute<br />

sa vie de la place où elles étaient (14).<br />

D. — Avez-vous bien pu distinguer la figure de la Ste Vierge.<br />

— R. Cela m’a été impossible ; je n ’aurais jamais pu la regarder<br />

en face, elle était aussi brillante (15) que le soleil.<br />

D. — Vous vous serez fait illusion vous aurez pris cette Dame<br />

pour la Ste Vierge et c’était probablement une Dame riche de<br />

Grenoble.<br />

[p. 5] R. — Oh ! non, les dames de Grenoble ne disparaissent<br />

pas comme cela, quand on les voit en s’élevant au ciel.<br />

D. — Si on fait pénitence, qu’arrivera-1-il ? — R. On le verra<br />

bien à la récolte.<br />

D. — Quand vous avez vu la Ste Vierge s’élever au ciel (16)<br />

n ’avez-vous pas tendu les bras ? — R. Nous avons voulu prendre<br />

une rose (17) aussi (18), elle était trop haute.<br />

(14) Extrait pour Rousselot : D. Comme on appelait les pensionnaires... où elles<br />

étaient]oœir<br />

(15) Extrait pour Rousselot : aussi brillante] plus éclatante<br />

(16) Extrait pour Rousselot : s'élever au ciel]o«zù<br />

(17) Ici, ainsi que dans la Demande et la Réponse qui suivent, l’extrait pour Rousselot<br />

parle de roses au pluriel.<br />

(18) Extrait pour Rousselot : aussi]mais<br />

32


13 avril 1847 Doc. 135<br />

D. — De quelle couleur était la rose ? — R- Je ne me (19)<br />

suis pas bien aperçu ; elles étaient brillantes, toutes brillantes.<br />

D. — Dans le premier moment que vous avez vu cette dame<br />

assise sur la pierre, elle était bien triste ? — R. Elle semblait<br />

pleurer ; elle avait les mains sur la figure.<br />

D. — Lorsque vous la vîtes pleurer, qu’avez-vous pensé ? —<br />

R. Que son fils ou quelqu’un l’avait battue et nous n ’avons pas<br />

osé y aller et elle nous a dit : Avancez, mes petits enfants, n ’ayez<br />

pas peur !<br />

D. — Ne vous a-t-elle pas demandé (20) : Aimes-tu bien le<br />

bon Dieu ? — R. Seulement si nous faisions bien nos prières. (Il<br />

paraît que cette première demande n’a pas été faite.)<br />

D. — Comment était-elle habillée ? — R. Elle avait une<br />

haute coiffe entourée de roses, une longue robe blanche, les bras<br />

comme croisés sur sa poitrine, une croix attachée par dessus à son<br />

cou ; il y avait une tenaille d’un côté de la croix et un marteau de<br />

l’autre.<br />

Etant chez la mère du petit Germain, — il m ’y avait conduit<br />

pour me donner de la pierre —, et voulant encore l’éprouver au<br />

sujet de son secret (21), je lui dis en présence de son père et de sa<br />

mère (22), mais si votre papa et votre maman voulaient absolument<br />

que vous leur disiez votre secret, est-ce que vous leur désobéiriez ?<br />

— Oui, Mr il faut de préférence obéir à Dieu. — J ’ajoutais :<br />

cependant, on leur doit l’obéissance — Je leur désobéirai dans<br />

cette occasion.<br />

Revenu dans le local où je le questionnais d ’habitude, je lui<br />

dis (23) : Mais si cependant l’Evêque de Grenoble, ou le pape<br />

qui est le chef de l’Eglise, le représentant de Dieu sur la terre,<br />

vous demandait votre secret, est-ce que vous le lui refuseriez ? —<br />

Je ne le dirai pas plus à eux qu’à d ’autres ; s’ils ne font pas bien,<br />

dans le ciel ils ne seront pas plus que d ’autres pécheurs. Ne<br />

comprenant pas bien cette phrase, je la lui fis répéter et il ajouta :<br />

Il n’est pas plus qu’un autre ; s’il fait mal, il sera plus puni qu’un<br />

pauvre pécheur.<br />

D. — Le Pape étant le représentant de Dieu vous devez bien<br />

lui dire votre secret. — R. Il aura beau faire, beau dire, il me<br />

mènera à Rome, et je lui dirai que non !<br />

(19) Extrait pour Rousselot : mejm’en. — La tournure «Je ne me suis pas bien<br />

aperçu » est calquée sur le patois (P. Andrieux).<br />

(20) La question de Houzelot, ainsi que la réponse et l’observation qui suivent,<br />

manquent dans l’extrait pour Rousselot. Elle porte sur une demande attribuée à la Dame<br />

dans la brochure citée supra, note 2.<br />

(21) Extrait pour Rousselot : il m ’y avait... secret]o»z«<br />

(22) Il s’agit en réalité de sa marâtre, sa mère étant décédée<br />

(23) Extrait pour Rousselot : Revenu... dis]omis<br />

33


Doc. 135<br />

<strong>Documents</strong><br />

D. — Cependant, le Pape est autant que la Ste Vierge,<br />

puisqu’il est le représentant de Dieu sur la terre ? — R. La Ste<br />

Vierge est la Mère de Dieu, et le Pape son représentant. S’il fait<br />

mal il n ’est pas bien son représentant, [p. 6] Insistant de nouveau<br />

sur l’importance de faire connaître ce secret, il me répondit : Ceux<br />

qui veulent se convertir se convertiront sans que je dise ce que<br />

m ’a défendu la Ste Vierge ; même encore Plus, si je ne dis pas.<br />

Examinant dans ses goûts ce qu’il aimait le mieux, pour voir<br />

s’il n’y aurait point prise sur lui, il me répondit (24) : Je reçois de<br />

bon cœur ce que l’on me donne, et je rends ce que l’on pourrait<br />

m ’avoir donné pour me faire dire mon secret (25). En dernier lieu<br />

voulant voir s’il refuserait toujours de le dire à sa mère, il me<br />

répondit : Quand mon papa et maman me tueraient je ne le dirai<br />

pas il vaut mieux préférer la mort qu’une désobéissance au ciel ;<br />

quand le ciel me permettra de le dire, je le dirai, mais pas avant.<br />

[...(p. 7)...] (26)<br />

Le petit Germain me conduisit chez lui, comme il me l’avait<br />

promis. Son père est un pauvre charron qui a l’air très malheureux.<br />

C’est un vrai tombeau que leur habitation ; on s’y croirait enterré<br />

tout vivant, et c’est de cette profonde misère que sortent les<br />

prédestinés. C’est toujours la même leçon que J.C. naissant dans<br />

une crèche et les hommes superficiels disent : Comment Dieu<br />

peut-il se révéler à des créatures si misérables ? Sa triste demeure<br />

m ’a bien ému ; cette maison a été pour moi un grand enseignement,<br />

car qui sait si ce petit berger, qui était dans la plus profonde<br />

misère, ne sera pas plus tard un homme extraordinaire. La mère<br />

de Germain avait conservé quelques pierres et n ’en donnait que<br />

très rarement. Cependant elle m ’en a donné beaucoup, quand je<br />

lui ai dit que j’habitais Paris. Cette pauvre femme m ’a dit : Je<br />

vous en donne plus qu’à d ’autres, car vous venez de bien loin.<br />

Elle m’a donné aussi de petits fragments d’herbe de la montagne,<br />

prise au moment (27) ; puis un morceau gros comme le doigt de<br />

(24) Extrait pour Rousselot : qu’il ... répondit] qui pourrait lui convenir et le décider<br />

à m’avouer son secret je lui fis voir plusieurs boîtes de bijouterie, il était enchanté de voir<br />

ces objets, je ne pouvais plus le contenir tant sa joie était grande, dans ces montagnes il<br />

n ’y avait jamais rien vu de pareil, je crus le moment propice pour l’ébranler et lui faire<br />

avouer son secret, je lui dis : je vous donne tout cela si vous voulez me le dire. Au même<br />

moment sa joie disparut et il me répondit froidement et avec assurance. Quand vous me<br />

donneriez toute ma [rrc] fortune, je ne désobéirai/ pas je ne vous dirai rien quand bien<br />

même vous seriez le pape, je vous l’ai déjà dit ce matin<br />

(25) Extrait pour Rousselot : secretprfî/. comme vous avez été bon pour moi je prierai<br />

pour vous pendant 8 jours.<br />

(26) Le passage que nous omettons rapporte divers renseignements recueillis par<br />

Houzelot sur l’attitude du clergé, les pèlerinages, la mort des enfants à Corps. Ils nous<br />

sont également connus par d ’autres sources.<br />

(27) Extrait pour Rousselot : moment)add. de l’apparition. — L’expression qu’on lit<br />

dans la copie de Tours est calquée sur le patois et signifie « au bon moment », c’est-à-dire<br />

lors des premières visites après l’apparition (P. Andrieux).<br />

34


13 avril 1847 Doc. 135<br />

la pierre où la Ste Vierge s’est assise, de ce même morceau qui a<br />

été cassé chez Mr Magnand, où était la tête du Christ (28), elle<br />

m ’a donné aussi un fragment gros comme le doigt (29) de la<br />

pierre où a marché Marie, avant de s’élever au ciel. Le petit<br />

m ’assure que cela était bien exact, que c’était bien sur ce morceau<br />

qu’elle s’est assise et qu’elle a marché.<br />

Voyant tant de vraisemblance dans le récit des enfans, je<br />

m ’informai de ce qu’était devenu leur habit de berger, le jour de<br />

l’apparition. Malheureusement, j’avais été devancé. Le Curé de<br />

Corps avait mis de côté le chapeau et la blouse du petit berger,<br />

sachant cela, j’ai demandé à sa mère si elle avait d ’autres objets<br />

qu’il portait le jour de l’événement (30), elle me les remit et je<br />

lui donnai de l’argent, pour qu’elle lui en achetât d ’autres neufs,<br />

j’ai aussi son chapeau de berger qu’il avait après l’événement et<br />

qui est tout conforme à celui du Curé, j’ai son pantalon, sa<br />

cravate (31). On me dit que Mr le Curé ne serait pas content que<br />

j’aie ces objets ; mais il faut bien que d ’autres que lui aient<br />

quelques souvenirs ; j’ai des cheveux du petit Germain et de la<br />

petite M.élanie (32). La bonne sœur a eu bien soin qu’elle ignorât<br />

le [p. 8] motif pour lequel on lui coupait ; on lui a dit que c’était<br />

pour avoir la couleur. Quant au petit Germain, il a dit : Vous<br />

pouvez prendre tout ce qui est sur ma tête, sans penser à réfléchir<br />

pourquoi on lui demandait cela. On les habille très simplement<br />

pour ne pas leur donner d ’orgueil et qu’ils ne se croient pas plus<br />

que les autres enfans qui viennent à l’école des sœurs.<br />

Etant chez le père du petit Germain, je lui demandai s’il se<br />

rappelait bien avoir dit à son enfant : tiens, voilà un morceau de<br />

pain, l’année prochaine je ne sais qui en mangera ; il s’est rappelé<br />

cette circonstance, et cet homme qui, dans le commencement, ne<br />

voulait pas croire au prodige y croit parfaitement. [...] (33)<br />

Hier soir le petit Germain me conduisait chez sa mère, qui<br />

doit si le temps continue à être (34) mauvais, m ’envoyer chercher<br />

de l’eau de la fontaine, cachée sous la neige, il faudrait un guide<br />

pour y arriver et non sans dangers. Après avoir causé avec la mère<br />

de Germain, celui-ci me conduisit à l’hôtel où je le fis rester pour<br />

(28) Extrait pour Rousselot : de ce même morceau... Christ]oœif<br />

(29) Extrait pour Rousselot : doigtjpoig<br />

(30) Extrait pour Rousselot : événement]add. Elle me les donna (comme étant bien<br />

ceux qu 'il avait ce jour, et Maximin qui était présent le confirma) Elle me remit sa cravatte<br />

[sic], un p e tit pantalon de drap vert avec des pièces brunes<br />

(31) Extrait pour Rousselot : J ’ai aussi son chapeau... cravatejoOTtr<br />

(32) Au sujet des vêtements emportés par Houzelot, voir aussi infra, p. 107, note. —<br />

A Lourdes, Houzelot réussira à se procurer le capulet de Bernadette Soubirous (R.<br />

LauRENTIN, Lourdes, Dossier des documents authentiques, vol. I, Paris 1957, p. 36).<br />

(33) Nous omettons un alinéa concernant l’épisode de la pierre brisée en octobre 1846<br />

au café Magnan. Cet alinéa manque dans l’extrait pour Rousselot.<br />

(34) Extrait pour Rousselot : être)add. moins<br />

35


Doc. 135<br />

<strong>Documents</strong><br />

souper avec moi ; quand nous eûmes terminé notre repas, je le<br />

conduisis dans ma chambre où il examina tous mes dessins avec<br />

grand soin. Je lui donnai une médaille de la Ste Vierge, qui était<br />

dans une de mes boîtes de sainteté, il regardait tout cela avec<br />

beaucoup d’attention ; voyant qu’il avait l’air d ’y attacher de<br />

l’importance. Je lui dis : Je vous donne toute ma boîte et aussi<br />

tout ce que contient l’autre, si vous voulez me dire votre secret.<br />

— Quand vous me donneriez toute votre fortune, répondit-il, je<br />

ne désobéirai pas ; je ne vous dirai rien quand même vous seriez<br />

le Pape. Je vous l’ai déjà dit ce [p. 9] matin. Je lui remis un<br />

chapelet que j’avais dans une boîte, il en fut fort content, et il<br />

me dit : puisque vous êtes si bon pour moi, pour vous remercier,<br />

je dirai 5 pater et 5 ave pour vous pendant 8 jours ; et il me dit<br />

en s’en allant : ne partez pas sans venir me dire adieu, et il<br />

retourna chez ses parents.<br />

On m’a rapporté un fait, qui n’est pas encore bien connu sur<br />

la petite Mélanie, qui paraît très vrai. L’ayant questionnée à cet<br />

égard, elle me dit la même chose que je vous rapporte.<br />

Huit jours avant l’événement de la Salette, elle fut obligée<br />

de rentrer un soir fort tard, dans un petit pays entre Corps et la<br />

Salette ; chemin faisant, elle s’arrêta devant une petite chapelle<br />

(je crois dédiée à St-Sébastien) et y fit sa prière (35). Au même<br />

moment une lumière la conduisit jusqu’à sa maison où elle avait<br />

besoin, et elle fut éclairée le reste de sa route, où il y avait des<br />

précipices très dangereux (36). (C’est la bonne sœur chez laquelle<br />

elle est qui m ’a raconté ce fait.) (37)<br />

Mercredi 14 avril 1847<br />

* 136 bis. LETTRE DE M. HOUZELOT<br />

Copie d’une main inconnue, donnant également le doc. 135 (en tout 12 p.<br />

30 cm x 20) : Tours SF, B28.<br />

Sur l’auteur et le destinataire de cette lettre ainsi que sur l’enquête qu’elle<br />

décrit, voir l’introduction au doc. 135.<br />

Date : mi-avril, d’après la fin de la lettre. Il s’agit probablement de la lettre<br />

écrite à Gap, mentionnée par Houzelot dans la lettre du 3 janvier 1850,<br />

(35) La chapelle de Saint-Sébastien, actuellement disparue, se trouvait à l’entrée du<br />

village de la Salette, sur l’emplacement de l’actuel cimetière des Canadiens (voir<br />

l’illustration, p. XVIII).<br />

(36) Pour la première fois, nous voyons Mélanie présentée non plus comme la simple<br />

messagère de l'apparition, mais comme favorisée d ’un miracle à titre personnel. Le présent<br />

épisode sera évoqué lors des Conférences tenues à l’évêché de Grenoble en novembredécembre<br />

1847 (cf. doc. 341).<br />

(37) Extrait pour Rousselot : (c’est... ce fait)] d ’après ce que m'a dit la Supérieure. —<br />

La différence entre les deux textes paraît substantielle : d ’après l’extrait pour Rousselot, le<br />

témoignage de la sœur porte non sur le fait rapporté, mais simplement sur l’état du<br />

chemin. Noter aussi que l’extrait pour Rousselot porte ici l’indication : « Fin de la 1"<br />

lettre du 13 avril 1847 ».<br />

36


14 avril 1847 Doc. 136 bis<br />

mentionnée supra, p. 28. On ne peut cependant exclure que le présent document<br />

ne soit une compilation rassemblant des extraits de plusieurs lettres.<br />

N.B. Pour faciliter la lecture, nous avons augmenté le nombre des alinéas,<br />

mais nous avons respecté l’orthographe et la ponctuation.<br />

[p-9] Je me disposais à partir pour Gap, voulant prendre la<br />

voiture au passage, ne trouvant pas de place je fus obligé d’attendre<br />

au lendemain ; ce qui me donna 24 heures de plus. Je les employai<br />

à revoir de nouveau les deux petits enfans. J ’eus d’abord un<br />

entretien en présence du petit Germain et de la petite Mélanie,<br />

pour savoir comment était habillée la Ste Vierge, car jusqu’à<br />

présent, rien n’avait été fait d ’une manière exacte ; le dessin de<br />

Mr Alcan, est cependant fort beau et les enfans n ’ont pas trouvé<br />

la Vierge ressemblante (1). Je l’ai [sic] questionnai très sérieusement<br />

à cet égard, et j’ai crayonné une vierge très-mal faite à la vérité,<br />

mais bien conforme à ce qu’ils disent et lorsque j’eus fini, ils<br />

dirent tous les deux, qu’elle était la plus ressemblante de toutes<br />

celles qu’ils avaient vues ; et avec ce nouveau croquis, il deviendra<br />

facile d ’arriver à la réalité, cette démarche n ’était pas inutile ; ce<br />

croquis peut devenir nécessaire (2).<br />

Le petit Maximin (dit Germain[)] commence à écrire tant<br />

bien que mal ; c’est à peine s’il peut signer son nom ; la sœur où<br />

il est n’y paraît pas (3). J ’ai essayé à lui faire signer, et à force de<br />

patience, j’ai pu obtenir une douzaine de signatures ; ayant obtenu<br />

ce résultat j’ai cherché à en avoir un*? autre. Je l’ai fait écrire {Je<br />

déclare devant Dieu avoir vu la Ste Vierge sur la montagne<br />

Dorstère ; aussi brillante que le soleil. Signé Maximin.) Corps le<br />

14 avril 1847 (4). Je lui en aurais bien fait mettre davantage, mais<br />

j’eus déjà assez de peine à arriver à ce résultat et j’en [p. 10] ai<br />

deux semblables. Vous voyez que j’ai des preuves de conviction et<br />

tous ceux qui vont les visiter n ’en rapportent pas tant ; mais ce<br />

n ’est pas encore tout. Je vais vous rapporter autre chose que j’ai<br />

pu me procurer et qui n ’est pas moins important.<br />

Pendant que j’étais seul avec Mélanie et Maximin, je les<br />

questionnai sur ce qui pouvait encore leur rester des effets qu’ils<br />

avaient portés le jour de l’événement ; sur une gravure faite à<br />

Grenoble et que j’avais sous les yeux ; on la [sic] représente avec<br />

un bâton ; cela me donna l’idée de lui demander s’il l’avait<br />

encore, et s’il était encore entre les mains de Mr le Curé. Il me 1<br />

(1) « le dessin de Mr Alcan » : voir p. 46.<br />

(2) Il existe une image de N.D. de la Salette éditée par Houzelot et qui est une<br />

imitation de N.D. de Bon Espoir (voir p. 46).<br />

(3) Tournure calquée sur le patois et signifiant que la sœur n’a pas assisté à l’entrevue<br />

(P. Andrieux).<br />

(4) Doc. 136, reproduit p. 38.<br />

37


N<br />

S<br />

Corps<br />

1. Vers Grenoble<br />

2. Chemin de Corps à la Salette<br />

3■ Maison du charron Giraud, le père de Maximin<br />

4. Quartier habité par la famille de Mélanie<br />

5. Eglise<br />

6. Presbytère<br />

7. Couvent des Soeurs (actuellement foyer pour personnes âgées)<br />

8. Vers Gap<br />

Document 136 : autographe de Maximin, multigraphié par Houzelot (cf. p. 29 et 37).<br />

Dimensions du cadre :11,6 cm x 1). (La reproduction ci-dessus est en format réduit.)


14 avril 1847 Doc. 136 bis<br />

répondit que non. Mélanie (5) répondit : Je l’ai caché à la Salette.<br />

Mélanie (6) lui assura que cela était inexact ; qu’il l’avait caché<br />

sous son lit chez son maître à la Salette (7). Vite, je propose à<br />

Maximin d ’aller avec lui à la Salette, la difficulté était grande il<br />

ne pouvait sortir sans permission ; il fallait la demander à la bonne<br />

sœur qui ne se décida pas sans peine et je me gardais bien de lui<br />

dire pourquoi j’avais l’intention de l’y conduire.<br />

Nous nous mettons en route pour la Salette ; l’enfant<br />

m ’engage dans les montagnes et me fait suivre des chemins<br />

tellement pierreux que je fus obligé de le laisser aller seul.<br />

Imaginez-vous des petits chemins pour une seule personne et 200<br />

pieds de profondeur sur les côtés. Je fis des efforts pour aller [plus]<br />

loin ; il me fallut rétrograder et je l’engageai à continuer sa route<br />

et que s’il me rapportait son bâton, je lui donnerais quelque chose<br />

à son choix, et il partit, non sans quelques difficultés : il voulait<br />

que je l’accompagnasse ; il faut être élevé dès l’enfance pour<br />

parcourir ces montagnes : il y a des précipices affreux à traverser ;<br />

si un étourdissement vous prenait, vous seriez bien perdu, il mit<br />

quatre heures pour faire ce trajet, j’étais impatient de savoir s’il<br />

retrouverait son bâton, ensuite parce qu’il ne m’avait demandé la<br />

permission que pour 2 heures. Enfin il revint avec son bâton, le<br />

même qu’il avait le jour de l’événement.<br />

En revenant de la Salette, les habitants de ces lieux l’aperçurent<br />

et coururent lui demander ce qu’il venait faire, il leur dit naïvement<br />

qu’il venait chercher son bâton de chez ses maîtres ; alors on lui<br />

en coupa des éclats malgré lui ; pour les conserver, comme des<br />

reliques à ce qu’il [p. 11] m ’a dit et quand il arriva, je n’étais pas<br />

content de voir mon bâton endommagé, cependant je fis une<br />

réflexion qui me consola, car les éclats enlevés, sur son chemin,<br />

sont encore une preuve de conviction de plus ; qu’ai-je à me<br />

plaindre, ne suis-je pas le mieux partagé ! Car le bâton n ’est pas<br />

de peu d’importance. Avant de partir, Maximin m’avait dit : je le<br />

retrouverai : j’y ai fait des marques. En effet les marques dont il<br />

me parlait existaient réellement. Le matin lorsque je demandai à<br />

Mélanie si ce bâton existait encore, Mélanie et Maximin parlaient<br />

en Patois en souriant ; et ne comprenant rien à leur langage, je<br />

leur demandai ce qu’ils avaient à rire. Mélanie me dit que,<br />

Maximin, lorsqu’il vit cette dame (la Ste Vierge) sur la montagne ;<br />

craignant qu’elle ne nous fît du mal, me dit : J ’ai mon bâton si<br />

elle veut nous battre nous nous défendrons avec et ils riaient tous<br />

les deux de leur méprise.<br />

(5) D'après le sens, il s’agit en réalité de Maximin.<br />

(6) Le copiste semble avoir d ’abord écrit « Maximin ».<br />

(7) L’histoire du bâton caché donne l’impression d’être une galéjade provoquée par<br />

les questions d ’un chasseur de reliques intempérant.<br />

39


Doc. 136 bis<br />

<strong>Documents</strong><br />

En revenant de la Salette je fis dîner Maximin avec moi à<br />

l’hôtel, il hésitait à entrer dans la salle parce qu’il y avait beaucoup<br />

de monde et qu’on le regardait ; cela le contrariait. Enfin il se<br />

décida à dîner. Après le repas il monta dans ma chambre et choisit<br />

un Christ pour son bâton et me dit qu’il y avait une personne qui<br />

engageait les autres à ne pas croire : il dit cela en Patois. Je lui dis<br />

qu’il fallait la laisser dire, et il me raconta à ce sujet qu’un homme<br />

du pays disait à sa femme : «Je mettrai une corde au cou de la<br />

Ste Vierge », et lorsqu’il eut prononcé ces mots son enfant tomba<br />

dans l’eau bouillante, et je crois qu’il en mourut (8). Cet homme<br />

alla à l’église demander pardon à Dieu, et criait comme un<br />

désespéré. Il me raconta ce fait pour combattre l’incrédulité. Je<br />

n ’ai pas eu le temps de m ’en informer.<br />

Il me conduisit chez la mère de la petite Mélanie ; il était<br />

neuf heures ; la chambre où elle restait était un grab^at, aussi<br />

sale qu’il est possible de le supposer. Cette femme était couchée<br />

et elle se leva.<br />

Je lui demandai s’il lui restait quelques vêtements que sa<br />

petite eût p o rt/ le jour de l’événement ; elle me dit qu’il ne<br />

restait plus que sa robe et elle ne savait où pouvoir la trouver.<br />

Après avoir bien cherché partout sans pouvoir la trouver, le petit<br />

Maximin dit : elle est de cette couleur-là, en montrant une petite<br />

robe appartenant à l’un des huit enfans de cette femme qui tous<br />

étaient couchés ; enfin après bien des recherches et ne la trouvant<br />

pas, on lève une espèce de paillasse et Maximin s’écrie d’un air<br />

joyeux, la voilà c’est bien [p. 12] c’est bien [sic] celle que Mélanie<br />

avait sur la montagne ; ce n ’est pas par sa beauté qu’elle brille ;<br />

en cherchant cette robe, je me heurtai les pieds dans des boîtes,<br />

où il y avait des enfans qui étaient couchés, il y en avait de tous<br />

côtés ; on ne voyait que des têtes dans les lits. Le mari de cette<br />

femme gagne 15 sous par jour ; la mère et les enfans demandent<br />

l’aumône. La mère de Mélanie m ’a remis deux morceaux de la<br />

pierre sur laquelle s’est assise la Ste Vierge et je l’ai quittée,<br />

content d ’avoir cette robe qui n’est qu’un haillon.<br />

Il y a là de quoi confondre l’orgueil en voyant que Dieu s’est<br />

révélé à d ’aussi misérables créatures ceux qui raisonnent comme<br />

les Juifs auront peine à y croire.<br />

Le lendemain jour de mon départ il y avait discussion au<br />

sujet de ces enfans ; chacun disait son opinion et je leur dis la<br />

mienne à cet égard ; je leur dis combien j’avais mis ces enfans à<br />

l’épreuve, ainsi que beaucoup d ’autres personnes.<br />

Plusieurs en furent surpris ; une dame présente manifesta le<br />

désir de les voir. Je la conduisis avec un jeune homme qui était 8<br />

40<br />

(8) Sur cet accident, voir LSDA I, p. 154.


16 avril 1847 Doc. 137<br />

avec elle. A leur retour, je montai en voiture pour aller à Gap. Ils<br />

m ’ont bien remercié de les avoir conduits ; ils étaient très contents<br />

d ’avoir parlé aux enfans.<br />

A Gap, chez un orfèvre, j’eus un entretien avec un ecclésiastique<br />

qui arrivait de Corps il me dit : Monsieur, il n’est question<br />

que de vous à Gap. C’est probablement parce qu’ils auront appris<br />

que j’emporte les effets des enfans à Paris et par toutes mes<br />

démarches.<br />

J ’aurais désiré faire une analyse plus courte de ces faits, mais<br />

le peu de temps que j’avais ne me l’a pas permis ; je vais me<br />

presser pour terminer mon voyage et me rendre pour la fin du<br />

mois à Paris où aux premiers jours de Mai.<br />

réunis le 24 Mai par Mr Brumont (9), lettre écrite par un de<br />

ses amis (10)<br />

Vendredi 16 avril 1847<br />

Événement : Guérison de la Sœur Saint-Charles (Claire Pierron), religieuse<br />

hospitalière de Saint-Joseph, à Avignon, au cours d’une neuvaine à Notre Dame<br />

de la Salette. La Sœur avait de fréquentes hémoptysies et souffrait d’aphtes au<br />

palais, à la langue et au pharynx.<br />

Dossier : EG 122 (19 pièces de 1847-1852, une pièce de 1856) ; Vérité,<br />

p. 104-115 ; Nouveaux documents, p. 39-41 ; Nouveau sanctuaire, p. 108-111 ;<br />

GlRAY I, p. 340-375. On trouvera une description de la maladie et de la guérison<br />

dans le doc. 177. La neuvaine devait se terminer le 17 avril, jour de communion<br />

générale de la communauté. Celle-ci fut devancée à la veille, en raison du passage<br />

de Mgr de Prilly, évêque de Châlons-sur-Marne, frère d’une religieuse. La guérison<br />

eut lieu pendant la célébration de la messe par le prélat (relation de Mme Pineau,<br />

supérieure, dans GlRAY I, p. 355). La nouvelle s’en répandit rapidement. — La<br />

guérison de Sœur Saint-Charles fut examinée lors des Conférences tenues à<br />

l’évêché de Grenoble en automne 1847. Mgr Naudo, archevêque d’Avignon, en<br />

admettait le caractère miraculeux et se proposait de publier sur le sujet une<br />

« relation authentique » (lettre des vicaires capitulaires d’Avignon à Rousselot,<br />

23 juin 1848, EG 122, dans G iray I, p. 350-351), mais mourut le 29 avril 1848,<br />

avant la réalisation de son projet.<br />

De constitution frêle, la Sœur Saint-Charles tomba de nouveau malade en<br />

février 1849 (« crise de cholérine » : GlRAY I, p. 361). Elle mourut le 25 mai<br />

1851.<br />

137. LETTRE DE MGR DEPÉRY, évêque de Gap, à Mgr de<br />

Bruillard<br />

Original : EG 93.<br />

(9) Brumont : sans doute Le Brument, négociant de Rouen connu de M. Dupont et<br />

mêlé à la fondation de l’œuvre réparatrice demandée par Sœur Marie de Saint-Pierre (cf.<br />

l’introd. au doc. 259).<br />

(10) « réunis » (pluriel), « lettre écrite » (singulier) : indications peu claires. On a<br />

peut-être affaire à des extraits tirés de plusieurs lettres (cf. l’introd. au présent document).<br />

41


Doc. 137<br />

<strong>Documents</strong><br />

Note. La publicité donnée à la prise de position de Mgr Depéry en faveur<br />

de l’authenticité de l’apparition pouvait apparaître comme un empiètement sur<br />

l’autorité de l’évêque de Grenoble : d’où le besoin de se justifier, éprouvé par<br />

Mgr Depéry. Celui-ci avait d’autant plus lieu de se sentir inquiet que sa lettre à<br />

l’abbé Nicod, où il regrette explicitement la réserve de Mgr de Bruillard, connut<br />

elle aussi une certaine diffusion (doc. 145 ter).<br />

Evêché de Gap<br />

Gap, le 16 Avril 1841.<br />

Monseigneur,<br />

Je viens d’apprendre par les journaux qu’une relation de<br />

l’apparition de la S" Vierge à la Sal/ette se vendait à Paris,<br />

accompagnée d’une lettre de moi et d ’une de mon grand vicaire (1).<br />

Je ne puis expliquer cette publicité donnée à mes lettres (2)<br />

que par une inconcevable indiscrétion et un manque total de<br />

délicatesse. Plusieurs personnes m ’ont écrit pour savoir ce qu’il y<br />

avait de vrai dans les bruits qui couraient sur cette apparition. J ’ai<br />

répondu suivant mes convictions personnelles mais jamais comme<br />

Evêque.<br />

La prudente réserve, Monseigneur, que votre Grandeur a<br />

gardé dans cette circonstance me faisait un devoir de l’imiter. Je<br />

regrette donc vivement que mon nom figure pour l’appréciation<br />

d ’un fait qu’il ne m ’appartenait pas de juger puisqu’il ne s’est<br />

point passé dans mon diocèse.<br />

Veuillez agréer...<br />

tlRÉNÉE, Év. de Gap.<br />

Remarque : Mgr Depéry enverra bientôt une protestation toute semblable<br />

(doc. 139) à l’Univers et à l’A m i de la religion, qui la publieront le 27 avril. Le<br />

premier journal, dans son commentaire, exprimera le vœu que lorsque des faits<br />

extraordinaires se produisent, l’autorité ecclésiastique intervienne aussitôt, ne<br />

serait-ce que pour inviter les fidèles à suspendre leur jugement (3). Quant à<br />

l ’A m i de la religion, il présentera la lettre Depéry comme une justification de la<br />

réserve qu’il s’est imposée et que l’on a « indignement exploitée » (4) contre lui. 1<br />

(1) Sur la brochure en question et les journaux, voir le doc. 131 bis et son commentaire.<br />

(2) Deux mois et demi plus tôt déjà, un journal catholique, la Voix de la vérité (n“<br />

du 31 janvier, doc. 70), avait publié la fameuse lettre de Mgr Depéry. Celui-ci s’était alors<br />

abstenu de protester, sans doute parce qu’il ne s’agissait alors que d ’un journal à très<br />

faible tirage.<br />

(3) Doc. 144. — Le rédacteur de ce commentaire paraît ignorer que l’évêque de<br />

Grenoble s’est occupé de la Salette dès l’automne précédent et a effectivement recommandé<br />

la réserve, en attendant que l’autorité se prononce (cf. doc. 3).<br />

(4) Doc. 144 bis. — L 'A m i de la religion vise ici les attaques dont il a été l’objet de<br />

la part de l’Univers ; cf. LSDA I, en particulier p. 260.<br />

42


20 avril 1847 Doc. 140<br />

Mardi 20 avril 1847<br />

140. LETTRE DE MGR VILLECOURT, évêque de la Rochelle, à<br />

l’abbé Mélin, curé de Corps<br />

Original (l f. pliée 22,3 cm x 33) : EG 93. — Texte intégral dans les<br />

Annales, juin 1907, p. 331-333.<br />

Mgr Villecourt. Rappelons qu’il avait passé sa petite enfance dans la région<br />

de Bourgoin, donc à peu de distance de Jallieu, ville natale de l’abbé Mélin (cf.<br />

LSDA I, p. 143 et 144).<br />

Note. Avec cette lettre, nous rencontrons, pour la première fois, une mise<br />

en garde contre les dangers que, pour les deux voyants, présentent les égards<br />

dont ils sont devenus l’objet à la suite de l’apparition.<br />

La Rochelle, le 20 avril 1841<br />

V[ou]s êtes vraiment bon, cher et digne Archiprêtre. Je<br />

désespérais de recevoir une réponse à ma dernière lettre ; car on<br />

suppose assez généralement que Mgr de Grenoble aurait reçu de<br />

haut lieu des défenses de rien publier sur l’apparition de peur de<br />

jet/er l’épouvante dans les esprits. Dans ce cas, il n’eût pas été<br />

surprenant que la même chose eût été signifiée par voie indirecte,<br />

aux environs de Grenoble, mais votre bonne et excellente lettre<br />

m ’indique assez le contraire. L’apparition a partout des contradicteurs<br />

: on en dit des choses si ridicules que c’est à faire pitié.<br />

Encore aujourd’hui un Ecclésiastique fort respectable me racontait<br />

qu’une dame fort pieuse ayant écrit à une de ses amies ou parentes<br />

qui est à quelque distance de vos parages, celle-ci lui avait répondu<br />

que ce qu’on attribuait à la S" Vierge, n ’était autre chose que la<br />

venue subite d ’une folle qui va partout se faisant passer, ainsi que<br />

les aliénés en ont ordinairement la prétention, pour un être<br />

extraordinaire, et que la simplicité des 2 pauvres enfants y avait<br />

été surprise (1). Cependant je dois dire que tout ce qu’il y a de<br />

solidement vertueux ne balance pas dans sa foi. Tout misérable<br />

que je suis, je me range, de tout mon cœur, parmi les simples.<br />

[...(verso)...]<br />

Me permettrez-vous \ de v(ou)s / dire, cher et vénérable<br />

pasteur, qu’on ne saurait trop maintenir les 2 petits bergers dans<br />

l’humilité la plus profonde. J ’ai connu plusieurs personnes, depuis<br />

36 ans que je suis dans le St ministère, à qui le ciel avait fait des<br />

grâces vraiment extraord1", et qui se sont vues à 2 doigts de leur<br />

perte éternelle, par suite des sentiments flatteurs qui se glissaient<br />

insensiblem' dans leurs âmes. J ’ai connu étant à Lyon une princesse<br />

qui y passait en venant de Pologne ; elle était demeurée pendant<br />

8 ou 10 jours auprès du prince de Hohenlhoe, et témoin des 1<br />

(1) L’apparition, œuvre d ’une folle : cette explication pourrait bien être l’écho des<br />

arrestations opérées le 13 avril (voir supra, p. 28).<br />

43


<strong>Documents</strong><br />

hommages dont il était l’objet, par suite des guérisons que ses<br />

prières obtenaient, elle en fut effrayée : Ah ! Monseigneur, lui<br />

dit-elle, un jour, tenez-vous en garde contre les pièges de Satan ;<br />

personne n ’y est plus exposé que vous. Elle aurait préféré le voir<br />

livré à toutes les persécutions et à tous les opprobres que d ’être<br />

témoin des respects que lui attirait de toutes parts sa qualité de<br />

thaumaturge (*). [...]<br />

Je v[ou]s embrasse...<br />

Mai 1847<br />

tC lément Ev' de la Rllc<br />

LA SALETTE DANS LA PRESSE LOCALE. Le 2 mai, le Censeur de Lyon<br />

signale à ses lecteurs que les inventeurs du miracle de la Salette « viennent<br />

de transporter leur industrie à Lyon. Nous avons sous les yeux un petit<br />

imprimé de huit pages in-18, sortant des presses de la Guillotière (1), et<br />

qui raconte les faits avec une étrange assurance ; on a fait en outre une<br />

belle image qui a la prétention d'être le portrait de cette Vierge, et qui<br />

est en vente dans notre ville » (2). On dirait qu’il existe une conspiration :<br />

le haut clergé « réclame avec une vive énergie la liberté d ’enseignement,<br />

c’est-à-dire la liberté de tuer l'Université(3) [...]; enfin, dans les<br />

campagnes, d ’autres renards sont chargés de tromper la crédulité des<br />

paysans en inventant des miracles, comme les lettres de Jésus-Christ (4),<br />

les apparitions des anges et de la Vierge. » En vendant au public des<br />

relations d’une prétendue apparition, des portraits de la Vierge, « ne<br />

commet-on pas une escroquerie, et MM. les procureurs du roi n 'ont-ils<br />

pas quelque compte à demander de pareils actes (5) ? » — Le chanoine<br />

Bouvier de Grenoble répond aussitôt pour défendre l’honneur du clergé<br />

(doc. 152 bis) : il invite le rédacteur du Censeur à venir interroger luimême<br />

les deux enfants, rappelle que le clergé s’abstient de faire de la<br />

propagande et observe que l’évêque, pas plus que le procureur du roi,<br />

n’a le pouvoir d’imposer silence aux témoins. Mais le journal lyonnais ne<br />

daigne pas insérer cette réponse. *1<br />

(*) Hohenlohe (et non Hohenlhoe) : famille de la noblesse allemande. Mgr Villecourt<br />

fait allusion au prince Alexander von H., 1794-1849. Les miracles attribués à sa ferveur<br />

avaient fait grand bmit vers 1820-21. En 1844, il fut ordonné évêque titulaire de Sardique.<br />

(1) Apparition miraculeuse de la Ste Vierge à de jeunes bergers. La Guillotière, impr.<br />

J.-M. Bajat, in-24. PBN Lk7. Cet opuscule est une réédition du doc.68.<br />

(2) En envoyant au Garde des Sceaux un exemplaire d ’une lithographie du « prétendu<br />

miracle de l’apparition de la Vierge à deux bergers du Département de l'Isère, en sept.<br />

1846 », le Préfet de police signale qu’elle se vend à Lyon chez les marchands d'estampes<br />

ou de livres de piété et qu’on vient d ’en faire un tirage de dix mille exemplaires.<br />

(Doc. 168 : lettre du 12 mai.)<br />

(3) Voir p. 26, note 4.<br />

(4) Sur la légende des lettres tombées du ciel ou lettres de Jésus-Christ, voir LSDA I,<br />

p. 375-392.<br />

(5) Doc. 151. L’article, daté du 1" mai, parut dans le Censeur du 2 mai. BEZ, p. 194-<br />

201, le reproduit, avec quelques inexactitudes mineures.<br />

44


Mai 1847<br />

Les jours suivants, il est question de la Salette dans la presse<br />

grenobloise : le 4 mai, le Courrier de l'Isère (monarchiste) reproduit la<br />

lettre Depéry aux journaux (6) et le surlendemain le Patriote des Alpes<br />

(républicain) se félicite de ce que l’évêque de Gap ait renoncé à propager<br />

d’« alarmantes et mensongères paroles justiciables de la cour d ’assises »<br />

(doc. 153).<br />

Le 14 mai, le Censeur annonce (doc. 158) que, d’après les journaux<br />

de Lille, la police a saisi le 7 du même mois une estampe représentant<br />

l’apparition (7). Quatre jours plus tard, le Patriote des Alpes, après avoir<br />

reproduit un entrefilet paru dans l’Echo du Nord (doc. 154 bis) se plaint<br />

qu’à Grenoble « on colporte impunément dans les rues les mêmes écrits »<br />

et que « les charlatans se mettent à porter à domicile de l'eau de la<br />

fontaine de Salette [sic], à laquelle, sur de pieux certificats, sont attribuées<br />

toutes sortes de miraculeuses qualités » (doc. 164).<br />

Entre temps, le chanoine Bouvier a envoyé à d’autres journaux sa<br />

réponse au Censeur. La Gazette de Lyon (légitimiste) la publie dans son<br />

numéro du 16 mai, le Courrier de l ’Isère dans celui du 20 (doc. 165) et<br />

l’Univers dans celui du 22.<br />

POURSUITES judiciaires (8). Déjà en février le Siècle, le journal le<br />

plus lu en France, avait présenté la Salette comme un facteur de<br />

perturbation sociale, empêchant les transactions et ajoutant « aux inquiétudes<br />

suscitées déjà sur plusieurs points par la cherté des subsistances »<br />

(doc. 74). Voici que les journaux attirent de nouveau sur l’apparition<br />

l’attention du public et des pouvoirs. Or c’est l’époque où la disette qui<br />

sévit depuis l’hiver atteint son paroxisme (9). En divers points du territoire 6789*<br />

(6) Doc. 139, dans le Courrier, p. 3bc (d’après le texte publié dans l’A m i de la<br />

religion).<br />

(7) Gazette de Flandres et d'Artois, (légitimiste), 9 mai 1847, p.lbc (doc. 154) : « le<br />

procès démontrera [...] que cette publication est une spéculation particulière non approuvée<br />

par l’autorité ecclésiastique. Cette autorité ne pouvait pas l’interdire, car, apparemment,<br />

les journaux qui déclamaient et injuriaient si fort, ne réclament point en faveur du clergé<br />

le rétablissement de la censure ? » (Article daté du 8 mai.) — L ’Echo du N ord (anticlérical),<br />

9 mai 1847, p. 2 (doc. 154 bis) : la police a opéré la saisie de « deux opuscules que le<br />

parti-prêtre, s’il n ’avait été aveuglé par son orgueil, n’aurait sans doute jamais édités,<br />

tellement, dans ces quelques pages, l’absurde le dispute au ridicule. » — Egalement<br />

doc. 155.<br />

(8) Imprimeurs, libraires, éditeurs, colporteurs poursuivis : voir Bibl. C.-25, 30-32.<br />

Dossiers aux Archives nationales : série BB18 (Ministère de la justice, correspondance générale<br />

de la division criminelle) 1452 (3821) ; série BB21 (grâces accordées) 502B, 503A et B,<br />

504A (réduction de peines, septembre 1847-janvier 1848). Nous avons assigné un numéro<br />

d’ordre aux documents qui possèdent quelque lien avec le cadre local de l’apparition : par<br />

exemple à la lettre du parquet d ’Angers (doc. 161), qui est à l’origine d ’une intervention<br />

du Ministre des cultes auprès de l’évêque de Grenoble.<br />

(9) Le 10 mai 1847, l’épouse du maire d ’Aspres-les-Corps, commune des Hautes-<br />

Alpes limitrophe de Corps, écrit à son oncle et à sa tante, qui habitent Lyon : « nos<br />

habitants font pitié à voir ils manquent presque tous de pain et pommes de terre ils<br />

parcourent chaque jour nos prés pour choisir les chardons, boindre, dents de lyon [sic],<br />

marsalon [?] et autres herbes pour en faire leur soupe qui plus souvent est mangée sans<br />

heure seulement avec un peu de lait voilà tout. Nous sommes assaillis dans nos maisons, il<br />

semble que le château doit tout avoir et chaque jour il nous faut distribuer argent, beure<br />

pain truffes à plus de 10, 15 et 20 mendiants » (doc. 155 bis).<br />

45


A gauche : Image éditée par Houzelot<br />

L ’artiste s'est inspiré de l'image de Notre-<br />

Dame de Bon Espoir (cf. p. 19 et 21).<br />

A droite : Illustration de l'im prim é Alcan<br />

Cette image figure dans une édition de la relation<br />

attribuée à cinq ecclésiastiques (cf. LSDA<br />

I, p. 221), imprimée à Paris par Félix Alcan.<br />

Saisi par la police le 21 avril 1847, l'imprimé<br />

valut à Alcan une condamnation pour délit de<br />

presse (cf. Bibl. C-30).<br />

(Service photographique des Archives Nationales)


Mai 1847<br />

des troubles éclatent au cours du printemps et les autorités responsables<br />

de l’ordre interviennent avec rigueur et vigueur (10). En ce qui concerne<br />

la Salette, il ne vient à l’idée de personne de fermer les accès du<br />

pèlerinage, comme on le fera onze ans plus tard à Lourdes. En ce<br />

printemps, la neige reste encore le plus efficace des gendarmes. Au<br />

demeurant, il n’y a en ce coin perdu qu’est le canton de Corps ni<br />

procureur du roi, ni commissaire de police. Le parquet n’a de représentants<br />

que dans les villes et c’est dans des villes comme Amiens, Angers, Caen<br />

et Paris qu’il engage des poursuites contre divers imprimeurs, libraires ou<br />

colporteurs. Pour donner à l’action un fondement juridique, on reproche<br />

aux accusés d’avoir omis les formalités prévues par la loi pour la<br />

publication des imprimés — tout en reconnaissant, quand on écrit au<br />

ministère à Paris, que ce n’est là qu’un prétexte (11).<br />

REPRISE des pèlerinages. L’hiver avait été long et rigoureux. « Nous<br />

avons eu de trois à quatre pieds de neige jusqu’à la fin de mars », peuton<br />

lire dans les Cahiers Perrin, rédigés par l’abbé Jacques-Michel d’après<br />

les souvenirs de son frère, le curé de la Salette. L’abbé continue : « malgré<br />

cette abondance qui encombrait tous les chemins, malgré un froid<br />

constamment intense, nous avons vu, dans chaque mois de cet hiver, des<br />

pèlerins intrépides lutter contre ces obstacles avec une énergie qu’on<br />

pourrait appeler surhumaine, et parvenir au Mont Sous-les-Baisses, terme<br />

de leurs vœux ardens. — Aussitôt que la fonte des neiges eut rendu les<br />

chemins un peu moins difficiles, nous avons vu les pèlerins gravir en<br />

grand nombre la montagne privilégiée. Nous y sommes allés nous-mêmes,<br />

le 15 avril, accompagnés d’un pieux condisciple, appartenant à la<br />

Congrégation des Oblats de Marie et nous avons eu des fatigues terribles<br />

à soutenir. La fontaine merveilleuse était encore couverte de dix pieds de<br />

neige. On n’arrivait à son eau bienfaisante qu’au moyen d’un tunnel,<br />

pratiqué à dessein (12). Mais la source virginale fut bientôt déblayée par *1<br />

(10) C’est ainsi que, du 11 au 13 mai, Lille est le théâtre d ’émeutes, au cours<br />

desquelles on pille plusieurs boulangeries. Sur la disette et les troubles, voir LSDA I,<br />

p. 8-9.<br />

(11) Ainsi le procureur général auprès de la cour royale d’Angers reconnaît l’entière<br />

bonne foi de deux imprimeurs qu’il a fait condamner à payer des amendes : pour les<br />

imprimés de faible volume, l’administration s’abstient en effet d'exiger la stricte application<br />

de la législation sur le dépôt légal. Le véritable motif des interventions du parquet a été le<br />

contenu des récits. Le procureur suggère aux autorités supérieures de remettre les peines,<br />

mais en tenant compte, toutefois, de l’attitude politique de» condamnés. Si la veuve<br />

Pignet-Chateau mérite compassion en raison de sa situation matérielle, elle a le tort d ’être<br />

trop dévouée au parti légitimiste. « Ses opinions politiques, je dois le dire, sont, au dernier<br />

point, hostiles au gouvernement ». La remise de peine ne devrait donc pas être totale<br />

comme pour Cosnier et Lachèze, qui, eux, « ont donné de nombreux et sérieux gages de<br />

leur attachement au gouvernement et aux idées d ’ordre » (lettres du procureur au Garde<br />

des Sceaux, 2 et 21 août 1847, PAN BB21 502B, dossiers 3022 et 3075).<br />

(12) « La source de l’apparition flue avec abondance ; on y descend par un escalier de<br />

7 à 8 marches, taillées dans la neige, sous une voûte en forme de grotte, qui n ’est autre<br />

chose que de la neige à moitié glacée, durcie par le froid. Les abords sont encore encombrés<br />

de neige à 2 kilo"” de distance ; ce qui rend l’accès de ces lieux encore bien difficile ;<br />

chaque pèlerin se fait à lui-même son chemin, par une pente de 0,30e à 0,35e au mètre »<br />

(doc. 146).<br />

47


Doc. 148<br />

<strong>Documents</strong><br />

les pèlerins qui se présentaient en nombre tous les jours. — Les visiteurs<br />

ont afflué chaque jour du mois de mai ; les tempêtes, la neige, les<br />

brouillards, quoique très fréquens, ne ralentissaient point leur pieuse<br />

ardeur » (13).<br />

Mgr Césaire Mathieu, archevêque de Besançon, prescrit dans son<br />

diocèse des processions extraordinaires pour le mois de mai. A l’évêque<br />

de Grenoble il écrira plus tard qu’il a agi sous l’influence de la Salette<br />

(doc. 462).<br />

* 148. RELATION MAURY (ou Mory)<br />

Composée début mai en français, décrivant à la fois l’apparition et ses suites,<br />

cette relation nous est connue uniquement à travers la brochure allemande de<br />

Hecht, dont elle constitue la principale source (cf. Hecht, p. vi-vii et 50-51).<br />

L'enquête. Mr Maury (ou Mory), de Metz, vint à Corps vers le 20 mars,<br />

après s’être muni à Lyon d’une recommandation pour l’abbé Mélin. Il interrogea<br />

les enfants sept heures durant, — les deux enfants, précise Hecht, mais ce détail<br />

est sans doute erroné, puisque au moment de son passage à Corps, Maximin<br />

avait la petite vérole. Le 23 mars il monta aux lieux de l’apparition. Selon Mgr<br />

de Bruillard, il repartit « entièrement convaincu » (doc. 128).<br />

Le récit de l'apparition. Il devait ressembler à celui de Dausse : c’est du<br />

moins la conclusion à laquelle nous sommes arrivé, en supprimant du récit qu’on<br />

lit dans H e c h t, p. 17-28, les éléments communs avec diverses autres relations<br />

répandues au printemps de 1847, puis en comparant le résidu avec le récit de<br />

Dausse (doc. 121, plus spécialement les v. 2-35).<br />

Ci-dessous nous reproduisons l’un des deux passages où Hecht cite Maury<br />

explicitement (p. 50-51), en accompagnant le texte allemand d’une rétroversion<br />

en français. L’autre passage (p. 43) concerne la conversion de la région de Corps.<br />

« Den 23. Màrz 1847, so schreibt<br />

er, war der Ort der Erscheinung (ein<br />

Alpengebirg) und die ganze Umgebung<br />

mit Schnee bedeckt. Bei der<br />

Quelle selbst lag derselbe acht bis<br />

neun Fuss hoch, und um zu derselben<br />

zu gelangen, hatte man durch die<br />

Schneemasse einen zwôlf Fuss langen<br />

unterirdischen Gang gegraben ; auch<br />

der Hügel, wo die allerseligste Jungfrau<br />

erschien, war durchgehends mit<br />

3 Fuss hohem Schnee be-[p. 51]deckt.<br />

Auf der Hôhe desselben, wo di Gros-<br />

« Le 23 mars 1847, écrit-il, le lieu<br />

de l’apparition (une montagne des<br />

Alpes) et tous les alentours étaient<br />

recouverts de neige. Auprès de la<br />

source même, il y en avait huit à<br />

neuf pieds et pour atteindre celle-ci,<br />

on avait creusé sous la neige un tunnel<br />

de douze pieds ; la côte où la sainte<br />

Vierge apparut, était elle aussi entièrement<br />

recouverte de trois pieds de<br />

neige. Au sommet de la côte, où la<br />

générosité des fidèles promet l’érec-<br />

(13) PERRIN, n° 648. — Sur les pèlerinages de mai, voir p. 65, note, 74 et le doc. 399.<br />

48


14 mai 1847 Doc. 159<br />

smut der Glaübigen eine Kapelle<br />

aufzurichten verspricht, ist ein grosser<br />

astloser Baum aufgepflanzt, auf desscn<br />

Hôhe sich ein kleines Kruziflx<br />

befindet. Ungefàhr zwei Drittheii in<br />

der Hôhe ist eine eiserne Stange<br />

angebracht, woran eine eiserne<br />

Lateme hângt. Unter diesem Baume<br />

sind zwei hôlzerne Kreuze aufgerichtet,<br />

wovon das kleinere von Maximin<br />

Giteau aufgerichtet worden. Auch<br />

Melania Mat/hieu hat ein Kreuz aufgepflanzt,<br />

aber auf der rechten Seite<br />

der fliessenden Quelle ».<br />

tion d’une chapelle, on a dressé un<br />

grand arbre sans branches, avec un<br />

petit crucifix au sommet. Aux deux<br />

tiers environ de sa hauteur, a été fixée<br />

une barre de fer, de laquelle pend<br />

une lanterne de fer. Sous cet arbre<br />

ont été dressées deux croix en bois,<br />

dont la plus petite par Maximin<br />

Gireau. Mélanie Matthieu a elle aussi<br />

planté une croix, mais à droite de la<br />

source, qui donne de l’eau. »<br />

Vendredi 14 mai 1847<br />

ÉVÉNEMENT. Guérison de Sœur Saint-Antoine Granet, religieuse du Saint-<br />

Sacrement, à Bédarrides, diocèse d’Avignon. — Dossier dans Vérité, p. 118-122,<br />

226-228 ; GlRAY II, p. 81-89 ; cf. aussi doc. 222 et 240. Les papiers Dausse<br />

contiennent des copies de quatre pièces de 1847 (BMGD 11-14).<br />

La sœur souffrait d’une hypertrophie du cœur, doublée d’une autre maladie :<br />

« adhérence chronique des deux feuillets de la plèvre », selon le Dr J. Casimir,<br />

qui avait soigné la sœur en octobre-novembre 1846 ; tumeur au sein, selon le Dr<br />

G. Michel, qui suivait la sœur depuis 1831 (GlRAY II, p. 82, 85). La guérison<br />

eut lieu à la fin d’une neuvaine, au cours de laquelle la sœur fit usage de l’eau<br />

de la Salette. Le chanoine Rousselot mentionnera cette guérison dans son Rapport<br />

à l’évêque de Grenoble (doc. 310). Elle ne bénéficia toutefois pas d’une enquête<br />

canonique proprement dite.<br />

159- RELATION GUEYDAN-PRUDHOMME : Hommage à<br />

Notre-Dame de la Salette, suivi de la relation très-circonstanciée<br />

de l ’apparition de la très-sainte Vierge à deux bergers sur la<br />

montagne de la Salette, près Corps, Isère, le 19 septembre 1846,<br />

et des faits extraordinaires qui ont suivi cet événement miraculeux<br />

Grenoble, impr. Prudhomme, 1847. 20 p. 22 cm. BMG U.6693. La 4' page<br />

de la couverture est illustrée.<br />

Contenu. Lettre à « Monsieur G... » (p. 3). — Un poème de 32 strophes,<br />

intitulé « Hommage à Notre-Dame de la Salette » (p. 5-10). — « Relation de<br />

l’apparition de la très-sainte Vierge » (p. 11-16). — « Faits remarquables qui ont<br />

suivi l’apparition » : face du Sauveur trouvée dans une pierre, guérisons de Marie<br />

Laurent, des Sœurs Prouvèze et Saint-Charles, de l’hydropique du Dévoluy et<br />

d’un enfant d’Ambel (p. 17-20).<br />

Date. La déclaration au dépôt légal est du 14 mai 1847.<br />

Diffusion. La relation de l’apparition contenue dans l’opuscule fut rééditée<br />

sous divers titres (cf. Bibl. C. 26-29). Il s’en serait vendu trois cent mille<br />

exemplaires (Apparition, n. 13).<br />

49


Doc. 159<br />

<strong>Documents</strong><br />

Les auteurs et leurs sources. L’auteur de la lettre placée en tête de l’opuscule<br />

attribue la paternité du récit de l’apparition à « Monsieur G... », sans doute Mr<br />

Gueydan, de Corps, et revendique celle du poème. Gueydan lui-même tient la<br />

position exactement inverse : le poème est de lui, tandis que la rédaction du<br />

récit appartient à l’imprimeur grenoblois Pmdhomme, venu à Corps au printemps<br />

de 1847 pour prendre des informations (1). Ces réclamations en paternité au<br />

sujet du poème illustrent un trait de la mentalité populaire : on tient à être<br />

l’auteur d’une œuvre d’art, non celui d’un récit relatant des événements, fussentils<br />

surnaturels. — En fait, la relation Gueydan-Prudhomme est, comme la relation<br />

Auvergne (doc. 125), une réédition retouchée de la relation composée par l’avocat<br />

Dumanoir, dont elle omet le conseil de ne pas semer, ainsi que le reproche au<br />

sujet des pierres jetées aux filles (2).<br />

Lundi 17 mai 1847<br />

163. RELATION BEZ : récits de Maximin et de Mélanie<br />

Dans Bez (édition de 214 pages), p. 32-47.<br />

Nicolas Bez, né le 1er mars 1796 à Lyon, prêtre en 1820, fut curé d’Oullins,<br />

Rhône, de 1831 à 1838. A l’époque de l’apparition, il résidait à Lyon. Rousselot<br />

le présente comme un « prédicateur connu » (Vérité, p. 30). Il était chanoine<br />

honoraire de Saint-Diez et d’Evreux. Bez mourut le 2 septembre 1857 (*).<br />

Son enquête. Bez s’est mis en route pour Corps à la mi-mai, donc à une<br />

époque où, depuis plusieurs semaines, l’apparition fait l’objet d’attaques dans la<br />

presse. Il interroge les enfants le 17, d’abord Mélanie (**), puis Maximin (BEZ,<br />

p. 41). Le lendemain, il visite les lieux de l’apparition. D ’après l’Avertissement<br />

qu’il a mis au début de son opuscule sur la Salette, l’enquête a eu pour but de<br />

réunir une documentation puisée aux sources, tandis que les journaux ont trop<br />

souvent présenté les faits selon leurs préjugés et passions et que, pour satisfaire la<br />

curiosité du public, « on a'répandu partout et des récits plus ou moins mal faits,<br />

plus ou moins véridiques, et des gravures plus ou moins ridicules ». Bez ne<br />

prétend « aucunement préjuger le sentiment de l’autorité épiscopale, à qui seule<br />

appartient de déclarer si le fait dont il est question, est un miracle ou ne l’est<br />

pas » (B e z , p. vi, vii).<br />

Note critique. Dans l’édition imprimée de son Rapport à l’évêque, Rousselot<br />

écrit que « l’abbé Bez est le premier qui ait publié à peu près le texte même de<br />

l’entretien de la Reine du ciel avec les deux enfants » (Vérité, p. 30). Bez a, en<br />

effet, le souci du témoignage authentique. Son livre est le premier à reproduire<br />

les récits de Mélanie et de Maximin l’un à la suite de l’autre, sans les amalgamer.<br />

Rousselot, dans son Rapport manuscrit d’octobre 1847 (doc. 310), et aussi d’autres<br />

enquêteurs (Marie Des Brûlais, Arbaud), reproduisent ces deux récits presque<br />

textuellement d’après Bez (***). Cependant, comme on vient de le voir, Rousselot<br />

(1) Lettre de Gueydan au Père Bossan, 10 mars 1863, MSG. Texte dans A pT II,<br />

p. 164, à corriger d ’après Bibl. C-2.<br />

(2) Relation Dumanoir (doc. 124), v. 29 et 34. Rappelons que le conseil de ne pas<br />

semer avait été compris littéralement par le journal parisien Le Siècle et présenté par lui<br />

comme un facteur de perturbation sociale (cf. LSDA I, p. 243).<br />

(*) Renseignements communiqués par Mr le chanoine Jomand, archiviste de l’archidiocèse<br />

de Lyon. — Sur Bez, voir aussi infra, p. 148, avec la note 4.<br />

(**) Sur les circonstances de l’interrogatoire, voir infra, p. 84.<br />

(***) Doc. 256 bis, 264 bis, 310, 401.<br />

50


17 mai 1847 Doc. 163<br />

laisse entendre que le texte de Bez n’est exact qu’« à peu près ». Bez protesta<br />

après la parution du livre de Rousselot : « Je ne crois pas l'avoir p u b lié à peu<br />

près, mais très exactement, non pas par souvenir, mais sur [?] la dictée, phrase<br />

par phrase, des deux enfants. J ’avais un secrétaire qui écrivait et je collationnais<br />

encore après avoir lu aux enfants ce que le secrétaire venait d'écrire. Je n ’ai pas<br />

ajouté une syllabe, comme je n ’ai rien retranché » (doc. 458 : lettre du 27 ou<br />

29 août 1848). — Nous avons opéré quelques sondages parmi les reproductions<br />

de textes contenues dans Bez et noté de légères inexactitudes par rapport aux<br />

originaux : ainsi « l’exemple pouvait devenir contagieux » (doc. 74 : Le Siècle du<br />

16 février 1847) devient dans l’opuscule « l’exemple menaçait de devenir<br />

contagieux » (Bez, p. 175 ; les italiques sont de nous).<br />

Autres renseignements sur Bez et son enquête : voir le doc. 184.<br />

Bez e t le Rapport Rousselot. Dans son Rapport manuscrit d’octobre 1847 à<br />

l’évêque de Grenoble (doc. 310), le chanoine Rousselot reproduit la relation Bez<br />

presque intégralement (Mélanie : v. 3-42, 45, 47-49 ; Maximin, v. 1-33) et telle<br />

quelle, à quelques exceptions près, que nous signalerons en note. Il s’agit en<br />

général d’additions ou de corrections introduites par après, au cours d’une révision<br />

du Rapport.<br />

INTERROGATOIRE DE MÉLANIE<br />

[p.32]‘D. Comment t ’appelles-tu, mon enfant ? — R. Mélanie<br />

Mathieu. — D. Quel âge as-tu ? — R. Environ quinze ans.<br />

— D. Qu’as-tu vu à la Salette le 19 septembre ? 12— R. J ’ai été<br />

endormie.... Nous avons été voir nos vaches, et quand nous<br />

sommes revenus pour passer le ruisseau, j’ai vu une clarté ; puis<br />

j’ai vu une dame dans une clarté.<br />

[p. 33] D. Et qui t’a fait apprendre cette leçon par cœur ?<br />

3R. « Personne, Monsieur.... La dame s’est levée droite, elle a<br />

croisé les bras... 4Avancez, mes enfants, a-t-elle dit ; n ’ayez pas<br />

peur.... 5Je suis ici pour vous annoncer une grande nouvelle....<br />

^Elle s’est avancée dans l’endroit où nous étions... nous nous<br />

sommes avancés aussi... elle était devant nous (1)... 7elle a dit : Si<br />

mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller<br />

la main de mon fils. 8Elle est si forte, si pesante, que je ne peux<br />

plus la soutenir (2).<br />

9Depuis le temps que je souffre pour vous autres, 10si je veux<br />

que mon fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier<br />

sans cesse. “Pour vous autres, vous n ’en faites pas cas. 12Vous<br />

aurez beau faire, jamais vous ne pourrez récompenser la peine que<br />

j’ai prise pour vous autres.<br />

(1) ROUSSELOT devant nous] entre nous deux<br />

(2) ROUSSELOT soutenir] Add. (la m aintenir.)<br />

51


M élanie et Maximin, par Jules Gue'dy (doc. 172)<br />

(Bibliothèque municipale de Grenoble)<br />

Illustration de la brochure imprimée par Prudhomme (doc. 159)<br />

52


17 mai 1847 Doc. 163<br />

13Je vous ai donné six jours pour travailler, [p. 34] je me suis<br />

réservé le septième ; on ne veut pas me l’accorder (3). 14Ceux qui<br />

conduisent les charrettes ne savent pas jurer sans y mettre le nom<br />

de mon fils au milieu. 15Ce sont les deux choses qui appesantissent<br />

tant le bras de mon fils.<br />

16Si la récolte se gâte, ce n ’est rien qu’à cause de vous autres.<br />

17Je vous l’ai fait voir l’année passée pour les pommes de terre (4) ;<br />

vous n ’en avez pas fait cas.<br />

18Mélanie ajoute en baissant la voix : J ’ai compris ce qu’elle<br />

voulait dire (5). Quand elle a parlé de pommes de terre, je ne<br />

comprenais pas ; je n ’avais jamais entendu parler de pommes de<br />

terre. — D. 19Comment les appelle-t-on dans ton pays ? — R. On<br />

les appelle des truffes (6). La dame (7), s’étant aperçue que je ne<br />

comprenais pas bien : Ah ! mes enfants, reprend la dame, vous<br />

[p. 35] ne comprenez pas le français, je vais vous parler en patois.<br />

20Puis elle a continué : Au contraire, quand vous trouviez des<br />

pommes de terre gâtées, vous juriez en y mettant le nom de mon<br />

fils au milieu. 21Cela va continuer cette année ; pour la Noël il<br />

n ’y en aura plus.<br />

22D. Il y en a eu cependant ? — R. Pourquoi qu’elle m’a dit<br />

comme ça (8) ? 23Si le blé se gâte, a continué la dame, ce n’est<br />

rien qu’à cause de vous. 24Si vous avez du blé, il ne faut pas le<br />

semer, parce que les bêtes le mangeront ; ce qui viendra tombera<br />

tout en poussière.<br />

25I1 viendra une grande famine. 26Avant que la famine vienne,<br />

les enfants au-dessous de sept ans prendront un tremblement et<br />

mourront entre les mains des personnes qui les tiendront. 27Les<br />

autres feront pénitence par la famine. “Les noix deviendront<br />

mauvaises, les raisins pourriront.<br />

[p. 36]29S’ils se convertissent, les pierres et les rochers se<br />

changeront en montagnes de blé.<br />

30Faites-vous bien vos prières, nous a dit la dame ? — Maximin<br />

a répondu : Pas bien, Madame.<br />

(3) Dans BEZ, édition de 150 pages, le v. 13 est à la troisième personne : « Mon fils<br />

vous a donné six jours pour travailler, il s’est réservé le septième ; on ne veut pas le lui<br />

accorder. »<br />

(4) ROUSSELOT, Note marginale : A Corps et dans beaucoup de parties du Dauphiné,<br />

les pommes de terre s’appellent truffes.<br />

(5) ROUSELOT Mélanie ajoute... voulait dirt]omis<br />

(6) ROUSSELOT Com ment... truffesjoræir<br />

(7) ROUSSELOT Addition marginale remplaçant « La dame » (mots non biffés par<br />

oubli) : J ’allois dire à Maximin, ce que ça vouloit dire : les pommes de terre, lorsque la<br />

dame<br />

(8) ROUSSELOT omet le v. 22.<br />

53


Doc. 163<br />

<strong>Documents</strong><br />

31I1 faut bien la (9) faire, a-t-elle repris, quand vous ne diriez<br />

qu’un Pater et un Ave Maria. Quand vous pourrez mieux faire, il<br />

faut en dire davantage.<br />

32I1 ne va que quelques femmes âgées à la messe ; les autres<br />

n ’y vont (10) que pour se moquer de la religion. 33Le carême, on<br />

va à la boucherie comme des chiens.<br />

34N ’avez-vous pas vu du blé gâté, mes enfants ? — Tous les<br />

deux nous avons répondu : Non, Madame.<br />

Vous devez bien en avoir vu, vous, à la terre du Coin, avec<br />

votre père (11). 35Le maître de la pièce dit à ton père d ’aller voir<br />

son blé gâté, vous y êtes allés tous les deux ; letpère a pris des<br />

épis, il les a frottés (12) dans sa main, ils tombaient tout en<br />

poussière ; [p. 37] puis ils s’en sont retournés. 36Quand vous étiez<br />

encore à demi-heure loin (13) de Corps, votre père vous a donné<br />

une pièce de pain, vous disant : Tiens, mon enfant, mange encore<br />

du pain cette année ; je ne sais pas si nous en mangerons<br />

encore (14) l’année prochaine, si ça continue encore comme ça.<br />

37Maximin a répondu : Je m ’en souviens à présent ; tout-àl’heure<br />

je ne m’en souvenais pas.<br />

38Eh bien, mes enfants, vous le ferez passer à tout mon<br />

peuple (15).<br />

î9Elle a passé le ruisseau et nous a retourné dire : Eh bien,<br />

mes enfants, vous le ferez passer à tout mon peuple.<br />

40Elle ne touchait pas l’herbe ; elle marchait à la cime de<br />

l’herbe. 41Je ne savais pas ce que c’était ; nous pensions que c’était<br />

ue sainte.<br />

2D. Ne t’a-t-elle pas dit autre chose ? — R. Non, Monsieur.<br />

— D. Ne t’a-t-elle pas dit un secret ? [p. 38] — R. Oui, Monsieur,<br />

mais elle nous a défendu de le dire. — D. Sur quoi t’a-t-elle<br />

parlé ? — R. Si je vous dis sur quoi, vous comprendrez bientôt ce<br />

que c’est. — D. 43Ce qu’elle t ’a dit, cela regarde-t-il toi ou un<br />

autre ? — R. Qui que ce soit que cela regarde, elle nous a défendu<br />

de le dire. — D. Feras-tu ce qu’elle t’a dit ? — R. Ça ne regarde<br />

personne, que je le fasse ou non ; elle nous a défendu de le dire. 91012131415<br />

(9) BEZ, édition de 150 pages, corrige « la » en « les », harmonisant ainsi la phrase<br />

avec la question qui précède.<br />

(10) ROUSSELOT n ’y vont] biffé, remplacé par l'add. marginale travaillent le dimanche<br />

tout l’été, et l’hiver quand ils ne savent que faire, les garçons ne vont à la messe<br />

(11) ROUSSELOT, après avoir copié cette phrase telle quelle, la corrige pour la mettre<br />

au singulier : « Tu dois bien en avoir vu, toi \\ en s’adressant à Maximin //, à la terre du<br />

Coin, avec ton père. »<br />

(12) ROUSSELOT frottésjfroissés<br />

(13) ROUSSELOT loin]o»»M<br />

(14) ROUSSELOT après avoir écrit « si nous en mangerons encore » (ou « si vous en<br />

mangerez encore ») a corrigé : « qui en mangera ». — D ’autre part, là où dans ce paragraphe<br />

BEZ a mis « le père », * votre père », il a mis « ton père ».<br />

(15) ROUSSELOT peuple]


17 mai 1847 Doc. 163<br />

— D. Elle ne t’a donc pas recommandé de faire quelque chose ?<br />

— R. Que je le fasse ou non, cela ne regarde personne.<br />

44D. Le brigadier de la gendarmerie a conduit cette dame à<br />

Grenoble ? - 45R. Il était bien fin pour la conduire.<br />

D. Comment cette dame a-t-elle disparu ? — R. Elle s’est<br />

enlevée un peu haut (Mélanie fait ici un geste, en élevant la main<br />

d ’un mètre à peu près au-dessus de terre), puis nous [p. 39]<br />

n ’avons plus vu la tête, plus vu les bras, plus vu les pieds ; on n ’a<br />

plus vu qu’une clarté en l’air, après la clarté a disparu. Nous<br />

avons pensé que c’était une sainte : 46 et puis après, si c’était une<br />

sainte, elle n’aurait pas parlé de son fils.<br />

47D. Comment était-elle vêtue ? — R. Elle avait des souliers<br />

blancs avec des roses autour de ses souliers ; il y en avait de toutes<br />

les couleurs, des bas jaunes, un tablier jaune, une robe blanche<br />

avec des perles partout, un fichu blanc, des roses autour, un<br />

bonnet bien haut, une couronne autour de son bonnet avec des<br />

roses ; 48elle avait une chaîne très petite qui tenait une croix avec<br />

son christ ; à droite étaient des tenailles, à gauche un marteau,<br />

aux extrémités de la croix. Une grande chaîne tombait comme les<br />

roses d’autour de son fichu ; 49elle avait la figure blanche, allongée ;<br />

je ne pouvais pas la voir bien longtemps pourquoi qu’elle nous<br />

éblouissait (16).<br />

50D. Qui t ’a porté à dire toute cette histoire, mon enfant ?<br />

[p. 40] — R. C’est cette dame.<br />

D. Si tu ne veux pas me dire ton secret, que faudra-t-il que<br />

je réponde à un grand personnage qui m ’a envoyé pour le savoir ?<br />

— R. Vous lui direz ce que vous voudrez, qu’est-ce que cela me<br />

fait ? Je ne veux pas le dire. — 51D. Quand diras-tu ce que cette<br />

dame t ’a confié ? — R. Quand je serai après le dire. — 5*D. Y a-<br />

t-il un moment où tu le diras ? — R. Il y en a un ou il n’y en a<br />

point.<br />

INTERROGATOIRE DE MAXIMIN<br />

[p. 41]'Nous avons été conduire nos vaches au pâturage ; nous<br />

nous sommes endormis, puis nous nous sommes réveillés après<br />

avoir goûté, [p. 42] 2Puis nous avons été voir nos vaches ; en<br />

revenant nous avons vu une grande lumière près de la fontaine,<br />

nous avons eu un peu peur ; nous avons vu une dame assise<br />

comme çà. La dame assise, les coudes sur ses genoux, la figure<br />

dans ses mains. (L’enfant prend cette attitude.)<br />

3N ’ayez pas peur, a dit la dame ; je suis ici pour vous annoncer<br />

une grande nouvelle (17). 1617<br />

(16) ROUSSELOT termine son « Récit de Mélanie » ici. Rappelons qu’il a copié les v. 3-<br />

42, 45, 47-49.<br />

(17) Maximin, dans ce récit, ne précise pas quand la Dame se lève : avant de prononcer<br />

ces paroles ou après ?<br />

55


Doc. 163<br />

<strong>Documents</strong><br />

4Elle est descendue contre nous, nous sommes allés contre<br />

elle, puis elle nous a dit : 5Si mon peuple ne veut pas se soumettre,<br />

je suis forcée de laisser aller la main de mon fils, car elle est si<br />

forte et si pesante, que je ne peux plus la retenir (18).<br />

6Depuis le temps que je souffre pour vous autres, 7si je veux<br />

que mon fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier<br />

sans cesse. 8Car, pour vous autres, vous n ’en faites pas cas.<br />

9Mon fils vous a donné six jours pour tra-[p. 43]vailler, il s’est<br />

réservé le septième ; on ne veut pas le lui accorder. 10C’est ça qui<br />

appesantit tant le bras de mon fils. “Ceux qui mènent les charrettes<br />

ne savent plus jurer sans y mettre le nom de mon fils. 12Ce sont<br />

les deux choses qui appesantissent tant le bras de mon fils.<br />

13Si la récolte se gâte, ce n’est que pour vous autres. 14Je vous<br />

l’avais fait voir l’année passée pour les pommes de terre, vous<br />

n ’en avez pas fait cas. 15C’est au contraire : quand vous en trouviez<br />

de gâtées, vous juriez et vous y mettiez le nom de mon fils.<br />

16Que celui qui a du grain ne le sème pas, parce que les bêtes<br />

le mangeront. “S’il en vient encore quelques plantes, en les<br />

piquant (19) elles tomberont toutes en poussière.<br />

18I1 viendra une grande famine ; avant que la [p. 44] famine<br />

arrive, les petits enfants au-dessous de sept ans mourront du<br />

tremble. 1819Les autres feront leur pénitence par la faim. 20Les raisins<br />

pourriront, les noix deviendront mauvaises.<br />

21Si on se convertit, le blé viendra sur la pierre et sur les<br />

rochers ; les pommes de terre se trouveront ensemencées à travers<br />

les terres.<br />

22Elle nous a demandé si nous faisions notre prière ; nous lui<br />

avons dit que non, pas guère. — 23Ah ! mon enfant, a-t-elle dit,<br />

il faut bien la faire soir et matin, et quand vous n ’aurez pas le<br />

temps, dites au moins un Pater et un Ave. 24Quand vous aurez le<br />

temps, il faut en dire davantage.<br />

25I1 ne va que quelques femmes un peu âgées à la messe ; les<br />

autres travaillent tout l’été les dimanches. Puis les dimanches (20),<br />

quand ils ne savent que [p. 45] faire, ils vont à la messe pour se<br />

moquer de la religion. 26On va à la boucherie comme des chiens.<br />

27Vous n ’avez point eu de blé de gâté, mes enfants ? — Non,<br />

Madame. — Mon petit, tu dois bien en avoir vu une fois, au<br />

Coin, avec ton père ; l’homme de la pièce dit à ton père : Venez<br />

voir le blé gâté. Ils vont le voir, et ton père en prit deux ou trois<br />

épis dans sa main, les frotta, et tout tomba en poussière ; 28en<br />

revenant tous deux, ton père te donna une pièce de pain en te<br />

(18) ROUSSELOT retenir)add. (le maintenir.)<br />

(19) Piquer, en parlant du blé, « veut dire battre ». (Explication donnée par Maximin<br />

à un missionnaire en septembre 1862 et rapportée par Bossan dans l'Apparition, n. 26.)<br />

(20) ROUSSELOT dimanches interl. (d'une autre main ?) en hiver<br />

56


20 mai 1847 Doc. 166<br />

disant : Tiens, mon petit, mange ce pain, je ne sais pas si tu en<br />

mangeras l’année qui vient. — 29Eh bien oui, Madame ; je ne<br />

m ’en souvenais pas, ai-je dit.<br />

30Eh bien, mes enfants, vous le ferez passer à tout mon<br />

peuple.<br />

“Elle a passé le ruisseau, et elle nous a dit : Eh bien ! mes<br />

enfants, vous le ferez passer à mon peuple.<br />

“ Ensuite elle a monté une quinzaine de pas (21), puis nous<br />

n ’avons plus vu la tête, plus vu les [p. 46] bras, plus vu les pieds ;<br />

la clarté a disparu.<br />

33D. Quand vous a-t-elle confié le secret ? — R. Elle nous a<br />

dit le secret quand elle a parlé de la famine (22). — 34D. Je conçois<br />

que tu ne veuilles pas dire ce secret à tout le monde, mais tu<br />

peux bien le dire à un prêtre qui le gardera comme toi ? — R. Si<br />

je le dis à qui que ce soit, je ne le garderai pas, et je ne peux pas<br />

le dire. — D.Ce secret te regarde-t-il personnellement, ou regardet-il<br />

tout ce que la dame appelle son peuple ? — R. Si je vous dis<br />

qu’il ne regarde que moi, vous en tirerez des conclusions qui<br />

peuvent être fausses ; si je vous dis qu’il regarde le peuple, ce<br />

sera la même chose, et vous pourriez connaître mon secret. — D. Et<br />

quand diras-tu ton secret ? — R. Quand la personne qui me l’a<br />

confié viendra me dire de le révéler. — D. Et si elle ne vient pas,<br />

tu ne le diras donc jamais ? — R. Jamais je ne le dirai... Cependant<br />

au [p. 47] jugement dernier vous le saurez, alors tout sera connu.<br />

— D. Et s’il fallait dire ton secret ou mourir ? — R. (Avec fermeté)<br />

Je mourirai.... je ne le dirai pas.<br />

Là s’est terminé notre entretien ; j’en savais assez, je ne<br />

pouvais rien obtenir de la constance et de la fermeté de cet enfant.<br />

Jeudi 20 mai 1847<br />

166. RAPPORT PRÉPARÉ AU MINISTÈRE DE LA JUSTICE À<br />

L’INTENTION DU GARDE DES SCEAUX HÉBERT<br />

Original (3 p. calligraphiées, non signées) : PAN BB18 1452 (3821). Le même<br />

dossier contient la minute du rapport, approuvée le 19 mai, ainsi que la note<br />

suivante : « Se conformer à la note de M. le G. des Sc. 22 mai » (la signature est<br />

illisible).<br />

Ci-dessous, on a reproduit en italiques les passages calligraphiés en ronde. 212<br />

(21) ROUSSELOT N ote marginale : (en ligne droite, il n ’y a pas davantage ; mais il y<br />

en a bien 25 ou 30 en suivant le sentier parcouru par la Dam e.)<br />

(22) ROUSSELOT termine son « Récit de Maximin » ici.<br />

57


Doc. 166<br />

<strong>Documents</strong><br />

Note pour Monsieur le Garde des Sceaux<br />

Paris, le 20 Mai 1841<br />

M' le Procureur Général d ’Angers (1) signale les dangers de<br />

la publication d ’une gravure représentant l'apparition de la Vierge<br />

à deux Enfans, et d’un texte, imprimé soit à la suite de la gravure,<br />

soit séparément, contenant les détails de cette prétendue apparition,<br />

et la prédiction d’une grande famine. Il annonce que des poursuites<br />

vont être dirigées dans son ressort contre les Éditeurs de la gravure<br />

et du texte imprimé qui n ’auraient pas reçu les autorisations<br />

nécessaires, ou n ’auraient pas accompli les formalités de la<br />

déclaration ou du dépôt.<br />

Quant aux poursuites sur le fond même de l’écrit, le Procureur<br />

Général consulte Monsieur le Garde des Sceaux. Un passage est<br />

surtout signalé, c’est celui qui est relatif à l’annonce d ’une grande<br />

famine et d’une maladie mortelle sur les enfans, et à l’avis donné<br />

aux laboureurs de ne pas semer de blé parce que les insectes le<br />

dévoreront et que les grains qui leur échapperont tomberont en<br />

poussière entre les mains de celui qui froissera l ’épi.<br />

De semblables passages sont de nature à produire et ont déjà<br />

produit en effet de funestes impressions (2) sur des populations<br />

ignorantes ; ils pourraient même dans un tenu de disette compromettre<br />

la tranquillité publique ; mais on ne trouve ni [p. 2] dans<br />

le code pénal, ni dans les lois de la presse, ni dans les lois sur les<br />

céréales aucune qualification pénale qui leur soit applicable. Il n ’y<br />

a là, en effet, ni provocation à la désobéissance aux lois, ni<br />

tentative de trouble à la paix publique en excitant le mépris ou la<br />

haine des citoyens contre une ou plusieurs classes de personnes &a.<br />

Ainsi donc en droit, j’ajouterai en fa it, à raison de la difficulté de<br />

constater les véritables intentions des Éditeurs, la poursuite de<br />

l’écrit me paraît manquer de base certaine.<br />

Une note du Censeur de Lyon (3), reproduite par la Gazette<br />

des Tribunaux, annonce qu’à Lille la police sur Commission<br />

rogatoire du Procureur du Roi de Paris, a opéré le 7 mai la saisie<br />

de l’Estampe dont il s’agit. « Les griefs qui ont motivé cette saisie,<br />

ajoute la note, sont le défaut de déclaration et de dépôt à la<br />

direction de la librairie, l’absence du nom de l’/mprimeur ; enfin 1<br />

(1) Doc 161 : lettre du 15 mai 1847 au Garde des Sceaux, signée « p. le Procureur<br />

Général empêc[hé] le premier avocat général DUBOYS ».<br />

(2) Dans ia lettre citée (doc. 161), on lit : < je ne puis dissimuler que de pareilles<br />

relations sont de nature à faire impression sur la classe religieuse et peu éclairée des<br />

habitants de ce pays, et que si elles échappent à la loi pénale, elles n ’en sont pas moins<br />

dangereuses... » — La présente Note au Garde des Sceaux renchérit : le « de nature à faire<br />

impression » y a été remplacé par « ont déjà produit en effet de funestes impressions ».<br />

(3) Doc. 158 : Censeur du 14 mai 1847, p. 3b.<br />

58


22 mai 1847 Doc. 169<br />

cette publication exciterait dans le peuple des craintes chimériques<br />

de nature à troubler la tranquillité publique. »<br />

Je pense qu’il y a lieu de demander des renseignemens sur<br />

ces poursuites à Mr le Procureur Général de Paris avant de répondre<br />

à celui d’Angers.<br />

Je proposerais en même tenu de saisir de cette affaire, si elle<br />

ne l’est déjà, la Direction des Cultes. La .Brochure imprimée à<br />

Angers (4) se termine par l’avis que les Evêques de Grenoble,<br />

d ’Auch et de Gap (5) se sont saisis de ce prodige et en ont [p. 3]<br />

inform é la cour de Rome, que la publicité s'en accroît, malgré le<br />

soin que l'on prend pour la restreindre.<br />

Il serait très important de demander sur ce fait des explications<br />

aux trois Prélats et de les inviter à désavouer une publication qui<br />

nuit aux véritables intérêts de la religion. Ce serait le moyen le<br />

plus efficace d ’en paralyser les dangereux effets.<br />

Apostille dans la marge de la première page : Le Garde des<br />

Sceaux qui a pris connaissance de cette note, est d’avis de prendre<br />

les informations et de faire les communications [?] qu’elle indique<br />

Samedi 22 mai 1847<br />

169- RELATION LONG : procès-verbal de l’interrogatoire de<br />

Mélanie et de Maximin par le notaire F. Long, juge de paix<br />

suppléant à Corps<br />

Original perdu. Copie (un cahier de 16 pages 21 cm x 13,5 contenant<br />

également le doc. 170) : EG 105. — Rousselot a édité cette relation dans les<br />

Nouveaux documents, p. 57-61, livre publié en 1850. A l’époque (1848) où il<br />

préparait l’impression de son Rapport à l’évêque, il n’avait pu se procurer cette<br />

« pièce importante, déposée au parquet de la Cour d’appel de Grenoble »<br />

{Nouveaux documents, p. 54), pièce dont il connaissait pourtant déjà l’existence.<br />

L’évêché avait eu vent de l’interrogatoire du 22 mai, vers le début de juin au<br />

plus tard (cf. doc. 182 et 193).<br />

Frédéric-Joseph Long, notaire à Corps, maire de 1843 à 1848, puis de 1854<br />

à 1861, interrogea les enfants en qualité de suppléant du juge de paix, en vertu<br />

d’un mandat du parquet de Grenoble, daté du 19 mai.<br />

(4) Apparition de la sainte Vierge à deux enfants, sur une montagne de la Salette...<br />

Angers, Veuve Pignet-Chateau, sans date, 8 p. 13 cm. — Un exemplaire de cet opuscule<br />

se trouve aux Archives nationales dans le même dossier que la présente Note pour le Garde<br />

des Sceaux.<br />

(5) L’archevêque d ’Auch, Mgr N.-A. de La Croix d ’Azolette, 1779-1861, ancien<br />

évêque de Gap (de 1837 à 1840), était un ami personnel de Mgr Depéry. Ils avaient été<br />

ensemble vicaires généraux de Mgr Devie, évêque de Belley. Le chanoine J.-C. Blanchard,<br />

professeur au grand séminaire de Gap, se souviendra plus tard de les avoir rencontrés à<br />

l’évêché de Gap vers le 15 octobre 1846, alors qu’il venait de rentrer d ’un voyage à<br />

Draguignan : « je ne fus pas médiocrement surpris d’entendre ces deux vénérables prélats<br />

me déclarer qu’ils croyaient à la réalité de l’apparition de la s" Vierge sur la montagne de<br />

la Salette comme à un fait incontestable » (lettre du 16 juillet 1857, original : EG 93 ; cf.<br />

GlRAY I, p. 110).<br />

59


Doc. 169<br />

<strong>Documents</strong><br />

L'interrogatoire. Les enfants furent entendus séparément, dans le salon du<br />

notaire Long. Le greffier Giraud, personnage que nous avons déjà rencontré fin<br />

novembre (doc. 35), écrivait au fur et à mesure qu’ils s’exprimaient. Puis<br />

Long réunit les enfants. Arriva alors un certain M. Michoudet, directeur de<br />

l’Enregistrement ; on continua à les interroger en sa présence. Maximin et Mélanie<br />

furent retenus assez longtemps : trois heures d’après un témoignage rapporté par<br />

l’abbé Arbaud, de midi à six heures d’après l’abbé Morel, ce qui paraît vraiment<br />

exagéré (*). On chercha à intimider les enfants par des menaces. — Rappelons<br />

que la présente relation n’a rien de commun avec celle attribuée au notaire de<br />

Corps par Cartellier et Déléon (doc. 14 bis, dans LS DA I, p. 95-96).<br />

Ci-dessous nous donnerons le texte de la copie EG 105. Le<br />

texte imprimé n ’en diffère que par la ponctuation et un mot que<br />

nous signalerons en note.<br />

Du 22 mai 1847.<br />

Le juge de paix de Corps, assisté du greffier, a reçu la déclaration<br />

suivante.<br />

Mélanie Mathieu, âgée de quatorze ans, née à Corps, déclare :<br />

'En mil-huit cent quarante-six, j’étais bergère du sieur Pra,<br />

dit Canon, propriétaire, domicilié aux Ablandins, commune de la<br />

Salette-Fallavaux, un samedi du mois de septembre dernier, je<br />

gardais avec Maximin Giraud, berger de Selme, dudit lieu des<br />

Ablandins, sur la montagne du hameau de Dorsières, appelé<br />

Dessous-les-Baisses. Nous abreuvâmes nos vaches dans un petit<br />

ruisseau, ensuite elles s’écartèrent ; nous goûtâmes auprès du<br />

ruisseau et nous nous endormîmes. 2Je me réveillai la première et<br />

n ’apercevant pas nos vaches couchées, je réveillai mon compagnon,<br />

je me dirigeai la première sur le coteau, Maximin me suivit là<br />

nous aperçûmes nos vaches couchées, nous redescendîmes au lieu<br />

où nous avions goûté, il faisait soleil, j’étais encore la première,<br />

3c’était alors deux ou trois heures après midi, lorsque j’aperçus<br />

moi-même une clarté à deux ou trois pas du lieu où nous avions<br />

dormi ; je dis à Maximin : vois une clarté ; il me demanda où<br />

elle était, je la lui indiquai avec le doigt, et il la vit comme moi,<br />

nous en étions distants de sept à huit pas, en la fixant nous<br />

aperçûmes peu à peu qu’il y avait [p. 2] une dame dans cette<br />

clarté ; assise sur une pierre plate supportée par d ’autres, son corps<br />

était penché en avant, ses coudes reposaient sur ses genoux et sa<br />

tête était appuyée sur ses deux mains, elle était tournée vers nous,<br />

4pendant que nous continuions de la fixer, la dame se leva, fit<br />

quelques pas pour venir à nous et nous dit :<br />

(*) Doc. 400 et 182. Sur cet interrogatoire, cf. également le doc. 170 ; la lettre de<br />

Melin à Rousselot, 12 mars 1850 (EG 93 ; dans les Nouveaux documents, p. 62-64) ; la<br />

lettre de Long à Bossan, 14 mars 1863 (MSG ; dans A p T l, p. 72 [corriger la date indiquée<br />

dans A pT : 1863 et non 1862]).<br />

60


22 mai 1847 Doc. 169<br />

5« Avancez, mes enfants, n 'ayez pas peur, je suis ici pour<br />

vous conter une grande nouvelle, 6nous avançâmes et nous nous<br />

rencontrâmes au lieu où nous avions dormi, et là elle nous dit :<br />

7« Si. mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de<br />

laisser aller la main de mon Fils, 8elle est si forte, si pesante, que<br />

je ne puis plus la maintenir. 9Depuis le temps que je souffre pour<br />

vous autres, 10si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je<br />

suis chargée de le prier sans cesse ; 11que pour vous autres vous en<br />

faites pas cas. I2Vous aurez beau prier, beau faire, que jamais vous<br />

ne pourrez récompenser la peine que j’ai prise pour vous autres.<br />

13Je vous ai donné six jours pour travailler, je me suis réservé le<br />

septième ; on ne veut pas me l’accorder ; c’est ce qui appesantit<br />

tant la main de mon Fils, l4aussi, ceux qui mènent les charrettes<br />

ne savent pas jurer sans y mettre le nom de mon Fils au milieu ;<br />

15c’est les deux choses qui [p. 3] appesantissent tant la main de<br />

mon Fils, 16si la récolte se gâte, ce n’est rien que pour vous autres.<br />

17Je vous l’ai fait voir l’année passée par les pommes de terre, vous<br />

n’en avez pas fait cas ; c’était au contraire quand vous trouviez les<br />

pommes de terre gâtées vous juriez et vous mettiez le nom de<br />

mon Fils au milieu, elles vont continuer cette année et à la Noël<br />

il y en aura plus. » 18Ne comprenant pas ce qu’elle voulait dire<br />

par Pommes de terre j’étais sur le point de le demander à Maximin<br />

quand la dame dit : « Vous ne comprenez pas mes enfants, je vais<br />

vous le dire autrement » et parlant le patois de Corps, elle nous<br />

dit :<br />

19« Si les truffes se gâtent, ce n’est rien que pour vous autres.<br />

Je vous l’ai fait voir l’an passé, vous n ’en avez pas fait cas. 20C’était<br />

au contraire quand vous trouviez des truffes gâtées, vous juriez et<br />

vous y mettiez le nom de mon Fils au milieu ; 21elles vont<br />

continuer ; que cette année, à la Noël, il n ’y en aura plus. 22Si<br />

vous avez du blé il ne faut pas le semer ; tout ce que vous sèmerez,<br />

les bêtes le mangeront, 23ce qui viendra tombera tout en poussière<br />

quand on le battra. — 24Viendra une grande famine, — 25avant<br />

que la famine vienne les enfants au-dessous de sept ans prendront<br />

un tremble et mourront entre les mains des personnes qui les<br />

tiendront, 26les autres feront leur pénitence de famine ; 27les noix<br />

deviendront boffes (vermoulues) et les raisins pourriront, [p. 4]<br />

28S’ils se convertissent les pierres et les rochers seront des monceaux<br />

de bled, les truffes seront ensemencées par les terres.<br />

29« Faites-vous bien votre prière, mes enfants ? — Pas guère,<br />

Madame. — 30Faut bien la faire mes enfants quand vous ne diriez<br />

qu’un pater et un ave Maria soir et matin quand vous ne pourrez<br />

pas mieux faire ; quand vous pourrez mieux faire il faut en dire<br />

davantage. — 31I1 ne va que quelques femmes un peu d ’âge à la<br />

messe, les autres travaillent tout l’été le dimanche ; 321’hiver quand<br />

ils ne savent que faire, ils ne vont à la messe que pour se moquer<br />

61


Doc. 169<br />

<strong>Documents</strong><br />

de la religion ; î8le Carême ils vont à la boucherie comme les<br />

chiens.<br />

34« N ’avez-vous pas vu du bled gâté, mes enfants ? — Non,<br />

madame. — 35Vous en devez bien avoir vu, vous mon petit une<br />

fois au Coin, avec votre père, que le maître de la terre dit à votre<br />

père d ’aller voir son bled gâté ; vous y allâtes tous deux ; vous<br />

prîtes deux ou trois épis dans vos mains, vous les frorâtes et tout<br />

tomba en poussière, vous vous en retournâtes. — 36Quand vous<br />

étiez encore à demi-heure de Corps, votre père vous donna un<br />

peu de pain, et vous dit : tiens, mon petit, mange encore du pain<br />

cette année, je ne sais pas qui va en manger l’année prochaine si<br />

le bled continue comme cela.<br />

37« Maximin répondit : oh ! oui madame [p. 5] je m ’en<br />

ressouviens à présent ; tout à l’heure je ne m ’en rappelais pas. —<br />

38Eh bien ! vous le ferez passer à tout mon peuple. » 39Ayant<br />

repassé la combe, la dame redit encore : « Oh ! bien mes enfants,<br />

vous le ferez passer à tout mon peuple. » 40Vers le milieu de cette<br />

conversation la dame me dit un secret que je ne puis pas révéler.<br />

Pressée de le déclarer, elle a persisté dans son refus.<br />

4lLa déclarante ajoute que la dame monta sur le coteau où ils<br />

la suivirent : que là elle s’éleva à environ un mètre, et là, elle<br />

disparut insensiblement en commençant par la tête, il ne resta<br />

plus qu’une clarté qui disparut aussi. 42La dame avait des souliers<br />

blancs entourés de roses de toutes couleurs, garnis d ’une boucle<br />

jaune brillante, ses bas étaient jaunes, un fichu blanc croisé devant<br />

et attaché derrière par les deux bouts, une grande coiffe élevée<br />

blanche, entourée d ’une couronne de roses de toutes couleurs,<br />

43elle avait une petite chaîne au cou au bout de laquelle était<br />

suspendue une croix à Christ jaune, aux extrémités latérales de<br />

cette croix, il y avait d ’un côté un marteau et de l’autre une<br />

tenaille ; elle avait une autre grande chaîne sur les épaules, toutes<br />

deux étaient brillantes. 44En marchant, elle ne faisait pas fléchir<br />

l’herbe.<br />

45Sur les questions à elle faites, la déclarante répond qu’elle<br />

n’a parlé à personne [p. 6] sur la montagne, que rentrée chez son<br />

maître, elle a rentré ses vaches, que pendant qu’elle était après les<br />

traire en présence de sa maîtresse, Maximin est survenu et a raconté<br />

ce qui s’était passé, et ma maîtresse m ’ayant dit si c’était vrai, je<br />

lui confirmai. — Le lendemain sur l’invitation de nos maîtres,<br />

nous fumes la racconter au Curé qui desservait alors la Salette,<br />

qui se mit à pleurer.<br />

Maximin Giraud, n é à Corps, âgé de 11 ans, déclare :<br />

Qu’il n ’était pas précisément en service, qu’il était seulement<br />

al 1er passer huit jours chez Pierre Selme père des Ablandens pour<br />

garder ses vaches.<br />

62


23 mai 1847 Doc. 170<br />

Que le lendemain de l’Apparition il est rentré chez son<br />

père ; sa huitaine était expirée. C’était un dimanche. Après ces<br />

déclarations, Maximin Giraud répète textuellement le récit de<br />

Mélanie (Calvas.) (1)<br />

R e m a r q u e s .<br />

Les deux enfants ont été entendus séparément.<br />

On à expliqué à chacun qu’étant devant la justice il fallait<br />

dire toute [p. 7] la vérité, mais rien que la vérité.<br />

Répondant qu’ils l’ont toujours dite, leur déclaration est<br />

débitée comme on réciterait une leçon ; mais cela n’est pas<br />

étonnant ; ils récitent si souvent et à tant de personnes qu’ils ont<br />

contracté l’habitude du récit.<br />

23 mai 1847, dimanche de la Pentecôte<br />

ÉVÉNEMENT. Le greffier Giraud fait part au curé de Corps que l’on soupçonne<br />

l’abbé R., son voisin d’Ambel, d’être l’inventeur de l’apparition. Mélin répond<br />

que l’abbé R. n’y est certainement pour rien. Il expliquera plus tard que * M.<br />

l'abbé R., craignant de croire trop facilement, ou de ne pas croire assez, s'étoit<br />

tenu, jusque-là, dans une neutralité complette, par respect pour une vérité qu 'on<br />

n'est pas obligé de croire, ne fût-elle que probable » (*).<br />

170. LETTRE DU NOTAIRE F. LONG, juge de paix suppléant à<br />

Corps, au parquet de Grenoble<br />

Original perdu. — Copie de la main du chanoine Rousselot (dans un cahier<br />

contenant également le doc. 169) : EG 105. Rousselot a édité la lettre dans les<br />

Nouveaux documents, p. 56.<br />

Ci-dessous nous donnons le texte de la copie EG 105.<br />

Corps, le 23 mai 1847.<br />

Monsieur le Procureur du Roi,<br />

J ’ai l’honneur de vous adresser la déclaration faite des deux<br />

enfants qui ont annoncé l’apparition d ’une Dame à eux inconnue<br />

dans un quartier de montagne de la Salette-Fallavaux, en septembre<br />

dernier. Ce récit ne diffère pour ainsi dire pas avec ce qu’ils ont<br />

raconté à leurs maîtres en rentrant le soir du jour même de<br />

l’apparition. S ’il y a quelque différence, c’est dans les mots, mais<br />

(1) Rousselot qui, dans les Nouveaux documents, p. 61, a remplacé ce dernier nom<br />

par « Mathieu », ajoute en note l’explication suivante : « Dans l’original on lit Calvas, qui<br />

n’est qu’un surnom ajouté à Mathieu. »<br />

(*) Lettre de Mélin à Rousselot, 12 mars 1850 (EG 93 ; dans Nouveaux documents,<br />

p. 64). Mélin donne seulement l’initiale du nom. L’ordo diocésain indique comme<br />

desservant d'Ambel, en 1847, l’abbé Claude Rey (1794-1863), ancien curé-archiprêtre de<br />

Goncelin, éloigné de ce poste à la fin de 1841.<br />

63


Document 204 bis : Vue du village et des montagnes de la Salette, par Jules Guedy<br />

Au centre on aperçoit l'ancienne église paroissiale.


24 mai 1847 Doc. 172<br />

le fo n d est le même ; c’est du moins ce que Pierre Selme (1) m ’a<br />

raconté.<br />

* Agréez...<br />

i. ’ F. LONG, suppléant.<br />

' 24 mai 1847, lundi de la Pentecôte<br />

Événem ent. La Salette voit venir de très nombreux pèlerins (*).<br />

172. PORTRAITS DE MAXIMIN ET DE MÉLANIE PAR JULES<br />

GUÉDY<br />

Planches lithographiées dans Bez, entre les p. 30-31 et 40-41 ; dans l’édition<br />

de 150 pages, entre les p. 24-25 et 52-53-<br />

Le peintre grenoblois Jules Guédy (1805-1876) vint faire le portrait<br />

des deux enfants sur la demande de Bez. Il monta à la Salette en leur<br />

compagnie le 24 mai, puis une deuxième fois le 21 juillet suivant, « afin<br />

de compléter l’étude topographique qu’il avait déjà faite de ce lieu »<br />

(VlLLECOURT, p. 92). On le trouve de nouveau à Corps huit semaines<br />

plus tard, pour l’anniversaire de l’apparition.<br />

De son premier pèlerinage, il avait ramené un caillou qui, à son<br />

avis, présentait un aspect extraordinaire, à l’exemple de la fameuse pierre<br />

sur-laquelle des officiers de passage à Corps en octobre 1846 avaient cm<br />

distinguer la face du Christ (cf. doc. 10 bis). Il en tira une lithographie<br />

(doc. 195 bis) dont la vente attira les soupçons de la police lyonnaise.<br />

Après enquête, le parquet conclut qu’il n’y avait pas lieu d’engager des<br />

poursuites. L’avocat général près de la cour royale de Grenoble, Bigillion,<br />

le présente dans une lettre adressée au procureur général de Lyon comme<br />

un artiste des plus médiocres, à l’imagination exaltée, mais excellent père<br />

de famille et très généreux, malgré sa pauvreté (**).<br />

(1) Paysan des Ablandens, chez lequel Maximin était placé comme berger du 14 au<br />

20 septembre 1846.<br />

(*) Doc. 185. — Cf. J. CHOCHEYRAS, Le théâtre religieux en Dauphiné du moyenâge<br />

au XVIII' siècle, Genève, Droz, 1975, p. 146 : en Dauphiné, comme en Savoie, « la<br />

belle saison dont la Pentecôte donne en quelque sorte le signal, est l’époque où les<br />

communautés peuvent de nouveau se réunir en plein air, avant d ’être dispersées par le<br />

départ pour l’alpage ou absorbées par les travaux des champs ».<br />

(**) Lettre du 6 novembre 1847 ; copie dans PAN B18 1454 (4161) ; cf. aussi BEZ,<br />

p. vii, ix-x ; doc. 183 ; ARBAUD, p. 36-40 ; PAN BB18 1452 (3821). — Jules Guédy (1805-<br />

1876) a exposé en 1832 à la Société des Amis des Arts de Grenoble. Il a peint le pont en<br />

bois de Grenoble, le château de Sassenage, une vue du Pont-de-Claix, une vue d ’Allevard.<br />

Sur la Salette, on connaît de lui, outre les lithographies signalées supra, deux dessins<br />

lithographiés (doc. 204 bis), déclarés l’un et l’autre au dépôt légal le 30 juin 1847 (tirage :<br />

50 exemplaires) puis de nouveau le 12 août suivant (tirage : 200 exemplaires) : Vue du<br />

plateau de la Salette et portrait des deux bergers, impr. lith. Pégeron (dimensions extér.<br />

50 cm x 37,5 ; intér. 48,2 cm x 32,8) et Vue du village et des montagnes de la Salette<br />

près Corps (Isère), ibidem (dimensions extér. 51 cm x 38,5 ; intér. 47,9 cm x 32,5) :<br />

PBN Estampes, VA 407 (1166 et 1168). Egalement : Pèlerinage de N.D. de la Salette,<br />

peint par Guédy, Jules Gaildrau lith., Paris, Lith.G.Paulon, 1857 (dimensions : 64 cm x<br />

45,8). (Renseignements aimablement fournis par Mr V. Bettega, professeur à la Mure ; cf.<br />

aussi Les Alpes illustrées, année 1896, p. 61).<br />

65


Doc. 172<br />

<strong>Documents</strong><br />

Les portraits lithographiés. On a reproduit à la p. 52 les lithographies<br />

de l’édition de 150 pages. Celles de l’édition de 214 pages ont été<br />

reproduites sur la couverture de LSD A l.<br />

* 174. RÉPONSE DE MAXIMIN à une question de Mr V.<br />

Copie dans la lettre de Houzelot au chanoine Rousselot, 3 janvier 1850,<br />

p. 6 : EG 136.<br />

AP V. pourrait être Verrier, l’un des responsables, avec Houzelot, du voyage<br />

de Maximin à Ars, en septembre 1850. Ancien négociant à Caen venu habiter<br />

Versailles, Verrier crut pendant longtemps à la mission du pseudo-baron de<br />

Richemont. Il milita en ce sens et aurait perdu dans l’aventure plus de cent<br />

mille francs (lettre de Verrier à Girard, 2 octobre 1858 : EG 30 ; cf. aussi<br />

BASSETTE, p. 184).<br />

Date. V. a transmis la réponse de Maximin avant le 25 mai 1847.<br />

Ci-dessous nous donnons le texte de 1847, précédé de l’introduction ajoutée<br />

par Houzelot dans sa lettre du 3 janvier 1850 à Rousselot.<br />

Je profite de cette circonstance Monsieur l’abbé pour vous<br />

communiquer une réponse de Maximin à une demande assez<br />

sérieuse, je puis en garantir l’authenticité, connaissant particulièrement<br />

les personnes comme étant très dignes de foi.<br />

Au 25 mai 1847. Je reçus des nouvelles de Mr V. qui en<br />

allant en Savoie aux £ains S' Gervais devait passer par Corps.<br />

Mr D. négociant à Paris l’avait prié d ’adresser au petit berger la<br />

demande suivante D. En présence de l’oubli de la loi de Dieu par<br />

le \b iffé : plus] grand nombre des hommes de notre époque que<br />

doivent faire les chrétiens fidèles pour ap/»aiser la justice de Dieu<br />

et obtenir grâce pour les pécheurs ? R. Ils n ’ont rien à faire autre<br />

chose que de prier, et dans le ciel ils auront leur récompense, et<br />

ceux qui ne se convertiront pas auront l’enfer pour partage.<br />

Samedi 29 (ou/et dimanche 30) mai 1847<br />

175. RELATION LAMBERT<br />

Extrait de la main de l’auteur, envoyé en décembre 1847 au chanoine<br />

Rousselot (4 p. 28 cm x 19) : EGD 49.<br />

L 'abbé Pierre Lambert, né à Beaucaire le 22 octobre 1802, ordonné prêtre le<br />

18 décembre 1830, était alors curé à Goudargues au diocèse de Nîmes. Son<br />

évêque, Mgr Cart, écrira à son propos qu’il ne lui a jamais causé « d’autre chagrin<br />

que celui d’avoir altéré sa santé par trop de travail » (lettre à Mgr de Bruillard,<br />

13 août 1847, doc. 234). Il mourut le 12 janvier 1884 (BASSETTE, p. 75).<br />

Son enquête. L’abbé Lambert vint à Corps « en mai 1847, et là, pendant six<br />

jours consécutifs, il interrogea les deux enfants en présence d’un grand nombre<br />

de témoins, dont plusieurs ecclésiastiques de Grenoble, et tint un journal exact<br />

de chaque séance » (Vérité, p. 63). Nous connaissons les noms de deux de ces<br />

66


29 (ou/et 30) mai 1847 Doc. 175<br />

témoins : l’abbé Auvergne, pro-secrétaire à l’évêché de Grenoble, et le chanoine<br />

Michon (1).<br />

La relation. Les deux enquêteurs nommés en juillet par l’évêque de Grenoble,<br />

Rousselot et Orcel, visitèrent le diocèse de Nîmes au début d’août, rencontrèrent<br />

l’abbé Lambert et prirent connaissance d!un manuscrit intitulé Six jours à Corps,<br />

dans lequel l’abbé Lambert se proposait de « relever toutes les absurdités que la<br />

spéculation avait publiées. sur une matière aussi délicate » (2). Us trouvèrent ce<br />

récit supérieur à tou? les autres qui avaient paru à cette date, y compris celui de<br />

Bez, qui venait de sortir des presses. — Le travail de Lambert n’a jamais été<br />

publié et nous est inconnu, à l’exception de l’extrait envoyé par l’auteur à<br />

Grenoble en décembre 1847 (cf. doc. 378). Reproduit à peu près intégralement<br />

dans l'édition imprimée du Rapport de Rousselot à l’évêque de Grenoble, il<br />

forme l’essentiel de ce qu’on peut appeler la « vulgate salettine », à savoir<br />

l’histoire de l’apparition, telle qu’elle s’est imposée depuis la publication de ce<br />

dernier livre (3).<br />

Date. Les récits furent écrits sous la dictée des enfants le 29 mai, selon la<br />

relation elle-même ; le dimanche 30 mai, selon le chanoine Michon (doc. 238).<br />

N ote critique. Mieux exercé à la transcription du patois que Lagier, le prêtre<br />

venu du diocèse de Nîmes entend toutefois le parler des enfants avec une oreille<br />

de provençal et non de « corpatu » (4). On se souviendra d’autre part que sa<br />

relation, telle que nous la possédons, n’est pas un manuscrit pris directement<br />

sous la dictée des enfants, mais un relevé qui a subi une certaine élaboration<br />

littéraire pour aboutir, à partir de questions et de réponses, à un récit continu.<br />

C’est du moins ce que suggère la comparaison entre le manuscrit de Lambert et<br />

une copie qu’en fit l’abbé Auvergne (5). Ce dernier, qui avait assisté à une<br />

partie au moins de l’enquête menée par Lambert, rejette à la fin des renseignements<br />

sur l’heure de l’apparition et sur la place des secrets, que Lambert avait insérés<br />

dans la trame de son récit :<br />

« D. Dis-moi, Maximin, quand est-ce que la Dame t'a don né ton secret ?<br />

« R. Après qu 'elle a d it : les raisins pourriront, et les noix deviendront<br />

mauvaises. Alors la Dame m 'a d it quelque chose en français, en me disant : tu<br />

ne diras pas ça, ni ça, ni ça... Puis elle a gardé aussi un m om ent le silence ; il<br />

me sem bloit qu 'elle parloit à Mélanie [...].<br />

« D. Quelle heure étoit-il quand vous vous êtes réveillé, et que vous avez vu<br />

cette Dame ? 12345<br />

(1) Cf. doc. 238. — Sur les personnes présentes à Corps fin mai 1847, voir le doc.<br />

178.<br />

(2) Doc. 378 : lettre Lambert du 17 décembre 1847.<br />

(3) Sur la vulgate salettine et sur sa genèse, voir l’introduction au doc. 447.<br />

(4) « Le provençal de Lambert ne marque pas [...] de différence entre l’orthographe<br />

du singulier et du pluriel de certains mots, où la nuance réside uniquement dans le ton »<br />

(P. Andrieux). L’édition qu’en a donnée Rousselot dans la Vérité, p. 66-68, comporte des<br />

s qui ne figurent pas dans le manuscrit : ainsi le premier « moun mari » (mes petits) du<br />

v. 19 est devenu dans le livre « mous maris » (cf. aussi LSDA I, p. 280).<br />

(5) Doc. 430 : Récit de Maximin, de la main d ’Auvergne (10 pages 22 cm x 17,<br />

EGD 40). Ce manuscrit, qui a servi à préparer l’édition du « Récit de Maximin » paru<br />

dans la Vérité, contient la partie française du récit de Maximin par Lambert, v. 1-25, et<br />

deux questions/réponses (aux p. 9 et 10 ; textes en partie biffés), dont on trouve l’équivalent<br />

chez Lagier (doc. 99, v. 9 et 12) et que le « Récit de Maximin » de la Vérité omet.<br />

67


Doc. 175<br />

<strong>Documents</strong><br />

« R. C’étoit par là deux ou trois heures (6). »<br />

Notre édition. Le manuscrit de Lambert présente les récits sur deux colonnes :<br />

à gauche le récit de Maximin, à droite les variantes du récit de Mélanie. Nous<br />

avons respecté cette disposition. Les appels de note, mis par Lambert généralement<br />

au-dessus des lignes, seront insérés dans le texte. Pour les guillemets, nous suivons<br />

l’usage actuel.<br />

Une traduction du patois de Maximin a été ajoutée au bas des pages.<br />

L’équivalent français du patois de Mélanie figure entre crochets [] à la suite des<br />

variantes.<br />

'Récit de Maximin Giraud écrit,<br />

mot-à-mot [sic] sous sa dictée, en<br />

présence de six témoins, 29 mai 1847<br />

de 9 h" du matin à midi.<br />

2C’était un samedi, environ vers<br />

deux ou trois heures : après avoir fait<br />

boire nos vaches au ruisseau qui est<br />

sur la montagne, nous avons laissé<br />

aller nos vaches dans le pré, et nous<br />

nous sommes endormis à côté du<br />

ruisseau, tout près d’une petite fontaine<br />

tarie. Puis Mélanie s’est réveillée<br />

la première, et m’a éveillé pour aller<br />

chercher nos vaches qui avaient disparu.<br />

Nous sommes allés voir nos<br />

vaches, et les avons vues, couchées de<br />

l’autre côté. 'Puis, en descendant,<br />

Mélanie, a vu la première une grande<br />

clarté ; et elle me dit : — « Maximin,<br />

viens voir cette clarté ! » 4Je suis allé<br />

vers Mélanie ; puis nous avons vu<br />

disparaître la clarté, et nous avons vu,<br />

dedans, une Dame assise vers la petite<br />

fontaine, la tête dans ses mains ; et<br />

nous avons eu peur ! 5Et Mélanie a<br />

laissé tomber son bâton ; et je lui ai<br />

dit : — « Garde ton bâton ! s’il nous<br />

fait quelque chose, je lui donne un<br />

coup de bâton ! » 6Et la Dame s’est<br />

levée, a croisé ses bras, et nous a dit :<br />

« Avancez, mes enfants, n’ayez pas<br />

'Récit de Mélanie Mathieu Calvat,<br />

écrit mot-à-mot sous sa dictée en<br />

présence de 6 personnes le 29 mai<br />

1847 - de 4 h" du soir à 6 h" 1/2.<br />

2Nous nous étions endormis tous<br />

deux, tout près du ruisseau, où nous<br />

avions fait boire nos vaches, à côté<br />

de la fontaine sans eaux, à quatre ou<br />

cinq pas environ. 'Puis je me suis<br />

réveillée, et je n’ai pas vu mes vaches !<br />

— « Maximin, j’ai dit, viens vite que<br />

nous allions voir nos vaches ! » —<br />

C’était à peu près trois heures. 4J’ai<br />

passé le ruisseau, j’ai monté vis-à-vis<br />

nous, Maximin m’a suivie, et nous<br />

avons vu de l’autre côté nos vaches<br />

couchées. Je suis descendue la première,<br />

et lorsque j'étais à cinq ou six<br />

pas avant d’arriver au ruisseau ; j’ai<br />

vu une grande clarté, et j’ai dit à<br />

Maximin : —« Viens vite voir une<br />

clarté là-bas ! » Et Maximin est<br />

descendu en me disant : « Où elle<br />

est ?» Je lui ai montré avec le doigt<br />

vers la petite fontaine, et il s’est arrêté<br />

quand il l’a vue. Alors nous avons vu<br />

une Dame dans la clarté ! Nous avons<br />

eu peur. 5J’ai laissé tomber mon<br />

bâton. Alors Maximin m’a dit :<br />

— « Garde ton bâton ! S’il nous fait<br />

quelque chose je lui jette un coup de<br />

(6) Doc. 430, p. 9 et 10. A comparer avec le début du v. 2 et le v. 14 de Lambert.<br />

La Vérité, p. 69, reproduit ces deux questions/réponses textuellement, à l’exception du<br />

mot « Puis » (fin de la première réponse), qu’elle omet.<br />

68


29 (ou/et 30) mai 1847 Doc. 175<br />

MAXIMIN<br />

peur ! Je suis ici pour vous conter<br />

une grande nouvelle ! »<br />

“V * v • • •, - .<br />

7Et nous n’-avons plus eu peur.<br />

Puis, nous sommes [ne] avancés,<br />

avons passé lé ruisseau', et la Dame<br />

s’est avancée vers notis autres, environ<br />

six pas loin de l’endroit où elle était<br />

assise ; et elle nous a dit :<br />

8« Si mon peuple ne veut pas se<br />

soumettre, je suis forcée de laisser<br />

aller le bras (1) de mon Fils ; il est si<br />

lourd et si pesant, que je ne puis<br />

plus le retenir (2). Depuis le temps<br />

que je souffre pour vous autres !<br />

Si je veux que mon Fils ne vous<br />

abandonne pas, je suis chargée de le<br />

prier sans cesse (3) pour vous autres<br />

qui n’en faites pas cas. (4) 9J’ai (5)<br />

donné six jours pour travailler, je me<br />

suis réservé le 7me, et on ne veut pas<br />

me l’accorder ! C’est ça qui appesantit<br />

tant le bras (6) de mon fils.<br />

« Aussi ceux qui mènent les charrettes,<br />

ne savent plus jurer, sans y mettre<br />

le nom de mon fils (7). Ce sont les<br />

deux choses qui appesantissent tant<br />

le bras (8) de mon fils.<br />

10« Si la récolte se gâte ce n’est rien<br />

que pour vous autres ; (9) je vous l’ai<br />

fait voir l’année dernière par la récolte<br />

des pommes de terre, [p. 2] vous n’en<br />

avez pas fait cas ; c’est au contraire ;<br />

quand vous en trouviez de gâtées,<br />

vous juriez vous mettiez le nom de<br />

mon fils ; elles vont continuer à pounr,<br />

et à Noël il n’y en aura plus ».<br />

— Mélanie ne comprenait pas<br />

bien, et elle me dit : « Qu’est-ce<br />

que....... ». De suite la Dame répondit<br />

: « Ah vous ne comprenez pas le<br />

MÉLANIE<br />

bâton ! » 6Puis, cette Dame s’est levée<br />

droite et nous a dit : « Avancez, mes<br />

enfants, n 'ayez pas peur ? Je suis ici<br />

pour vous conter une grande<br />

nouvelle. »<br />

7Puis nous avons passé le ruisseau<br />

et elle s’est avancée jusqu’à l’endroit<br />

où nous nous étions endormis. Puis<br />

elle nous a dit en pleurant tout le<br />

temps qu’elle nous a parlé : (j’ai bien<br />

vu couler ses larmes.[)]<br />

8[p. 2] « Si mon peuple, etc.<br />

(1) la main<br />

(2) maintenir<br />

(3) et pour vous autres vous n’en<br />

faites pas cas.<br />

(4) Vous aurez beau prier beau<br />

faire, jamais vous ne pourrez récompenser<br />

la peine que j’ai prise pour<br />

vous autres.<br />

(5) Je vous ai donné.<br />

(6) la main<br />

(7) fils au milieu.<br />

(8) la main.<br />

(9) Je vous l’ai fait voir l’année<br />

passée par les pommes de terre, vous<br />

n’en avez pas fait cas ! C’est au<br />

contraire quand vous trouviez des<br />

pommes de terre [biffé: s] gâtées,<br />

vous juriez, vous mettiez le nom de<br />

mon fils, elles vont continuer que<br />

cette année pour Noël il n’y en aura<br />

plus.<br />

Et puis moi je ne comprenais pas<br />

bien ce que cela voulait dire des<br />

pommes de terre, j’allais dire à Maximin<br />

: — « Qu’est-ce que cela voulait<br />

dire des pommes de terre »? Et la<br />

Dame nous a dit : « Vous ne comprenez<br />

pas, (10) mes enfans, je m’en<br />

vais le dire autrement. »<br />

69


Doc. 175<br />

<strong>Documents</strong><br />

MAXIMIN<br />

(10) français, mes enfants, attendez<br />

que je vais le dire autrement ».<br />

— Et elle nous parla en patois (14*).<br />

n« Si la récolta (11) se gasta, eï ré<br />

que per vous aouetrë. Vous aviëou fa<br />

véirë l’an passa per la truffa (12),<br />

n’aya pas fa ca. Era oou countrérë :<br />

quan n’ën troubava (13) dë gasta,<br />

jurava, l’y bitava lou noum dë moun<br />

fi {biffé: ls (?)] (14). Van countuya<br />

quë (15) pér chalënda y ouera plus.<br />

I2« Aquël (16) qu’a dë bla dë pas<br />

lou sëmëna quë la {biffé: bestria (?)]<br />

bèstia lou mëngearéin : si n’en vén<br />

quaouequa planta ën l’ëscouan toumbara<br />

tout en poussièra.<br />

13« Vaï (17) vêni una granda famina.<br />

D’avan quë la famina vênë, lou marinou<br />

mari ooue dëssou de sept an<br />

prëndran un tramblë, muriréin ëntrë<br />

lou (18) bras dë la pérsouna quë lou<br />

tëndréin, et lou (19) gran faran lour<br />

pënitança de fan. Lou (20) rasin<br />

purirein ; la nouzë vendran boffa. »<br />

14Après cela la Dame me dit quelque<br />

chose en français ; en me disant :<br />

«Tu ne diras pas ça., ni ça... ni<br />

ça......». Puis elle garda un moment<br />

le silence ; et pendant ce temps je<br />

m’amusais. Puis elle continua en<br />

patois.<br />

MÉLANIE<br />

(11) Si la truffa se etc [si les pommes<br />

de terre]<br />

(12) — O — [omis]<br />

(13) {biffé : de truffa] quan troubava<br />

de truffa gasta. [quand vous<br />

trouviez des pommes de terre gâtées.]<br />

(14) {biffé : fils] fi, oue meï<br />

(15) van contuya, qu’aquëit an per<br />

etc [elles vont continuer que cette<br />

année pour etc.]<br />

(16) Si ava de bla faou pas lou<br />

sëmëna. Tout ce que sëmënarë, la<br />

bêstia vous mengearéin : ça quë vendra<br />

toumbara tout en poussièra [Si<br />

vous avez du blé, il ne faut pas le<br />

semer. Tout ce que vous sèmerez, les<br />

bêtes le mangeront : ce qui viendra<br />

tombera tout en poussière.]<br />

(17) vendra una... [Il viendra]<br />

(18) entré la ma de la... [entre les<br />

mains...]<br />

(19) ët lous aouetrë, faran lour<br />

pënitança de fan. [Et les autres feront<br />

leur pénitence par la faim.]<br />

(20) La nouzë {biffé : puriréin les]<br />

vëndran boffa, lou rasin puriréin [Les<br />

noix deviendront mauvaises, les raisins<br />

pourriront.]<br />

I4Ici la Dame garda un moment le<br />

silence : il me semblait qu’elle parlait<br />

à Maximin, mais je n’entendais rien.<br />

Puis après, elle me dit un secret en<br />

patois : et pendant ce temps Maximin<br />

s’amusait avec des pierres. "Puis elle<br />

dit :<br />

(*) TRADUCTION. "Si la récolte se gâte, ce n’est rien que pour vous autres. Je vous<br />

l’avais fait voir l’an passé par les pommes de terre, vous n ’en avez pas fait cas. C’est au<br />

contraire, quand vous en trouviez de gâtées, vous juriez, vous mettiez le nom de mon fils.<br />

Elles vont continuer et, pour Noël, il n ’y en aura plus.<br />

"Celui qui a du blé ne doit pas le semer, les bêtes le mangeront, s’il en vient<br />

quelques plantes, en le battant, il tombera tout en poussière.<br />

"Il va venir une grande famine. Avant que la famine vienne, les tout petits enfants<br />

au-dessous de sept ans prendront un tremble, ils mourront entre les bras des personnes qui<br />

les tiendront, et les grands feront leur pénitence par la faim. Les raisins pourriront, les<br />

noue deviendront gâtées.<br />

70


29 (ou!et 30) mai 1847 Doc. 175<br />

■- MAXIMIN<br />

li€ \ b i f f ü j G(?)] Si së counvertissoun,<br />

lapéïra lou routchat (21) vendra<br />

ën dë bla, la truffa së trouvaré ënsëmënça<br />

pét. la terra. »<br />

16Puis elle nous dit : « Fasa bien<br />

vouatra prièra, mou mari ?,»<br />

Tous deux nous répondîmes :<br />

« oh ! no, [p. 3] Madama, pas gaïrë. »<br />

Et elle nous dit : 17« ah, mou mari,<br />

la cho bien fa vèprë ët mati. quan<br />

n’ouerë pas lou tém[biffe' : p] dë<br />

soulamën dirë un Pater un Ave Maria,<br />

et quan ouerë lou tém n’ën maï dirë.<br />

18Vaï quë quaouqua fêna ën paou<br />

d’iâgë a la mëssa ët lous aouetrë<br />

travayoun tout l’ëstiëou ; (22) et<br />

piéï, van ën hivér a la mëssa rién quë<br />

pér së mouqua dë la rëligiou{biffé :<br />

n(?)].<br />

Van a la boucharia couma dë (23)<br />

chi. »<br />

19Et ensuite elle a dit : « N ’ava gi<br />

vëgu dë bla gasta, moun mari ? »<br />

— Je répondis : € oh ! no, Madama,<br />

n’avën gi vugu. »<br />

MÉLANIE<br />

(21) Séré de mountéou dë bla, la<br />

truffa séréin ënsëmënça pér la terra.<br />

[Les rochers seront des monceaux de<br />

blé, les pommes de terre seront ensemencées<br />

par les terres.)<br />

I6[p. 3] après elle nous dit : « fasa<br />

id... [idem].<br />

— pas gaïrë Madama. [pas guère,<br />

Madame.)<br />

l7foou bien la fa, mou [biffé : n]<br />

mari, vèprë ët mati ; quan pourrië<br />

pas maï fa, dirë soulamën... id [Il<br />

faut bien la faire, mes enfants, soir<br />

et matin ; quand vous ne pourrez pas<br />

mieux faire, dites seulement...]<br />

18Vaï... id [idem]<br />

(22) La Diméncha, l’hivér, quan<br />

saboun pas quë fa, van a la messa<br />

quë per së mouqua dë la rëligiou, ët la<br />

Carèma, id... [Le dimanche, l’hiver,<br />

quand ils ne savent que faire, ils ne<br />

vont à la messe que pour se moquer<br />

de la religion, et le carême...]<br />

(23) lou chi. [les chiens.)<br />

l9Puis elle a dit : « N’ava...<br />

Maximin répondit : « Oh no<br />

Madama. » Moi je ne savais pas à qui<br />

elle demandait cela ; je répondis bien<br />

doucement : « No, Madama, n’a gi<br />

vëgu. [Non, Madame, je n’en ai point<br />

vu.) »<br />

Elle dit alors à Maximin : « [biffé :<br />

Mé, tu, moun mari,] n’ën duva bé<br />

[biffé : n) avë vëgu, vous, moun<br />

M[...] 15S’ils se convertissent, les pierres, les rochers se changeront en blé, les pommes<br />

de terre se trouveront ensemencées par la terre. l6Faites-vous bien votre prière, mes petits ?<br />

Oh ! non, madame, pas guère.<br />

l7Ah ! mes petits, il faut bien la faire, soir et matin ; quand vous n ’aurez pas le<br />

temps, dire seulement un Pater et un Ave Maria, et quand vous aurez le temps, en dire<br />

plus.<br />

,8I1 ne va que quelques femmes un peu âgées à la messe et les autres travaillent tout<br />

l’été. Et puis, ils ne vont en hiver à la messe que pour se moquer de la religion ; ils vont à<br />

la boucherie comme des chiens.<br />

19N'avez-vous pas vu du blé gâté, mes petits (cf. supra, p. 67, note 4) ?<br />

Oh non, madame, nous n ’en avons jamais vu.<br />

71


Doc. 175<br />

<strong>Documents</strong><br />

MAXIMIN<br />

Alors elle m’a dit :<br />

[biffé : Mb(?)] Me tu, moun mari,<br />

n’en duva bé avë vëgu un viâgë vér<br />

lou Couïn ënbë [biffé: bé] toun<br />

papa : quë l’homë dë la péça dicét a<br />

toun papa : vêné véirë moun bla<br />

gasta ! L’éï anèra, prënguèra dous,<br />

tréï ëspia dë bla din sa ma ; ët pei<br />

quë la frëtét ët quë toumbét tout en<br />

poussièra. Et péï qu’ën vous rëtournan<br />

èra plus quë diméi houra luein<br />

de Couarp ët quë toun papa të douné<br />

una pèça dë pa ën të disén : té, moun<br />

mari, mëngea aquëou pa, quë saou<br />

pas quë va mëngea l’an quë vén. »<br />

20Je lui répondis : « Es bén vraï,<br />

madamou, m’ën rappelavou pas ».<br />

21[p. 4] Après cela elle nous dit en<br />

français : « Eh bien, mes enfans, vous<br />

MÉLANIE<br />

mari, un viagë ver lou Couïn, ënbë<br />

vouatrë paÿrë. Lou Mëstrë de la pêça<br />

dicét à vouatrë paÿrë, d’ana véirë<br />

soun bla gasta ; l’éï anèra, prénguèra<br />

dous, tréï éïpia de bla din sa ma ; la<br />

frëtét, chéïguét tout ën poussièra.<br />

Vous n’ën tournèra, quant èra ën ca<br />

diméi houra luéin dë [biffé : Couap]<br />

Couarp ; vouatrë paÿrë vous douné<br />

una pêça dë [b iffé : pa(?)] pa, ët vous<br />

dicét : Mëngea aquëou pa ; saou pas<br />

qui n’ën vaï mëngea l’an quë vén, si<br />

lou bla countuya couma aco. [Vous<br />

devez bien en avoir vu, vous, mon<br />

enfant, une fois vers le Coin avec<br />

votre père. Le propriétaire du champ<br />

dit à votre père d’aller voir son blé<br />

gâté. Vous y allâtes, il prit deux ou<br />

trois épis de blé dans sa main ; il les<br />

frotta et tout tomba en poussière.<br />

Vous vous en retournâtes. Quand<br />

vous n’étiez plus qu’à une demiheure<br />

de Corps, votre père vous donna<br />

un morceau de pain et vous dit :<br />

Mange ce pain ; je ne sais pas qui va<br />

en manger l’année prochaine, si le<br />

blé continue comme ça.] »<br />

20Et Maximin lui dit : « Oh ! si<br />

Madama, m’ën rappèlou avu ; adë,<br />

m ’ën rappëlavou pas. [Oh ! si<br />

Madame, je me le rappelle maintenant<br />

; tout à l’heure, je ne me le<br />

rappelais pas.] »<br />

21[p. 4] Après cela la Dame nous<br />

dit en français : « Eh bien mes<br />

Mais toi, mon petit, tu dois bien en avoir vu une fois vers le Coin avec ton père : que<br />

l’homme de la pièce dit à ton père : viens voir mon blé gâté ! Vous y allâtes, il prit deux,<br />

trois épis de blé dans sa main et puis il les frotta et puis tout tomba en poussière. Et puis<br />

en vous en retournant, vous n’étiez plus qu’à une demi-heure loin de Corps, ton père te<br />

donna un morceau de pain en te disant : tiens, mon petit, mange ce pain, que je ne sais<br />

pas qui va en manger l’an qui vient.<br />

20C’est bien vrai, madame, je ne me le rappelais pas.<br />

72


29 (ou!et 30) mai 1847 Doc. 175<br />

MAXIMIN<br />

le ferez passer à tout mon peuple. »<br />

Puis elle a passé.le ruisseau, et à deux<br />

pas du ruisseau, sans se retourner vers<br />

nous, elle nous a dit encore : * Eh<br />

bien ! Mes enfafts, vous le ferez passer<br />

à tout mon peuple ! »' H,...<br />

“Puis elle est montée une quinzaine<br />

de pas, en glissant sur l’herbe,<br />

comme si elle était suspendue et<br />

qu’on la poussa ; ses pieds ne touchaient<br />

que le bout de l’herbe. Nous<br />

la suivîmes sur la petite hauteur,<br />

jusqu’à l’endroit, à peu près, où nous<br />

avions été voir nos vaches. Mélanie a<br />

passé par devant la Dame ; et moi, à<br />

côté loin à deux ou trois pas.<br />

23Avant de disparaître, cette belle<br />

Dame s’éleva comme ça (Maximin<br />

désigne avec sa main 1 m. 50) elle<br />

resta ainsi suspendue en l’air un<br />

moment. Puis, nous ne vîmes plus sa<br />

tête, puis ses bras, puis le reste du<br />

corps ; elle semblait se fondre ! Et<br />

puis, il resta une grande clarté que<br />

je voulais attraper avec la main avec<br />

les fleurs qu’elle avait à ses pieds ;<br />

mais il n’y eut plus rien.<br />

24Et Mélanie me dit : — « Ce doit<br />

être une grande Sainte !» — Et je<br />

lui dis : — « Si nous avions su que<br />

c’était une grande Sainte nous lui<br />

aurions dit de nous mener avec elle. »<br />

Après nous étions bien contents.<br />

Et nous avons parlé de tout ce que<br />

nous avons vu. Et puis, nous avons<br />

été garder nos vaches.<br />

2,Le soir, en arrivant chez mes<br />

maîtres, j’étais un peu triste ! Et<br />

comme ils me demandaient ce que<br />

j’avais ? Je leur racontais tout ce<br />

que cette Dame nous avait dit. 26Le<br />

lendemain, mon maître me conduisit<br />

chez mon papa, et je racontais tout,<br />

MÉLANIE<br />

enfants vous le ferez passer à tout<br />

mon peuple. » [Biffe : Ps(?)j Puis elle<br />

a passé le ruisseau, et nous a dit<br />

encore, en s’arrêtant à deux pas du<br />

ruisseau : « Eh bien...<br />

22Puis elle monta jusqu’à l’endroit,<br />

où nous étions allés pour regarder nos<br />

vaches, à peu près à vingt pas du<br />

ruisseau. En marchant, elle ne<br />

remuait pas ses pieds ; elle glissait sur<br />

l’herbe à cette hauteur (environ 20 c.)<br />

Quand elle fut arrivée à l’endroit que<br />

j’ai dit, en faisant un petit contour,<br />

comme nous la suivions avec Maximin<br />

je passais devant la Dame, et Maximin<br />

un peu à côté, à deux ou trois pas.<br />

23Et puis, cette Belle Dame s’est élevée<br />

comme ça ! (environ 1 m 50 c.) Puis<br />

elle a regardé le ciel, puis la terre, et<br />

nous avons vu disparaître sa tête, puis<br />

ses bras puis ses pieds, et il n’est resté<br />

qu’une grande clarté ; ensuite tout a<br />

disparu.<br />

24Et j’ai dit à Maximin « C’est peutêtre<br />

une grande S" ! » Et Maximin<br />

m’a dit : « Si nous avions su que<br />

c’était une grande S" nous lui aurions<br />

dit de nous mener avec elle. » Et je<br />

lui dis :« Oh ! si elle y était encore ! »<br />

Alors Maximin lança la main pour<br />

attraper un peu de la clarté, mais il<br />

n’y eut plus rien. Et nous regardâmes<br />

bien pour voir si nous ne la voyons<br />

plus ; et je dis : « elle ne veut pas se<br />

faire voir, pour que nous ne voyons<br />

pas où elle va » ; ensuite nous fûmes<br />

garder nos vaches.<br />

2SLe soir je dis à mes maîtres tout<br />

ce que nous avions vu ; ils me direjnt]<br />

que cela pouvait être. 26Et le lendemain<br />

qui était un dimanche, je le dis<br />

à M' le Curé de la Salette, et ensuite<br />

à Mrle Maire.<br />

73


Doc. 175<br />

<strong>Documents</strong><br />

comme c’était arrivé.<br />

Maximin finit ainsi son mystérieux<br />

récit. Le soir Mélanie nous raconte<br />

le sien.<br />

(Extrait de mes Six jours {biffé :<br />

passés] à Corps — 1" journée. —<br />

Récit des deux bergers).<br />

Lundi 31 mai 1847<br />

Événements. Plusieurs milliers de pèlerins gravissent la sainte montagne : six<br />

mille selon le chanoine Michon, témoin oculaire (doc. 238). Selon l’abbé Mélin,<br />

le nombre de pèlerins montés le 24 (lundi de la Pentecôte) et le 31 mai atteint<br />

un total de dix mille et comprend des personnes venues de loin : Paris, Bourges,<br />

Marseille, etc. (1). A en croire Champon, l’abbé Sibillat prêcha sur la dévotion à<br />

la sainte Vierge et le curé de Saint-Laurent-en-Beaumont (2) répéta à haute voix<br />

le récit donné par les enfants sur les lieux de l’apparition, pour que la foule<br />

puisse l’entendre (3).<br />

177. RAPPORT SUR LA GUÉRISON DE SOEUR SAINT-CHAR­<br />

LES PAR LE DR GÉRARD ET DÉCLARATION DU DR ROCHE<br />

Copie remise par les Sœurs hospitalières d’Avignon au chanoine Rousselot<br />

début août 1847, lors de son passage dans la ville (3 p. 28,8 cm x 19,3) :<br />

EG 122, dossier Sœur Saint-Charles, n° 3 (cf. doc. 225). — Copie de 1848,<br />

certifiée conforme par les vicaires capitulaires d’Avignon (3 p. 31,5 cm x 21,2):<br />

EG 122, même dossier, n° 3 bis. — Rapport et déclaration ont été reproduits<br />

dans Vérité, p. 110-113 ; rapport seul dans G iray I, p. 344-346.<br />

Date. Noter que la copie de 1848 laisse la mention du jour — 31 — en<br />

blanc. Selon la lettre du 23 juin 1848 des vicaires capitulaires à Rousselot (EG 122,<br />

dans G iray I, p. 350), la déclaration du Dr Roche serait également du mois de<br />

mai.<br />

Ci-dessous on trouvera le texte de la copie de 1847. 1<br />

(1) Doc. 185. Sur cette journée, voir aussi le doc. 182.<br />

(2) L'abbé Joseph Faure, 1804-1873, qui séjournera à la Salette en 1850-51 et qui<br />

correspondra avec Mélanie pendant le séjour de celle-ci en Angleterre.<br />

(3) CHAMPON, dans les Annales, octobre 1882, p. 260-261. Il se peut que Champon,<br />

confondant les dates, ait mis au 31 mai 1847 des événements qui eurent lieu seulement<br />

plus tard, en particulier la prédication donnée par Sibillat le 19 septembre, premier<br />

anniversaire de l’apparition. D’après le récit de Champon, lors du pèlerinage du 31 mai,<br />

la mère d ’un prêtre, curé dans la région de la Salette, pria afin d ’obtenir le rapprochement<br />

de son fils. « Deux mois après, il était à dix kilomètres de son pays natal » (Annales,<br />

novembre 1882, p. 273). Il s’agit peut-être de Champon lui-même qui, à cette époque,<br />

était curé d ’une paroisse assez proche des lieux de l'apparition, les Engelas (commune de<br />

Valbonnais) ; toutefois Champon resta aux Engelas jusqu’en 1848. En octobre 1848, on le<br />

trouve directeur au petit séminaire de la Côte-Saint-André, proche de sa commune natale,<br />

Saint-Geoirs.<br />

74


31 mai 1847 Doc. 177<br />

Guérison inopinée et inattendue<br />

d ’une phtisie parvenue à sa dernière période :<br />

Observation recueillie par M. Gérard,<br />

médecin à Avignon.<br />

Claire Pierron, âgée de 30 ans, d ’une assez haute stature,<br />

d ’un tempérament nervoso-sanguin, est entrée le 21 novembre 1834<br />

au couvent des Religieuses Hospitalières de St-Joseph d ’Avignon, où<br />

on la surnomma Sœur St Charles.<br />

Quoique d ’une constitution assez grêle, elle n’avait jamais<br />

été malade, lorsque, soudain, le 22 janvier 1838, elle fut atteinte<br />

d ’hémoptysie. Cette affection se dissipa après dix mois de l’usage<br />

d ’un traitement dirigé par M.M. les docteurs Roche et Chauffard.<br />

En juillet 1839, il survint une dysrenterie violente, que les<br />

soins éclairés de M. le docteur Martin dissipèrent, et qui cependant<br />

a laissé percluses les extrémités inférieures durant 7 ans.<br />

A la suite de la phlegmasie chronique de l’appareil digestif,<br />

celle des poumons reparut, et de telle sorte que les diverses<br />

médications alternativement prescrites, jusqu’à la fin de 1844, par<br />

les trois honorables docteurs précités, ne purent l’empêcher de<br />

progresser.<br />

En 1845, la Sr St Charles fut soumise à mon observation.<br />

L’hémoptysie se renouvelle souvent ; la toux est fréquente ;<br />

l’expectoration est tantôt sanguine et tantôt pumlente ; il y a<br />

douleurs sur le côté gauche du thorax, insomnie, anorexie,<br />

amaigrissement, fièvre et une grande prostration musculaire. Les<br />

divers moyens auxquels je recourus ne produisirent aucun effet<br />

avantageux, car la malade alla toujours de mal en pis.<br />

Vers la fin de 1846, il survint des apht^es au palais, à la<br />

langue, et au pharynx, une douleur au devant du cou, et une<br />

grande difficulté dans l’articulation des sons et dans la déglutition.<br />

Les médicaments appropriés à cet état, restèrent encore sans<br />

résultat.<br />

En février 1847, tous les symptômes avaient augmenté, [p. 2]<br />

le faciès était profondément altéré, et le pouls battait 150 fois par<br />

minute ; la malade prenait à peine par 24 heures quelques<br />

cuillerées d ’eau, du lait et du bouillon. Désespérant de son état,<br />

et M. le docteur Roche qui la voyait de temr à autre ayant porté<br />

le même pronostic, force fut alors de l’abandonner à sa triste<br />

destinée.<br />

Mais, ô surprise ! le 16 avril dernier, à huit heures du matin,<br />

après une nuit d ’angoisses, d’agonie, pour ainsi dire, il s’opère<br />

une révolution, qui, soudain transforme l’état morbide en un état<br />

normal. Je ne puis définir, dit-elle, le mouvement qui a bouleversé<br />

tout mon être, mais ce que je peux dire, c’est qu’instantanément<br />

j’ai senti ma tête, mon gosier, ma poitrine, mon estomac et mon<br />

75


Doc. 177<br />

<strong>Documents</strong><br />

côté se dégager ; mes membres reprendre de la force et de l’agilité,<br />

et ma voix sa sonorité. Après ce changement inespéré et étrange,<br />

elle se lève, s’habille, marche, saute, monte et descend en courant<br />

l’escalier, parcourt tous les appartemens de la maison qu’elle visite<br />

pour la première fois, traverse les cours et jardins, et après un<br />

copieux repas, elle me fait appeler.<br />

Voici en quel état je la trouvai. Elle travaille dans la salle de<br />

communauté avec les autres religieuses. Sa physionomie qui<br />

exprimait les jours précédents l’abattem ent et la souffrance, est<br />

toute rayonnante de joie. Le pouls est descendu à 90 pulsations.<br />

Sa voix est sonore. Elle monte et descend rapidement l’escalier.<br />

Chargée d ’un fardeau pesant 70 k. (1), elle le porte avec agilité.<br />

L’appétit est revenu, mais les deux arcades dentaires manquant de<br />

parallélisme, à cause de l’inaction prolongée dans laquelle elles<br />

sont restées, on ne peut donner que des aliments faciles à mâcher.<br />

Le lendemain, 17 Avril, et les jours suivants, elle travaille, mange,<br />

boit, et pratique ses exercices religieux.<br />

Et maintenant que la cure de la Sr St Charles ne s’est point<br />

démentie, si l’on me demande comment elle a eu lieu, je dois<br />

répondre que, médicalement parlant, elle n ’a pas suivi les phases<br />

ordinaires. A-t-on vu d’autres fois en effet, qu’un malade en<br />

danger recouvre la santé, sans passer [p. 3] par une convalescence<br />

plus ou moins longue et pénible, c’est-à-dire, est-il naturel que<br />

dans une maladie grave, inopinément le faciès se métamorphose,<br />

et que subitement les forces et l’appétit reviennent ? Pour moi, je<br />

l’avoue, je n ’avais jamais rien vu de semblable.<br />

Avignon, le 31 (2) Mai 1847.<br />

GÉRARD médecin<br />

Le docteur médecin soussigné, médecin en chef honoraire de<br />

l’hôpital d’Avignon, après 36 ans de service actif, déclare que le<br />

retour imprévu et inattendu d ’un état médicalement \ jugé /<br />

mortel, dans la personne de la Sr St Charles ci-dessus nommée, à<br />

une santé parfaite sous tous les rapports fonctionnels et organiques,<br />

s’est opéré tout-à-coup sans l’intervention des procédés de l’art, et<br />

que partant, il tient du prodige.<br />

ROCHE, Docteur en médecine<br />

Nous soussignées, certifions cette copie conforme et véritable,<br />

pour toute la Communauté des Religieuses hospitalières de St<br />

Joseph, les Sœurs du Conseil.<br />

Sr Pineau Sup" Sr Prilly Assis"<br />

Sr Arnaud Instrf?] Sr Pelaud [?] hosp" Sr Castagnier dépositaire 1<br />

76<br />

(1) Poids excessif, semble-t-il : k ne serait-il pas une faute de copiste pour l[ivres] ?<br />

(2) Dans la copie de 1848, le quantième (« 31 ») a été laissé en blanc.


31 mai 1847 Doc. 178<br />

178. ATTESTATION DE L’ABBÉ MÉLIN, curé de Corps, authentifiant<br />

la pierre ramenée à Corps en septembre 1846<br />

Original' de la main de l’abbé Melin (1 f. recto 33,8 cm x 6,2) accompagné<br />

d’une feuille (29,8 cm x 40,8) contenant vingt-et-une signatures autographes :<br />

EG 100. — Copie, également; dê la main de l’abbé Mélin (1 f. recto 32 cm x<br />

6,1) : Sanctuaire de la Salette, sacristie. Les Annales, mars 1899, p. 299-300, ont<br />

publié le texte de cette Copie, •’ - :<br />

Les signatures autographes. Elles nous renseignent sur le passage à Corps, en<br />

cette période de l’année 1847, de plusieurs personnages déjà rencontrés ou que<br />

l’on rencontrera plus tard de nouveau, au cours des phases ultérieures de l’histoire<br />

de la Salette.<br />

Pierre sur laquelle la belle Dame a été ap/?erçue assise par<br />

Mélanie Mathieu et Maximin Giraud (de Corps) le 19 sept. 1846,<br />

un samedi, jour des quatre temps, veille de N.D. des 7 douleurs,<br />

au rit romain. Elle a été prise sur le lieu même (1), le lundi, 28<br />

du même mois, en présence des deux Enfants privilégiés, et de six<br />

autres personnes dont je faisois partie (2), et descendue à Corps,<br />

le même jour (3).<br />

Corps, 31 mai 1847.<br />

Mélin Archiptre<br />

Armand Dumanoir, Auvergne, pro-sec. Berlioz p. (4)<br />

J.C. Michon, chanoine de Grenoble<br />

M. Anna [?] des Vareilles [?]<br />

Sr M. St Augustin Supre Générale (5)<br />

Sr M. Thérèse de Jésus, Asstc (6)<br />

Sr Ste Thècle Suprc de la maison de Corps<br />

Sr Ste Valérie religieuse de la maison de Corps 1<br />

(1) Copie : Elle a été prise sur le lieu même] Je l’ai prise sur les lieux de l’apparition<br />

(2) Copie : dont je faisois partiejowtf<br />

(3) Copie : Jour,]add. Je l’ai mise dans cet encadrement, le 31 du mois de mai 1847,<br />

en présence d ’un grand nombre de personnes. J ’ai apposé à ma signature le sceau de la<br />

paroisse à double.<br />

(4) Louis Berlioz, chargé de 1838 à 1848 des enfants de chœur de la cathédrale de<br />

Grenoble, à ne pas confondre avec J.-B. Berlioz, vicaire à Crémieu de 1845 à 1852,<br />

Missionnaire de N.D. de la Salette de 1854 à 1865.<br />

(5) Mère Saint-Augustin (Justine Grange), née à Jallieu le 31 mai 1800, fut Supérieure<br />

Générale des Sœurs de la Providence de Corenc de 1839 jusqu’à son décès, en 1872. (Cf.<br />

L. CRISTIANJ, Une Congrégation française sous la Restauration. La Providence de Grenoble.<br />

Grenoble 1925.)<br />

(6) Née à Barraux, Isère, le 31 janvier 1810, Camille de Maximy entre chez les Sœurs<br />

de la Providence de Corenc en 1833, prenant comme nom de religion Thérèse de Jésus.<br />

Assistante de la Supérieure Générale, elle est en contact avec Mélanie pendant le séjour de<br />

celle-ci à Corenc (1850-1854). De 1855 à 1857 elle se trouve à la Salette même, où elle<br />

veut collaborer à la fondation d ’un Institut de Religieuses. En 1858 on la rencontre chez<br />

les Sœurs de l’Adoration, à Saint-Dizier, Haute-Marne, puis, en 1861, à Mons en Belgique,<br />

où elle veut fonder un Institut religieux en compagnie du chanoine de Brandt, d ’Amiens.<br />

Entre temps, elle a quitté la Congrégation de la Providence. (D’après les notes des Pères<br />

Bossan et L. Beaup, M.S., MSG 3E7 et A 57).<br />

77


Doc. 179<br />

<strong>Documents</strong><br />

Sr Ste Clotilde religieuse de la maison de Corps<br />

Claudine M[illisible] de Lyon<br />

Faure Joseph curé de St-Laurent-en-Beaumont natif de Gresse<br />

Joseph Gautier curé de St-Michel-en-Beaumont natif de<br />

Proveysieux<br />

Le curé de la Salette-Fallavaux, Perrin Louis Joseph, natif de<br />

la Murette.<br />

Girolet Ferréol de la Mure, curé de St Pierre des Méarots.<br />

Le curé de St Jean des Vertus, Jean François Girin natif de<br />

Panossas.<br />

[verso] Joseph François Barrai originaire de Succieu, recteur<br />

de la succursale de Doissin, canton de Virieu.<br />

Joseph Tabardel, originaire de St-Chef, canton de Bourgoin,<br />

recteur de Cordéac, canton de Mens.<br />

Michel Manin, du Bourg-d’Oisans, curé du Monestier d ’Ambel<br />

canton de Corps<br />

Pierre-François Denaz curé de St Jean d ’Hérans, canton de<br />

Mens, Isère, natif de Corbelin arrondis' de la Tour du Pin (7)<br />

Louis Siméon Lambert de Beaucaire d‘ du Gard, ex vicaire de<br />

Sommières (Gard)<br />

31 mai 1847<br />

179- ABBÉ MATHIEU. Les avertissements du ciel et les fléaux de<br />

Dieu ; les espérances de la terre et les consolations de l ’Eglise, ou<br />

Apparition de la sainte Vierge à deux bergers des Alpes ; — pluie<br />

rouge ; — révélations et menaces de Notre-Seigneur ; — association<br />

des défenseurs du saint nom de Dieu ; — prophéties qui se<br />

rapportent à notre époque ; — les stigmatisées suppliantes<br />

Paris, A. Sirou et Desquers, mai 1847.<br />

L'auteur, qui est directeur du périodique la Voix de l ’Eglise, a pour<br />

correspondant à Grenoble l’abbé G. Morel, pro-secrétaire à l’évêché.<br />

Contenu concernant la Salette. L’« Avis » préliminaire (p. vi) propose de<br />

juger « les pieux pèlerinages de la Salette, évidem m ent approuvés p a r l'autorité<br />

ecclésiastique » (*), d’après les fruits qu’ils produisent. — Aux p. 10-48, l’auteur<br />

présente l’apparition et ses suites à partir des doc. 22, 28 bis, 94 et 47. Plus loin<br />

(p. 81-82) il signale le « parallélisme frappant » qui existerait entre le culte de la<br />

Sainte Face demandé à Tours (cf. doc. 10 bis) et les traits qu’on a cm découvrir<br />

sur la pierre brisée à Corps en octobre 1846 (cf. doc. 130 bis). Il décrit et<br />

(7) P.-F. Denaz (1811-1857) entrera en 1852 dans l’Institut des Missionnaires de N.D.<br />

de la Salette, fondé la même année par Mgr Philibert de Bruillard comme société de<br />

prêtres diocésains. En 1855, Denaz proposera que les Missionnaires prononcent les vœux<br />

de religion, ce qu’ils feront effectivement à partir de 1858.<br />

(*) Tout en suivant le développement du pèlerinage d’un œil bienveillant, l’autorité<br />

diocésaine n ’avait cependant encore donné aucune approbation.<br />

78


4 juin 1847 Doc. 182<br />

commente la situation alimentaire ainsi que les prévisions la concernant, d’après<br />

les journaux de l’époque : Univers, Journal des débats, etc. (p. 44-46, 106-137).<br />

Remarque. L’abbé Mathieu s’intéresse beaucoup aux phénomènes extraordinaires<br />

ainsi qu’aux prophéties bibliques ou autres.<br />

1 Juin 1847<br />

PÈLERINAGES. Le mouvement commencé en mai se poursuit. Les documents<br />

nous ont conservé des traces du pèlerinage des enfants de chœur de la cathédrale<br />

de Grenoble et de celui d’un groupe d’ecclésiastiques (doc. 188, 201, 203, 400).<br />

Vendredi 4 juin 1847<br />

182. LETTRE DE L’ABBÉ MOREL, pro-secrétaire à l’évêché de<br />

Grenoble, à l’abbé Mathieu, directeur de la Voix de l'Eglise<br />

Copie (3 p. 26,5 cm x 20,5) : Tours SF.<br />

Note. Cette lettre, restée jusqu’à présent inconnue de tous les historiens de<br />

la Salette, contient plusieurs éléments intéressants : en particulier des renseignements<br />

sur la mentalité du clergé grenoblois face aux diverses manifestations<br />

extraordinaires, les premiers échos de l’interrogatoire Long du 22 mai, une<br />

description du pèlerinage du 31, etc.<br />

Monsieur l’abbé Mathieu,<br />

Grenoble, le 4 juin 1847<br />

J ’ai l’honneur de vous remercier de la bonté que vous avez<br />

tu de m ’envoyer votre livre (1). [...]<br />

L’événement de l’apparition de la belle Dame présente<br />

toujours le même intérêt ; il est toujours impossible aux incrédules<br />

(et il y en a parmi les prêtres) d ’expliquer la chose et de trouver<br />

de la supercherie. Les enfants sont toujours les mêmes : naïveté,<br />

simplicité, constance à dire la même chose, résistance aux menaces,<br />

etc., c’est toujours ce que l’on remarque en eux. Dernièrement<br />

un magistrat de Grenoble, le Greffier du Juge de Paix de Corps<br />

et un troisième notable ont fait subir un interrogatoire à ces<br />

Enfants depuis midi jusqu’à six heures du soir (2) ; ils les ont<br />

tourmentés dans tous les sens, tantôt à part, tantôt tous les deux<br />

ensemble, l’un après l’autre, etc. toujours même fermeté, mêmes<br />

réponses. A la fin, Mr M+ ++ de Grenoble s’est mis sérieusement<br />

en colère ou a paru sérieusement en colère devant le garçon,<br />

Maximin Girawd ; il a tiré son couteau et le brandissant [?] tout<br />

ouvert contre l’Enfant : Coquin, lui aurait-il dit, si tu continua à<br />

mentir, je te soigne. (Cette expression dans le pays veut dire : Je<br />

te tue.) Eh bien, saignez-moi, a répondu le petit, en jet/ant par 1<br />

(1) Il s’agit de la brochure Les avertissements du ciel (doc. 179), commentée par Morel<br />

dans le passage que nous omettons.<br />

(2) Voir l’introduction au doc. 169.<br />

79


Doc. 182<br />

<strong>Documents</strong><br />

terre avec un air décidé un papier qu’il tenait à la main. Les<br />

Enfants n’ont pas même dit, comme quelques Relations l’ont<br />

rapporté, que leur secret ne les regardait qu’eux-mêmes. Quand<br />

on leur demande si leur secret est une chose qui ne regarde qu’eux<br />

ou d’autres, ils esquivent la question avec adresse et on ne sait<br />

rien. Un jour, quelqu’un écrivait une Relation sous la dictée de la<br />

fille. Quand on fut au secret dont ils ne parlent pas sans qu’on le<br />

demande ordinairement, ce Monsieur fit semblant de conclure<br />

d’une parole de l’Enfant que le secret ne la regardait qu’elle seule<br />

et dit : bon, cela me suffit : je mets que votre secret ne regarde<br />

que vous. La petite paraît [p. 2] émue et embarrassée ; elle ne<br />

veut dire ni oui ni non. Après un moment : Monsieur, dit-elle,<br />

vous avez écrit que c’est vous qui avez dit que mon secret ne<br />

regarde que moi. A cette réflexion, la plume est tombée des<br />

mains de Mr ++ +.<br />

Le 31 mai, a eu lieu une procession d’environ cinq à six mille<br />

personnes sur la montagne de l’apparition. Tout s’y est passé avec<br />

édification. Il y avait treize prêtres dont trois ou quatre étrangers<br />

au diocèse de Grenoble, tous in nigris (3), bien entendu et sans<br />

aucune cérémonie religieuse. Cependant un d ’eux a prêché à cette<br />

foule qui s’est assise sur les deux versants de la colline et qui a<br />

versé des larmes aux paroles édifiantes qu’elle entendait. Ensuite,<br />

les deux côtés de la montagne formant deux chœurs ont chanté<br />

avec enthousiasme le Magnificat, le Tédeum [sic]. Tout le long du<br />

chemin, on chantait des cantiques, on récitait le chapelet, le<br />

chemin de la Croix, on chantait les litanies. Les pèlerins qui<br />

arrivaient de tous les côtés voulaient tous voir et toucher les deux<br />

Enfants qui n ’en sont pas plus fiers, et les tirai/. Et deux prêtres<br />

avaient de la peine à les défendre. Mr le Curé de Corps, sans la<br />

permission duquel ils ne vont nulle part, ne les confie qu’à des<br />

prêtres ou à des personnes distinguées pour aller sur la montagne.<br />

Cependant le père qui a toujours naturellement un caractère un<br />

peu rude et méchant ne perd rien de son autorité sur le garçon.<br />

On avait dit que les parents des enfants s’enrichissaient et qu’ils<br />

avaient changé de train de vie. Ce n ’est pas vrai. J ’oubliais de<br />

vous dire que le 31 mai, sur la montagne, à trois reprises<br />

différentes, on a fait placer les Enfants au milieu d ’un cercle<br />

nombreux, qu’on leur a fait raconter l’événement, un interprète<br />

faisant passer au loin les paroles des Enfants, car il était impossible<br />

que chacun les entendît. On ne peut signaler aucun fait vraiment<br />

miraculeux et vraiment inexplicable naturellement, outre le fait<br />

du récit des Enfants eux-mêmes et de l’apparition elle-même. Un<br />

(3) in nigris : en soutane, sans aucun insigne liturgique, afin de ne pas donner à leur<br />

présence un caractère officiel.<br />

80


Juin 1847 Doc. 184<br />

prêtre d ’Avignon a écrit dernièrement à mon collègue, son ami,<br />

que deux guérisons vraiment étonnantes avair eu lieu. [...(4).]<br />

Tout inexplicable que se trouve le fait de l’apparition de la<br />

Dame, il faut avouer que ceux qui ne croient pas à l’intervention<br />

divine, au miracle; de l’apparition de la Ste Vierge, auront un fort<br />

argument si les prophéties des Enfants ne s’accomplissent pas,<br />

comme il paraît jusqu’ici. Il est vrai qu’on dit que de nombreuses<br />

conversions ont arrêté la colère de Dieu. Cela peut être, mais<br />

quand on ne voit absolument rien d’extraordinaire, ni en bien ni<br />

en mal, il est permis de suspendre son jugement. C’est ce que<br />

continue à faire l’autorité Ecclésiastique du Diocèse de Grenoble.<br />

Toujours même silence et même défense de sa part. [p. 3]. Hier,<br />

un prêtre de cette ville qui a été à la procession du 31 mai et qui<br />

en est revenu enthousiasmé se disputait avec un autre prêtre,<br />

lequel soutenait que l’autorité ne se prononcera jamais sur ce fait,<br />

et qu’il pariait 100 F contre 10 F qu’il en serait ainsi. L’autre a<br />

accepté le pari avec empressement, persuadé qu’il faut une solution<br />

à ce fait.<br />

Signe MOREL Pro-Secrétaire.<br />

(N.B.) Nous avons entendu parler de Révélation à une fille du<br />

diocèse de Nancy (5). En avez-vous quelque connaissance ?<br />

* 184. ABBÉ BEZ. Pèlerinage à la Salette, ou Examen critique<br />

de l ’apparition de la sK Vierge à deux bergers, Mélanie Mathieu et<br />

Maximin Giraud<br />

Lyon, Guyot père et fils ; Paris, Mellier frères, 1847. xi,[l],2l4p. front,<br />

plié (carte), 2 pis (portraits) 18 cm. — Autre édition, postérieure au 1“ août<br />

1847 : x, [2], 150 p., ibidem, 1847.<br />

N.B. Sauf indication contraire, nous citons toujours d’après l’édition de<br />

214 p.<br />

Etude. H en r i GABIER, m.s. « Etude historique et critique du Pèlerinage à la<br />

Salette de Mr le chanoine Bez », dans Quatrième journée salettine, Tournai 1930,<br />

p. 22-49, multigraphié (Bibl. ZA-8).<br />

L'auteur et son enquête. Voir l’introduction au doc. 163.<br />

Date e t portée de l'opuscule. Bez termina son manuscrit au début de juin<br />

(cf. Bez, p. ix). Mgr de Bruillard reçut un exemplaire du livre début juillet au<br />

plus tard (cf. doc. 206). Désormais le public a entre les mains le récit, au moins<br />

approximatif, de chacun des enfants. Les pèlerins qui, à partir de la fin juillet,<br />

interrogeront les enfants, auront en général pris connaissance des faits et des<br />

paroles par l’intermédiaire de Bez. Leur problématique s’en trouvera influencée.<br />

On peut dire que la publication de cet opuscule ouvre une nouvelle étape.<br />

(4) La lettre rapporte ici la guérison de Sœur Saint-Charles.<br />

(5) Il s’agit probablement de la pseudo-mystique Thérèse Thiriet (cf. LS DA I, p. 254).<br />

81


Doc. 184<br />

<strong>Documents</strong><br />

Contenu. Réflexions sur les apparitions en général. Interrogatoires de Maximin<br />

et de Mélanie et portrait des enfants. Suites de l’événement du 19 septembre<br />

1846 : interrogatoires, pèlerinages, guérisons ; la pierre avec la face du Christ ;<br />

opinions des journaux (*).<br />

N ote critique. L’abbé Mélin estime « vraies, mais un peu chargées, dans<br />

certaines circonstances », celles parmi les guérisons relatées par Bez qu’il connaît<br />

personnellement (doc. 207). Voir aussi la note critique dans l’introduction au<br />

doc. 163.<br />

Ci-dessous on trouvera reproduits les passages consacrés aux voyants et à<br />

la visite de Bez aux lieux de l’apparition. Rappelons que les interrogatoires du<br />

17 mai (« relation Bez ») ont été reproduits plus haut (doc. 163).<br />

[p. 22] Pierre Maximin Giraud est né à Corps, chef-lieu de<br />

canton, arrondissement de Grenoble, le 27 août 1835, de parents<br />

pauvres ; il est petit, porte une figure ouverte, large, ronde,<br />

annonçant la santé ; ses yeux sont beaux et pleins de feu ; il<br />

regarde avec douceur, fixe sans crainte et sans rougir les personnes<br />

qui l’interrogent ; il ne reste pas un instant sans agiter ses bras ou<br />

ses mains, qui semblent contractés par des mouvements nerveux ;<br />

quand il parle, sa tête se penche légèrement sur l’épaule gauche ;<br />

il gesticule naturellement lorsqu’il cause, et quelquefois s’anime<br />

jusqu’à frapper sur l’objet qui se trouve près de lui, surtout<br />

lorsqu’on a l’air de ne pas s’en rapporter à ce qu’il dit. Jamais,<br />

cependant, il ne se fâche, même lorsqu’on le traite de menteur,<br />

pendant les longs interrogatoires que tout étranger, poussé par la<br />

curiosité, lui fait subir ; il se contente alors de jeter sur l’interlocuteur<br />

un regard de dédain, en soulevant légèrement les épaules et<br />

en détournant la [p. 23] tête. Maximin n ’avait pas fréquenté<br />

l’école avant l’événement qui lui donne maintenant une certaine<br />

célébrité ; par conséquent il ne savait pas lire, et comme tous les<br />

enfants de son âge, dans une semblable position, surtout dans ces<br />

hautes montagnes, son éducation était nulle, et son instruction<br />

encore davantage. Sa pauvre mère, cependant, le conduisait à<br />

l’église les jours de dimanche et de fête ; mais, entraîné par sa<br />

légèreté naturelle, Maximin ne tardait pas de s’échapper à la<br />

vigilance maternelle, préférant les jeux de son âge, la société de<br />

ses compagnons d’innocents plaisirs, à la gravité des offices et aux<br />

instructions de son pasteur. Si Maximin a des défauts, on ne lui<br />

connaît pas de vices ; il ignore même le nom du vice honteux si<br />

commun malheureusement de nos jours parmi les jeunes enfants.<br />

Une personne grave lui demandant un jour si la sainte Vierge,<br />

qu’il prétend avoir vue, lui avait parlé de l’impureté : Je ne<br />

comprends pas ce que vous voulez dire, Monsieur, répondit-il avec *151<br />

(*) Textes cités ou reproduits dans BEZ : doc. 74, 79, 83, 87, 88, 124, 130, 132, 149,<br />

151, 152 bis, 163, 163 bis, 183.<br />

82


Juin 1847 Doc. 184<br />

candeur ; je ne sais pas ce que c’est. Heureuse ignorance ! [p. 24]<br />

Puisse-t-il la conserver jusqu’à la fin de ses jours !<br />

Depuis le 19 septembre 1846, le vénérable curé de Corps a<br />

placé Maximin chez les sœurs de la Providence, institutrices des<br />

jeunes enfants de sa paroisse, où il prend ses repas, allant passer<br />

la nuit dans le sein de sa famille. Maintenant il apprend, sans<br />

montrer des moyens plus qu’ordinaires ; il aime à prier, mais sans<br />

affectation ; son bonheur est de servir la messe de son pasteur ou<br />

des autres ecclésiastiques qui viennent le visiter, quoiqu’il le fasse<br />

encore avec un peu de légèreté, inhérente à son caractère et, je<br />

crois, à son organisation physique. Il parle quelquefois de son<br />

désir d ’entrer dans l’état ecclésiastique, pour aller, dit-il, prêcher<br />

partout, non-seulement en France, mais dans les pays étrangers.<br />

La jeune bergère Françoise-Mélanie Mathieu est aussi née à<br />

Corps, le 7 septembre 1831, de parents très pauvres (1) ; une de<br />

ses sœurs, âgée de huit à neuf ans, mendie encore son pain auprès<br />

des étrangers qui passent à travers le village de [p. 25] Corps. Dès<br />

l’âge de sept ans, Mélanie fut déjà placée par ses parents chez des<br />

maîtres pour gagner sa pauvre vie, en conduisant les moutons au<br />

pâturage. On nous a assuré qu’avant le 19 septembre 1846, elle<br />

n ’était venue que deux fois aux offices de la paroisse : aussi<br />

n ’avait-elle qu’une bien faible connaissance de la religion ; sa<br />

mémoire ingrate et pénible ne pouvait pas même retenir deux<br />

lignes du catéchisme. Depuis l’apparition du 19 septembre, elle a<br />

été placée, comme son compagnon Maximin, chez les bonnes<br />

religieuses institutrices de la paroisse, en qualité de pensionnaire.<br />

Elle n ’est ni forte, ni grande pour son âge ; sa figure est douce,<br />

agréable, sans être jolie ; elle s’exprime difficilement en français,<br />

et voudrait toujours parler le patois de son pays ; cependant elle<br />

se rend facilement aux désirs de ceux qui la prient de parler en<br />

français, et elle le fait avec complaisance, et en termes convenables<br />

et quelquefois pleins d ’énergie. On remarque surtout dans son<br />

maintien, dans la pose de sa tête, dans ses regards, une grande<br />

modestie pendant la conversation ; elle [p. 26] n ’est ni embarrassée,<br />

ni gênée avec les étrangers.<br />

Ces deux enfants, quoique à la même école, ni ne se cherchent,<br />

ni ne se fuient ; ils montrent l’un pour l’autre une indifférence<br />

sans affectation ; et, s’ils se recherchent quelquefois, c’est quand<br />

ils ont eu quelques-uns de ces petits chagrins inséparables de la<br />

vie écolière, quand ils ont été grondés par leurs institutrices, ou<br />

par le bon pasteur de la paroisse.<br />

Leurs rapports avec les autres écoliers ou écolières sont ce<br />

qu’ils seraient si l’événement singulier qui leur donne au loin une 1<br />

(1) En réalité, Mélanie est née au mois de novembre.<br />

83


Doc. 184<br />

<strong>Documents</strong><br />

certaine célébrité n ’avait pas eu lieu. Jamais ils n’en parlent, s’ils<br />

ne sont pas interrogés ; et leur réponse ne va pas au-delà de la<br />

question. Mais jamais aussi ils ne montrent le plus petit ennui, la<br />

plus petite humeur en répondant peut-être pour la douzième<br />

millième fois aux mêmes questions, aux mêmes importunités, aux<br />

diverses objections qui leur sont faites par la multitude des<br />

habitants du pays, ou les milliers d’étrangers avides de les voir et<br />

de les entendre, qui affluent [p. 27] de toutes les contrées pour<br />

découvrir la vérité ou la fausseté de leurs assertions.<br />

Nous devons encore ajouter, pour compléter cette notice sur<br />

ces deux enfants, qu’avant l’événement ils se connaissaient à peine.<br />

Mélanie était à la Salette, hameau des Ablandins, depuis l’âge de<br />

sept ans (2), en service chez Baptiste Pra, propriétaire. Maximin<br />

vivait chez ses parents à Corps. Or, la Salette est séparée de Corps<br />

par un intervalle de deux heures de marche à peu près, dans la<br />

montagne. Un autre propriétaire du même lieu, Pierre Selme,<br />

ayant depuis quelques jours son berger malade, pria le père de<br />

Maximin de lui confier son fils pour faire paître son troupeau<br />

jusqu’au rétablissement de son petit domestique ; Maximin alla<br />

donc, pour la première fois, au service d’un maître quatre ou cinq<br />

jours avant l’événement extraordinaire dont nous parlerons dans<br />

le paragraphe suivant. Mélanie et Maximin se rencontrèrent et<br />

firent connaissance le 18 septembre, sur la montagne de la Salette<br />

appelée Sous-les-Baisses, en faisant paître leurs troupeaux de vaches<br />

[ - ( P - 32)].<br />

Le 17 mai 1847, à sept heures du matin, je pus voir d’abord<br />

la jeune Mélanie chez les sœurs de la Providence, institutrices à<br />

Corps ; je n’avais pas encore visité M. le curé de la paroisse ;<br />

j’étais arrivé le dimanche soir, à dix heures et demie, avec un<br />

jeune homme de mes amis, qui écrivait les réponses des jeunes<br />

enfants pendant que je les interrogeais et que je les examinais<br />

avec le plus grand soin. Mon jeune ami et moi avions devant<br />

nous, dans un modeste salon, la jeune Mélanie. Après l’avoir<br />

engagée à nous parler sans crainte, sans détour et avec franchise et<br />

vérité, nous entrâmes en conversation (3). [...(p. 47)...].<br />

[Réponses de Maxtmin :] Une personne qui l’avait interrogé<br />

quelques jours avant nous, racontait qu’elle lui avait fait les<br />

questions suivantes, et qu’elle en avait obtenu les réponses que<br />

nous allons rapporter.<br />

D. Tu dirais bien ton secret à ton confesseur s’il t ’y obligeait.<br />

R. Non, je ne le dirais pas ; mon secret n ’est pas un péché.<br />

(2) Nous avons reproduit le texte tel quel. Un « erratum » (BEZ, p. xii) indique qu’il<br />

faut corriger en « depuis six à sept mois ».<br />

(3) Viennent ici les interrogatoires du 17 mai (doc. 163 : relation Bez), reproduits<br />

supra, p. 51-57.<br />

84


Juin 1847 Doc. 184<br />

D. Mais si le pape te le demandait, tu serais bien obligé de<br />

le lui dire, car, enfin, le pape est bien plus que la sainte Vierge ?<br />

R. Le pape plus que la sainte Vierge !... mais la sainte Vierge<br />

est la reine de tous les saints.. Si le pape fait bien son devoir, il<br />

sera saint, mais il sera toujours moins que la [p. 48] reine ; s’il ne<br />

fait pas son devoir, il sera plus puni que les autres (4) ».<br />

Nous avons remarqué, et d ’autres personnes qui ont interrogé<br />

ces enfants l’ont aussi remarqué, que jamais ils ne sont embarrassés<br />

pour répondre aux difficultés qu’on leur oppose pour obtenir la<br />

divulgation de ce secret singulier, qu’ils conservent avec une si<br />

grande attention. Leur réponse est claire, franche, énergique, ne<br />

se faisant jamais attendre. On cherche, on étudie la question qui<br />

doit les embarrasser : la réponse arrive aussi promptement que si<br />

de loin elle était préparée à l’avance ; ils vous la jettent à la figure<br />

avec une assurance impertabable, sans montrer sur leur visage le<br />

plus petit embarras, la plus petite marque de satisfaction de vous<br />

avoir confondu. Un ecclésiastique distingué disait à la jeune<br />

Mélanie : Mon enfant, une sainte religieuse, supérieure d’une<br />

communauté, connaît le secret qui t’a été confié, le Saint-Esprit<br />

le lui a révélé ; elle voudrait bien savoir si tu ne mens pas ; en<br />

conséquence, dis-le moi pour que je sache à quoi [p. 49] m’en<br />

tenir. Elle s’empressa de lui répondre : « Si cette religieuse connaît<br />

mon secret, il n ’est pas nécessaire que je vous le dise, elle peut<br />

vous le dire elle-même. »<br />

Un autre ecclésiastique de Grenoble disait au petit Maximin<br />

« Tu as envie d ’être prêtre, eh bien ! si tu me dis ton secret, je<br />

me charge de toi, et je ferai tout ce que je pourrai pour faire de<br />

toi un prêtre. — Oh ! Monsieur, répondit l’enfant, si, pour être<br />

prêtre, il faut dire mon secret, je ne le serai jamais. »<br />

Un autre étalait devant les yeux des deux enfants des pièces<br />

d ’or et d ’argent, avec promesse de les partager entre eux s’ils se<br />

décidaient à livrer leur secret. « Pour tout l’or du monde,<br />

répondirent-ils, nous ne dirons notre secret. »<br />

[... Preuve de leur désintéressement (p. 98) :] jusqu’à présent<br />

ces pauvres bergers sont encore pauvres, couverts de haillons ; leurs<br />

parents sont encore dans l’indigence ; Mélanie a cinq frères et<br />

deux soeurs ; Maximin a un père, une marâtre, une sœur, tout<br />

cela est dans l’indigence. Allez dans le pays, une petite sœur de<br />

Mélanie, au milieu de la place publique, à peine vêtue, vous<br />

tendra la main pour obtenir une petite aumône, et elle ne se<br />

prévaudra pas de la qualité de sœur de Mélanie. Si vous avez<br />

(4) On rencontre l’argument du confesseur déjà en octobre 1846 et celui du pape en<br />

février-mars 1847 (LSDA I, p. 67, 311). La nouveauté de Bez est de diffuser questions et<br />

réponses auprès du grand public.<br />

85


Doc. 184<br />

<strong>Documents</strong><br />

promis une récompense à ces pauvres enfants, hâtez-vous de la<br />

donner ; prenez garde, la souffrance amènera l’indiscrétion ; vous<br />

serez signalé comme l’instigateur d ’une fourberie insigne [...].<br />

[... Objection (p. 113) :] Mais c’est un nuage sous la forme<br />

d ’une belle dame que ces enfants ont vu [... (p. 114)]. C’est le<br />

jeune Maximin qui se charge de répondre à cet effort de<br />

l’imagination d’un questionneur importun : « Faites donc, disaitil,<br />

parler un nuage. » Et, en effet, cet enfant avait un peu raison :<br />

c’est passablement difficile. Le même questionneur qui, je ne sais<br />

pourquoi, ne se tenait pas pour battu, disait à Maximin : Mais<br />

c’était une femme cachée dans un nuage. « Oh ! Monsieur,<br />

répondit l’enfant, faites donc porter une femme sur un nuage, car<br />

nous l’avons vue s’élever et disparaître ; nous n ’avons plus vu la<br />

tête, plus les bras, plus le corps, plus les pieds ; elle s’est fondue. »<br />

Mais il y a quelque chose de mieux : comment les rayons du soleil<br />

auraient-ils pu, en frappant sur le front de cette dame, produire<br />

une clarté de manière à éblouir ; elle avait la face tournée vers le<br />

nord ; c’était entre deux et trois heures, le soleil ne devait pas, à<br />

ce moment, donner sur son front [...].<br />

[... Visite à la montagne (p. 137) :]<br />

Le 18 mai de cette année, nous montâmes aussi sur le théâtre<br />

de l’événement, accompagné d’un jeune ami et du petit Maximin,<br />

que nous voulions interroger sur le lieu même, de deux guides, et<br />

de quelques pieuses femmes venues de loin pour satisfaire à leur<br />

pieuse curio-[p. 138]sité. La journée était magnifique, la chaleur<br />

extrême ; le soleil dardait ses rayons sur les rochers unis de la<br />

montagne, qui nous les renvoyait plus brûlants encore. Nous<br />

cheminâmes ainsi pendant quatre heures, montant, montant<br />

toujours à travers des sentiers rocailleux ou sur des rochers glissants,<br />

lorsque après ces quatre heures de peines et de fatigues, tout-àcoup,<br />

sans rien voir, nous entendons des voix douces et des voix<br />

sonores mêlant leurs harmonies, au-dessus de nos têtes. Nous<br />

venions de rencontrer d ’épais tapis de neige, nous cheminons<br />

encore quelques pas, et quelle scène se déroule tout-à-coup sous<br />

nos yeux ! une immense étendue de verdure, coupée çà et là par<br />

quelques tapis de neige, un petit ravin, au bas duquel coulait un<br />

léger ruisseau, une croix à quelques mètres d ’une fontaine, une<br />

autre croix, sur la descente du ravin, et autour de cette croix<br />

couverte de guirlandes des fleurs de la saison, une trentaine de<br />

personnes agenouillées, hommes et femmes, prient avec ferveur,<br />

et font retentir les airs de chants joyeux en l’honneur de Marie.<br />

Nous [p. 139] nous prosternâmes avec nos compagnons de voyage ;<br />

puis je vois nos guides, couverts de sueur, courir à la petite<br />

fontaine encore couverte de neige, et boire sans façon cette<br />

86


\ e r d<br />

è t u r d i c a . t i o u


Doc. 184<br />

<strong>Documents</strong><br />

eau glacée ; l’air était frais et presque froid : que faites-vous,<br />

imprudents ! m ’écriai-je ; attendez, reposez un instant avant de<br />

vous abreuver à cette fontaine, dont l’eau glacée peut vous donner<br />

la mort ; et je leur offre un peu de vin que nous avions apporté.<br />

Monsieur, me répondirent-ils, l’eau de la Salette ne fait que du<br />

bien et ne fait point de mal ; si nous buvions l’eau de Corps,<br />

notre village, dans la position où nous nous trouvons, nous serions<br />

en huit jours au cimetière ; mais ici, cette eau bénie par la sainte<br />

Vierge guérit les malades et n ’en fait pas. Rassurés par la confiance<br />

de ces braves gens, nous accourûmes auprès d ’eux à la fontaine,<br />

et quoique couvert aussi de la sueur qui ruisselait sur notre corps<br />

avec abondance, nous avalâmes un verre de cette eau parfaitement<br />

glacée, en nous recommandant à Dieu et à sa sainte Mère. Nous<br />

n ’en ressentîmes aucun mauvais effet, pas plus que nos compagnons<br />

de voyage.<br />

[p. 140] Chaque jour, nous dit-on, sur ce lieu sanctifié, de<br />

nombreux chrétiens accourent comme dans un temple nouveau,<br />

élevé par la main puissante de Dieu, et consacré à la Reine du ciel<br />

et de la terre par la piété reconnaissante des pauvres bergers.<br />

184 bis. RELEVÉ DES NOTES DE L’ABBÉ LAGIER<br />

Manuscrit de la main de l’abbé Lagier (un cahier 20,5 cm x 15, page de<br />

titre et 38 pages de texte subdivisé en versets par Bossan en 1862) : MSG n° 88.<br />

— Le manuscrit MSG 85, également de la main de Lagier, est un brouillon des<br />

v. 68-106 de ce Relevé (cf. A p T II, p. 99-100).<br />

Date. Il est impossible de dater le manuscrit avec certitude. L’avant-propos<br />

laisse entendre que Lagier a terminé son travail à une époque où plusieurs<br />

relations « circulent déjà » (v. 6), mais peut-être pas encore celle de Bez, qu’il<br />

aurait sans doute mentionnée, car elle tranchait nettement sur les autres relations<br />

anciennes. Noter aussi qu’il reste muet sur la reprise des pèlerinages de masse au<br />

cours de la deuxième moitié de mai. Pour expliquer comment il a pu interroger<br />

Mélanie à loisir, il rappelle simplement que l’hiver a tari le flot des visiteurs<br />

(v. 18). A titre d’hypothèse, nous assignerons donc comme terminus a d quem la<br />

fin du printemps de 1847.<br />

Contenu. Le Relevé présente les trois interrogatoires de Mélanie (doc. 96, 99<br />

et 107) sous la forme d’une édition légèrement augmentée et aussi remaniée :<br />

pour rendre son texte plus lisible, Lagier a supprimé un certain nombre de<br />

questions qui rompaient le récit de Mélanie et regroupé les réponses de manière<br />

à serrer davantage l’ordre chronologique. Ainsi, l’existence des secrets est<br />

mentionnée dans le passage consacré au discours de la Dame et les renseignements<br />

sur la phase terminale de l’apparition forment un ensemble, au lieu d’être coupés<br />

par des questions/réponses sur les vêtements, comme c’était le cas dans le compte<br />

rendu du premier interrogatoire (*). *68<br />

(*) Doc. 96. — Ont été supprimées les questions qu’on lit dans le doc. 96, aux v. 61,<br />

68, 70, 81, etc. Ce même doc. 96, qui reproduit le discours de la Dame, reste muet sur<br />

les secrets. Dans les anciennes notes Lagier il n ’est question de ceux-ci qu’à partir du<br />

deuxième interrogatoire (doc. 99).<br />

88


Printemps 1847 ?<br />

Doc. 184 bis<br />

Les compléments concernent surtout le début du récit : Mélanie a mendié<br />

jusqu’à l’âge de dix ans environ (v. 23) ; elle connaissait les lieux de l’apparition,<br />

pour y avoir voituré du foin (**) ; le samedi 19 septembre, Maximin fut le<br />

premier levé pour aller en champs (v. 36) ; ils rencontrèrent sur la montagne<br />

Rosette de la Minouna, de Corps, et deux petits de la Salette, originaires du<br />

hameau de Bertenéous et de celui de la Tsabanaria (v. 37) ; en apercevant la<br />

clarté, Maximin dit : * garde ton bâton, va, m oi je garde le mien e t je lu i donne<br />

un bon coup de bâton, si elle te fa it quelque chose » (v. 81) ; Mélanie, en<br />

apercevant cette même clarté, avait eu peur, * parce que en voyant cela, je me<br />

suis rappelé que ma maîtresse m'avait menacé et grondé, me disant que je verrai<br />

bien sûr un jou r le diable à cause que je ne faisais presque jamais mes prières, et<br />

que je me moquais des autres quant ils priaient Dieu avant ou après le repas »<br />

(v. 82). — Rappelons que ces deux derniers détails — mot de Maximin et menace<br />

proférée par la mère Pra — se trouvaient déjà dans les notes ou récits de<br />

l’ingénieur Dausse (doc. 101 ; 120 ; 121, v. 9, 47).<br />

Ci-dessous, nous donnerons uniquement l’avant-propos, dans lequel Lagier<br />

décrit l’enquête à laquelle il procéda en février-mars 1847 (cf. LSDA I, p. 277 et<br />

suivantes).<br />

Avant-propos<br />

'La relation que je rapporte a été écrite en [biffé : ctier] entier<br />

au moment même de mes visites à la jeune bergère ; ce n ’est<br />

point de mémoire ni à l’aide des récits de qui que ce soit que je<br />

l’ai écrite ; c’est pour ainsi dire à la dictée. 2Enfant du pays,<br />

comprenant parfaitement le patois, j’ai fait toutes mes demandes,<br />

et mes interrogations, en patois, et dans toutes nos conversations<br />

la jeune bergère ne s’est jamais exprimé" autrement qu’en patois ;<br />

3si quelques fois je m’oubliais et parlais français, elle me répondait<br />

aussi en français, mais j’ai remarqué que toujours elle se reprenait,<br />

pour mieux expliquer sa pensée en patois. 4J ’ai fait tout ce qui<br />

dépendait de moi pour rendre en français toute la pensée, toute<br />

la force et les différentes nuances de l’expression du patois de la<br />

bergère ; Vest aussi la raison seule qui me porte à croire que<br />

jusqu’ici j’ai été peut-être le seul qui ait bien saisi la vérité des<br />

expressions de la jeune bergère. 6Peut-être les personnes qui liront<br />

ma relation croiront qu’elle renferme des contradictions et des<br />

différences essentielles avec les relations qui circulent déjà : mais<br />

si on examine avec attention, et si on réfléchit sérieusement, on<br />

comprendra facilement que, connaissant le patois de mon pays<br />

natal beaucoup mieux que toutes les personnes étrangères qui ont<br />

(**) v. 27-28. Le maître de Mélanie exploitait des prés situés sur les pentes qui<br />

dominent les lieux de l’apparition. Pendant qu’il fauchait, rapporte Mélanie, « moi je<br />

voiturais le foin qu’il avait fauché la veille » : elle descendait à dos de mulet des trousses<br />

de foin jusqu’à un endroit situé près de la croix du chemin de ronde actuel (P. Andrieux).<br />

Le trajet passait par le Collet, donc tout près des lieux de la future apparition.<br />

89


Doc. 184 bis<br />

<strong>Documents</strong><br />

interrogé l’enfant, et qui seules ont fait circuler des relations (1),<br />

car je suis le premier du pays [p. 2] qui l’ait ainsi interrogé on<br />

comprendra dis-je, que j’ai été en [rtc] même de saisir beaucoup<br />

mieux le sens des paroles de l’enfant, de rendre plus clairement sa<br />

pensée. 7On trouvera beaucoup plus de développement, des<br />

faits beaucoup plus détaillés ; mais aucune contradiction réelle ;<br />

quelques apparences dans l’extérieur du récit, s’il est permis de<br />

s’exprimer ainsi ; mais aucune dans le fond ; 8on trouvera même<br />

beaucoup de répétitions, les mêmes idées présentées souvent sous<br />

plusieurs formes, qui peuvent énerver le récit, le rendre trop diffus<br />

et presque sans suite ; mais qu’on se représente la difficulté que<br />

j’ai eu à vaincre, d ’abord je n ’ai cherché qu’à relater fidèlement<br />

tous nos entretiens ; 9d ’un autre côté, désirant de bonne foi,<br />

m ’instruire de la vérité d’un fait aussi extraordinaire, je faisais<br />

tout ce qui dépendait de moi pour saisir \ et / poursuivre [b iffé :<br />

\ les idées / et faire des instances plus ou moins pressées] les idées<br />

qui semblaient me rapprocher le plus de la vérité, et faire des<br />

instances plus ou moins pressées ; hé bien ne voulant connaître et<br />

faire connaître que la vérité 10je n ’ai eu qu’une seule pensée,<br />

rapporter exactement les conversations, que j’ai tu , dans les mêmes<br />

termes et avec les mêmes expressions, sans craindre ni de me<br />

répéter, ni d’être trop diffus, je n ’en ai pas eu la pensée, je courais<br />

après la vérité, tout le reste n ’était pour moi qu’accessoire ; “au<br />

reste je l’écrivais pour moi ; pour [p. 3] ma propre satisfaction ;<br />

je n ’avais pas même la pensée de le faire lire à quelques amis ;<br />

“incrédule, tout ce qui m ’intéressait, c’était la vérité ; je ne crains<br />

pas même d ’avouer que j’ai commencé mes entretiens avec la<br />

bergère avec le désir de découvrir quelqu’imposture, avec une<br />

intention bien décidée d’employer tout ce que le bon Dieu m’a<br />

donné de savoir, soit pour embarrasser, surprendre, {b iffé : et]<br />

intimider, effrayer, et même menacer cette enfant ; 13je voulais<br />

obtenir un résultat et je l’espérais, conforme à ma première<br />

disposition ; on verra par la lecture de mes entretiens divers si je<br />

suis parvenu à mes fins ; tous ces motifs donc expliquent<br />

suffisamment toute la confusion {biffé : et] le peu de suite et les<br />

répétitions qui s’y rencontrent ; I4on s’expliquera le motif pour<br />

lequel je revenais quelquefois et même plusieurs fois sur le même<br />

sujet ; je cherchais la vérité ; et je croyais qu’elle se rencontrerait<br />

beaucoup plus dans l’uniformité de langage de cette jeune enfant.<br />

“Lorsque je l’ai interrogé, elle n ’était plus \ sous / l’empire du<br />

besoin extraordinaire que des milliers de personnes étrangères \ et<br />

du pays / avaient de lui parler, de la voir, \ et / de la questionner 1<br />

(1) Lagier ignore l’existence des feuilles de colportage diffusant la relation de Claude<br />

Comte, cultivateur à Corps (doc. 40).<br />

90


10 juin 1847 Doc. 184 bis<br />

et le jour et la nuit, {biffé : et] chez elle, dans les rues, dans<br />

chaque maison pour ainsi dire, dans les voyages et sur la montagne<br />

au milieu des populations qui y affluaient de tout côté ; femmes,<br />

enfants, vieillard, hommes faits ; jeunes gens, jeunes filles ;<br />

crédules, incrédules, impies, irréligieux, sans principes ; sages et<br />

[p. 4] vertueux, fervens et pieux ; enfin [b iffé : obligée] \ elle<br />

était forcée / de répondre à des milliers de voix qui n’attendaient<br />

les uns qu’un mot pour croire et pratiquer, les autres pour<br />

persévérer, et jouir du bonheur d ’avoir cm et persévéré mais tous<br />

prosternés et versant des larmes ; 16quel tableau pour un enfant<br />

qui n’a jamais habité que la montagne, n ’a eu d ’autres occupations<br />

que de garder les troupeaux et vivre une portion de sa vie sur les<br />

montagnes ; 17quelle force d’esprit ne lui fallait-il pas, pour n ’être<br />

pas troublée, pouvoir supporter de sang froid un pareil broa de<br />

mille mille [sic] et une interrogations, demandes et questions qui<br />

l’assiégeaient et finissaient par l’étourdir ; c’était au dessus des<br />

forces de la nature, non seulement pour une enfant, mais pour<br />

une personne faite et d ’une trempe de caractère très ferme ;<br />

18pour moi tout était changé, le mauvais temps [biffé : arrêtant]<br />

suspendant le concours du peuple, elle ne recevait plus depuis<br />

quelques semaines, que de rares visites, aussi elle était beaucoup<br />

plus calme ; plus à elle-même, beaucoup mieux à ses réflexions,<br />

moins piéocupé, beaucoup plus à ses souvenirs ; 19je lui ai fait<br />

trois visites dont la plus courte a duré près de quatre heures ; 20on<br />

verra donc que je n’ai pas été avar/e du temps pour m’assurer<br />

parfaitement de la vérité ; afin de n ’avoir aucun reproche à me<br />

faire, et pouvoir me dire consciencieusement à moi-même que si<br />

j’ai cru, c’était par le temps que j’y avais employé ; que [p. 5] 21si<br />

je n ’avais pas cm ce n’eût pas été par le défaut ni de temps ni des<br />

interrogations. Je termine ces quelques observations en rappelant au<br />

petit nombre d’amis qui me liront de me conserver toute leur<br />

indulgence.<br />

Jeudi 10 juin 1847<br />

ÉVÉNEMENT. A Perpignan, guérison de Soeur Angélique Carbasse, religieuse<br />

coadjutrice des Dames du Sacré-Cœur. Dossier dans Vérité, p. 123-126, et dans<br />

GlRAY II, p. 89-92. — Atteinte en 1842 d’une « gastrorragie grave (melaena) »<br />

(doc. 251), ses jours furent par la suite plusieurs fois en danger. Finalement<br />

survinrent des enflures au bras et à tout le côté gauche. On y vit un symptôme<br />

de la décomposition du sang et le signal d’une fin prochaine. La guérison eut<br />

lieu le dernier jour d’une neuvaine, au cours de laquelle la sœur avait fait usage<br />

d’eau de la Salette. Le chanoine Rousselot mentionna cette guérison dans son<br />

Rapport du 15 octobre 1847 à l’évêque de Grenoble (doc. 310).<br />

91


Doc. 190<br />

<strong>Documents</strong><br />

Samedi 12 juin 1847<br />

190. LETTRE DE HÉBERT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE<br />

DE LA JUSTICE ET DES CULTES, à Mgr de Bruillard, évêque de<br />

Grenoble<br />

Original (1 f. 30,5 cm x 20,5) : EGD 52. Lettre reproduite dans les Annales,<br />

octobre 1882, p. 257-258, et dans Bertrand, p. 25-26, qui l’attribuent à tort à<br />

l’ancien ministre Martin.<br />

Note. La présente lettre, rédigée par le service des Cultes, est l’aboutissement<br />

de la note du 20 mai, pour le Garde des Sceaux (doc. 166).<br />

Contexte : voir supra, p. 45-47.<br />

Monseigneur,<br />

Paris, le 12 juin 1841.<br />

On m ’a signalé le colportage, dans plusieurs départemens<br />

d ’une gravure représentant l ’apparition de la Vierge à deux en fans<br />

sur une montagne de la Salette, canton de Corps près de Grenoble,<br />

et de diverses relations imprimées soit à la suite de la gravure soit<br />

séparément, contenant les détails de cette prétendue apparition et<br />

l’annonce d ’une grande famine, ainsi que d ’une maladie mortelle<br />

sur les enfans. On y avertit les laboureurs de ne pas semer de blé<br />

parce que les insectes le dévoreront et que les grains qui leur<br />

échapperont tomberont en poussière entre les mains de celui qui<br />

froissera l'épi.<br />

De semblables passages sont de nature à produire et ont déjà<br />

produit en effet de funestes impressions, particulièrement sur les<br />

populations des communes rurales ; ils pourraient même dans un<br />

temps de disette compromettre la tranquillité publique.<br />

\verso] L’une de ces relations, imprimée à Angers par la veuve<br />

Pignet-Chateau, rue S‘ Gilles n" 14, porte qu’un Archevêque et<br />

deux Evêques se sont saisis de ce prodige et en ont inform é la<br />

Cour de Rome. Vous y êtes désigné, Monseigneur, comme étant<br />

l’un des Prélats dont on prétendrait s’autoriser pour mieux répandre<br />

la gravure et les relations dont il s’agit.<br />

Vous apprécierez comme moi, Monseigneur, le danger de ces<br />

publications et vous ne permettrez pas qu’on les place en quelque<br />

sorte sous vos auspices ; mais il importerait, vous le comprendrez,<br />

d ’arrêter très promptement le progrès du mal, en faisant connaître<br />

la vérité aux populations, et de déjouer de coupables manœuvres<br />

dont le succès est d ’autant plus facile qu’elles s’adressent à leurs<br />

sentimens religieux.<br />

92


13 juin 1847 Doc. 192<br />

Je vous prie, Monseigneur, de vouloir bien me faire connaître<br />

la suite que vous aurez donnée à la présente communication.<br />

Agréez...<br />

Le Garde des Sceaux,<br />

Ministre de la justice et des cultes<br />

Hébert<br />

Dimanche 13 juin 1847<br />

192. LETTRE DE MGR DE BRUILLARD à l’abbé Mélin<br />

Original entièrement de la main de l’évêque : EG 107.<br />

Grenoble 13 juin 1847<br />

Etienne a reçu votre envoi (1) ! Merci ! Si vous avez fait<br />

quelque dépense, elle vous sera remboursée. Scribe, et omnia<br />

reddentur tibi (2).<br />

Les deux tiers de notre Maîtrise de la cathédrale partent ce<br />

soir pour la Sal/ette. M. Berlioz (3) est à la tête de la jeune et<br />

toute bonne caravanwe. La 1èr' étappe est Laffray.<br />

Je compte donner la confirmation à N' Dame (4) le 5e<br />

dimanche. Je ne vous oublierai pas, s’il y a lieu. Parlez-en à<br />

M' Gerin (5) qui se propose, je crois, de faire prochainement le<br />

pieux pèlerinage.<br />

Si vous recevez les ecc[lésiasti]ques qui se présentent (et en si<br />

grand nombre) vous courez à la banqueroute ; et in hoc non<br />

laudo (6). Que ne faites-vous connaître avec simplicité votre<br />

pénurie, votre état de gêne, le grand nombre des visiteurs. Qu’ils<br />

se présentent dans les hôtelleries ; ils n ’éprouveront pas le refus<br />

qu’éprouva à Bethléem la stc famille.<br />

Oui, l’apparition grandit sensiblement. Exultât ut gigas (7).<br />

A l’occasion de l’apparition de la Sal/ette, je viens de recevoir<br />

une lettre et une brochure Italiennes qui relatent une apparition<br />

du même genre. Elle a eu lieu en Piémont, dans l’année 1639. 1<br />

(1) Deux bouteilles d’eau de la Salette, destinées à l’évêque. L’eau « a été puisée,<br />

hier, à la fontaine, par un vieillard de 75 ans, mon paroissien, qui est un saint, et que j’ai<br />

envoyé sur les lieux de l’apparition, pendant neuf jours de suite, pour y prier ». (Doc. 185 :<br />

lettre de Mélin à l’évêque, 9 juin 1847.)<br />

(2) Ecrivez, on vous remboursera tout.<br />

(3) Louis Berlioz, à ne pas confondre avec J.-B. B. (cf. supra, doc. 178, note 4.).<br />

(4) La cathédrale de Grenoble.<br />

(5) Le curé de la cathédrale, auquel l’abbé Mélin pourra exposer les besoins de l’église<br />

de Corps en linges d ’autel, besoins dont il avait été question dans une précédente lettre de<br />

ce dernier à l’évêque (doc. 187).<br />

(6) Cf. I Cor., XI, 22 : « sur ce point, je ne vous loue pas ».<br />

(7) Cf. Ps 18, 6 (d’après la Vulgate) : « Exultavit ut gigas », le soleil « s’est élancé<br />

comme un géant ».<br />

93


Doc. 192<br />

<strong>Documents</strong><br />

Une belle église et un pèlerinage accrédité en ont été l’heureux<br />

résultat (8).<br />

Le bien opéré à Corps et qui est en progrès doit vous consoler<br />

de bien des amertumes.<br />

Le rhume persévère ; mais je bois autre chose que de la<br />

tisane (9). Je dois donner la conf[irmatio]n dans plusieurs églises<br />

du voisinage avant de faire la clôture par le canton de S. Laurent<br />

du Pont et par la Chartreuse.<br />

Recevez la nouvelle assurance de mon tendre attachement.<br />

[...]<br />

tPHILIBERT] Evêque de Grenoble<br />

193. RÉPONSE DE MGR DE BRUILLARD AU MINISTRE<br />

HÉBERT, Garde des Sceaux et Ministre de la Justice et des Cultes<br />

Brouillon de la main de l’abbé Auvergne, pro-secrétaire à l’évêché (1 p.<br />

19 cm x 14) : EGD 53, reproduit dans les Annales, octobre 1882, p. 258, et<br />

dans Bertrand, p. 26-27.<br />

Date. D ’après le contexte, la réponse dut être envoyée vers le 14 juin.<br />

Note. Rappelons que les craintes exprimées par le parquet d’Angers sont<br />

devenues, dans les bureaux du ministère de la Justice, des faits réels (*). Le<br />

ministre des Cultes, qui est en même temps celui de la Justice, ayant écrit en ce<br />

sens à l’évêque de Grenoble, celui-ci répond dans la présente lettre qu’avant de<br />

porter une appréciation sur une affaire aussi grave, il y a lieu de s’informer<br />

sérieusement. Pour sa part, il tient « les oreilles et les yeux ouverts ».<br />

Mg' [?]<br />

J ’ignore si un arch[evêque] et un év[êque] (1) ont informé la<br />

Cour de R[ome] de l’év[énement] de la Salette] par[oisse] située<br />

à 60 kilomètres] de Gfrenoble] ; pour moi je suis ent[ièremen]t<br />

étranger] à la com[municati]on d[on]t il s’agit, si tout[e]f[ois] elle<br />

a eu lieu : je ne crois pas.<br />

Je n ’ai aut[ori]sé ni grav[ure] ni relation] ou notice sur<br />

l’app[arition]. J ’ai même défendu à l’imprim[eur]-libraire de<br />

l’Evêch[é] sur lequel seul j’ai autorité de rien pub[lier] à cet<br />

ég[ard] et j’ai acq[uis] la certit[ude] qu’il s’est conformé à mes<br />

intent[ion]s (2).<br />

(8) Ce pèlerinage se trouve à Savigliano, dans la province de Cuneo. Le 23 novembre<br />

1639, la Vierge avait rendu la santé à une mère de famille, qui souffrait de dépression (cf.<br />

la lettre de Don Andrea Denina, chanoine de la collégiale de S. Andrea, Savigliano, 10<br />

juin 1847 ; original : EG 139 )<br />

(9) L’évêque veut dire qu’il boit de l’eau de la Salette.<br />

(*) Voir doc. 166, note 2.<br />

(1) Cf. doc. 166, note 5.<br />

(2) L’évêque se trompe sur ce point, du moins si l’adresse bibliographique indiquée<br />

dans HECHT, p. vi, à propos de la brochure Notre Dame et deux bergers des Alpes est<br />

exacte : l’imprimeur de l’évêché était en effet la maison Baratier frères : cf. l’introd. au<br />

doc. 194, avec la note.<br />

94


14 juin 1847 Doc. 194<br />

A peine instruit des bruits répandus sur l’évén[ement] j’ai<br />

adressé à mon clergé une circulaire (3), dans laq[uelle] je lui ai<br />

rappel[é] l’art[icle] de mes Statuts synodfaux] qui défjend] de<br />

pubflierj sans autorisation] expres[se] aucun miracle nouv[eau],<br />

et tous, à l’exception d ’un seul imprud[ent] (simple prêt[re]<br />

habitué) (4) ont entendu la v[oix] de leur évfêque].<br />

Cependant] la ch[ose] est grave. Aussi ai-je les or[eilles] et<br />

les yeux ouverts sur tout ce qui se dit se fait et arrive[?].<br />

A mon retour d’une long[ue] tournée diocésaine, je viens<br />

d ’app[rendre] que par l’ord[re] de l’aut[orité] supérieure] M. le<br />

juge de p[aix] du cant[on] de Corps av[ai]t fait subir un très long<br />

interrogfatoire] aux 2 petits berg[er]s qui dans leurs réponses,<br />

m ’a-t-on assuré, ont montré une candeur et une assur[an]ce<br />

imperturbables (5).<br />

Agréez<br />

Lundi 14 juin 1847<br />

194. LAURENZ HECHT. Geschichte der Erscheinung der seligsten<br />

Jungfrau zweien Hirten-Kindem a u f dem Berge von Salette, in<br />

Frankreich, den 19■ Herbstmonat 1846, entnommen aus zwei<br />

franzôsischen, zuverlàssigen, brieflichen Berichten, nebst einer<br />

Vorrede von P. Laurenz Hecht, Professor und Kapitular des Stifts<br />

Einsiedeln. M it einer lithographischen Abbildung der Erscheinung<br />

Einsiedeln, Gebrüder K. und N. Benziger, 1847. 60 p. front. 14,5 cm.<br />

L'auteur. Le Père Laurenz Hecht, bénédictin de l’abbaye d’Einsiedeln en<br />

Suisse, a publié plusieurs brochures sur la Salette. Il mourut en 1871.<br />

Date. Le 14 juin est la date de la préface.<br />

Sources. L’auteur connaît diverses relations. Il mentionne expressément Notre<br />

Dame e t deux bergers des Alpes (Grenoble, Baratier frères, 1847, 12 pages) (*)<br />

et la brochure éditée par Bouasse-Lebel (doc. 127). Reprochant à ces deux<br />

publications leur anonymat, il déclare vouloir décrire l’apparition d’après deux<br />

sources identifiables : la relation Maury (doc. 148), qui forme la base de son<br />

récit, et une relation rédigée début février à Grenoble et présentée à Mgr de<br />

Bruillard en raison de sa remarquable exactitude. Un secrétaire de l’évêché en<br />

aurait envoyé une copie à un de ses amis (cf. H e c h t, p.v-viii) : il pourrait s’agir<br />

de la relation Dumanoir ou Auvergne (doc. 124, 125) ou, tout simplement, de<br />

la relation Morel (doc. 28 bis) faite en novembre 1846 et largement répandue.<br />

N ote critique. Rendant compte avec éloge de la quatrième édition du livre<br />

(Einsiedeln 1848), Rousselot signale toutefois qu’il rapporte quelques guérisons<br />

peu sûres (guérisons qui seraient arrivées à Ambel, Saint-Michel, Saint-Baudille,<br />

(3) Doc. 3.<br />

(4) Nous ignorons de qui il s’agit.<br />

(5) Interrogatoire du 22 mai (cf doc. 169 et 170).<br />

(*) D ’après le titre, il devrait s’agir du doc. 71, édité à Paris en février 1847. La<br />

maison grenobloise indiquée par Hecht a peut-être simplement vendu la brochure, sans la<br />

réimprimer pour son propre compte.<br />

95


Doc. 194<br />

<strong>Documents</strong><br />

Mens). Rousselot excuse l’auteur, qui a travaillé « à cent lieues du théâtre de<br />

l’événement, et d’après les rapports de témoins qui, dans un séjour de quelques<br />

heures, ou tout au plus de quelques jours sur les lieux, avaient accueilli trop<br />

légèrement tout ce qui paraissait se rattacher au grand Fait de l’apparition »<br />

{Nouveaux documents, p. 107). — La même remarque vaut pour l’édition de<br />

juin 1847.<br />

Ci-dessous nous reproduisons un détail propre au P. Hecht. A la fin du<br />

récit, après avoir rapporté l’interdiction de révéler le secret, Hecht ajoute :<br />

TRADUCTION<br />

[p. 26] Im Augenblicke, als sie sich<br />

von ihrem Sitze erheben woilte, fragte<br />

sie noch [p. 27] die Kinder : « Meine<br />

Kinder, habet ihr viel Wasser zu<br />

trinken ? » Der Knabe antwortete :<br />

« Nein, nicht viel ». « Nun denn »<br />

erwiederte die Frau, « von nun an<br />

wird es auch am Wasser nicht<br />

mangeln. »<br />

Au moment où elle voulut se lever<br />

de son siège, elle demanda encore<br />

aux enfants : « Mes enfants, avezvous<br />

beaucoup d’eau à boire ?» Le<br />

garçon répondit : « Non, pas beaucoup.<br />

» « Alors », répondit la Dame,<br />

« dorénavant l’eau ne manquera pas<br />

non plus. »<br />

195. LETTRE DE L’ABBÉ LOUIS PERRIN, curé de la Salette, à<br />

Mgr de Bruillard<br />

Original (3 p. 25 cm x 19,5) : EGD 54. Le corps de la lettre semble écrit<br />

de la main de l’abbé Jacques-Michel P., frère du curé. Au sommet de la première<br />

page, on lit l’annotation : « Répondu le 19 juin ».<br />

Note. Cette lettre contient la plus ancienne trace qui nous reste du désir des<br />

autorités locales de voir un lieu de culte établi sur la montagne.<br />

Monseigneur,<br />

[...(p. 2)...] Sans doute, Monseigneur, que Votre Grandeur<br />

est informée que le nombre des pèlerins, riches et pauvres, de<br />

tous les points de la France, même de l’étranger, va toujours<br />

croissant. On désire ardemment l’approbation de Monseigneur sur<br />

la vérité de ce fait. On demande avec instance, au moins pour le<br />

moment, la construction d ’un petit oratoire où l’on pourrait<br />

célébrer les Saints Mystères, se conformer aux intentions des fidèles<br />

dans leurs dons particuliers, surtout faire participer aux Sacremens<br />

tant de personnes qui le désirent.<br />

Par respect pour l’autorité, Monseigneur, j’ai cru prudent de<br />

demeurer jusqu’ici dans une inaction complète, ne paraissant pas<br />

sur la montagne les jours des plus grands concours. Ainsi le lundi<br />

de la Pentecôte où plus de 3 000, et le trente et un mai où plus<br />

de 3 000 pèlerins étaient réunis, on demanda souvent le Pasteur<br />

du lieu. Je dois encore prévenir Votre Grandeur que, bien que<br />

dans le tenu elle eût donné ordre d ’attendre, un tronc cependant<br />

a été placé au lieu de l’apparition par ordre de Mr le Maire, cédant<br />

96


26 juin 1847 Doc. 200<br />

en cela à l’urgente nécessité. Car les Pèlerins jetaient avec générosité<br />

leurs offrandes d ’abord sur la terre, sur la neige, ensuite sur une<br />

petite planche, aujourd’hui ils les jettent avec plus de sûreté dans<br />

ce tronc qui est vidé tous les soirs par une personne de confiance.<br />

Déjà 4 à 5 cents francs ont été recueillis. Le conseil de fabrique<br />

conserve [p. 3] soigneusement ces offrandes pour la construction<br />

d ’une chapelle dans le cas où Sa Grandeur permettrait plus tard<br />

de l’élever.<br />

Je supplie très humblement Monseigneur de m ’honorer de<br />

quelques mots de réponse sur ce que sa grande prudence pourrait<br />

prévoir touchant cette affaire, sur les offrandes recueillies, sur la<br />

conduite à tenir par le Pasteur, qui ne cesse d ’adresser à Notre-<br />

Dame de la Salette des vœux empressés pour la conservation de la<br />

parfaite santé de son évêque, si respecté, si béni du clergé et du<br />

peuple.<br />

C’est avec le plus profond respect que j’ai l’honneur...<br />

Pe r r in , curé.<br />

La Salette-Fallavaux, 14 juin 1847.<br />

Samedi 26 juin 1847<br />

200. ARTICLE DU PATRIOTE DES ALPES, de Grenoble,<br />

p. 2c-3a (BMG)<br />

Note. Le mardi précédent, le journal a de nouveau attiré l’attention de ses<br />

lecteurs sur l’apparition (*). Dans le numéro du 26 juin, il publie une lettre<br />

écrite par l’un d’entre eux. Celle-ci offre un double intérêt en ce qui concerne<br />

notre connaissance des pèlerinages : elle nous fait connaître d’abord ce que pense<br />

des pèlerinages un habitant de la région de la Salette, teinté de rationalisme ;<br />

elle nous renseigne ensuite sur la grille de lecture à travers laquelle il regarde le<br />

mouvement religieux né de l’apparition.<br />

[p. 2] Nous ne savons jusques à quand le ministère public<br />

restera spectateur impassible des escroqueries de la Salette ; mais<br />

en attendant, ce fléau vient s’ajouter déplorablement, dans nos<br />

campagnes, aux misères que cet hiver leur a léguées. Vainement<br />

l’état des récoltes est là pour faire mentir l’immorale prédiction<br />

propagée par quelques fripons : quoique les enfants au-dessous de<br />

sept ans n ’aient pas encore été frappés, que les blés ne soient pas<br />

tombés en poussière ni les pommes de terre en pourriture, et<br />

qu’on ait bien fait de ne pas suivre l’infâme conseil de ne plus<br />

confier aucune semence à la terre, on est malheureux, on est<br />

(*) Rapportant que des imprimeurs avaient subi « des condamnations sévères » à<br />

Angers pour avoir contrevenu aux lois sur la presse en imprimant des textes sur la Salette,<br />

le Patriote du 26 juin avait exprimé le souhait que l’on punisse « les escrocs qui exploitent<br />

une imbécile crédulité en vendant, à haut prix, l’eau de la Salette, et en débitant, à<br />

l’appui de ses merveilles, d’apocryphes récits et de mensongères images » (doc. 198).<br />

97


Doc. 200<br />

<strong>Documents</strong><br />

souffrant, et, l’esprit affaibli, l’imagination exaspérée par le jeûne<br />

et les privations, on use de ses dernières ressources, on fait argent<br />

de tout, pour aller chercher au loin une guérison mensongèrement<br />

promise ; puis, l’on revient plus malade et plus pauvre que jamais,<br />

avec la souillure morale d ’une croyance qui dégrade la Vierge et<br />

les saints jusqu’à en faire les émules du sorcier de campagne et de<br />

la tireuse de cartes.<br />

Voici ce que nous écrit à ce sujet une personne grave qui<br />

habite tout près des lieux si lucrativement exploités par d ’effrontés<br />

thaumaturges :<br />

A M. le rédacteur du Patriote des Alpes.<br />

« Monsieur,<br />

« Où allons-nous en politique, en religion, en moralité, en ce<br />

qui concerne le soulagement des misères du peuple ? Il semble<br />

que nous allons mal.<br />

« Pour le prouver, j’aurais bien des faits à citer ; je n ’en<br />

prendrai qu’un, le miracle de la Salette. Vous l’avez qualifié de<br />

chose absurde et stupide ; cela ne l’a pas empêché de s’implanter<br />

dans bien des têtes et de mettre nos populations en campagne.<br />

« Avec ce miracle, où allons-nous en politique ? La politique,<br />

pensez-vous, n ’a rien à faire ici : je le désire vivement, mais je ne<br />

suis pas convaincu. Serait-il vrai qu’on a donné 16 000 fr. pour<br />

faire un chemin de Corps au lieu où la Vierge a dû mettre le<br />

pied (1) ? C’est un on dit ; mais s’il était vrai, que penser d ’une<br />

politique qui exploiterait ainsi le mensonge religieux et les instincts<br />

grossiers et superstitieux qui ont ruiné et abêti, au physique et au<br />

moral, des nations grandes autrefois ? Si cela était, où irions-nous<br />

avec cette politique ?<br />

« Et en religion ? Il est clair que la religion doit présenter<br />

dans ses enseignements ce qu’il y a de plus sensé, de mieux<br />

prouvé : sans cela, elle fait de l’homme éclairé un incrédule, et<br />

de l’ignorant un fanatique. Or, le miracle de la Salette est-il bien<br />

sensé, bien prouvé ? Ne mérite-t-il pas, au contraire, vos épithètes<br />

d ’absurde, de stupide ? Nous prend-on pour des imbéciles, en<br />

voulant nous faire croire à une pareille chose sur le témoignage de<br />

deux enfants mystificateurs ou mystifiés, et sur les plates relations<br />

qu’on en débite ? Et quand on voit des prêtres propager sous<br />

main cette impiété, n ’a-t-on pas raison de se demander où l’on<br />

veut nous mener en religion ? 1<br />

(1) Rappelons qu’à l’époque il n ’existait sur tout le territoire de la commune de la<br />

Salette-Fallavaux aucune route. Le 24 janvier 1847, le conseil municipal avait demandé<br />

qu’on rende carrossable le chemin reliant la commune à Corps et au reste du monde (cf.<br />

LSDA I, p. 2).<br />

98


26 juin 1847 Doc. 200<br />

« Pour ce qui est de la moralité, le mensonge ne peut mener<br />

à un but moral que d ’après les idées de ceux qui ont osé soutenir<br />

que la fin justifie les moyens ; mais tous les hommes droits<br />

devraient s’entendre pour faire rentrer sous terre cette maxime<br />

infernale.<br />

« On crie contre la corruption, plaie hideuse qui ronge le<br />

corps social : y portera-t-on remède en corrompant la religion ?<br />

On s’élève contre la passion des intérêts matériels : la détruira-ton<br />

par l’emploi de moyens qui révèlent un sordide intérêt, par ce<br />

détestable trafic d ’eau et de messes échangées contre l’argent, et,<br />

au besoin, les bijoux que l’on porte ? Ce qui fait penser que si le<br />

Christ venait là, il aurait bien des marchands à chasser du temple.<br />

On tonne contre l’incrédulité, à laquelle on attribue nos [p. 3]<br />

dérèglements ; nous fera-t-on croire, en offrant à notre foi<br />

d ’immorales inepties ?<br />

« Et, enfin, le soulagement du peuple, où se trouve-t-il en<br />

tout cela ? Contemplez le tableau suivant, et jugez : voyez passer<br />

par milliers, des enfants, des jeunes filles, des femmes âgées,<br />

quelques hommes, des infirmes, des malades ; voyez sur leurs<br />

visages l’empreinte ou de la souffrance, ou d’un sombre fanatisme ;<br />

tous, d’un ton lugubre, répètent, en haletant, des litanies. On se<br />

croirait reporté au moyen âge, au milieu d ’une troupe de flagellants.<br />

Cet hiver, ces malheureux trouvaient, dans les montagnes, des<br />

neiges jusqu’à la ceinture : l’un se cassait la jambe dans une<br />

fondrière ; une hydropique, rentrée chez elle, y mourait par suite<br />

de ses fatigues (2). Cet été, pendant le jour, voyez-les couverts de<br />

sueur, étendus le long des chemins ; la nuit, le froid les saisit au<br />

sommet de la montagne, où ils sont obligés de coucher en plein<br />

air. Arrivés à la Salette, des milliers s’y disputent un peu d’eau<br />

bourbeuse à la source épuisée.....<br />

« Ce que leur coûtent le voyage et les offrandes ; le temps<br />

qu’ils perdent ; les travaux, le ménage qu’on néglige ; la santé<br />

que les bien portants compromettent ; la maladie que les infirmes<br />

aggravent, comme cela est arrivé à quelqu’un non loin d’ici, qui<br />

est allé, ayant mal à une jambe, et est revenu ayant mal à toutes<br />

deux ; puis le fanatisme qui s’excite ; les miracles dont ils<br />

remplissent leurs pauvres têtes, tels que l’eau de la Salette changée<br />

en vin ; le grand serpent de feu ayant pieds et mains, et tombant<br />

du ciel sur des mécréants qui plaisantaient une troupe de pèlerins,<br />

et le verre qui s’est cassé dans la main d ’un moqueur : voilà, avec<br />

une bouteille d ’eau, le soulagement qu’ils trouvent à leurs misères,<br />

et le clergé ne dit, ne fait rien pour mettre fin à de pareilles<br />

(2) Lors du pèlerinage du 28 novembre 1846, un homme s’était blessé à la jambe et<br />

une femme, nommée par les récits « l’hydropique du Dévoluy », suspendit à la croix de<br />

l’apparition la petite croix qu’elle portait au cou (cf. LSDA I, p. 160).<br />

99


Doc. 200<br />

<strong>Documents</strong><br />

choses ! Il ne lui suffit pas d ’avoir Notre-Dame du Laus (*), où,<br />

dernièrement, en un seul jour, 42 communes se trouvaient réunies ?<br />

Serait-il tout entier devenu sicut ac cadaver (**) ?<br />

« Pour moi, monsieur le rédacteur, j’ignore ce que vous ferez<br />

de ma lettre, mais j’ai accompli un devoir sacré en dévoilant des<br />

oeuvres de ténèbres ; à d ’autres le soin de les soutenir, s’ils en ont<br />

le courage.<br />

« J’ai l’honneur d ’être etc.<br />

Lundi 28 Juin 1847<br />

« un de vos abonnes »<br />

203. LETTRE DE MGR DE BRUILLARD A L’ABBÉ MÉLIN<br />

Original entièrement de la main de l’évêque : EG 107.<br />

Note. Cette lettre illustre parfaitement les relations empreintes de familiarité,<br />

entre l’évêque de Grenoble et le curé de Corps.<br />

Grenoble, le 28 Juin 1847<br />

Il faut de toute nécessité, mon cher pasteur, que la peine des<br />

porteurs de l’eau privilégiée soit reconnue. Que vous doit Etienne ?<br />

Je suis un p etit consommateur, parce que je la bois avec infusion<br />

d ’un autre liquide. C’est ainsi que je l’ai employée avec succès<br />

dans ma grande tournée.<br />

Je conviens que l’usage inconsidéré qu’en a fait M. Gerin lui<br />

aurait nui s’il n ’avait bu que l’eau des sources profanes (1).<br />

Nos enfants de choeur sont rentrés joyeux et contents.<br />

Maximin, m’a-t-on dit, aurait bien désiré les accompagner (2).<br />

Nous nous concerterons avec Mr le Curé pour vous faire un<br />

envoi (3). Il ne sera pas à l’égal de nos désirs. Il ne me reste<br />

presque rien. J ’ai eu à pourvoir bien des pasteurs appelés<br />

catholiques.<br />

Vos aubergistes doivent être en hausse, et vous en baisse.<br />

Soyez prudent et ne vous endettez pas.<br />

Vérifiez les guérisons, et procès-verbal signé de plusieurs<br />

personnes me sera envoyé.<br />

[verso] Est-il vrai qu’une jeune fille perdue de ses jambes ait<br />

été guérie après avoir trempé ses pieds dans l’eau de la fontaine<br />

(*) Pèlerinage marial situé dans le diocèse de Gap.<br />

(**) Comme un cadavre. Allusion à la formule « perinde ac cadaver », par laquelle<br />

saint Ignace de Loyola exprime l’obéissance parfaite.<br />

(1) Le 26 juin, l’abbé Mélin avait écrit à l’évêque que le curé de la cathédrale, arrivé<br />

à la source de l’apparition « tout écumant de sueur », but plusieurs verres « de cette eau<br />

glaciale » (doc. 201).<br />

(2) Sur le pèlerinage des enfants de chœur de la cathédrale et celui de l'abbé Gerin,<br />

son Annales, novembre 1907, p. 501-503.<br />

(3) Il s’agit d’un envoi de linges sacrés pour la sacristie de l’église de Corps<br />

(cf. doc. 202).<br />

100


28 juin 1847 Doc. 203<br />

ou du ruisseau, et qu’en reconnaissance la mère ait suspendu la<br />

chaîne d’or de sa fille à l’une des croix (4) ?<br />

Deo adjuvante et protegente Dei-parâ (5) j’ai donné, hier<br />

matin, la confirmation dans une paroisse rurale, et après l’office<br />

du soir, à la Cathédrale.<br />

Toujours tout à vous en N.S.<br />

fPHJILIBERT] Evêque de Grenoble<br />

28 juin 1847<br />

A m énagem ent des lieux de L’a ppa ritio n. Le curé de la Salette érige un<br />

chemin de croix le long du chemin parcouru par la Dame. Parmi les quatorze<br />

croix, trois, qui sont plus grandes, marquent l’emplacement de la vision du<br />

début, de la conversation et de l’assomption (*).<br />

Le curé fait placer un tuyau, destiné à recueillir l’eau de la source de<br />

l’apparition (**).<br />

Vendredi 2 juillet 1847<br />

Événem ents. Guérison, à la Salette même, de Sylvie Julien, originaire de<br />

Lincel, Alpes-de-Haute-Provence. Depuis l’âge de huit ans, elle était atteinte<br />

d’une affection nerveuse. Dossier : doc. 224 bis, 229 bis, 232 bis ; cf. Vérité,<br />

p. 143-145 ; GlRAY II, p. 303. Rousselot mentionnera cette guérison dans son<br />

Rapport d’octobre 1847 (doc. 310).<br />

Ce même jour, l’abbé Isidore Mounier (1806-1862), prêtre du diocèse de<br />

Grenoble, interroge les deux voyants sur l’attitude du chien de Maximin pendant<br />

l’apparition (lettre Mounier à Rousselot, 3 octobre 1851, EGD 86, éditée dans<br />

BASSETIE, p. 241-242).<br />

Par une circulaire datée du 2 juillet, l’évêque de Versailles met en garde<br />

contre des écrits « annonçant des visions et proclamant des miracles », qui circulent<br />

dans le diocèse sans aucune approbation de sa part (A m i de la religion, t. 134,<br />

p. 365-366, n° du 12 août 1847).<br />

(4) Le 1" juillet, Mélin répondra à la question : « J’ai vu, il y a 12 ou 15 jours, une<br />

jeune fille marchant avec le parasol de sa mère, qui la tenoit par la main. Elle boitoit<br />

encore ; mais sa mère me dit qu’elle avoit trouvé un grand changement dans l’infirmité de<br />

sa fille. En signe de reconnaissance, la béquille dont elle se servoit a été attachée à l’une<br />

des croix, avec une belle chaîne en or de la mère » (doc. 205). — Il s’agit sans doute de<br />

Louise Almaric, de Saint-Michel, Alpes-de-Haute-Provence, « âgée de vingt-cinq ans,<br />

atteinte de chlorose avec cortège de symptômes nerveux, affectant tantôt l’estomac, tantôt<br />

la tête » (Vérité, p. 145 ; cf. aussi GlRAY II, p. 302). Rousselot mentionnera cette guérison<br />

dans son rapport d ’octobre 1847 (doc. 310, note 29).<br />

(5) Avec l’aide de Dieu et la protection de la Mère de Dieu.<br />

(*) D ’après PERRIN, n° 522, l’érection du chemin de croix eut lieu vers la Saint-Jean<br />

(24 juin). Cependant l’abbé Dombey, dans une lettre écrite à la suite de son pèlerinage<br />

du 27 juillet (doc. 286), parle du chemin de croix comme d ’un projet à réaliser dans<br />

l’avenir ; mais peut-être pense-t-il à un chemin de croix en matière plus noble que de<br />

simples morceaux de bois. En tout cas, l’érection eut lieu avant le 26 août, jour de la<br />

visite de Rousselot (doc. 310, p. 3 = Vérité, p. 37 ; cf. aussi le doc. 256 bis et la lettre de<br />

l’abbé Louis Perrin au Père Bossan, 5 mai 1863, MSG).<br />

(**) Doc. 484 ; doc. 401, p. 81 ; la lettre de l’abbé Louis Perrin (vers 1862-65 ?)<br />

MSG, Perrin, n° 891.<br />

101


Doc. 207<br />

<strong>Documents</strong><br />

Après le 3 juillet 1847<br />

* 207. RÉPONSE DE L’ABBÉ MÉLIN à la lettre de Mgr de<br />

Bruillard, datée du 3 juillet 1847 (doc. 206).<br />

Original (1 f. 30 cm x 20,5) : EGD 57. La signature et la date manquent :<br />

elles devaient figurer sur une feuille perdue. — Extraits dans Annales, septembre<br />

1907, p. 441-442 ; mars 1910, p. 314 ; Ba ssetie, p. 71-72.<br />

Note. L’évêque avait demandé des renseignements sur les guérisons attribuées<br />

par le chanoine Bez (doc. 184) à l’eau de la Salette.<br />

Monseigneur,<br />

Je remercie Votre Grandeur de la somme de 30 fr qu’elle a<br />

mise à ma disposition, pour les pauvres, par sa lettre du 3 juillet ;<br />

ce qui touche au bonheur de mes paroissiens, m ’est toujours bien<br />

précieux. Je les ferai prendre à la première occasion.<br />

Les guérisons attribuées à l’eau de la Salette, dans la brochure<br />

de Mr Bez, sont vraies, mais un peu chargées, dans certaines<br />

circonstances. Je ne parle que de celles qui sont arrivées sur les<br />

lieux ; les autres relatées dans le même ouvrage, qui se sont opérées<br />

au loin, me sont inconnues, à l’exception de celle, si extraordinaire,<br />

de la bonne Sœur hospitalière d ’Avignon, dont j’ai eu l’honneur<br />

d ’informer Sa Grandeur (1).<br />

Les témoignages auxquels Monseigneur doit le plus s’arrêter<br />

sont ceux des personnes, venues sur les lieux de l’événement.<br />

Plusieurs déjà ont passé devant Votre Grandeur, pour lui faire<br />

part de leurs impressions de voyages, de leurs sentiments de piété<br />

et de confiance pour la Ste montagne ; de leurs convictions prises<br />

sur le théâtre du prodige, par l’inspection des lieux, l’audition<br />

des témoins. C’est là, Monseigneur, cette uniformité dans l’esprit,<br />

l’âme, le cœur des pèlerins de tout rang, de tout sexe et de tout<br />

pays qui m ’a le plus frappé ; et je suis sûr, que Votre Grandeur,<br />

après un sentiment de surprise, en a été ravie et heureuse de<br />

bonheur.<br />

[verso] Les travaux des champs n ’ont pas arrêté le pèlerinage<br />

de la Salette ; je ne crois pas qu’il y ait un tel concours dans<br />

aucun sanctuaire à Marie, ni dans le diocèse, ni dans les environs.<br />

Cette gorge est traversée, tous les jours, par un grand nombre de<br />

personnes, qui débouchent sur la montagne, avec d ’autres pèlerins,<br />

qui y arrivent par plusieurs avenues. On y prie, on y chante, on y<br />

pleure, à chaque heure du jour.<br />

Nous venons d ’avoir une preuve évidente de l’heureuse<br />

influence de l’Apparition dans toute la contrée. St-Jean des<br />

Vertus (2), pèlerinage de foi et de miracles, comme semble 1<br />

102<br />

(1) Par une lettre datée du 29 avril (doc. 146).<br />

(2) Le nom officiel de la commune est « Côtes-de-Corps ».


19 juillet 1847 Doc. 213<br />

l’indiquer son nom, étoit chaque année témoin de désordres et de<br />

scandales, pour sa fête patron»ale, 24 juin. Cette année elle s’est<br />

célébrée très-religieusement, sans le moindre bruit, et il y avoit<br />

beaucoup plus de monde, sur la montagne, qu’à St-Jean. Ils y<br />

étoient allés pour se soustraire au désordre et pour prier.<br />

Restoit la St-Pierre (3), de si triste et de si célèbre mémoire<br />

pour la danse, l’ivrognerie, le bruit assourdissant des instruments,<br />

et le jour et la nuit, et la veille'et le lendemain. Cette année,<br />

tout s’est passé à l’Eglise ; pas un seul coup d ’archet n ’a été<br />

entendu ; inutile d’ajouter que pas une seule personne n’a dansé.<br />

Ce qui m’a le plus touché, c’est la joie où ils étoient tous d ’avoir<br />

bien fait ce jour-là ; c’étoit pour moi une preuve que leur conduite<br />

étoit basée sur la conviction la plus profonde, et qu’elle seroit de<br />

longue durée ; Dieu le veuille et que Marie nous soit en aide !<br />

9-10 juillet 1847<br />

ÉVÉNEMENTS. Début de la campagne des banquets, qui aboutira au renversement<br />

de la Monarchie de juillet. — A la Salette, guérison de Paul Reynier, de<br />

Forcalquier, Alpes-de-Haute-Provence. Agé de cinquante-cinq ans, perclus depuis<br />

vingt-quatre ans, ayant une tumeur à la hanche droite, il ne marchait que<br />

péniblement, avec le secours d’une béquille. Dossier : EG 38 et 119 ; Vérité,<br />

p. 145-146 ; G iray II, p. 302-303. La date du 9-10 juillet est celle indiquée par<br />

Giray. Selon Rousselot, la guérison aurait eu lieu le 9 juin précédent.<br />

Lundi 19 juillet 1847<br />

213. ORDONNANCE DE MGR DE BRUILLARD, nommant les<br />

chanoines Rousselot et Orcel commissaires délégués<br />

Brouillon de la main de l’abbé Chamard, secrétaire de l’évêché : EG 137.<br />

— Minute dans le registre EG « Actes officiels », 1844-1852, p. 123. — Expédition<br />

signée par l’évêque, écrite et contresignée par l’abbé Chamard (1 f. 28 cm x<br />

19,5) : EGD 58. — Publiée dans les Nouveaux documents, p. 18-20.<br />

Note. Cette ordonnance est le premier acte officiel de l’autorité diocésaine<br />

depuis les consultations de décembre 1846. L’expédition porte la date du 19<br />

juillet. L’après-midi de ce jour, Mgr de Bruillard avait reçu la visite de Mgr<br />

Villecourt, évêque de la Rochelle (VlLLECOURT, p. 80), qui avait des connaissances<br />

sur la procédure canonique en matière de reliques et de miracles. — Partis de<br />

Grenoble le 27 juillet, les deux enquêteurs parcoururent neuf diocèses du sudest.<br />

Ils visitèrent les lieux de l’apparition le 26 août et rentrèrent à Grenoble<br />

avant la fin du mois (doc. 310, p. 1-2 = Vérité, p. 34-35).<br />

Selon J.-P. Cartellier, l’évêque aurait choisi des commissaires délégués<br />

« croyant l’un et l’autre à la Salette » ; les commissaires se seraient contentés de<br />

(3) Il s’agit de la fête patronale de Corps et non pas de la commune de Saint-Pierrede-Méarotz,<br />

comme l’écrit à tort BASSETTE, p. 71-72.<br />

103


Doc. 213<br />

<strong>Documents</strong><br />

recueillir sur les guérisons dites miraculeuses « des renseignements toujours<br />

favorables » (Mémoire au pape, p. 33), Commentant ces assertions, Orcel observe<br />

à propos de la première « faux pour l’un du moins » (au moment de sa<br />

nomination, Orcel ne croyait pas encore à l’apparition) et à propos de la seconde :<br />

« Inexact : nous entendions ce que nous disaient les témoins, et plus d’un fait<br />

fut laissé de côté sur ce qui nous fut rapporté dans notre voyage » (Notes<br />

autographes d’Orcel sur le Mémoire au pape, p. [4-5], EG 35).<br />

Pierre-Joseph Rousselot. Né le 17 avril 1785 au Barboux (Doubs), il émigra<br />

avec sa famille vers la fin de 1792 en Suisse. L’année suivante il entra à l’école<br />

du monastère de la Val-Sainte (canton de Fribourg), tenue par les trappistes de<br />

Dom de Lestrange. Il accompagna les religieux dans leurs pérégrinations, ce qui<br />

le mena jusqu’en Ukraine. Après avoir été obligé de quitter la communauté en<br />

raison de la situation politique, il entra en 1811 dans le diocèse de Grenoble.<br />

Prêtre en septembre 1813, il enseigna au grand séminaire le dogme, de Pâques<br />

1813 — il n’était encore que diacre — à 1831, puis la morale jusqu’en 1855.<br />

Mgr de Bruillard le nomma chanoine titulaire en 1833. A partir de l’été 1847,<br />

Rousselot fut le principal conseiller de l’évêque pour tout ce qui regardait la<br />

Salette, enquêtes et fondation du pèlerinage. Il moumt le 12 août 1865 (cf. A.<br />

A uvergne, Vie de M. Rousselot, Grenoble 1866).<br />

Jacques-Philippe Orcel. Né à Dolomieu (canton de la Tour-du-Pin) le 1"<br />

mai 1805, prêtre en 1830, il fut affecté la même année comme professeur de<br />

philosophie au petit séminaire du Rondeau près de Grenoble et devint supérieur<br />

du grand séminaire en 1837, à l’âge de trente-deux ans. En décembre 1846, on<br />

rencontre pour la première fois son nom à propos de la Salette : c’est lui qui<br />

rédigea le rapport des professeurs du grand séminaire (doc. 49). Vicaire général<br />

sous les deux successeurs de Mgr de Bruillard, de 1853 à 1875, il remplit la<br />

charge de vicaire capitulaire lors de la vacance de siège consécutive au transfert<br />

de Mgr Ginoulhiac à Lyon, en 1870. Il mourut le 24 septembre 1878 (cf.<br />

Saillard, Vie de M. Jacques-Philippe Orcel, Grenoble 1879).<br />

Ci-dessous, nous reproduisons l’expédition (EGD 58). Les variantes du<br />

brouillon seront signalées en note, quand elles concernent le sens.<br />

PHILIBERT DE B r u il l a r d, par la miséricorde divine et la grâce<br />

du Saint-Sïège apostolique, Evêque de Grenoble.<br />

Vu les deux rapports qui nous ont été adressés l’hiver dernier<br />

par les deux commissions nommées par nous à cet effet, sur<br />

l’apparition de la S" Vierge à deux jeunes bergers de la paroisse<br />

de La Sal/ette, canton de Corps (1) ;<br />

Vu les immenses progrès qu’a fait cet événement dans<br />

l’opinion publique, soit aux environs du lieu dont il s’agit, soit<br />

dans les diocèses voisins et une grande partie de la France ; 1<br />

(1) Rapport des professeurs du grand séminaire et rapport des chanoines (doc. 49 et<br />

50).<br />

104


19 juillet 1847 Doc. 217<br />

Vu les procès-verbaux (2) qui nous ont été transmis (3) au<br />

sujet de beaucoup de guérisons ou étonnantes ou miraculeuses,<br />

opérées soit sur la montagne, soit ailleurs, par l’usage de l’eau de<br />

la fontaine (4) qui l’arrose ;<br />

Vu les demandes que nous recevons chaque jour de toutes<br />

parts, à l’effet d’obtenir de nous une décision sur l’événement ;<br />

Vu la conviction qu’ont éprouvée un grand nombre de<br />

personnes, prêtres et laïques, qui sont venues nous en faire part,<br />

après avoir visité les lieux et entendu les enfants, sans compter les<br />

milliers de pèlerins [verso] que nous n’avons point vus, et qui<br />

partagent la même opinion ;<br />

Considérant qu’il est de notre devoir de faire prendre des<br />

informations juridiques, tant à Corps et à La Salette, que dans les<br />

lieux où il n ’est bruit que de guérisons miraculeuses ;<br />

Nous avons nommé M. l’abbé Rousselot, professeur de<br />

théologie à notre grand séminaire, chanoine de notre cathédrale<br />

et vicaire général hon[orai]re, et M. Orcel, chanoine aux honneurs<br />

et supérieur dudit établissement, en qualité de commissaires<br />

délégués pour dresser une enquête et recueillir tous les renseignements<br />

relatifs au fait dont il s’agit. Nous les engageons à s’adjoindre<br />

les prêtres et laïques dont ils croiront la présence utile pour parvenir<br />

à la connaissance de la vérité. Ils requerront d ’une manière toute<br />

particulière l’avis des médecins qui auront traité les malades que<br />

l’on dit avoir obtenu leur guérison par l’invocation de Notre-<br />

Dame de la Salette, ou par l’usage de l’eau (5) miraculeuse.<br />

Donné à Grenoble, en notre palais épiscopal, le 19 juillet<br />

1847 (6).<br />

tPHILIBERT, Evêque de Grenoble<br />

Par M an d em en t<br />

F .F [?] CHAMARD ch an ' h r' Sre<br />

217. RELATIONS MANIN<br />

Relations inscrites par l’abbé Manin sur le « Registre de paroisse » du<br />

Monestier-d’Ambel, canton de Corps, p. 31-54 (ou 55) : registre relié en plein<br />

cuir, de 291 pages (d’après A. Beaup, Les sanctuaires du Trièves, Marseille, impr.<br />

(2) Le terme « procès-verbaux » est trop ambitieux pour désigner le style des informations<br />

reçues à l’évêché avant la mi-juillet. Dans le brouillon, une addition interlinéaire l’a<br />

remplacé par « touchants détails ». Cette correction n ’a pas passé dans l’expédition, sans<br />

doute par suite d’une distraction du copiste.<br />

(3) Dans le brouillon, on lit le mot « communiqués », qui est une addition interlinéaire,<br />

destinée à remplacer le mot « adressés », qui est inexart : les divers renseignements sur les<br />

guérisons n ’avaient en effet pas été envoyés directement à l’évêque.<br />

(4) Les mots « de la fontaine » recouvrent d'autres mots, probablement « du ruisseau »,<br />

qu’on iit dans le brouillon.<br />

(5) Le brouillon ajoute ici « dite ».<br />

(6) Le brouillon est daté du 18 juillet 1847 et non pas du 19-<br />

103


Doc. 217<br />

<strong>Documents</strong><br />

A. Robert, 1980, et d’après des notes de M. Élie Blanchard, du Monestierd’Ambel).<br />

— Copie faite en 1862 par le Père Bossan : Relations, n° 625-718.<br />

Michel Manin. Né au Bourg-d’Oisans le 4 septembre 1810, prêtre en 1834,<br />

il succéda le 1er octobre 1846 comme curé du Monestier-d’Ambel à l’abbé Louis<br />

Perrin, transféré à la Salette. Démissionnaire en 1892, il mourut le 23 juin 1906.<br />

Contenu. 1) Récit du début de l’apparition ; 2) relation Eymery (doc. 15) ;<br />

3) relation Dumanoir (doc. 124) d’après B ez ; 4 ) récits de Maximin et de Mélanie<br />

(doc. 163) d’après Bez ; 5) relation avec le patois de Corps. — Bossan a copié<br />

seulement le récit du début, la relation Eymery et la dernière relation.<br />

Note critique. A en juger d’après sa copie de la relation Eymery, Manin<br />

prend parfois des libertés avec le texte. Dans sa relation avec le patois, très proche<br />

quant à la construction et quant au sens des relations Bez et Lambert, le récit de<br />

Maximin et celui de Mélanie ne se distinguent qu’au point de vue quantitatif.<br />

Or on sait qu’en réalité chaque enfant utilisait certaines expressions qui lui<br />

étaient propres (voir en particulier le doc. 175). La date qu’on lit à la fin de<br />

cette relation (19 juillet 1847), indique vraisemblablement le jour où elle fut<br />

couchée dans le registre et non celui où Manin l’aurait entendu donner de vive<br />

voix.<br />

Mercredi 21 juillet 1847<br />

Événem ents. Pèlerinage de Mgr Villecourt, évêque de la Rochelle. Mgr<br />

Villecourt arrive à Corps vers trois heures et demi du matin, par la diligence<br />

Grenoble-Gap. En l’absence de l’abbé Mélin, il est reçu par l’abbé Chenavaz,<br />

vicaire, qui le mène au couvent des Soeurs de la Providence, où se trouvent les<br />

deux voyants. On les réveille non sans peine, en ce qui concerne Maximin tout<br />

au moins ; il « descend en geignant le rude escalier qui faisait communiquer son<br />

petit réduit avec la porte du couvent » (souvenirs d’une petite-nièce de Sœur<br />

Sain te-Valérie, dans Annales, mars 1911, p. 691). Il n’est pas encore cinq heures,<br />

quand Monseigneur se met en route pour la Salette, accompagné de son ami,<br />

l’abbé Latta, aumônier des Bénédictines de Pradines près de Saint-Symphoriende-Laye<br />

(Loire), d’un domestique, du peintre Jules Guédy, qu’il avait amené de<br />

Grenoble, et des deux enfants. Divers pèlerins se joignent à eux : un curé du<br />

diocèse de Valence, prêtre d’un âge avancé, une dame de Savoie, un jeune<br />

homme d’Angers, quelques ecclésiastiques et des habitants des environs. Au<br />

village de la Salette, l’évêque est salué par le curé. L’abbé Perrin lui montre ses<br />

notes et des bijoux laissés en ex-voto. Le maire de la commune se joint à la<br />

caravane.<br />

Arrivés aux lieux de l’apparition, les pèlerins se reposent sous quelques abris<br />

de planches, puis entendent le récit des enfants, qui se placent « à l’endroit<br />

même où ils se trouvaient pendant l’entretien que la Sainte Vierge avait avec<br />

eux » (VILLECOURT, p. 108). L’abbé Latta demande à Maximin de révéler son<br />

secret à l’évêque, mais l’enfant refuse et l’évêque l’en félicite. Mgr Villecourt<br />

fait ensuite une brève exhortation aux personnes présentes, leur disant que,<br />

« quand la Reine du Ciel daignait se montrer aux habitants de la terre, c’était<br />

toujours dans des vues de miséricorde » (ibidem , p. 111).<br />

Pendant la descente, on s’arrête de nouveau au presbytère de la Salette.<br />

Maximin profite de la halte pour grimper dans le clocher et s’asseoir à califourchon<br />

sur le joug d’une cloche, se laissant balancer pendant qu’on la sonne.<br />

106


27 juillet 1847 Doc. 217<br />

Entre la Salette' et Corps, le groupe rencontre le charron Giraud. Le<br />

domestique de Mgr Villecourt reste quelque temps avec lui, pour l’interroger sur<br />

l’épisode de la terre du Coin. Après une visite au couvent des Soeurs de la<br />

Providence et de nouvelles instances auprès de Maximin pour qu’il consente à<br />

livrer son secret, l’évêque et sa suite vont au presbytère, où Maximin raconte<br />

« avec sa naïveté ordinaire, les voyages que l’on avait fait faire aux vêtements<br />

qu’il portait le jour de l'apparition » (ibidem , p. 132) (*). Pendant le souper,<br />

Monseigneur interroge les ecclésiastiques du canton sur la situation spirituelle de<br />

leurs paroisses. On lui répond que, cette année, un nombre très élevé de fidèles<br />

avaient fait leurs piques. Monseigneur Villecourt repart de Corps vers dix heures<br />

du soir, par la diligence, qui le ramènera à Grenoble (doc. 2 1 9 , 223 ; VILLECOURT,<br />

en particulier p. 85, 9 0 -9 2 , 100, 107-1 0 8 , 116-117, 128-129, 132).<br />

Dans les notes de Dom Jean-de-la-Croix Dufaître (1 8 3 6 -1 9 1 3 ), moine de la<br />

Grande Chartreuse, on lit le détail suivant : « Mgr de [r/c] Villecourt a été jusqu’à<br />

se mettre à genoux devant Mélanie pour lui baiser les pieds » (Notes sur Maximin,<br />

postérieures à son décès. Archives de la Grande Chartreuse). — A notre avis, il<br />

est possible que certaines personnes aient posé un tel geste, mais il est tout à fait<br />

invraisemblable que Mgr Villecourt ait fait partie de leur nombre : à plusieurs<br />

reprises, en effet, et dès avant sa première rencontre avec les enfants, celui-ci<br />

met en garde contre ce qui risquerait de nuire à leur humilité (doc. 140, 223 ;<br />

V illecourt, p. 5 3-54).<br />

Mardi 27 juillet 1847<br />

ÉVÉNEMENTS. Pèlerinage de M. Dupont, « le saint homme de Tours »,<br />

accompagné d’un ami, l’abbé Dombey, vicaire à Corbelin. Ils trouvent sur la<br />

montagne les deux voyants et une soixantaine de visiteurs, parmi lesquels un<br />

missionnaire du diocèse de Saint-Claude et un curé de Grenoble, opposant à<br />

l’apparition : l’abbé J.-P. Cartellier (1). Les pèlerins ayant demandé au missionnaire<br />

de prêcher, l’opposant objecte que Monseigneur l’a défendu. On se met<br />

alors à prier. L’opposant, qui a commencé par demeurer debout, finit par se<br />

mettre à genoux, comme tout le monde. M. Dupont insiste auprès de Mélanie<br />

pour savoir comment la Vierge tenait ses mains. « Elles étaient com plètem ent<br />

cachées dans ses manches », répond Mélanie, « en faisant un geste significatif » (2).<br />

M. Dupont rapporte encore un autre mot de Mélanie. « Après le récit de la<br />

petite bergère, l'opposant terminait ses objections en disant : « On ne com prend<br />

rien à tou t cela », et Mélanie de répondre : « Monsieur, comprenez-vous les *1<br />

(*) Houzelot prétendra plus tard que ce passage le concerne : « Maximin lui [i.e. Mgr<br />

Villecourt] raconta quelque chose relativement à ses vêtements qui m’est personnel, et qui<br />

se trouve mentionné dans mes lettres (voir l’ouvrage de Mgr l’évêque de la Rochelle<br />

page 132) » (lettre de Houzelot à Rousselot, finie le 3 janvier 1850, EG 136, p. 1) ; cf.<br />

doc. 135, p. 7 ; 136 bis, p. 10-11.<br />

(1) Ce nom est mentionné explicitement par Dombey dans une lettre du 16 janvier<br />

1879 au chanoine Janvier, biographe de M. Dupont (Tours SF, B19). Les autres documents<br />

décrivant l’épisode parlent seulement d’un curé de Grenoble, mais l’attitude qu’ils<br />

attribuent à celui-ci concorde tout à fait avec ce que nous savons, par ailleurs, de la position<br />

de J.-P. Cartellier à l’égard de l’apparition. Dans sa Réponse à la Vérité de Rousselot,<br />

Cartellier indique seulement qu’il visita la Salette avant les Conférences de novembredécembre<br />

à l’évêché, sans préciser le jour ni même le mois (Réponse, p. 51).<br />

(2) Vie de M.D. vol. I, p. 160 ; cf. aussi, J .-B. FOURAULT, Entretiens spirituels de M.<br />

Dupont, Tours, A. Cattier (imprimatur : 1900), p. 213.<br />

107


Doc. 223<br />

<strong>Documents</strong><br />

mystères ? — C e st soufflé, s'écrie le monsieur. — D ites plutôt, reprit M. Dupont,<br />

que c'est inspiré » (3). — M. Dupont repartit de Corps le lendemain (4).<br />

Mercredi 28 juillet 1847<br />

223. LETTRE DE MGR VILLECOURT, évêque de la Rochelle, à<br />

l’abbé Mélin<br />

Original (3 p. 22 cm x 14) : EG 70. — Editée dans Annales, juillet 1907,<br />

p. 372-375.<br />

Note. Cette lettre est le plus ancien document sur les impressions retirées<br />

par Mgr Villecourt de son pèlerinage. Elle comporte de nombreuses abréviations<br />

(vs pour vous, q pour que, etc). Nous avons complété les mots sans recourir aux<br />

crochets habituels [] : leur trop grand nombre aurait gêné la lisibilité du texte.<br />

Monsieur et digne Archiprêtre,<br />

St-Rambert [...] 28 juillet 1847.<br />

Je ne saurais vous exprimer toute la peine que j’ai ressentie,<br />

en apprenant votre absence de Corps, quand j’y arrivai. [...] On<br />

vous aura dit que Maximin m’avait témoigné une affection toute<br />

filiale ; j’y ai été bien sensible, et mon cœur le lui a bien rendu ;<br />

Mélanie devait être moins démonstrative ; mais elle s’est montrée<br />

tout ce qu’elle pouvait et devait être. Monseigneur m ’avait donné<br />

l’hospitalité à mon passage à Grenoble ; un jour plus tard, j’aurais<br />

été privé de sa présence comme j’ai été privé de la vôtre. Il m ’a<br />

parlé de sa conviction, et m ’avait dit en particulier de vous bien<br />

recommander l’attention et l’annotation pour tous les faits de<br />

quelqu’importance. Je lui ai laissé entrevoir ma surprise de ce que<br />

l’autorité ecclésiastique n ’avait encore rien fait pour donner de<br />

l’authenticité à un des événements les plus extraordinaires. Il<br />

semble désirer agir désormais ; mais il a auprès de lui un personnage<br />

qui fera tout pour l’arrêter (1). En lui annonçant mon arrivée à<br />

Grenoble, je lui écrivis que j’avais prêché tous les jours l’apparition<br />

de la Sainte Vierge pendant six semaines qu’avait duré ma tournée<br />

diocésaine. Je sais bien qu’il faut de la prudence quand il est<br />

question de publier les faits miraculeux ; mais cette prudence doit<br />

avoir ses bornes, et quand il en est temps, il ne faut plus<br />

méconnaître cet avertissement de l’Esprit-Saint : exalta ut tuba<br />

vocem tuam (2). Peut-être ne feriez-vous pas mal d ’écrire à<br />

Monseigneur qu’il serait temps de lever, au moins en partie, la 1<br />

(3) Vie de M.D. vol. I, p. 161 ; cf. aussi les doc. 231 bis et 367.<br />

(4) Autres documents concernant le pèlerinage de M. Dupont : doc. 236, 268, 286 ;<br />

Vie de M.D. I, p. 159-163 ; II, p. 282.<br />

(1) Le vicaire général Berthier. — Rappelons que l'ordonnance instituant des<br />

commissaires délégués (doc. 213) porte la date du 19 juillet, jour où Mgr de Bruillard<br />

reçut la visite de l’évêque de la Rochelle.<br />

(2) « Elève ta voix comme le cor » (Isaïe, 58, 1).<br />

108


5 août 1847 Doc. 228<br />

rigueur d ’une défense qui me paraît bien étendue (3). On lui<br />

saurait gré aussi de faire paraître quelque chose qui énonçât au<br />

moins une disposition favorable à l’égard d’un événement qui<br />

pourra insensiblement perdre de son intérêt, s’il n ’est réveillé par<br />

la parole du premier pasteur. Quant à moi, j’ai parlé, et je parlerai<br />

encore : credidi, propter quod locutus sum (4). Vos deux petits<br />

enfants m ’intéressent à un point inexprimable. Puissent-[ils] se<br />

conserver dans la simplicité et l’humilité. Les témoignages de<br />

bienveillance dont ils seront de plus en plus l’objet, leur seraient<br />

bien funestes s’ils n ’ont pas au centuple une provision de modestie.<br />

Après l’apparition de la Sainte Vierge à Rome, M. de Ratisbonne<br />

s’est confiné chez les Jésuites qui ne l’ont presque plus laissé voir<br />

de peur de faire évaporer [p. 2] le parfum de ferveur qui l’avait<br />

embaumé (5). Il est vrai que les enfants sont dans un cas un peu<br />

différent, puisqu’ils ont reçu mission de parler, et avec elle une<br />

grâce spéciale, je n ’en doute pas, pour se défendre de l’amour<br />

propre. Il peut se faire d’ailleurs (et cette pensée me poursuit sans<br />

cesse,) que le ciel n ’ait pas en vue de prolonger long-temps leur<br />

carrière, de peur que l’iniquité du siècle ne vienne porter atteinte<br />

à leur âme. Et qui sait si ce n ’est pas là le secret qui leur a été<br />

confié, comme quelques personnes le pensent de Mlle Marie<br />

Ardouin de Nantes à qui la Sainte Vierge apparut en 1840 [...].<br />

Grand nombre d’ecclésiastiques m ’ont engagé à écrire moi-même<br />

une relation de l’événement qui m ’a attiré dans vos contrées. Je<br />

m ’y prêterai volontiers si le Seigneur me fait connaître à cet égard<br />

sa volonté, bien qu’une infinité d ’autres ou l’aient fait, ou puissent<br />

encore le faire plus parfaitement ; mais je comprends que le nom<br />

d ’un Evêque puisse être ici d’une grande importance [...(p. 3)...]<br />

t Clément év' de la RUc<br />

J ’ai écrit cette lettre à S. Rambert (Ain) [...]<br />

Jeudi 5 août 1847<br />

228. RELATION MARMONNIER<br />

Autographe de Marmonnier au crayon (1 f. 20,5 cm x 15,2) : MSG. —<br />

Autographe du même à l’encre (1 f 25 cm x 15,5) : MSG. — Imprimé avec<br />

une traduction interlinéaire du passage en patois dans J.-A. Ma r m o n n ie r,<br />

Triomphe de la Salette, Paris, A. Le Clère et cie, 1856, p. 21-27.<br />

Joseph-Antoine Marmonnier, 1803-1883, originaire de Succieu, canton de<br />

Bourgoin, était en 1847 curé de Monteynard, canton de la Mure. Il avait succédé<br />

(3) Par sa circulaire du 9 octobre 1846 (doc. 3), l’évêque de Grenoble avait interdit de<br />

prêcher sur l’apparition ; il n’avait cependant pas défendu aux prêtres de monter à la<br />

Salette en pèlerinage.<br />

(4) «J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé » (Ps. 116, 10 et II Cor. 4, 13).<br />

(5) Alphonse Ratisbonne s’était converti à Rome le 20 janvier 1842, à la suite d’une<br />

apparition de la Vierge.<br />

109


Doc. 228<br />

<strong>Documents</strong><br />

dans ce poste à saint Pierre-Julien Eymard. On le considérait à l’évêché comme<br />

un prêtre rempli de bonne volonté, mais un peu naïf (cf. EG, liasse non<br />

numérotée).<br />

Contenu : « Discours de la belle Dame dicté par Mélanie Mathieu à J.A.<br />

Marmonnier, sur le lieu même de l’apparition, en présence de trois prêtres, de<br />

cinq laïcs et du petit Maximin Giraud, le 5 août 1847 » (Triomphe... p. 21). Le<br />

texte ressemble fort à celui de la relation Lambert (doc. 175).<br />

Lundi 9 août 1847<br />

231 et 231 bis. LETTRES DE M. DUPONT, « le saint homme de<br />

Tours », à un de ses amis (doc. 231) et à l’abbé Le Pailleur<br />

(doc. 231 bis)<br />

Doc. 231, dans la Voix de l'Église, 1“ septembre 1847, p. 90-91. — Copie<br />

du doc. 231 bis : Tours SF, A 12 bis.<br />

Note. La lettre diffusée par la Voix de l'Église (doc. 231) rencontra sans<br />

aucun doute la sympathie de tous ceux qui attendaient avec impatience<br />

que l’autorité compétente se prononce. Elle dut également susciter, par son<br />

enthousiasme, des réactions de méfiance : on songe notamment au cardinal de<br />

Bonald, qui, s’il eut connaissance de cette lettre, ne se reconnut certainement<br />

pas dans l’attitude qu’elle lui attribuait. — La lettre adressée à l’abbé Le Pailleur<br />

(doc. 231 bis), ecclésiastique qui fut mêlé à la fondation des Petites Sœurs des<br />

Pauvres (il se fit passer pour le fondateur), présente un contenu à peu près<br />

identique, avec cependant un détail supplémentaire sur le pèlerinage du 27<br />

juillet : M. Dupont assista sur la montagne à « une scène des plus concluantes<br />

entre Mélanie et un prêtre qui ne croyait pas » (*).<br />

Ci-dessous nous reproduisons le document 231.<br />

Monsieur et cher ami,<br />

Tours, 9 août 1847<br />

Je suis arrivé avant-hier de mon béni pèlerinage. Voici, en<br />

substance, où en est l’affaire de la Salette ; vous pouvez le dire à<br />

M. l’abbé Mathieu (1), pour qu’il s’en réjouisse avec vous en<br />

Notre-Seigneur Jésus-Christ aux pieds de Marie.<br />

[p. 91] Mgr de Grenoble, guéri par l’eau de la sainte fontaine<br />

d ’un tic douloureux dont il souffrait depuis nombre d’années,<br />

permet que le saint sacrifice de la messe soit célébré sur la glorieuse<br />

montagne, le jour anniversaire de l’inneffable apparition. Mr<br />

l’abbé Combalot a obtenu l’honneur de porter la parole de Dieu,<br />

ce même jour, 19 septembre, à la foule qui doit se présenter sur<br />

la montagne (2). 1<br />

(*) Le doc 231 bis ne contient rien d ’autre sur cet épisode. Nous avons donné supra,<br />

p. 107-108, des renseignements complémentaires.<br />

(1) Directeur de la Voix de l'Église.<br />

(2) Théodore Combalot, 1796-1873, prédicateur originaire du diocèse de Grenoble.<br />

En fait, il ne vint pas à la Salette pour l’anniversaire de l’apparition.<br />

110


9 août 1847 Doc. 231<br />

Ces jours derniers, M. le curé de Corps m ’a dit qu’il avait<br />

déjà avis de plus de vingt mille pèlerins ; mais, suivant le calcul<br />

de trèis-hauts personnages de Grenoble, le nombre des pèlerins<br />

sera trois fois plus grand. On va disposer assez d’autels portatifs<br />

pour que cinquante prêtres puissent dire la messe et donner la<br />

sainte Communion à cette immense foule.<br />

Mgr de Grenoble a reçu cent mille francs pour l’érection<br />

d ’une église (3). Plusieurs personnes demandent qu’elle soit dédiée<br />

au très-saint nom de Dieu, pour entrer dans la pensée de la trèssainte<br />

Vierge.<br />

J ’ai passé une journée tout entière avec M. le supérieur du<br />

grand séminaire, il y a quinze jours, à Grenoble, la veille de son<br />

départ, dans la compagnie d’un grand vicaire, pour Avignon et<br />

lieux circonvoisins (4). Ces Messieurs, munis de pleins pouvoirs,<br />

vont constater les miracles opérés en divers lieux, et leur mission<br />

se terminera par la consta[ta]tion de l’existence miraculeuse de la<br />

fontaine dont les eaux ont déjà fait tant de prodiges. Et qui<br />

pourrait dire, après avoir fait l’ascension de la Salette, que cette<br />

eau, si bienfaisante en tant d ’autres contrées, n ’est pas miraculeuse<br />

à la source même ?... Après quatre heures de marche, on arrive,<br />

et il est inutile de dire en quel état de fatigue et de transpiration.<br />

Eh bien ! deux ou trois verres d ’eau froide, qui, partout ailleurs,<br />

occasionneraient une fluxion de poitrine, produisent à la Salette<br />

deux effets tout opposés : la fatigue disparaît, et, au même instant,<br />

le linge est sec sur le corps. Tous les jours, ce double miracle se<br />

fait voir sur un nombre plus ou moins grand de pèlerins.<br />

Le pays tout entier de la Salette et de Corps doit sa conversion,<br />

si entière et si visible, à la survenance de cette fontaine à une<br />

époque où jamais il n ’y avait d ’eau.<br />

Mgr Villecourt, Evêque de la Rochelle, se trouvait à la Salette<br />

la surveille de notre arrivée à Corps. Sa Grandeur a fait le<br />

pèlerinage à pied, avec toutes les plus grandes démonstrations de<br />

foi, dans la compagnie des deux enfants. De retour à Lyon, Mgr<br />

Villecourt est monté en chaire dans deux églises, et a parlé d’une<br />

manière non douteuse de l’apparition.<br />

A Lyon, peu de jours avant, la guérison d ’une personne,<br />

retenue par une paralysie de la jambe, a donné conviction à Mgr<br />

l’Archevêque, qui la connaissait et allait la voir souvent.<br />

Je me suis trouvé sur la montagne avec M. l’abbé Roval,<br />

grand vicaire de Perpignan. Il n ’y était point pour acquérir la foi,<br />

mais pour jouir de la présence des enfants et remercier Marie. Il<br />

(3) Nous n ’avons trouvé aucun autre témoignage au sujet d ’un tel don.<br />

(4) Rappelons que les chanoines Orcel et Rousselot quittèrent Grenoble le 27 juillet<br />

(cf. l’introduction au doc. 213) et que le pèlerinage de M. Dupont date du même jour.<br />

111


Doc. 231<br />

<strong>Documents</strong><br />

avait été témoin d ’un miracle obtenu par l’eau de la fontaine,<br />

etc., etc., etc.<br />

Tout ceci est positif, mon cher ami, et il y a lieu de penser<br />

que, dans un avenir fort rapproché, il y aura un grand coup de<br />

porté (à l’impiété)...<br />

A l’occasion, je vous expliquerai les motifs qui m ’engagent à<br />

vous prier de vous occuper, autant que vous le pourrez, et comme<br />

d ’une affaire de la plus haute importance, de faire une quête<br />

parmi les personnes riches, pour faciliter au digne curé de Corps<br />

l’exécution du projet d ’établissement de frères dans sa paroisse (5).<br />

Adressez-lui ce que vous pourrez...<br />

Vendredi 15 août 1847<br />

D u p o n t<br />

234. LETTRE DE MGR FRANÇOIS CART, évêque de Nîmes, à<br />

Mgr de Bruillard<br />

Original (4 p. 21,5 cm x 14) : EGD 47.<br />

Objet. L’abbé Lambert a demandé à Mgr Cart l’autorisation de publier le<br />

fruit de son enquête à Corps. Dans sa lettre, l’évêque rappelle que Rousselot et<br />

Orcel, de passage à Nîmes, ont « trouvé ce procès verbal assez bien et le plus<br />

complet de tous ceux qui ont paru, quoique un peu sec parce que l’auteur ne<br />

fait qu’exposer en quelque sorte les pièces du procès, sans faire aucune réflexion,<br />

ni indiquer son jugement ». Mgr Cart, pasteur d’un diocèse sur le territoire<br />

duquel la présence protestante est particulièrement importante, a conseillé au<br />

prêtre de s’abstenir de livrer son manuscrit à l’impression, parce qu’il n’y a pas<br />

lieu de « porter cette cause au tribunal de l’opinion », parce qu’il faut éviter de<br />

fournir aux ennemis de la religion et aux Protestants des occasions « pour attaquer<br />

la réalité des apparitions et des miracles vrais » et enfin parce que l’évêque de<br />

Grenoble est en train d’instruire « canoniquement cette grave affaire », qui relève<br />

de sa compétence.<br />

L’objet précis de sa lettre tient dans cette ■question : « Aurois-je été,<br />

Monseigneur, trop sévère dans mon appréciation ? C’est ce que je viens vous<br />

prier de résoudre ». *<br />

Suite. L’abbé Lambert renonça à son projet. Cependant, comme on l’a vu<br />

plus haut (introd. au doc. 175), son procès verbal du récit des enfants fut publié<br />

presque intégralement dans la Vérité de Rousselot.<br />

Samedi 14 août 1847<br />

235. LETTRE DE MGR DEPÉRY, évêque de Gap, au journal<br />

TUnivers, suivie de la lettre Pignet-Chateau (doc. 227).<br />

Dans l'Univers, n° du 19 août 1847, p. lcd.<br />

(5) Sur ce projet de fondation, cf. la lettre (ou projet de lettre ?) de Melin au maire<br />

de Corps, du 17 juillet 1847, EG %.<br />

112


15 août 1847 Doc. 255<br />

Note. Pour la deuxième fois, l’évêque de Gap proteste dans la presse contre<br />

la publicité donnée à ses interventions dans l’affaire de la Salette, qui ne relevait<br />

pas de son autorité.<br />

Monsieur,.<br />

Gap, le 14 août 1847<br />

Dans une brochure publiée à Angers par Mme Pignet-Chateau,<br />

sur l’apparition de la sainte Vierge (1) à deux bergers de Corps,<br />

on affirme que « les évêques de Grenoble, d ’Auch (2) et de Gap,<br />

se sont saisis de ce prodige et en ont informé la cour de Rome ».<br />

Ce fait, comme beaucoup d’autres rapportés dans cette brochure,<br />

est entièrement controuvé ; j’ai donc demandé à Madame Pignet-<br />

Chateau raison de son invention. Voici sa réponse, que je vous<br />

prie de vouloir bien insérer textuellement à la suite de la mienne<br />

dans votre journal.<br />

Il est bien fâcheux que tant de monde, par ignorance, par<br />

spéculation, par excès de zèle, vienne chaque jour jeter la méfiance,<br />

le ridicule, sur un fait d’un ordre surnaturel et qui ne pourra être<br />

prouvé que par des faits subséquents du même ordre. Aussi, toutes<br />

les exagérations, suppositions, contradictions, contenues dans les<br />

mille brochures qui inondent le public, nuisent considérablement<br />

à la cause que des auteurs imprudents de ces récits veulent défendre<br />

ou accréditer.<br />

L’Eglise, plus sage, attend, examine, et jugera quand elle sera<br />

assurée de la vérité.<br />

Recevez, Monsieur, l’assurance de mon dévouement.<br />

flRÉNÉ, evêque de Gap.<br />

Suit la lettre de Mme Pignet-Chateau (doc. 227) : se conformant à la<br />

demande formulée par Mgr Depéry dans sa lettre datée du 15 juillet, elle rétracte<br />

le passage incriminé. Mme Pignet-Chateau fournit cependant une excuse : « Cette<br />

copie nous venait d'une personne fort honorable, et sur la foi de laquelle nous<br />

nous en étions complètement rapportés. »<br />

Dimanche 15 août 1847<br />

Év é n e m e n t. A Saint-Félicien, Ardèche (diocèse de Viviers), guérison de<br />

Mélanie Gamon. Dossier : Vérité, p. 126-128 ; GlRAY I, p. 375-390 ; doc. 317.<br />

Cette guérison fut évoquée lors de la Conférence tenue à l’évêché de Grenoble le<br />

29 novembre 1847. — Malade depuis 1841, « atteinte d’affection de la moelle<br />

épinière, d’où était résulté un trouble général des fonctions économiques »<br />

(certificat du Dr Fargier-Lagrange, doc. 317), incapable de manger, elle est guérie 1<br />

(1) Cette brochure avait fait l’objet de poursuites judiciaires (cf. supra, p. 47, note 11.<br />

et p. 59, note 4).<br />

(2) Sur l’archevêque d’Auch, voir supra, p. 59, note 5.<br />

113


Doc. 238<br />

<strong>Documents</strong><br />

le dernier jour d’une neuvaine, au cours de laquelle elle a bu de l’eau de la<br />

Salette.<br />

Mercredi 18 août 1847<br />

238. LETTRE DU CHANOINE MICHON à Mgr Villecourt, évêque<br />

de la Rochelle<br />

Dans V illecourt, p. 159-165.<br />

Jean-Claude Michon. Né à Grenoble en 1791, prêtre en 1815, curé à Vienne<br />

de 1822 à 1833, aumônier de couvent à Grenoble puis à Villeurbanne de 1836 à<br />

1842, année où il devint chanoine titulaire à la cathédrale de Grenoble, il fut un<br />

des premiers ecclésiastiques de Grenoble à adresser la parole en public aux<br />

pèlerins réunis sur les lieux de l’apparition. Il mourut le 10 mai 1854.<br />

Monseigneur,<br />

Grenoble, 18 août 1847.<br />

Vous désirez avoir par écrit ce que je racontai à Votre<br />

Grandeur, lors de son voyage à Grenoble, se rendant à la montagne<br />

de la Salette. Je le ferai d ’autant plus volontiers que ce souvenir<br />

est toujours cher à mon cœur, et que je désirerais que tout l’univers<br />

en fut informé pour la gloire de Marie.<br />

Ce fut le 30 mai dernier que j’arrivai à Corps, dans l’intention<br />

de visiter la montagne de la Salette, sur laquelle notre bonne Mère<br />

a daigné apparaître à deux bergers. Ce jour étant un dimanche, je<br />

pus remarquer l’heureux changement opéré sur la population de<br />

cette paroisse, et le [p. 160] proclamer en chaire : car je fus édifié<br />

de la manière dont ce saint jour fut sanctifié par tous les habitants.<br />

M. le Curé m’assura que, depuis l’époque de l’heureuse apparition,<br />

ce changement moral s’était soutenu, sans interruption, et qu’il<br />

allait même en croissant.<br />

Je vis, ce jour-là, avec plusieurs autres ecclésiastiques et nombre<br />

d ’autres personnes, le jeune Maximin pendant plus de deux heures<br />

le matin, et le soir, la jeune Mélanie. Nous entendîmes leur récit,<br />

et nous leur adressâmes diverses questions qui y avaient rapport.<br />

Je puis dire que jamais la réponse ne se faisait attendre, et que,<br />

toujours, elle était parfaitement ad hoc.<br />

M. l’abbé Lambert, prêtre du diocèse de Nîmes, écrivait tout :<br />

et je ne sais pourquoi cette relation n ’est pas encore devenue<br />

publique : je pense qu’elle le deviendra bientôt. C’est pour cela<br />

que je ne citerai pas ici les questions et les réponses (1). Je ne<br />

pourrais même me les rappeler toutes. Je ne rapporterai pas non<br />

plus le fait de T apparition et l’allocution de la Sainte Vierge aux<br />

Bergers : tout se trouve textuellement dans l’ouvrage que vient de 1<br />

(1) Il doit s’agir ici non pas du récit de l’apparition noté pat Lambert le 29 mai<br />

(doc. 175), mais d ’autres réponses.<br />

114


18 août 1847 Doc. 238<br />

publier M. l’abbé Bez. Je me bornerai donc à faire part à Votre<br />

Grandeur de ce qui se passa sur la montagne de la Salette, le<br />

31 mai, dernier jour du mois consacré à Marie.<br />

[p. 161] Qu’il fut beauv qu’il fut ravissant, le spectacle dont<br />

nous fûmes les heureux témoins ! Bien avant le jour, on s’était<br />

mis en marche pour gravir la montagne. Mais ce ne fut qu’à<br />

quatre heures du matin que des bandes détachées et plus<br />

nombreuses partirent de Corps. Elles stationnèrent à une petite<br />

chapelle qui se rencontre sur le chemin (2) et où j’eus le bonheur<br />

de dire la sainte messe. On se remit ensuite en marche, le chapelet<br />

à la main ; car tous priaient avec ferveur ou chantaient des<br />

cantiques.<br />

Lorsque nous approchions du lieu fortuné, nous vîmes descendre,<br />

par des sentiers difficiles, des processions venant des Hautes-<br />

Alpes, en chantant à pleine voix et sans interruption. Nous étions<br />

ravis de joie par la ferveur de ces bons montagnards.<br />

Ce fut alors qu’un jeune prêtre du diocèse de Grenoble, de<br />

ma connaissance, me dit : «Je suis tellement enthousiasmé, que<br />

je prêcherais sur la Montagne, si on me le permettait. Je vous le<br />

permettrai volontiers, lui dis-je, tant je suis persuadé que Mgr.<br />

l’Evêque l’approuvera dans une telle circonstance. »<br />

Nous arrivâmes enfin, après quatre heures de marche depuis<br />

Corps. Quel ne fut pas notre étonnement de voir la Montagne<br />

couverte d’une foule immense, dont le nombre s’élevait au moins<br />

à six [p. 162] mille personnes ! Les conditions et sexes divers y<br />

étaient confondus, et chacun y priait avec bonheur. Plus de mille<br />

personnes se pressaient à la fois autour de la fontaine miraculeuse<br />

pour y boire. Ce ne fut qu’à deux heures après midi que je pus<br />

en approcher librement et y boire à mon tour.<br />

Les Enfants privilégiés étaient aussi l’objet de la vénération<br />

des pieux pèlerins : chacun voulait les voir, les toucher, les<br />

embrasser, et surtout leur entendre raconter ce que leur avait dit<br />

Marie.<br />

Ayant pu obtenir que l’on formât un vaste cercle, je fis placer<br />

les Enfants au centre, avec plusieurs ecclésiastiques qui se trouvaient<br />

là.<br />

Nous commençâmes par chanter les litanies de la Sainte<br />

Vierge. Lorsqu’on les finissait, je dis au jeune prêtre dont j’ai déjà<br />

parlé que c’était le moment de prêcher. Après quelques difficultés,<br />

(2) Probablement N.D. de Gournier (cf. LS DA I, p. 3), à mi-chemin entre les églises<br />

de Corps et de la Salette, ou encore la chapelle de Saint-Sébastien, à l’entrée du village de<br />

la Salette (voir supra, p. 17).<br />

115


Doc. 238<br />

<strong>Documents</strong><br />

il commença, et fît un très beau et très bon discours sur la<br />

Dévotion à Marie (3).<br />

[p. 163] Le discours achevé, je fis dire à la foule de rester en<br />

place, et que chacun entendrait ce que la Sainte Vierge avait<br />

daigné révéler aux Enfants, parce qu’on allait le leur répéter mot<br />

pour mot et à haute voix : ce qui fut exécuté avec la plus grande<br />

fidélité.<br />

En entendant les malheurs dont nous sommes menacés, si<br />

l’on ne se convertit pas, un très grand nombre de personnes<br />

pleuraient.<br />

Je pris sur moi de leur dire que le jubilé ayant produit de<br />

grands fruits de conversion presque partout, et la grande confiance<br />

que l’on témoignait à Marie, nous donnaient à espérer que les<br />

châtiments annoncés seraient détournés de dessus nos têtes, et que<br />

nous en serions préservés. Ces paroles suffirent pour calmer un<br />

peu la terreur générale.<br />

Je fis annoncer que nous allions nous servir du langage de<br />

Marie pour témoigner à Dieu notre reconnaissance.<br />

Aussitôt on entonne le Magnificat, qui est chanté [p. 164] en<br />

deux choeurs par la foule qui se trouve sur les deux coteaux<br />

opposés.<br />

Je fis encore annoncer qu’étant tous enfants de Dieu, enfants<br />

de Marie, c’était à nous maintenant de chanter les louanges du<br />

Seigneur ; qu’en conséquence nous allions chanter le Laudate,<br />

pueri, Dominum : ce qui fut exécuté avec enthousiasme de part<br />

et d ’autre.<br />

Tous s’étant prosternés à genoux, nous chantâmes le Salve<br />

Regina, et le Sub tuum praesidium.<br />

Puis nous priâmes pour la conversion des pauvres pécheurs,<br />

pour la prospérité de la France, pour toutes les personnes qui<br />

étaient venues solliciter quelque faveur particulière, pour Mgr.<br />

l’Evêque, etc.<br />

Je leur fis annoncer que chacun pouvait continuer à prier,<br />

selon sa dévotion.<br />

Alors on se dispersa par diverses bandes, pour prier ou pour<br />

prendre une modique réfection.<br />

Tout ce qui se passait sur cette chère montagne retraçait,<br />

d ’une manière frappante, ce que nous raconte le saint Evangile de<br />

ces multitudes qui suivaient Notre-Seigneur sur les montagnes.<br />

Lorsque chacun eut à peu près satisfait sa dévotion, nous<br />

jouîmes encore d ’un ravissant spectacle : c’étaient diverses proces­<br />

(3) « Les prescriptions de Mgr de Grenoble ne lui permettaient pas de parler de<br />

Y apparition », précise une note de Mgr Villecourt, éditeur de la lettre. — Sur l'identité du<br />

prédicateur et de la personne qui répéta à haute voix le récit des enfants, voir supra, p. 74.<br />

116


25-26 août 1847 Doc. 238<br />

sions, qui partaient au chant du Te Deum, et qui, gravissant des<br />

montagnes escarpées, n’interrompaient pas pour cela leurs chants<br />

de joie et de bonheur.<br />

[p. 165] Pendant les sept heures que je restai sur la Montagne,<br />

je pus voir les pères des Enfants, les maîtres chez lesquels ils<br />

étaient en service lors de Y apparition ; je pus les interroger, et me<br />

convaincre que le récit des Enfants était, le jour même de<br />

l’événement, le même qu’aujourd’hui.<br />

Le soir du même jour je prêchai à Corps, pour la clôture du<br />

Mois de Marie. Là, je parlai de mes convictions particulières sur le<br />

fait de Y apparition, sans y mettre aucune restriction, tant j’étais<br />

persuadé, après tout ce que j’avais vu et entendu.<br />

Mgr. l’Evêque de Grenoble, à qui je rendis compte de cette<br />

belle journée, eut la bonté de m ’en témoigner sa satisfaction, et<br />

ajouta qu’il prendrait du temps avant de s’expliquer d ’une manière<br />

authentique (4).<br />

Je ne cite aucun miracle, quoique j’aie entendu parler de<br />

diverses guérisons bien extraordinaires. Au reste, Mgr. l’Evêque<br />

fait faire en ce moment une enquête à ce sujet.<br />

Votre Grandeur voudra bien agréer ce simple récit comme un<br />

hommage de mon respect et de ma vénération, pour en disposer<br />

comme elle le jugera à propos.<br />

J ’ai l’honneur d’être, etc.<br />

J.-C. MICHON,<br />

chanoine de la cathédrale de Grenoble.<br />

Mercredi et jeudi 25-26 août 1847<br />

ÉVÉNEMENTS. A en croire J.-P. Cartellier, l’évêque de Gap, prétextant qu’il<br />

était sur le point de partir en voyage, aurait refusé de recevoir les deux<br />

commissaires délégués par l’évêque de Grenoble, de passage dans sa ville<br />

épiscopale le 25 août. La nuit suivante, il aurait refusé une nouvelle fois. Il était<br />

alors lui-même de passage à Corps, où Rousselot et Orcel étaient arrivés quelques<br />

heures plus tôt. « Si j’allois chez vous », aurait dit Mgr Depéry à l’abbé Mélin,<br />

« on diroit que nous nous sommes réunis pour conférer à ce sujet » (*).<br />

Arrivés à Corps le 25 août, Rousselot et Orcel interrogent le soir du même<br />

jour Maximin et Mélanie. Le lendemain, ils montent aux lieux de l’apparition,<br />

accompagnés de trente à quarante personnes, parmi lesquelles les deux bergers<br />

(4) Le 11 juin, l’abbé Louis Berlioz avait écrit au curé de Corps (doc. 188) : « Les<br />

choses vont bien à l’évêché, Monseigneur proclame hautement sa croyance à la vérité de<br />

l’apparition et M' Michon a été approuvé dans toute sa conduite. »<br />

(*) Réponse, p. 64. Cartellier tient ces faits d ’un conseiller à la cour d'appel, qui<br />

présida les assises de Gap en 1848 et qui les aurait appris de la bouche même de Mgr<br />

Depéry. Le curé de Saint-Joseph n ’indique aucun nom. — Trois conseillers de la cour<br />

d ’appel de Grenoble furent nommés présidents des assises des Hautes-Alpes pour l’année<br />

1848 : Adolphe Bernard pour la session de mars, Victor-Hypolyte Paganon pour celle<br />

d ’août et Nicollet pour celle de décembre. (Renseignements communiqués par Mm'<br />

A. Playoust, conservateur adjoint aux archives des Hautes-Alpes.)<br />

117


Doc. 241<br />

<strong>Documents</strong><br />

ainsi que les curés de Corps et de la Salette. Pendant leur séjour dans le canton<br />

de l’apparition, ils interrogent également Pierre Selme, patron de Maximin aux<br />

Ablandens, Mère Sainte-Thècle, supérieure des Sœurs de la Providence de Corps,<br />

et divers ecclésiastiques (**).<br />

Samedi 28 août 1847<br />

241. LETTRE DE MGR DE BRUILLARD à l’abbé Melin<br />

Original (1 f. recto pliée 27,4 cm x 27,6) : EG 112. Seule la signature est<br />

de la main de l’évêque.<br />

Note. La question posée au début de la lettre est très probablement l’écho<br />

d’une difficulté rapportée à Grenoble par Rousselot et Orcel à la suite de leur<br />

enquête à Corps.<br />

Grenoble, le 28 août 1847<br />

J ’apprends seulement aujourd’hui que les deux enfants se<br />

sont contredits ou se contredisent dans leur narration. Qu’en<br />

pensez-vous ?<br />

Vous avez sans doute bien compris que la permission de<br />

célébrer les saints mystères sur la montagne privilégiée, que j’ai<br />

accordée pour le 19 sept., n ’est point une décision doctrinale, qui<br />

se fera peut-être encore long-temps attendre. Les règles de prudence<br />

exigent que l’on procède lentement dans une affaire aussi grave.<br />

Je saisirai la Ie" occasion qui se présentera pour vous envoyer<br />

la pension des deux enfants, pour les mois de juillet et août.<br />

Si vous connaissez des nouvelles importantes relativement à<br />

la grande affaire, vous me les manderez. Tout à vous avec affection<br />

en N.S.<br />

tPHILIBERT] Evêque de Grenoble<br />

Mardi 31 août 1847<br />

243. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à Mgr de Bruillard<br />

Original (1 f. recto-verso 30 cm x 2 0 ) : EGD 6 5 . Lettre citée dans BASSETTE,<br />

p. 77.<br />

Contenu. Le curé de Corps prie l’évêque de préciser la nature de la<br />

contradiction signalée dans sa lettre du 28 août (doc. 241), l’assure avoir compris<br />

que l’autorisation de célébrer la sainte messe sur la montagne « n’est pas une<br />

décision doctrinale » sur la réalité de l’apparition et le met en garde contre<br />

l’« absolutisme » du maire de la Salette :<br />

(Confidentiel) Il y a des précautions à prendre avec l’administration<br />

municipale de la Salette, avant de faire aucune construction,<br />

même provisoire. Le lieu, qui a servi de théâtre à l’événement est<br />

une propriété communale ; si l’on y construit, sans convenus<br />

118<br />

(**) Doc. 310, p. 2, 5-8, 19, 27 = Vente, p. 34-35, 42-43, 51-52, 88-89, 194.


31 août 1847 Doc. 243<br />

préalables, bien clairs et bien précis, le conseil municipal pourroit,<br />

bien facilement, contrarier les projets ultérieurs, en s’appropriant<br />

[verso] les constructions faites sur son terrain, sans y avoir contribué<br />

de ses deniers [...]<br />

244. LETTRE DE L’ABBÉ DAY à Mgr de Bruillard<br />

O riginal (1 f. recto-verso 2 6 ,5 cm x 21) : E G D 6 4 . Extraits dans BASSETTE,<br />

p. 76-77.<br />

Note. Ce document nous dévoile l’identité du prêtre qui a remarqué les<br />

contradictions au sujet desquelles Mgr de Bruillard avait reçu le 28 août, sans<br />

doute par Rousselot et Orcel, des informations encore imprécises : le curé de la<br />

Salle-en-Beaumont au canton de Corps, M.-P. Day, à qui l’on doit une des plus<br />

anciennes relations de l’apparition (doc. 8 ). — On trouvera à la fin du doc. 254<br />

des renseignements complémentaires sur la contradiction évoquée dans la présente<br />

lettre.<br />

Monseigneur,<br />

Ceux qui ont rapporté à Votre Grandeur que je ne croyais<br />

nullement à l’apparition de la Ste Vierge à la Salette, ont<br />

certainement menti. Je n ’ai, en aucune circonstance, tenu ce<br />

propos. J ’y ai toujours ajouté foi et j’y crois encore. Cependant<br />

ma croyance, en cela, ne sera à son comble que lorsque Votre<br />

Grandeur aura donné son approbation : en attendant, je me tiens<br />

en garde, afin de ne rien dire de trop pour, ni contre.<br />

J ’ai, à la vérité, dans nos réunions de conférences, eu l’air,<br />

une fois, de faire un peu de l’opposition ; mais ce n ’était<br />

uniquement que pour éclaircir davantage le fait. Je me récriais<br />

surtout, sur différentes variations que j’avais remarqué" dans le<br />

récit des enfans. Voici celle qui m ’a paru/ la plus choquante :<br />

trois semaines environ après l’apparition, entr’autres questions que<br />

je fis au petit Maximin, je lui demandai s’il n’avait point ap/>erçu/<br />

de clarté après que la belle Dame eut disapru. Il me répondit,<br />

non. Et je sais [verso] que plus tard il a ajouté cette circonstance à<br />

sa narration. Je pense que peut-être il ne me comprit pas.<br />

Voilà, Monseigneur, ma profession de foi au sujet de cette<br />

grande affaire qui attire journellement à la montagne de la Sal/ette<br />

un si grand nombre de pèlerins.<br />

Dans l’attente de présenter en personne à Votre Grandeur<br />

mes humbles hommages,<br />

Je suis...<br />

La Salle le 31 août 1847<br />

Day prêtre<br />

119


Doc. 245<br />

<strong>Documents</strong><br />

245. LETTRE DE L’ABBÉ GIRIN à Mgr de Bruillard<br />

Original (1 f. recto 27 cm x 21) : EGD 63. Extraits dans BASSETTE, p. 76.<br />

Note. De même que l’abbé Day, l’abbé J.-F. Girin, curé de Saint-Jean-des-<br />

Vertus, paroisse limitrophe de Corps et de la Salette, répond à une lettre écrite<br />

par l’évêque à la suite du retour à Grenoble des deux enquêteurs, Rousselot et<br />

Orcel. Rappelons que Girin a, lui aussi, écrit une relation de l’apparition (le<br />

doc. 42).<br />

Monseigneur,<br />

Je suis fort étonné que Mr le Curé d ’Entraigues ait pu annoncer<br />

à Votre Grandeur que je me repentais de lui avoir écrit en faveur<br />

de l ’apparition. Monseigneur sait que je n ’ai écrit à l’Evêché ni<br />

pour ni contre ce fait extraordinaire. Mr Poncet a fait erreur (1).<br />

Je dois avouer à Sa Grandeur que dans des réunions ecclésiastiques<br />

j’ai parfois objecté uniquement pour m ’éclairer, nullement<br />

pour faire de l’opposition. J ’ai condamné la trop grande facilité<br />

des habitants de Corps à croire au miracle ; cela dans l’intérêt de<br />

l’apparition (2).<br />

Quant à mes lumières, Monseigneur, elles sont trop faibles<br />

pour pouvoir juger sur un fait aussi grave ; la décision de mon<br />

Evêque dans une affaire de cette importance est mon unique règle.<br />

J ’ai l’honneur...<br />

St Jean des Vertus 31 août 1847.<br />

Mercredi 1" septembre 1847<br />

Girin, p"'<br />

ÉVÉNEMENTS. Selon un témoignage de Sœur Sainte-Thècle recueilli par Marie<br />

Des Brûlais, ce jour « les deux Enfants manifestèrent une joie extraordinaire,<br />

causée sans doute par le retour du Mois béni où ils avaient reçu la visite de<br />

Marie » (Echo. p. 94).<br />

A la Salette, guérison de Véronique Audoyer, pèlerine venue de Mane,<br />

Alpes-de-Haute-Provence. Dossier : EG 119 ; Vérité, p. 146-148 ; Giray II,<br />

p. 303-304. — Depuis plusieurs années, le bruit provoquait chez la malade<br />

souffrances et convulsions. Elle se sentit guérie en buvant l’eau de la source.<br />

Vendredi 3 septembre 1847<br />

248. LETTRE DE MGR DE BRUILLARD à l’abbé Mélin<br />

Original (1 f. recto-verso 21,5 cm x 13,8) : EG 112. Seule la signature est<br />

de la main de l’évêque. 1<br />

(1) Charles-François Poncet, 1803-1867 ; de 1845 à sa mort, curé d'Entraigues, village<br />

situé au nord du Gargas.<br />

(2) Par « miracle » l’abbé Girin vise peut-être certaines guérisons et l’affaire de la face<br />

du Christ sur la pierre brisée au café Magnan (cf. LSDA I, p. 78).<br />

120


4 septembre 1847 Doc. 243<br />

Contenu. Le début de la lettre reproduit les renseignements fournis par<br />

l’abbé Day sur la contradiction de Maximin à propos de la clarté (cf. doc. 244).<br />

Après avoir demandé au curé de Corps de donner son avis sur ce point, l’évêque<br />

passe à la préparation de la fête du 19 septembre, anniversaire de l’apparition :<br />

Les réflexions confidentielles que vous m ’avez communiquées<br />

sont tristes (1). De sévères précautions seront prises pour l’avenir.<br />

Dans une lettre écrite ces jours derniers (2), j’ai fait mes conditions<br />

pour la petite chapelle provisoire qui ne doit durer [verso] que<br />

huit jours. J ’ai demandé 1° que le local fut concédé gratuitement<br />

(3), 2° que les planches, après l’octave, seront déposées au<br />

presbytère, avec exclusion de la commune pour la propriété.<br />

Concertez-vous avec votre jeune voisin (4) et dites lui que si<br />

les propositions sont acceptées, je permets de dire la messe, le 19,<br />

depuis l’aurore, jusqu’à midi et demi. Pendant l’octave, s’il y a<br />

plusieurs messes, j’y consens également.<br />

On apprend ici avec plaisir que vous recevez des offrandes<br />

généreuses, tant pour votre église que pour les enfants. J ’aurais<br />

été satisfait d’apprendre tous ces détails de vous-même.<br />

Nouvelle assurance de mes bien affectueux sentiments.<br />

tPH[ILIBERT] E vêque de G ren oble<br />

Vers le 3-4 septembre 1847<br />

E v é n e m e n t. Maximin parle de son secret (voir aux doc. 314 et 343)<br />

Après le samedi 4 septembre 1847<br />

* 253. ANNOTATIONS DE MGR DE BRUILLARD<br />

Annotations de la main de l’évêque sur la lettre Peytard du 4 septembre<br />

(doc. 250 : 1 f. pliée 22,6 cm x 34 : EG 112). Texte de la lettre Peytard et des<br />

annotations dans les Annales, mars 1913, p. 111-112.<br />

Note. Peytard, maire de la Salette-Fallavaux, ayant cru que l’évêque<br />

demandait à la commune de céder la propriété du terrain nécessaire à la<br />

construction de la chapelle provisoire (cf. doc. 248), avait répondu le 4 septembre<br />

que, d’après les lois en vigueur, le conseil municipal avait besoin de l’autorisation<br />

du gouvernement avant de poser un tel acte. Il avait ensuite proposé à l’évêque<br />

que la chapelle soit construite aux frais de la commune. Après le 19 septembre,<br />

« les planches seraient enlevées et pourraient servir à l'achèvement de la<br />

construction du presbytère communal » (doc. 250). Si l’évêque « le jugeait plus 1<br />

(1) ou : justes. — Melin avait mis l’évêque en garde contre d’éventuels abus de la<br />

part de la municipalité de la Salette-Fallavaux, à propos de la chapelle à construire près<br />

des lieux de l’apparition (doc. 243).<br />

(2) Lettre du 2 septembre, adressée à l’abbé Louis Perrin, curé de la Salette, et<br />

mentionnée dans le doc. 250.<br />

(3) Phrase quelque peu obscure : Mgr de Bruillard pense à une utilisation des lieux<br />

limitée en durée et non à un transfert de propriété, comme le croira le maire (cf. doc. 253).<br />

(4) L’abbé Louis Perrin, curé de la Salette.<br />

121


Doc. 253<br />

<strong>Documents</strong><br />

convenable », l’administration municipale ferait * faire la construction dont il<br />

s'agit avec le produit des offrandes versées dans le tronc » (ibidem).<br />

Concession, dans le sens d ’une aliénation (1) : je n ’y ai pas<br />

même pensé. Il s’agit tout simplement d ’une autorisation gratuite<br />

pour construire en planches une petite chapelle provisoire, pendant<br />

l’octave du 19 au 26 sept. (2).<br />

J ’ai ajouté que la propriété des bois [b iffé : ou(?)] \ et /<br />

planches resteront pour le renouvellement d ’une pareille chapelle,<br />

\ à rétablir / l’année prochaine, ou pour une église si l’on en<br />

construisoit une sur le sommet de la montagne.<br />

[p. 2] Si la commune veut construire à ses frais la petite<br />

chapelle provisoire, il est bien évident que les bois pourront être<br />

employés par elle pour le presbytère. Respectons les offrandes des<br />

fidèles, et gardons-nous de les détourner de leur destination (3).<br />

Mercredi 8 septembre 1847<br />

Événem ent. Pèlerinage à la Salette de l’abbé Repellin (cf. doc. 343). La<br />

description de la journée donnée par C h a m p o n (dans Annales, février 1884,<br />

p. 129-132) concerne en réalité le 8 septembre de l’année suivante (cf. Perrin,<br />

n° 666).<br />

254. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à Mgr de Bruillard<br />

Original (1 f. recto-verso 30 cm x 20) : EGD 66.<br />

Note. Le curé de Corps répond à la lettre du 3 septembre (doc. 248), qui<br />

avait pour objet la contradiction découverte par l’abbé Day et les démarches<br />

préparatoires en vue de la construction d’une chapelle.<br />

Monseigneur,<br />

Une indisposition, survenue après un léger refroidissement<br />

qui n’a pas eu de suite est cause de mon retard.<br />

La contradiction, découverte par un de mes confrères, ne vaut<br />

vraiment pas la peine qu’on s’en occupe ; et quand on n’a que<br />

des difficultés de ce genre, à opposer à un fait aussi immense que<br />

celui de l’Apparition, le meilleur parti à prendre est de se taire.<br />

Votre Grandeur Ta bien compris, en disant que la chose étoit de<br />

trop peu d’importance pour s’en inquiéter.<br />

L’auteur de cette découverte, dit, cependant, qu’il ne sait pas<br />

si l’enfant Ta compris ; il ne sait peut-être pas, d ’avantage [sic], 1<br />

(1) Les mots « dans le sens d ’une aliénation » ont été ajoutés par l’évêque en un<br />

deuxième temps.<br />

(2) Cf. doc. 248 avec la note 3.<br />

(3) Les sommes recueillies dans le tronc du pèlerinage sont destinées à celui-ci. En les<br />

utilisant pour la construction du presbytère, comme le suggérait le maire, on les détournerait<br />

de leur destination.<br />

122


{<br />

8 septembre 1847 Doc. 254<br />

en quels termes il a posé la question ; et tout de même il conclue<br />

à la contradiction.<br />

La mémoire de ces enfants n ’est pas si prodigieusement<br />

infaillible, que, dans aucune circonstance, elle n ’ait pu faillir, par<br />

une omission ; ce qui empêche, que, dans ce cas, on puisse<br />

conclure à la contradiction.<br />

Je serois facilement du parti de la clarté, quelques instants,<br />

après la disparition, selon le langage des enfants, qu’ils l’aient<br />

affirmé constamment ou non ; car ils ont toujours dit, que cette<br />

Dame leur faisoit mal aux yeux, quand ils vouloient la fixer ;<br />

assertion qui prouveroit celle de la clarté, après la disparition, ne<br />

fût-ce que par une réminiscence d ’optique.<br />

[verso\ Mon jeune voisin (1) ne m’a parlé de rien, depuis son<br />

retour de Grenoble ; j’ignore si Sa Grandeur lui avoit conseillé de<br />

s’entendre avec moi, dans tous les cas, il ne l’auroit pas fait. Je ne<br />

puis pas prendre moi-même l’initiative (2), car cette affaire le<br />

regarde de plus près que moi ; il est d ’ailleurs capable.<br />

La permission de dire la S" Messe, pendant huit jours, est un<br />

heureux essai, qui servira de boussole à Monseigneur, pour une<br />

plus ample autorisation, s’il y a lieu. Il est sûr, que, pendant<br />

l’octave, il y aura, chaque jour, plusieurs messes. Il ne manquera<br />

à cette solennelle cérémonie qu’une seule chose, la présence de Sa<br />

Grandeur, qui sera vivement regrettée.<br />

J ’ai l’honneur...<br />

Corps 8 sept 1847.<br />

MÉLIN Archiptre<br />

Note sur les témoignages de Maximin au sujet de la clarté. Il dut y avoir<br />

une certaine imprécision chez Maximin dans la perception de la clarté finale,<br />

comme l’a du reste compris Mélin (supra : « cette Dame leur faisoit mal aux<br />

yeux »). Au moment de sa disparition, la Dame s’était élevée à environ 1,5 0 m<br />

du sol. Etant donné sa petite taille, Maximin, pour la voir, est obligé de regarder<br />

« en haut » (Dausse : doc. 9 7 , v. 33). Mais « en haut », qu’est-ce à dire ? Devant<br />

lui ou loin dans le ciel ? Dans les deux cas, la position de l’enfant est la même.<br />

Interrogeant Maximin en février-mars, Lagier semble avoir senti un flou dans la<br />

description donnée par l’enfant (« nous avons vu une grande clarté à la place<br />

d’où elle s’est enlevée », doc. 105, v. 6 6 ), puisqu’il lui fait préciser sa pensée en<br />

une phrase supplémentaire : « la clarté n’était pas en l’air mais à la place où elle<br />

[la Dame] était » (ibidem). Plus tard, Maximin écrira cependant : « nous avons<br />

vu et suivi cette lumière à une très haute élévation dans les airs » (lettre à Mgr<br />

Ginoulhiac, 19 juin 1857, EG 70 ; voir aussi M. G ir a u d , Ma profession de foi,<br />

Paris 1866, p. 23). 1<br />

(1) L’abbé Louis Perrin, curé de la Salette.<br />

(2) Il s’agit de démarches à faire auprès du conseil municipal au sujet de la chapelle à<br />

construire sur la montagne.<br />

123


Doc. 255<br />

<strong>Documents</strong><br />

En 1846-47, Maximin répondait probablement tantôt oui tantôt non, selon<br />

qu’il pensait à une clarté grande ou petite, localisée à l’endroit de la disparition<br />

ou dans les airs, d’où le malentendu noté par Day (doc. .244). Le récit de<br />

Maximin par Dausse mentionne explicitement ces deux clartés (doc. 97, v. 32-<br />

33).<br />

Jeudi 9 septembre 1847<br />

255. PREMIÈRE LETTRE DE MARIE DES BRULAIS à une amie<br />

(Mlle Utten ?) : fragment daté du 9 septembre<br />

Dans Écho, p. 95-97.<br />

Marie Des Brûlais naquit en 1809 à Vitré, Ille-et-Vilaine, dans une famille<br />

appartenant à la noblesse. Vers 1830, elle ouvrit à Nantes un externat pour<br />

jeunes filles, qu’elle dirigea en compagnie d’une amie irlandaise convertie du<br />

protestantisme, Sophie Utten. Elle visita la Salette à plusieurs reprises ; dans<br />

L'Echo de la sainte montagne et la Suite de l’écho (Nantes, 1852 et 1855) elle a<br />

tracé le récit des pèlerinages qu’elle fit entre 1847 et 1855. Elle édita en outre<br />

des illustrations sur la Salette et fit bâtir en l’honneur de la « belle Dame » une<br />

chapelle au petit séminaire de Nantes. Marie Des Brûlais mourut dans cette ville<br />

le 22 août 1896 (cf. V. HOSTACHY, M.S., La galerie des portraits de la Salette,<br />

3' série, Paris 1931, p. 347-4 3 5 ).<br />

Son pèlerinage de 1847. Le 18 août, elle avait appris par un mensuel<br />

{Lecture, 8*“' livraison) l’annonce du premier anniversaire de l’apparition. Elle<br />

décida alors de monter en pèlerinage, afin d’obtenir la guérison de l’infirmité<br />

dont elle souffrait depuis de longues années : une « obstruction au foie » (il<br />

s’agit peut-être de calculs biliaires) avec maux de tête. Une fois guérie, elle serait<br />

mieux à même d’accomplir ses devoirs d’éducatrice. — Partie de Nantes le<br />

4 septembre, elle arriva à Corps le 8 à dix heures du soir. Son état de santé<br />

s’améliora dès le lendemain, au cours de sa première ascension aux lieux de<br />

l’apparition et ses maux de foie disparurent le 15 {Echo, p. 3-7, 15, 98, 112-<br />

117 ; GlRAY II, p. 304-305). Comme elle logeait au couvent des Sœurs de la<br />

Providence, elle put approcher les deux voyants journellement. Douée d’une<br />

sensibilité exquise, elle sut les comprendre. Son séjour à Corps se termina le 20<br />

septembre. Une semaine plus tard, le lundi 27, elle était de retour à Nantes.<br />

Note critique. Bourrés de renseignements, Y Echo et sa Suite sont des sources<br />

précieuses pour l’historien, qui, toutefois, les utilisera avec précaution : Marie<br />

Des Brûlais voit les choses à travers sa sensibilité féminine. L'Echo décrit le<br />

pèlerinage de 1847 au moyen d’un Journal de voyage et de sept lettres. D ’après<br />

l’avant-propos du livre, il s’agirait de notes rédigées « au moment même pour<br />

être gardées dans un carton ou confiées sur-le-champ à la poste » (p. viii). Les<br />

textes semblent toutefois avoir été retouchés avant la publication. Ainsi le compte<br />

rendu de la première ascension, tel qu’on le lit dans YEcho (doc. 255 bis), peut<br />

difficilement avoir été mis au point à la date indiquée (9 septembre), au soir<br />

d’une journée harassante. D ’autre pan, les nombreux dialogues rapportés dans<br />

le Journal ont généralement été composés de mémoire, après un certain intervalle<br />

de temps. A la différence de Lagier, Marie Des Brûlais n’a écrit sous la dictée<br />

des enfants qu’exceptionnellement (cf. Echo, p. 31, note).<br />

124


10 septembre 1847 Doc. 256 bis<br />

96)...] On a planté quatorze Croix le long du chemin<br />

parcouru par cette bonne Mère. Je t ’écris assise au pied de la<br />

première, dite de l’Apparition, et tout près de la Fontaine<br />

J ’ai en face de moi, ma bonne amie, un spectacle bien<br />

touchant : c’est une pieuse demoiselle (de Lyon), infirme à ne<br />

pouvoir faire un pas, si ce: n ’est à l’aide de deux béquilles. Elle<br />

s’est fait transporter sur la Montagne, où elle couche dans une<br />

cabane de pâtres, sur la paille, et chaque jour elle se traîne au<br />

pied de la Croix de l ’Assomption, où elle demeure toute la<br />

journée, décidée qu’elle est, dit-elle, à y demeurer ainsi jusqu’à<br />

ce qu’elle ait laissé ses béquilles à la [p. 97] Sainte Vierge. Elle y<br />

est déjà depuis neuf jours. Oh ! que les impies dérisions de<br />

l’incrédule sont peu de chose ! [...]<br />

Vendredi 10 septembre 1847<br />

256 bis. JOURNAL DE MARIE DES BRULAIS : interrogatoire de<br />

Mélanie<br />

Dans É c h o , p. 25-35.<br />

RÉSUMÉ. Le matin de ce jour, Marie D.B. a assisté à un interrogatoire de<br />

Mélanie. « La jeune fille a été introduite seule en notre présence, deux<br />

ecclésiastiques (*) et moi » (p. 25). — Le 19 septembre, elle connaissait Maximin<br />

depuis deux jours. Ils ont « dîné » de « l’autre côté du ruisseau » (auprès de la<br />

fontaine miraculeuse, commente Marie D.B. p. 26, note). En voyant une Dame<br />

dans la clarté, Maximin dit : « Ne laisse pas tomber ton bâton : si elle nous j e t t e<br />

(frappe), nous lui j e t t e r o n s un coup » (p. 27).<br />

Le texte du discours correspond presque mot à mot à celui de Bez (doc. 163) :<br />

« j’ai, sous la dictée de la jeune fille, noté dans la citation de ce digne<br />

ecclésiastique, quelques légères variations qui m’ont été très-soigneusement<br />

indiquées par Mélanie », précise l’institutrice dans une note additionnelle (p. 31).<br />

Voici les principales variantes : la profanation du septième jour, « c’est ça qui<br />

appesantit tant le Bras de mon Fils » (p. 28 ; au lieu du v. 15 de Bez, supra,<br />

p. 53). — « Les autres travaillent le Dimanche tout l’été ; et l’hiver, quand ils<br />

ne savent que faire, les garçons ne vont à la Messe que pour se moquer de la<br />

Religion » (p. 30 ; comparer avec le v. 32 de Bez, supra, p. 54). — La question<br />

sur le blé gâté est posée au seul Maximin. — Avant de disparaître, la Dame « a<br />

regardé le ciel, puis la terre » (p. 31). — Une note additionnelle (p. 31) explique<br />

que l’expression « [la Dame] nous a tourné dire », employée par Mélanie à propos<br />

de la dernière phrase prononcée par la Vierge, signifie, dans le langage du pays,<br />

répéter.<br />

De retour aux Ablandens, Maximin fut le premier à raconter la nouvelle.<br />

Mélanie ignore si le curé de la Salette l’a crue lorsqu’elle lui raconta l’apparition<br />

le lendemain, « mais il a pleuré » (p. 32). Elle ignore également combien le<br />

maire lui a offert pour acheter son silence : «Je lui ai jeté contre » (p. 33), ditelle<br />

à propos de cet argent. En supposant qu’un jour elle révèle son secret, ce<br />

(*) D’après Écho. p. 100 (doc. 262), ils étaient de Gap. Il s’agit peut-être de l’abbé<br />

Repellin, professeur au petit séminaire d ’Embrun, et du curé de Serres, Hautes-Alpes (cf.<br />

doc. 343).<br />

125


Doc. 256 bis<br />

<strong>Documents</strong><br />

sera « Quand Celle qui me l’a donné, me dira de le dire » (p. 33). Lors de la<br />

disparition de la Dame, « Maximin a voulu lui prendre une rose de son soulier »<br />

(P- 34).<br />

257. LETTRE DE MGR VILLECOURT, évêque de la Rochelle, à<br />

l’abbé Mélin<br />

Original (3 p. en 1 f. 22,5 cm x 33) : EG 93.<br />

Contenu. L’évêque a terminé le manuscrit de son récit (doc. 309). Il l’aurait<br />

déjà envoyé à l’imprimeur, mais il espère recevoir les réponses aux questions<br />

qu’il avait posées dans sa lettre à l’abbé Chenavas, vicaire à Corps (doc. 226).<br />

[(p. 2)...] J ’ai mis d ’autant plus de hâte à écrire mon nouveau<br />

récit, que des prédicateurs de retraites pastorales ont déclamé, en<br />

plusieurs endroits, contre Y Apparition. Je me pressais de terminer<br />

mon opuscule, dans la persuasion que la parole d’un Evêque<br />

mettrait fin à ces attaques. [...]<br />

Je vous embrasse, Monsieur le Curé [...]. Je bénis aussi très<br />

affectueusement Maximin et Mélanie. [p. 3] Jeunes comme ils<br />

sont, ils ont le plus grand besoin de se tenir en garde contre tous<br />

les témoignages d’intérêt qu’ils reçoivent. C’était la recommandation<br />

que N.S.J.C. faisait à ses Apôtres, quand ils vinrent lui<br />

annoncer que les démons rnêm^ leur étaient soumis [... ]<br />

Samedi 11 septembre 1847<br />

259- LETTRE DE MGR PARISIS, évêque de Langres, à Mgr de<br />

Bruillard, au sujet de l’archiconfrérie réparatrice<br />

Original (3 p. 2 1 ,5 cm x 17) : EGD 67. Extraits dans GiNOULHlAC, G iray I,<br />

p. 119 et B assette, p. 78.<br />

Pierre-Louis Parisis, 1795-1866. Evêque de Langres en 1834, il est dans les<br />

années quarante l’un des membres les plus en vue de l’épiscopat français. D’abord<br />

très en faveur du catholicisme libéral, il finit par devenir le défenseur de l’Univers<br />

ultramontain de Louis Veuillot. Transféré au siège d’Arras en 1851, il y favorisera<br />

le culte de Notre-Dame de la Salette (1).<br />

O bjet de la lettre. A première vue, la lettre se limite à une banale<br />

recommandation en faveur d’une œuvre que l’évêque vient de fonder et qu’il<br />

tient à distinguer d’œuvres réparatrices similaires, mais dépourvues de caractère<br />

officiel. En réalité, elle veut mettre en garde contre des agissements venus troubler<br />

le développement de l'œuvre naissante (2). En raison du lien évident entre le<br />

but de Tarchiconfrérie et le message de la Salette, Mgr Parisis avertit l’évêque de<br />

Grenoble (3).<br />

(1) Sur Mgr Parisis et la Salette, voir GlRAY I, p. 117-123 et BASSETTE, p. 180-182.<br />

(2) Annales de l'Archiconfrérie réparatrice, septembre-décembre 1881, p. 291-297,<br />

333-339, 380-387, 405-410.<br />

(3) Cf. la lettre de l’abbé Favrel, vicaire général de Langres, à l’abbé Pierre Marche,<br />

12 septembre 1847 ; extrait dans les Annales de l ’Archiconfrerie réparatrice, décembre<br />

1881, p. 408.<br />

126


11 septembre 1847 Doc. 259<br />

Origine et premiers développements de l'archiconfrérie réparatrice du<br />

blasphémé et de la profanation du dimanche. L’archiconfrérie a pour origine une<br />

association de prières fondée au diocèse de Langres dans la paroisse de Saint-<br />

Martin de Lanoue, à Saint-Dizier, Haute-Marne. La paroisse se composait en<br />

grande partie de mariniers, gens simples, mais peu pratiquants. En janvier 1847,<br />

donc à une époque où les mariniers étaient présents au pays, l’abbé Pierre<br />

Marche, curé de la paroisse, fit donner une mission par un missionnaire diocésain,<br />

l’abbé Moliard. « Vers la fin de ht station, le prédicateur fit un sermon sur la<br />

sanctification du dimanche. Pendant qu’il parlait », expliquera plus tard l’abbé<br />

Marche, « nous fumes pressé de réaliser une pensée qui nous poursuivait déjà<br />

depuis quelque temps. Nous proposâmes donc, après l’instruction, de faire une<br />

Association Réparatrice. Le dimanche suivant nous renouvelâmes l’appel, et peu<br />

après l’association comptait plus de deux cents membres. Nous n’avions en vue<br />

que de faire le bien dans notre paroisse et dans notre diocèse ; mais Dieu posait<br />

par là les bases d’une Association qui devait s’étendre dans toute la France et<br />

dans le monde entier (4). » L’universalisation de l’association dérive d’une<br />

intervention de l’évêque du diocèse. Mgr Parisis, qui l’avait approuvée le<br />

28 juin, puis érigée en confrérie le 18 juillet, demanda pour elle au Saint-Siège<br />

l’autorisation de s’agréger des associations semblables. Par un bref daté du 30<br />

juillet 1847, qui érigeait l’association en archiconfrérie, Pie IX accorda la faculté<br />

sollicitée. Quatre mois plus tard, le pape se fit lui-même inscrire parmi les<br />

membres de l’archiconfrérie. La croissance de l’œuvre fut dès lors rapide : en<br />

l’espace de trois ans, elle se répandit dans soixante-huit diocèses (5).<br />

Mgr Parisis, frappé du caractère public des insultes infligées à Dieu non<br />

seulement par des blasphèmes proférés en un moment de colère, mais surtout<br />

par les sarcasmes et les négations de l’intelligentsia du dix-neuvième siècle, voulait<br />

une œuvre dont les membres s’opposeraient à ces abus et les répareraient devant<br />

Dieu, non seulement individuellement, mais en corps : « pour que cette influence<br />

d’édification soit plus puissante sur la société chrétienne, il faut que l’action en<br />

soit unanime et simultanée ; pour que ces prières de réparation soient plus<br />

efficaces sur le cœur de Dieu, il faut qu’elles soient réunies dans un même<br />

(4) Pierre MARCHE, Nouveau manuel de l ’Archiconfrérie réparatrice, Paris 1858,<br />

p. 334-335. — Né en 1805 à Doulaincourt (Haute-Marne), ordonné prêtre en 1828, Pierre<br />

Marche fut curé de Saint-Martin de Lanoue à Saint-Dizier de novembre 1840 jusqu’à son<br />

décès, en 1863. En 1849 il fonda les Sœurs de la Réparation de Saint-Dizier, qui, en 1909,<br />

s'unirent à la Congrégation de l’Adoration réparatrice, fondée en 1848 par Théodolinde<br />

Dubouché. Selon des récits publiés après son décès, l’abbé Marche monta en pèlerinage à<br />

la Salette dès les premiers mois qui suivirent l’apparition et en revint tout pénétré de<br />

l’idée réparatrice (Annales, octobre 1874, p. 264, où on lit le témoignage de son frère,<br />

l’abbé Jean-Baptiste M. ; décembre 1886, p. 299 ; Annales de l Archiconfrérie réparatrice,<br />

septembre 1886, p. 306-315). Quoi qu’il en soit de la date de son premier pèlerinage,<br />

l'apparition l’impressionna vivement. En mars 1848 il demanda et obtint par l’intercession<br />

de Notre Dame de la Salette la guérison d’une paroisienne de Lanoue, Eugénie Viciot,<br />

atteinte d ’une maladie qui, selon le médecin traitant, « présentait tous les symptômes<br />

d ’une maladie du cœur, avec déformité [sic] de la poitrine » (dans GlRAY II, p. 100). L’abbé<br />

Marche considéra cette guérison comme une « marque d ’approbation de l’Archiconfrérie<br />

réparatrice » (doc. 408 bis). Les abbés Perrin s’empressèrent de transmettre la nouvelle de<br />

la guérison à Mgr de Bruillard, « à cause », précisent-ils, « de l'intime liaison qui existe<br />

entre cette Archiconfrérie et l'Apparition de la Salette » (doc. 410). La même année, l’abbé<br />

Marche prend comme thème de son mois de Marie « l’événement de la Salette » (lettre<br />

Marche du 4 mai 1848, extrait dans PERRIN, n° 701).<br />

(5) Lettre de l’abbé Pierre Marche à la prieure du Carmel de Tours, 26 août 1850<br />

(original : Tours C). Le nombre des associations agrégées s’élevait alors à 986.<br />

127


Doc. 259<br />

<strong>Documents</strong><br />

concert, sous l’autorité de l’Église, épouse mystique de Celui que le Père exauce<br />

toujours » (6).<br />

Par son caractère public et par son but, l’archiconfrérie répondait aux voeux<br />

de Sœur Marie de Saint-Pierre, qui, on l’a vu plus haut (doc. 130 bis), sollicitait,<br />

depuis son Carmel de Tours, la fondation d’une œuvre réparatrice. Les usages<br />

prévus par le règlement de l’archiconfrérie étaient assez proches de ce que la<br />

carmélite avait demandé : ainsi la croix de l’archiconfrérie avait au centre un<br />

médaillon avec la Sainte Face du Christ d’un côté. Mgr Parisis refusait toutefois<br />

de lier l’archiconfrérie à des « révélations » dont l’examen ne relevait d’ailleurs<br />

pas de lui, mais de l’archevêque de Tours. Or un négociant originaire de Rouen,<br />

un certain Monsieur Le Brument, à la collaboration duquel l’abbé Marche avait<br />

fait appel sur le conseil d’un vicaire général de Langres, prétendait qu’on suivît<br />

les révélations de Tours à la lettre. « Il ne devait pas tarder à être, pour la<br />

direction de l’œuvre, une cause de graves embarras. Il fit imprimer le règlement<br />

et les prières de l’Archiconfrérie : ancien orfèvre, il se chargea même de la<br />

fabrication des croix et médailles avec un tel empressement qu’il n’attendit pas<br />

l’approbation du modèle officiel. Ni formules, ni croix ne se trouvèrent conformes<br />

au type adopté par Mgr Parisis, et déterminé par son ordonnance du 25 août<br />

1847 » (7). Sous prétexte de fidélité au message de Tours, Le Brament continuait<br />

néanmoins à les propager. Devant une propagande qui, en mettant l’accent sur<br />

l’observance de détails dévotionnels, modifiait l’esprit de l’association réparatrice<br />

et en compromettait l’unité, l’évêque de Langres se devait d’intervenir. Rappelons<br />

que Sœur Marie de Saint-Pierre demeura totalement étrangère aux agissements<br />

de son trop fidèle disciple (8).<br />

Monseigneur,<br />

Langres, le 11 Sept. 1847.<br />

Je sais que vous faites prendre des informations sur les<br />

événements de la Salette. Personne que vous en France n ’avait le<br />

droit de se prononcer le premier à cette occasion. Il est donc très<br />

regrettable que d ’une part un zèle indiscret et d’autre part un<br />

mercantilisme scandaleux se soient empar/ de ces avertissements<br />

encore mystérieux du ciel.<br />

En attendant que l’Eglise se prononce sur ces faits particuliers,<br />

il m’a semblé qu’on ne pouvait trop se hâter de satisfaire à Dieu<br />

pour les deux grands crimes signalés par la déclaration des enfants<br />

de Corps. A cet effet, j’ai érigé dans mon diocèse une Confrérie<br />

que [p. 2] par un bref du 30 juillet dernier le Souverain Pontife a<br />

(6) « Instruction de Monseigneur l’évêque de Langres sur l’adoration due à Dieu à<br />

l’occasion d’une Association pour la réparation des blasphèmes et la sanctification du<br />

dimanche », dans Manuel de /'Archiconfrérie réparatrice des blasphèmes et de la violation<br />

du dimanche, Paris, Bouasse-Lebel et cie, p. 21-91, (PBN D. 42825 ; dépôt légal : 1847).<br />

Le passage cité se trouve à la p. 32.<br />

(7) C. GUILLEMANT, Pierre-Louis Parisis, vol. I, Paris 1916, p. 364-365.<br />

(8) Le Brument écrivit aussi à l’abbé Mélin, qui cependant ne répondit pas (cf.<br />

doc. 246 et 268).<br />

128


12 septembre 1847 Doc. 262 bis<br />

bien voulu ériger en archiconfrérie avec des indulgences nombreuses.<br />

Pour distinguer cette association canonique des œuvres particulières<br />

et quelquefois assez mal entendues qui pullulent en ce<br />

moment, j’ai dû lui donner quelques signes spéciaux comme croix,<br />

cachets etc. Et, pour que ces signes ne fussent ni dénaturés, ni<br />

envahis par la spéculation, j’ai cru devoir aussi en confier<br />

exclusivement la fabrication et la vente à deux personnes de Paris<br />

dignes de toute confiance.<br />

L’une d ’elles a l’honneur de vous écrire et j’ai consenti à vous<br />

transmettre sa lettre dans l’intérêt d ’une œuvre à laquelle il est<br />

impossible qu’un cœur chrétien ne porte pas le plus vif intérêt (1).<br />

[p. 3] J ’ai su, Monseigneur, par des prêtres de votre diocèse<br />

que vous aviez été souffrant. Je prie Dieu de vous rendre des<br />

forces dont vous avez toujours fait un si bel usage pour sa gloire<br />

[...]<br />

Dimanche 12 septembre 1847<br />

fP[lERRE] L[OUIS] év. d e Langres<br />

262 bis. JOURNAL DE MARIE DES BRULAIS : premier entretien<br />

avec Mélanie et questions sur son secret<br />

Dans Écho, p. 55-58.<br />

Corps, Dimanche 12 septembre 1847.<br />

Je viens de causer en toute liberté pendant près d’une heure<br />

avec Mélanie Mathieu, qui, depuis que je suis installée au Couvent,<br />

me parle plus librement et sans crainte. Malgré sa timidité naturelle<br />

et son peu d’expansion, elle répond à mes questions avec une<br />

aisance remarquable [...].<br />

[p. 56] J ’ai prié la jeune fille de me dire, pour la plus<br />

grande gloire de la Sainte Vierge, si elle savait le Français avant<br />

l’Apparition. [...] J ’ai dit en Français cela que la Sainte Vierge a<br />

dit en Français, et en Patois cela qu’Elle a dit en Patois. — Vous<br />

êtes bien sûre, bien sûre, de ne l’avoir pas dit en Patois le premier<br />

jour, en descendant de la Montagne ? — Comment aurais-je fait<br />

pour le dire en Patois, puisque je ne pouvais pas le dire (*). Je ne<br />

savais pas le Français. [...] Saviez-vous ce que vous disiez ? — Je<br />

disais comme Elle avait dit. [... ]<br />

(1) Lettre de Mme Bouasse, née Lebel (doc. 260), qui adresse à l’évêque « un modèle<br />

du dessin des croix » de l’archiconfrérie et annonce l’envoi de « l’image formant le cachet<br />

d ’admission de l’association réparatrice ». L'évêque transmet bientôt à Mélin le modèle de<br />

la croix (cf. doc. 267). — En mars 1847 la maison Bouasse-Lebel avait édité une brochure<br />

sur la Salette (doc. 127).<br />

(*) « Elle voulait dire traduire, mais le mot lui est inconnu » (Note ajoutée par Marie<br />

Des Brûlais.)<br />

129


Doc. 262 bis<br />

<strong>Documents</strong><br />

[Réponses à des questions sur le secret posées à Mélanie le<br />

même jour, 12 septembre (p. 57)...] Je n ’ai pas dit que je ne le<br />

dirais pas, peut-être à telle époque : je le dirai oui ou non. — D.<br />

Ce secret vous regarde donc toute seule ? — R. Je ne dis pas s’il<br />

me regarde moi seule ou s’il en regarde d'autres, [...(p. 58)...]<br />

J ’ai pas compris le secret de Maximin. [...] D. Combien de temps<br />

vous a parlé cette Dame ? — R. Je n ’en sais rien : le temps ne<br />

me durait pas.<br />

Lundi 13 septembre 1847<br />

264 bis. JOURNAL DE MARIE DES BRULAIS : premier entretien<br />

avec Maximin, quelques réponses de Maximin et nouvel interrogatoire<br />

de Mélanie<br />

Dans Écho, p. 59-67.<br />

Premier entretien avec Maximin Giraud<br />

La veille, dimanche, Marie Des Brûlais avait interrogé Maximin en s’aidant<br />

du livre de Bez : « nous revîmes ensemble tout le discours de la Sainte Vierge » (1).<br />

La conversation roula ensuite sur les Protestants. Puis l’enfant se mit à parler,<br />

comme hors de lui :<br />

[p. 60] Il ne m ’écoutait plus, et se parlant à lui-même avec une<br />

grande agitation : «Je vais demander à M. le Curé, dit-il, la<br />

permission d ’aller ce soir sur la Montagne et je resterai là jusqu’à<br />

dimanche (19 septembre). [...] J ’irai ! j’irai !..... Vous ne savez<br />

pas mon secret !..... (Il se dégage de mes bras) (2). — [Marie<br />

D.B.] On ne voudra pas. — [Maximin] S ’ils ne veulent pas, ils<br />

s’en repentiront..... Je demanderai....... On sait pas mon secret.....<br />

Peut-être ils me tueront..... Qu’est-ce que ça me fait (3) ? »<br />

[p. 61] Je ne puis rendre la manière dont tout cela a été dit ;<br />

mais ce langage incohérent me frappa tellement ; l’enfant me<br />

parut sous une impression si impérieuse, que je crus devoir en<br />

avertir secrètement Madame la Supérieure, qui me dit : « Ils ont<br />

déjà plusieurs fois exprimé le même désir, surtout depuis le retour<br />

du beau temps. J ’attribue cela au besoin de revoir leurs montagnes.<br />

Si nous leur avions cédé, ils eussent fait bien des extravagances,<br />

que la méchanceté n ’eût pas manqué de rejeter sur le fanatisme 1<br />

(1) Écho, p. 59. — Dans une note ajoutée au bas de la page, Marie des Brûlais<br />

précise : « Comme Mélanie, Maximin répéta à la première personne ce passage : J 'a i donné<br />

six jours pour travailler, je me suis réservé le septième. »<br />

(2) « Il me repoussa même en me disant : Qu'est-ce que ça vous fa it ? » (Note ajoutée<br />

au bas de la page.)<br />

(3) On peut se demander si ces paroles, où il est question du secret, n ’ont pas un<br />

certain lien avec la représentation de la Passion à laquelle Maximin avait assisté quelques<br />

jours auparavant et qui semble avoir provoqué chez lui des réactions semblables (cf.<br />

doc. 314 et 343).<br />

130


13 septembre 1847 Doc. 265<br />

de ceux qui les dirigent. » [... (p. 62) Plus tard dans l’après-midi]<br />

la sœur de Maximin répétait en riant : « Il est drôle ! il ne fait que<br />

dire : Ils ne savent pas mon secret..... ils s’en repentiront..... (4) »<br />

[Lundi matin, Maximin dit à Marie D.B. qu’il veut rester sur la montagne<br />

au moins du vendredi à dimanche. — L’abbé Mélin, rencontré par Marie D.B.<br />

la veille (5), lui avait avoué « qu’il était souvent très-embarrassé » (p. 63). Leur<br />

conversation avait roulé ensuite sur le'caractère des enfants (p. 64) :]<br />

— Je les aime comme ils sont, repris-je, avec leurs petits défauts ;<br />

pour des vices, ils n ’en ont pas. — Je suis de votre avis. Cependant<br />

plusieurs personnes les voudraient plus mystiques, plus parfaits,<br />

du moins ; mais la Sainte Vierge les a laissés avec leur nature : il<br />

faut bien nous en contenter [...].<br />

Quelques réponses faites par Maximin<br />

le 13 septembre 1847<br />

RÉSUMÉ. La Sainte Vierge a confié le secret quand « elle a parlé de la famine,<br />

des noix gâtées et des raisins » (p. 64). Avant l’apparition, il comprenait le<br />

français « un petit peu », mais ne le parlait pas. Interrogé si, dès les premiers<br />

temps, il répétait en français ce que la Dame avait dit en français, il répond :<br />

« Oui, j’ai dit tout de suite comme Elle a dit » (p. 65).<br />

Interrogatoire subi par Mélanie<br />

en présence de Marie Des Brûlais le 13 septembre 1847<br />

RÉSUMÉ. Mélanie donne le même récit que le 10 septembre (doc. 256 bis).<br />

Elle a fait connaissance de Maximin le jeudi ; le vendredi ils se sont dits :<br />

« Demain, faut aller là..'... » (p. 66). La Dame « avait une robe blanche, un<br />

tablier jaune brillant, des bas jaunes brillants, des souliers blancs avec des roses<br />

autour, un bonnet blanc avec une couronne. Elle avait une Croix au cou »<br />

(p. 67). Sur la Croix il y avait un Christ et, de chaque côté, des tenailles et un<br />

marteau, qui ne tenaient « par rien ». Sur les souliers, il y avait une boucle allant<br />

« jusqu’à la cime (bout du pied) » Sur la robe, il « y avait des perles brillantes »<br />

(p. 67).<br />

265. LETTRE DE M. PEYTARD, maire de la Salette-Fallavaux, à<br />

Mgr de Bruillard<br />

Original : EG 100. — Texte presque intégral dans Annales, mars 1912,<br />

p. 306-307.<br />

RÉSUMÉ. La lettre a pour objet un différend surgi entre le maire et l’abbé<br />

Mélin au sujet de la pierre sur laquelle, au témoignage des enfants, la Vierge<br />

(4) A l’époque de l’apparition, Angélique Giraud était en service à Marseille. En<br />

apprenant que l’on disait que son frère avait vu la sainte Vierge, elle pensa : « c’est peutêtre<br />

notre bonne mère qu’il a vue et qu’il a prise pour la Sainte Vierge, comme je sais<br />

qu’il est si étourdi ! » (Paroles d ’Angélique, ajoutées en note par Marie Des Brûlais.) —<br />

La « bonne mère » désigne la mère véritable, décédée en 1837.<br />

(5) Au cours d ’une promenade (Écho, p. 116 : précision ajoutée en août 1849).<br />

131


Doc. 265<br />

<strong>Documents</strong><br />

s’était assise. Le 28 septembre 1846, l’abbé Mélin, ayant gravi la Montagne avec<br />

M. Perrin, « aujourd’hui curé de Saint-Sixte (1) », fit descendre cette pierre et<br />

l’emporta chez lui. Le maire lui a réclamé cette pierre, propriété de la commune.<br />

L’abbé Mélin a d’abord promis de la rendre, puis a refusé. Comme le maire a<br />

menacé de porter l’affaire devant les tribunaux, il a consenti à en rendre une<br />

partie. Mais le maire veut la pierre tout entière. Au besoin, il aura recours « aux<br />

rigueurs de la plaidoierie ». Le maire prie l’évêque de donner au curé de Corps<br />

des ordres, « pour que justice soit faite (2) ».<br />

Mardi 14 septembre 1847<br />

266 bis. JOURNAL DE MARIE DES BRULAIS : interrogatoire<br />

subi par Maximin le 14 septembre<br />

Dans É c h o , p. 69-72.<br />

RÉSUMÉ. Maximin donne le récit de l’apparition et répond à diverses<br />

questions : il a fait la connaissance de Mélanie le jeudi avant l’apparition ; le<br />

vendredi, ils se dirent : « Nous irons ensemble là demain » (p. 70) ; ils ignorent<br />

chacun le secret de l’autre (*) ; la voix de la Dame était douce « comme une<br />

musique » (p. 71) ; elle avait aux souliers des roses de toutes les couleurs ;<br />

Maximin ne l’a pas vue pleurer et n’a pas bien vu sa figure, qui l’éblouissait ; il<br />

n’a pas fait attention à son tablier ; sur sa robe, il y avait des perles.<br />

Mercredi 15 septembre 1847<br />

271. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à Mgr de Bruillard<br />

Original : EG 100. — Texte presque intégral dans Annales, mars 1912,<br />

p. 308.<br />

RÉSUMÉ. L’évêque lui ayant écrit au sujet de la pierre de l’apparition dans<br />

un sens favorable au maire de la Salette-Fallavaux (doc. 267, cf. doc. 265), le<br />

curé de Corps répond qu’il ne craint pas les menaces de celui-ci. En descendant<br />

un morceau de rocher sans valeur marchande, il a agi comme des milliers d’autres<br />

pèlerins. S’il ne l’avait pas enlevée, la pierre n’existerait plus que sous forme de<br />

parcelles. Il faut répondre à Peytard que, conformément à ce qui avait été<br />

convenu, la pierre est déjà partagée en deux parts, dont une restera à Corps,<br />

tandis que l’autre sera remise au curé de la Salette, qui la conservera avec soin<br />

jusqu’à la décision doctrinale ; Monseigneur en a décidé ainsi, pour terminer le<br />

litige. Si Peytard intente une action en justice, Mélin se charge de lui répondre.<br />

(1) L’abbé Jacques Perrin, encore curé de la Salette en septembre 1846 (à ne pas<br />

confondre avec son successeur, Louis Perrin). Le maire fait probablement erreur : il est peu<br />

probable que l’abbé Jacques P., qui était faible de santé, soit monté ce jour aux lieux de<br />

l’apparition (cf. LSDA I, p. 50).<br />

(2) Le litige trouvera son dénouement au mois de mai de l’année suivante. Sur cette<br />

affaire, cf. doc. 267, 271, 275, 276, 278, 285, 294, 294 bis, 418, 419, 420, 421, 422, 424,<br />

432, 467 ; Annales, mars et avril 1912, p. 304-309, 335-338, juin et juillet 1912, p. 11-<br />

16, 56-60.<br />

(*) «Je tiens de Madame la Supérieure que Maximin essaya les premiers jours de<br />

surprendre le secret de Mélanie : « Dis-moi ton secret et je te dirai le mien. » Mélanie trèsscandalisée,<br />

repoussa le tentateur comme il le méritait. On reprochait ensuite à Maximin<br />

d ’avoir été sur le point de désobéir à la Sainte Vierge : « Oh ! que non pas ! répondit-il<br />

avec feu : j'aurais pris son secret et puis j'aurais tenu le mien. » (Note ajoutée par Marie<br />

Des Brûlais, Écho, p. 71.)<br />

132


16 septembre 1847 Doc. 212 bis<br />

On. voit par là combien il importe de prendre des garanties écrites en ce qui<br />

concerne le terrain de la future chapelle. Quant aux objets de Mme Bouasse, ils<br />

« n ’auront de l'effet, qu'autant que l ’Archiconfrérie, dont ils sont les signes,<br />

aura é té établie » Mélin pense « que cette dévotion doit être répandue, dans le<br />

diocèse, en prem ière ligne, comme conséquence immédiate de l ’apparition » (cf.<br />

p. 127-128 et aussi doc. 269).<br />

I < i i - , :<br />

Jeudi 16 septembre 1847<br />

272 bis. JOURNAL DE MARIE DES BRULAIS : re'ponses de<br />

Maximin<br />

Dans Écho, p. 75-77.<br />

16 septembre 1847.<br />

Maximin nous accompagnait hier soir, Sœur Sainte-Clotilde<br />

et moi, comme nous nous rendions à la prière : « Voyons, ma<br />

Sœur, dis-je à dessein, en faisant allusion aux paroles du jeune<br />

homme des environs de Grenoble (1) ; voye2 comme Maximin a<br />

tort d ’être si dissipé, surtout quand il répond la Sainte Messe :<br />

cela est cause que plusieurs personnes ne veulent pas croire à ce<br />

qu’il dit du 19 septembre. — S’il ne veulent pas croire, réponditil<br />

selon sa coutume, qu’ils le laissent : je ne puis pas faire croire ;<br />

seulement je dois le dire. [...]<br />

[p. 76] Pendant la récréation, Maximin folâtrait autour des<br />

bonnes Religieuses et de moi. Madame la Supérieure lui a dit :<br />

« Dis-nous donc, Mouvement perpétuel, si la Sainte Vierge<br />

ne t ’a point recommandé d ’être un peu plus sage. — Eh bien<br />

non ! Elle m ’a rien dit comme ça. — Cependant, elle t ’a demandé<br />

si tu faisais bien tes prières. — Oui ; mais Elle a pas dit autre<br />

chose que comme j ’ai dit. — C’est peut-être là ton secret que tu<br />

ne veux pas dire ? — C’est cela ou autre chose. — Tu nous diras<br />

bien au moins si la Voix de la Sainte Vierge était bien douce ? —<br />

Bien douce ! répondit l’enfant, sans quitter son air enjoué ; plus<br />

douce encore que celle de Sœur V*** (la religieuse absente dont<br />

j’occupe la cellule) — Tu l’aimais donc mieux que la voix de<br />

Sœur V*** (2) ? — Eh oui ! je l’aimais tant..... que je croyais<br />

que je la mangeais. — Et tu suivais la Sainte Vierge ? — Oui, je<br />

la suivais. — L’as-tu touchée ? — Non. — Pourquoi ? — J ’osais<br />

pas. [p. 77] Tu avais donc peur ? — Oh non ! j ’avais plus peur.<br />

— L’as-tu vu pleurer ? — Non, mais Mélanie dit qu’elle pleurait.<br />

— N ’as-tu pas voulu prendre quelque chose de sa toilette ? —<br />

J ’ai voulu prendre une rose de son soulier. — Pourquoi ne l’as-tu 1<br />

(1) Le même jour, ce jeune homme avait en présence de Marie Des Brûlais fait<br />

« l’incrédule sur la Révélation, afin d ’exciter à parler le petit Maximin » (doc. 270 bis).<br />

(2) Sans doute Soeur Sainte-Valérie (cf. LSDA I, p. 191).<br />

133


Doc. 212 bis<br />

<strong>Documents</strong><br />

pas prise ? — J'ai pas pu : elle s’est fondue... comme le beurre<br />

dans la poêle.<br />

« La Sainte Vierge, ai-je dit à mon tour, ressemblait-elle à<br />

cette image que j’ai achetée sur la Montagne ! — Oh non ! a-t-il<br />

fait avec dédain. — Mais explique-nous donc un peu sa figure, a<br />

continué Madame la Supérieure ; dis-nous sa ressemblance. — J ’ai<br />

pas pu voir sa figure, qui éblouissait. Et puis..... Elle ne ressemble<br />

à rien..... »<br />

Vendredi 17 septembre 1847<br />

Ev én e m e n t s. Corps est encombré de visiteurs. Arrivé le soir par la diligence<br />

de Gap, dans laquelle il a réussi à monter non sans mal, l’abbé Arbaud,<br />

professeur au petit séminaire de Forcalquier au diocèse de Digne, trouve toutes<br />

les chambres d’hôtel occupées. Lui et d’autres visiteurs ont recours « aux maisons<br />

des particuliers les plus aisés, qui durent ce jour-là et les suivants se transformer<br />

en auberges » (doc. 401, p. 32). Il y a des pèlerins d’Arles, d’Avignon, de Lyon,<br />

de Troyes, de Chartres, etc. (doc. 277).<br />

274 bis. JOURNAL DE MARIE DES BRULAIS : interrogatoires de<br />

Maximin et de Mélanie<br />

Dans É c h o , p. 77-82.<br />

RÉSUMÉ. La veille, Maximin a passé la soirée en compagnie des religieuses<br />

du couvent et de Marie Des Brûlais. Harcelé de questions sur le secret, il finit<br />

par s’énerver : « t o u s , tant que vous êtes ici autour de cette table, cela ne vous<br />

s o u c i n e pas, mon secret » (p. 78).<br />

R é p o n s e s d o n n é e s p a r M a x i m i n l e 1 1 s e p t e m b r e : il dira son secret ou ne le<br />

dira pas ; il ignorait que la Dame qui leur apparaissait était la sainte Vierge ; il<br />

ne connaît pas le secret de Mélanie ; la Dame était plus grande que * t o u t e<br />

a u t r e » (p. 80) ; il n’a pas vu ses mains ; comme on lui objecte qu’il vient de<br />

dire qu’elle croisait les mains, il « cache immédiatement ses mains dans les<br />

manches de sa blouse » sans répondre (p. 80).<br />

Réponses données le même jour par Mélanie : le secret lui fait-il plaisir ? —<br />

« oui ou non » (p. 80) ; elle s’en souvient ; elle se trouve au couvent depuis « la<br />

Noël » (p. 81) ; jusque-là, elle était restée chez son maître ; avant l’apparition,<br />

elle n’allait « pas guère souvent » à l’église (p. 81) ; le soir du 19 septembre, ils<br />

ont continué à garder leurs bêtes ; rentrés aux Ablandens, Maximin parla le<br />

premier. « On est venu me demander si c’était vrai, et j’ai dit : Oui » (p. 81).<br />

Elle a refusé l’argent que lui offrait le maire ; le jour de l’apparition, elle n’a<br />

pas vu couler la source et, du reste, ni elle ni Maximin n’a pensé regarder ; mais<br />

ceux qui sont montés voir, « l’ont dit le lundi » (p. 81). Interrogée si elle était<br />

sûre que l’apparition n’était point un rêve, elle répond : « Nous avions dormi,<br />

Monsieur, nous dormions plus (d’un ton froid et bref) > (p. 82).<br />

Samedi 18 septembre 1847<br />

Veille de l’anniversaire de l’apparition<br />

ÉVÉNEMENTS. « Le samedi 18 toutes les avenues du côté de Grenoble, du<br />

côté de Gap, du côté de Mens, du côté de Die, étaient pleines de monde qui<br />

arrivait en priant. Plus de trente voitures publiques, sans compter les voitures<br />

134


18 septembre 1847 Doc. 278<br />

particulières, sont arrivées ce jour-là de Grenoble » (*). L’abbé Arbaud, qui est<br />

monté de Corps au village de la Salette, voit passer des groupes de quarante,<br />

cinquante personnes et davantage, récitant le chapelet ou chantant des cantiques<br />

(Arbaud, p. 45). Des pèlerins qui n’ont pu trouver un abri dans les hameaux,<br />

entreprennent le soir l’ascension vers les lieux de l’apparition, malgré la pluie et<br />

l’obscurité. Ils glissent au fond d’un ravin, d’où ils sont sauvés par l’abbé<br />

Barrai (**), qui les mène au but désiré (Perrin, n° 651).<br />

278. CINQUIÈME LETTRE DE MARIE DES BRULAIS à une<br />

amie : fragment daté du 18 septembre<br />

Dans Écho, p. 104-107.<br />

[...] Hier soir, M. le Vicaire prêchait toute la population pressée<br />

dans l’église de Corps. Pour la première fois il put parler en chaire<br />

de l’Evénement inouï qui nous réunissait tous (1) ; il put aussi<br />

féliciter tous les habitants de leur assiduité aux Offices, de leur<br />

zèle pour la sanctification du dimanche, de leur entier changement<br />

en un mot : car il y a un an, le Pasteur de cette Paroisse ne<br />

pouvait, hélas ! que verser des larmes sur ses brebis égarées. Hier,<br />

M. le Curé lui-même me confirmait la vérité de ce changement :<br />

il m’a dit en propres termes que sur toute sa Paroisse trente<br />

personnes à peine avaient négligé cette année le devoir pascal. La<br />

population "est de 1500 âmes.<br />

Mais revenons au prédicateur : il paraissait tout pénétré de<br />

cette pensée que l’assistance goûtait bien, je t’assure : « Combien<br />

notre Mère est bonne ! Combien il faut que la justice divine soit<br />

irritée par nos crimes pour que la Mère de [p. 105] Dieu, sa Mère,<br />

oui, mais aussi notre Mère soit descendue elle-même du haut des<br />

Cieux, afin de rappeler dans le sein de la Miséricorde des ingrats<br />

que la Justice allait frapper !..... » Il appelait cet Evénement inouï,<br />

unique [...].<br />

[p. 106] Quelle affluence ! que cela fait de bien à voir ! La<br />

Cure de Corps est pleine et ne désemplit pas de pèlerins qui, sans<br />

cesse renouvelés, écoutent le petit Maximin. J ’entends de ma<br />

chambre la jeune Mélanie, qui de son côté satisfait la pieuse<br />

curiosité d ’une foule encombrant le salon du Couvent, lequel ne<br />

désemplit pas non plus. On compte en ce moment soixante voitures<br />

arrivant de Gap, de Grenoble, sans parler de la multitude de<br />

pèlerins qui affluent de tous côtés à travers les montagnes. Ils<br />

(*) Doc. 298 : lettre de l’abbé Boissieux, 28 septembre 1847. L’abbé L.-A. Boissieux,<br />

1805-1883, curé d’Izeron, interrogea les enfants le 17 septembre et assista à la célébration<br />

de l’anniversaire sur la montagne.<br />

(**) J.-F. Barrai, déjà rencontré (doc. 178), ou son frère jumeau, également prêtre.<br />

(1) Conformément aux instructions données par l’évêque de Grenoble (doc. 3), le<br />

curé de Corps et son vicaire s’étaient jusque-là abstenus de parler de l'apparition en chaire.<br />

135


Doc. 278<br />

<strong>Documents</strong><br />

viennent pour le plus grand nombre à pied de 10, 20, 30 et même<br />

40 lieues ! [...]<br />

279. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à Mgr de Bruillard<br />

Original : EG 100.<br />

Note. L’évêque de Grenoble faisant sienne la solution proposée au sujet de<br />

la pierre de l’apparition par le curé de Corps (que les paroisses de la Salette et<br />

de Corps en aient chacune une part) lui a répondu le 17 septembre : « La Salette<br />

et Corps ont un droit égal à la possession de ce religieux monument » (doc. 275 ;<br />

cf. aussi doc. 271). Après avoir remercié l’évêque d’avoir pris cette décision,<br />

l’abbé Mélit} donne des nouvelles :<br />

Corps ressemble à Bethlé^em, aux jours du dénombrement<br />

des Césars, et grand nombre de pèlerins éprouvent le sort du<br />

Sauveur ; deux ou trois mille couchent ce soir dans les granges de<br />

la Salette, de Corps ou à la belle étoile. Un temps magnifique,<br />

après deux jours de pluie, nous est arrivé aujourd’hui, pour la<br />

vigile ; il nous paraît promis pour demain (1).<br />

279 bis. JOURNAL DE MARIE DES BRULAIS : notes d’interrogatoires,<br />

portraits des enfants, toilette de la Sainte Vierge (ibidem )<br />

Dans É c h o , p. 83-86.<br />

RÉSUMÉ DES NOTES D'INTERROGATOIRES. Maximin répond qu’il n’avait pas<br />

l’habitude de dormir après avoir mangé et qu’il ignore comment ils se sont<br />

endormis le jour de l’apparition. — Mélanie dit avoir fait la connaissance de<br />

Maximin « deux jours avant » (p. 83) l’apparition. A l’objection « Vous lui<br />

parliez » elle répond : « Monsieur, je vous parle et je ne vous connais pas »<br />

(p. 84). La Dame qui lui a parlé était « quelque Sainte ou bien la Sainte Vierge ».<br />

Portrait des enfants<br />

[p. 84] Il m ’a été impossible de recueillir toutes les questions<br />

qui ont été adressées à Mélanie et à Maximin pendant cette<br />

semaine, où la foule des interrogateurs a toujours été croissant. Je<br />

ne rapporte que ce qui m ’a le plus vivement frappée. J ’ai tenu à<br />

reproduire les expressions des Enfants, autant que je l’ai pu, et je<br />

crois ne m ’être que rarement écartée de leur naïf langage. Mais ce<br />

qu’il est impossible de rendre, ce qu’il [p. 85] faut avoir vu, c’est<br />

la simplicité de leur attitude, de leurs gestes ; c’est l’expression de<br />

leur physionomie où se peignent la franchise, la candeur et la<br />

conviction. 1<br />

(1) Les prévisions de Mélin sur le temps s’avéreront inexactes. Dès l’après-midi de ce<br />

samedi, le temps se mettra à la pluie.<br />

136


19 septembre 1847 Doc. 279 bis<br />

Maximin est d’un caractère plus ouvert, plus aimable que<br />

celui de Mélanie. Mais cette dernière est surtout remarquable par<br />

sa grande et rare modestie : loin d’être flattée d ’attirer ainsi<br />

l’attention, elle voudrait s’y dérober, si le sentiment de sa mission<br />

ne l’emportait encore sur sa timidité naturelle ; c’est ce que rend<br />

bien cette réponse : « J ’aimerais mieux n ’être pas chargée de le<br />

dire, pourvu qu'ils le savent ; » et encore celle qu’elle a faite<br />

aujourd’hui à un ecclésiastique qui lui demandait si elle était<br />

contente et heureuse que la Sainte Vierge lui eût fait cette<br />

Révélation. — « Oui, a-t-elle répondu, mais je serais bien plus<br />

contente, si elle ne m ’avait pas dit de la dire. — Et pourquoi<br />

donc ? — Cela me fa it trop voir. »<br />

Résu m é des e x p l ic a t io n s d e m éla n ie sur la toilette de la sainte Vierge. La<br />

veille, tandis que Marie des Brûlais taillait les hosties destinées à être consommées<br />

sur la montagne, Mélanie lui expliqua que la Dame portait un bonnet « un peu<br />

haut » (p. 86) et pas trop pointu. A la hauteur du front, elle avait une couronne<br />

de roses. Elle ne portait ni voile ni manteau. Son fichu, de couleur blanche,<br />

était croisé par devant. Il « y avait des roses tout autour du fichu, et puis une<br />

chaîne brillante au-dessus de la garniture de roses ; et puis, il pendait là (sur la<br />

poitrine), une croix avec des tenailles et un marteau qui tenaient sans rien.<br />

N ’avait-elle pas des bas jaunes, cette belle Dame ? — Oui, qui brillaient et puis<br />

des souliers blancs avec des roses tou t autour » (p. 86).<br />

Dimanche 19 septembre 1847<br />

Célébration du premier anniversaire de l’apparition<br />

Malgré la pluie et le froid, de nombreux pèlerins passent la nuit sur la<br />

montagne. Vers cinq heures du matin, il y a là, d’après l’estimation d’un témoin<br />

oculaire, entre huit cents à mille personnes, dont une quarantaine de prêtres (1).<br />

La plupart doivent passer la nuit en plein air. Priant sans interruption, ils forment<br />

un carré sur les lieux de l’apparition. Un petit nombre seulement réussit à<br />

pénétrer dans la chapelle provisoire, où l’on célèbre des messes à partir de trois<br />

heures et demie (2). Quelques-uns s’abritent dans les cinq baraques en planches,<br />

« destinées à offrir aux voyageurs quelques soulagements provisoires » (A r b a u d ,<br />

p. 50).<br />

Durant la journée, la foule continue à affluer. « Ce qui m’a vivement<br />

attendri dans cette ascension », écrit l’abbé Gerin, curé de la cathédrale de<br />

Grenoble, « c’étaient les chants des Litanies, du Petit Office, des Cantiques de la<br />

Sainte Vierge, dans le cœur et la bouche des hommes, des femmes, des jeunes<br />

gens, des jeunes personnes ; la récitation du Chapelet et d’autres prières, à voix<br />

haute, par un aussi grand nombre de personnes ; des montures chargées d’un<br />

père ou d’une mère, tenant amoureusement autour d’eux leurs enfants ; de<br />

pauvres mères marchant à pied en serrant contre leur sein de tout petits enfants ; 1<br />

(1) Doc. 298 (abbé Barrai). — Selon le doc. 282, vers trois heures du matin les prêtres<br />

étaient plus de cinquante ; selon PERRIN, n° 652, durant cette nuit « plus de cent prêtres<br />

environnaient l ’autel ».<br />

(2) Voir le doc. 282 (relation de l’abbé Louis Perrin, curé de la Salette).<br />

137


Doc. 279 bis<br />

<strong>Documents</strong><br />

des personnes portées en palanquin, des infirmes de toute espèce. Arrivés enfin<br />

sur la Montagne sainte, nous avons vu avec ravissement un vrai campement<br />

d’Israël, des groupes de toutes parts assis à côté de leurs montures » (doc. 289).<br />

Vers onze heures, on arrête la célébration des messes. Un rassemblement se<br />

forme sur le versant du Gargas, au-dessus des lieux de l’apparition : c’est là que<br />

l’abbé Sibillat (3) donne le sermon prévu pour la journée. Il « agitait ses longs<br />

bras » écrit l’abbé Arbaud dans ses souvenirs, « se livrait aux grands mouvements<br />

de l’éloquence et faisait éclater sa voix mâle et sonore» (A r b a u d , p. 51).<br />

Cependant, seules les personnes placées à proximité parviennent à l’entendre:<br />

Des prières et des chants suivent le sermon. Pendant le Magnificat, le brouillard<br />

qui enveloppe l’assemblée se lève. On aperçoit alors l’ensemble de la foule.<br />

Spectacle saisissant : l’abbé Gerin n’a jamais rien vu de semblable, « ni à Lyon,<br />

à l’arrivée des Bourbons, au retour de l’exil ; ni à l’apparition de Bonaparte, au<br />

retour de l’île d’Elbe [...] et cependant à peine y avait-il les deux tiers des<br />

pèlerins » (doc. 289). On chante le cantique « Bénissons à jamais » et le T e<br />

Deum. Puis, sur la demande des fidèles, l’abbé Gerin improvise une allocution,<br />

qu’il donne en se plaçant près de la croix de l’Assomption (A r b a u d , p. 53).<br />

Les estimations du nombre des pèlerins vont, selon les témoins, de trente<br />

mille à soixante et même cent mille (4). Le Père Bossan, qui a une certaine<br />

expérience des foules de la Salette, estime ces derniers chiffres très exagérés et<br />

s’en tient à l’estimation proposée par Arbaud : trente à quarante mille (A r baud,<br />

p. 48 ; Apparition, n° 964). Au reste, les calculs sont d’autant plus alléatoires,<br />

que les gens montent et descendent sans cesse durant la journée.<br />

L’abbé Mélin, les religieuses de Corps, Marie Des Brûlais et les deux bergers,<br />

partis vers cinq heures et demie du matin, arrivent environ quatre heures plus<br />

tard (doc. 287). Selon Marie Des Brûlais, on demande à Mélanie comment elle<br />

avait compris l’expression « faire passer cela à son Peuple » ; s’agissait-il, dans sa<br />

pensée, seulement des habitants « de ce pays »? — Mélanie répond : « Je sais<br />

pas, moi : je comprends tout le monde » (doc. 281 bis).<br />

Les pèlerins assaillent les enfants et les obligent à répéter leurs récits.<br />

Maximin, fatigué, trouve refuge à la sacristie de la petite chapelle. Il s’y confesse<br />

à l’abbé Gerin (5). Quant à Mélanie, écrit Marie Des Brûlais, « on eût dit à son<br />

maintien, à l’impassibilité de sa physionomie, qu’elle était étrangère à cette<br />

affluence. Quelqu’un eut la maladresse de lui dire : « Voyez tout ce monde ! *60<br />

(3) Né à Moirans en 1815, prêtre en 1845, vicaire à la Tronche (banlieue de Grenoble)<br />

de 1845 à 1852, Michel-François Sibillat fut ensuite Missionnaire de N.D. de la Salette,<br />

mais quitta l’Institut six ans plus tard, lorsque les Missionnaires optèrent pour la vie<br />

religieuse et prononcèrent les vœux de religion. Il parcourut la France comme prédicateur<br />

et obtint du Saint-Siège le titre de Missionnaire apostolique. Sur la Salette, M.-F. Sibillat<br />

publia un livre (La divine messagère..., 1854) et composa des cantiques (cf. Bibl.). Il<br />

mourut le 9 mars 1870.<br />

(4) 30 000, selon une estimation rapportée par Mélin (doc. 297 bis) ; « pas moins de<br />

30 » (mille), selon le brigadier de la gendarmerie de Corps (L.M.U. SlMILIEN, Pèlerinage à<br />

la Salette, 2e éd., Angers 1853, p. 225) ; au moins 40 000, d ’après le rapport du maire au<br />

préfet de l’Isère (cf. doc. 288) ; 100 000, selon Gerin (doc. 289). Rousselot parle de 50 à<br />

60 mille personnes : « nous n ’articulons que ce nombre, quoique beaucoup de prêtres et<br />

de laïques instruits, témoins oculaires, le fassent monter à 80 mille et même plus haut.<br />

Dans cette foule immense, se trouvoient des ingénieurs accoutumés au calcul des masses<br />

couvrant une certaine étendue de terrain » (doc. 310, p. 22, addition marginale = Vérité,<br />

p. 98). Rousselot pense très vraisemblablement ici à l’ingénieur Dausse.<br />

(5) Doc. 282 et PERRIN, n° 661. Un manuscrit de Dausse (doc. 315) laisse entendre<br />

que celui-ci rencontra l’enfant à la sacristie de Corps, le soir du 19 septembre.<br />

138


19-20 septembre 1847 Doc. 282<br />

c'est pourtant vous qui êtes l’auteur de tout cela ! » Mélanie, sans répondre,<br />

haussa les épaules, comme lorsque quelque chose lui paraît absurde ; et dès lors,<br />

toute son attention fut constamment de se tenir cachée, de se dérober dès qu’elle<br />

était reconnue,* jusqu’à ce qu’enfin, ne pouvant plus éviter les attroupements<br />

que sa présence renouvelait partout où elle passait, elle prit le parti de s’enfuir<br />

tout de bon avec son père, en prenant sa course à travers les sentiers de la<br />

Montagne » {Echo, p. 88-89). Arbaud rapporte qu’une extinction de voix lui<br />

ayant interdit l’usage de la parole, elle fut emmenée épuisée de lassitude et sur<br />

le point de tomber en syncope » (Arbaud, p. 52).<br />

A en croire l’abbé J.-P. Cartellier, « Mélanie qui se trouvait à une extrémité<br />

de cette multitude innombrable de pèlerins, s’écria tout à coup : je vois la Ste<br />

Vierge. La foule alors se précipite de son côté. Mélanie pleurait ; tant elle avait<br />

été impressionnée par cette vision » (6). On a là, peut-être, l’écho plus ou moins<br />

déformé d’une parole réelle (7).<br />

A Morlaix, Finistère, à la suite d’une neuvaine à Notre-Dame de la Salette,<br />

guérison d’Elisa de Pinguern et de Francine La Bourdonnec, âgées de dix-sept<br />

ans, pensionnaires au couvent de N.D. de la Victoire, atteintes d’un mal inconnu<br />

et jugé incurable par le médecin. — Dossier : EG 120 ; cf. G iray II, p. 305-<br />

306.<br />

19-20 septembre 1847<br />

É v é n e m e n t s. A Blois, à la suite d’une neuvaine à Notre-Dame de la Salette,<br />

guérison de Joséphine Leblais, âgée de trente et un ans, atteinte de plusieurs<br />

infirmités (gastralgie, etc.). Cette guérison fit l’objet d’une enquête canonique à<br />

l’évêché de Blois. — Dossier : EG 122 ; cf. G ir a y II, p. 306-307.<br />

* 282. LETTRE DE L’ABBÉ LOUIS PERRIN, curé de la Salette, à<br />

Mgr de Bruillard<br />

Dans VlLLECOURT, p. 184-187.<br />

Date. Mgr Villecourt, qui édita cette lettre, n’en indique pas la date.<br />

L’évêque de Grenoble la lui avait transmise en lui renvoyant le manuscrit du<br />

Nouveau récit (doc. 309). Elle fut probablement écrite peu de temps après le<br />

jour anniversaire, peut-être dès le lendemain.<br />

Monseigneur,<br />

Votre Grandeur désirait beaucoup que les cérémonies permises<br />

sur la montagne de la Salette fussent exécutées avec ordre, et<br />

affermissent de plus en plus la croyance à l'apparition miraculeuse.<br />

Nous sommes heureux de pouvoir dire, avec tous les autres témoins<br />

oculaires, que la fête du 19 septembre a été brillante au-delà de<br />

tout ce qu’on pouvait prévoir. Aucun accident n ’est arrivé, de<br />

(6) Cartellier continue : « Nous avouons que nous n’en avions pas entendu parler.<br />

C’est ces jours-ci pour la première fois [i.e. en 1848 ou 1849] que ce fait nous a été<br />

rapporté » (Réponse, p. 12).<br />

(7) On trouvera dans l’introduction au doc. 288 un fait arrivé ce même jour, mais<br />

déformé par la rumeur populaire.<br />

139


Doc. 282<br />

<strong>Documents</strong><br />

l’aveu de M. le Maire, ni durant la célébration des Saints Mystères,<br />

ni dans la foule immense des pèlerins.<br />

Il serait difficile, Monseigneur, de se former une idée juste<br />

d ’une pareille agglomération ; il aurait bien fallu une demi-heure<br />

pour faire le tour du terrain qu’elle occupait ; et encore elle était<br />

tellement compacte, que l’on ne marchait pas, mais que l ’on était<br />

porté en avant, par sauts et par bonds, comme les vagues de la<br />

mer, surtout à quelque distance de la petite chapelle. Cependant<br />

tous s’inclinaient profondément, au-[p. 185]tant qu’ils le pouvaient<br />

; tous étaient pénétrés d ’un vrai sentiment de religion,<br />

animés de la foi la plus vive ; tous priaient ou chantaient<br />

pieusement ; tous paraissaient s’occuper des moyens à prendre<br />

pour devenir meilleurs. Le chant des Litanies de la Sainte Vierge,<br />

du Salve Regina, de l’Ave maris Stella, et d ’un grand nombre de<br />

cantiques, n ’a pas été interrompu durant la nuit du samedi au<br />

dimanche.<br />

Quel souvenir, Monseigneur, que celui de cette nuit !! La<br />

pluie a commencé vers les cinq heures du soir, et n ’a cessé que le<br />

lendemain vers les sept heures du matin. Voilà pourtant une<br />

multitude de cinquante mille âmes qui a passé la nuit en plein<br />

air, inondée d ’une pluie torrentielle, sans laisser échapper ni<br />

murmures, ni plaintes (1).<br />

Vers les trois heures du matin, j’ai commencé la cérémonie<br />

par la bénédiction de la petite chapelle en bois. J ’étais environné<br />

de plus de cinquante prêtres. A trois heures et demie, j’ai dit la<br />

première messe, et mon frère a dit la sienne en même temps ; car<br />

nous avons pu élever un autel à deux faces. Depuis ce moment,<br />

jusqu’à onze heures et demie, le double sacrifice a été offert. Il<br />

n ’y a pas eu de messe chantée. Plusieurs ecclésiastiques m ’ont<br />

beaucoup secondé pour comprimer la foule, qui se jetait, [p. 186]<br />

comme à corps perdu dans la chapelle. Il nous a fallu déployer<br />

toute la force, toute l’énergie dont nous étions capables, pour<br />

faire ouvrir un passage, seulement aux personnes qui voulaient<br />

communier ; et après la communion, il fallait encore user de<br />

violence pour les faire sortir, afin de céder la place à d’autres.<br />

Ce moyen de communion, par sections de vingt à vingt-cinq<br />

personnes, nous a paru le seul possible. Nous avons continué ce<br />

travail pendant n e u f heures, sans interruption. Il y a eu plus de<br />

mille communions ; et il est certain qu’un très grand nombre<br />

n ’ont pu satisfaire leur pieux désir, ne pouvant plus parvenir<br />

jusqu’à la sainte Table. 1<br />

(1) La « multitude de cinquante mille âmes qui a passé la nuit en plein ait » est<br />

probablement un lapsus ; dans la pensée de Perrin, le chiffre de 50 000 correspond plutôt<br />

à l’ensemble des pèlerins de la journée.<br />

140


21 septembre 1847 Doc. 282<br />

'Vers les onze heures, nous avons vu la nécessité d’aviser à un<br />

moyen de prévenir la suffocation de plusieurs. La foule augmentait<br />

toujours ; il n ’était plus possible de la percer ; des personnes se<br />

trouvaient mal à chaque instant ; et nous avons pu donner des<br />

fortifiants à quelques-unes ; elles se sont remises en quelque<br />

temps.<br />

Alors, j’ai annoncé sur le ton le plus élevé qu’il n ’y aurait<br />

plus de messes, que là on chanterait les Vêpres. Cependant on<br />

n ’a pu le faire. On se portait, on étouffait. On s’est contenté du<br />

Salve Regina.<br />

M. l’abbé Sibillat, vicaire de [la] Tronche, a pris [p. 187] la<br />

parole, et a adressé à cette foule immense une instruction dont les<br />

trois idées principales étaient : la prière, la sanctification du<br />

dimanche, et le blasphème. Sa haute taille, sa forte voix, son<br />

enthousiasme, son action très animée, l’ont admirablement bien<br />

servi.<br />

Le vénérable Curé de la cathédrale de Grenoble a aussi fait<br />

passer dans les coeurs le feu dont le sien brûle pour Marie. Ses<br />

paroles ardentes ont été recueillies avec avidité. Son onction<br />

pénétrante, sa bonté immense bien connue, tout produisait une<br />

impression profonde.<br />

Le cher Maximin, ému du spectacle dont il était témoin, a<br />

demandé à M. le Curé de la Cathédrale la grâce de faire, ce jourlà<br />

sa première communion. Ce bon pasteur s’est contenté de le<br />

confesser.<br />

Mardi 21 septembre 1847<br />

É v é n e m e n t. Près de la source de l’apparition, l’abbé Arbaud aperçoit un<br />

homme portant moustaches. « Il était à genoux au milieu d’un groupe d’autres<br />

hommes et chantait d’une voix mâle : Suivons sur la montagne sainte, notre<br />

Sauveur sanglant, défigure..... Puis avec un ton ferme et bien accentué, il lisait<br />

les prières d’un petit livre qu’il tenait dans les mains ». L’abbé Arbaud demande<br />

des éclaircissements : il s’agissait, paraît-il, d’un militaire guéri miraculeusement<br />

d’une tumeur à la jambe, après avoir baigné durant plusieurs semaines chaque<br />

jour la partie malade dans l’eau de la source miraculeuse (Arbaud, p. 82-83). —<br />

Rousselot observe à propos de cette guérison et de celle d’un autre militaire (*) :<br />

« Rien n’a constaté la guérison de ces militaires, parce que rien n’avait constaté<br />

leurs maladies » (**).<br />

(*) Guérisons rapportées par la Voix de l ’Église, n" du 1" novembre 1847, p. 157, et<br />

par LEMEUNIER, Pèlerinage à la Salette, 3.éd., Séez 1849, p. 79.<br />

(**) Nouveaux documents, p. 108. Dès janvier 1848, le curé de la Salette met les<br />

enquêteurs en garde contre un soldat originaire de l’Eure-et-Loire : l’homme, qui se<br />

prétend guéri miraculeusement, débite son histoire « comme en secret », pour gagner de<br />

l’argent (doc. 392).<br />

141


Doc. 286<br />

<strong>Documents</strong><br />

286. LETTRE DE L’ABBÉ DOMBEY, vicaire à Corbelin, à l’abbé<br />

Auvergne, pro-secrétaire à l’évêché de Grenoble<br />

Original (1 f. 19,5 cm x 25,8).<br />

Eugène Dombey, 1817-1897. Ordonné prêtre en 1842, vicaire à Corbelin<br />

lors de son pèlerinage à la Salette en 1847, il devint aumônier de plusieurs<br />

communautés religieuses, dont le Carmel de Vienne, où il resta vingt-sept ans.<br />

C’était un homme d’oraison (Semaine religieuse de Grenoble, 1896-97, p. 358).<br />

Contenu. La lettre reproduit une note sur les « impressions de Mr Dupont<br />

de Tours en pèlerinage à la Salette », composée probablement par Dombey luimême<br />

(extrait dans BASSETTE, p. 79), qui avait accompagné le pieux laïc dans sa<br />

visite du 27 juillet. Le vicaire de Corbelin donne ensuite ses propres impressions :<br />

[p. 2] Quant à moi, j’ai cru voir dans Maximin des yeux qui ont<br />

vu la Ste Vierge. La légèreté commune aux enfans de son âge,<br />

loin de me surprendre, [p. 3] m ’annonçait plutôt la franchise et<br />

l’absence de ruse dans son récit ; au reste il a un bon cœur.<br />

Quand il parle des choses de sa mission, il paraît imperturbable,<br />

ne cherchant point à épier ses paroles, pour voir s’il se contredit<br />

ou s’il est pris en défaut. Il paraît entièrement fort et convaincu<br />

de la vérité de ce qu’il annonce. Mélanie m’a aussi satisfait par<br />

son assurance, sa simplicité, sa modestie. Mais la vue des lieux<br />

m ’a vivement touché. La piété des fidèles, la narration des enfans,<br />

la discrétion qui eut lieu, l’espèce de confusion qu’éprouva<br />

l’incrédulité, l’ennui qui s’emparait de moi lorsque j’appelais le<br />

doute, la paix, la joie que me rendait la croyance, tout cela faisait<br />

disparaître les incertitudes qui m ’étaient venues surtout des doutes<br />

de personnages distingués de la ville épiscopale. Vive donc Notre<br />

D. de la Salette [...]<br />

Corbelin, 21 sept. 1847<br />

Eug. D om bey [...]<br />

Jeudi 23 septembre 1847<br />

288. LETTRE DU BARON PELLENC, PRÉFET DE L’ISÈRE, à<br />

Mgr de Bruillard<br />

Original (1 f. 25 cm x 19) : EGDA 23.<br />

Contexte. Le préfet a été informé d’un accident survenu à Corps le 19<br />

septembre et dont l’abbé Mélin avait d’ailleurs fait part à l’évêque dès le mardi<br />

21 en ces termes : « Un accident grave a ôté la vie à un homme de la Mure, à un<br />

kilo[mè]tre de Corps ; il montait en voiture, sans arrêter le cheval ; une chute<br />

inattendue l'a jeté sous les roues (*) ; il a expiré quelques instants après ; il a<br />

pu recevoir l'absolution » (doc. 284). Certains interprétèrent l’accident comme<br />

un châtiment : « On dit que parti de chez lui, pour la Salette, il r 'était amusé à<br />

(*) Le chemin entre Corps et la Salette était à l’époque inaccessible aux voitures (cf.<br />

LSDÀ I, p. 2). L’accident arriva donc entre Corps et la Mure.<br />

142


23 septembre 1847 Doc. 288<br />

Corps, et qu'il n'y était pas monté » (ibidem). La rumeur populaire recueillie<br />

par l’abbé Arbaud fit de l’homme un protestant, qui serait effectivement monté<br />

à la Salette, mais qui, au lieu de « garder la sage réserve et la politesse qui<br />

conviennent lorsqu’on partage des opinions contraires [...] alla se jeter dans une<br />

des baraques voisines de la chapelle, pour y manger et boire avec quelques<br />

compagnons qui ne valaient pas mieux que lui » et qui repartit pour rentrer chez<br />

lui à la Mure, après « avoir proféré toutes sortes de blasphèmes et après avoir<br />

épuisé de copieuses libations ». L’accident serait arrivé près d’un pont après la<br />

sortie de Corps, tandis qu’il voulait monter dans une diligence en marche.<br />

S’élançant « étourdiment et à demi-grisé », il glissa et « tomba misérablement<br />

sous les roues qui l’écrasèrent » (A r b a u d, p. 5 6 ) .<br />

Il est possible que la nouvelle de l’accident soit parvenue à la préfecture à<br />

travers un canal anticlérical. Le rassemblement du jour anniversaire n’avait en<br />

effet pas été du goût de tous. Le Patriote des Alpes du 21 septembre (doc. 283),<br />

annonçant à ses lecteurs qu’à Lyon la police enquêtait sur des phénomènes<br />

extraordinaires arrivés dans une institution religieuse, formulait à propos des<br />

« jongleries de la Salette » la remarque suivante : « Dans ce moment, une<br />

immense population n 'est-elle pas stupidement réunie pour fêter l'anniversaire<br />

du mensonge le plus effronté et le plus bête qui ait jamais été jeté en pâture aux<br />

faibles d'esprit.<br />

Préfet de l ’Isère Grenoble le 23 sept. 1841.<br />

Cabinet du Préfet<br />

Monseigneur,<br />

La commune de la Salette a été visitée, le 19 de ce mois, par<br />

un nombre si considérable d ’étrangers que M. le Maire, dans le<br />

rapport qu’il vient de m ’adresser pour me rendre compte de cette<br />

réunion extraordinaire, ne le porte pas au-dessous de 40 mille,<br />

parmi lesquels se trouvaient au moins 200 prêtres. Des messes ont<br />

été dites sur la montagne depuis 3 heures moins 1/4 du matin<br />

jusqu’à midi et 1/2. L’annonce de ces messes devait naturellement<br />

attirer une grande affluence.<br />

Ces grandes réunions sont de celles que [sic] l’administration<br />

supérieure doit toujours être informée, afin qu’elle puisse prescrire<br />

les mesures si nécessaires en pareil cas, pour le maintien de l’ordre<br />

et de la tranquillité publique confié à sa garde. S’il en eût été<br />

ainsi, nous n’aurions peut-être pas eu à déplorer la mort d’un<br />

homme qui a été écrasé par une voiture.<br />

Je désire savoir, Monseigneur, si la présence de tant d ’ecclésiastiques<br />

à la manifestation dont la commune de la Salette vient<br />

d ’être le théâtre [verso] et le nombre considérable de messes qui<br />

ont été dites en plein air, ont été autorisées par votre Grandeur.<br />

143


Doc. 288<br />

<strong>Documents</strong><br />

Je vous serais fort obligé, Monseigneur, de vouloir bien me<br />

répondre le plus tôt possible.<br />

Agréez...<br />

Le Préfet de l’Isère<br />

PELLENC<br />

* 290. RÉPONSE DE MGR DE BRUILLARD au préfet de l’Isère<br />

Brouillon de la main de l’évêque, écrit sur la lettre du préfet (doc. 288) :<br />

EGDA 23. — Non daté.<br />

Note. Le brouillon, difficile à lire par endroits, comporte des passages biffés,<br />

que nous nous abstenons de signaler.<br />

M. le Préfet,<br />

Ce n ’est pas l’affluence des messes, dont on n ’avait pas<br />

connaissance, qui vient d ’attirer 40 à 50 mille personnes sur la<br />

Montagne de la Salette. C’est le nombre présumé des étrangers<br />

qui m’a engagé à permettre la célébration des Sts Mystères, dans<br />

un jour où il est ordonné d ’y assister.<br />

J ’ai acquis la certitude que, dans cette immense réunion,<br />

aucun désordre n ’a été commis. M. le Maire de la Salette et les<br />

gendarmes de Corps peuvent l’attester. Tout s’est passé en prières<br />

et en chants religieux.<br />

[verso] Il n’est malheureusement que trop vrai qu’un homme<br />

a été écrasé sur la grande route le dimanche 19- Mais c’est un fait<br />

isolé qui n ’a aucun rapport avec la Salette.<br />

Habitant de La Mure, cet homme était venu à Corps pour ses<br />

affaires, et n ’a point paru à la Salette qui en est éloignée de<br />

4 lieues. A un kilomètre de Corps, il a eu l'imprudence de vouloir<br />

monter dans sa charrette' sans arrêter son cheval. Le pied lui a<br />

manqué et il a été écrasé sous l’une des roues. Cependant, il n ’est<br />

pas mort de suite et un prêtre qui voyageait dans ces parages a eu<br />

le temps de lui procurer les secours de son ministère.<br />

Samedi 25 septembre 1847<br />

ÉVÉNEMENTS. A la Salette, guérison de Victorine Sauvet, originaire de Lalley<br />

(commune située à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de la Salette).<br />

Souffrant d’un affaiblissement de la vue depuis le début d’août, alors qu’elle se<br />

trouvait en service à Marseille, chez M. Bech, économe des hôpitaux de la ville,<br />

elle devient aveugle vers le 20 de ce mois. Le samedi 18 septembre elle quitte<br />

Marseille pour rejoindre sa famille à Lalley. Conduite une semaine plus tard à la<br />

144


25 septembre 1847 Doc. 290<br />

Salette par ses parents, elle recouvre la vue subitement, sur les lieux même de<br />

l’apparition. Le curé de la Salette, qui se trouvait à proximité, dresse immédiatement<br />

le procès verbal de la guérison (1). — Dossier : EG 122 (dossier V. Sauvet :<br />

41 pièces, dont 21 numérotées) ; Vérité, p. 130-142 ; Nouveaux documents,<br />

p. 53 ; Nouveau sanctuaire, p. 117-118 ; GlRAY I, p. 174-186. — Cette guérison<br />

fut examinée lors de la Conférence tenue à l’évêché de Grenoble le 6 décembre<br />

suivant (cf. doc. 369)-<br />

N ote critique. La guérison de Victorine Sauvet ne saurait être considérée<br />

comme miraculeuse. En effet :<br />

1) Avant même que Victorine ait quitté Marseille, le Dr Gués, médecin<br />

traitant, laisse espérer une guérison, si elle « peut demeurer tranquille & jouir de<br />

quelques consolations » (2). La maladie avait du reste une origine psychologique,<br />

à savoir le choc produit sur Victorine par une mauvaise nouvelle (3).<br />

2) Durant les huit jours qui vont du départ de Marseille au pèlerinage à la<br />

Salette, elle exhibe sa « cécité » comme s’il s’agissait de rassembler des témoins<br />

en vue du miracle. Dans son village natal, elle ne séjourne pas même une<br />

semaine. Or « 75 habitants et propriétaires de Lalley » ( Vérité, p. 138) attesteront<br />

la cécité de Victorine : mais comment demander à ces braves gens de distinguer<br />

entre une cécité réelle et une cécité simulée ou imaginaire (4) ?<br />

3) Pour obtenir sa guérison, elle se serait adressée également à Notre-Dame<br />

de la Garde. Mais après vérification de ses dires auprès des responsables du 1<br />

(1) Doc. 291 : « Procès-verbal fait sur les lieux [...] ». — Le texte publié dans la Voix<br />

de l'Eglise du 1" novembre 1847, p. 157-158, comme étant la déclaration de Victorine<br />

Sauvet « copiée textuellement sur l’original déposé à l’Evêché de Grenoble » est plus court.<br />

(2) Doc. 271 bis : lettre de M. Bech au père de Victorine Sauvet, 15 septembre 1847,<br />

éditée partiellement dans Vérité, p. 134-136, où des points de suspension remplacent le<br />

passage suivant : « Celui-ci [notre médecin] attribuant cette maladie à un violent effet<br />

nerveux & à un transport de sang au cerveau, a saigné votre fille pendant 4 fois & a tâché<br />

de la ramener au calme par ses ordonnances. Il ne peut pas brusquer un traitement aussi<br />

délicat ; il pense que la vue reviendra à votre fille si elle peut demeurer tranquille & jouir<br />

de quelques consolations. Le système nerveux & le cours du sang reprendront leur assiette<br />

& la rétabliront. On nous a raconté plusieurs exemples de personnes qui se trouvaient dans<br />

sa position & qui ont recouvré la vue, d’autant plus vite, qu’elles se sont moins inquiétés ».<br />

Le Dr Gués, médecin traitant, écrira en octobre au curé de Lalley : « je vous assure Monsieur<br />

le Curé, que j’ai toujours douté de la cécité de cette malade. Les yeux de cette demoiselle<br />

étaient si clairs et si si [sic] transparents, que la cécité devait résulter d ’un amaurose,<br />

maladie qui est occasionnée par la paralysie du nerf optique ou de la ré/tine. Dans cette<br />

maladie, seule qu’on pût [?] supposer à Mademoiselle Sauvet, la malade ne voit [p. 2]<br />

point, mais la pupille reste fixe [ou : fixée] et immobile, tandis que chez cette malade,<br />

elle se dilatait et se contractait parfaitement, suivant qu’on approchait ou éloignaiewt ses<br />

yeux de la lumière » (doc. 313). M. Bech, l’employeur de Victorine, rendra un témoignage<br />

semblable : « Peu de personnes ont franchement cru à la cécité de Victorine », qui<br />

franchissait aisément des obstacles dressés devant elle (doc. 316).<br />

(3) Sa sœur Marie venait d’avoir un enfant naturel (cf. doc. 271 bis). C’est depuis<br />

que Victorine a été informée de « l'inconduite de votre fille Marie » qu’elle a éprouvé ce<br />

changement, écrit M. Bech au père le 1" septembre 1847 (doc. 247). Dans Vérité, p. 133,<br />

les mots entre guillemets ont été remplacés par : « du malheur arrivé dans votre famille ».<br />

— Victorine présente la cause de son chagrin autrement : « on m’apprit tout-à-coup que la<br />

demande que j’avais faite d’entrer dans le couvent d’un hôpital n'avait pu être admise »<br />

(doc. 295).<br />

(4) Pièce n° 12 du dossier Victorine Sauvet (EG 122), lequel comprend encore d’autres<br />

attestations semblables.<br />

145


Doc. 293<br />

<strong>Documents</strong><br />

sanctuaire marseillais, on constate qu’ils contiennent des mensonges (5) : on a<br />

donc affaire à une fabulatrice (6).<br />

293. LETTRE DU CARDINAL DE BONALD, archevêque de Lyon,<br />

à Mgr J.B. Bouvier, évêque du Mans<br />

Dans A. SIFFLET, Les évêques concordataires du Mans, IV, t. 2 (Mgr J.-B.<br />

Bouvier), Le Mans 1927, p. 149-150.<br />

L.-J.-Maurice de Bonald, né à Millau, Aveyron, le 30 juin 1787, prêtre en<br />

1811, évêque du Puy en 1823, cardinal en 1841, fut archevêque de Lyon de<br />

1839 jusqu’à son décès, le 25 février 1870. Il faut se garder de lui attribuer les<br />

positions de son père, le vicomte Louis de Bonald, défenseur des principes<br />

monarchistes et traditionalistes en philosophie. Le cardinal de Bonald refusait en<br />

effet de lier l’Eglise à un régime politique. Dès avant 1848, il avait dénoncé les<br />

excès du capitalisme industriel et perçu dans la misère ouvrière du temps quelque<br />

chose de nouveau par rapport à la misère ancienne (1).<br />

Attitude envers La Salette. Le cardinal de Bonald a longtemps compté parmi<br />

les adversaires les plus décidés de la Salette. Pour empêcher l’approbation de<br />

l’apparition par l’autorité ecclésiastique ou pour obtenir sa condamnation, il<br />

intervint à plusieurs reprises auprès de l’évêque de Grenoble et même, à partir<br />

de 1851, auprès du Saint-Siège. Par la suite, il adopta une ligne de conduite<br />

plus modérée. « C’est une bonne chose que la dévotion à la S" Vierge transportée<br />

sur le haut d’une montagne », écrit-il en 1861 à Edouard Barthe, chanoine<br />

honoraire de Rodez. «J’approuve le pèlerinage à la chapelle construite en<br />

l’honneur de Marie. Mais je sépare tout cela du fait de l’apparition (2). » Selon<br />

Rousselot, le 23 octobre de l’année suivante dans un entretien avec Mgr<br />

Ginoulhiac, évêque de Grenoble il s’exprima « sur le fait et sur la croyance à la<br />

manière d’un croyant » (3). — C’est possible ; mais croyait-il vraiment au fait de<br />

l’apparition et pas simplement à la légitimité du pèlerinage ? On peut en douter,<br />

car Rousselot l’aurait indiqué clairement.<br />

Les apologistes de la Salette n’ont pas manqué de signaler la négligence du<br />

cardinal à s’informer correctement. De fait, son opposition débute par une<br />

interprétation erronée des conclusions auxquelles étaient arrivés en décembre 1846 1<br />

(5) Réponse envoyée de Marseille à l’abbé Carton, curé de Lalley, 13 novembre 1847<br />

(doc. 337).<br />

(6) En 1850, alors qu’elle se trouve à Saint-Laurent-en-Beaumont (canton de Corps),<br />

elle attire de nouveau l'attention : elle se présente au curé du village comme tourmentée<br />

par le démon (cf. la lettre du 18 février 1850 du Procureur de la République et la réponse<br />

de l’évêque, EG 123). Vers les années 1857-68 elle vend des objets de piété à proximité<br />

du Sanctuaire de la Salette. Puis elle a des démêlés avec la justice : on l'accuse d'avoir<br />

elle-même mis le feu à sa baraque, pour toucher une prime d ’assurance. (Cahiers du Père<br />

Joseph Perrin, MSG, en particulier II, p. 67-68 ; sur V.S. cf. également GlRAY I, p. 180 et<br />

suivantes).<br />

(1) Conférence donnée par Mme Muller au Centre régional interuniversitaire d ’Histoire<br />

religieuse de Lyon le 11 avril 1979 ; cf. aussi A. RrVET, « Maurice de Bonald, évêque du<br />

Puy, et la politique », dans Mélanges offerts à M. le doyen AndréLatreille, Lyon, Audin,<br />

1972.<br />

(2) Copie envoyée par le destinataire à Mgr Ginoulhiac, accompagnée d ’une lettre<br />

datée du 22 octobre 1861, EG 73.<br />

(3) Lettre de Rousselot à l'abbé Doyen, curé de Gonrieux en Belgique, 31 octobre<br />

1862, dans N.D. de la Salette. Journal religieux paraissant à Muret (Haute-Garonne),<br />

n° 57 (février 1863), p. 455 ; cf. aussi GlRAY I, p. 106-110.<br />

146


25 septembre 1847 Doc. 293<br />

les chanoines de la cathédrale et les professeurs du grand séminaire de Grenoble,<br />

consultés par Mgr de Bruillard. Les uns et les autres avaient recommandé à<br />

l’évêque de ne rien décider pou r le m om ent, avant d’avoir poussé l’enquête plus<br />

à fond (rapport des professeurs : doc. 49) ou avant que Dieu n’ait manifesté sa<br />

volonté au sujet d’une éventuelle intervention épiscopale : du reste, l’apparition<br />

pouvait produire de bons fruits même en l’absence d’une approbation de la pan<br />

de l’autorité (rappon des chanoines : doc. 50). Or le cardinal croit que les<br />

consulteurs se sont prononcés négativement sur le fond du problème, à savoir<br />

l’apparition elle-même (4). Plus tard, il fera de Maximin, qu’il appellera Marcellin,<br />

le frère de Mélanie (5).<br />

Cette négligence a peut-être pour cause une certaine irritation devant ce qui<br />

ressemble à des exagérations pieuses : « Le mal de notre époque c’est l’amour du<br />

merveilleux », aurait-il répondu à des personnes qui l’avaient consulté au sujet<br />

de la Salette {Réponse, p. 69). — Il faut avouer que, durant cette deuxième<br />

moitié de septembre 1847, le cardinal a quelque motif de se montrer méfiant :<br />

une lettre sur la Salette, pâme dans la Voix de l ’Eglise (doc. 231), vient de le<br />

présenter au grand public comme un croyant convaincu. D ’autre part, il va<br />

bientôt être mis en cause dans l’affaire de l’œuvre réparatrice : on insinuera qu’il<br />

a opté en faveur de la version Le Brument, donc contre l’évêque de Langres, lui<br />

pourtant si soucieux de ne pas se compromettre à propos de révélations privées (6) !<br />

Monseigneur,<br />

Millau, le 25 septembre 1847.<br />

J ’ai pris bien des informations sur le fait miraculeux dont on<br />

parle tant dans nos contrées. J ’ai entendu à ce sujet beaucoup de<br />

prêtres ; j’ai adressé bien des questions ; j’ai écrit et parlé à<br />

l’Évêque de Grenoble (1). Je n ’ai rien pu obtenir de bien clair,<br />

de bien satisfaisant.<br />

Mgr de Bruillard me dit lui-même qu’il avait fait examiner la<br />

chose par deux commissions différentes, et que le résultat des<br />

informations qui avaient été prises était qu’il n’y avait rien de<br />

prouvé : aussi ce Prélat défendit à MM. les curés d ’en parler en<br />

chaire (2). 1<br />

(4) Voir le présent document, avec la note 2.<br />

(5) Lettre de Bonald du 21 mars 1851, EG 73, citée dans BASSETTE, p. 204.<br />

(6) Doc. 366. — Sur M. Le Brument et l’œuvre réparatrice, voir l’introduction au<br />

doc. 259.<br />

(1) Nous n ’avons rencontré aucune trace d ’un tel entretien oral entre les deux évêques.<br />

Ce qui nous reste de leur correspondance ne contient pas la moindre allusion à une<br />

rencontre ayant eu lieu en 1847.<br />

(2) En réalité, l'interdiction de parler en chaire (doc. 3) fut portée par l'évêque avant<br />

la consultation des commissions formées par les chanoines et les professeurs et non pas<br />

après, comme le croit le cardinal. Elle était fondée non sur l'examen du dossier de la<br />

Salette, mais sur la législation concernant les miracles non encore approuvés. — Sur la<br />

147


Doc. 293<br />

<strong>Documents</strong><br />

Tout repose sur le témoignage de deux enfants, une fille de<br />

14 ans et un petit garçon de 11 à 12 ans. La Sainte Vierge leur a<br />

dit, à ce qu’ils prétendent, que la récolte ne vaudrait rien. Elle<br />

est cependant assez belle. La Sainte Vierge tenait quelquefois un<br />

langage qui ne convenait qu’à Notre-Seigneur : le costume qu’elle<br />

portait est d ’une étrange bizarrerie. Elle a confié à ces enfants des<br />

secrets qu’ils ne peuvent jamais dévoiler : à quoi servent-ils donc<br />

pour le bien spirituel des hommes ?<br />

Une fontaine coule à l’endroit où la Sainte Vierge s’est<br />

montrée : cette eau se débite partout. Ne serait-il pas à craindre<br />

qu’on ait voulu, dans ce pays, faire un commerce comme un<br />

autre ? Dans ce temps, on ose tout ! Aujourd’hui, on s’attache au<br />

merveilleux avec une avidité extrême : on doit donc se méfier. Je<br />

ne crois pas encore beaucoup à tout ce qui se dit. Mgr l’Evêque<br />

de La Rochelle a été sur les lieux : il en est revenu convaincu de<br />

la réalité de l’apparition. Il en a même parlé en chaire, à Lyon :<br />

si j’avais pu prévoir qu’il en parlât, je l’aurais prié de n ’en rien<br />

faire (3).<br />

[p. 150] Un ecclésiastique de mon diocèse a publié un livre<br />

sur cette apparition, sans m ’avoir demandé ma permission : je<br />

crois franchement qu’il a voulu faire une spéculation : je connais<br />

l’homme (4).<br />

On a parlé de plusieurs guérisons opérées par l’eau de la<br />

montagne ; je n ’ai pas vérifié si le fait était vrai. Je me méfie : on<br />

devrait, dans ce temps-ci, être extrêmement réservé sur toutes ces<br />

choses ; mais il y a des têtes ardentes qui croient tout, qui adoptent<br />

tout, oubliant les sages conseils de saint Paul.<br />

Veuillez agréer...<br />

fL.-J.-M. Card. DE BONALD, arch. de Lyon.<br />

portée attribuée par le cardinal aux rapports des deux commissions (doc. 49 et 50), voir<br />

aussi le témoignage de Simon Cattet, 1788-1858, ancien vicaire général de Lyon et chanoine<br />

titulaire, auteur d'un certain nombre d ’ouvrages de controverse : « Son Eminence le<br />

Cardinal Archevêque me communiqua, l'année dernière, les fâcheuses impressions que fit<br />

sur son esprit une lettre de Mgr l’Evêque de Grenoble qui lui annonçait que deux<br />

commissions [...] avaient déclaré, chacune de son côté, q u ’il n'y avait pas lieu de poursuivre<br />

l'enquête [...] D’après ce, le Cardinal n’a pas cessé de dire qu’il serait imprudent de<br />

prononcer un jugement épiscopal sur cet événement reconnu incertain » (doc. 373).<br />

(3) A en croire l’abbé Raymond, vicaire du curé d ’Ars, le cardinal lui aurait « adressé<br />

des observations » (lettre de l’abbé Raymond à Mgr Depéry, évêque de Gap, 23 janvier<br />

1851 ; copie : BMG X. 260).<br />

(4) Le spectre de la spéculation paraît avoir hanté l’imagination du cardinal : voir le<br />

doc. 395, dernière observation. — Il est probable, mais non pas certain, que le cardinal<br />

pense ici au chanoine Bez. Rappelons qu’en novembre 1846 avait passé à Corps un certain<br />

abbé Marcellin (ou Marcelin), qui se prétendait envoyé par l’archevêque de Lyon (cf.<br />

LSDA I, p. 186 et 193).<br />

148


28 septembre 1847 Doc. 294<br />

Dimanche 26 septembre 1847<br />

294. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à Mgr de Bruillard<br />

Original : EG 100. — Extraits dans Annales, avril 1912, p. 336-337.<br />

Contexte. La décision prise par l’évêque au sujet de la pierre de l’apparition<br />

(cf. doc. 279) n’a pas plu à Peytard, maire de la Salette-Fallavaux. Refusant tout<br />

partage, celui-ci écrit à Mgr de Bruillard qu’il veut la pierre tout entière : le<br />

Conseil municipal n’acceptera d’aliéner les lieux de l’apparition qu’une fois la<br />

pierre rendue au curé de la Salette (doc. 285). L’évêque, qui s’est laissé<br />

impressionner par Peytard, annonce à Mélin (dans une lettre que nous n’avons<br />

pas retrouvée, mais dont Mélin mentionne l’existence) que la décision contestée<br />

n'a pas été maintenue.<br />

Résume de la présente lettre. Mélin regrette que l’évêque ait modifié sa<br />

décision. Pour sa part, il a reçu de Peytard une lettre menaçante, mais ne s’est<br />

pas laissé intimider. Peytard lui a fait envoyer une citation de comparaître devant<br />

le juge de paix (doc. 276). Mélin ne s’y est pas rendu et il n’y a point eu de<br />

suites : la matière du litige, une simple pierre, ne couvrant pas les frais de<br />

justice, les poursuites ont été suspendues. Cependant Mélin rendra la pierre,<br />

dont il a détaché un fragment destiné à demeurer à Corps. Il propose que, en<br />

attendant la construction de la chapelle définitive, elle soit entreposée à l’évêché,<br />

car « à la cure de la Salette, elle ne pourra pas être vue facüement par ceux qui<br />

vont faire ce pèlerinage, le principal chemin n'y passe pas ».<br />

Mardi 28 septembre 1847<br />

296. ATTESTATION DE JEAN-BAPTISTE PRA, cultivateur aux<br />

Ablandens<br />

Original écrit de la main de l’avocat Dumanoir, avec la signature de J.B.<br />

Pra légalisée le 28 novembre suivant par le maire de la Salette-Fallavaux (1 f.<br />

pliée 30 cm x 41) : EGD 70. — Edition incomplète dans Vérité, p. 45-46 ;<br />

édition complète dans Annales, mai 1909, p. 379-380.<br />

L'enquête Dumanoir de septembre 1847. C’est là au moins la troisième<br />

visite faite au canton de Corps par le grenoblois Armand Dumanoir, auteur<br />

d’une relation de l’apparition (doc. 124). Cette fois, il est monté aux Ablandens<br />

pour interroger les patrons de Mélanie et de Maximin. Comme il est juriste —<br />

en cette année 1847 il est nommé juge suppléant à Montélimar —, il rédige les<br />

réponses de ces deux braves paysans sous la forme de dépositions dûment datées<br />

et signées. Mais il a du mal à communiquer avec eux : la déclaration qu’il fait<br />

signer à Pra contient, comme nous le verrons, une inexactitude. En novembre,<br />

Dumanoir fera vérifier les déclarations par le curé de la Salette, qui apportera<br />

une correction au présent document (cf. doc. 352 et 353 ; Vérité, p. 50).<br />

Je soussigné Baptiste Pra cultivateur, domicilié au hameau des<br />

Ablandins, commune de la Salette, canton de Corps (Isère) déclare<br />

que Mélanie Mathieu est entrée à mon service dans le mois de<br />

149


Doc. 296<br />

<strong>Documents</strong><br />

mars dix huit cent quarante six (1) et qu’elle y est restée au<br />

hameau des Ablandins jusqu’au commencement de décembre de<br />

la même année. Pendant les six jours que le petit Maximin Giraud<br />

de Corps a gardé les vaches de Pierre Selme, mon voisin, dont le<br />

berger était malade, je ne me suis pas aperçu que ces enfants se<br />

connussent, ils ont pu cependant se rencontrer soit dans mon<br />

champ qui est à côté de celui de Pierre Selme, soit en faisant<br />

boire leurs troupeaux sur le versant nord de la montagne aux<br />

Baisses. Le samedi dix neuf septembre mil huit cent quarante six<br />

ils vinrent tous les deux me raconter ce qu’ils avaient vu et entendu<br />

sur ce plateau. Le lendemain ils allèrent ensemble chez M. le Curé<br />

de la Salette qui le même jour à la messe en fit part en chaire à<br />

ses paroissiens. Le petit Maximin est le même jour retourné à<br />

Corps. Il n’est plus revenu dans notre hameau. La petite Mélanie<br />

y est restée et elle a depuis lors été interrogée par un grand nombre<br />

de personnes (2). Le samedi dix neuf au soir elle me dit que la<br />

source située sur le plateau de la montagne à droite du ruisseau et<br />

que je savais être tarie, avait recommencé à couler. Je ne voulus<br />

pas le croire et le lendemain je m ’y rendis à six heures du matin<br />

et je reconnus qu’elle m’avait dit la vérité. Je fus étonné d ’y revoir<br />

de l’eau, parce que d ’ordinaire cette fontaine ne coulait qu’après<br />

de grandes pluies et qu’il n ’en était point tombé depuis longtemps.<br />

Depuis lors cette fontaine [p. 2] n ’a pas cessé de couler. J ’ai même<br />

remarqué avec les voisins que lorsque cette fontaine coulait les<br />

années précédentes elle ne venait pas avec autant d ’abondance que<br />

cette année. Ce n ’est point à cette source que les bergers de la<br />

montagne menaient leurs troupeaux, mais à une autre située à<br />

quelques pas de l’autre côté du ruisseau.<br />

En foi de quoi j’ai signé le présent que je déclare contenir<br />

vérité [sic]. Fait au hameau des Ablandins le vingt huit septembre<br />

mil huit cent quarante sept. J ’ajoute avant de signer, que les<br />

premiers jours je n ’ai point ajouté foi au récit des enfants et que<br />

j’ai plusieurs fois engagé la petite Mélanie à recevoir l’argent<br />

qu’on lui offrait pour qu’elle gardât le silence. Cette enfant a<br />

constamment refusé l’argent qu’on lui présentait ; elle a toujours<br />

résisté aux menaces comme aux promesses de récompense. Le Maire<br />

de la Salette, entre autres, a employé vainement toute espèce de<br />

moyens pour mettre la petite en contradiction avec elle-même, il<br />

n ’a pu y parvenir. Il lui a ensuite offert de l’argent, elle la refusé, 1<br />

(1) Dumanoir a d ’abord écrit « sept » au lieu de « six ».<br />

(2) Le passage qui suit, jusqu’aux mots « En foi de quoi », a été omis par Rousselot<br />

dans la Vérité. Il contient une inexactitude, au moins en ce qui concerne la date de la<br />

première visite de Pra à la source de l’apparition, qui, en réalité, n’eut pas lieu le dimanche<br />

(cf. doc. 352 et LSDA I, p. 48). D ’autre part, il ne semble pas que les enfants aient le<br />

jour même de l’apparition prêté attention à la source et remarqué qu’elle fluait.<br />

150


28 septembre 1847 Doc. 297<br />

et elle /a répondu à ces (*) menaces que toujours elle répéterait<br />

partout ce que la Sainte Vierge lui avait dit. Le Maire de la Salette<br />

l’a interrogée pendant une heure le dimanche vingt septembre<br />

mil huit cent quarante six (**). Fait au hameau des Ablandins, le<br />

vingt huit septembre mil huit cent quarante sept.<br />

Jean Baptiste PRA<br />

297. ATTESTATION DE PIERRE SELME, cultivateur aux<br />

Ablandens<br />

Original écrit de la main de l’avocat Dumanoir, avec la signature de Pierre<br />

Selme légalisée le 28 novembre suivant par le maire de la Salette-Fallavaux (1 f.<br />

pliée 30 cm x 41) : EGD 69- — Edité dans Vérité, p. 46-50.<br />

Origine de la pièce : voir l’introduction au doc. 296.<br />

Je soussigné, Pierre Selme, cultivateur domicilié aux Ablandins,<br />

commune de la Salette, canton de Corps (Isère), certifie les<br />

faits suivants :<br />

Le dimanche, treize septembre mil huit cent quarante six (1),<br />

je suis allé à Corps pour y chercher un petit garçon qui pût garder<br />

mon troupeau de vaches. Le berger qui était en service chez moi<br />

était tombé malade depuis plusieurs jours. N ’ayant pu en trouver,<br />

je m ’adressai à un de mes amis, le père Giraud charron à Corps,<br />

et je le priai de me confier son fils pendant une huitaine de jours.<br />

Il s’y refusa d ’abord et finit par céder à mes instances. Le père<br />

Giraud avait envoyé son fils Maximin, communément appelé<br />

Germain, ou Mémin, à St-Julien (2) pour faire une commission<br />

auprès du Sr Vieux. Celui-ci voyant cet enfant arriver chez lui à la<br />

tombée de la nuit ne voulut pas le laisser repartir et le fit coucher<br />

chez lui. J ’allai l’y chercher le lendemain lundi quatorze du même<br />

mois à trois heures du matin et l’emmenai aux Ablandins. Cet<br />

enfant est allé le jour même et les jours suivants garder mes quatre<br />

vaches dans le champ que j’ai sur le versant du midi de la<br />

montagne aux Baisses, à peu de distance de la croix dernièrement<br />

plantée au sommet de cette montagne (3). Des propriétés privées<br />

s’étendent sur tout le versant. La commune de la Salette possède<br />

en propriété le plateau qui est sur le versant du nord et sur lequel<br />

se sont passés les événements dont parlent Maximin Giraud et<br />

Mélanie Mathieu. Comme je craignais que le petit Maximin ne<br />

surveillât pas avec assez de soin mes vaches qui pouvaient facilement<br />

(*) Dumanoir semble avoir d’abord écrit « ses » au lieu de « ces ».<br />

(**) Dumanoir a d ’abord écrit « sept » au lieu de « six ».<br />

(1) Ici également, Dumanoir a d ’abord écrit « sept » au lieu de « six ».<br />

(2) Hameau appartenant à la commune de la Salette-Fallavaux, à environ 2 km des<br />

Ablandens.<br />

(3) Parcelle n.176 de l’ancien cadastre, traversée par l’actuel chemin de ronde (voir<br />

p. 305).<br />

151


Doc. 297<br />

<strong>Documents</strong><br />

se précipiter dans les nombreux ravins de la montagne, je suis<br />

[p. 2] allé moi-même travailler à ce champ les lundi quatorze du<br />

même mois, mardi, mercredi (4) vendredi de la même semaine.<br />

Je déclare que pendant tous ces jours-là je n ’ai pas perdu un<br />

instant de vue le petit garçon. Il m ’était facile de le voir à quelque<br />

endroit de mon champ qu’il se tint parce qu’il ne s’y rencontre<br />

aucune monticule. Je dois seulement ajouter que le premier jour<br />

Lundi je le menai sur le plateau dont je viens de parler pour lui<br />

indiquer une petite source où il devait faire boire mes vaches. Il<br />

les y menait tous les jours à midi et il revenait immédiatement se<br />

replacer sur [sic] ma surveillance. Le vendredi dix huit je le vis<br />

s’amuser avec la petite Mélanie Mathieu qui gardait les vaches de<br />

Baptiste Pra mon voisin dont le champ touche le mien (5). J ’ignore<br />

si cet enfant la connaissait avant de venir chez moi ou s’il a fait sa<br />

connaissance au hameau des Ablandins. Je ne les y ai cependant<br />

jamais \u ensemble. Ils se rendaient tous les deux de grand matin<br />

dans leurs champs, ne revenaient que le soir et allaient se coucher,<br />

après avoir mangé leur soupe. Le samedi dix neuf septembre je<br />

retournai à mon champ comme d ’habitude avec le petit Maximin.<br />

Vers les onze heures, onze heures et demie du matin je lui dis de<br />

mener mes vaches à la fontaine sur le plateau situé sur le versant<br />

nord de la montagne. Cet enfant me dit alors : « je vais appeler<br />

la petite Mélanie Mathieu pour y aller ensemble ». Ce jour-là il<br />

ne revint pas me trouver dans mon champ après avoir fait boire<br />

mes vaches. Je ne le revis que le soir à la maison lorsqu’il les<br />

reconduisit [biffé: mes vaches] à l’étable. Je lui dis alors : « Et<br />

bien, Maximin tu n ’es pas revenu me trouver dans mon champ. »<br />

« Oh ! me [p. 3] dit-il, vous ne savez pas ce qui est arrivé. » Et<br />

qu’est-ce donc qui est arrivé, lui demandai-je ? Et il m’a répondu :<br />

« Nous avons trouvé près du ruisseau une belle Dame qui nous a<br />

amusé"longtemps et qui nous a fait deviser avec Mélanie : j’ai eu<br />

peur d ’abord, je n ’osais pas aller chercher mon pain qui était près<br />

d ’elle, mais elle nous a dit : n ’ayez pas peur, mes enfants,<br />

approchez, je suis ici pour vous annoncer une grande nouvelle. »<br />

Et cet enfant me fit alors le récit qu’il a répété depuis à tous ceux<br />

qui l’ont interrogé. Le lendemain matin nous envoyâmes, les<br />

voisins et moi, les deux enfants chez Mr le Curé de la Salette qui<br />

le même jour, à la messe, fit part à ses paroissiens de ce qu’ils<br />

avaient vu et entendu. C’est ce que mes voisins m ’ont rapporté<br />

car je n ’ai point assisté à la messe à la Salette, mais j’ai ramené le<br />

(4) Un mot, probablement « jeudi », a été effacé ici.<br />

(5) Il pourrait s'agir de la parcelle n ” 181 de l’ancien plan cadastral, située au-dessous<br />

de l’actuel chemin de ronde et à l’ouest du pré de Pierre Selme ; parmi les parcelles<br />

limitrophes de ce dernier, c’est la seule attribuée à J.B. Pra dans la matrice cadastrale. Ce<br />

registre date l’acquisition de la parcelle par Pra de 1852, mais on sait que les transferts de<br />

propriété immobilière précèdent parfois de plusieurs années leur transcription au cadastre.<br />

152


2 octobre 1847 Doc. 297<br />

petit Maximin chez son père à Corps comme je lui l’avais promis.<br />

Cet enfant n’est plus revenu dans notre hameau où la petite<br />

Mélanie est continuellement restée jusqu’au commencement du<br />

mois de décembre. Il ne faisait que le traverser lorsqu’il allait<br />

accompagner les nombreux pèlerins qui se rendaient sur la<br />

montagne. Je déclare en outre que dans ma conviction, les enfants<br />

en racontant ce qu’ils disent avoir vu et entendu, ne récitent pas<br />

une leçon qu’ils auraient apprise. Pendant les quatre jours et demi<br />

que le petit garçon a gardé mes vaches et pendant lesquels je ne<br />

l’ai pas perdu de vue, je n ’ai vu ni prêtre ni laïque s’approcher<br />

de lui et l’entretenir. La petite Mélanie est allée plusieurs fois<br />

garder les vaches dans le champ de son maître pendant que<br />

Maximin était avec moi. Je l’ai vue constamment seule, et si<br />

quelqu’un était venu lui parler je l’aurais certainement aperçu<br />

parce que mon champ et celui de Baptiste Pra sont situés l’un à<br />

côté de l’autre [p. 4] sur le même flanc de la montagne, et qu’ils<br />

présentent tous les deux une surface plane et qu’il suffit dès lors<br />

de se tenir debout pour les dominer entièrement et pour en<br />

apercevoir toutes les parties. Je pourrais vous donner encore d’autres<br />

détails sur ces enfants, mais il serait inutile de les rapporter ici<br />

parce qu’ils sont depuis longtemps de notoriété publique. En foi<br />

de quoi j’ai signé le présent que je déclare contenir vérité [sic].<br />

Fait au hameau des Ablandins, le vingt huit septembre mil huit<br />

cent quarante sept.<br />

Pierre SELME<br />

J ’ajoute qu’un des jours de la semaine où le petit Maximin<br />

est resté avec moi, il est allé garder mes vaches au champ dit<br />

Babou (6), il n’est pas resté seul ce jour-là, mais il a été surveillé<br />

comme les autres jours par ma femme ou par moi. J ’approuve ce<br />

[ou : le] renvoi et la rature de (7) mots et la surcharge de (8)<br />

mots (9).<br />

Pierre SELME<br />

Samedi 2 octobre 1847<br />

ÉVÉNEMENT. Une lettre du maire de la Salette-Fallavaux signale « l’arrivée<br />

d’un vicaire à M. le Curé, ce matin » (doc. 305). Il s’agit de l’abbé Jacques-<br />

Michel Perrin, frère du curé et de dix années son aîné. Un récit écrit de sa main<br />

(6) Entre les Ablandens et Dorcières. Le jeudi, les bergers gardaient habituellement<br />

les bêtes à proximité des fermes. (Note de P. Andrieux.)<br />

(7) Dumanoir a laissé ici un blanc de 1,5 cm.<br />

(8) Dumanoir a laissé ici un blanc de 1 cm.<br />

(9) Ce dernier paragraphe présente un aspect moins régulier. 11 nous semble cependant<br />

écrit de la même main que le texte qui précède.<br />

153


Doc. 305<br />

<strong>Documents</strong><br />

situe sa nomination de « prêtre auxiliaire » à la Salette deux mois plus tard, au<br />

début de décembre (P e r r in , n' 484) ; cette date correspond sans doute à la<br />

nomination officielle par l’évêque. L’arrivée effective eut lieu plus tôt : il existe<br />

une lettre datée du 20 novembre (doc. 344), qu’il a écrite de sa main pour le<br />

compte de son frète. Le transfert de Grenoble à la Salette a sans doute pour<br />

motif principal la santé déficiente de l’abbé Jacques-Michel, qui mourra en effet<br />

dans moins de quatre ans, le 24 avril 1851. Pendant son séjour à la Salette, il<br />

aidera son frère dans sa correspondance et rédigera des cahiers sur le début du<br />

pèlerinage et sur la dévotion à Notre-Dame Réconciliatrice de la Salette (cf. V.<br />

H o s t a c h y , M.S., Les curés de la Salette, Paris, etc., 1933, p. 37-69).<br />

305. LETTRE DE PIERRE PEYTARD, maire de la Salette-Fallavaux,<br />

à Mgr Villecourt, évêque de la Rochelle, accompagnée d ’un<br />

récit de l’interrogatoire du 20 septembre 1846<br />

Dans V il le c o u r t, p. 194-205.<br />

Dans la première partie de sa lettre, le maire décrit la fête-anniversaire du<br />

19 septembre et la guérison de Victorine Sauvet.<br />

[p. 199] Selon le vœu de votre honorée lettre, Monseigneur,<br />

j’adresse ci-jointes, à Votre Grandeur, les circonstances qui m ’amenèrent<br />

à interroger un des premiers, les deux Enfants. Je n ’ai pas<br />

cru utile de vous transcrire leur récit qui vous est assez connu<br />

depuis longtemps, et qui est absolument le même que vous avez<br />

recueilli de leur propre bouche. [...]<br />

[p. 200] Le 19 septembre 1846, je donnai ordre aux deux<br />

gardes-champêtres de ma commune de convoquer le conseil<br />

municipal, pour se réunir le lendemain, apres la messe, à l’effet<br />

de délibé-[p. 201]rer sur plusieurs affaires de la commune. Le<br />

dimanche, de bon matin, l’un des gardes-champêtres vient me<br />

dire que tous les membres du conseil municipal sont prévenus<br />

pour l’heure indiquée. Il me dit qu’il avait rencontré, avant<br />

d ’entrer chez moi, deux enfants ; qu’il leur avait demandé où ils<br />

allaient, et que ces deux enfants lui avaient répondu qu’ils allaient<br />

raconter à M. le Curé que le jour d ’auparavant, vers les trois<br />

heures après midi, ils avaient vu sur la montagne une belle dame,<br />

et qu’elle leur avait dit telle et telle chose. Le garde paraissant un<br />

peu préoccupé de ce récit, me demanda ce que je pensais de cela.<br />

Je me mis à rire tout simplement, et je lui dis que c’était une<br />

bêtise de la part de ces enfants.<br />

Environ trois heures plus tard, je me rends à l’église pour<br />

entendre la sainte messe. Le moment du prône arrive, M. le Curé<br />

essaie de raconter à ses paroissiens le récit que ces enfants venaient<br />

de lui faire. Le cœur lui serre ; il ne peut que balbutier quelques<br />

mots : et personne n ’y peut presque rien comprendre. Cependant,<br />

moi, à qui le matin le garde-champêtre avait commencé à donner<br />

154


2 octobre 1847 Doc. 305<br />

quelque idée de la chose, je compris à peu près ce qu’avait voulu<br />

dire M. le Curé.<br />

Cette affaire commença, dès ce moment, à [p. 202] préoccuper<br />

un peu mon esprit ; et après le saint Sacrifice, je me rends à la<br />

mairie. Le conseil arrive en majorité ; et au lieu de lui soumettre<br />

dans le principe ce qui faisait l’objet de la réunion, je dis : Y<br />

aurait-il quelqu’un parmi vous, Messieurs, qui pût savoir ce qu’a<br />

voulu dire M. le Curé au Prône ? Tous me répondent : Non.<br />

Cependant, un instant après, un membre du conseil, qui est<br />

du hameau des Ablandins, et le plus près voisin des maîtres de<br />

ces Enfants, me dit : J ’entendis dire hier au soir, par mes voisins,<br />

que les bergers avaient vu sur la montagne, une Dame d ’une<br />

tenue extraordinaire, et qu’elle leur avait dit telle et telle chose.<br />

C’est sans doute à quoi a voulu faire allusion M. le Curé : parce<br />

qu’on a dit que ces deux enfants sont venus le trouver ce matin<br />

pour lui raconter la chose.<br />

Tous les membres du conseil me parurent ne mettre aucune<br />

importance à cela.<br />

L’assemblée s’occupe ensuite de ses affaires, après quoi la<br />

séance est levée.<br />

Je rentre chez moi, toujours l’esprit un peu préoccupé de<br />

cette affaire ; je mange un morceau : et, sans faire part d’aucune<br />

chose à ma famille, l’idée me vient d ’aller interroger ces enfants.<br />

Je me nantis d ’une somme de quarante [p. 203] francs ; je pars,<br />

et me dirige du côté du hameau des Ablandins, à un kilomètre et<br />

demi de distance de chez moi ; j’arrive, et je trouve ces deux<br />

enfants. Je fais d ’abord parler la petite Mélanie, et je fais mettre<br />

le petit Maximin au secret. Elle me fait son récit ; je l’écoute,<br />

sans dire un seul mot, et quand elle eut fini, je lui dis : fais bien<br />

attention, ma petite, de ne rien dire ni de plus ni de moins. Elle<br />

me répond : J ’ai tout dit ce que cette Dame nous a recommandé<br />

de dire.<br />

Alors je fais venir le petit Maximin, et je fais mettre à son<br />

tour Mélanie au secret. Même récit, et même réponse.<br />

Je fais alors venir Mélanie en présence de Maximin ; je<br />

commence par employer la douceur, en leur disant que ce qu’ils<br />

racontaient n ’était qu’un pur mensonge, et que Dieu allait les<br />

punir sévèrement, s’ils continuaient à faire ce récit ; que je leur<br />

conseillais, dans leur propre intérêt, de dire que ce qu’ils avaient<br />

avancé était faux, et qu’ils y avaient été excités par quelques<br />

motifs. J ’en mis quelques-uns en avant, [p. 204] Je leur présentai<br />

alors mes quarante francs, en leur disant que s’ils voulaient m ’en<br />

croire, je leur donnais cette somme. A cela ils me répondirent<br />

qu’ils faisaient fort peu de cas de mon argent, qu’ils s’en<br />

moquaient ; ils ajoutèrent : Vous nous donneriez, Monsieur le<br />

155


Doc. 305<br />

<strong>Documents</strong><br />

Maire, cette pleine maison d'écus, pour nous faire dire le contraire<br />

de ce que nous avons vu et entendu, que nous n 'en ferions rien.<br />

Alors voyant la fermeté de ces deux enfants, je me mis à leur<br />

faire des menaces, soit de la prison, soit d ’autres châtiments. A<br />

cela ils me répondent que toutes mes menaces ne leur font pas<br />

plus de peur que mon argent de plaisir.<br />

Le dimanche suivant, 27 septembre, je me fis conduire,<br />

accompagné de quelques personnes, par les Enfants, sur les lieux<br />

de Y apparition. Là, je leur fais de nouvelles questions ; je les fais<br />

mettre de la même manière et dans la même position qu’ils étaient<br />

quand ils s’endormirent, qu’ils s’éveillèrent, qu’ils furent chercher<br />

leurs vaches, qu’ils virent, selon leur expression, la belle Dame, et<br />

qu’elle leur dit : Avancez, mes petits enfants, je veux vous<br />

annoncer une grande nouvelle. Et enfin, je leur fais parcourir le<br />

chemin à plusieurs reprises, depuis le lieu de Y apparition, jusqu’au<br />

lieu de Y ascension ; et leur récit fut le même de point en point,<br />

que celui qu’ils [p. 205] m ’avaient fait le dimanche d’auparavant,<br />

et le même absolument qu’ils font encore aujourd’hui. Je me<br />

dispense de le transcrire à Votre Grandeur, sachant qu’elle le<br />

connaît parfaitement.<br />

La Salette-Fallavaux, le 2 octobre 1847.<br />

P. PEYTARD,<br />

Maire de la Salette-Fallavaux.<br />

Note critique. Le récit du maire contient au moins une inexactitude : en<br />

effet, Maximin n’a pu être interrogé aux Ablandens le soir du 20 septembre<br />

1846, Pierre Selme l’ayant ramené à Corps le matin de ce jour (cf. doc. 297).<br />

Peytard situera plus tard cet interrogatoire au lundi 21 (cf. doc. 434). Quant à la<br />

date du deuxième interrogatoire des enfants par le maire, celle indiquée dans le<br />

présent document paraît pour le moins sujette à caution. L’abbé Louis Perrin y<br />

assista (d’après Vérité, p. 92) ; or, selon toute vraisemblance, le dimanche 27<br />

septembre il était resté dans son ancienne paroisse, pour y célébrer les adieux.<br />

Lui-même indiquera plus tard le 28 septembre comme date de sa première visite<br />

à la Salette (lettre du 5 mai 1863 au Père Bossan, MSG).<br />

* 308 bis. ANECDOTES SUR MAXIMIN<br />

Dans Apparition miraculeuse de la sainte Vierge à de jeunes bergers...,<br />

suivie de la relation de la guérison de la Sœur Saint-Charles d'Avignon et du<br />

récit de l’anniversaire. Lyon, au bureau de l'Etoile du matin, 1847 (PBNR 18),<br />

p. 22-25.<br />

Date : postérieure au premier octobre 1847, puisque le rédacteur cite la Voix<br />

de l'Eglise datée de ce jour.<br />

Note. L’auteur, qui écrit dans le courant du mois d’octobre, a eu<br />

communication de détails recueillis par Rousselot et Orcel, les enquêteurs officiels.<br />

[...] Voici quelques petites anecdotes sur Maximin Giraud.<br />

156


Octobre 1847<br />

Doc. 308 bis<br />

Au moment où la grande Dame disparut à leurs regards, et<br />

lorsque ses souliers [p. 23] couronnés de roses étaient seuls visibles,<br />

il s’élança pour saisir une de ces roses... mais il n ’était plus temps.<br />

Cet enfant ne se distingue en rien dans les circonstances<br />

ordinaires de la vie des autres enfants de son âge ; mais pour tout<br />

ce qui appartient à l’apparition il fait preuve d ’une grande finesse<br />

d ’esprit. On lui fait subir plusieurs fois par jour de longs<br />

interrogatoires ; il répond de suite à toutes les questions, comme<br />

si la réponse était depuis longtemps sagement préparée, et cette<br />

spontanéité, cet à-propos des répliques, surprennent beaucoup les<br />

examinateurs. Tu n ’as vu qu’un nuage, lui disait quelqu’un ? —<br />

Faites donc parler un nuage, répliqua vivement Maximin. Un<br />

ecclésiastique lui fit cette question : Cela doit bien t’ennuyer de<br />

répéter tous les jours la même chose ? — Et vous, répondit-il,<br />

vous ennuyez-vous de dire tous les jours la messe (1) ?<br />

Les répliques suivantes ne seraient pas désavouées par les plus<br />

grands théologiens. Les examinateurs chargés par Monseigneur<br />

[p. 24] l’évêque de Grenoble de diriger une enquête sur le fait de<br />

l’apparition, avaient longtemps étudié les questions qui devaient<br />

embarrasser les enfants : l’un d ’eux fit l’objection suivante à<br />

Maximin. « Tu as eu évidemment, mon ami, ce qu’on appelle<br />

une hallucination. Le diable a pris la figure d ’une femme, et c’est<br />

lui qui t ’a parlé et t ’a fait de fausses prophéties. » L’objection<br />

était grave : elle s’appuyait sur des faits accomplis, puisque les<br />

menaces de la grande Dame n ’avaient pas été exécutées. L’enfant<br />

répondit naïvement : « Le diable ne peut pas porter l’image de<br />

Jésus crucifié sur sa poitrine et la sainte Vierge avait un crucifix<br />

pendu à son cou. — Mais, continua l’examinateur étonné, tu n ’es<br />

pas bien instruit de ta religion. Tu n’as donc pas lu dans l’Evangile<br />

que le diable porta Notre-Seigneur Jésus-Christ sur une montagne,<br />

puis sur le pinacle du temple de Jérusalem ? Tu vois donc bien<br />

que ta réponse n’est pas satisfaisante. » — A cette subtilité de la<br />

plus grande force, [p. 25] Maximin, après avoir réfléchi un instant,<br />

a répondu : « Oh ! cela est arrivé avant la mort de Jésus-Christ,<br />

quand la croix n’était pas encore le signe de la rédemption des<br />

hommes, qui vivaient jusqu’alors sous l’empire du péché ; à<br />

présent cela n ’est plus possible. » Une telle réponse a frappé de<br />

surprise les examinateurs. Aussi, après toutes autres démarches,<br />

ont-ils conclu au miracle, suivant la lettre ci-jointe produite par<br />

La Voix de l ’Eglise, numéro du 1er octobre 1847. 1<br />

(1) La dernière question et la réponse correspondante se lisent également à peu près<br />

telles quelles dans VlUECOURT (doc. 309, p. 142) et dans le Rapport Rousselot (doc. 310,<br />

p. 19 = Vérité, p. 89) ; Rousselot indique en plus l'identité de l'ecclésiastique : l'abbé<br />

Albertin, professeur au grand séminaire de Grenoble.<br />

157


Doc. 308 bis<br />

<strong>Documents</strong><br />

Suit le doc. 250 bis (lettre de l’abbé Morel) : les deux enquêteurs officiels<br />

sont de retour ; la guérison de Sœur Saint-Charles d’Avignon présente tous les<br />

caractères d’un miracle ; l’archevêque d’Avignon doit préparer un mandement<br />

sur cette guérison ; on dit que plus de quarante prêtres veulent célébrer la messe<br />

sur les lieux de l’apparition le 19 septembre.<br />

Vendredi 15 octobre 1847<br />

309- CLÉMENT VILLECOURT, évêque de la Rochelle. Nouveau<br />

récit de l'apparition de la sainte Vierge sur les montagnes des<br />

Alpes,... avec des lettres, documents et témoignages authentiques...<br />

Lyon, A. Mothon ; Paris, J. Lecoffre et co., 1847. xi, [ 13J-204 p. frontispice<br />

14 cm. — 2. éd. I b i d e m 1847. xi,[3]-210 p. 14 cm.<br />

N.B. : nous citons d’après la deuxième édition.<br />

C o n t e n u . Le livre contient une relation de l’apparition, le récit du pèlerinage<br />

de Mgr Villecourt, des explications sur la façon dont il a pris connaissance du fait<br />

du 19 septembre 1846, des réflexions spirituelles et théologiques sur la Salette et<br />

les apparitions en général (l’auteur cite Benoît XIV et le cardinal Bona) et enfin<br />

divers documents, parfois abrégés « un peu pour ne pas trop grossir le volume »<br />

(p. 149) : les doc. 149, 233, 237, 238, 239, 251, 252, 264, 282, 289, 295, 305,<br />

211 (ce dernier seulement dans la 2. éd.).<br />

Rédaction et approbation. Dès le commencement d’août, Mgr Villecourt<br />

écrit à Corps afin d’obtenir des renseignements complémentaires (doc. 226). A la<br />

fin du mois, il annonce à l’évêque de Grenoble son intention de « publier une<br />

relation que les Lyonnais attendent » et le prie d’autoriser le supérieur de son<br />

grand séminaire (le chanoine Orcel) de lui communiquer « les principaux<br />

documents qui lui sont parvenus ». Il exprime l’espoir qu’une telle publication<br />

entre dans les vues de son correspondant et devienne « un préliminaire assez<br />

important de la sentence » qu’il appartient à celui-ci de prononcer, car lui seul a<br />

« autorité pour cela. Pour moi, » précise Mgr Villecourt, « je ne rendrais que mes<br />

sentiments » (doc. 242). —- Mgr de Bruillard répond le 5 septembre qu’il<br />

applaudit à ce projet : «Je regarderai votre ouvrage comme un préliminaire très<br />

favorable au jugement doctrinal que j’aurai, je l’espère, à prononcer plus tard ».<br />

Il ajoute qu’il a « acquis la certitude du miracle opéré en faveur d’une religieuse<br />

de Saint-Joseph, la sœur Saint-Charles, d’Avignon » et que d’« autres guérisons<br />

paraissent également incontestables » (doc. 2 5 2 ). — Mgr Villecourt lui envoie le<br />

Nouveau récit une dizaine de jours plus tard : « il est dans l’ordre qu’il passe<br />

sous vos yeux avant d’être livré à l’impression », lit-on dans la lettre qui<br />

l’accompagne (doc. 272). Mgr de Bruillard y apporta quelques modifications<br />

mineures : « Ce digne prélat en a changé ou retranché quelques expressions, et<br />

me l’a renvoyé en daignant me témoigner la satisfaction que lui avait causée la<br />

lecture de cet opuscule », écrit l’auteur (p. 187). Dans notre série chronologique,<br />

nous avons mis le Nouveau récit au 15 octobre, date de la lettre Villecourt<br />

accompagnant l’envoi du manuscrit à l’imprimeur (p.[iij). Six semaines plus tard,<br />

dans l'Univers du 26 novembre, Louis Veuillot fera connaître le livre au grand<br />

public. Parmi les publications consacrées à la Salette, c’est la toute première à<br />

paraître avec l’approbation de l’évêque du lieu de l’apparition.<br />

158


15 octobre 1847 Doc. 309<br />

Note critique. Mgr Villecourt, qui a passé toute la journée du 21 juillet en<br />

la compagnie des deux voyants (*), a évité de leur poser de trop nombreuses<br />

questions, « pour ne pas accabler Maximin et Mélanie souvent interrogés sur les<br />

mêmes faits » (doc. 226). Quant à celles qu’il a posées, rien ne montre qu’il ait<br />

pris soin de les noter par écrit avec leurs réponses.<br />

L’idée de publier une relation lui semble être venue seulement après son<br />

pèlerinage, lors de son passage à Lyon (cf. doc. 223, 242). Aussi le récit de la<br />

journée du 21 juillet a été composé surtout de mémoire et les phrases mises dans<br />

la bouche des enfants ont été plus ou moins arrangées : la cascade de subordonnées<br />

que Maximin aurait proférées dans une conversation sur les sacrements dépasse<br />

manifestement ses capacités intellectuelles du moment : « Quelqu’un avec qui je<br />

m’entretenais l’autre jour, me soutenait que la confirmation était au-dessus du<br />

baptême ; pour moi, je lui soutenais le contraire, puisque sans le baptême, on<br />

ne peut pas être sauvé, tandis qu’on peut l’être sans la confirmation » (p. 120 :<br />

paroles attribuées à Maximin). — L’auteur donne le récit de l’apparition dans la<br />

première partie du livre, avant la relation de son pèlerinage : il laisse entendre<br />

par là qu’il ne s’agit pas d’une transcription de ce qui fut dit par les enfants le<br />

21 juillet. De son propre aveu, il a reproduit les paroles attribuées à la Dame<br />

seulement « à peu près » (p. 5 9 ) . Le discours, qui a été truffé d’expressions<br />

ampoulées, commence par suivre le plan qu’on trouve dans les relations privilégiées<br />

et dans celle de Perrin (doc. 1, 7, etc.), mais s’en écarte, une fois que l’essentiel<br />

a été dit ; il donne l’impression d’avoir été reproduit de mémoire. Le récit<br />

contient un détail qui ne figure pas dans ces relations : au début de l’apparition<br />

Mélanie, effrayée, a laissé tomber son bâton et Maximin lui a dit de le reprendre<br />

pour se défendre en cas de besoin (p. 58) ; toutefois ce détail n’est pas entièrement<br />

nouveau, puisqu’on le rencontre déjà dans les manuscrits de Dausse (doc. 120).<br />

Ci-dessous, nous donnons les portraits que Mgr Villecourt a tracés de Maximin<br />

et de Mélanie ; un souvenir du maire Peytard sur la manière dont ils racontaient<br />

l’apparition dans les débuts ; une parole de Maximin concernant les souliers de<br />

la Dame ; un témoignage de Mgr Villecourt sur les rapports entre les deux<br />

voyants.<br />

[p. 46] Portrait de Maximin.<br />

Maximin, d’un caractère vif, mais sans aucun emportement,<br />

ne peut ouvrir la bouche sans inspirer de l’intérêt par la<br />

[p. 47]suavité de sa parole et la candeur avec laquelle il s’exprime.<br />

Il est naturellement aimant, caressant, reconnaissant et sensible.<br />

Ses yeux sont beaux et étincelants ; la peau de son visage est fine<br />

et délicate. Sa bouche est un peu grande ; mais elle devient très<br />

gracieuse quand il fait la conversation. Il a toujours alors quelque<br />

chose à remuer ; et, quoiqu’il ne s’écarte pas du sujet dont on<br />

l’entretient, il ne paraît jamais y donner une grande importance,<br />

à moins qu’il ne soit question des intérêts de l’Eglise et du<br />

salut des âmes. Dans les mille circonstances où les voyageurs<br />

l’interpellent, pour le contredire ou le faire tomber en contradic­<br />

(*) Sur cette journée, voir supra, p. 106-107.


Doc. 309<br />

<strong>Documents</strong><br />

tion, il se possède assez pour ne se fâcher jamais. Cette disposition<br />

semble lui être naturelle, et n’annonce, de sa part, aucun effort.<br />

Cependant il ne manque guère, en ces moments-là, de laisser<br />

apercevoir le peu de cas qu’il fait des objections par lesquelles on<br />

voudrait l’embarrasser. Soyez grand ou petit, riche ou pauvre, il<br />

[p. 48] ne considère que la valeur de ce que vous lui dites. Si<br />

vous rendez justice à sa naïveté, il vous en récompense à<br />

l’instant même par un coup d ’œil affectueux, ou par toute autre<br />

démonstration de bienveillance ; si vous semblez prendre à tâche<br />

de le contrarier, il vous regarde en pitié, ou bien lève les épaules,<br />

comme pour vous dire : Cette observation est déplacée. Si vous<br />

n'êtes pas disposé à me croire, pourquoi m'interrogez-vous ? Il<br />

aime les jeux et les amusements, autant, pour le moins que les<br />

autres enfants de son âge. Il ne prend aucune précaution pour<br />

dissimuler cet attrait : et pour peu que vous interrompiez la<br />

conversation que vous aviez avec lui, quelque sérieuse qu’elle pût<br />

être, vous le verrez accourir auprès de ses petits compagnons pour<br />

folâtrer avec eux, sans se préoccuper de cette foule d’étrangers de<br />

tous les rangs qui sont venus de loin pour le voir et lui parler.<br />

Souvent, le jour où je gravissais avec lui la Montagne, il m ’a quitté<br />

pour aller auprès [p. 49] d ’un enfant qui la montait avec nous,<br />

placer sa main sur son épaule, et converser sur des sujets enfantins.<br />

Quelquefois il se lançait sur un cheval ; d ’autres fois, il courait à<br />

toutes jambes en montant ou en redescendant, au milieu des<br />

aspérités de ces monts difficiles ; mais il revenait bientôt auprès<br />

de moi, et les paroles tendres qu’il m ’adressait me faisaient voir<br />

que je n ’avais pas été totalement oublié. Cette disposition lui est<br />

naturelle : il faut qu’il décèle bientôt tout ce qu’il y a de candide<br />

et de gracieux dans son âme. Ses expressions ont d ’autant plus<br />

d ’amabilité, qu’elles sont la plus juste et la plus pure image de<br />

ses sentiments. Il est d ’une honnêteté charmante ; jamais il ne<br />

vous dira un oui ou un non, sans y ajouter la qualité qui vous<br />

convient. Mettez-le sur l’article des biens de la terre, et vous ne<br />

tarderez pas à reconnaître qu’il ne les envisage qu’avec dédain. Il<br />

est généreux et désintéressé : il se dépouillerait de tout ce qu’il a<br />

pour vous le donner, s’il pouvait vous déter-[p. 50]miner à<br />

l’accepter. Vous lui procurerez une vraie jouissance en recevant de<br />

lui au moins quelque bagatelle, comme souvenir d’amitié. Parlezlui<br />

de la mort : vous verrez qu’il n ’en éprouve aucune crainte ; il<br />

laissera même aisément apercevoir que son désir serait de mourir<br />

jeune, pour ne pas être exposé aux dangers que la fragilité humaine<br />

et les scandales du monde multiplient partout. On a remarqué ces<br />

sentiments toutes les fois que, pour l’intimider, on lui a parlé de<br />

gendarmes, de prisons, de supplices, ou des périls qui menaçaient<br />

ses jours. Il chérit la Sainte Vierge : il a l’air d ’être sûr de sa<br />

protection ; mais son dévoûment est calme, et ne se manifeste<br />

160


15 octobre 1847 Doc. 309<br />

que par quelques mots que l’on surprend à la dérobée, et dont il<br />

ne s’aperçoit pas lui-même. Il est si pur, qu’il n’a pas même<br />

l’idée du vice, et qu’il ne comprendrait pas le langage qui pourrait<br />

l’indiquer. Il va à la prière avec le même bonheur et le même<br />

empressement qu’il se porte aux jeux de l’enfance. Son attrait<br />

[p. 51] est de servir la messe. Son naturel léger et remuant ne<br />

l’abandonne pas toujours alors ; mais on a remarqué avec raison<br />

que cette disposition était inhérente à son caractère et à son<br />

organisation physique (Pèlerinage de la Salette par M. l'abbéBez,<br />

p. 24). Son humilité est sincère, elle perce à l’instant même,<br />

quand vous lui donnez quelque marque d ’affection : il trouve<br />

alors aussitôt des expressions qui n ’appartiennent qu’à lui pour se<br />

remettre à sa place de pauvre berger. On conçoit à peine qu’un<br />

enfant qui se montre avec un caractère naturellement volage, soit<br />

si ferme et si constant à garder le secret de ce qu’il ne doit pas<br />

dire. Toutes les tentatives à cet égard, de quelque part qu’elles<br />

vinssent, ont toujours été inutiles.<br />

Portrait de Mélanie.<br />

Réunissez dans votre imagination tous les traits qui vous<br />

semblent devoir peindre la modestie la plus parfaite et la plus<br />

[p. 52] saisissante, et vous aurez à peine une idée de celle de<br />

Mélanie. Elle a un visage régulier et délicat ; ses yeux sont pleins<br />

de douceur, et sa voix est d’une aménité angélique qui vous<br />

pénètre, à l’instant, d ’estime et d ’une certaine considération. Rien<br />

qui annonce la rusticité des bergères de la montagne. Changez ses<br />

vêtements, et vous ne soupçonnerez plus qu’elle est née dans le<br />

plus misérable des réduits, et que ses parents, ses frères et sœurs<br />

attendent l’aumône qui doit secourir leur profonde indigence.<br />

Mélanie a près de seize ans : à peine croirait-on qu’elle en a<br />

douze. Elle parle peu, et seulement quand on l’interroge. Alors<br />

elle le fait avec une grâce qui emprunte du ton délicieux de sa<br />

voix et de sa retenue un charme inexprimable. Ce qu’elle dit est<br />

d ’une justesse qui ravit ; mais elle ne s’en doute pas : un enfant<br />

de six ans ne s’exprimerait pas avec plus de simplicité et moins de<br />

prétention. Elle paraît attacher beaucoup d’intérêt à l’explication<br />

de la doctrine chrétienne. Elle dit sans [p. 53] façon ce qu’elle<br />

pense sur les points susceptibles de recevoir des interprétations<br />

diverses ; mais si un autre développement leur est donné, elle<br />

laisse apercevoir, par un modeste sourire, qu’elle l’accueille avec<br />

satisfaction. Elle n ’est pas sans vivacité, mais on voit qu’elle sait<br />

la contenir par une disposition naturelle de convenance ; elle est<br />

ingénue et sans détour. Elle ne partage pas toujours l’avis de<br />

Maximin, qui ne s’en fâche pas ; mais si elle émet une opinion<br />

différente, elle n’y donne pas, pour cela, de la valeur et de<br />

161


Doc. 309<br />

<strong>Documents</strong><br />

l’importance. C’est là tout ce que j’ai pu juger de Mélanie.<br />

Maximin, par son aisance, m ’a fourni beaucoup plus de moyens<br />

de tracer son portrait. J ’ai conjuré madame la Supérieure de la<br />

Providence de veiller soigneusement à ce que cette multitude de<br />

curieux que l'apparition attire à Corps, ne portât aucune atteinte<br />

à la simplicité de ces deux intéressants bergers. Elle m ’a promis<br />

de le faire : ajoutant qu’à cet égard, Maximin ne lui avait pas<br />

inspiré [p. 54] jusqu’ici la plus légère inquiétude, et qu’elle<br />

n ’épargnerait rien pour que Mélanie fut garantie, à son tour, de<br />

tout danger d ’amour-propre (1).<br />

[Souvenirs du maire]<br />

[p. 100] M. Peytard nous raconta alors (2) l’inter[ro]gatoire<br />

qu’il avait fait subir à Maximin et à Mélanie, le lendemain de<br />

Y apparition (3). Il les avait placés l’un et l’autre dans un<br />

appartement séparé, afin de les in-[p. 101]terroger à part. « Qu’astu<br />

fait ? avait-il dit à Maximin : tu as répandu un conte qui met<br />

le trouble dans tous les esprits, et qui ne peut qu’amener des<br />

suites fâcheuses. Je ne voudrais pas être à ta place, et j’aimerais<br />

mieux avoir tué quelqu’un que d ’avoir inventé tout ce que tu as<br />

dit, ainsi que Mélanie. — Inventé ? dit avec vivacité Maximin :<br />

comment voulez-vous que de pareilles choses s’inventent ? Nous<br />

n ’avons dit que ce que nous avons vu de nos yeux, et entendu de<br />

nos oreilles. »<br />

Ici, Maximin avait fait au Maire l’histoire exacte de Y apparition,<br />

telle, à peu près, que je me suis efforcé de la retracer.<br />

Mais, nous disait M. Peytard, cette histoire ne peut plus offrir,<br />

aujourd’hui, dans la bouche des deux enfants, le même intérêt<br />

qu’elle présentait alors. On les voyait encore, le lendemain de ce<br />

jour mémorable, sous la vive impression des choses qui leur étaient<br />

arrivées ; leurs paroles étaient animées et brûlantes ; et le feu qui<br />

était dans leurs re-[p. 102]gards donnait à leur langage, d’ailleurs<br />

si candide et si naïf, une force et une lumière qui portaient au<br />

fond de l’âme une irrésistible conviction. Non, il ne faut plus<br />

juger leur narration d ’alors par celle qu’ils font aujourd’hui : ce<br />

sont bien, il est vrai, les mêmes choses qu’ils racontent ; mais ce<br />

n ’est plus le même ton, la même animation, la même chaleur. 1<br />

(1) Noter la différence entre le comportement attribué à chacun des deux enfants.<br />

Soeur Sainte-Thècle fera également part à Rousselot de ses inquiétudes au sujet de l'humilité<br />

de Mélanie (doc. 310, p. 8 = Vérité, p. 51-52).<br />

(2) Le matin du 21 juillet, pendant la halte de Mgr Villecourt à la cure de la Salette.<br />

(3) En réalité, le lendemain de l’apparition le maire n ’interrogea que Mélanie (voir<br />

supra, doc. 305, Note critique).<br />

162


15 octobre 1847 Doc. 510<br />

J ’avais déjà pensé à tout ce que disait M. Peytard, et j’eus<br />

une grande joie de retrouver dans sa bouche les réflexions qui<br />

s’étaient présentées plus d ’une fois à mon esprit.<br />

[Une parole de Maximin\<br />

[p. 107] Maximin en voyant les boucles de mes souliers, me<br />

disait qu’il y avait quelque chose de semblable sur ceux de la<br />

Sainte Vierge (4). Cet enfant avait toujours une attention marquée<br />

à m ’adresser des paroles agréables.<br />

[Les rapports entre les deux voyants]<br />

[p. 142] Maximin et Mélanie ne se réunissent jamais pour<br />

faire entr’eux aucune combinaison à!entente sur les questions<br />

qu’on peut leur adresser : ils ont bien assez de s’en occuper quand<br />

la foule des curieux les environne. D ’ailleurs, s’il n ’y a pas de<br />

l’antipathie entr’eux, il saute aux yeux de tout le monde qu’ils<br />

sont sans aucune sympathie. Ils ne se fuient pas, mais ils ne se<br />

recherchent pas. Quand vous interrogez l’un, l’autre se tait.<br />

Pendant les cinq heures que j’ai employées pour gravir les<br />

montagnes de la Salette, et pen-[p. l43]dant les trois heures<br />

environ qu’a duré mon retour, j’ai pu m ’assurer de ce que je dis.<br />

Jamais l’un des enfants ne m ’a parlé de l’autre. Une seule fois<br />

Mélanie a paru vouloir faire une réflexion sur ce que disait Maximin<br />

qui émettait une opinion sur un point de doctrine. J ’ai prononcé,<br />

et tous les deux ont gardé le silence.<br />

310. RAPPORT ROUSSELOT : LA VÉRITÉ SUR L ’ÉVÉNEMENT<br />

DE LA SALETTE... RAPPORT FAIT À MGR L ’ÉVÊQUE PAR<br />

LES DEUX COMMISSAIRES DÉLÉGUÉS EN VERTU D ’UNE<br />

ORDONNANCE DE SA GRANDEUR, DU 19 JUILLET 1847,<br />

POUR RECUEILLIR LES DOCUMENTS ET RENSEIGNEMENTS<br />

CONCERNANT LE FAIT DE LA SALETTE<br />

Original de la main de Rousselot, avec des additions et cottections de la<br />

main de l’évêque (pages 1-38 d’un cahier de 46 p. 20 cm x 14,5) : EG 12. Plan<br />

du Rapport, également de la main de Rousselot (1 f. 22,5 cm x 17,5) :<br />

EG 129-— Publié en été 1848, avec des additions et quelques modifications :<br />

doc. 447 = Vérité.<br />

Auteurs. Le Rapport, qui porte la signature des deux commissaires nommés<br />

en juillet par l’évêque de Grenoble, a été composé par Rousselot. Quelques<br />

(4) Le narrateur rapporte cette parole dans le récit de la montée, pendant le trajet du<br />

village de la Salette aux lieux de l’apparition.<br />

163


Doc. 310<br />

<strong>Documents</strong><br />

lignes écrites plus tard par l’autre commissaire, le chanoine Orcel, nous renseignent<br />

sur ce que celui-ci en pensait : le Rapport « renferme quelques exagérations de<br />

mots du moins, que j’avais prié le bon et vénérable M. Rousselot de supprimer,<br />

tout en signant de confiance et d’avance le rapport. Il a eu plus tard du<br />

désagrément et a fait naître des défiances, à cause de ces détails bien accessoires,<br />

mais qu’il faut éviter avec soin encore aujourd’hui » (lettre au Père S.-M. Giraud,<br />

M.S., 18 janvier 1866, MSG Giraud, L 231). Le manuscrit comporte effectivement<br />

des passages biffés, un paragraphe notamment où il est question d’apparitions<br />

formulant des reproches contre la « dissolution des mœurs » (p. 35). Mais nous<br />

ignorons sous quelle influence Rousselot a opéré cette modification, à supposer<br />

même que les ratures soient de sa main : plusieurs corrections ou additions sont<br />

en effet de la main de Mgr de Bruillard.<br />

Date (15 octobre 1847). Elle figure dans l’édition imprimée du Rapport,<br />

après les signatures des deux commissaires (Vérité, p. 225). Le manuscrit EG 12<br />

n’est pas daté. — Certaines additions marginales ou interlinéaires et certaines<br />

corrections ont été introduites pendant ou après les Conférences tenues à l’évêché<br />

en novembre et en décembre 1847, en particulier la plupart (ou la totalité ?) des<br />

corrections de la main de l’évêque ainsi que les additions tirées des notes Lagier<br />

(par exemple p. 13-14 du manuscrit).<br />

Relations de l'apparition. Rousselot reproduit les relations de Bez (doc. 163),<br />

avec de légères modifications. Au moment où il compose son Rapport, il ne<br />

dispose encore ni des notes Lagier, ni de la relation Pra, ni de la relation Lambert,<br />

textes qu’on trouve exploités ou reproduits plus tard dans l'édition imprimée du<br />

Rapport (le doc. 447).<br />

Note critique. Rousselot a le mérite d’étudier l’ensemble du problème :<br />

témoins, récits, suites de l’apparition, diverses explications possibles. Il a cherché<br />

à rassembler une importante documentation et si nombre de pièces ne lui sont<br />

accessibles qu’après le mois d’octobre, il les a du moins utilisées pour l’édition<br />

imprimée du Rapport (doc. 447). — Cependant, comme le remarque Orcel, il se<br />

laisse aller parfois à des exagérations, e.g. quand il écrit (p. 11) que le récit de<br />

Mélanie tel que Bez l’a édité « est textuellement ce que ces enfants ont dit dès le<br />

premier jour », assertion qu’il nuance d’ailleurs plus loin (p. 13) par un « conforme<br />

pour le fond et presque pour les termes » à propos du récit de Maximin et qu’il<br />

nuance encore davantage dans la Vérité (p. 30), où il écrit simplement que Bez a<br />

« publié à peu près » les paroles de l’entretien de la Dame avec les deux enfants.<br />

Le plus grave reproche qu’on pourrait adresser à Rousselot serait, croyons-nous,<br />

d’avoir composé un plaidoyer plutôt qu’un rapport portant à la connaissance des<br />

autres examinateurs nommés par l’évêque vraiment toutes les difficultés connues<br />

en septembre 1847. On aurait souhaité, par exemple, trouver davantage de<br />

précisions sur le récit de Maximin première manière (cf; LSD A I, p. 73, 90, etc.)<br />

et sur la psychologie de Mélanie, qui, déjà, commence à faire problème, comme<br />

l’observera Cartellier lors des Conférences tenues à l’évêché en novembre -<br />

. décembre.<br />

Révisions du manuscrit. Le manuscrit comporte des additions et des<br />

corrections, introduites quatorze, seize et dix-huit mois après l’apparition (*).<br />

(*) Doc. 376 : première révision. — Doc. 397 : deuxième révision, reconnaissable aux<br />

mentions du laps de temps écoulé depuis l’apparition (seize mois : p. 17, 33, 42, 45 du<br />

manuscrit) ; il s'agit de corrections de la main de Mgr de Bruillard et peut-être, parfois,<br />

de celle de Rousselot.<br />

164


15 octobre 1847 Doc. 310<br />

Notre édition. 1) Vu la longueur du Rapport (dans l’édition imprimée,<br />

l’équivalent du doc. 310 occupe environ soixante-dix pages), il nous est impossible<br />

de le reproduire intégralement. Nous avons tenu à rendre accessible au lecteur ce<br />

qui concerne la description des lieux, le déroulement de l’apparition, les diverses<br />

paroles attribuées aux enfants, leur caractère ainsi que les articulations de<br />

l’argumentation de Rousselot. Là où le Rapport reproduit d’autres documents,<br />

nous avons renvoyé aux sources.<br />

2) Au lieu de nous hasarder à reconstituer le texte primitif de septembreoctobre<br />

1847, nous éditerons les textes tels qu’ils figurent dans le manuscrit.<br />

Dans de nombreux cas, la teneur des additions, des passages biffés et des<br />

corrections indique clairement que ces modifications sont postérieures au 15<br />

octobre 1847.<br />

3) Quand une correction de quelque importance ou une addition proprement<br />

dite est de la main de l’évêque, nous indiquons ce détail en note.<br />

Monseigneur,<br />

[•••]<br />

Partis de Grenoble le 27 juillet dernier, nous avons parcouru<br />

les diocèses de Valence, de Viviers, d ’Avignon, de Nîmes, de<br />

Montpellier, de Marseille, de Fréjus, de Digne et de Gap. Nous<br />

avons séjourné dans la plupart de ces villes épiscopales, et nous<br />

avons été admis à l’audience de six Evêques. Ces illustres Prélats<br />

ont bien voulu conférer avec nous de l’objet de notre mission.<br />

Partout nous avons reçu un accueil favorable [...].<br />

[p. 2] Nous avons vu et interrogé plusieurs personnes que<br />

l’on disoit avoir été guéries ; partout nous avons demandé et on<br />

nous a \ donné ou (1) / promis des relations bien authentiques<br />

de ces faits merveilleux.<br />

Le 25 août suivant, après un voyage heureux, nous faisions<br />

notre rentrée dans le diocèse, par Corps [...].<br />

Le soir du même jour nous interrogions l’un après l’autre, les<br />

deux petits bergers, devenus, sans qu’ils paroissent jusqu’ici s’en<br />

douter, si célèbres et la cause première du concours prodigieux<br />

qui se fait sans interruption depuis un an sur ces hautes montagnes,<br />

extrême frontière sud-est du diocèse de Grenoble.<br />

Le lendemain 26 août, par un temps froid et brumeux, nous<br />

nous élevions par des chemins étroits, difficiles, ardus, avec les<br />

deux enfants, sur le plateau de l’apparition, accompagnés de<br />

MM. Melin, curé-archiprêtre de Corps, Perrin, curé de la Salette,<br />

Paquet, curé de Tréminis (2), de plusieurs autres ecclésiastiques<br />

du diocèse, d ’un curé du diocèse de Fréjus, d’un curé du diocèse<br />

de Gap, et de trente à quarante pieux pèlerins, la plupart accourus 1<br />

(1) Addition de la main de l’évêque.<br />

(2) François Paquet, 1813-1899, curé de Tréminis (canton de Mens), de 1838 à 1850.<br />

165


Doc. 310<br />

<strong>Documents</strong><br />

de loin, et qui, instruits de l’objet spécial de notre mission,<br />

s’empressèrent de se joindre à nous pour être témoins du tout.<br />

I. T o p o g r a p h i e d e s l i e u x<br />

[La commune de la Salette et] le plateau dit des-Baisses ou<br />

sous-les-Baisses [...(p. 3)...]<br />

Sur ce plateau peu étendu, se trouve un ravin, peu profond,<br />

formé par deux tertres ou éminences qui courent du nord au midi,<br />

au fond duquel coule le petit ruisseau appelé la Se'zia. C’est au<br />

fond de ce ravin, sur la rive droite du ruisseau et dans l’endroit<br />

où coule depuis sans interruption la célèbre fontaine, que fut<br />

d ’abord aperçue la belle Dame \\ d’après la relation (3) // ; c’est<br />

à deux ou trois pas et du même côté qu’elle parla aux deux<br />

enfants rassurés et invités à s’approcher ; mais c’est après avoir<br />

franchi d ’un seul pas le ruisseau, et fait 25 ou 30 pas en remontant<br />

le tertre opposé, qu’elle disparut peu-à-peu aux yeux des enfants<br />

qui la suivirent et qui se trouvoient à moins de trois pas de<br />

distance.<br />

\ Quelques / jours \ après / (4) l’apparition, sur l’indication<br />

des enfants, deux croix en bois, fort simples, furent plantées, l’une<br />

près de la fontaine, appelée depuis lors Croix [biffe' : de l ’apparition<br />

et] de la Conversation, et l’autre, à l’endroit de la disparition,<br />

qui a reçu le nom de Croix de l ’Assomption.<br />

Un peu plus tard, quatorze croix, plus grandes et mieux<br />

travaillées ont été échelonnées le long du chemin parcouru par la<br />

Dame. Les pèlerins prient avec une ferveur particulière devant les<br />

deux premières, et font avec beaucoup de dévotion [biffé : le<br />

chemin de la croix] devant les autres \\ le chemin de la croix,<br />

quoique non \ encore / érigé canoniquement //. Aux deux premières<br />

se trouvent suspendus différents objets, tels que fleurs,<br />

couronnes, béquilles. Des objets de prix, des chaînes d ’or, des<br />

bijoux, des \\ cœurs, des ( 5 ) // bagues, des pendants<br />

\ d’oreille (5a) / etc y ont également été attachés par la dévotion<br />

et \ par / la reconnaissance ; mais ils ont été transportés et mis en<br />

dépôt chez \ Mr / le curé de la Salette, jusqu’à ce que l’autorité<br />

diocésaine ait prononcé sur le [p. 4] fait, et qu’accédant aux vœux<br />

d ’innombrables pèlerins, elle ait permis la construction d ’une<br />

chapelle sur ces lieux vénérés.<br />

Les deux côtés du ravin étoient, avant l’événement, comme<br />

le plateau et les trois montagnes, recouverts d ’une belle verdure.<br />

(3) Addition de la main de l’évêque.<br />

(4) Rousselot a d ’abord écrit : « Dès les premiers jours qui suivirent celui [?] de »,<br />

puis a biffé ces mots, à l’exception du mot « jours ».<br />

(5) Addition de la main de l’évêque.<br />

(5a) Addition de la main de l’évêque.<br />

166


15 octobre 1847 Doc. 310<br />

Depuis long-temps ils en sont totalement dépouillés et ne présentent<br />

plus à l’oeil qu’un sol absolument nu et une roche schisteuse.<br />

Cet endroit n’est pas seulement foulé sous les pieds d ’innombrables<br />

pèlerins, mais il est continuellement gratté, raclé par des mains<br />

avides d ’emporter comme reliques et souvenirs de ce lieu révéré,<br />

quelques brins d’herbe, quelques fleurs, un peu de terre, quelques<br />

morceaux de pierre. Les croix même ne sont pas épargnées ; elles<br />

sont journellement mutilées par la foule qu’entraîne le respect ou<br />

la reconnaissance. Quant à la fontaine, tous y boivent en arrivant<br />

sur la montagne, et il est reçu parmi les pèlerins que son eau<br />

glaciale, même bue en quantité et dans la plus abondante<br />

transpiration, ne fait jamais de mal ; tous en font provision et en<br />

emportent avec eux à plusieurs centaines de lieues.<br />

Quant au tas de pierres sur lequel les enfants aperçurent<br />

d ’abord le belle Dame assise, triste et le visage caché dans ses<br />

mains, il a totalement disparu. \\ Les pèlerins et // les gens du<br />

pays les ont enlevées et recueillies avec respect. [Biffe : et ce n ’est<br />

pas sans peine qu’ils en abandonnent quelques fragments aux<br />

pèlerins du dehors]. Cependant, \\ Mr // le Curé de Corps, fit<br />

dès le commencement, emporter chez lui pour être conservée avec<br />

soin, la [biffe : plus grosse de ces] pierre [biffe : s], [biffe : celle]<br />

sur laquelle reposoit immédiatement la Dame. \ Cette pierre sera<br />

placée à la Salette (6). /<br />

I I . Le s B e r g e r s<br />

[...] II importe [...] souverainement de connoître leur caractère,<br />

leurs défauts, leur éducation, leur instruction. [...] Il importe de<br />

découvrir s’ils ont pu être trompés et capables d’ourdir une fable,<br />

ou victimes d’une hallucination mentale, au moins momentanée,<br />

ou enfin dupes de quelque supercherie [...].<br />

Déjà Mr l’abbé Bez [...] a tracé de ces enfants un portrait qui<br />

nous a paru assez fidèle, et auquel nous aurons peu [p. 5] à<br />

ajouter. Nous copions, en l’abrégeant, ce portrait ; nous y joindrons<br />

nos propres renseignements puisés aux meilleures sources.<br />

Pierre - Maximin Giraud est né à Corps le 27 août 1835<br />

[...Rousselot reproduit BEZ (doc. 184), p. 22-23, ligne 15, presque<br />

textuellement, en évitant toutefois de faire mention de la « mère »<br />

de Maximin, qui est en réalité sa marâtre.]<br />

[...] Son père déclare qu’il n ’avait pu lui apprendre le Notre<br />

Père, et Je vous salue, qu’avec peine en trois ou quatre ans.<br />

(6) Addition de la main de l’évêque, exprimant son verdict dans le litige Mélin-<br />

Peytard (cf. doc. 294). Dans l’édition imprimée du Rapport, cette addition a été remplacée<br />

par la phrase suivante : « Cette pierre a été, plus tard, reportée à la Salette, à laquelle elle<br />

devait naturellement revenir » (Vérité, p. 38).<br />

167


Doc. 310<br />

<strong>Documents</strong><br />

Si Maximin a des défauts, dit Mr l’abbé Bez, on ne lui<br />

connoît point de vices, si ce n ’est, peut-être, quelque penchant à<br />

la gourmandise. Pierre Selme, dit Bruit, propriétaire à la Salette,<br />

interrogé par nous sur ce qu’il avoit remarqué dans Maximin<br />

pendant le petit nombre de jours qu’il l’avoit eu à son service,<br />

nous a répondu : Maximin étoit un innocent, sans malice, sans<br />

prévoyance. Avant qu'il partît pour mener nos vaches à la<br />

montagne, nous lui faisions manger la soupe ; puis nous garnissions<br />

sa blouse ou son sac de provisions pour la journée. Eh bien ! nous<br />

avons surpris Maximin, qui, en chemin, avoit déjà mangé ses<br />

provisions du jour en les partageant largement avec le chien. Et<br />

quand nous lui disions : Mais que mangeras-tu dans la journée ?<br />

Maximin nous répondoit : mais je n ’ai pas faim !!<br />

Maximin n’a point d ’amour propre, il avoue avec une grande<br />

ingénuité la misère de sa condition, la bassesse de ses premières<br />

occupations. Quand nous lui avons demandé : Où étois-tu, que<br />

faisois-tu avant d'aller en service chez Pierre Selme ? Il a répondu<br />

naïvement : J ’étois chez mes parents, et j ’allois aux bouses !!<br />

\\ (7) Il va plus loin, il avoue ses défauts, ses mauvaises inclinations.<br />

Ainsi, par deux fois, le 15 et le 19 novembre, je l’ai fait venir<br />

dans ma chambre. Là, je lui ai [?] dit : Maximin, on m ’a dit<br />

qu’avant l’apparition de la Salette, tu étois bien menteur ?<br />

Maximin, en souriant et d ’un air de candeur : On ne vous a point<br />

trompé ; on vous a dit vrai : je mentois et je jurois en jetant des<br />

pierres après mes vaches lorsqu’elles s’écartoient. //<br />

[p. 6] Depuis l’événement du 19 sept. 1846, Maximin va à<br />

l’école chez les Soeurs de la Providence, vertueuses et zélées<br />

institutrices [...] \ Maximin / passe la journée dans l’école et y<br />

prend ses repas. La respectable Supérieure des Sœurs, femme de<br />

sens et d’un âge mur, a voulu, du consentement de Mgr l’évêque<br />

de Grenoble, se charger de l’éducation de Maximin. Interrogée<br />

par nous sur ce qu’elle remarque depuis près de dix mois dans cet<br />

enfant, elle nous a répondu : Maximin ne montre que des moyens<br />

ordinaires ; il apprend à lire, à écrire, le catéchisme, etc. Il est<br />

assez obéissant, mais léger, aimant le jeu, remuant sans cesse.<br />

Jamais il ne nous a parlé de l ’affaire de la Salette, et nous avons<br />

évité de le faire parler là-dessus, pour q u ’il ne se donne pas de<br />

l ’importance. Jamais au sortir des longs et nombreux interrogatoires<br />

qu ’on lui a fait subir, il ne dit à qui que ce soit, ni à nous, ni<br />

aux autres enfants, quel est le personnage qui l ’a demandé, quelles<br />

questions on lui a adressées. Après ses courses à la Salette, après<br />

ses interrogatoires, il rentre aussi simplement, aussi bonnement<br />

(7) Il est possible que cette addition, dont le début est inscrit dans la marge inférieure<br />

à la suite du texte, commence seulement avec la phrase suivante (« Ainsi... ») et que les<br />

mots qui précèdent celle-ci fassent encore partie du texte primitif.<br />

168


15 octobre 1847 Doc. 310<br />

que s'il n 'avait été question de rien pour lui. Je n 'ai pas voulu<br />

qu 'il reçût de l'argent que quelques pèlerins \ lui / offrent.<br />

Quand \ parfois / il est forcé d ’en accepter, il me le remet<br />

fidèlement, et ne s ’inquiète nullement si je l'emploie pour lui ou<br />

pour ses parents. Quant aux objets de piété, comme livres, croix,<br />

chapelets, médailles, images, etc., q u ’on lui donne en cadeau, il<br />

n ’y tient pas du tout ; souvent il les donne au premier petit<br />

camarade qu'il rencontre ; souvent aussi il les perd ou les égare<br />

par suite de sa légèreté naturelle. Maximin n 'est pas naturellement<br />

pieux ; cependant il assiste volontiers à la messe ; prie de bon<br />

cœur toutes les fois qu'on le fait souvenir de ce devoir. En un<br />

mot, cet enfant ne paraît nullement s'apercevoir qu 'il est depuis<br />

plus de dix mois l'objet de la curiosité, de l'empressement, de<br />

l'attention, et des caresses d'un public nombreux ; il ne se doute<br />

pas d ’être la cause première du concours prodigieux qui a lieu<br />

chaque jour à la Salette. Ainsi nous a parlé avec un sens exquis<br />

cette digne Supérieure. \\ Le 16 nov., la Supérieure de Corps m ’a<br />

dit : Depuis un an Maximin n ’a pu encore apprendre à bien servir<br />

la messe ; ni Mélanie à réciter par cœur les actes de foi, d’espérance<br />

et de charité, quoique je les lui fasse dire deux fois par jour.<br />

[...] //<br />

Ajoutons qu’il est heureux pour les deux pauvres petits<br />

bergers, qui, dans le principe, fixèrent l’attention des habitants<br />

de Corps et des environs, d ’être aujourd’hui dans une espèce<br />

d ’oubli au milieu de leurs concitoyens changés et convertis. Leurs<br />

parents même, tout pauvres qu’ils sont, ne semblent pas vouloir<br />

tirer avantage du privilège accordé à leurs enfants.<br />

La jeune bergère Françoise-Mélanie Mathieu est aussi née à<br />

Corps, le 7 nov. 1831, de parents très-pauvres, [p. 7] Jeune encore,<br />

elle fut placée en service pour gagner sa vie, en gardant les<br />

troupeaux. Elle ne venoit que rarement à l’Église, [5 cm biffés\<br />

parce que ses maîtres l’occupoient les dimanches et les fêtes comme<br />

les autres jours de la semaine. Elle n’avoit presque aucune<br />

connaissance de la Religion, et sa mémoire ingrate ne pouvoit<br />

retenir deux lignes de catéchisme : aussi n ’avoit-elle pu être admise<br />

à faire sa première communion. Quoique âgée de près de seize<br />

ans, Mélanie \ n ’est / ni forte, ni grande, ni développée en raison<br />

de son âge. Sa figure est douce et agréable. On remarque une<br />

grande modestie dans son maintien, dans la pose de sa tête, dans<br />

ses regards. Quoique un peu timide, elle n ’est ni gênée, ni<br />

embarrassée avec les étrangers. Les neuf mois qui ont précédé<br />

l’apparition de la Salette, elle étoit au service de Baptiste Pra,<br />

autre propriétaire des Ablandins, l’un des hameaux de la Salette.<br />

Interrogé sur le caractère de Mélanie, ce brave homme l’a dépeinte<br />

comme étant d ’une timidité excessive, et tellement insouciante<br />

169


Doc. 310<br />

<strong>Documents</strong><br />

qu’en revenant le soir de la montagne toute trempée par la pluie,<br />

elle ne demandoit pas même à se changer. Quelquefois, et toujours<br />

par suite de son caractère, elle s’endormoit dans l’écurie ; d ’autres<br />

fois, si on ne s’en étoit aperçu, elle auroit passé la nuit à la belle<br />

étoile (8). [...]<br />

Maximin et Mélanie ne s’étoient vus que [un cm biffé\<br />

\ rarement / à Corps, leurs parents habitant les extrémités opposées<br />

du bourg. Ils ne commencèrent à se voir aux Ablandins que<br />

pendant les quatre ou cinq jours que Maximin y passa en service,<br />

encore ne se voyoient-ils que rarement, indifféremment et dans<br />

des jeux propres à leur âge. Ce fut donc par un pur effet du<br />

hasard que le 18 sept. 1846, veille du grand événement, ils se<br />

rencontrèrent sur la montagne aux Baisses. Le soir, à leur retour,<br />

Mélanie dit à Maximin : A demain ; à qui sera le premier rendu<br />

sur la montagne. Et le lendemain, 19, qui étoit un samedi, ils y<br />

montoient ensemble, conduisant chacun quatre vaches, et une<br />

chèvre appartenant au père de Maximin.<br />

Ajoutons, pour mieux faire ressortir leur caractère, que depuis<br />

l’événement, les deux enfants sont restés indifférents l’un pour<br />

l’autre, qu’ils ne se cherchent, ni ne se fuient ; qu’appelés et<br />

interrogés chaque jour séparément, ils ne se disent ni qui les a<br />

appelés, ni quelles questions leur ont été adressées. \\ Le caractère<br />

antipathique des deux enfants l’un pour l’autre a été attesté à<br />

l’Evêché par la Supérieure de la Providence de Corps, qui depuis<br />

un an leur donne des leçons, le 16 nov. 1847. //<br />

La Supérieure de la Providence interrogée sur Mélanie qui est<br />

pensionnaire dans le Couvent depuis neuf mois, a dit que Mélanie<br />

a moins d ’ouverture, moins d ’aptitude à l’étude que Maximin ;<br />

qu’elle montre des dispositions à la piété ; et autant [p. 8]<br />

d ’insouciance pour l’argent ; mais que depuis un mois elle<br />

commençoit à redouter que Mélanie ne [biffé: s’aperçût et ne<br />

devînt fière du rôle qu’on lui fait jouer depuis] \ tirât vanité de<br />

la position que / l’événement lui a faite (9).<br />

I I I . R é c i t d e M é l a n i e<br />

[...] La journée étoit belle, le ciel sans nuages, le soleil<br />

brillant. [Biffé: (...) Les deux bergers (...) s’assoient sur (?) la<br />

(8) Dans la marge, Rousselot mentionne la lettre Perrin du 17 novembre 1847, puis<br />

les attestations Pra et Selme (doc. 340, 396, 397), en précisant que ces deux derniers<br />

documents sont antérieurs aux discussions du 7 novembre 1847.<br />

(9) Rappelons que déjà Mgr Villecourt faisait allusion à cette inquiétude de Sœur<br />

Sainte-Thède au sujet de Mélanie (doc. 309, p. 53-54).<br />

170


15 octobre 1847 Doc. 310<br />

fontaine qui étoit à sec et sur les bords (?) du ruisseau qui coule<br />

lentement. Là ils firent leur petit repas (...)] (10)<br />

^ Vers l’heure de midi que les deux bergers reconnaissoient<br />

au son de la cloche de Y Angélus, ils prennent leurs petites<br />

provisions et vont goûter à une petite fontaine dite des hommes à<br />

gauche du ruisseau. Leur petit repas fini, ils descendent, traversent<br />

le ruisseau, et déposent leurs sacs {biffé : sacho (?)] séparément<br />

près d ’une autre fontaine alors tarie, mais qui va bientôt devenir<br />

le lieu \ à jamais célèbre / de l’apparition. Ils descendent encore<br />

quelques pas, et contre leur ordinaire, disent-ils, ils s’endorment<br />

à quelque {biffé : pas] \ distance / l’un de l’autre. Mélanie<br />

s’éveille la première, et n ’apercevant point ses vaches, elle éveille<br />

Maximin. Tous deux traversent le ruisseau, remontent le tertre<br />

opposé en ligne droite, se retournent et découvrent leurs vaches<br />

sur une pente adoucie du Mont Gargard. Alors ils se mettent à<br />

redescendre pour aller reprendre leurs sacs restés vers la fontaine<br />

desséchée. Mais à peine leurs yeux commencent-ils à se tourner de<br />

ce côté, qu’ils sont frappés d ’une clarté éblouissante, à laquelle<br />

succède bientôt la vue d’une Dame éclatante de beauté et de<br />

lumière, assise sur les pierres de la fontaine, dans une \ attitude /<br />

{biffé : position] qui indique une profonde tristesse. Les enfants<br />

sont saisis : Mélanie laisse tomber son bâton ; Maximin lui dit de<br />

le garder pour se défendre en cas de besoin. // \ Nous voici<br />

maintenant au récit / de Maximin et de Mélanie, \ nous le<br />

donnons / tel qu’ils le donnèrent le 19 au soir, à leurs maîtres, et<br />

le lendemain, dimanche, au curé et au maire de la Salette (11) ;<br />

tel qu’ils le donnèrent les jours suivants aux habitants de la Salette<br />

et de Corps.<br />

Voici d ’abord le Récit de Mélanie :<br />

J ’ai été endormie... je me suis réveillée la première ; j’ai<br />

réveillé Maximin. Nous avons été voir nos vaches ; elles n’étoient<br />

pas loin, et quand nous sommes redescendus pour passer le<br />

ruisseau, j’ai vu une clarté comme le soleil, encore plus brillante,<br />

mais pas de la même couleur. La peur m’ayant fait lâcher mon<br />

bâton, Maximin m’a dit : Garde ton bâton ; s’il nous fait quelque<br />

chose, je lui donnerai un bon coup.<br />

Puis j’ai vu une Dame dans une clarté ; elle étoit assise la<br />

tête dans ses mains.<br />

(10) Ce passage biffé montre qu’au moment où Rousselot rédige son Rapport, il ne<br />

réalise pas que les enfants parlent de deux fontaines, — sans compter la fontaine des<br />

bêtes, qui se trouve plus bas. L’addition marginale qui suit met les choses au point ; elle a<br />

sans doute été tirée des notes Lagier.<br />

(11) Rappelons qu’en réalité seule Mélanie fut interrogée par le maire le lendemain<br />

de l'apparition. Dans l’édition imprimée du Rapport, l’erreur a été corrigée : « tel que le<br />

donna le même jour Mélanie à M. Peytard» (Vérité, p. 53).<br />

171


Doc. 310<br />

<strong>Documents</strong><br />

[Ici Rousselot reproduit presque textuellement le récit de Mélanie édité par<br />

Bez (doc. 163) p. 33-39, v. 3-42, 45, 47-49.] (12)<br />

[p. 11] Ce récit de Mr l’abbé Bez, plus complet que ceux qui<br />

avoient parus imprimés ou manuscrits, est textuellement ce que<br />

ces enfants ont dit dès le premier jour, ce qu’ils ont répété depuis<br />

à des milliers de personnes. Ils le redisent aujourd’hui comme une<br />

leçon apprise ; mais les maîtres des deux enfants ; mais leurs<br />

parents ; mais \biffé : Mr] le maire de la Salette, Mr Pierre Peytard ;<br />

mais les habitants de Corps et de la Salette, ainsi qu’un grand<br />

nombre d'ecclésiastiques et de personnes distinguées, étrangères à<br />

la localité, assurent tous que dès le commencement les enfants ont<br />

dit les mêmes choses, avec la même facilité, la même volubilité,<br />

sans jamais varier ni pour le fond, ni même quant aux expressions,<br />

qu’ils soient interrogés séparément ou simultanément.<br />

IV. Récit de Maximin<br />

Voici maintenant le récit du jeune Maximin, interrogé séparément<br />

:<br />

[Ici Rousselot reproduit presque textuellement le récit de Maximin édité par<br />

Bez (doc. 163), p. 41-46, v. 1-33.] (13)<br />

[p. 13] Tel est le récit de Maximin, conforme pour le fond,<br />

et presque pour les termes à celui de Mélanie. Ici nous devons<br />

consigner une observation importante faite par de nombreux<br />

témoins des interrogatoires que l’on a fait subir aux enfants, sur<br />

quelques contradictions apparentes que quelques interrogateurs<br />

ont cru avoir remarquées dans les réponses qui leur ont été faites.<br />

1°- Nous disons que ces contradictions sont tellement insignifiantes,<br />

qu’on ne peut raisonnablement les opposer au fait immense<br />

de l’Apparition. Elles ont paru telles à Mgr lui-même, à Mr le<br />

Curé de Corps, et aux nombreux assistants des interrogatoires qui<br />

les ont rapportées. \\ Dans la 12' Objection, il sera question de la<br />

plus importante de ces contradictions apparentes. //<br />

2°- Quelquefois les enfants n’ont pas compris les termes dont<br />

on s’est servi, et ils ont répondu au hasard ; et de suite on a<br />

conclu à la contradiction.<br />

3°- La mémoire de ces enfants n ’est pas si prodigieusement<br />

infaillible, que dans aucune circonstance, elle n ’ait pu faillir par<br />

quelque omission. Il y a loin d’une omission à une contradiction.<br />

4°- Les enfants ont toujours dit que cette Dame étoit<br />

éblouissante de clarté, qu’elle leur faisoit mal aux yeux quand ils<br />

(12) Voir la relation Bez, supra, p. 51-55, avec les notes indiquant les variantes du<br />

Rapport Rousselot.<br />

(13) Voir la relation Bez, supra, p. 55-57, avec les notes indiquant les variantes du<br />

Rapport Rousselot.<br />

172


15 octobre 1847 Doc. 310<br />

vouloient la fixer. Est-il étonnant que Mélanie, par exemple, n’ait<br />

pas su répondre à celui qui lui demandoit si la chaîne de la Dame<br />

étoit plus jaune que son tablier ; que Maximin n ’ait pas remarqué<br />

que la Dame eût des bas \ jaunes /, ce qui n ’a pas échappé à<br />

Mélanie, etc. ? Inutile de transcrire ici mille questions plus ou<br />

moins étranges, captieuses ou même inutiles, auxquelles les enfants<br />

ou n ’ont pu ni dû répondre, ou auxquelles ils ont répondu au<br />

hasard. Aussi un ecclésiastique de mérite, témoin d ’un de ces<br />

interrogatoires dans lequel on vouloit pousser à bout ces pauvres<br />

enfants par des minuties, ne put-il s’empêcher de dire à ses<br />

confrères : C 'est bien assez ; nous commençons à jouer le rôle de<br />

la synagogue à l'égard de l ’aveugle-né.<br />

5°- Ces prétendues contradictions n ’ont point empêché le fait<br />

en lui-même de grandir, de se propager avec une étonnante<br />

rapidité, et d ’obtenir un assentiment tellement général, que les<br />

opposants ne forment guère qu’une imperceptible minorité.<br />

V. Secret des d e u x petits bergers<br />

\\ Comment le secret leur est-il confié ? Voir les notes de<br />

Mr l’abbé Lagier. // La belle Dame a confié à chacun des enfants<br />

un secret sur lequel ils sont absolument impénétrables. Quand<br />

elle confioit à l’un son secret, l’autre [p. 14] n ’entendoit pas,<br />

[biffé : quoique la Dame parlât à voix haute] \ et voyoit seulement<br />

remuer les lèvres à la Dame / \\ Le secret a été donné d ’abord à<br />

Mélanie, ensuite à Maximin [...] (14) //<br />

Voici quelques-unes des étonnantes réponses qu’ils font sur<br />

le champ et sans hésiter à ceux qui veulent leur arracher leur<br />

secret. [...] (15)<br />

D. — Mais c’est peut-être le démon qui t’a confié ton secret ?<br />

Maximin. (Seul) Non, car le démon n ’a point de Christ, et le<br />

démon ne défendroit pas le blasphème.<br />

Mélanie. (Seule, à la même question) Le démon peut bien<br />

parler, mais je ne crois pas que ce soit lui, et qu’il puisse dire des<br />

secrets comme ça. Il ne défendroit pas de jurer ; il ne porterait<br />

pas de croix, et ne dirait pas d ’aller à la messe.<br />

\\ Un ecclésiastique de mérite (16) à Maximin : Je ne veux<br />

pas te demander ton secret. Mais ce secret regarde sans doute la<br />

gloire de Dieu et le salut des âmes. Il faudroit qu'il fû t connu<br />

après ta mort. Voici donc ce que je te conseille. Ecris ton secret<br />

(14) Cette addition marginale résume un passage des Notes Lagier (doc. 99, v. 9).<br />

L’édition imprimée du Rapport inverse l’ordre : « Le secret a été donné d’abord à Maximin,<br />

ensuite à Mélanie » ( Vérité, p. 71).<br />

(15) Le Rapport reproduit ici des extraits de BEZ, p. 47-49.<br />

(16) L’abbé Gérente, aumônier de la maison-mère des Sœurs de la Providence à<br />

Corenc, près de Grenoble (Vérité, p. 73).<br />

173


Doc. 310<br />

<strong>Documents</strong><br />

dans une lettre que tu cachetteras. Tu la feras \ remettre / dans<br />

le bureau de l'Evêché. Après la mort de Mgr et la tienne, on lira<br />

la lettre, et tu auras gardé ton secret.<br />

Maximin : Mais quelqu'un pourroit être tenté de décacheter<br />

ma lettre... et puis je ne connais pas ceux qui vont à ce bureau.<br />

Puis, mettant la main sur sa bouche et ensuite sur son cœur :<br />

Mon meilleur bureau, dit-il, est là ! //<br />

Le témoignage de ces enfants ne pouvant être scindé, il faut<br />

l’admettre ou le rejet/er tout entier. Si on l’admet sur la réalité<br />

de l’Apparition, il faut l’admettre aussi sur l’innocence de leur<br />

secret, et sur la défense faite de le communiquer. [... (p. 15)] Le<br />

secret des bergers pourroit \ bien / n ’être que l’annonce d ’un<br />

événement futur, heureux ou malheureux, les concernant ou<br />

concernant d ’autres ; il [...] ne nécessiteroit point l’intervention<br />

des Supérieurs ecclésiastiques. Nous faisons cette observation pour<br />

répondre à ceux qui croient voir dans l’obstination de ces enfants<br />

à garder leur secret, un motif de juste défiance pour les autres<br />

parties de leur récit (17).<br />

V I . O p i n i o n s u r l e f a i t d e l a S a l e t t e<br />

Que faut-il penser du fait de la Salette ? [... ]<br />

Nous croyons pouvoir nous prononcer sur la réalité de cette<br />

apparition. Voici nos motifs [...]<br />

1° LE FAIT EN LUI-MÊME. Tout repousse l’idée que les deux<br />

petits bergers aient été trompeurs ou trompés.<br />

LEUR CARACTÈRE. Il est tel que depuis [biffé : un an] \ bientôt<br />

[biffé: quinze] 18 mois / qu’ils parlent et qu’on les fait parler,<br />

on ne peut voir en eux que des canaux qui transmettent purement<br />

et simplement, (on diroit volontiers, et on rendrait mieux sa<br />

pensée, matériellement) l’eau claire et limpide qui leur est arrivée,<br />

sans lui communiquer ni couleur ni saveur aucune. [...]<br />

[... (p. 16)] Des enfants de cette trempe ont-ils pu imaginer<br />

et concerter la fable qu’ils racontent ? Et s’ils avoient été capables<br />

de l’ourdir, ne trembleroient-ils pas chaque fois qu’ils sont<br />

mandés ? Ne craindroient-ils \ pas / à chaque instant de se couper,<br />

de se contredire, d’être pris en défaut ? [...]<br />

LA NATURE MÊME DU RÉCIT DES ENFANTS. Comment ces enfants<br />

grossiers [...] ont-ils imaginé de se servir d ’expressions telles que<br />

celles qui composent en grande partie leur récit ? [...(p. 17)...]<br />

[Noter la diversité des éléments qu’ils décrivent (marteau, tenailles, deux<br />

chaînes, roses autour du bonnet, du fichu et des souliers) ; leur hardiesse à faire<br />

des prédictions.)<br />

(17) Dans la Vérité, on trouve l’équivalent de cet alinéa parmi les Objections et<br />

Réponses formant la dernière partie du livre (p. 209-211).<br />

174


15 octobre 1847 Doc. 310<br />

\\ Qui leur a donné l’idée d ’un secret communiqué à chacun<br />

d ’eux avec défense de le faire connaître à qui que ce soit ? Imaginer<br />

ce secret, c’était se créer une difficulté, un embarras de plus.<br />

[...] //<br />

L’INSPECTION DES LIEUX. [...] Aucun lieu moins propre à une<br />

apparition soudaine, à une disparition subite ou graduelle de<br />

quelque aventurière ou bohémienne [...]. Aucun lieu moins propre<br />

aux illusions de l’optique [...]. Inutile de demander quelle est<br />

cette prétendue avent\ urière / [...].<br />

Si on avoit le courage de dire que c’est le diable, qui, suivant<br />

l’expression de S‘ Paul, s’est transformé en ange de lumière, nous<br />

répondrions que le diable s’est étrangement mépris, et que pour<br />

la première fois il auroit travaillé contre lui-même. [...]<br />

La sagacité extrao rdinaire des d e u x en fa n ts à résoudre<br />

LES DIFFICULTÉS \\ OPPOSÉES // À LEUR RÉCIT. Rien, en effet, de<br />

plus frappant, de plus extraordinaire, que [p. 18] la manière<br />

prompte, décisive, péremptoire dont les petits bergers répondent<br />

aux innombrables difficultés qu’on se plaît à opposer à leur récit<br />

[...].<br />

[Quelques réponses :]<br />

D. La Dame t’a trompé, Maximin ; elle a prédit une famine,<br />

et cependant la récolte est bonne partout ?<br />

Maximin. Qu’est-ce que ça me fait ?.... Elle me l’a dit, cela<br />

la regarde.<br />

A cette même question les enfants ont répondu d’autres fois :<br />

Mais si on a fait pénitence. [... ]<br />

D. La Dame que vous avez vue est en prison à Grenoble.<br />

Les enfants. Bien fin qui la prendra.<br />

D. La Dame que tu as vue n ’étoit qu’un nuage lumineux,<br />

brillant ?<br />

Un des deux répond sur le champ : Mais un nuage ne parle<br />

pas.<br />

Un prêtre : Tu es un petit menteur ; je ne te crois pas.<br />

[p. 19] Maximin : Qu'est-ce que ça me fait ? Je suis chargé<br />

de vous le dire, pas de vous le faire croire.<br />

Un autre prêtre : Vois-tu, je ne te crois pas, tu es un menteur.<br />

Maximin, avec vivacité : Alors pourquoi venir de si loin pour<br />

m'interroger ?<br />

Nous-mêmes étant le 26 août dernier sur le lieu de l’apparition<br />

avec trente ou quarante autres pèlerins qui nous avoient accompagnés,<br />

nous fîmes répéter aux petits bergers toute la scène du<br />

19 sept. 1846. Arrivée à la croix de l’Assomption, lieu de la<br />

disparition, Mélanie nous raconte la manière dont la Dame a<br />

175


Doc. 310<br />

<strong>Documents</strong><br />

disparu. \ Un / curé de \ la / Vallouise (17a) dans le diocèse de<br />

Gap, l’interrompt pour lui dire :<br />

D. La Dame a disparu dans un nuage.<br />

Mélanie. Il n’y avoit point de nuage.<br />

Le curé insiste : Mais il est facile de s’envelopper d ’un nuage<br />

et de disparoître.<br />

Mélanie, avec vivacité : Monsieur, enveloppez-vous d ’un nuage<br />

et disparoissez. Et Mélanie de disparoître du milieu de la foule<br />

étonnée en disant : Ma mission est finie.<br />

L’abbé Albertin : Ne t’ennuies-tu pas, mon petit, d’avoir à<br />

répéter tous les jours la même chose ?<br />

Maximin : Et vous, Monsieur, vous ennuyez-vous de dire tous<br />

les jours la Messe (18) ?<br />

\\ [...] Mr l’abbé Repelin, prof" {biffé: d ’Embrun] \ au petit<br />

séminaire / d’Embrun, Mr Bellier, missionnaire de Valence (18a),<br />

et d’autres personnages recommandables attestent avoir obtenu<br />

des réponses encore plus étonnantes. [... Après avoir rapporté le<br />

dialogue entre Mélanie et l’abbé Repelin sur le démon et la<br />

croix (19), Rousselot continue :]<br />

Maximin a donné une réponse presque semblable à d ’autres<br />

prêtres (20).<br />

Dans une maison respectable, on fait entrer tout à-coup<br />

Mélanie, et on la met en face d ’une dame qu’elle n’avoit jamais<br />

vue ; et on lui dit : la dame que tu as vue étoit-elle plus grande<br />

que celle-ci ? Mélanie répond : elle étoit plus grande. On fait<br />

entrer Maximin et on lui fait la même question. Maximin répond<br />

sans hésiter : elle étoit plus grande. // [... ]<br />

i r Le f a i t d e l a S a l e t t e a d m i s d a n s l e s l i e u x m ê m e s o ù il<br />

EST ARRIVÉ. [Les habitants de Corps et de la Salette, qui connaissent<br />

les enfants et les lieux, croient à l’apparition, (p. 20)]<br />

Un fait matériel, que nous ne qualifions pas, mais qui a<br />

vivement frappé les esprits dès les premiers jours [...], c’est que la<br />

fontaine auprès de laquelle s’étoit reposée la belle Dame, commença<br />

bientôt après l’apparition, à laisser couler une eau claire et limpide.<br />

[Les habitants du canton et des environs se sont convertis : chose remarquable,<br />

car le peuple, avide des nouveautés qui flattent ses intérêts ou sa curiosité, est<br />

peu disposé à accepter des faits qui combattent ses penchants déréglés, (p. 21)]<br />

(17a) Claude Giraud, 1809-1860.<br />

(18) Réponse rapportée également dans le doc. 308 bis, p. 23. L’abbé Albertin était<br />

professeur au grand séminaire de Grenoble.<br />

(18a) Joseph Bellier, né à la Chapelle-en-Vercors (Drôme) en 1784, missionnaire en<br />

Diois en 1828, après quoi on perd ses traces ou, plus probablement, Jacques-Marie Bellier,<br />

1787-1850, missionnaire apostolique.<br />

(19) Doc. 344.<br />

(20) Voir doc. 308 bis, p. 24-25.<br />

176


15 octobre 1847 Doc. 310<br />

IIP L e r é c i t d e s e n f a n t s o u l e f a i t d e l a S a l e t t e a d m i s<br />

PAR DES MILLIERS DE PERSONNES ACCOURUES DE TOUTES PARTS SUR<br />

LES LIEUX.<br />

[...(p. 22)] Ce mouvement universel et spontané des populations<br />

ne seroit-il point la voix de Dieu ? [...(p. 23)]<br />

IV° C o n s é q u e n c e s e x t r a o r d i n a i r e s d u f a i t d e l a S a l e t t e ,<br />

QUI EN SONT DEVENUES LA PREUVE.<br />

[Le Rapport, p. 23-26, évoque les guérisons des personnes suivantes : 1) Sœur<br />

Saint-Charles, religieuse hospitalière de Saint-Joseph à Avignon (21), dont la<br />

guérison est, de la part de l’archevêque d’Avignon, « sujet d’une enquête<br />

juridique et d’un mandement » (22) ; 2) une autre religieuse de la même<br />

communauté (23) ; 3) Sœur Prouvèze (24) ; 4) Sœur Angélique Carbasse (25) ;<br />

5) une religieuse de l’hôpital de Beaucaire, atteinte d’une ophtalmie (26) ;<br />

6) une religieuse du Saint-Sacrement, à Marseille (27) ; 7) Sœur Saint-Antoine<br />

Granet (28) ; 8) au diocèse de Digne, un maréchal-ferrant de Raillanne et une<br />

personne de Saint-Michel (29) ; au diocèse de Grenoble, Marie Gaillard, femme<br />

Laurent (30) ; Henriette Luyat, femme Girard (31) ; Sylvie Julien (32) et Victorine<br />

Sauvet (33) ; 10) Marie Bernard (34) ; 11) Mlle Moreau (35).<br />

(21) Voir supra, au 16 avril 1847.<br />

(22) L’archevêque mourut avant d ’avoir réalisé son projet (cf. ibidem).<br />

(23) Sœur Darmane (?) ; cf. doc. 149 et 312.<br />

(24) Voir supra, au 21 mars 1847.<br />

(25) Voir supra, au 10 juin 1847.<br />

(26) L’édition imprimée du Rapport omet cette guérison.<br />

(27) L’édition imprimée du Rapport omet cette guérison qui, dans le manuscrit, est<br />

biffée et remplacée dans la marge par celle de Mélanie Gamon ; sur cette dernière guérison,<br />

voir supra, au 15 août 1847.<br />

(28) Voir supra, au 14 mai 1847.<br />

(29) Sur le maréchal-ferrant de Reillanne (arrondissement de Forcalquier, Alpes-de-<br />

Haute-Provence) voir p. 232, note 1. — La personne de Saint-Michel au canton de<br />

Forcalquier pourrait être Louise Almaric, « âgée de vingt-cinq ans, atteinte de chlorose avec<br />

cortège de symptômes nerveux », guérie à la Salette même vers la fin juin 1847 (Vérité,<br />

p. 145, citant le doc. 348). — Dans le Rapport manuscrit, Rousselot précise qu’il n’a pas<br />

encore reçu la relation «authentique » de ces deux guérisons.<br />

(30) Voir LSDA I, p. 147-148. Dans la marge du Rapport, p. 25, Rousselot ajoute<br />

que Marie Laurent lui a dit les paroles suivantes : «Je suis contente ; j’ai obtenu ce que<br />

j’ai demandé, je n’en avais pas demandé davantage. » Elle conservait en effet des traces de<br />

ses tumeurs, qui cependant ne l’empêchaient point de vaquer à son ménage et d ’aller à<br />

l’église.<br />

(31) Henriette Luya (ou Luyat ?), de Saint-Paul-le-Monestier, aurait été guérie le<br />

17 juin 1847, à la Salette même. Dans la Vérité, Rousselot omet cette guérison. — Dossier<br />

(doc. 215 et 359) : EG 122, chemise « Miracles [...] faux ou douteux ».<br />

(32) Voir supra, au 2 juillet 1847.<br />

(33) Voir supra, au 25 septembre 1847.<br />

(34) Le passage consacré à cette guérison, qui aurait eu lieu à Saint-Paul-Trois-<br />

Châteaux, Drôme, le 14 août 1847, a été biffé. Dans la marge, p. 26, Rousselot a écrit :<br />

« Ce fait ne peut figurer ici, d’après la lettre de M' Canon, curé-archiprêtre de St-Paul-<br />

Trois-Châteaux, en date du 5 nov. 1847, adressée à l’abbé Rousselot. »<br />

(35) Il s’agit de la sœur du fondateur de la Congrégation de Sainte-Croix. Cette<br />

guérison avait été annoncée à Mélin par M. Dupont (doc. 196). Dans la marge, p. 26,<br />

Rousselot a écrit : « La guérison de M"' Moreau n’est pas miraculeuse, d ’après la lettre de<br />

M' Champeau du 30 nov. 1847 ».<br />

177


Doc. 310<br />

<strong>Documents</strong><br />

Rousselot traite ensuite, p. 26-28, des conversions et des pèlerinages, entrepris<br />

parfois en des conditions extrêmement difficiles.]<br />

VII. O bjections contre le Fait de la Salette<br />

[Diverses objections ont été formulées, tant par des anticléricaux que par<br />

des hommes religieux : l’apparition emploie un langage peu digne ; les menaces<br />

n’ont pas été accomplies ; les reproches formulés par l’apparition se limitent aux<br />

choses du culte et restent muets sur le libertinage et la soif de l’or ; l’obstination<br />

des enfants à cacher leurs secrets même aux autorités religieuses constitue une<br />

présomption contre l’origine céleste de l’apparition. — Rousselot, p. 28 et suiv.,<br />

répond que la Vierge adapte son langage aux capacités des enfants et qu’elle<br />

s’exprime à la manière du Christ et des prophètes'; les menaces, qui avaient<br />

pour but de provoquer le repentir, étaient, au moins en partie, conditionnelles.]<br />

[p. 33] La discrétion obstinée et si peu naturelle des deux<br />

bergers à garder leur secret semble \ plutôt / ajouter quelque prix<br />

à tout le reste de leur récit. \\ Maximin pressé \ par un pèlerin /<br />

de dire son secret sous prétexte q u ’on le croiroit mieux et qu'on<br />

se convertirait plus vite, répondit sur le champ et avec assurance :<br />

Si je ne dis pas mon secret, on me croira mieux et on se convertira<br />

mieux. // [...]<br />

[p. 34] En se plaignant avant tout de la violation du jour que<br />

Dieu s’est réservé, la sainte Vierge n’indique-t-elle donc pas la<br />

cause première de l’impiété, du libertinage et des autres vices qui<br />

corrompent la société chrétienne ? [... ]<br />

[p. 35] La Vierge de la Salette pouvoit-elle tenir aux deux<br />

petits bergers qu’elle choisissoit pour interprètes, un langage<br />

auquel ceux-ci, à raison de leur âge, dévoient être totalement<br />

étrangers ? [...(p. 36)...]<br />

Rem arque im portante<br />

Nous ne finirons point ce rapport sans faire une remarque<br />

qui nous paroît importante et qui pourra paroître telle à plusieurs<br />

personnes. [...].<br />

Quelle a été l’origine, nous le demandons, de tant [p. 37] de<br />

sanctuaires antiques et vénérés, buts chéris de tant de dévots<br />

pèlerinages, de concours si nombreux ? L’histoire est là pour<br />

répondre. Elle dit que ces sanctuaires doivent leur origine et leur<br />

célébrité à une vision, à une apparition, à une révélation.<br />

[...] C’est à des circonstances moins frappantes \ encore /, que<br />

remontent certains pèlerinages ! Pourquoi la montagne de la Salette<br />

ne deviendroit-elle pas aussi le but avoué par les Supérieurs<br />

ecclésiastiques d ’un pèlerinage religieux ? Pourquoi, sur cette<br />

montagne déjà si célèbre dans la France et à l’étranger, ne<br />

construiroit \ -on / pas un nouveau sanctuaire, et à côté une<br />

maison de prêtres chargés de desservir le sanctuaire, et un hospice<br />

178


17 octobre 1847 Doc. 311<br />

propre à loger les pèlerins ? Tout cela pourroit être permis par<br />

l’autorité compétente, sans qu’elle \ se / crût obligée de se<br />

prononcer définitivement sur le grand événement qui fait mouvoir<br />

les populations (36). [...]<br />

Monseigneur<br />

Co n c l u sio n<br />

[...] Tout ce que nous avons vu d ’ecclésiastiques et de laïques<br />

attendent avec empressement le jugement doctrinal de Votre<br />

Grandeur [p. 38] sur cette affaire. Tous font des vœux pour que<br />

cette décision tourne à la plus grande gloire de Dieu, à un<br />

redoublement de piété envers l’auguste Marie, et au salut des<br />

peuples. Déjà le fait en lui-même et indépendamment de toute<br />

décision authentique \ et solennelle (37) / [biffé : de la part de<br />

l’autorité (?) \ des Supérieurs (?) / ecclésiastique] a ébranlé les<br />

populations et les a fait accourir à la montagne de la Salette ;<br />

quel effet ne produira-t-il pas, lorsqu’il apparoîtra revêtu du sceau<br />

de l’autorité épiscopale ?<br />

Nous sommes...<br />

ORCEL<br />

[...] Supr du gd séminaire<br />

L’abbé ROUSSELOT [...]<br />

Dimanche 17 octobre 1847<br />

311. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à Mgr Villecourt, évêque de la<br />

Rochelle<br />

Dans Villecourt, p. 205-208.<br />

Note. Les paragraphes numérotés correspondent point par point aux questions<br />

formulées par l’évêque de la Rochelle dans une lettre du 4 août (doc. 226),<br />

adressée à l’abbé Chenavas, le vicaire qui l’avait accueilli lors de son passage à<br />

Corps le 21 juillet.<br />

Monseigneur,<br />

Corps, le 17 octobre 1847.<br />

J ’ai pris cinquante fois la plume pour répondre à Votre<br />

Grandeur, et cinquante fois le manque de temps me Ta arrachée 3637<br />

(36) Les premières démarches en vue de la fondation du pèlerinage furent entreprises<br />

par l’évêché dès 1848, donc avant l’approbation solennelle de l’apparition, qui eut lieu<br />

seulement en 1851.<br />

(37) Addition de la main de l’évêque.<br />

179


Doc. 311<br />

<strong>Documents</strong><br />

des mains. Mon vicaire n ’a pas osé vous écrire, et son exemple a<br />

justifié la timidité de Mmc la Supérieure de nos bonnes Sœurs.<br />

Enfin j’essaie aujourd’hui, [...(p. 206)]<br />

Je ne sais si les réponses aux questions que vous aviez adressées<br />

à mon vicaire n ’arriveront pas trop tard. Je vous les adresse en<br />

peu de mots :<br />

1° La fontaine de Y apparition n ’avait point d ’eau le jour de<br />

l’événement. Les deux Enfants humectèrent leur pain et se<br />

désaltérèrent dans une eau qui était à dix ou douze pas plus haut.<br />

[p. 207] 2° Les deux Enfants n ’avaient pas pris leur repas sur<br />

une pierre, mais sur l’herbe : et c’est là qu’ils se sont endormis.<br />

3° Ils mirent une toute petite croix à l’endroit où la belle<br />

Dame avait apparu, mais quelques jours après Y apparition.<br />

4° Ils ne se sont pas mis à genoux quand la Dame a disparu.<br />

5° Ils se sont entretenus seulement de ce que cette Dame<br />

avait de beau et de brillant sur sa personne.<br />

6° Ils n’ont parlé de l’événement que le soir, à leur retour<br />

chez leurs maîtres.<br />

7° Maximin est descendu à Corps le dimanche 20 septembre,<br />

et Mélanie est restée en service jusqu’au mois de décembre.<br />

8° Le Brigadier a seulement interrogé les Enfants, en leur<br />

faisant l’observation sévère qu’ils se mettaient dans un mauvais<br />

cas, si l’on découvrait par la suite que leur récit fût un mensonge.<br />

9° Il n’y a pas qu’un seul Ecclésiastique, mais plusieurs<br />

Ecclésiastiques et laïcs qui aient offert inutilement de l’argent aux<br />

Enfants pour savoir leur secret.<br />

10° La petite Mélanie n ’était en service chez Prat que depuis<br />

six ou sept mois : la première édition de M. Bez (1) présente sur<br />

ce point une erreur typographique.<br />

[p. 208] 11° Les Enfants ont constamment affirmé qu’ils<br />

avaient l’un et l’autre un secret (2).<br />

12° Maximin s’est tenu au joug de la cloche jusqu’à ce qu’elle<br />

fût arrêtée (3). 1<br />

(1) Doc. 184, p. 27.<br />

(2) Question posée par Mgr Villecourt (doc. 226) : « Des ecclésiastiques revenant de la<br />

Sal/ette ont prétendu que les enfants leur avaient dit qu’aucun secret ne leur avait été<br />

confié par la ste Vierge. Cela peut-il être vrai ? Ils ont paru nous parler dans un sens tout<br />

contraire. »<br />

(3) Question posée par Mgr Villecourt (doc. 226) : « Maximin a dû vous raconter<br />

[biffé: la scène] \ l’événement / de la cloche de la Sal/ette sur le joug de laquelle il s’était<br />

mis à cheval pour carillonner, pendant que j’étais chez M. le curé de cette paroisse. Le<br />

sonneur qui s’était imaginé, peut-être qu’on l’appelait, se mit alors à sonner cette cloche<br />

en volée. Je serais bien aise de savoir si Maximin se jetta en bas pendant que la cloche<br />

était encore en mouvement, ou s’il attendit qu’elle fut arrêtée ? Sa préservation de tout<br />

accident me paraît un véritable trait de providence. » — L’épisode eut lieu lors du<br />

pèlerinage du 21 juillet, pendant le trajet de retour (VILLECOURT, p. 115-119).<br />

180


19 octobre 1847 Doc. 311 bis<br />

Voilà bien des choses, Monseigneur, pour ne vous rien<br />

apprendre de nouveau. [...]<br />

MÉLIN, Archiprêtre<br />

Mardi 19 octobre 1847<br />

311 bis. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à M. Dupont, « le saint<br />

homme de Tours »<br />

Original : Tours SF, B 28.<br />

Note. L’abbé Mélin répond à une lettre du 7 octobre (doc. 307), dans<br />

laquelle M. Dupont avait laissé entendre à mots couverts que l’archiconfrérie<br />

approuvée par l’évêque de Langres ne prenait pas à son compte toutes les<br />

pratiques demandées dans le message que Sœur Marie de Saint-Pierre, du Carmel<br />

de Tours, aurait reçu du ciel.<br />

Monsieur,<br />

[...]<br />

[p. 2] Je ne comprends rien aux craintes, aux appréhensions<br />

de rendre publiques les bonnes choses, pendant qu’on publie avec<br />

tant de force, et tant d’éclat, les plus abominables productions de<br />

tous les génies déchus. Je ne puis m’expliquer une semblable<br />

conduite que par une permission expresse de Dieu. Mais que<br />

verrons-nous au verso de la page qu’il nous a montrée sur la<br />

montagne, par les mains de la Belle Dame ? Je tremble ; et je<br />

crains bien, que ce ne soit des veng^nces, écrites en caractères<br />

menaçants, et exécutées avec rigueur, àlactente usque adsenem (1).<br />

Nous avons à traverser de mauvais jours ; que Dieu nous soit en<br />

aide ; et que sa sainte Mère serve de bon bouclier contre sa colère !<br />

Jusqu’à présent, c’est le nombre, plus que l’éclat, qu’il a<br />

fallu voir dans les heureux effets de l’eau de la fontaine.<br />

L’Apparition est toute populaire. La foi du peuple est simple ;<br />

elle entre dans son cœur, par l’amour, qui bien souvent la précède ;<br />

elle est lumineuse, sans lumière ; elle est surtout bonne et délicieuse<br />

pour le [p. 3] cœur. Qui sait si Dieu ne veut pas confondre la<br />

prudence et la sagesse qui ne viennent pas de lui : perdam<br />

sapientiam sapientium, et prudentiam prudentium reprobabo (2).<br />

[...]<br />

Corps, le 19 octobre 1847 MÉLIN, Archiptrc 1<br />

(1) « De l’enfant à la mamelle jusqu’au vieillard » (citation libre de Deutéronome,<br />

32, 35).<br />

(2) «Je détruirai la sagesse des sages, j’anéantirai l’intelligence des intelligents » (I<br />

Cor. 1, 19 ; cf. aussi Isaïe, 29, 14).<br />

181


Doc. 314<br />

<strong>Documents</strong><br />

Mercredi 20 octobre 1847<br />

314. NOTES AUTOGRAPHES DE L’INGÉNIEUR DAUSSE<br />

Original (1 f. pliée 21 cm x 27) : BMGD 22.<br />

Note. Ce texte donne quelque idée de l’attention avec laquelle certains esprits<br />

épiaient les moindres gestes des enfants. — Rappelons que l’ingénieur Dausse<br />

était venu enquêter à Corps en février (LSDA I, p. 278-279)- Il s’y trouvait de<br />

nouveau le 19 septembre et rencontra à cette occasion Maximin. Une note<br />

autographe (doc. 315) écrite le lendemain ou surlendemain de la présente, nous<br />

apprend qu’il aurait aimé étudier plus tard la théologie en compagnie de son<br />

jeune ami...<br />

Greno[ble] 20 oct. 1847.<br />

La Sr Supé. de Corps (<br />

) qui sert de mère aux<br />

enfants (1), nous a dit, chez Mad[am]e de Larnage (2) où je l’avais<br />

conduite, des choses dignes de mémoire sur ces enfants.<br />

Ils ont un attrait secret et vif pour les personnes d ’une<br />

véritable piété.... du froid, de l’éloign[emen]t pour les autres.<br />

La petite se butte assez vite, mais sachant la prendre, la Sr<br />

Supé. en fait ce qu’elle veut...<br />

Jamais elle n’a entendu, quoiqu’elle les surveillât, ces enfants<br />

s’entretenir de leur vision... Nulle amitié extraord. entre eux, au<br />

contraire. Ce n ’est absolu[men]t que dans les choses de leur<br />

mission qu’ils s’accordent, se confirment, se complètent, ne font<br />

qu’un.<br />

Quand on parle devant eux, mais pas avec eux et sans y<br />

prendre garde, de l’apparition &c,, leur mot vient se placer à<br />

propos quand on erre en quelque chose. Cela ne manque jamais,<br />

encore qu’ils semblassent étrangers à la conversation....<br />

La Sr n ’a pas pu savoir d ’où leur venait l’idée de tous deux<br />

de faire baptiser l’enfant du protestant et d ’en être les parrains<br />

[?] (3)... impossible...<br />

Je suppose que c’est comme à moi d ’avoir la réponse à ceci :<br />

Comment l’avez-vous su ?..<br />

[verso] Des gens passèrent à Corps qui représentaient par de<br />

petits personnages dans une espèce de théâtre, la passion de NS :<br />

Mémin y fut sans que la Sr le sût (4). Or . cet enfant revint de là<br />

très impressionné. Au point qu’il dit de lui-même : Ma Mère, j’ai<br />

vu là q.q. chose de mon secret. En vain la S' tenta-t-elle de lui<br />

faire indiquer de quelle circonstance de la passion il s’agissait, 1<br />

(1) Dausse a laissé un blanc entre les parenthèses pour le nom : Sœur Sainte-Thècle.<br />

(2) de Larnage : famille de Tain (Drôme), à laquelle appartenait l’épouse d ’une<br />

connaissance de Dausse, Albert Du Boÿs (cf. LSDA I, p. 278).<br />

(3) Une allusion à un enfant d ’origine protestante, probablement le même, se lit déjà<br />

à la suite du récit de Mélanie par Dausse, daté du 26 février 1847 (doc. 98, v. 45).<br />

(4) Cet épisode eut lieu vers le 3-4 septembre (cf. doc. 343).<br />

182


28 octobre 1847 Doc. 320<br />

l’enfant esquiva la réponse et il fut impossible d ’en tirer aucun<br />

éclaircissement. — Comme à moi d ’avoir aucune réponse, à mon<br />

Comment l’avez-vous su ? Mais il demeura pendant 8 jours<br />

sensiblefmenjt sous cette vive impression et préoccupation..<br />

En répondant réc[emmen]t à Mgr de la Rochelle qui lui avait<br />

écrit, et [?] l’appelait mon fils... Mesmin ravi écrivit [:] au petit<br />

sot, être le fils d’un Evêque ! — La Sr ne comprenait pas et voulait<br />

lui faire retirer cela., l’enfant insista et dit [:] appuyez sur Xau..<br />

alors la Sœur comprit que c’était une exclamation [:] O petit sot,<br />

être le fils d ’un Evêque ! et elle laissa ce mot qui peint la simplicité<br />

de cet enfant qui (5)<br />

Jeudi 28 octobre 1847<br />

320. LETTRE DE L’ABBÉ LOUIS BERLIOZ à l’abbé Mélin<br />

Original : EG 70. — Extrait dans Annales, novembre 1907, p. 503-504.<br />

Contexte. En juin, l’abbé Berlioz avait mené la maîtrise de la cathédrale en<br />

pèlerinage à la Salette. Maximin avait à cette occasion fait la connaissance des<br />

enfants (cf. doc. 203, avec la note 2).<br />

[...] D ’après votre permission, j’ai parlé à Monseigneur de<br />

Maximin, et lui ai demandé si quand le temps serait arrivé, il<br />

jugerait à propos de nous le confier. Cette idée ne lui a pas souri ;<br />

il le trouverait chez nous trop exposé aux regards et aux questions,<br />

il ne serait même pas très partisan de l’idée de lui faire faire ses<br />

études. Pour le moment, Monseigneur n ’a aucun plan arrêté sur<br />

cet enfant ; mais, si Maximin a une mission à remplir un jour, la<br />

S" Vierge saura bien le mener à ses fins.<br />

Nous nous occupons à Grenoble de l’association contre le<br />

blasphème et les travaux du dimanche. Monseigneur m ’a dit qu’il<br />

avait le dess/n de l’établir dans son diocèse (*) [...]. Pour moi j’ai<br />

commencé à faire faire les exercices à mes marmots. [...]<br />

Vendredi 29 octobre 1847<br />

ÉVÉNEMENT. Célébration de la dernière messe de la saison dans la chapelle<br />

provisoire de la Salette. L’autorisation de célébrer, accordée par Mgr de Bruillard<br />

pour le 19 septembre et les jours suivants, avait été prorogée jusqu’à la Toussaint<br />

(P errin, n.663).<br />

(5) Le texte se termine ici, sans point final.<br />

(*) Il l ’y établit effectivement (doc. 370).<br />

183


Doc. 327<br />

<strong>Documents</strong><br />

Jeudi 4 novembre 1847<br />

327. LETTRE DE CONVOCATION ADRESSÉE PAR MGR DE<br />

BRUILLARD aux curés de Grenoble<br />

Brouillon de la main de l’abbé Auvergne, pro-secrétaire à l’évêché, avec des<br />

corrections de la main de l’évêque (1 f. 26,5 cm x 20) : EGD 72. — Autre<br />

brouillon, entièrement de la main de l’abbé Auvergne et copié sur le premier,<br />

tel que corrigé par l’évêque : EGD A 15.<br />

Note. Le contenu de cette convocation avait été annoncé par l'évêque la<br />

veille, 3 novembre, au cours d’un repas auquel participait l’abbé Gerin, curé de<br />

la cathédrale (cf. doc. 326).<br />

Ci-dessous nous reproduisons le manuscrit EGD 72.<br />

Événement<br />

de la Salette<br />

Monsieur le Curé,<br />

4 novembre 1847<br />

J ’ai reçu le rapport des deux Commissaires que j’ai envoyés<br />

sur les lieux et ailleurs, au mois de juillet dernier. Ils ont pris toutes<br />

les informations que j’attendais de leur zèle, pour l’instruction de<br />

la cause qui tient en émoi une partie de la catholicité.<br />

Voulant donner à MM. les Curés de la ville une marque de<br />

mon estime et de ma confiance, j’ai résolu de les associer à mes<br />

Vicaires Généraux et aux membres de mon Vénérable Chapitre à<br />

l’effet d ’entendre et de discuter en commun le rapport dont il<br />

s’agit.<br />

Les réunions commenceront, lundi prochain, à l’Evêché, à<br />

une heure et un quart, dans l’un des sal/ons du 2e étage, et<br />

continueront les lundis suivants, à la même heure. A une assistance<br />

très exacte, il faudra joindre jusqu’au [biffé : jugement] grand\ jour<br />

de la décision /épiscopale, un secret inviolable de tout ce qui aura<br />

été dit ou fait dans les assemblées.<br />

Pour porter un jugement doctrinal sur l’objet important qui<br />

nous occupera pendant plusieurs séances, [verso] j’ai besoin du<br />

secours céleste. Vous m ’aiderez à l’obtenir, en disant comme moi<br />

à la S" Messe, les jours de réunion, les oraisons de Spiritu Sancto<br />

et de Beata.<br />

En attendant le jour où j’aurai [biffé: le plaisir] \ la douce<br />

satisfaction / de vous voir [biffé: réunis], recevez, je vous prie,<br />

Monsieur le Curé, l’assurance de mon respectueux attachement.<br />

184


LES CONFÉRENCES À L’ÉVÊCHÉ DE GRENOBLE<br />

Les Conférences, au nombre de huit, eurent lieu les 8, 15, 16, 17,<br />

22, 29 novembre, le 6 et le 13 décembre 1847. Présidées par l’évêque en<br />

personne, elles devaient, dans son intention, préparer le jugement<br />

doctrinal qu’il pensait prononcer à leur issue.<br />

Membres<br />

La Commission comptait seize membres, tous nommés par l’évêque :<br />

les deux vicaires généraux titulaires, les huit chanoines titulaires, les curés<br />

des cinq paroisses de Grenoble et le supérieur du grand séminaire<br />

(doc. 332 ; Vérité, p. 22).<br />

LISTE par ordre d’ancienneté dans la fonction. (L’année de la nomination est<br />

indiquée entre parenthèses.)<br />

V i c a i r e s g é n é r a u x t i t u l a i r e s : Clair-Melchior Périer, 1799-1870 (1836 ; chanoine<br />

en 1835) ; André Berthier, 1793-1855 (1840).<br />

C h a n o i n e s : C. Bouvier, 1788-1854 (1829); P.-J. Rousselot, 1785-1865<br />

(1833) ; J.-F. Desmoulins, 1790-1850 (1835) ; J. Henry, 1798-1868 fl84l) ; J.-<br />

C. Michon, 1791-1854 (1842) ; P. Petit, 1778-1848 (1844) ; J. Revol, 1802-1876<br />

(1844) ; P. Chambon, 1797-1884 (1847).<br />

C u r e s : J.-B. Gerin, 1797-1863, archiprêtre de la cathédrale (1835) ; J.-P.<br />

Cartellier, 1804-1865, archiprêtre de Saint-Joseph (1841) ; H. Genevey, 1801-<br />

1859, archiprêtre de Saint-Louis (1842) ; J.-H. de Lemps, 1802-1870, curé de<br />

Saint-André (1834) ; Jean-Jules Keisser, 1805-1882, curé de Saint-Laurent (1838).<br />

S u p é r i e u r d u g r a n d s é m i n a i r e : J.-P. Orcel, 1805-1878 (1837). Enquêteur<br />

avec Rousselot et cosignataire du Rapport.<br />

Partage des opinions<br />

Nous connaissons déjà les positions de six membres : Bouvier,<br />

Chambon, Gerin, Michon, Orcel et Rousselot. Avec six autres membres, ils<br />

forment une majorité de douze, favorable à l’authenticité de l’apparition.<br />

L’opposition compte quatre membres : le vicaire général Berthier ;<br />

Genevey, curé de Saint-Louis ; de Lemps, curé de Saint-André ; Cartellier,<br />

curé de Saint-Joseph. Les difficultés qu’ils soulèvent ne portent cependant<br />

pas nécessairement sur le fond de la question : « M' le Curé de S' Louis<br />

prenoit dans toutes les questions le côté métaphysique ; tous ses<br />

arguments étoient de cette nature. Mr le Curé de S' André faisoit des<br />

considérations tirées de l’ordre moral ; il disoit en particulier la prudence<br />

et la circonspection à apporter pour éviter une erreur malheureuse. Pour<br />

moi », écrit Cartellier, « à qui le hasard (on devrait \ toujours / dire la<br />

providence) avoit fait connoître sur les enfants et sur leurs récits plusieurs<br />

choses assez généralement ignorées, je racontois ce que j’avois appris, et<br />

185


Doc. 330<br />

<strong>Documents</strong><br />

en concluois contre l’apparition » (*) Sur les trois curés, seul Cartellier<br />

paraît s’être prononcé nettement contre l’apparition. L’avocat général<br />

Alméras-Latour le présentera plus tard comme un « homme d’une vie<br />

irréprochable, d’un cœur simple et facile à entraîner »(**). — Quant au<br />

vicaire général Berthier, il aime comparer entre eux les divers témoignages<br />

écrits. Sa façon de lire les documents a déjà fait l’objet d’une note<br />

(LSDA I, p. 140).<br />

L’évêque voulut que les opposants aient la possibilité de s’exprimer<br />

« en toute liberté » (.Réponse, p. 54). Lors des votes, on comptera à<br />

plusieurs reprises quatre non, qui n’ont toutefois pas tous la même<br />

portée. Ainsi, sur les quatre non exprimés à propos de la « réalité du<br />

fait », un seul rejette celui-ci formellement ; les trois autres expriment<br />

plutôt des doutes sur la valeur des preuves avancées (doc. 347).<br />

Le Rapport discuté<br />

Selon Louis Bassette, lors des séances de novembre 1847, Rousselot<br />

aurait présenté non pas le Rapport manuscrit tel que Mgr de Bruillard<br />

avait pu le lire quelques semaines plus tôt (doc. 310), mais un « texte<br />

intermédiaire » entre ce Rapport et le Rapport imprimé (doc. 447 =<br />

Vérité). Ainsi, « le récit lu à la Commission » aurait été extrait de la<br />

relation Lambert (BASSETTE, p. 96, note 4, et p. 100 ; rappelons que le<br />

Rapport manuscrit remis à l’évêque reproduit non pas cette dernière mais<br />

la relation Bez). — Un examen attentif du Rapport manuscrit nous a fait<br />

conclure que, à l’exception des additions placées à la fin du cahier, les<br />

modifications semblent généralement avoir été introduites seulement<br />

après la présentation du texte à l’assemblée. Quant à la relation Lambert,<br />

Rousselot ne l’a certainement pas présentée : elle ne lui parvint en effet<br />

qu’après la clôture des Conférences (cf. doc. 378).<br />

Procès-verbaux<br />

Des sept premières Conférences, il nous reste des procès-verbaux<br />

calligraphiés de la main du chanoine Chambon, secrétaire de la Commission.<br />

Ils ne sont pas signés. Nous ignorons quel jour chacun reçut sa<br />

forme définitive. Sur la huitième Conférence il reste des notes, également<br />

de la main du chanoine Chambon. Les procès-verbaux résument les<br />

débats de manière assez terne et succincte. Presque rien n’est dit sur le<br />

récit que firent les enfants lors de la deuxième et de la troisième des<br />

Conférences.<br />

(*) Réponse, p. 52. — Titre complet : Mémoires sur la Salette/Livre 1"/Réponse au<br />

Ie' livre de M' Rousselot intitulé : La vérité sur l'événement de la Salette etc. Manuscrit de<br />

la main de J.-P. Cartellier (29 cm x 18 [l],v, 145 p.) : EG 163 — A la page 142 on lit :<br />

« Fait dans les derniers mois de 1848 refait environ un an après ». La Bibiothèque municipale<br />

de Grenoble possède un autre manuscrit de la Réponse, avec une pagination différente<br />

(R.8666).<br />

(**) Rapport du premier avocat général de la cour impériale de Grenoble, Alméras-<br />

Latour, au Garde des Sceaux, 25 mai 1857, PAN BB18 1542 (5781).<br />

186


8 novembre 1847 Doc. 330<br />

Autres sources<br />

Le récit donné par Rousselot dans la Vérité, p. 22-28, présente lui<br />

aussi les choses de manière très succincte. On trouve des informations<br />

complémentaires sur les discussions dans la correspondance suscitée par<br />

les débats. Le cardinal de Bonald intervint à plusieurs reprises en novembre<br />

puis le 10 janvier. Ses lettres, malheureusement introuvables, nous sont<br />

connues par une réponse de Mgr de Bruillard (doc. 395 ; cf. aussi 350),<br />

qui reçut des lettres également d’autres évêques (doc. 349 et 364). On<br />

consulta le maire de la Salette-Fallavaux, l’abbé Lagier, les curés Perrin<br />

et Mélin.<br />

Lundi 8 novembre 1847<br />

Év é n e m e n t. Première Conférence à l’évêché de Grenoble.<br />

330. OBSERVATIONS GÉNÉRALES DE MGR DE BRUILLARD<br />

À L’INTENTION DE LA COMMISSION ET RÈGLEMENT DES<br />

CONFÉRENCES<br />

Manuscrit de la main de l’abbé Auvergne, pro-secrétaire à l’évêché, avec des<br />

additions et corrections, les unes et les autres de la main de l’évêque (1 f. pliée<br />

28,5 cm x 39) : EGD 73.<br />

Note. Mgr de Bruillard fît lire ces textes lors de la première Conférence.<br />

\\ Evénement de la Salette<br />

Etablissement d ’une commission<br />

pour l’examen de ce fait. //<br />

Messieurs,<br />

L’événement de la Salette, en 1846 19 sept., ayant commencé<br />

à se répandre dans notre diocèse, nous avons fait notre devoir en<br />

ordonnant à notre clergé de s’imposer sur ce sujet le plus rigoureux<br />

silence dans la maison de Dieu (1).<br />

Depuis plus d ’un an, nous avons entendu un nombre immense<br />

de pèlerins : de pieux ecclésiastiques, des laïques instruits, et<br />

pendant le cours de l’été dernier, l’un de nos vénérables et savants<br />

collègues, Monseigneur de la Rochelle, qui ont visité les lieux,<br />

interrogé les deux bergers, et pris toutes les informations qu’ils<br />

étaient si désireux de recueillir. Nous avons lu aussi tout ce qui a<br />

été imprimé et une grande partie de ce qui a été [biffé : seulement]<br />

écrit sur le même fait et sur les suites qu’il a obtenues.<br />

Cependant, ne voulant prendre conseil que de la prudence,<br />

et nous imposant la sévère réserve qui nous étaient commandée!<br />

par la gravité de la matière et les prescriptions des Saints Canons, 1<br />

(1) Par la lettre-circulaire datée du 9 octobre 1846 (LSDA I, p. 57-58).<br />

187


Doc. 330<br />

<strong>Documents</strong><br />

nous avons attendu jusqu’au mois de juillet dernier pour nommer<br />

en qualité de nos commissaires spéciaux M. l’abbé Rousselot,<br />

chanoine, professeur de morale, Vicaire Général honoraire, et<br />

M. Orcel, chanoine aux honneurs, Supérieur de notre Grand<br />

Séminaire.<br />

Munis d’une ordonnance Episcopale, ils se sont [p. 2] présentés<br />

devant plusieurs Evêques, dans les diocèses desquels la voix<br />

publique proclamait des guérisons obtenues par \\ l’intercession<br />

de // Notre-Dame de la Salette, ou sur la montagne elle-même,<br />

ou ailleurs, par l’usage de l’eau qu’on y avait puisée.<br />

Ces deux MM., après avoir vu et entendu \b iffé: plusieurs]<br />

\ bien des / personnes guéries, après avoir interrogé leur curé ou<br />

leurs parents et d ’autres témoins oculaires, après avoir dressé ou<br />

recueilli un certain nombre de procès verbaux, sont enfin arrivés à<br />

Corps qui était le but principal de leur voyage.<br />

Le Rapport de ces messieurs fait connaître tout ce qu’ils ont<br />

vu et entendu tant sur la montagne que dans Corps et aux<br />

environs. Communication textuelle en sera faite à la commission.<br />

\ Règlement sur la / Tenue des assemblées<br />

[biffé: et] \ ou / mesures d ’ordre à suivre.<br />

I. Les séances auront lieu, tous les lundis, à une heure et un<br />

quart, à l’Evêché.<br />

IL Elles commenceront et finiront par la prière.<br />

III. Lecture sera faite, par l’un des deux voyageurs de la partie du<br />

rapport qui est indiquée pour la séance. On l’écoutera attentivement,<br />

sans interrompre, et personne ne parlera sans en avoir<br />

obtenu l’agrément du Président.<br />

IV. On parlera par ordre de préséance, à commencer par Messieurs<br />

les Curés. On est libre de parler ou de garder le silence sur les<br />

objets soumis à l’examen.<br />

V. Procès verbal sera dressé par le Secrétaire, de ce qui aura été<br />

dit ou fait dans chaque séance. La lecture du procès verbal de la<br />

séance précédente ouvrira [p. 3] la séance suivante.<br />

VI. Chaque membre de la Commission gardera envers ceux qui<br />

[biffé: lui sont étrangers] \ n ’en font point partie / un silence<br />

rigoureux sur les objets qui auront été soumis aux délibérations<br />

\ et sur le nom des contradicteurs ou opposants, s’il y en a /.<br />

Sujets à traiter dans les séances,<br />

\ ou objets des délibérations. /<br />

On y suivra l’ordre et le plan du rapport.<br />

1K séance : Topographie de la montagne ; notions sur les deux<br />

bergers ; leur récit.<br />

188


8 novembre 1847 Doc. 331<br />

Z séance : Opinion sur le fait de la Salette. Ce qu’il faut penser<br />

du récit des deux bergers ? La Ste Vierge leur est-elle réellement<br />

apparue ?<br />

J c séance : Guérisons opérées sur la montagne [bijfié : ou] \ et /<br />

ailleurs par l’usage de l’eau de la Salette. Leur exposé ; et peuton<br />

en tirer une preuve en faveur de l’apparition ?<br />

4* séance : Objections contre le fait de la Salette : lre série.<br />

y séance : Suite des objections, ou 2e série \ et nouvelles objections,<br />

s’il y a lieu. /<br />

6e séance : Conclusion préparatoire au jugement doctrinal qui est<br />

réservé à l’Evêque du diocèse. \\ S’il est favorable à l’apparition,<br />

il sera prononcé avec solennité, en présence des membres de la<br />

Commission et d ’un grand nombre d’assistants. Que... //<br />

Que l’Esprit-Saint, par l’intercession de Marie, nous vienne<br />

en aide ! \ Ainsi soit-il. /<br />

331. LETTRE DU CHANOINE ROUSSELOT à l’abbé Mélin<br />

Original (1 f. 20,5 cm x 13,5) : EG 68.<br />

N o t e . La présente lettre montre que les opposants ont signalé une lacune du<br />

Rapport : Rousselot a omis de prendre en considération l’ensemble des relations<br />

connues, Perrin, Dumanoir, etc., — lacune qu’il comblera dans la Vérité.<br />

Grenoble, le 8 nov. 1847<br />

Monsieur et cher Préfet de N.D. de la Salette,<br />

Mon rapport sur l’Evénement de la Salette est en ce moment<br />

débattu et vivement attaqué dans une Commission qui s’est<br />

rassemblée aujourd’hui pour la première fois sous la présidence de<br />

Mgr lui-même.<br />

1° Les opposants accusent Maximin d ’avoir été un petit<br />

fourbe, un petit menteur avant l’apparition ; ses compagnons<br />

l’attestent, dit-on. Quels sont ces compagnons ? Quel fond peuton<br />

faire sur leur assertion ? Qu’en pensent les grandes personnes<br />

qui l’ont connu, et particulièrement son père ? Et vous, qu’en<br />

pensez-vous ?<br />

2° On soutient que dans leur récit fait après l’apparition et<br />

dans les premiers jours, les enfants ont parlé de pierres et d'autres<br />

choses jetées aux filles par les garçons (1). Les enfants ont-ils<br />

vraiment parlé de cette particularité ? En ont-ils parlé comme<br />

d ’eux-mêmes ? Ou bien donnaient-ils ce langage comme ayant<br />

[mot sauté : été] tenu par la S" Vierge. Mr Chambon prétend que 1<br />

(1) On lit ces mots dans la plupart des relations de la famille Perrin ainsi que chez<br />

Cat, Eymery et Dumanoir (doc. 7, 8, 9, 10, 11, 15 et 124 ; cf. LSDA I, p. 64). Rousselot<br />

répondra à l’objection dans les pages ajoutées à son Rapport (doc. 376, 12' objection =<br />

Vérité, p. 218 et suivantes) ; cf. aussi doc. 338.<br />

189


Doc. 331<br />

<strong>Documents</strong><br />

les enfants lui ont dit quelque chose de semblable lorsqu’il les<br />

interrogea ; et Mr Cartellier assure que dans l’interrogatoire qu’il<br />

leur a fait subir, ces deux enfants lui ont nié formellement avoir<br />

parlé de cette particularité (2). D ’où les opposants concluent que<br />

dans leur récit les enfants ou ont menti dans le commencement<br />

ou sont menteurs plus tard.<br />

Il importe, mon cher Préfet, que vous débrouilliez cette<br />

difficulté, et que vous aidiez votre maréchal à répondre à cette<br />

objection. — Il vous souvient que je désirais beaucoup avoir la<br />

première relation manuscrite qui étoit entre les mains du Recteur<br />

de vos pénitents, et que je vous l’ai demandée (3). Mr Peytard,<br />

maire de la Salette, Mr Pra, Mr Selme et d ’autres pourroient<br />

attester que les enfants ont tenu ou n ’ont pas tenu un [verso]<br />

langage qu’ils ne tiennent plus maintenant. [...]<br />

L’Abbé ROUSSELOT<br />

*332. PROCÈS-VERBAL DE LA PREMIÈRE CONFÉRENCE à<br />

l’évêché de Grenoble<br />

Manuscrit de la main du chanoine Cham bon (1 f. pliée 30,5 cm x 40) :<br />

EGD 74.<br />

Evénement de la Salette<br />

du 19 sept. 1846<br />

Conférences tenues à l’Evêché, sous la présidence de Monseigneur,<br />

composées de MM. les Vicaires Généraux, de MM. les<br />

Chanoines, de M. le Supérieur du Grand Séminaire, et de MM.<br />

les Curés des 3 paroisses de la ville.<br />

Le 8 novembre 1847, tous les membres réunis à une heure et<br />

un quart de l’après-midi, Monseigneur a ouvert la première séance<br />

par îe Vent Creator ; et il a fait lire des observations générales et<br />

un règlement qu’il avait rédigé sur l’objet et la tenue des<br />

conférences (*). Ensuite, il a donné la parole à M. Rousselot,<br />

Vicaire Général honoraire, pour la lecture du rapport dont Sa<br />

Grandeur l’a chargé avec M. Orcel, Supérieur du Grand Séminaire,<br />

en leur qualité de Commissaires délégués sur les lieux, pour<br />

l’examen juridique du fait.<br />

(2) Chambon avait interrogé les enfants en octobre 1846 et Cartellier durant l’été<br />

1847 {supra, p. 107, et LSD A I, p. 115).<br />

(3) Il s’agit de la relation Pra (doc. 1), que Rousselot avait déjà demandée en septembre<br />

(doc. 261 et 263). — Sur Pierre Carnal, recteur de la confrérie des Pénitents, voir LSDA I,<br />

p. 50.<br />

(*) Doc. 330.<br />

190


8 novembre 1847 Doc. 333<br />

Ces deux Messieurs ont lu alternativement, la partie du rapport<br />

qui regarde la topographie des lieux, le caractère des deux petits<br />

bergers, leur récit et leur secret (1).<br />

[p. 2] Sur la topographie des lieux, un membre a fait observer<br />

que le ruisseau de l ’apparition suit quelques contours, en amont<br />

et en aval, derrière la montagne, au moyen desquels on pourrait<br />

aisément se soustraire aux regards.<br />

Le rapport représente les deux enfants comme très simples et<br />

indifférents l’un à l’autre, ne paraissant pas se rechercher, ni se<br />

fuir. Un membre a remarqué que, lors de son voyage avec eux à<br />

la montagne, il les avait toujours vus ensemble. Plusieurs, à leur<br />

tour, ont dit qu’ils avaient remarqué le contraire, d’où un membre<br />

a conclu que les termes du rapport sont exacts, et que réellement<br />

les enfants ne paraissent pas se rechercher ni se fuir.<br />

Un membre a dit que Maximin passait pour menteur, avant<br />

l’événement, mais que depuis on ne lui reprochait plus ce défaut,<br />

et que du reste, il ne tenait cette accusation que de deux personnes.<br />

Un autre membre a appuyé cette observation d ’un fait très grave,<br />

et qui pourrait devenir une difficulté considérable : à savoir que<br />

les enfants ont nié à quelques-uns une circonstance de leur récit,<br />

qu’ils avaient déclarée à d’autres. Il s’agit de cette partie de leur<br />

narration où la sainte Vierge se plaignant des désordres du peuple,<br />

dit que [p. 3] les jeunes gens allant à la messe le dimanche,<br />

portaient des pierres dans leurs poches, pour troubler et inquiéter<br />

les filles (2). Le fait n ’a pu être discuté, faute de renseignements,<br />

et devra revenir à la séance destinée aux objections.<br />

Monseigneur a clos la séance par le Sub tuum.<br />

*333. ANNOTATIONS DU VICAIRE GÉNÉRAL BERTHIER,<br />

écrites de sa main sur une copie de la relation Guillaud (doc. 9,<br />

copie BMGC 36)<br />

Contenu. Berthier relève les divergences entre les relations Guillaud,<br />

Dumanoir, le Rapport Rousselot (doc. 9, 124, 310) et peut-être encore une autre<br />

relation.<br />

Date. Les annotations sont postérieures au Rapport Rousselot, puisqu’elles<br />

le citent. Comme elles concernent une difficulté soulevée lots de la première<br />

Conférence, il y a quelque probabilité qu’elles furent rédigées peu après.<br />

Notre édition. Les numéros renvoient aux versets de la relation Guillaud<br />

(doc. 9). Nous indiquerons entre crochets [] les passages visés par Berthier. 1<br />

(1) Doc. 310, I-V.<br />

(2) Voir doc. 331, avec la note 1.<br />

191


Doc. 333<br />

<strong>Documents</strong><br />

Ajouté dans la marge<br />

7 [Mélanie âgée de quatorze ans] D ’autres disent 13<br />

11 [Ils aperçoivent une grande Dame] Dumanoir dit que sa<br />

taille était moyenne<br />

15 [Les enfants comprenaient parfaitement la Dame] Mr<br />

Rousselot dit le contraire (1)<br />

16 [«Je suis ici pour vous annoncer une grande nouvelle... »]<br />

Le récit du Docteur Dumanoir est le même, sauf que d’après lui,<br />

la dame parle en français jusqu’à ces mots : déjà l'année dernière<br />

le peuple a été averti. Puis elle continue en patois, parce que les<br />

bergers ne la comprenaient pas. Elle s’en aperçut quand le garçon<br />

demanda à la fille : que dit-elle la dame (2)<br />

19 [« Il vous a donné six jours pour travailler »] Dans M.<br />

Rousselot je vous ai donné 6 jours<br />

21 [« ils remplissent leurs poches de pierres »] Le commissaire<br />

a omis le passage où l’on jette des pierres aux filles. Ils vont à la<br />

messe pour se moquer de la religion [suivent deux mots illisibles]<br />

dire [?]<br />

23 [A Noël, il n ’y aura plus de pommes de terre] Le docteur<br />

[Dumanoir] : il n'y en aura bientôt plus.<br />

25 [« tous les enfants en dessous de sept ans vont mourir »]<br />

Le dr [Dumanoir] dit seulement un grand nombre<br />

27 [Ce récit est donné fidèlement par Mélanie ; au début,<br />

Maximin ne savait pas le donner dans le même ordre] Ces<br />

circonstances ne sont pas dans la version Dumanoir.<br />

30 [Le maître de la terre du Coin] Le maître de la terre n ’est<br />

pas cité dans l’autre relation<br />

33 [« On ne faisait aucun cas des jours défendus »] La [?]<br />

remarque est omise dans la version D[umanoi]r<br />

35 [La Dame donna aux enfants des « choses secrètes »] Suivant<br />

le Dr [Dumanoir], pendant que la Dame disait son secret à l’un,<br />

l’autre n ’entendait pas, bien qu’elle parlât à haute voix. Puis elle<br />

dit à tous les deux : Faites passer cela à tout mon peuple.<br />

38 [La Dame s’éleva « à la hauteur d ’un mètre ou deux »]<br />

Ailleurs ce n ’est qu’un mètre environ<br />

Ajouté à la suite du texte<br />

48 [« Note prise sur les lieux en présence des deux enfans »] 1<br />

(1) Cependant Guillaud, un peu plus loin (doc. 9, v. 28), laisse lui aussi entendre<br />

que les enfants ne comprenaient pas tout parfaitement.<br />

(2) En réalité, d ’après Dumanoir (doc. 124, v.24) c’est Mélanie qui pose la question.<br />

192


9 novembre 1847 Doc. 334 bis<br />

par M. Guillaud (3), prêtre employé à la Maîtrise de N.D. et<br />

remise par lui à M. Berthier le 5 novembre 46, avec [?] l’assurance<br />

qu’elles sont la reproduction fidèle des réponses des bergers.<br />

Mardi 9 novembre 1847<br />

334 bis. LETTRE DE M. DUPONT, « le saint homme de Tours »,<br />

à l’abbé Mélin<br />

Original (1 f. pliée, 20,8 cm x 27) : EG 116.<br />

Monsieur et vénérable ami,<br />

Tours 9 nov. 1847<br />

[...] Aujourd’hui je viens vous dire que la chère Sœur des<br />

Carmélites a eu révélation de Notre Bon Sauveur sur la vérité de<br />

l’apparition de la Très Sainte Vierge. Comme l’autorité ne permet<br />

point encore de faire état de ce qui se passe ici : c’est comme un<br />

secret que je vous confie, pour réjouir votre cœur, et si vous me<br />

parlez, dans votre correspondance, de cette ineffable [p. 2] chose,<br />

veuillez l’écrire sur une feuille séparée. C’est bien vous dire qu’à<br />

l’occasion, et pour la gloire de Dieu et de sa Mère, je fais usage<br />

de vos chères lettres.<br />

Voici donc ce que la R.M. Prieure m ’a dit hier de l’heureuse<br />

confidente de Jésus : Ma Mère veut fléchir ma colère : elle m ’a<br />

montré son sein, en me disant : Laissez-vous fléchir par ce sein<br />

qui vous a nourri, et laissez-lui répandre des bénédictions sur mes<br />

autres enfants. Alors elle est descendue sur la terre : elle est pleine<br />

de miséricorde ; il faut qu’on ait grande confiance à ce qu’elle a<br />

dit aux enfants. »<br />

On a promis de me faire lire toute la révélation qui concerne<br />

les bénits petits bergers (1). — En attendant je me fais un devoir<br />

de transmettre ce qui précède. — Concluons qu’il s’agit de<br />

redoubler de confiance : et c’est ce que ne cesse de dire la Sœur<br />

carmélite — pour le moment Satan, prince des ténèbres, agit<br />

beaucoup pour embrouiller l’affaire de Langres-Tours [...]<br />

P[a p in ] D u p o n t [...] 1<br />

(3) Berthier prend Guillaud pour l’auteur de la relation. Ce dernier précisera plus<br />

tard qu’il ne fit que recopier au presbytère de la Salette un écrit de l’abbé Louis Perrin<br />

(cf. LSDA I, p. 68-69).<br />

(1) Cette révélation est peut-être l’un des textes reproduits dans le Petit abrégé de<br />

l'établissement de i 'archiconfrérie réparatrice des blasphèmes du saint nom de Dieu, et de<br />

la violation du saint jour du dimanche, par Soeur Marie de Saint-Pierre (doc. 380). —<br />

Copie de 1848 : Tours C, cahier C, p. 53-65. — Message, p. 165-167, correspond en<br />

substance aux p. 61-62 du cahier C. — Sur la Salette : p. 58-59, 61-62. Le P etit abrégé,<br />

qui est daté du 25 décembre 1847, reproduit de pieuses pensées émises antérieurement.<br />

193


Doc. 334 bis<br />

<strong>Documents</strong><br />

S œ u r M a r i e d e S a i n t - P i e r r e e t l a S a l e t t e . L’affaire de Langres-Tours dont<br />

parle M. Dupont concerne les rapports entre l’archiconfrérie réparatrice de Langres<br />

et le message de Soeur M. de St-P., carmélite à Tours, dont il a déjà été question<br />

plus haut (2). La confirmation de la Salette rapportée par M. Dupont se lit<br />

également dans une lettre de la sœur, datée du 8 novembre 1847. La sœur la<br />

met toutefois sur les lèvres de Marie et non sur celles du Christ : « Voilà à peu<br />

près ce que jai cru entendre de la bouche de Marie : Oui, ma fille, il est certain<br />

que je suis apparue l’année dernière sur la montagne, et que j’ai annoncé de<br />

grands malheurs, qui seraient infailliblement arrivés sans ma médiation auprès<br />

de mon Fils. Ensuite, elle m’a dit ces paroles des Cantiques : Mes mamelles sont<br />

fortes comme une tour. C’est pourquoi, j’ai trouvé grâce devant Dieu ! Elle m’a<br />

expliqué ce mystère de sa tendresse maternelle, et de son héroïque charité pour<br />

un peuple qui renouvelle continuellement ses douleurs. A l o r s c e t t e M è r e d e<br />

m i s é r i c o r d e m ' a f a i t e n t e n d r e q u e p o u r a p a i s e r l a c o l è r e d e s o n d i v i n F i l s i r r i t é<br />

c o n t r e l e s p é c h e u r s d e l a F r a n c e ,<br />

e l l e l u i a v a i t d é c o u v e r t s o n s e i n m a t e r n e l q u i<br />

l ' a v a i t n o u r r i a v e c t a n t d ' a m o u r , d a n s s a d i v i n e e n f a n c e ; e t q u ’e n c e t t e<br />

c o n s i d é r a t i o n J é s u s s ' é t a i t a p a i s é [ . . . \ (3).<br />

Les censeurs ecclésiastiques qui, sur ordre de l’archevêque de Tours,<br />

examinèrent en 1850 les écrits contenant les paroles attribuées à la sœur décédée<br />

entre temps, virent dans ce dernier texte non pas une révélation, mais l’écho de<br />

l’attitude favorable que l’autorité ecclésiastique de Grenoble montrait envers<br />

pèlerinage. « Quelques mois auparavant [la sœur] avait été consultée sur ce qu’on<br />

devait penser de cette apparition, et elle s’était tirée habilement d’embarras en<br />

disant dans sa lettre du 28 juin 1847 que Notre Seigneur lui avait tenu ce<br />

langage : « il serait bien dangereux et bien nuisible à l’œuvre de la réparation,<br />

que n[ou]s vous donnassions des lumières à ce sujet, il faut que vous soyez<br />

neutre, vous n’aurez pas de contradicteurs » (4). — Avec les censeurs de Tours,<br />

nous estimons que le contenu de la lettre du 8 novembre 1847 procède d’une<br />

activité mentale de la sœur, sans qu’il y ait lieu d’y voir le résultat d’une<br />

révélation venue droit du ciel. Mais il s’agit en l’occurence d’une activité mentale<br />

conforme aux lois de la sagesse chrétienne, normalement guidée par le Saint-<br />

Esprit : la sœur a médité sur l’apparition et sur les signes des temps à la lumière<br />

de l’Ecriture et en tenant compte de l’attitude manifestée par l’autorité<br />

ecclésiastique.<br />

U n e p r o p h é t i e ?<br />

A en croire des souvenirs tardifs de M. Dupont, Sœur Marie de Saint-Pierre<br />

aurait annoncé dans les premiers jours du mois de septembre 1846, donc avant<br />

l’apparition de la Salette, une visite de Marie à la terre. Le saint homme de<br />

(2) Supra, p. 20 et suivantes. — Une autre lettre de M. Dupont (doc. 367) laisse<br />

deviner que, sur cette affaire, il pensait comme M. le Brument. Toutefois, il ne semble<br />

pas s’être associé aux démarches intempestives de ce dernier.<br />

(3) Doc. 333 bis. Copie de 1848 : Tours C, cahier C, p. 45-48. Texte légèrement<br />

différent dans P.-J. JANVIER, Vie de la Sœur Saint-Pierre, 2.éd., Tours-Paris, 1884, p. 370-<br />

374 ; Message, p. 194-196. Nous avons mis en italiques le passage apparenté aux paroles<br />

rapportées dans la lettre de M. Dupont.<br />

(4) Cette lettre nous est connue uniquement par la citation qu’en donnent les censeurs<br />

dans leur rapport, dont le Carmel de Tours possède une copie.<br />

194


11 novembre 1847 Doc. 335<br />

Tours en aurait eu connaissance presque immédiatement par la prieure, Mère<br />

Marie de l’Incarnation, au cours d’un entretien sur la sœur : « Voici ce qu’elle<br />

vient de me \ dire / ajouta la R. Mère Pfrieure] ». M. Dupont qui, au même<br />

instant, se trouvait « un crayon à la main » (5), écrivit, rapportera-t-il plus tard,<br />

ce qui suit (6) : * M a M è r e a p a r l é a u x h o m m e s d e m a c o l è r e . E l l e v e u t f l é c h i r<br />

m a c o l è r e ; e l l e m ' a m o n t r é s o n s e i n e n m e d i s a n t : l a i s s e z - v o u s fléchir [?] p a r l e<br />

s e i n q u i v o u s a n o u r r i , e t l a i s s e z l u i [?] r é p a n d r e d e s b é n é d i c t i o n s s u r m e s a u t r e s<br />

e n f a n t s . E t a l o r s e l l e e s t d e s c e n d u e p l e i n e d e m i s é r i c o r d e s u r l a t e r r e : q u ' o n [?]<br />

a i t d o n c g r a n d e c o n f i a n c e e n e l l e ! »<br />

Le témoignage de M. Dupont fut accueilli avec scepticisme et M. Dupont<br />

regretta « de ne pouvoir offrir personnellement une garantie quelconque à [sa]<br />

déclaration, et par conséquent de ne pouvoir point faire passer [sa] conviction<br />

dans l’esprit du prochain » (7). — Les écrits de la sœur ignorent en effet toute<br />

communication surnaturelle remontant à septembre 1846 (8) et, implicitement,<br />

en nient même l’existence : « Vous savez ma bonne Mère qu’il y a plusieurs<br />

mois que je n’avais rien éprouvé d’extraordinaire », lit-on dans sa lettre du<br />

4 octobre 1846, où elle communique des paroles que Notre Seigneur lui aurait<br />

dites ce jour-là (9). M. Dupont, pourtant si empressé à communiquer au curé de<br />

Corps les faits extraordinaires ayant quelque rapport avec la Salette, ne lui<br />

transmet les fameuses paroles sur la visite de Marie à la terre que dans la présente<br />

lettre, postérieure à l’apparition de plus d’une année. Comme on l’a vu, il y<br />

présente ces paroles comme une confirmation, que la prieure lui a rapportée la<br />

veille, 8 novembre (10).<br />

Jeudi 11 novembre 1847<br />

335. LETTRE DE MGR DE BRUILLARD à l’abbé Mélin<br />

Original de la main du chanoine Chamard, signé par l’évêque (1 f. pliée<br />

22 cm x 27,5) : EG 107.<br />

(5) Note de M. Dupont pour le Père Bouix, S.J., p. 11. Original : Tours C. Le passage<br />

est reproduit dans la Vie de M.D. I. p. 154. La note de M. Dupont est datée du 16 juillet<br />

1868.<br />

(6) Doc. 334 : note au crayon, écrite par M. Dupont sur une feuille déchirée<br />

irrégulièrement, mesurant 13,6 cm x 8,3 / 7,7. Au verso de la feuille, conservée au<br />

Carmel de Tours, M. Dupont a ajouté une note, datée du 22 juillet 1863, dans laquelle il<br />

atteste que ces paroles furent prononcées par la sœur dans les cinq ou six premiers jours de<br />

septembre 1846.<br />

(7) Note du 13 mars 1865, de la main de M. Dupont, conservée au Carmel de Tours.<br />

(8) Dans la note au Père Bouix (cf. supra, note 5) M. Dupont laisse entendre qu’on<br />

lui a fait cette objection, qui n ’a pu être soulevée que par une personne ayant accès aux<br />

écrits de la sœur. Rappelons que l’interdiction portée par Mgr Morlot, de les communiquer<br />

aux personnes du dehors, était encore en vigueur en 1868. L’objectant pourrait être la<br />

prieure d ’alors, Mère Thérèse de Saint-Joseph qui, autrefois, avait écrit sous la dictée de<br />

Sœur Marie de Saint-Pierre.<br />

(9) Copie de 1848 : Tours C, cahier C, p. 68 ; dans Message, p. 134.<br />

(10) Le premier à attribuer à la carmélite de Tours une prophétie annonçant la Salette<br />

est peut-être le fondateur de l'association réparatrice de Saint-Dizier au diocèse de Langres,<br />

l’abbé Pierre Marche, selon qui, « peu de temps avant de mourir », elle aurait dit : « On<br />

se refuse à faire Réparation, Jésus va enfin envoyer sa Mère, pour la demander elle-même »<br />

(Pierre MARCHE, Nouveau manuel de l'archiconfrérie réparatrice, Paris 1858, p. 38). —<br />

L’abbé Marche a sans doute oublié les dates : en réalité, vingt et un mois se sont écoulés<br />

entre l’apparition de la Salette et le décès de la sœur (8 juillet 1848).<br />

195


Doc. 335<br />

<strong>Documents</strong><br />

Grenoble, le 11 nov. 1841<br />

La commission qui s’occupe de l’événement de la Salette est<br />

en grande activité dans ce moment. Elle s’est réunie lundi dernier,<br />

et il en sera ainsi tous les lundis, jusqu’à ce que le Rapport de<br />

MM. Rousselot et Orcel ait été discuté, et les objections des<br />

opposants résolues. Le but évident de ces derniers est de faire des<br />

deux enfants, des fourbes et des imposteurs. Il est donc essentiel<br />

de leur prouver qu’il n’en est rien.<br />

En conséquence, \ je vous prie / de venir à Grenoble avec<br />

Maximin et Mélanie pour assister à la réunion qui aura lieu à<br />

l’Evêché à 1 h 1/2 lundi prochain. Il serait très avantageux que<br />

vous arrivassiez ici, dimanche au soir, afin que les enfants pussent<br />

se reposer, et vous aussi, [...(p. 2)...]<br />

Ici, personne ne connaît encore ce projet, n ’en parlez donc à<br />

Corps qu’au moment de votre départ. [...]<br />

fPH[ILIBERT] Évêque de Grenoble<br />

[p. 3] P.S. [...] Vous pourrez repartir le lundi soir, si vous le<br />

voulez.<br />

Lundi 15 novembre 1847<br />

ÉVÉNEMENTS. Deuxième Conférence à l’évêché. L’abbé Mélin et Maximin<br />

sont interrogés au cours de la séance. Selon C h a m p o n (dans Annales, août 1884,<br />

p. 225-228), ils étaient arrivés à Grenoble la veille et logèrent chez le curé de la<br />

cathédrale. Peut-être fut-ce à cette occasion que Maximin donna les réponses<br />

rapportées par celui-ci à Marie Des Brûlais le 18 septembre 1849 [Echo, p. 152-<br />

153). Le garçon fut interrogé par Rousselot au moins le 15 et le 19 novembre<br />

(doc. 310, p. 5 ; doc. 376, p. 43-44 = Vérité, p. 41, 220-222). — Mélanie arriva<br />

à Grenoble le soir du 15, accompagnée de Sœur Sainte-Thècle, supérieure du<br />

couvent de Corps.<br />

* 338. PROCÈS-VERBAL DE LA DEUXIÈME CONFÉRENCE à<br />

l’évêché de Grenoble<br />

Manuscrit de la main du chanoine Chambon (1 f. pliée 30,5 cm x 40) :<br />

EGD 75.<br />

Seconde Conférence<br />

sur l’apparition de la Salette<br />

15 nov. 1847<br />

L’intérêt déjà si vif s’est augmenté de la nouvelle que Maximin<br />

était à l’évêché, qu’il paraîtrait et serait interrogé à cette séance.<br />

Déjà M. le Curé de Corps est présent et Mélanie doit arriver le<br />

soir même. Ainsi Monseigneur s’environne de tous les moyens<br />

possibles, pour éclairer le jugement qu’il prépare.<br />

196


15 novembre 1847 Doc. 338<br />

Après la lecture du procès verbal, quelques membres ont<br />

présenté de nouvelles observations sur le caractère des deux bergers,<br />

et sur l’effet moral de l’événement.<br />

On a dit que Mad[am]e la Supérieure des Sœurs de la<br />

Providence de Corps, paraissait circonvenir les deux enfants, et les<br />

préparer aux questions probables qui peuvent leur être adressées ;<br />

qu’ils refusent les étrennes avec une sorte de délicatesse affectée,<br />

mais qu’en secret ils les reçoivent avec empressement, que par<br />

conséquent, ils ne sont pas aussi simples qu’ils le paraissent. Sur<br />

le premier chef, M. le Curé de Corps et M. le Rapporteur assurent<br />

que Mad[am]e la Supérieure ne leur parle presque jamais de<br />

l’apparition, et qu’elle n’est pas présente, quand on les interroge.<br />

Sur le second chef, M. le Curé de Corps a encore dit que [p. 2]<br />

c’est par leur admirable désintéressement que ces deux enfants<br />

méritent peut-être le plus d’éloges ; que soit en public, soit en<br />

particulier, il faut souvent les presser pour leur faire accepter<br />

quelque chose. M. le Rapporteur a confirmé ce témoignage, en<br />

relisant cette partie du rapport où il est dit que les enfants<br />

remettent à Mad' la Supérieure tout l’argent qu’ils reçoivent, et<br />

qu’ils ne s’informent jamais de l’emploi qu’elle en fait.<br />

En ce qui concerne l’accusation de mensonge portée contre<br />

Maximin, dans la dernière séance, M. le Curé de Corps a dit que,<br />

dans le récit de Maximin, il avait toujours été question de<br />

profanation dans le lieu saint ; que sur ce point essentiel, il n’avait<br />

jamais varié ; que la circonstance des pierres jetées aux jeunes<br />

personnes par les jeunes gens, était un détail accessoire et explicatif<br />

ajouté peut-être par lui, parce qu’il avait dû être témoin de ce<br />

désordre, et qu’à un an de distance, il n ’est pas étonnant qu’il ne<br />

s’en soit plus souvenu. Cette explication a paru satisfaisante à un<br />

grand nombre.<br />

On a encore dit que tout le monde ne s’est pas converti à<br />

Corps, comme le dit M. le Rapporteur, et que la cupidité est pour<br />

beaucoup dans toutes les manifestations du pays. M. le Curé de<br />

Corps a répondu qu’il y avait en effet une famille à qui était allée<br />

une grande partie des bénéfices, et que c’est peut-être la seule<br />

[p. 3] qui n ’ait profité de l’apparition que de cette manière.<br />

Monseigneur a donné la parole à M. le Rapporteur qui a<br />

repris sa lecture sous ce titre : Opinion sur l’événement de la<br />

Salette (1).<br />

Sur le fait de la description extraordinaire que les enfants ont<br />

faite de l’apparition, un membre remarque qu’ils ont pu voir un<br />

costume pareil à celui qu’ils décrivent, à la statue de la Stc Vierge.<br />

M. le Curé de Corps répond que les statues qu’ils ont pu voir, 1<br />

(1) Doc. 310, vi.<br />

197


Doc. 338<br />

<strong>Documents</strong><br />

n ’ont pu leur donner aucune idée analogue. D ’ailleurs, ajoute un<br />

membre, les statues de la SK Vierge n ’ont pas l’éclat éblouissant<br />

du visage, elles n ’ont pas les instruments de la Passion sur la<br />

poitrine.<br />

M. le Rapporteur établit une thèse rigoureuse sur le témoignage<br />

des deux bergers : ils n ’ont pu être ni trompés, ni trompeurs. Un<br />

membre affirme que, d ’après toutes les règles de critique, et selon<br />

tous les théologiens, le témoignage de deux enfants ne peut<br />

suffire (2). Plusieurs répondent qu’il n ’est pas question ici d ’une<br />

certitude absolue, comme s’il s’agissait de la canonisation d ’un<br />

saint, mais d’une certitude morale ; qu’on ne veut pas provoquer<br />

une définition de foi, mais une croyance pieuse, et que pour cela,<br />

selon la doctrine de Benoît 14, et l’usage de l’Eglise, dans la<br />

question des apparitions, il suffit d ’une grande probabilité ; et<br />

enfin qu’il n ’y a rien eu de plus pour les apparitions de l’Osier,<br />

du Laus, de Ratisbonne (3). [p. 4] \\ Un membre s’est plaint du<br />

ton général du rapport qui ressemble plutôt, a-t-il dit, à une<br />

discussion qu’à un rapport. M. le Rapporteur a répondu qu’on ne<br />

pouvait pas abdiquer ses convictions, et que d’ailleurs, il aimait à<br />

se présenter pas seulement comme rapporteur mais comme postulateur<br />

de la cause. //<br />

Monseigneur a fait introduire Maximin. Il s’est montré inculte,<br />

distrait, sans empressement, mais aussi sans trop d’embarras, tel<br />

que le représentent toutes les descriptions. Il a fait son récit,<br />

moitié en français, moitié en patois. On lui a demandé \ d’abord /<br />

ce qu’il avait fait après l’apparition. Il a répondu qu’il était allé<br />

jouer avec des bergers de son âge, le reste de l’après-midi, jusqu’à<br />

cinq heures. On lui a demandé s’il leur avait parlé de ce qui<br />

venait de se passer ; il a répondu que non. Cette indifférence a<br />

paru à quelques uns un fait très grave et de nature à infirmer son<br />

témoignage.<br />

Monseigneur a levé la séance à trois h. et remis la réponse à<br />

cette objection à la prochaine séance.<br />

(2) Rappelons qu'une année plus tôt, les professeurs du grand séminaire de Grenoble<br />

avaient, dans leur rapport, posé fort correctement le problème du témoignage des enfants :<br />

il faut commencer par examiner ce que disent les enfants et comment ils le disent, puis<br />

chercher s'il existe des preuves extrinsèques ou miracles (LSDA I, p. 197 et 199).<br />

(3) N.D. de l'Osier (Isère) : pèlerinage qui doit son origine à un fait extraordinaire<br />

dont fut témoin le 25 mars 1649 un protestant nommé Pierre Port-Combet, puis à une<br />

apparition de la Vierge au même, quelques années plus tard (mars 1656 ?). Port-Combet<br />

entra dans l’Eglise catholique seulement quelques jours avant son décès, qui eut lieu le<br />

22 août 1657. — N.D. du Laus (Hautes-Alpes) : pèlerinage qui a pour origine les<br />

apparitions de la Vierge à la vénérable Benoîte Rancurel (1647-1718). — Alphonse<br />

Ratisbonne, fils d ’une famille de banquiers juifs de Strasbourg, eut le 20 janvier 1840, en<br />

l’église de Sant’ Andrea delle Fratte à Rome, une apparition de la Vierge, à la suite de<br />

laquelle il se convertit.<br />

198


16 novembre 1847 Doc. 339<br />

Mardi 16 novembre 1847<br />

Ev é nem ent. Troisième Conférence à l’évêché (cf. doc. 339 e t aussi doc. 376,<br />

p., 41 ; Vérité, p. 51, 218).<br />

*339. PROCÈS-VERBAL DE LA TROISIÈME CONFÉRENCE à<br />

l’évêché de Grenoble<br />

Manuscrit de la main du chanoine Chambon (1 f. pliée 30,5 cm x 40) :<br />

EGD 76.<br />

Troisième Conférence<br />

sur l’événement de la Salette,<br />

16 nov. 1847<br />

Après la lecture du procès verbal, deux membres se sont<br />

plaints de n ’y pas retrouver l’incident du débat qui concerne la<br />

distance où étaient les compagnons des deux petits bergers au<br />

moment de l’apparition, et qui forme selon eux, une difficulté,<br />

parce qu’ils ont dû être témoins aussi de l’événement. Plusieurs<br />

membres répondent que cela s’explique avec facilité, ou naturellement<br />

par les ondulations du terrain, ou providentiellement, parce<br />

qu’ils ont pu voir les deux petits bergers sans voir l’apparition (1).<br />

Monseigneur a donné la parole à M. le Rapporteur, pour<br />

répondre à l’objection qui a terminé la dernière séance, et qui est<br />

prise du silence que Maximin et Mélanie ont gardé envers leurs<br />

compagnons, après l’événement. Sérieuse d ’abord et importante<br />

aux yeux de quelques uns, cette objection s’est évanouie devant<br />

les raisonnements de M. le Rapporteur. Les deux enfants auraient<br />

exposé le récit qui venait de leur être confié, à des variantes<br />

inévitables et compromettantes, en le communiquant aux autres<br />

bergers. Ils auraient diminué l’intérêt et' l’effet des paroles qu’ils<br />

étaient chargés de transmettre. La Ste Vierge, a dit très-à-propos<br />

M. le Rapporteur, a mieux dirigé ses [p. 2] organes, en choisissant<br />

comme premiers dépositaires de ses révélations, les maîtres des<br />

deux enfants, personnes graves et sérieuses, et ayant autorité sur<br />

eux. En sorte que par leurs soins, les premières communications<br />

publiques \bijfé : sont descendues de la chaire, dans le lieu saint]<br />

ont \ été faites avec solennité par M. le Curé de la Salette, pendant<br />

la messe de paroisse /. Et ainsi, aujourd’hui on peut suivre la<br />

marche progressive qu’elles ont suivie, pour se répandre de la<br />

montagne dans la vallée et bien au delà du royaume.<br />

Mélanie interrogée sur cette circonstance, a répondu naïvement<br />

qu’elle avait cru être obligée de \b iffé: n ’en] parler de la merveille<br />

d ’abord qu’à ses maîtres, auxquels il lui a fallu demander ce que 1<br />

(1) Rappelons qu’en 1858 à Lourdes seule Bernadette aperçut la Vierge, malgré le<br />

grand nombre des personnes présentes devant la grotte.<br />

199


Doc. 339<br />

<strong>Documents</strong><br />

signifiait le mot \ mon / (2) peuple à qui elle avait à faire passer<br />

le récit de la {biffé: Dame] Se Vierge. D ’ailleurs, ajoute M. le<br />

Rapporteur, cette franchise des enfants sur une circonstance qui<br />

leur est défavorable, confirme leur témoignage, et inspire plus de<br />

confiance dans leurs autres dépositions, car c’est une règle de<br />

critique admise par tous, que l’on croit plus aisément des témoins<br />

qui parlent avec simplicité de leurs défauts (3).<br />

Un membre reproduit son objection principale tirée des<br />

conditions de la certitude, d ’après Bergier (4) et la philosophie de<br />

Bayeux (5), qui exigent un grand nombre de témoins. Plusieurs<br />

opposent encore la doctrine de Benoît XIV, et l’usage de l’Eglise<br />

dans la question des apparitions ; et un membre en particulier,<br />

insistant avec force, ajoute que, si le témoignage des deux petits<br />

bergers, avec la simplicité et la candeur que [p. 3] nous leur<br />

connaissons, ne suffit pas pour fonder une croyance pieuse sur ce<br />

qu’ils ont vu et entendu pendant demie heure [sic], il n ’y a plus<br />

rien de certain, pas même le fait d ’Emmaus qui n’est rapporté<br />

que par deux témoins. Un membre se scandalise de cet emploi de<br />

l’Ecriture Sainte, et déclare qu’il lui paraît inconvenant de s’en<br />

servir pour appuyer le fait de la Salette. Toute l’assemblée, à-peuprès,<br />

exprime une pensée contraire (6).<br />

Monseigneur donne l’ordre d ’introduire Mélanie qui entre<br />

dans la salle, avec un embarras doux et modeste. MacT la Supérieure<br />

des Soeurs de Corps l’accompagne. Alors commence, au milieu<br />

d ’un silence saisissant, un interrogatoire qui a été conduit avec<br />

beaucoup d ’esprit, avec une habileté capable de déconcerter le<br />

plus solide et le plus déterminé menteur. Il n’y a que la candeur,<br />

ou mieux, il n ’y a que la vérité qui puisse sortir sans blessures de<br />

ce cercle de questions subtiles et pressantes. Mélanie a répondu à<br />

tout, avec un accent timide mais plein de conviction. Deux fois sa<br />

parole a paru un moment contradictoire à celle de Maximin<br />

interrogé la veille. Mais on a bientôt reconnu, ou qu’elle n’avait<br />

pas compris la question, ou qu’elle répondait dans un autre ordre<br />

d ’idées, et sur un autre point de vue.<br />

(2) « mot » et « mon » sont ou biffés ou soulignés.<br />

(3) Rousselot reviendra sur cette difficulté une nouvelle fois plus tard (doc. 376, 11'<br />

Objection = Vérité, p. 217-218).<br />

(4) Le Dictionnaire philosophique de Nicolas-Sylvestre Bergier, 1718-1790, venait<br />

d ’être réédité par le cardinal Gousset (8 vol. in-8“, Besançon 1838). L’œuvre voulait réfuter<br />

les attaques des philosophes du dix-huitième siècle. « Bergier reste exclusivement sur ce<br />

terrain » (A. Dublanchy, dans A. VACANT - E.MANGENOT éd., Dictionnaire de théologie<br />

catholique, vol. II, Paris 1905, col. 745.<br />

(5) Il s’agit d’un cours donné au grand séminaire de Bayeux. Dans la Vérité, p. 8-9,<br />

Rousselot citera l’édition de 1842 des Institutiones philosophicae in seminario Bajocensi<br />

hahitae, éd. Noget-Lacoudre, tome I.<br />

(6) Toute cette discussion paraît artificielle, du fait qu’elle ignore l’argument de la<br />

convergence des probabilités.<br />

200


17 novembre 1847 Doc. 340<br />

Mélanie, après l’interrogatoire, a fait son récit, [biffé : il est<br />

le même que celui de Maximin] d ’une voix faible, mais avec<br />

beaucoup de netteté.<br />

Alors Monseigneur a demandé à Madc la Supérieure si, dans<br />

les commencements, Mélanie rapportait [p. 4] aussi fidèlement ces<br />

longs détails. Made la Supérieure a répondu que l’enfant disait<br />

tout aussi fidèlement, mais avec moins de suite. Et, a repris<br />

Monseigneur, a-t-elle de la facilité ? Mad' la Supérieure a dit<br />

qu’elle avait eu de la peine à lui apprendre l’acte de foi, et qu’elle<br />

n ’affirmerait pas même encore avoir bien réussi. Cette réponse a<br />

paru produire une vive impression sur l’assemblée.<br />

Maximin a été introduit. C’est toujours le même enfant,<br />

distrait, décontenancé, à l’aise, comme s’il était dans sa famille.<br />

Un membre lui a adressé quelques questions sur une religieuse<br />

qu’ils disent avoir vue sur la montagne, \ après la grande<br />

Apparition, / et qui avait disparu tout-à-coup. L’incident n ’a pas<br />

eu de suite, parce qu’on a cru reconnaître, aux réponses de<br />

l’enfant, que cette religieuse pouvait être une Sœur de Corps,<br />

qu’ils avaient un moment ap/?erçue, et qu’ils avaient perdu de<br />

vue dans les détours des ravins (7).<br />

Monseigneur a levé la séance, à trois h.<br />

Mercredi 17 novembre 1847<br />

ÉVÉNEMENTS. En raison de la présence des enfants à Grenoble, la Commission<br />

se réunit pour la troisième fois au cours de la semaine : ce sera la quatrième<br />

Conférence.<br />

340. LETTRE DE L’ABBÉ LOUIS PERRIN, curé de la Salette<br />

Original (1 f. pliée, 22 cm x 35) : EGD 7. — Lettre citée dans Vérité,<br />

p. 44-45.<br />

Destinataire : probablement l’abbé Auvergne, qui aura consulté le curé de<br />

la Salette pour le compte des rapporteurs ou de l’évêque, au sujet de trois<br />

difficultés soulevées lors de la première Conférence.<br />

Monsieur et bien digne ami,<br />

Bien que ce soit à peu près inutile, vu que vous avez en ce<br />

moment les enfans, Maximin et Mélanie en votre présence, pour<br />

les interroger et éclaircir vos doutes, je vais néanmoins vous<br />

transmettre mon sentiment sur les questions proposées.<br />

1°- Il est bien vrai, cher ami, que les enfans, dès le<br />

commencement m ’ont dit : qu'en hiver les garçons n ’allaient à<br />

l'église que pour se moquer de Dieu et de la religion ; et j’ai<br />

écrit : « ils remplissent leurs poches de pierres pour les jeter aux<br />

(7) Cette dernière objection sera discutée de nouveau dans la quatrième Conférence.<br />

201


Doc. 340<br />

<strong>Documents</strong><br />

filles (1). » Baptiste Pra vient de m ’assurer que le soir du 19 sept.<br />

1846, d ’après le récit des enfans il avait aussi écrit, sur la petite<br />

relation qui lui a été prise à Corps : Ils ne vont à l'Eglise que<br />

pour se moquer de la religion et de mon fils, en se jetxant des<br />

pierres les uns aux autres et aux filles, pour se faire rire (2). Il en<br />

était si persuadé qu’il s’est montré bien étonné lorsque je lui ai<br />

dit que maintenant les enfans démentaient [p. 2] cette parole et<br />

moi-même je ne l’étais pas moins jusqu’au jour, il y a à peu près<br />

un mois, que l’abbé Chenavas (3) vint me parler de cette difficulté<br />

et de ce démenti des enfans. Maintenant il m ’est impossible de<br />

vous fixer l’époque et le motif de la variation des enfans sur ce<br />

point (4). Après avoir entendu les enfans, on en tirera la conséquence<br />

que la prudence suggérera. M. le maire de la Salette ainsi<br />

que les autres personnes de la maison des maîtres des enfans sont<br />

aussi parfaitement persuadés que les enfans (5), dès le principe,<br />

ont parlé des pierres jetées au filles.<br />

2°- Les maîtres des enfans certifient aussi qu’ils n ’ont jamais<br />

remarqué que le mensonge fût un vice dominant chez ces enfans.<br />

Maximin n ’avait, disent-ils, guère d ’autre vice qu’une excessive<br />

légèreté. Mélanie, avant l’apparition, était extrêmement paresseuse,<br />

désobéissante et boudeuse, au point qu’elle ne voulait pas répondre<br />

lorsqu’on lui parlait et allait facilement se cacher dans un champ<br />

près de la maison, pour y passer la nuit, où le maître était obligé<br />

d ’aller la chercher. Mais après l’apparition elle était active,<br />

obéissante et faisait surtout bien exactement sa prière, qu’elle ne<br />

faisait auparavant qu’à l’extrémité. Déposition de Baptiste Pra.<br />

3°- La sinuosité du ruisseau est très-peu sensible, et le rocher<br />

qui s’avance dans le coude qu’il fait au-dessus de la fontaine,<br />

étant fort peu élevé, il est impossible que la personne qui est vers<br />

la fontaine, ne voie pas venir de dessus et de dessous, quiconque<br />

s’approche de la fontaine. Au lieu de 3 pas, il en faut au moins<br />

dix, pour qu’une personne, étant vers la croix de l’Assomption, et<br />

marchant [p. 3] vers le levant, pût se dérober aux regards de celle<br />

qui serait debout vers la fontaine. Je ne vois pas à quoi peut<br />

aboutir cette objection, puisque les enfants attestent qu’ils ont<br />

suivi la Dame et qu’ils étaient tout près d ’elle lorsqu’elle s’est<br />

fondue.<br />

Voilà, bien cher ami, ce que j’ai l’honneur de vous répondre<br />

sur ces petites difficultés, qui probablement ont toutes été éclaircies 1<br />

(1) Relation Perrin (doc. 7), v. 21.<br />

(2) En réalité, la phrase ne figure pas dans la relation Pra, telle qu’elle nous est<br />

parvenue à travers la copie Lagier de février 1847 (doc. 1).<br />

(3) Vicaire à Corps.<br />

(4) Annotation marginale d'une autre main : (Maximin ne le disait donc plus vers le<br />

17 oct., à peu près 1 mois avant cette lettre.)<br />

(5) Annotation marginale d ’une autre main : (Est-ce tous les deux ?).<br />

202


17 novembre 1847 Doc. 341<br />

dans la grande séance de lundi dernier. Plaise à Dieu que toutes<br />

ces solutions soient satisfaisantes, pour votre consolation, car vous<br />

n ’êtes pas ennemi de N.D. de la Salette, pour la mienne, pour<br />

celle de tous ceux qui aiment à se montrer les dévoués de Marie,<br />

et pour la plus grande gloire de Dieu.<br />

Daignez agréer...<br />

Perrin curé<br />

La Salette-Fallavaux, 17 nov. 1847.<br />

*341. PROCÈS-VERBAL DE LA QUATRIÈME CONFÉRENCE à<br />

l’évêché de Grenoble<br />

Manuscrit de la main du chanoine Chambon (1 f. pliée 30,5 cm x 40) :<br />

EGD 77.<br />

Selon Rousselot, lors de la 4cmc Conférence les « deux enfants sont interrogés<br />

sur diverses particularités de leur récit, ainsi que sur des circonstances qui, sans<br />

en faire partie, semblent devoir en affaiblir la vérité. Les deux enfants s’expliquent<br />

à la satisfaction générale de l’assemblée » (Vérité, p. 26). — Le procès-verbal ne<br />

signale que l’interrogatoire de Mélanie.<br />

N ote sur la difficulté soulevée à propos de Mélanie. Cartellier évoqua l’affaire<br />

de la lumière merveilleuse de la chapelle Saint-Sébastien, que nous connaissons<br />

déjà par M. Houzelot et dont parle encore un autre enquêteur de 1847, l’abbé<br />

Arbaud (doc. 135, p. 9 ; 401, p. 78). Cartellier tenait l’histoire d ’un tiers, dont<br />

il n ’indique pas le nom. Interrogée sur cette affaire lors des Conférences, Mélanie,<br />

écrit Cartellier, « a raconté le fa it de cette lumière comme je l'avois raconté moimême.<br />

Seulement, elle le place après le 19 septembre, et non pas avant. [...]<br />

Mais peu im porte cette circonstance ; elle a avoué la chose principale devant tous<br />

les membres de la commission dont la m ajorité avoit d ’abord refusé d'y croire.<br />

Elle est consignée dans les procès-verbaux de nos Conférences » (Réponse, p. 11-<br />

12). Rousselot reconnaîtra plus tard que « Mélanie, pressée de dire si elle n ’a<br />

jamais rien vu en dehors de l’apparition, parla de cette lumière dont elle croyait<br />

avoir été éclairée pendant une petite partie de sa route » (Nouveau sanctuaire,<br />

p. 156). — Cartellier ajoute que l’insertion dans le procès-verbal fut obtenue<br />

non sans peine : « Le procès-verbal où devoit se trouver le fa it en question n 'en<br />

disoit pas un mot. Dans celui qui le suivit il étoit si peu exprimé, il passoit<br />

tellem ent inaperçu que je me plaignis de cette rédaction et ne pus m'empêcher<br />

de dire à M! le Secrétaire : Il est étonnànt qu 'ayant le talent que vous avez, vous<br />

soyez constamment malheureux lorsqu 'il s ’agit de constater [p. 14] quelque chose<br />

à l'encontre de votre opinion » (Réponse, p. 12). — Si ce récit décrit le<br />

déroulement des événements avec exactitude, il nous faut conclure que le procèsverbal<br />

de la quatrième séance fut complété postérieurement, puisque, sous sa<br />

forme actuelle, il contient plusieurs lignes sur la difficulté en question, sans aller<br />

toutefois jusqu’à dire que Mélanie ait reconnu l ’exactitude de ce que Cartellier<br />

appelle « la chose principale ».<br />

203


Doc. 341<br />

<strong>Documents</strong><br />

Quatrième Conférence<br />

sur l’événement de la Salette<br />

17 nov. 1847<br />

Après la lecture du procès verbal, \ à 1 h 1/4 / un membre<br />

proteste contre l’emploi des mots certitude morale, au lieu des<br />

mots très grande probabilité du rapport, qui sont, assure-t-il,<br />

d ’une signification bien différente, et il demande que cette<br />

rectification soit introduite au procès verbal. Acte lui est donné de<br />

sa protestation.<br />

Revenant sur la question de la Sœur de la Providence que les<br />

enfants (1) disent avoir vue sur la montagne, un membre fait<br />

observer que Maximin a déclaré qu’elle s’était élevée dans les airs,<br />

comme la Dame de l’apparition, ou que du moins, il ne le savait<br />

pas. Plusieurs répondent que Maximin n ’a point dit que cette<br />

religieuse se fut élevée dans les airs, mais qu’elle avait disparu, en<br />

d ’autres termes qu’il l’avait perdue de vue, sans qu’il puisse<br />

expliquer de quelle manière.<br />

Sur ce même fait de la Sœur de la Providence, un membre<br />

signale une contradiction entre le dire de Maximin et le dire de<br />

M. le Curé de Corps. Selon Maximin, cette Sœur a été vue de<br />

près, et selon M. le Curé, elle a été vue de loin. M. le Curé<br />

répond que n ’attachant aucune importance à ce fait, [p. 2] ainsi<br />

que les enfants eux-mêmes, il avait voulu seulement en montrer<br />

la nullité dans la question de l’apparition, plutôt que de préciser<br />

la distance. Plusieurs ajoutent que ces deux versions peuvent<br />

s’entendre de deux moments successifs, c’est-à-dire que la Sœur a<br />

pu d’abord être vue de près, et que marchant d ’un pas rapide,<br />

elle a dû être aperçue de loin quelques moments après ; ce qui<br />

est rendu plus probable encore par les paroles de Maximin qui a<br />

raconté qu’il s’était mis à courir pour l’atteindre (2).<br />

Un autre membre montre une nouvelle contradiction dans les<br />

paroles de Mélanie. Elle aurait dit à certaines personnes qu’elle<br />

avait vu une clarté mystérieuse, longtemps avant l’apparition ; à<br />

d ’autres elle aurait déclaré qu’elle avait vu cette clarté, seulement<br />

après. Ainsi, pour le même fait, le oui et le non serai/ sort/ cette<br />

fois de la bouche de la jeune bergère. Il a été répondu que des<br />

enfants de la montagne, qui ne comprennent [pas] toujours ce 1<br />

(1) Un groupe de garçons parmi lesquels Maximin, montés à la Salette en octobre<br />

1846.<br />

(2) Les garçons avaient vu de loin une dame en noir, qu’ils prirent pour une religieuse<br />

de la Providence. En réalité, aucune sœur n ’était montée ce jour. Sur l’affaire de la « dame<br />

en noir », type par excellence de l’objection spécieuse, voir LSDA I, p. 62-63.<br />

204


17 novembre 1847 Doc. 341<br />

qu’on leur demande, pouvaient quelquefois, sans être taxés de<br />

mensonge volontaire, dire oui et non à des questions embarrassantes<br />

et multipliées. Qu’au surplus, il fallait introduire Mélanie pour<br />

l’interroger elle-même. Aux questions qui lui ont été posées sur<br />

cette circonstance, l’enfant a répondu avec netteté qu’elle n ’avait<br />

jamais vu de clarté, avant l’événement, sinon au moment de<br />

l’apparition, et de plus qu’elle ne l’avait jamais dit. L’auteur de<br />

l’incident {biffé : affirme] \ dit / qu’il sait le contraire de témoins<br />

dignes de foi. Le débat sur ce point n’est pas continué {biffé :<br />

faute de renseignements certains].<br />

Un membre demande des explications sur ces paroles [p. 3]<br />

du père de Maximin : je ne sais pas qui mangera du pain l’année<br />

prochaine, qui se rattachent à la visite de la terre du Coin. D ’une<br />

part, on dit que le père en a été très frappé, parce qu’il n ’en<br />

avait parlé à personne ; et d ’autre part, on dit que le propriétaire<br />

de la terre était présent. Un autre membre répond qu’à la vérité,<br />

le propriétaire était présent, au moment de la visite du champ de<br />

blé, mais que les paroles citées n ’ont été prononcées qu’au retour,<br />

et qu’alors Maximin était seul avec son père.<br />

M. le Rapporteur reprend sa lecture. Deux passages surtout<br />

provoquent des observations. Le premier est celui où il montre<br />

que la forme et l’élévation biblique du discours rapporté par les<br />

deux enfants, et quelques-unes de leurs réponses, sont au-dessus<br />

de leur intelligence (3). Un membre dit qu’il ne voit rien que de<br />

vulgaire dans le discours et dans les réponses. L’assemblée presque<br />

entière se prononce contre ce jugement. Le second passage est<br />

celui où M. le Rapporteur venge le clergé de cette odieuse<br />

accusation qui le présenterait comme faisant une spéculation<br />

honteuse des eaux de la Salette (4). Un membre demande des<br />

explications sur ce point, à M. le Curé de Corps. Un autre membre<br />

s’efforce de repousser cet incident comme tout-à-fait étranger à<br />

l’objet des conférences, et demande qu’il soit passé outre. M. le<br />

Curé de Corps dit quelques mots de son désintéressement, avec<br />

dignité et modestie ; et il déclare que de tout {biffé: l’argent] ce<br />

qui a pu lui revenir, en dehors des dépenses obligées, il ne s’est<br />

pas réservé [p. 4] un centime ; qu’une partie a été employée aux<br />

œuvres de charité dans le pays, et que le reste attend le jugement<br />

de Monseigneur, pour la construction d’une chapelle. Il est trois<br />

heures ; Monseigneur lève la séance. *92<br />

(3) Doc. 310, VI, p. 16-19, peut-être également VII, p. 30-31 ( = Vérité, p. 79, 86-<br />

92, 203-206).<br />

(4) Doc. 310, VII, p. 28-29 ( = Vérité, p. 200-201). Toutefois dans le manuscrit de<br />

son Rapport, Rousselot ne mentionne les accusations que d’une manière générale et ne dit<br />

rien sur celle qui a trait au commerce de l’eau.<br />

205


Doc. 343<br />

<strong>Documents</strong><br />

Vendredi 19 novembre 1847<br />

343. LETTRE DE L’ABBÉ REPELIN au chanoine Rousselot<br />

Original (4 p. 25 cm x 20) : EG 139. — Publié en partie dans Vérité,<br />

p. 89-91.<br />

Félix-Amédée-Perceval Repelin, né à Serres, Hautes-Alpes, en 1815, prêtre<br />

en 1839, était en 1847, professeur de rhétorique au petit séminaire d’Embrun. Il<br />

deviendra plus tard professeur au grand séminaire de Gap, curé-archiprêtre<br />

d’Orpierre, chanoine titulaire (1883) et théologal (1884). Il mourra en 1896.<br />

Ci-dessous on trouvera reproduites les pages 2 et 3 ; les deux autres ne<br />

traitent pas de la Salette.<br />

[p. 2] Il m ’eût été agréable surtout de m ’entretenir avec vous<br />

au sujet de la Salette. J ’ai été puisé, il est vrai, des renseignements<br />

à la source même, en visitant les lieux et en interrogeant les<br />

enfans. Mais les voyages que vous avez faits, les documens que<br />

vous aurez réunis auroient apporté quelque nouvelle preuve à celui<br />

qui n’a point de peine à croire. J ’eus le plaisir de parler beaucoup<br />

de l’Apparition, durant les quelques jours que je passai chez mon<br />

oncle à La Mure. J ’en conférai avec MM. les Ecclésiastiques, et M.<br />

l’Abbé Rabilloud (1), à son départ pour la retraite, me redemanda<br />

le récit d’une partie de mon entretien avec les deux petits bergers.<br />

Il tenoit à vous faire part d ’une petite circonstance dont je lui<br />

avois parlé. Permettez-moi, pour le plaisir que j’ai à m ’entretenir<br />

avec vous, d ’entrer ici en ces petits détails. Vous ne m ’en voudrez<br />

pas, j’espère, quand même ils vous seroient déjà tous connus.<br />

C’est avec M. le curé de Serres (2) que je fis mon pèlerinage<br />

à la Salette. C’était le 8 sept.; nous visitâmes les lieux. Nous<br />

fûmes satisfaits de ce site pittoresque et propice aux méditations<br />

religieuses. L’affluence des pèlerins de ce jour, les témoignages<br />

des gens du lieu, du maître de Mélanie et d ’une de ses petites<br />

compagnes, l’impression du lieu ouvrirent nos âmes à une pleine<br />

confiance. Le lendemain nous vîmes les enfans et les entretînmes<br />

successivement près de trois heures. Ils répondirent à nos questions,<br />

comme nous savions qu’ils avoient répondu à beaucoup d ’autres.<br />

Seulement quand j’en étois à demander à la petite si le personnage<br />

merveilleux qu’elle avoit vu ne pourrait pas être un mauvais esprit<br />

qui voudrait semer le désordre dans l’Eglise, elle me répondit<br />

comme elle avoit répondu à d ’autres. — Mais, Monsieur, le démon<br />

ne porte pas une croix. — Je poursuivis. Mais, mon enfant, le<br />

démon a porté notre Seigneur sur le temple, sur la montagne, il<br />

pourrait bien porter sa croix. — Non, Monsieur, dit-elle avec une 1<br />

(1) Vicaire à la Mure. Il avait interrogé les deux bergers moins de trois semaines après<br />

l’apparition.<br />

(2) Antoine Allard, 1794-1868, originaire de la Fare. En 1866, il fut nommé chanoine<br />

titulaire de la cathédrale de Gap.<br />

206


19 novembre 1847 Doc. 343<br />

certaine assurance, non, le bon Dieu ne laisseroit pas porter sa<br />

croix comme ça. C’est sur la croix qu’il est mort. — Mais il s’est<br />

laissé porter lui. — Mais c’est par la croix qu’il a sauvé le monde. »<br />

L’assurance de cet enfant, la profondeur de cette réponse dont<br />

elle ne sentoit peut-être pas la beauté me fermèrent la bouche.<br />

— Votre ange gardien sait-il votre secret, Mélanie ? — Oui,<br />

Monsieur. — Il y a donc quelqu’un qui le sait ? — Mais mon<br />

ange gardien n’est pas du [p. 3] peuple. — Si les anges gardiens<br />

le savent, nous finirons bien par le savoir. — Et faites-vous le<br />

dire, reprit-elle en souriant et en agitant les épaules.<br />

Voici une circonstance singulière par rapport au petit Maximin.<br />

Quand nous étions à Corps, il y avoit quatre à cinq jours (3) que<br />

ce petit éveillé étoit allé à la représentation de la Passion, donnée<br />

par des acteurs ambulans. A son retour, Maximin un peu plus<br />

animé que de coutume dit à une Sœur : « Oh ! ma Sœur, j’ai vu<br />

quelque chose de mon secret. » Il a dit cette parole trois ou quatre<br />

fois, les jours suivans. Mais il ne voulut jamais dire autre chose.<br />

Cette Sœur me parla de cet incident. Déjà j’avais entretenu le<br />

petit. Je le fis revenir. — Maximin, lui dis-je, il faut ici dire la<br />

vérité devant le bon Dieu qui te jugera. Tu as révélé quelque<br />

chose de ton secret, mon enfant ? — Moi, Monsieur, j’ai rien dit.<br />

— N ’es-tu pas allé l’autre soir à la représentation de la Passion ?<br />

— Oui, Monsieur, j’y suis allé. — N ’as-tu pas dit à ton retour à<br />

cette dame qui étoit là tout-à-l’heure, ne lui as-tu pas dit que tu<br />

avois vu quelque chose de ton secret. — Oui, Monsieur, je lui ai<br />

dit ça. — Ton secret regarde donc la Passion de Notre Seigneur.<br />

— Ah ! ça regarde puis ça ou autre chose. — Mais puisque tu es<br />

allé à cette représentation, ça doit regarder ce que tu y as vu.<br />

— Mais vous ne savez pas ce que j’ai vu avant ou pendant ou<br />

après. — Mais je pourrais le savoir en prenant des informations<br />

des gens qui t’ont vu quand tu allois, qui t’ont vu à la<br />

représentation, qui t ’ont vu à ton retour. — Faites-le possible ça,<br />

Monsieur. » A cette réponse précise et prompte nous n ’avons plus<br />

su qu’ajouter ; nous avons compris qu’il était impossible de réunir<br />

toutes ces circonstances et de démêler celle qui pouvoit avoir<br />

rapport à quelque chose de son secret. Il nous sembla que Dieu<br />

seul pouvoit donner un tel langage à des enfans.<br />

Aussi quelqu’étourdis qu’ils aient pu paraître en certaines<br />

rencontres, quelques difficultés qu’on rencontre dans les prophéties,<br />

je suis incliné à croire. Cette adhésion même me semble une<br />

(3) Quatre ou cinq jours avant le passage de Repelin en septembre et non celui de<br />

Rousselot en août, comme l’écrit à tort PERRIN, n°535.<br />

207


Doc. 343<br />

<strong>Documents</strong><br />

consolation, une force de ne savoir [?] comment m ’imaginer là<br />

une supercherie ou une intervention diabolique. Le témoignage<br />

\ naïf / de ces enfans, le concours de l’anniversaire sont de bien<br />

fortes présomptions. Joignez à cela la guérison d ’Avignon qui m ’a<br />

été confirmée par l’aumônier des Dames de S'Joseph (4).<br />

Pardonnez, Monsieur Rousselot, si je me suis permis tous ces<br />

détails avec vous qui en connaissez mille autres. Mais je tiens<br />

beaucoup à être éclairé là dessus ; et maintenant je désirerais savoir<br />

si l’autorité de Grenoble ne s’expliquera pas autrement que par<br />

une approbation \ tacite / du pèlerinage.<br />

Dimanche 21 novembre 1847<br />

ÉVÉNEMENT. A Avallon (Yonne), guérison d’Antoinette Bollenat, âgée de<br />

trente-trois ans. Souffrant d’une tumeur dans la région épigastrique, vomissant<br />

ce qu’elle mangeait, réduite à un état d’extrême faiblesse, le Dr Gagniard,<br />

médecin traitant, avait donné son cas comme désespéré le vendredi 19 novembre.<br />

Elle fut guérie le surlendemain, dernier jour d’une neuvaine à Notre-Dame de la<br />

Salette. — Dossier (1847-1850) : EG 119 et EG 134. Les principales pièces ont<br />

été publiées dans Vérité, p. 155-166, 173-181 ; Nouveaux documents, p. 127-<br />

164 ; Nouveau sanctuaire, p. 111-112 ; GlRAY I, p. 194-268.<br />

A la suite d’une enquête canonique, cette guérison fut proclamée miraculeuse<br />

dans un jugement porté le 4 mars 1849 par Mgr Mellon Jolly, archevêque de<br />

Sens. L’année suivante, Mgr Jolly transmit à l’évêque de Grenoble un certificat<br />

du Dr Gagniard attestant qu’Antoinette Bollenat n’avait pas rechuté (*). On<br />

trouvera plus loin le rapport du médecin traitant, des extraits du rapport présenté<br />

à l’archevêque de Sens au terme de l’enquête canonique et aussi le jugement<br />

prononcé par l’archevêque (doc. 368 bis, 509 et 516).<br />

Lundi 22 novembre 1847<br />

Év é n e m e n t. Cinquième Conférence à l’évêché.<br />

345. LETTRE DE L’ABBÉ LAGIER, curé de Saint-Pierre-de-<br />

Chérennes, à l’abbé Auvergne, pro-secrétaire à l’évêché de<br />

Grenoble.<br />

Original (1 f. recto pliée 21 cm x 26) : EG 38.<br />

Note. Lagier répond au sujet d’une difficulté soulevée lors de la première<br />

Conférence, sur laquelle ont été également consultés les curés de Corps et de la<br />

Salette. Rappelons qu’en février-mars, il avait longuement interrogé les deux<br />

voyants (doc. 184 bis).<br />

(4) Le capucin espagnol Joachim Font, monté à la Salette le 8 septembre 1847 (cf.<br />

GlRAYl, p. 348 et doc. 312).<br />

(*) Certificat Gagniard, 8 juillet 1850, EG 119 ; lettre Jolly, 10 juillet 1850, EG 142.<br />

208


Monsieur,<br />

22 novembre 1847 Doc. 346<br />

S'-Pierre de Cherennes le 22 nov. 1847<br />

Dans la première relation écrite à la Salette (*), il n ’est<br />

nullement question de pierres jetées aux filles.<br />

Ni Mélanie ni Maximin n ’ont parlé de ce fait. Mais ayant<br />

appris par diverses personnes qu’ils l’avaient dit en principe ; j’en<br />

fis part à Mélanie. Voici sa réponse : « Pour moi je n ’en ai jamais<br />

parlé ; mais Maximin le disait, parce qu’on lui avait dit de le<br />

dire ; et il n ’en a plus parlé depuis que je lui ai dit, qu’elle (la<br />

Dame) ne nous avait pas dit cela (**) ».<br />

Dites à MM' Rousselot et à Mr Orcel que sous peu je me<br />

procurerai le plaisir de leur porter moi-même une petite note.<br />

J ’ai l’honneur...<br />

LAGIER<br />

*346. ALLOCUTION DE MGR DE BRUILLARD aux membres de<br />

la Commission<br />

Brouillon entièrement de la main de l’évêque (1 f. recto-verso 29,5 cm x<br />

20,5) : EGD 78. — Copie de la main de l’abbé Auvergne, pro-secrétaire à<br />

l’évêché (1 f. recto-verso 29 cm x 19) : EGD 79.<br />

Ci-dessous nous reproduisons le texte de la copie, qui fut lue pendant la<br />

cinquième Conférence.<br />

Additions et corrections portées sur la copie. Elles sont toutes de la main de<br />

l’évêque, à l’exception peut-être d’une, qui sera signalée par une note.<br />

Messieurs,<br />

Vous ne serez pas étonnés qu’après quatre séances dont deux<br />

ont été remarquables par la présence des jeunes bergers (1), je<br />

vous adresse d ’abord quelques avis, et qu’ensuite je vous fasse<br />

\biffé : une] plusieurs questions importantes.<br />

I°- Les débats sur le grand fait de l’apparition ont été libres,<br />

ainsi qu’ils devaient l’être, et l’opposition a usé amplement de<br />

son droit de parler. Elle a même souvent semé des pierres sur la<br />

route que la commission avait à parcourir, et la marche \ de la<br />

discussion, / quoique non empêchée, en a été prodigieusement<br />

retardée.<br />

(*) La relation Pra (doc. 1), qui nous est connue par la copie qu’en fit Lagier en<br />

février 1847.<br />

(**) Lagier cite probablement de mémoire. Ses notes, du moins telles qu’elles nous<br />

sont parvenues, ne contiennent pas ces paroles.<br />

(1) En réalité, les bergers comparurent au cours de trois Conférences. Si l’évêque ne<br />

parle que de deux, c’est peut-être parce qu’il ne prend pas en considération la première<br />

des trois, celle du 15 novembre : Maximin n ’y fut introduit qu’en fin de séance.<br />

209


N.D. de Bon Conseil apparue à deux petits bergers sur la montagne de<br />

laSalette... Paris, L. Jurgis Jne, lmpr Editeur. N. 286.<br />

Cette estampe, où la Vierge est représentée parlant assise, illustre un détail<br />

colporté par diverses brochures, mais ignoré ou contredit par les relations<br />

privilégiées. Rousselot ne l'a pas retenu, et avec raison (cf. LSDAI, p. 221).


22 novembre 1847 Doc. 346<br />

Il m ’a semblé qu’il y a eu bien du temps perdu (2) ; évitons<br />

ce malheur à l’avenir : le temps est si précieux ! et d ’ailleurs votre<br />

intention ne doit pas être de prolonger outre mesure nos débats<br />

et nos réunions.<br />

Il y a eu du temps perdu, lorsqu’on s’est permis une<br />

foule de questions étrangères au fait de l’apparition, et qui ne<br />

\ pouvaient / contribuer à le constater ou à le rejeter. Je cite un<br />

exemple \ entre plusieurs autres : / à l’occasion d ’une réflexion<br />

de M. le Rapporteur, à qui elle a paru utile pour compléter son<br />

travail, on s’est permis d’interpeller M. le Curé de Corps sur un<br />

soi-disant commerce d ’eau de la Salette (3). Or, comme l’a très<br />

sagement fait remarquer un membre de la Commission, ce fait ne<br />

regarde que l’Administration épiscopale. C’est à elle à s’enquérir<br />

de la vérité sur ce fait, [verso] à défendre ou permettre la vente<br />

de l’eau, à blâmer ou bien à absoudre le pasteur. Ce fait est<br />

entièrement étranger à la vérité ou à la fausseté de l’apparition,<br />

puisque cette apparition peut être vraie ou fausse, soit que le<br />

commerce de l’eau existe, soit qu’il n’existe pas.<br />

II0- \ J ’ai aussi quelques / demandes importantes à vous<br />

adresser, \ ou des faits à constater, / mais sans rentrer dans une<br />

discussion qui nous a paru épuisée. La Commission admet-elle le<br />

1" article du rapport sur la topographie des lieux ? Je demande<br />

un oui ou un non.<br />

La Commission admet-elle le 2e article sur le caractère des<br />

deux enfants, le 3e sur le récit de Mélanie, le 4e sur celui de<br />

Maximin ; et reconnaît-elle la conformité des deux récits... Vous<br />

avez entendu les deux bergers dont (4) le fameux secret ; est [sic]<br />

\ il est / (5) signalé dans le 3e artficle] du rapport. Je vous<br />

demande encore un oui ou un non sur ces objets (6).<br />

L ’opinion sur le fait de la Salette forme le 6' article. Le fait<br />

est-il réel, ou les enfants ne sont-ils ni trompés ni trompeurs ?<br />

Le rapport, s’appuyant sur des preuves intrinsèques, prouve<br />

(ou prétend prouver) que le fait en lui-même est démontré :<br />

1° par le caractère des enfants, 2° par la nature du récit des<br />

enfants, 3° par l ’inspection des lieux, 4° par la sagacité des<br />

enfants à résoudre les difficultés qui leur sont proposées.<br />

(2) Au moment où l’évêque interrompit les débats pour faire lire cette allocution, la<br />

discussion s'enlisait dans l’examen des notions de probabilité et de certitude. Les paroles<br />

de l'évêque, rédigées d’avance, visaient cependant d ’abord les Conférences précédentes.<br />

(3) Lors de la quatrième Conférence, le 17 novembre.<br />

(4) Le sens de la phrase demande qu’on lise ici « dans ». Le « dont » primitif ne<br />

semble pourtant pas avoir été retouché.<br />

(5) 11 est possible que cette addition soit de la main du copiste et non de celle de<br />

l'évêque, comme les autres. Le texte primitif était identique à celui du brouillon : « dont<br />

le fameux secret est signalé ».<br />

(6) La question posée à propos du 5cmc article a pour objet la fidélité des enfants à<br />

garder le secret (cf. doc. 347).<br />

211


Doc. 346<br />

<strong>Documents</strong><br />

C’est encore une marque d’adhésion, ou un refus d ’adhérer<br />

que je réclame : un oui ou un non.<br />

[Dans la marge, le résultat des rotes émis lors de la cinquième Conférence<br />

(probablement de la main de l’évêque) :]<br />

[1" article] oui - 1 [unanimité moins une voix]<br />

[2e article] oui - 4 [unanimité moins quatre vois]<br />

[3e et 4' articles] oui - 1 [unanimité moins une voix]<br />

[5e article] oui<br />

[6e article] oui - 4 3 pas de preuves suffisantes]<br />

1 des raisons pour nier<br />

[Dernier alinéa] oui - 4 [unanimité moins quatre voix]<br />

*347. PROCÈS-VERBAL DE LA CINQUIÈME CONFÉRENCE à<br />

l’évêché de Grenoble<br />

Manuscrit de la main du chanoine Chambon (1 f. pliée 30,5 cm x 40) :<br />

EGD 80.<br />

Les votes. Pour la première fois, la Commission est appelée à se prononcer.<br />

Du procès-verbal de la séance suivante (doc. 360) il résulte que tous les seize<br />

membres avaient le droit de vote, y compris les deux rapporteurs.<br />

Cinquième Conférence<br />

sur l’événement de la Salette<br />

22 nov. 1847<br />

A une heure et un quart, Monseigneur ouvre la séance.<br />

Lecture du procès verbal. Un membre réclame contre l’omission<br />

d ’un aveu \ public (1) / de Mélanie relatif à la clarté qu’elle a<br />

vue, quelque temps après l’apparition. Le débat s’engage un<br />

moment sur cette circonstance ; et la majorité décide qu’on n ’en<br />

peut rien conclure contre le fait de l’apparition.<br />

M. le Rapporteur et M. le Supérieur du Grand Séminaire,<br />

comme personnellement nommés dans une des dernières conférences,<br />

ramènent le débat sur la question de la certitude morale,<br />

et des conditions du témoignage. M. le Supérieur établit rigoureusement,<br />

et par les auteurs mêmes cités à l’appui de l’opinion<br />

contraire, 1° que la certitude morale et une très grande probabilité<br />

sont identiques, et ont absolument la même signification ; 2° que<br />

pour la certitude d ’un fait, il n’est pas nécessaire d ’avoir un grand<br />

nombre de témoins, mais qu’un t[rès (?)] petit nombre suffisent,<br />

quand ils offrent d’ailleurs les autres conditions de critique qui<br />

rendent le témoignage indubitable. Et enfin, pour prévenir une<br />

difficulté qui pourrait naître, il avertit que l’expression de 1<br />

(1) Addition peut-être d ’une autre main. — Sur l’objet de cet « aveu » de Mélanie,<br />

voir l’introduction au doc. 341.<br />

212


22 novembre 1847 Doc. 347<br />

probabilité qui a été employée d ’abord par M. le Rapporteur, ne<br />

doit s’entendre que d’une manière applicable au commencement<br />

de la [p. 2] discussion, et non pas à l’ensemble des démonstrations<br />

et à la conclusion finale, parce que ce qui pourrait n’être d ’abord<br />

qu’une simple probabilité arrive peu-à-peu à une très grande<br />

probabilité, c’est-à-dire à cette certitude morale nécessaire et<br />

suffisante pour établir un jugement sûr.<br />

L’auteur du débat répond à son tour ; et d ’abord il repousse<br />

avec une grande convenance, l’accusation d’avoir voulu adresser<br />

une interpellation personnelle. Ensuite il déclare que sa pensée<br />

n ’a pas été comprise sur le fond de la question ; qu’il a toujours<br />

entendu parler de la certitude théologique, selon Bergier, qui est<br />

bien différente de la probabilité, quelque grande qu’elle soit ; et<br />

enfin que, pour les conditions du témoignage, il a voulu établir<br />

en général qu’un grand nombre de témoins était souvent nécessaire.<br />

Presque toute l’assemblée reprend qu’il n’a jamais été question,<br />

dans ces conférences, de certitude théologique et absolue,<br />

mais de cette assurance à laquelle on peut atteindre dans les choses<br />

ordinaires de la vie, et qui s’appelle la certitude morale.<br />

Un membre de la Commission, appliquant à propos ces<br />

principes à l’Eucharistie, a très bien fait comprendre que la<br />

présence réelle, bien qu’elle soit d ’une certitude théologique et<br />

absolue, comme dogme révélé, n ’est pourtant que de certitude<br />

morale, c.à.d. d’une très grande probabilité, dans une hostie [p. 3]<br />

et dans un tabernacle.<br />

Ici Monseigneur fait lire une allocution (2) dont la pensée<br />

principale est d ’inviter la Commission à écarter désormais toute<br />

discussion étrangère à l’objet essentiel des Conférences, et à<br />

concentrer les débats sur le fait de l’apparition. Et aussitôt, pour<br />

gagner du temps, et commencer à se fixer, Monseigneur prend<br />

l’avis de l’assemblée sur les parties du rapport jusqu’à présent<br />

soumises à la discussion. Les opinions se sont manifestées comme<br />

il suit :<br />

1° sur la topographie des lieux, le rapport est accepté à<br />

l’unanimité, moins une voix.<br />

2° sur le caractère des deux enfants,.... accepté, à l’unanimité<br />

moins quatre voix.<br />

3° sur la conformité des deux récits des enfants, entre eux et<br />

avec le rapport,... accepté à l’unanimité moins une voix.<br />

4 0 sur la fidélité des enfants à garder leur secret,.... unanimité.<br />

5° sur la réalité du fait : ou les enfants ne sont-ils ni trompés,<br />

ni trompeurs ?... unanimité, moins quatre, qui formulent ainsi<br />

(2) Le doc. 346.<br />

213


Doc. 347<br />

<strong>Documents</strong><br />

leur opinion : trois ne trouvent pas les preuves suffisantes pour<br />

admettre ; un voit des raisons pour rejeter.<br />

6° sur la croyance générale (3)... accepté à l’unanimité non<br />

pas comme démonstration rigoureuse, mais comme présomption<br />

favorable.<br />

7° sur la démonstration du fait par le caractère [p. 4] des<br />

enfants, par la nature de leur récit, par l’inspection des lieux, par<br />

la sagacité des enfants à résoudre les difficultés qui leur sont<br />

proposées.... adhésion unanime, moins quatre (4).<br />

Monseigneur lève la séance à trois heures.<br />

Mardi 23 novembre 1847<br />

349. LETTRE DE MGR GUIBERT, évêque de Viviers, à Mgr de<br />

Bruillard<br />

Original (1 f. 24,4 cm x 18,8) : EG 93.<br />

Joseph-Hippolyte Guibert, 1802-1886, des Oblats de Marie Immaculée,<br />

devint évêque de Viviers en 1842, archevêque de Tours en 1858, de Paris en<br />

1871 et cardinal en 1873. Ce fut lui qui, le 21 août 1879, couronna la statue de<br />

Notre-Dame de la Salette (*).<br />

Note. Au cours des Conférences, une difficulté a dû être soulevée, que Mgr<br />

de Bruillard retrouvera bientôt dans une lettre du cardinal de Bonald (cf.<br />

doc. 395) : en portant une décision doctrinale, l’autorité diocésaine risque de se<br />

tromper, comme le montrent des faits survenus dans un passé récent. L’évêque<br />

de Viviers a été consulté au sujet d’un fait de ce genre.<br />

Evêché de Viviers Viviers, le 23 nov. 1841<br />

Monseigneur,<br />

Le fait de la prétendue possédée de St Laurent du Pape,<br />

auquel Votre Grandeur fait allusion dans la lettre qu’elle m ’a fait<br />

l’honneur de m ’écrire, est antérieur de deux ans à mon arrivée<br />

dans le diocèse. Je n ’ai donc jamais été dans le cas d’exprimer<br />

mon opinion sur la nature de ce fait.<br />

Mon vénérable prédécesseur s’étoit tenu à ce sujet dans la<br />

plus grande réserve. Seulement, un supérieur de communauté<br />

étranger au diocèse, passant dans nos contrées, demanda à Mgr<br />

Bonnet la permission d ’interroger la fille qui excitoit une si vive<br />

curiosité. Cette permission fut accordée et le religieux fit un<br />

rapport à l’autorité dans le sens d ’une vraie possession ou obsession.<br />

Mais ce rapport ne fut jamais ni approuvé ni publié par mon<br />

(3) Cette question ne figure pas dans les manuscrits de l’allocution prononcée par<br />

l’évêque (doc. 346).<br />

(4) Les réponses n.4, 5 et 7 portent respectivement sur les articles 5 et 6 ainsi que sur<br />

le dernier alinéa de l’allocution.<br />

(*) Sur le cardinal Guibert et la Salette, voir GlRAY I, p. 95-99.<br />

214


26 novembre 1847 Doc. 351<br />

prédécesseur. On ne tarda pas à reconnoître la supercherie de<br />

Jeannette [verso] et l’on se convainquit que les crises nerveuses<br />

étoient la suite de l’usage immodéré de l’eau de vie qu’elle buvoit<br />

en secret. Voilà, Monseigneur, la vérité sur cette affaire.<br />

J ’ai été heureux d’apprendre pendant les vacances, par Mr le<br />

Supérieur du Séminaire et par Mr l’abbé Rousselot, que la santé<br />

de votre Grandeur étoit entièrement rétablie. Je fais les vœux les<br />

plus ardents pour que Dieu conserve de longues années encore<br />

cette santé si précieuse à l’église et en particulier au diocèse de<br />

Grenoble.<br />

Veuillez...<br />

t J. HlPPOLYTE É vêque d e Viviers<br />

Mercredi 26 novembre 1847<br />

350. BILLET DE MGR DE BRUILLARD au chanoine Rousselot<br />

Original entièrement de la main de l’évêque (1 f. recto pliée 17,8 cm x<br />

23) : EG 73.<br />

Note. De même que la lettre de l’évêque de Viviers (doc. 349), ce billet<br />

nous transmet l’écho d’une difficulté soulevée lors des Conférences : en engageant<br />

son autorité à propos d’une apparition, l’autorité diocésaine court le risque<br />

d’avoir un jour à se dédire.<br />

Gr[enoble] 24 nov.<br />

Mgr de Bonald vient de me répondre en date du 21 (1). Il<br />

m ’a mandé qu’il n ’a pas eu besoin de se rétracter sur les visions<br />

et révélations de sa diocésaine du Puy (2), parce qu’il n ’y avait<br />

jamais cru.<br />

Salutem in D[omi]no<br />

tPH[ILIBERT] Epjiscopus] Grfatianopolitanus]<br />

Vendredi 26 novembre 1847<br />

351. ARTICLE DE L'UNIVERS, 15' année, n° 359, p. la-d<br />

Auteur : Louis Veuillot, dont les Mélanges, 2. éd., t. III, Paris 1861, p. 44-<br />

52, reproduisent l’article qui, dans l’Univers, est anonyme. — Sut L. Veuillot et<br />

la Salette, voir Annales, janvier et février 1914, p. 247-251, 276-286.<br />

Dates. L’article, paru dans l’Univers du 26 novembre, est daté de la veille.<br />

Dans les Mélanges, l’article est daté du 27 octobre.<br />

Contenu. Ce très long article — il occupe les quatre cinquièmes de la<br />

première page du journal — a été publié à l’occasion de la parution du Nouveau 1<br />

(1) Cette lettre est également mentionnée dans le doc. 395.<br />

(2) Le cardinal de Bonald avait été évêque du Puy de 1823 à 1839-<br />

215


Doc. 351<br />

<strong>Documents</strong><br />

récit de Mgr Villecourt (doc. 309). L’article présente l’apparition et ses suites.<br />

On trouvera ci-dessous deux extraits du commentaire de L. Veuillot.<br />

[p. lb] Assurément, il est de ceux qui ont le droit de parler dans<br />

l’Eglise, et personne ne contestera ni sa sincérité ni sa compétence.<br />

Néanmoins, le pieux prélat n ’a rien voulu faire sans l’agrément<br />

de son vénérable collègue, Mgr l’évêque de Grenoble. Il lui a<br />

soumis son manuscrit, et ce dernier l’a corrigé en certains endroits,<br />

de sorte qu’aujourd’hui la réalité de l’apparition et de ses suites<br />

nous est attestée par deux évêques.<br />

[Après avoir reproduit des extraits du Nouveau Récit de Mgr<br />

Villecourt, L. Veuillot conclut (p. ld) :] La sagesse éternelle, qui<br />

se rit des vains projets des hommes, contraindra l’incrédulité de<br />

notre âge à voir s'accomplir en sa présence, malgré ses clameurs,<br />

des prodiges semblables à ceux dont elle conteste l’existence dans<br />

les âges passés : une apparition, des conversions soudaines, des<br />

guérisons étonnantes et miraculeuses, un désert qui va devenir une<br />

ville par le concours des pèlerins, absolument comme si nous étions<br />

encore au dixième siècle, et même avec plus de rapidité, et en<br />

même temps une population nombreuse, remontant par un<br />

invincible effort la pente de l’irréligion sur laquelle elle commençait<br />

de descendre. Gloire à Dieu !<br />

Samedi 27 novembre 1847<br />

352. ANNOTATIONS DE LA MAIN DE L’ABBÉ LOUIS PERRIN,<br />

curé de la Salette, portées sur l’original des attestations de Pra et<br />

de Selme (doc. 296 et 297)<br />

Note. Le curé de la Salette vise les attestations de Pra et de Selme, les<br />

patrons des deux bergers à l’époque de l’apparition, sur la demande de l’avocat<br />

Dumanoir (voir le doc. 353).<br />

Annotation à l'attestation de J. B. Pra (doc. 296)<br />

Je déclare, d ’après la connaissance que j’en ai d ’ailleurs, que<br />

la présente attestation de Baptiste Pra, bon catholique, digne de<br />

foi, est conforme à la vérité, moins la circonstance de la vérification<br />

de la fontaine, détail que n’a pas compris le rédacteur de l’écrit.<br />

Baptiste Pra vient de me certifier que ce n ’est pas le lendemain à<br />

six heures du matin, mais seulement le surlendemain à midi,<br />

21 sept., qu’il a été sur la montagne, vérifier si la fontaine couloit,<br />

selon que le lui avoit assuré Mélanie Mathieu, le 19 au soir. Il a<br />

vu que la fontaine fluoit réellement et il a puisé de l’eau pour<br />

boire en travaillant à sa prairie voisine.<br />

La Salette-Pallavaux 27 nov. 1847.<br />

Perrin curé<br />

Annotation à l'attestation de Pierre Selme (doc. 297)<br />

Je déclare que la présente attestation de Pierre Selme, homme<br />

216


27 novembre 1847 Doc. 353<br />

digne de foi, est en tout conforme à l’exacte vérité. Les détails<br />

qu’elle renferme sont parfaitement en rapport, avec ceux que<br />

d ’autres personnes m’avoient donnés auparavant.<br />

La Salette-Fallavaux 27 nov. 1847.<br />

Perrin curé<br />

353. LETTRE DE L’ABBÉ LOUIS PERRIN, curé de la Salette, à<br />

l’avocat Dumanoir<br />

Original (1 f. 20,5 cm x 15,5) : EGD 71.<br />

O bjet : les attestations de J.B. Pra et Pierre Selme, que Dumanoir avait<br />

recueillies deux mois plus tôt et qu’il a demandé au curé de la Salette de viser.<br />

Très respectable Monsieur,<br />

Je m ’empresse de satisfaire de suite et autant qu’il m ’est<br />

possible à votre demande. Ignorant comment vous aviez pu faire<br />

rédiger ces procès-verbaux, je viens de faire appeler Baptiste Pra et<br />

Pierre Selme, et ils m ’ont expliqué l’énigme en me disant que ces<br />

procès-verbaux avoient été faits dans leur maison, en leur présence,<br />

par un Monsieur de Grenoble qu’ils appellent un avocat, et que<br />

ces pièces étoient réellement revêtues de leur propre signature.<br />

Cependant une erreur a été utile à quelque chose. Je leur ai fait<br />

lecture de ces écrits, Pierre Selme a assuré que le sien étoit exact,<br />

conforme à la vérité, et tel qu’il a fait la déposition des détails au<br />

Monsieur qui l’a rédigé. Baptiste Pra a assuré que son écrit étoit<br />

aussi conforme à la vérité, moins la circonstance du tarissement et<br />

du retour de l’eau de la fontaine : il se rappelle bien que huit<br />

jours avant l’apparition, travaillant à sa prairie voisine, il fut pour<br />

puiser de l’eau à la fontaine et la trouva entièrement sèche ; il se<br />

rappelle aussi que le soir du 19 sept. 1846, Mélanie \verso\ lui dit<br />

que la fontaine couloit, mais il n ’est pas vrai qu’il soit allé le<br />

lendemain sur la montagne pour vérifier le fait de la fontaine, il y<br />

est seulement allé le lundi 21 à midi en travaillant à sa prairie, et<br />

il a vu la fontaine qui couloit et y a puisé de l’eau. Mais il faut<br />

observer que le dimanche 20, il avoit fait une pluie très-abondante.<br />

Il n ’est pas vrai non plus qu’il eût remarqué que les années<br />

précédentes la fontaine fut moins abondante. Il résulte de ces<br />

observations, vénérable Monsieur, que je n ’ai pu signer ce procèsverbal<br />

qu’en y ajoutant la rectification que vous y lisez.<br />

La fontaine ayant été intermittente avant l’apparition qui fut<br />

immédiatement suivie d ’une pluie très-abondante, et n ’ayant point<br />

vu de sécheresse considérable depuis cette époque, si ce n’est celle<br />

du mois de Mai, où les montagnes étoient encore chargées de<br />

neige, il n’y a que la suite qui puisse prouver si réellement elle<br />

217


Doc. 353<br />

<strong>Documents</strong><br />

est miraculeuse dans son origine, bien qu’elle le soit déjà depuis<br />

long-temps dans ses effets. Voilà quel est mon sentiment à cet<br />

égard.<br />

Daignez agréer...<br />

Pe r r in curé<br />

La Salette 21 nov. 1847.<br />

Lundi 29 novembre 1847<br />

Év é n e m e n t. Sixième Conférence à l’évêché.<br />

356. ENTREFILET DE LA GAZETTE DE FRANCE, n° du 29<br />

novembre 1847, p. 2a (PBN)<br />

La Gazette de France avait pour directeur Antoine-Eugène de Genoude<br />

1792-1849- D ’origine modeste — son père avait tenu un café à Grenoble — il<br />

avait été anobli par Louis XVIII. Devenu veuf en 1834, il entra dans les ordres,<br />

tout en continuant son activité littéraire et politique (BASSETTE, p. 88). — Sous<br />

la Monarchie de juillet, la Gazette, organe des légitimistes, suivait une ligne<br />

politique modérée.<br />

Contexte. L’entrefilet s’inscrit dans une polémique entre la Gazette et<br />

YUnivers, journaux qui tous deux se veulent catholiques. La polémique porte sur<br />

les affaires de Suisse et, plus particulièrement, sur l’opportunité du « Sonderbund »<br />

(alliance formée par les cantons catholiques), qui s’effondra après la capitulation<br />

de Lucerne devant l’armée fédérale, le 24 novembre. Contrairement à la Gazette,<br />

les rédacteurs de l ’Univers étaient des partisans farouches du « Sonderbund », ce<br />

qui, selon certains, était révélateur de leur mentalité réactionnaire. Toujours estil<br />

que, dans YUnivers du 26 novembre, l’article sur la Salette (doc. 351) était<br />

immédiatement suivi d’une attaque dirigée contre la Gazette. Le lendemain (27<br />

novembre) celle-ci répondait qu’en allumant le flambeau de la foi, le Christ n’a<br />

pas éteint le flambeau de la raison, « puisqu’il est la raison et la lumière ».<br />

L’entrefilet du 29 novembre veut montrer que YUnivers se laisse entraîner à des<br />

exagérations.<br />

Nous invitons YUnivers, qui nous parle de ce qu’il appelle le<br />

miracle de la Salette, à lire le mandement de Fléchier sur la croix<br />

de Saint-Gervasi (1). Il y verra l’esprit de sagesse que ce grand<br />

évêque apportait à l’égard des prétendus miracles.<br />

« Ne vous faites pas un honneur, disait Fléchier, de raconter<br />

les miracles que vous imaginez avoir vus ou que vous avez ouï<br />

tumultueusement proclamer ; car, comme les vrais servent à<br />

confirmer la foi, à nourrir la piété, à soutenir les gens de bien et<br />

à confondre les impies, les faux offensent la vérité, qui est l’âme *191<br />

(1) E. Fléchier, 1632-1710, prédicateur célèbre et évêque de Nîmes. — En 1706, il<br />

autorisa un berger nommé Bertoumieu à dresser une croix sur un monticule situé dans la<br />

paroisse de Saint-Gervasy. Les manifestations de piété populaire qui s’ensuivirent provoquèrent<br />

bientôt chez lui quelque inquiétude (R. SAUZET, « Miracle et Contre-Réforme en Bas-<br />

Languedoc sous Louis XIV », dans Revue d'histoire de la spiritualité, 48 [1972], p. 179-<br />

191, en particulier 184 et suivantes).<br />

218


29 novembre 1847 Doc. 358<br />

de la religion, induisent les faibles à erreur, donnent matière aux<br />

railleries, fondent aux ennemis de l’Eglise un nouveau droit de la<br />

calomnier, et fournissent à tous les esprits mal intentionnés, par<br />

ces miracles qui sont faux, des préjugés contre ceux qui sont<br />

véritables. »<br />

« Nous défendons aux curés, aux ecclésiastiques, ou aux<br />

religieux qui se trouveront présens aux dévotions de cette croix,<br />

de donner des attestations de miracles dont on ne peut sainement<br />

juger sans les avoir examinés. Les acclamations du peuple ne font<br />

qu’une impression légère, une impétuosité de foi leur fait presque<br />

voir ce qu’ils ne voient pas. Quand ce feu de persuasion est<br />

refroidi, on les détrompe facilement (2). »<br />

En parlant comme Fléchier, nous sommes avec les protestans.<br />

Au reste, Y Univers se regimbe en vain contre le mouvement<br />

qui se fait en Europe, et qui a pour but de séparer le catholicisme<br />

de toutes les folies que ce journal voudrait unir à la religion. Le<br />

feu détruira partout les abus du moyen-âge (3), afin que les<br />

peuples qui sont sortis de l’Eglise puissent y rentrer.<br />

Oui, il faut régler l’exercice de la liberté religieuse partout. Il<br />

n ’est pas permis à des catholiques d ’imposer des opinions comme<br />

des dogmes ; c’est abuser de la liberté religieuse, et Y Univers ne<br />

cesse de se rendre coupable de cette faute vraiment grave dans<br />

tous les temps, et surtout dans ce temps-ci.<br />

358. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à Mgr de Bruillard<br />

Original (1 f. 30 cm x 40 pliée) : EG 96.<br />

Ci-dessous on trouvera tout ce qui, dans la lettre, concerne la Salette.<br />

Monseigneur,<br />

Je commence par remercier V. Grandeur des bontés, dont elle<br />

m ’a honoré, pendant mon séjour à Grenoble. Mme la Supérieure<br />

des Sœurs de la Providence, Maximin et Mélanie se joignent à<br />

moi pour vous exprimer la même pensée et les mêmes sentiments.<br />

Les quatre voyageurs ont fait retour en [?] bon port, et les secours<br />

de route ont été suffisants. En descendant de voiture, Maximin se<br />

détourna à la Cure, pour souper. Dès qu’il eut pris son potage, il<br />

refusa tout autre chose. Tu es déjà rassasié, lui dis-je ? oui, du<br />

plaisir d’être arrivé, répondit-il ; ici, il n’y a pas tant de pratiques<br />

qu’à Grenoble, pour me faire parler.<br />

[Melin traite ensuite d’affaires administratives.]<br />

(2) Lettre pastorale du 21 juillet 1706, dans les Oeuvres complètes, éd. Migne, 1856,<br />

t. I, col. 479-489 (le passage cité, col. 486-487).<br />

(3) Allusion à la conclusion de l’article de L. Veuillot (doc. 351).<br />

219


Doc. 358<br />

<strong>Documents</strong><br />

[(p. 2)...] Mr Rousselot m’a demandé un procès verbal de la<br />

guérison de la femme Laurent de Corps ; je le crois tout à fait<br />

inutile. Ce fait est imprimé, depuis bientôt un an ; il n’a été<br />

contredit par personne ; il est attesté par un certificat en règle du<br />

médecin (*) ; c’est perdre le temps, avec l’opposition, que de<br />

chercher à la satisfaire, quand elle ne peut attaquer des faits, si<br />

patents, sans s’exposer à la censure des vrais philosophes.<br />

[p. 3] La guérison de la femme Laurent est un fait extérieur,<br />

apparent, qui est attesté non pas, par quelques témoins, mais par<br />

deux ou trois mille personnes qui l’ont vue avant et après le<br />

changement qui s’est opéré dans sa position (**).<br />

J ’ai l’honneur...<br />

MÉLIN Archiptre<br />

Corps 29 nov. 1847<br />

* 360. PROCÈS-VERBAL DE LA SIXIÈME CONFÉRENCE à<br />

l’évêché de Grenoble<br />

Manuscrit de la main du chanoine Chambon (1 f. pliée 30,5 cm x 40) :<br />

EGD 81.<br />

Examen des guérisons. Avec la sixième Conférence commence l’examen des<br />

guérisons attribuées à N.D. de la Salette. Pour compléter ses dossiers, Rousselot<br />

a écrit ou fait écrire de divers côtés : à Avignon (doc. 355), à Corps (cf. doc. 358 ;<br />

doc. 368) et ailleurs, comme le montrent les réponses qu’il reçoit (doc. 359, 363,<br />

etc.). Lors de la séance du 29 novembre, il présente d’abord ce que, dans une<br />

lettre à Mélin (doc. 368), il appellera ses « deux pièces de 43 » (guérisons de<br />

Sœur Saint-Charles et de Mélanie Gamon, survenues respectivement le 16 avril<br />

et 15 août 1847), puis trois autres guérisons. L’examen fut très sommaire,<br />

puisqu’il dura moins de deux heures.<br />

Sixième Conférence<br />

sur l’événement de la Salette<br />

29 nov. 1847<br />

La séance a commencé à une heure et un quart par la lecture<br />

du procès verbal. Elle a été consacrée presque tout


30 novembre 1847 Doc. 362<br />

parvenue à son [sic] plus extrême période, et celui [biffé:<br />

d ’une autre religieuse] de \ Mélanie Gamon / de S. Félicien<br />

\ (Ardèche), / guérie également sur le champ, de plaies invétérées<br />

et d’une déviation de l’épine dorsale, ont paru produire une<br />

grande impression sur l’assemblée. Quelques objections ont été<br />

faites, quelques faits analogues ont été cités. La majorité n’a pas<br />

reconnu la parité, soit parce que la guérison n ’a pas été instantanée,<br />

soit parce qu’on ne produit pas de certificats de médecins constatant<br />

la maladie. D ’ailleurs, a-t-il été ajouté, si ces faits sont certains<br />

et authentiques, s’il faut les accepter comme miraculeux, rien<br />

n ’empêche, et la question de la Salette n ’en est pas atteinte. La<br />

majorité n’a pas admis non plus la parité de quelques miracles du<br />

bienheureux La Salle qui [p. 2] bien que certains et avérés ont été<br />

rejetés cependant par la procédure de la canonisation, parce que<br />

l’Eglise est moins sévère et moins exigeante dans les questions du<br />

genre de celle qui occupe la Commission (2).<br />

Un membre a proposé de scinder la question ainsi : Y a-t-il<br />

eu guérison ? La guérison est-elle miraculeuse ?<br />

Monseigneur a demandé à l’assemblée si les deux faits cités<br />

par M. le Rapporteur lui paraissaient miraculeux et suffisamment<br />

prouvés. Sur seize membres qui composaient l’assemblée, treize se<br />

sont prononcés par l’affirmative, trois contre.<br />

M. le Rapporteur a lu le récit de trois autres miracles (3). La<br />

majorité les a acceptés comme respectables et de nature à produire<br />

une impression très favorable ; mais elle a paru juger que, s’ils<br />

étaient seuls, ils ne suffiraient pas pour établir une démonstration<br />

rigoureuse.<br />

Monseigneur lève la séance à trois heures.<br />

Mardi 30 novembre 1847<br />

362. DEUX ENTREFILETS DE L'UNIVERS, 15' année, n° 362,<br />

p. lcd - 2a<br />

Auteur : Louis Veuillot, qui a reproduit l’un et l’autre texte dans ses<br />

Mélanges (2. éd., t. III, Paris 1861, p. 52-57).<br />

(2) Malgré le caractère embarrassé de la rédaction, le sens de la phrase est clair. La<br />

majorité de la Commission rappelle que des miracles « rejetés » dans un procès de<br />

canonisation, i.e. non admis comme preuves dans un tel procès, peuvent être cités comme<br />

preuves à propos d ’une affaire comme celle de la Salette. En effet, il n'y a point « parité »<br />

entre les deux cas : dans l’un, il s’agit de proclamer un nouveau saint, dans l’autre, on se<br />

prononce seulement au sujet d ’un acte attribué à une sainte déjà universellement honorée<br />

dans l’Eglise.<br />

(3) Quels sont ces trois miracles ? — Si, parmi les guérisons énumérées dans le<br />

Rapport, on élimine celles que Rousselot a biffées, celles pour lesquelles il lui manque<br />

encore des précisions ou des pièces justificatives et enfin celle de V. Sauvet, qui sera<br />

présentée Ion de la septième Conférence, il reste, dans l’ordre du Rapport, les guérisons<br />

de Soeur Prouvèze, de Soeur Angélique Carbasse, de Soeur Saint-Antoine Granet, de<br />

Henriette Luya et de Sylvie Julien. Rousselot aura probablement présenté les trois premières<br />

de ce groupe.<br />

221


Doc. 362<br />

<strong>Documents</strong><br />

LE PREMIER ENTREFILET répond à la Gazette de la veille (doc. 356).<br />

Après avoir reproduit une partie de la citation de Fléchier et observé que « ce<br />

que la Gazette rapporte est fort sage », L. Veuillot rappelle que « ce n’est pas<br />

Y Univers qui a parlé de ce qu’il appelle en effet le miracle de la Sal/ette », mais<br />

un évêque, avec l’approbation de l’évêque responsable, qui « a pris lui-même, et<br />

nous l’avons dit, les précautions que Fléchier recommande ».<br />

Il reproche ensuite à la Gazette de ne souffler mot de tout cela et reproduit<br />

les deux derniers paragraphes de celle-ci, qu’il commente ainsi :<br />

[p. ld] La Gazette rentre ici dans la thèse politique des corpsfrancs<br />

et dans la thèse religieuse de M. le pasteur Athanase<br />

Coquerel. La pente est si forte ! Les corps-francs détruisent en<br />

effet les abus du moyen-âge, congrégations, pèlerinages, couvents,<br />

dévotions à la sainte Vierge et autres folies, par le feu. Ils règlent,<br />

comme on sait et comme on voit, l’exercice de la liberté religieuse ;<br />

ils pillent, ruinent et tuent les ultramontains pour leur apprendre<br />

à ne pas imposer leurs opinions (1). C’est un peu sévère ! La<br />

Gazette, si célèbre par son angélique charité, devrait s’en tenir<br />

aux moyens plus doux de M. le pasteur Coquerel. On sait que ce<br />

pieux chrétien, dans le saint désir qui le presse de faire rentrer<br />

dans l’Eglise les peuples qui en sont sortis, propose d ’en détruire<br />

les portes et d ’en abattre les murailles. [...]<br />

LE DEUXIÈME ENTREFILET répond au Conservateur (doc. 357) :<br />

[p. 2a] Une feuille ministérielle, qui ne vaut pas encore<br />

l’honneur d ’être nommée (2), déplore en termes touchants le tort<br />

que nous faisons « à la grande et sainte cause du christianisme et<br />

de l’Eglise catholique, en publiant tout au long le récit d ’un<br />

nouveau miracle. » Cette feuille demande ce que « diraient les<br />

Bonald, les Frayssinous, les de Maistre, eux qui, etc., « s’ils voyaient<br />

quelques jeunes hommes que rien n ’autorise vouloir aujourd’hui<br />

faire descendre jusqu’à eux ce qu’il y a de plus respectable et<br />

souiller de leurs exagérations factices la dignité du sanctuaire. »<br />

Ces quelques jeunes hommes que rien n ’autorise, on les connaît<br />

(3) ; mais la feuille ministérielle n ’en sait rien, non plus que<br />

la feuille gallicane, et poursuit son pathos : « Les esprits sont donc<br />

bien abaissés aujourd’hui, pour que ce qui fut défendu autrefois<br />

par des génies éminents se trouve maintenant livré aux entreprises<br />

de quelques intelligences grossières et aux visions d ’une ignorance<br />

ridicule. » Point d ’exclamation.<br />

~Le feuille ministérielle nous fait voir ensuite qu’elle a fréquenté<br />

les Saints-Pères. « Ce n’était pas ainsi que le [sic] Athanase, les 1<br />

(1) La même page de l’Univers contient un article intitulé « Les radicaux du Valais »,<br />

sur les atrocités commises par la «Jeune-Suisse ».<br />

(2) La Gazette de France du 30 novembre, p. 3b, indique qu’il s’agit du Conservateur.<br />

(3) Ce sont les rédacteur de l'Univers.<br />

222


2 décembre 1847 Doc. 367<br />

Ambroise, les Jérôme et les Augustin combattaient le paganisme<br />

expirant. » Nous demandons ce qu’en savent les éloquents écrivains<br />

? Mais bast ! [...]<br />

Mercredi 1" décembre 1847<br />

366. LA VOIX DE L ’ÉGLISE, n° du 1" décembre 1847, p. 184-<br />

185, 189 : compte rendu du Nouveau récit de Mgr Villecourt et<br />

annonce d ’un « miracle opéré à Blois » (*)<br />

Remarque. Noter les conclusions que la revue tire de la publication du livre<br />

écrit par l'évêque de la Rochelle, ainsi que de l’autorisation, accordée par<br />

l’archevêque de Lyon à l ’c association réparatrice », de s’établir dans son diocèse.<br />

[...] Ce que nous dirons, c’est qu’après une telle publication,<br />

qui nous fait espérer, d ’ailleurs, [p. 185] que celle de l’approbation<br />

de Mgr de Grenoble suivra de près, et qui nous assure que, à<br />

Rome même, on ne doute pas, il n ’est plus permis à un catholique<br />

d ’élever des doutes n ’y [sic] d’opposer des difficultés ; c’est que<br />

désormais nous n’aurons à combattre sur ce fait que ceux qui ne<br />

veulent pas de la réforme des mœurs demandée par la sainte<br />

Vierge.<br />

D ’autre part, on voit, dans ce numéro même (1), que S.E. le<br />

Cardinal-Archevêque de Lyon vient d ’approuver les prières de la<br />

religieuse de Tours, la Croix de Y Association réparatrice et la<br />

médaille avec leurs légendes, etc., et l’on sait que S.S. Pie IX a<br />

élevé l’Association à la dignité d ’Archiconfrérie, qu’il l’a enrichie<br />

d ’abondantes indulgences. Or, cette Association avec ses prières,<br />

etc., formait l’objet principal des révélations de Tours, qui reçoivent<br />

ainsi la plus haute consécration que jamais révélations aient reçues<br />

du vivant de leur auteur (2). Par là, les faits principaux racontés<br />

dans nos Avertissements du Ciel (3) sont mis hors de litige. Nous<br />

pourrons bientôt en ajouter d’autres.<br />

MjATHIEU]<br />

Jeudi 2 décembre 1847<br />

367. LETTRE DE M. DUPONT, « le saint homme de Tours », à<br />

l’abbé Mélin<br />

Original (4 p. en 1 f. pliée 20,5 cm x 26,5) : EG 116.<br />

[p. 3] L’écrit de Mgr de [sic] Villecourt est donc appelé à faire du<br />

bien [...]<br />

(*) 11 s’agit de la guérison de Joséphine Leblais, arrivée le 19-20 septembre.<br />

(lj Même numéro de la Voix de l'Eglise, p. 188-189.<br />

(2) La Voix de l'Eglise suit ici la version Le Brument (cf. l’introd. au doc. 259). On<br />

peut être certain que le Cardinal de Bonald, si soucieux de ne pas compromettre l’autorité<br />

ecclésiastique à propos de faits extraordinaires, n ’a pas eu l’intention d ’approuver, à propos<br />

de l'association réparatrice, des révélations venues de Tours ou d ’ailleurs.<br />

(3) Doc. 179 ; cf. aussi doc. 130 bis.<br />

223


■Doc. 367<br />

<strong>Documents</strong><br />

Je ne l'ai pas entièrement parcouru. A la page 81 j’ai cru<br />

reconnaître l’identité du personnage auquel Mgr fait allusion, avec<br />

le curé de Grenoble qui le 27 juillet vint sur la montagne éprouver<br />

ce qu’était une âme inspirée d ’en haut (*). Mélanie le fit tomber<br />

dans un grand embarras, en lui disant : Est-ce que vous essayez<br />

de comprendre un mystère. — J ’aimerais bien apprendre que le<br />

digne ecclésiastique, à qui tout le monde rend hommage à<br />

Grenoble, n ’a pas attendu tout ce qui se passe [?] maintenant<br />

pour modifier ses pensées [... ]<br />

Voilà l’œuvre contre le blasphème, établie à Grenoble, et<br />

malgré les provocations d ’un imprimeur de Paris, établie sur les<br />

bases de la révélation de Tours (**). [...]<br />

Samedi 4 décembre 1847<br />

368 bis. RAPPORT DU DR EDME GAGNIARD SUR LA GUÉRI­<br />

SON D ’ANTOINETTE BOLLENAT<br />

Exemplaire signé par le docteùr (1 f. pliée 26 cm x 41) : EG 119. —<br />

Édition incomplète dans la Voix de l'Église, 1" février 1848, p. 213-214 ; même<br />

texte incomplet dans Vérité, p. 163-166 et GlRAYl, p. 203-206.<br />

Ci-dessous nous éditons intégralement le manuscrit de Grenoble.<br />

Je soussigné docteur en médecine de la faculté de Paris,<br />

demeurant à Avallon (Yonne) certifie avoir donné mes soins à<br />

Marie Antoinette Bolenat (1), depuis 1830 jusqu’en 1847, et avoir,<br />

pendant le cours de sa maladie qui a duré 19 à 20 ans, observé ce<br />

qui suit :<br />

Marie Antoinette Bolenat, âgée de 33 ans, d ’un tempérament<br />

lymphatique et sanguin, avoit eu une bonne santé jusqu’à l’âge<br />

de 12 ans ; à cette époque elle fut jet/ée par terre et accablée de<br />

coups par une femme qui, en même tenu, lui appuya violemment<br />

le genou sur la poitrine et sur la région épigastrique. A partir de<br />

ce moment, elle a toujours souffert de l’estomac et, un an après,<br />

1828, les vomissemens commencèrent et se continuèrent avec<br />

quelques rares intermittences (2), jusqu’en 1843. Depuis ce tenu<br />

les vomissemens n ’ont point cessé, c’est-à-dire que le moindre<br />

aliment, une cuillerée de lait, \ de bouillon, / d’eau même étoit,<br />

[biffe': rejetée] presque toujours, rejetée [biffé: elle n ’a jamais<br />

pris depuis cette dernière époque de bouillon sans le rejet/er<br />

immédiatement.]<br />

(*) M. Dupont s’était trouvé à la Salette en même temps que l’abbé Cartellier, curé<br />

de Saint-Joseph. Mgr Villecourt semble faire plutôt allusion au vicaire général Berthier (cf.<br />

doc. 223).<br />

(**) M. Dupont semble ignorer que l’imprimeur de Paris suit les directives de Mgr<br />

Parisis, de qui dépend l’archiconfrérie réparatrice (cf. doc. 259).<br />

(1) Le présent document orthographie toujours ce nom avec un seul /.<br />

(2) Le document renvoie ici à une 1" note marginale, que nous reproduirons plus<br />

loin, à la suite du texte.<br />

224


4 décembre 1847 Doc. 368 bis<br />

En 1840 les douleurs de l’estomac devinrent intolérables au<br />

moindre contact ; à peine la main effleuroit-elle la peau de cette<br />

région qu’une syncope produite par la douleur, se manifestoit. Je<br />

profitai d ’une de ces syncopes pour palper la région épigastrique<br />

où je découvris alors une tumeur grosse comme un œuf de poule ;<br />

cette tumeur alla toujours en augmentant, et dans ces derniers<br />

temps elle occupoit la région épigastrique entière et tout l’hypocondre<br />

gauche. Cette tumeur n ’offroit aucun des caractères d’un<br />

anévrisme, je la crus squirreuse (3).<br />

Les syncopes devinrent de plus en plus fréquentes et [p. 2]<br />

longues. Elles se renouvelèrent jusqu’à 10, 20, 30 fois dans les<br />

24 heures durant, de dix minutes à une deux et même, une fois,<br />

trois heures, et cela, au moindre mouvement soit qu’on soulevât<br />

un peu la malade ou qu’on la changeât de lit, soit qu’elle eût un<br />

accès de toux un peu plus fort qu’à l’ordinaire, ou qu’elle éprouvât<br />

la plus petite émotion morale.<br />

Il survint aussi vers 1847 une toux incessante qui ne lui laissoit<br />

pas une seule seconde de repos. Cette toux qui fut toujours le<br />

plus grand tourment de la malade et par elle-même et par les<br />

douleurs d ’estomac qu’elle renouveloit sans cesse, dura trois mois<br />

entiers, la première fois qu’elle se manifesta, malgré toute espèce<br />

de médications : opiacés, allérants [?], antispasmodiques etc., etc.<br />

Enfin elle céda comme par enchantement à une saignée que la<br />

malade avoit toujours refusée jusque-là. Depuis lors, à chaque<br />

retour de cette toux, une petite saignée qui n ’étoit sur la fin que<br />

de deux ou trois cuillerées en faisoient justice. — J ’ai pratiqué<br />

ainsi {biffé : dix à douze] \ 24 / saignées {biffé : par an] les deux<br />

dernières années jusqu’en 1847.<br />

Les douleurs, le séjour au lit depuis 3 ans, la diète absolue<br />

avoient réduit la malade à un état de maigreur et de faiblesse<br />

extrême. Sa voix éteinte ne dépassoit plus le bord des lèvres ;<br />

fièvre, sueurs nocturnes, douleurs épigastriques atroces, figure<br />

hippocratique (4). Depuis 8 jours, on n ’avoit pu changer la malade<br />

de lit ; je voulus palper encore une fois la tumeur qui occupoit la<br />

partie supérieure et latérale gauche du ventre ; mais la douleur<br />

fut si vive que je dus y renoncer (5) et que je quittai la malade<br />

pendant la syncope en prévenant les parens que je ne voulois plus<br />

rien faire, que tout remède étoit inutile, et qu’il falloit laisser<br />

mourir cette pauvre fille en repos, ce qui ne pouvoit tarder. Tel<br />

étoit l’état où se trouvoit A. Bolenat le 19 novembre 1847. Je n ’y<br />

retournai pas le 20 ; mais le 22 on vint me dire que le 21 au soir<br />

elle étoit guérie.<br />

(3) Squirre : tumeur dure, indolore.<br />

(4) Figure hippocratique : figure qui ressemble à celle d’un moribond.<br />

(5) 2' note marginale (voir plus loin).<br />

225


Doc. 368 bis<br />

<strong>Documents</strong><br />

Je ne crus pas d’abord à cette guérison, mais le lendemain<br />

23, quand dès le matin je vis ma malade levée, venant au-devant<br />

de moi avec un air de bonheur indicible, restant sur ses jambes<br />

tout le tenu de ma visite, me parlant avec force [p. 3] et énergie,<br />

me disant que le 21 novembre à 6 h du soir elle s’étoit levée<br />

seule, sans aide, avoit mis ses bas (6), s’étoit présentée devant ses<br />

parens stupéfaits, avoit mangé le soir deux potages gras et des<br />

légumes, s’étoit endormie sur son côté gauche sur lequel elle ne<br />

s’étoit pas couchée depuis 10 ans, avoit dormi toute la nuit ; que<br />

le lendemain 22 elle avoit fait quatre repas dont deux se<br />

composoient de saucisses et de côtelettes, avoit passé la journée<br />

entière jouissant d ’une parfaite santé, recevant et reconduisant<br />

toutes les personnes qui venoient la voir ; que ce même jour elle<br />

étoit restée jusqu’à 11 h 1/2 du soir à m ’attendre, que la nuit<br />

avoit été excellente ; quand dis-je le surlendemain 23, je la vis<br />

dès le matin occupée à prendre une tasse de lait au café avec force<br />

pain, que je la trouvai sans douleur dans le ventre, digérant tout,<br />

ne vomissant rien, quand enfin j’eus palpé avec force et avec le<br />

plus grand soin les régions abdominales naguère si douloureuses,<br />

quand surtout, je ne sentis plus la tumeur (7), il fallut bien me<br />

rendre à l’évidence des faits.<br />

Depuis cette époque A. Bolenat marche, mange et dort<br />

comme on le fait en parfaite santé.<br />

RÉSUMONS<br />

1“ Depuis 17 ans A. Bolenat<br />

vomissoit tout ce qu’elle mangeoit,<br />

digéroit à peine quelque cuillerée de<br />

lait ou de bouillon ; les 3 derniers<br />

mois jusqu’au 21 nov. elle ne digéroit<br />

plus rien.<br />

2° Depuis 3 ans A. Bolenat n’a<br />

pas marché, est restée couchée sur<br />

son dos, pouvant à peine \ faire /<br />

exécuter quelques légers mouvemens<br />

à ses membres inférieurs.<br />

[p. 4] 3° Depuis 10 ans A. Bolenat<br />

ne pouvoit se coucher sur son côté<br />

gauche, étoit presque entièrement<br />

privée de sommeil.<br />

1° Le 21 nov. à 6h du soir sans<br />

transition aucune, sans qu’aucune<br />

crise se soit manifestée, elle mange<br />

et digère très bien un fort potage,<br />

des légumes et des fruits.<br />

2° Le 21 nov. A. Bolenat se lève,<br />

met ses vêtements, ses bas, se promène<br />

dans sa chambre.<br />

3° Le 21 nov. A. Bolenat se couche<br />

sur le côté gauche et dort toute la<br />

nuit.<br />

226<br />

(6) y note marginale (voir plus loin).<br />

(7) 4' note marginale (voir plus loin).


4 ° Depuis 19 ans, les douleurs<br />

d’estomac insupportables sur la fin,<br />

n’avoient jamais cessé.<br />

5 ° Depuis 7 ans une tumeur<br />

énorme existoit à la partie supérieure<br />

moyenne et latérale du ventre et<br />

depuis longtemr je n’employois plus<br />

aucune espèce de médications soit<br />

pour guérir cette tumeur, soit pour<br />

en arrêter le développement.<br />

6° Le 19 novembre 1847 A. Bolenat<br />

présentoit tous les symptômes d’une<br />

mon prochaine.<br />

6 décembre 1847 Doc. 369<br />

4° Le 21 nov., il ne reste plus<br />

aucune douleur \ ni / à la région<br />

épigastrique, \ ni à aucune autre partie<br />

de l’abdomen. /<br />

5 ° Le 21 nov. la tumeur a complètement<br />

disparu (8).<br />

6° Le 21 novembre et jours suivants<br />

nous l’avons vue pleine { b i f f é : de<br />

joie et] de santé (9).<br />

En foi de quoi j’ai délivré le présent certificat que je déclare<br />

sincère et véritable.<br />

Avallon 4 déc. 1847<br />

NOTES MARGINALES<br />

GAGNIARD d.m.P[aris (?)]<br />

(1) Ces intermittences étoient de 15 à 20 jours, trois ou quatre<br />

fois l’année.<br />

(2) Je me suis repenti depuis de n’avoir pas profité de cette<br />

syncope pour explorer la tumeur comme je le faisois d ’habitude,<br />

mais je ne doutois nullement de la présence de cette tumeur qui<br />

existoit depuis 7 ans, qui avoit été toujours en augmentant et que<br />

j’avois palpée et explorée il y a à peu près 3 ou 4 mois.<br />

(3) Depuis près de 3 ans les membres inférieurs ne pouvoient<br />

faire aucune mouvement. Quand on mettoit la malade sur un<br />

fauteuil une personne étoit obligée de soulever les jambes pour<br />

présenter les pieds au feu.<br />

(4) Aucun mouvement critique aucun écoulement quelconque<br />

purulent ou autre n’avoit eu lieu par aucune voie.<br />

Lundi 6 décembre 1847<br />

É v é n e m e n t. Septième Conférence à l’évêché.<br />

* 369. PROCÈS-VERBAL DE LA SEPTIÈME CONFÉRENCE à<br />

l’évêché de Grenoble<br />

Manuscrit de la main du chanoine Chambon (1 f. pliée 30,5 cm x 40) :<br />

EGD 82.<br />

(8) La Voix de l'Eglise, la Vérité, GlRAY ainsi que le Rapport Chanveau (doc. 509,<br />

p. 11 : extrait du présent certificat) ajoutent ici le contenu de la 44m' note marginale.<br />

(9) Légère inexactitude : d ’après le texte principal, le docteur Gagniard ne revit<br />

Antoinette que le 23 novembre.<br />

227


Doc. 369<br />

<strong>Documents</strong><br />

Septième Conférence<br />

sur l’événement de la Salette<br />

6 déc. 1847<br />

M. le Rapporteur lit plusieurs pièces relatives à la guérison de<br />

l’aveugle de Lalley (1).<br />

On oppose 1° le silence des médecins ; 2° l’opinion d ’une<br />

personne respectable de Corps (2), qui ne croit pas à ce miracle,<br />

bien que d ’ailleurs, elle professe une croyance entière au fait de<br />

l’apparition ; 3° une guérison analogue d ’Eybens (3).<br />

La majorité reprend 1° que le silence des médecins ne peut<br />

avoir aucune valeur contre le fait, parce que, en général, dans cet<br />

ordre de choses surnaturelles, ils ne consentent presque jamais à<br />

prêter leur concours, et que nous avons d ’ailleurs une multitude<br />

de témoignages capables de produire la conviction, en dehors des<br />

certificats de médecins.<br />

2° que l’opinion d’une personne, quelque respectable qu’elle<br />

soit, est d’un bien faible poids, contre cinquante autres non moins<br />

dignes de confiance.<br />

3° que la guérison de l’aveugle d’Eybens peut être miraculeuse<br />

aussi, et que dans tous les cas, on n ’y retrouve pas certaines<br />

circonstances essentielles qui recommandent la guérison de l’aveugle<br />

de Lalley. \verso] Monseigneur consulte l’assemblée. Le fait<br />

est unanimement accepté, sinon comme guérison certainement<br />

miraculeuse, au moins comme guérison extraordinaire (4).<br />

M. le Rapporteur lit des considérations générales écrites avec<br />

beaucoup de chaleur et de sentiment, sur les merveilles opérées<br />

dans l’ordre moral, à la suite de l’apparition (5). Un membre y<br />

ajoute l’exemple frappant {biffé: d ’une] de la (6) paroisse {biffé:<br />

des montagnes voisines] de \ Corps /, où on n ’avait pas vu un<br />

seul homme, le jour même de l’Ascension, un an auparavant (7), 1<br />

(1) Victorine Sauvet. Nous avons dit plus haut, p. 144-146, ce qu’il fallait penser de<br />

cette guérison. Ajoutons qu’au début de novembre le curé de Lalley avait transmis à Mgr<br />

de Bruillard les doutes que le patron de Victorine et le médecin traitant avaient exprimés<br />

au sujet de cette cécité (doc. 313, 316 et 324).<br />

(2) Il s’agit de Marie Aglot, qui avait été guérie elle-même l’année précédente par<br />

l’eau de la Salette (cf. LSDA I, p. 55). Sa belle-fille, qui portait le même nom, était un<br />

des signataires du procès-verbal de la guérison contestée (doc. 291). Rousselot {Vérité,<br />

p. 28) a confondu les deux. D’après Mélin, belle-mère et belle-fille auraient toutes deux<br />

cru au miracle (doc. 374).<br />

(3) Eybens : commune dans la banlieue sud de Grenoble.<br />

(4) Réponse à laquelle même les opposants peuvent souscrire : une guérison peut sortir<br />

du commun, sans être pour autant miraculeuse.<br />

(5) Doc. 310, p. 26-28 = Vérité, p. 192-195.<br />

(6) « de la » : mots écrits par-dessus « d'une ».<br />

(7) Nous n'avons jamais rencontré cette affirmation sous la plume du curé de Corps.<br />

Noter que les corrections aboutissant à « de la paroisse de Corps » sont peut-être d ’une<br />

autre main que de celle de Chambon, le rédacteur du procès-verbal. Le texte primitif<br />

parlait simplement « d ’une paroisse voisine », sans préciser laquelle. On rencontre le même<br />

vague à propos de la région de Corps dans un texte préparé par Rousselot au début de<br />

l’année 1848 (doc. 395, p. 1).<br />

228


9 décembre 1847 Doc. 372<br />

et qu’ils fréquentent maintenant avec édification. Monseigneur,<br />

pour appuyer ces observations, rappelle que plusieurs personnes<br />

racontent qu’elles se sont senties vivement et involontairement<br />

émues, et que leurs larmes ont coulé, quand elles sont arrivées sur<br />

le lieu de l’événement.<br />

M. le Rapporteur reprenant sa lecture, présente la solution<br />

des trois premières objections du rapport ; à savoir 1° sur<br />

l’inconvenance du langage ; 2° sur le défaut de sagesse dans les<br />

conseils qui recommandent de ne pas semer ; 3° sur l’exagération<br />

des promesses qui annoncent des monceaux de blé et de pommes<br />

de terre (8).<br />

Il est trois heures, Monseigneur lève la séance.<br />

Mercredi 8 décembre 1847<br />

ÉVÉNEMENT. A Avallon (Yonne), guérisons de Pierrette Gagnard et de Louise<br />

Boblin. Pierrette Gagnard, âgée de 32 ans, atteinte depuis cinq mois de cécité<br />

complète, avec céphalalgie frontale et plusieurs attaques de paralysie, guérit le<br />

dernier jour d’une neuvaine à N.D. de la Salette. Dossier : EG 119 ; Vérité,<br />

p. 166-181 ; Nouveaux documents, p. 127-137 ; GlRAY II, p. 307-308. Ces deux<br />

guérisons furent présentées à la Commission d’enquête chargée également<br />

d’examiner la guérison d’Antoinette Bollenat, mais, à la différence de cette<br />

dernière, elles n’aboutirent pas à un jugement épiscopal. On verra plus loin<br />

(doc. 509) pourquoi.<br />

Jeudi 9 décembre 1847<br />

372. LETTRE DE PIERRE PEYTARD, maire de la Salette-Fallavaux,<br />

au chanoine Rousselot<br />

Original (1 f. pliée 22,5 cm x 31) : EGD 84.<br />

Cachet postal : Corps, 12 décembre 1847.<br />

Monsieur le Vicaire Général,<br />

La Salette-Fallavaux, le 9 décembre 1847<br />

Vous m’avez fait l’honneur de m ’écrire le 24 nov. dernier<br />

me disant que Mgr l’Evêque vous ayant nommé Rapporteur dans<br />

l’affaire de la Salette vous aviez besoin de recueillir tous les<br />

renseignements qui se rattachent à ce fait important et vous me<br />

posez à cet égard, Monsieur le Vicaire Général, diverses questions<br />

auxquelles je réponds de la manière suivante :<br />

Sur la 1" question, Monsieur le Vicaire Général, je dis que je<br />

ne crois pas qu’il se trouve de personne plus dans le cas que vous<br />

d ’avoir pu apprécier en questionnant ces Enfants sur les lieux<br />

1° S’ils peuvent être trompeurs ou soit-il [sic] inventeurs de leur<br />

(8) Doc. 310, p. 30-31 = Vente', p. 203-206.<br />

229


Doc. 372<br />

<strong>Documents</strong><br />

récit, 2° S’ils ont pu le concerter, 3° Et enfin s’ils peuvent être<br />

dupes de quelque mystification.<br />

Sur la 2' question, je dis que depuis le 20 sept. 1846 jour où<br />

je fis subir un interrogatoire minutieux à ces Enfants (1), je n ’ai<br />

reconnu aucune variation dans le récit qu’ils débitent depuis près<br />

de quinze mois.<br />

Sur la 3' question je dis et j’affirme qu’aucune espèce de<br />

désordre n ’a eu lieu parmi la foule des pèlerins qui se transporta<br />

sur la montagne [verso\ le 19 septembre dernier ; que tout au<br />

contraire se passa dans un ordre on ne peut mieux parfait. A mon<br />

témoignage on peut y ajouter celui de la Brigade de Gendarmerie<br />

de Corps qui, ce jour-là, se transporta sur la montagne et y<br />

demeura constamment pendant toute la journée.<br />

Et enfin en dernier lieu, Monsieur le Vicaire Général, je dis<br />

qu’on peut ajouter foi aux dépositions de Baptiste Pra et de Pierre<br />

Selme, anciens maîtres de ces Enfants ; ils sont braves gens et je<br />

les crois incapables de mentir.<br />

Voilà, Monsieur le Vicaire Général, tous les renseignements<br />

que je puis vous fournir dans cette affaire.<br />

Je suis...<br />

Le Maire de la Salette-Fallavaux<br />

P. PEYTARD<br />

* 374 bis. MANUSCRITS LAGIER N.6 et N.7 : MSG 83 et 86<br />

Editions : voir LSD A I, p. 278.<br />

Manuscrit n° 6 (1 p.) : résumé des trois premières pages du premier<br />

interrogatoire de Mélanie par Lagier (doc. 96). Il est impossible de dater ce<br />

manuscrit, qui a pu être écrit en mars 1847 comme aussi plus tard, voire peu<br />

avant le décès de Lagier en 1859-<br />

Manuscrit n° 7 (7 p.): première partie du récit de Mélanie, jusqu’à<br />

« ensemensas per las terras » (doc. 96, v. 78). Ce manuscrit, plus développé par<br />

endroits que le doc. 184 bis, semble postérieur à celui-ci et antérieur au doc. 375.<br />

Cf. P. Andrieux, M.S., dans A p T II, p. 100-101.<br />

* 375. NOTES ET RÉCITS EXTRAITS DES NOTES DE L’ABBÉ<br />

LAGIER<br />

Manuscrit de la main de l’abbé Auvergne, pro-secrétaire à l’évêché de<br />

Grenoble (10 f. recto-verso dont 9 numérotées, 22 cm x 14) : EGD 31-35.<br />

Rousselot a marqué sur l’enveloppe : « N otes extraites de la Relation de M' 1<br />

(1) En réalité, le 20 septembre Peytard n ’a pu interroger que la seule Mélanie (cf. la<br />

Note critique ajoutée au doc. 305).<br />

230


Avant le 13 décembre 1847 ? Doc. 375<br />

l'Abbé Lagier [...]. M’ Lagier, natif de Corps, était dans son pays en février<br />

1847, et pendant 15 à 18 jours consécutifs il n’a cessé d'interroger les deux<br />

bergers. » — Edité dans Relations, n° 1177-1365. ‘<br />

Auteur. Il nous paraît plus probable que Lagier ait lui-même composé ce<br />

texte, qui est peut-être la « petite note » promise dans sa lettre du 22 novembre<br />

(doc. 345), et qu’Auvergne se soit borné à copier.<br />

Date. Ce manuscrit, dont a été tiré une partie du récit de Mélanie publié<br />

dans la Vérité, est peut-être antérieur à la première révision du Rapport Rousselot<br />

(doc. 376).<br />

Contenu. Evénements ayant précédé et suivi le discours (f. 1-3 : EGD 31).<br />

— Le discours d’après Mélanie (f. 4-5 : EGD 32). — Le discours d’après Maximin<br />

(f. 6-7 : EGD 33). — Notes diverses (f. 7-9 : EGD 34). — Questions à Mélanie<br />

et réponses (f. 10 : EGD 35).<br />

On trouve l’équivalent dans les manuscrits Lagier conservés (*). La matière a<br />

cependant subi un traitement : les notes primitives offraient l’aspect d’un procèsverbal<br />

d’interrogatoire ; ici, mises à part les Notes du manuscrit EGD 34, on a<br />

plutôt affaire à un récit continu (**).<br />

Ci-dessous nous reproduisons les quelques détails du manuscrit EGD 34 qui<br />

paraissent absents des manuscrits autographes de Lagier conservés.<br />

[f. 7 verso\ Il [Maximin] pense que leur sommeil a duré une<br />

heure ou une heure 1/2 (L’apparition 8 ou 10 minutes.)<br />

[f. 8 recto...] \ Quand l’ont-ils vue (1) ? — Le lundi ?<br />

Maximin crut la voir fluer le même jour [?] Mélanie n’assure<br />

pas qu’elle soit merveilleuse, mais d ’autres le disent. / [...]<br />

Quand la stc Vierge leur a dit d ’avancer, ils étoient presque<br />

arrivés au fond de la combe. [...]<br />

Le soir Mélanie, s’entretenant avec Maximin disoi^/zt : ce qui<br />

étoit le plus joli, c’étoit la chaîne et la croix (2).<br />

[f. 8 verso...] En pleurant [...] \ elle ne faisoit point des<br />

sanglots / [... ]<br />

Et j’ai pensé Oh ! que male [?] de garcious [?] que batia sa<br />

maïre [...]<br />

[f. 9 verso] Plus tard, étant au couvent, Maximin a dit \\ à<br />

Mélanie : si tu me dis le tien, moi je te dis le mien. Et en<br />

particulier Maximin dit à la sœur que c’étoit pour le lui faire dire,<br />

mais [?] quand il le sauroit, le sien lui passeroit loin du nez (3). //<br />

(*) Le début du manuscrit EGD 31 (faits antérieurs au discours) correspond au<br />

doc. 374 bis, n° 7. La suite de ce manuscrit ainsi que EGD 32 et 35 correspondent au<br />

doc. 96. EGD 33 correspond au doc. 105. Les notes de EGD 34 correspondent, à quelques<br />

détails près, au doc. 184 bis.<br />

(**) Le manuscrit d ’Auvergne est accompagné d'un schéma de l’apparition de la main<br />

de Lagier (EGD 36 : copie du doc. 108, reproduite dans BASSETTE, entre les pages 60 et<br />

61).<br />

(1) Cette question concerne la source de l’apparition.<br />

(2) Dans le doc. 99, v. 3, il était question du fichu au lieu de la chaîne.<br />

(3) Même idée dans doc. 99, v.10, mais dans un style moins imagé.<br />

231


Doc. 376<br />

<strong>Documents</strong><br />

* i l 6. PREMIÈRE RÉVISION DU RAPPORT ROUSSELOT<br />

(doc. 310)<br />

Cahier EG 12, p. 1-38 sommet, corrections et additions ; p. 38 bas - 46,<br />

texte. De ia main de Rousselot, à l’exception de quelques rares corections de la<br />

main de l’évêque, ajoutées probablement plus tard. — Au texte des p. 38-46<br />

correspond Vérité, p. 215-223.<br />

Date. D ’après le contenu, cette première révision fut terminée avant la<br />

dernière des Conférences (13 décembre 1847). Les documents mentionnés dans<br />

les additions avaient tous été reçus pendant le déroulement de celles-ci.<br />

Ci-dessous nous reproduisons — en le résumant parfois — uniquement le<br />

texte des p. 38-46. Rappelons que diverses corrections et additions marginales<br />

ou interlinéaires des p. 1-38 ont été reproduites plus haut, avec le Rapport<br />

primitif. Quant aux corrections ou additions apportées ultérieurement au texte<br />

des p. 38-46, nous ne les avons pas écartées, et cela pour le motif exposé à<br />

propos du doc. 310 (voir p. 165).<br />

[p. 38] 10' OBJECTION. La plupart des faits miraculeux [...]<br />

ont eu lieu sur des femmes et sur des Religieuses. Or, qui ne sait<br />

le rôle que l’imagination et les nerfs jouent dans les personnes du<br />

sexe ?<br />

RÉP. 1° On peut citer des guérisons opérées sur des hommes,<br />

entre autres, celle du maréchal ferrant, guéri d’une tumeur au<br />

côté, que les médecins jugeaient dangereuse, et qu’aucun remède<br />

n ’avoit pu faire disparaître (1).<br />

[Autres réponses, p. 38-39 : des guérisons comme celles de Sœur Saint-<br />

Charles ou Mélanie Gamon n’ont aucun lien avec l’imagination ; les femmes<br />

étant en général plus pieuses que les hommes, il n’est pas étonnant qu’elles<br />

obtiennent davantage de grâces ; etc.].<br />

[p. 40-41] il' O b je c t io n [le silence de Maximin et de Mélanie à propos de<br />

l’apparition, devant les autres enfants, l’après-midi du 19 septembre (2)].<br />

[p. 41] 12' OBJ. [...] que les garçons mettoient dans leurs<br />

poches des pierres ou autres projectiles pour les jeter aux filles [le<br />

dimanche à la messe. — Au début, les deux bergers mettaient ce<br />

reproche sur les lèvres de la Dame.] Comment s’est faite cette<br />

addition (3) ? Pourquoi a-t-elle été retranchée ? Il y a plus :<br />

Quelques personnes ayant interrogé Maximin plus tard sur cette 1<br />

(1) Rousselot veut sans doute parler de Paul Reynier (cf. supra, p. 103),qu’il confond<br />

ici avec un marréchal-ferrant qui, en réalité, souffrait d ’une maladie du foie. L’abbé<br />

Terrasson, curé de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence), chargé par l’évêque de Digne<br />

d ’enquêter sur les guérisons arrivées dans sa région, informa Rousselot par une lettre datée<br />

du 1er décembre 1847 (doc. 365) que le maréchal-ferrant avait rechuté à la suite<br />

d ’imprudences.<br />

(2) On peut lire dans le procès-verbal de la troisième Conférence (doc. 339) l’essentiel<br />

de la réponse donnée par Rousselot.<br />

(3) Objection soulevée dès la première Conférence (cf. doc. 332 et 338).<br />

232


Avant le 13 décembre 1847 Doc. 376<br />

circonstance des pierres jetées aux filles dont il ne parloit plus, et<br />

lui ayant demandé s’il n ’en avoit point parlé dans ses premières<br />

dépositions, Maximin leur auroit dit que non, et par conséquent<br />

aurait menti. De tout ceci on veut faire ressortir : 1° Une<br />

contradiction dans le [p. 42] récit de Maximin ; 2° Un mensonge<br />

dit à quelques personnes qui assurent l’avoir entendu sortir de sa<br />

bouche.<br />

RÉPONSE AU REPROCHE DE CONTRADICTION<br />

1° Cette addition laisse absolument intact le principe mis en<br />

avant par la Dame, et constamment répété par les enfants : Ils<br />

vont à l'Eglise pour se moquer de la Religion. Cette addition n ’est<br />

donc qu’un simple développement, qu’une pure application locale<br />

du principe ; mais il est impossible d’y découvrir une vraie<br />

contradiction.<br />

2° Si quelques-unes des premières relations attribuent aussi<br />

\\ ou paraissent attribuer // l’addition à Mélanie, il est juste<br />

d ’observer que ces relations ne donnent point séparément le récit<br />

de chaque enfant et que des deux elles n’en font qu’un (4).<br />

3° Mr \\ Mélin // curé de Corps, interrogea séparément les<br />

deux enfants dans la semaine qui suivit l’apparition ; [ils ne lui<br />

parlèrent point] de ces pierres jetées. Ce ne serait donc que plus<br />

tard que cette circonstance serait entrée dans le récit de Maximin (5).<br />

\\[... (6)]//<br />

4° Maximin et Mélanie, interrogés séparément, à des jours<br />

différents ont été parfaitement d ’accord sur trois choses : 1) que<br />

Maximin \ seul / avoit fait cette addition ; 2) que cette addition<br />

n ’étoit point de la Sainte Vierge ; 3) enfin que Mélanie l’entendant<br />

un jour sortir de la bouche de Maximin, elle lui dit : Q u’est-ce<br />

que tu dis là ? Est-ce que la Ve Vierge a parlé de cela ? [... ]<br />

50 Maximin interrogé sur le motif de son addition a répondu<br />

deux choses :<br />

La première, que dans son récit, il étoit plus occupé de la<br />

vue et de l'habillement de la belle Dame que de ce q u ’il disoit.<br />

Cette préoccupation de Maximin, surtout dans les premiers temps,<br />

est très-vraisemblable ; il est presque impossible que l’apparition<br />

si extraordinaire, n’ait laissé dans son esprit des traces profondes,<br />

qui ont dû se reproduire chaque fois qu’il a été appelé pour faire<br />

son récit. Il avoit à peine onze ans, et qui ne sait combien sont<br />

vives [p. 43] et durables les impressions du jeune âge ?<br />

(4) La distinction faite ici par Rousselot entre deux groupes de relations est capitale<br />

pour la critique des témoignages. Sur les relations contenant l’addition, voir doc. 331,<br />

note 1.<br />

(5) Témoignage de Mélin du 19 décembre 1846 (doc. 52, LSDA I, p. 206-207).<br />

(6) Dans la marge, Rousselot résume la lettre Lagier du 22 novembre (doc. 345).<br />

233


Doc. 376<br />

<strong>Documents</strong><br />

La seconde chose répondue par Maximin, c’est qu’il entendoit<br />

faire bien des commentaires, bien des applications sur cet endroit<br />

de son récit ; on lui faisoit ratifier et approuver ces commentaires,<br />

ces applications par un simple oui \\ et on\ les / inséroit dans la<br />

relation comme partie du texte. // Le désordre connu et commun<br />

dans la localité devoit naturellement se présenter à l’esprit des<br />

habitants qui questionnoient les enfants, et les porter à {biffé :<br />

s’enquérir si] \ croire que / la Ste Vierge en disant, ils ne vont à<br />

l ’Eglise que pour se moquer de la Religion, avoit [biffé : n ’avoit pas<br />

nommément] \ voulu sans doute / désigner \\ particulièrement //<br />

l’abus d ’y jeter des pierres. De là, Maximin auroit pris légèrement<br />

à la vérité, mais assez innocemment l’addition faite à son récit.<br />

{Interrogatoire de Maximin par Rousselot (7) qui demande si<br />

l’on n ’a pas voulu ajouter au récit des choses que la Dame n ’avait<br />

pas dites.]<br />

Maximin, Oui, Monsieur. Des femmes ou filles ont voulu me<br />

soutenir que la Stc Vierge m’avoit parlé de la danse et des mauvaises<br />

confessions.<br />

Moi : Eh bien ! qu’as-tu \ dit / à ces femmes ?<br />

Maximin : Je leur ai dit que la S" Vierge n ’avoit pas dit cela.<br />

Et comme elles vouloient que la S" Vierge en eut parlé, je m’en<br />

suis allé en disant : Comme vous voudrez. [... ]<br />

RÉPONSE AU REPROCHE DE MENSONGE<br />

Les maîtres des enfants certifient qu’ils n’ont jamais remarqué<br />

que le mensonge fût un vice dominant chez les enfants. C’est la<br />

déposition de Baptiste Pra en particulier (8). Le 15 nov. au soir,<br />

je fis venir Maximin chez moi, et, en présence d’un autre prêtre,<br />

je lui fis les questions suivantes :<br />

Moi : On m’a dit qu’avant l’Apparition de la Dame tu étois<br />

bien menteur ?<br />

Maximin , en souriant et d ’un ton de candeur : on ne vous a<br />

pas trompé, on vous a dit vrai ; je jurois aussi après mes vaches en<br />

leur jetant des pierres lorsqu’elles [p. 44] s’écartoient.<br />

Moi : Et depuis l’apparition, continues-tu à mentir, à jurer ?<br />

Maximin : Oh ! non, je ne le fais plus, je ne le ferai plus ;<br />

c’est mal.<br />

[Le don de prophétie et le don des miracles n ’empêchent pas<br />

de tomber dans quelque faute].<br />

Ceux qui accusent Maximin de mensonge, ont-ils lu dans le<br />

moment ce qui se passoit au fond de son âme ? Ne se sont-ils pas<br />

(7) « lors de la tenue des conférences », précise Rousselot dans la Vérité, p. 220.<br />

(8) Lettre Perrin du 17 novembre (doc. 340).<br />

234


13 décembre 1847 Doc. 377<br />

trop pressés de prendre pour un mensonge ce qui étoit peut-être<br />

une simple erreur ? Prévenus contre les enfants, contre leur récit,<br />

[biffé : peut-être] \\ et // contre la nouveauté du fait, ont-ils<br />

interrogé ces enfants avec le calme, [biffé : ou] la douceur, [biffé :<br />

et même] l’indulgence et même les égards que l’on doit à ceux<br />

que l’on suppose être dans l’erreur, dans l’illusion, victimes de la<br />

fraude et de la supercherie ? Car il n ’est guère possible<br />

\ d’imaginer / que les bergers \\ de la Salette //, ignorants,<br />

grossiers, et tels que tout le monde les trouve après un moment<br />

d ’observation, aient ourdi d’eux-mêmes la fable qu’on leur prête,<br />

qu’ils aient été sciemment trompeurs. La vérité s’obtient par la<br />

sagesse de ceux qui la recherchent. Or, on aurait interrogé des<br />

[p. 45] enfants abusés comme des criminels déjà convaincus (9)<br />

[ - ] Depuis quatorze \ seize / mois, Maximin et Mélanie sont<br />

interrogés continuellement et sur le fond et sur les accessoires de<br />

l’apparition. [...] Trois ou quatre personnes croient avoir fait<br />

tomber Maximin en contradiction sur une circonstance accessoire<br />

au fait principal. Mais si ces enfants avoient inventé le fait, ou s’il<br />

[sic] l’avoit appris d’un habile fourbe, n ’auroient-ils pas été pris<br />

mille fois au dépourvu ? [...] L’objection se [p. 46] tourne en<br />

preuve [...].<br />

Lundi 13 décembre 1847<br />

ÉVÉNEMENT. Huitième et dernière Conférence à l’évêché de Grenoble.<br />

377. NOTES SUR LA HUITIÈME CONFÉRENCE à l’évêché de<br />

Grenoble<br />

Notes de la main du chanoine Chambon (1 f. 30 cm x 20,5) : EGD 83.<br />

Date. Le secrétaire de la Commission a probablement pris ces notes au cours<br />

même de la Conférence.<br />

Contenu. Il correspond aux objections 4 à 12 du Rapport Rousselot (doc. 310<br />

et 376 : cahier EG 12, p. 29, 38-40 ; texte plus élaboré dans Vérité, p. 206-223).<br />

Renseignements complémentaires donnés par Rousselot : « Cette séance est<br />

consacrée à la lecture des objections, dont les solutions sont adoptées à la trèsgrande<br />

majorité » (Vérité, p. 28).<br />

4° obj[ection] Les prophéties n ’ont pas été accomplies.<br />

Pommes de terre. \ On oppose qu’elles étaient gâtées, et que par<br />

conséquent ce n’était pas une prophétie (1). / = C'est à cause de *1<br />

(9) Tout ce passage vise en particulier Cartellier, qui, à en juger d’après sa propre<br />

Réponse, fut en effet un enquêteur exaspérant. Les questions qu’il posa au sujet de la<br />

« dame en noir » (cf. doc. 341, note 2), durent mettre la patience de Maximin à rude<br />

épreuve (Réponse, p. 10-11).<br />

(1) La disette avait en effet commencé l’hiver précédent (cf. LSDA I, p. 8), mais le<br />

discours de la Salette le laissait entendre : «Je vous l'ai fait voir l’année dernière... »<br />

(doc. 175, v. 10). — Les mots qui suivent l’objection sont la réponse.<br />

235


Doc. 377<br />

<strong>Documents</strong><br />

vos fautes que les pommes de terre se gâtent ; elles se gâteront<br />

davantage.<br />

5° Les prédictions n ’étant pas encore toutes accomplies, ne<br />

vaut-il pas mieux attendre ? = objection]<br />

Les malheurs [?] ne sont pas accomplis, et par conséquent,<br />

on ne peut pas vérifier, et les enfants manquent de cette preuve<br />

de leur mission. — Rép[onse], Les menaces sont conditionnelles ;<br />

il y a eu des conversions ; qui pourrait dire combien il en faut. La<br />

S" Vierge n ’a pas donné l’accomplissement comme preuve de son<br />

apparition. Ce n ’est pas ce que nous avons à examiner. Et encore<br />

une fois, on s’est converti ; dans quelle mesure ? Il est impossible<br />

et inutile de le vérifier. Mgr. a su, par ses rapports avec les Curés<br />

qu’il y a eu un changement général. M. Bouvier à Méaudre (2), il<br />

n ’y a eu [?] que deux ou trois hommes qui n’aient pas fait leurs<br />

pâques ; à Tencin... [b iffé : l’événement de la Salette] Mgr. de<br />

Villecourt cite douze paroisses où il [sic] opéré de grandes<br />

conversions, en prêchant l’événement.<br />

6° Préjugé [biffé : que réveille] défavorable que réveille le<br />

secret (3).<br />

7° L’entraînement pieux à la Salette paraît naturel (4). Object.<br />

On ne peut pas conclure de cet entraînement religieux à la vérité<br />

de l’apparition, à cause de l’amour naturel que nous avons du<br />

merveilleux, surtout aux jours d ’adversité. — Rép. [biffé : S’il]<br />

On n’entend pas prouver \ établir la certitude de / l’apparition<br />

par chacune des preuves, mais par l’ensemble, et en vérité, reprend<br />

un membre, il y a tant de preuves et tant de lumières qu’il y a<br />

témérité à la rejeter.<br />

8° Pourquoi la S" Vierge ne se plaint-elle [que] de certains<br />

excès en négligeant beaucoup d ’autres qui ne paraissent pas moins<br />

graves (3).<br />

9° Désordre parmi les pèlerins de la Salette (6). [Biffé : Obj.<br />

il y a des]<br />

(2) Méaudre : commune du canton de Villard-de-Lans. — Bouvier : sans doute le<br />

chanoine Bouvier.<br />

(3) Il s’agit du refus des enfants à révéler leurs secrets (cf. Vérité, p. 209).<br />

(4) C’est-à-dire, * il est dû à l’attrait de la nouveauté, au prestige du merveilleux, à<br />

l’aiguillon de la curiosité. On a comparé le pèlerinage de la Salette aux attroupements<br />

formés par des visionnaires fanatiques, enthousiastes, tels que Swedenborg, madame<br />

Krudner, etc. D ’autres enfin, dit-on, l’ont assimilé au fameux pèlerinage de la Mecque »<br />

(Vérité, p. 211).<br />

(5) On trouvera la réponse à cette objection dans le doc. 310, p. 34-35 {supra, p. 178)<br />

et dans Vérité, p. 213-214.<br />

(6) Rousselot répond qu’il « est des personnes douées du singulier talent de ne<br />

découvrir et de n ’envisager que le mauvais côté des choses » (doc. 310, p. 35 ; texte presque<br />

identique dans Vérité, p. 214). Au demeurant, on n ’a pas signalé de désordres lors de<br />

l’anniversaire du 19 septembre ; or « si quelque désordre avoit dû avoir lieu, n’étoit-ce pas<br />

dans cette foule compacte de 50 60 mille âmes... » (doc. 310, p. 36 = Vérité, p. 215).<br />

236


20 décembre 1847 Doc. 379<br />

10° Les guérisons sont opérées sur des femmes (7). Object.<br />

Ce sont d ’heureuses crises. — Rép. Il y a invocation de la Ste<br />

Vierge, et Dieu alors [verso] serait l’auteur de l’illusion.<br />

11° Silence des enfants envers leurs camarades.<br />

12° Contradiction de Maximin sur les pierres jetées aux filles.<br />

Lundi 20 décembre 1847<br />

379- LETTRE DE MGR PARISIS, évêque de Langres, au journal<br />

Y Univers<br />

Dans YUnivers, 24 décembre 1847, p. 3b.<br />

Note. La lettre concerne l’archiconfrérie réparatrice des blasphèmes et de la<br />

violation du dimanche, établie au diocèse de Langres. Mgr Parisis élève une<br />

protestation contre les manœuvres de certains partisans trop zélés de Sœur Marie<br />

de Saint Pierre, du Carmel de Tours (cf. l’introduction au doc. 259).<br />

Ci-dessous, on trouve la partie de la lettre où l’évêque traite du rapport<br />

entre l’œuvre de dévotion qu’est l’archiconfrérie et les révélations privées en<br />

question. Ses lignes dépassent l’affaire de Langres et concernent la Salette au<br />

moins indirectement. Elles montrent d’après quels principes un évêque de<br />

l’époque abordait le problème des apparitions ; elles laissent deviner l’atmosphère<br />

trouble qu’une certaine piété créait par ses exagérations.<br />

[...] On nous a blâmé de ne pas avoir donné pour point de<br />

départ et pour appui principal à notre Archiconfrérie des apparitions<br />

et des révélations récentes. On nous a écrit et on nous a fait<br />

adresser sur cela les paroles les plus étranges. Des laïques ont<br />

prétendu avoir pour la direction de cette œuvre une mission<br />

divine ; ils nous ont fait dire qu’en ne marchant pas avec eux<br />

nous faisions schisme. Des prêtres nous ont accusé de faire une<br />

œuvre rationaliste au lieu d ’une œuvre chrétienne. Ces accusations<br />

n ’ont, il est vrai, aucune valeur en elles-mêmes, mais elles ont<br />

pour source un fanatisme effrayant, dont il est bon, Monsieur le<br />

Rédacteur, que vos lecteurs catholiques soient prévenus.<br />

Assurément, je respecte profondément les communications<br />

que Dieu peut faire à ses humbles serviteurs. Je sais très bien que<br />

sa conversation est de préférence avec les âmes simples (Prov. III,<br />

32), et que son esprit souffle où il veut (Joan. III, 8) ; mais je<br />

n ’étais pas le juge compétent de ces faits, sur lesquels les Ordinaires<br />

ne se sont pas encore prononcés, et c’est après avoir consulté ces<br />

derniers que je me suis abstenu de mentionner, dans mes<br />

instructions relatives à l’Archiconfrérie, ce que l’on me reproche<br />

de ne pas avoir pris pour base.<br />

J ’ai mieux aimé ne donner à une œuvre toute catholique<br />

d ’autre base que cette pierre inébranlable sur laquelle seule le fils<br />

(7) Les objections 10, 11 et 12 sont développées dans le doc. 376.<br />

237


Doc. 379<br />

<strong>Documents</strong><br />

de Dieu a bâti son Eglise. Rome a parlé, 1° en accordant des<br />

indulgences nombreuses à notre Association réparatrice ; 2° en<br />

l’érigeant en Archiconfrérie ; 3° en permettant que le nom auguste<br />

du chef vénéré de l’Eglise fut inscrit sur ses registres (1). [...]<br />

Dimanche 9 janvier 1848<br />

389- LETTRE DE L’ABBÉ CARTELLIER, curé de Saint-Joseph à<br />

Grenoble, à Mgr de Bruillard<br />

Exemplaire (*) de la main de Cartellier (1 f 22,5 cm x 17,5) : BMGC 45.<br />

Copie (faite sans doute sur cet exemplaire) : BMG, R.8667 (n.20).<br />

Contexte. Cartellier ayant continué après la clôture des Conférences à<br />

manifester son désaccord, l’évêque lui demande de lui faire connaître ses<br />

difficultés : «J’attends de vous par écrit, et promptement s’il est possible,<br />

communication des choses que vous avez apprises sur les enfants qui jettent un<br />

nuage sur leur témoignage et vous le rendent suspect » (doc. 388 : billet<br />

entièrement de la main de l’évêque). — La réponse de Cartellier paraît typique<br />

de la tendance qu’il a de mêler aux problèmes de fond des considérations d’ordre<br />

personnel.<br />

Monseigneur,<br />

Dans la trop longue lettre que j’ai eu l’honneur d ’écrire à<br />

votre Grandeur (**), je parlois, bien évidemment, de choses<br />

apprises avant les réunions à l’Evêché au sujet de la Sal/ette, et<br />

non de choses apprises depuis ces réunions. Par conséquent, ce<br />

que je savois, je l’ai dit dans ces assemblées auxquelles Monseigneur<br />

m’a fait l’honneur de m’appeler. Si je n’ai pas réussi à le faire<br />

entendre, ce n ’est, certes, pas ma faute. Au lieu de mériter le<br />

reproche d ’avoir tu ce que j’ai appris, j’ai plutôt, aux yeux de<br />

plusieurs, le tort d ’avoir trop fait dans nos conférences pour le<br />

faire connoître. Il falloit pourtant un effort [verso] puisqu’on<br />

sembloit vouloir tout étouffer. Les choses que j’ai apprises, elles<br />

doivent être dans le procès verbal de nos assemblées. Si elles n ’y<br />

sont pas consignées, ou si elles n’y sont qu’imparfaitement, encore<br />

là ce n ’est pas ma faute. On peut se souvenir qu’à chaque<br />

conférence, j’avois quelques observations à faire sur la rédaction<br />

du procès-verbal. Il m ’est même arrivé de revenir sur la même<br />

(1) Mgr Parisis en avait été informé par une lettre de la Secrétairerie d ’Etat, datée du<br />

20 novembre. — Dans son numéro du 1" janvier 1848, la Voix de l ’Eglise s’en prendra<br />

ouvertement à la lettre publiée dans l'Univers. Elle croit savoir que plus de quinze évêques,<br />

dont celui de Grenoble, ont accepté « l'œuvre conçue à Tours », sans « changer l’idée de<br />

son auteur » (doc. 383). — Pour ce qui regarde l’« auteur », nous avons exposé plus haut<br />

(p. 24) sa véritable position. Quant à l’évêque de Grenoble, sa lettre pastorale sur<br />

l’association réparatrice (doc. 370) ne souffle mot des révélations de Tours et présente<br />

l’œuvre simplement comme une filiale de l’archiconfrérie de Langres.<br />

(*) Exemplaire comportant des ratures. Cartellier a peut-être envoyé à l’évêque un<br />

autre exemplaire.<br />

(**) Lettre non retrouvée.<br />

238


11 janvier 1848 Doc. 390<br />

chose auprès de Mr le Secrétaire dans deux ou trois réunions. A la<br />

fin, je m ’étois lassé ; je laissois passer. Les choses que j’ai apprises<br />

sur les enfants et qui jettent du nuage sur leur témoignage et me<br />

le rendent suspect sont donc tout simplement celles que j’ai dites<br />

dans nos réunions et que le procès-verbal doit conserver. Mais<br />

comme on s’est contenté de nier ces choses qui sont pourtant hors<br />

de doute, ou qu’on a refusé d’en examiner la valeur lorsqu’elles<br />

ont été avancées par les enfants, ces choses restent pour moi [?] ce<br />

qu’elles étoient ; c’est-à-dire que le nuage subsiste, et que le<br />

témoignage des enfants est (1) suspect. \\ J ’entremis dans ces<br />

détails, je rappe/erois les [ou : ces] choses ; mais alors ce seroit un<br />

long travail à faire. Je le ferois, s’il le falloit ; mais ce n ’est pas ce<br />

qui m ’est demandé. //<br />

Ou je suis bien malheureux dans mes expressions, ou j’ai fait<br />

comprendre à Monseigneur le prix que j’attache et que je dois<br />

attacher à sa bienveillance ; car c’étoit le cœur qui écrivoit ma<br />

lettre, surtout à cet endroit. Si sa Grandeur dans la réponse qu’elle<br />

a daigné me faire m ’assure [?] que je conserve cette bienveillance,<br />

elle n ’a rien pu m ’accorder à quoi je tienne davantage. C’est dans<br />

ces sentiments de respect, d’obéissance et de reconnaissance que<br />

j’ai l’honneur d’être...<br />

Grenoble 9 janvier 1848<br />

Mardi 11 janvier 1848<br />

J. Cartellier<br />

390. BILLET DE MGR DE BRUILLARD à l’abbé Cartellier, curé<br />

de Saint-Joseph à Grenoble<br />

Original de la main de l’évêque (1 f. recto 21 cm x 13) : BMGC 46.<br />

N ote sur le parti de l'opposition. Ce billet contient le plus ancien témoignage<br />

sur ce que Rousselot appelle le « parti de l’opposition » (Nouveau sanctuaire,<br />

p. 18). Il eut pour premier noyau les membres qui, lors des Conférences, s’étaient<br />

trouvés en minorité. En présentant des objections pendant les réunions tenues en<br />

présence de l’évêque, ils avaient exercé leur droit. Mais, observe Rousselot, une<br />

fois la « commission dissoute, ils cessaient d’être conseillers ; ils n’étaient plus<br />

saisis de la question ; ils ne pouvaient plus faire d’opposition au sentiment bien<br />

connu du Prélat sans lui manquer de respect » (ibidem). La manifestation « au<br />

moins imprudente » de leurs opinions devant le public fit qu’on regarda les<br />

membres de la minorité comme des chefs de parti, qu’ils « l’aient voulu ou<br />

non » (ibidem, p. 19).<br />

Gr. 11 j[anvie]r 1848<br />

Communiquez, mon cher Curé, à Mr l’abbé Rousselot, ou de<br />

vive voix ou par écrit (ce qui vaudrait mieux), les doutes qui vous<br />

restent par rapport au témoignage des deux enfants. Je saurai par 1<br />

(1) Plusieurs mots biffés, absolument illisibles.<br />

239


Doc. 390<br />

<strong>Documents</strong><br />

lui ce que je dois en penser. Si depuis la clôture des conférences<br />

vous continuez avec vos intimes votre système d’opposition, vous<br />

êtes dans une mauvaise voie.<br />

Ce qui vous convient, ainsi qu’à eux, c’est d’attendre avec<br />

respect l’avis doctrinal de l’Evêque diocésain sur le fait dont il<br />

s’agit et qui met en émoi tant de milliers de personnes. J ’en ai lu<br />

et entendu assez pour prononcer ou pour m’abstenir.<br />

Je vous salue en N.S.<br />

fPH[ILIBERT]<br />

Suite. Le 14 janvier, Cartellier proteste (doc. 391, EG 88) : « je ne continue<br />

pas avec mes intimes mon système d'opposition, car, il n’est pas commencé. [...]<br />

Ne me sera-t-il donc plus permis, depuis les conférences sur la Sal/ette, de voir<br />

ceux que je voyois auparavant ? [...] Je n’ai rien à décider ; je comprends tout<br />

mon bonheur de n’avoir qu’à me soumettre ; c’est ce que j’ai fait et ce que je<br />

fais. » — Plus exactement, c’est ce qu’il prétend faire, car en refusant d’expliciter<br />

les difficultés qu’il a soulevées lui-même, il ne donne pas l’exemple de la<br />

soumission parfaite.<br />

Deuxième moitié de janvier 1848<br />

ÉVÉNEMENT. Le 24 janvier, décès de Marie Court, marâtre de Maximin.<br />

* 395. LETTRE DE MGR DE BRUILLARD au cardinal de Bonald,<br />

archevêque de Lyon<br />

Brouillon de la main de Rousselot, avec des corrections et des additions de<br />

la main de l’évêque (6 p. 22,5 cm x 17,5) : EG 68. — Lettre éditée dans<br />

BASSETTE, p. 147-154, d ’après la copie du cahier EG 13.<br />

Rédacteur : Rousselot, qui a donné au texte l’empreinte de son style.<br />

Date : Seize mois après l’apparition ; les corrections apportées par l’évêque<br />

sont plus tardives (d’après le contenu).<br />

Occasion de la lettre : les objections formulées par le cardinal dans quatre<br />

lettres, qui nous sont connues uniquement par la présente réponse.<br />

Ci-dessous nous reproduirons les objections et observations du cardinal, telles<br />

qu’on les lit dans le manuscrit de Rousselot. Les réponses de ce dernier, plutôt<br />

prolixes, seront en partie reproduites, en partie résumées. On ne signalera pas la<br />

présence de passages biffés. Quant aux additions et corrections de la main de<br />

l’évêque, leur origine sera indiquée seulement là où elles paraissent vraiment<br />

significatives.<br />

Dans sa correspondance des 19, 21, et 29 novembre dernier<br />

et 10 janvier courant, S[on] Efminence] fait deux choses : 1° des<br />

objections contre le fait en lui-même ; 2° diverses observations sur<br />

les inconvénients de rompre le silence gardé jusqu’ici et de donner<br />

une décision authentique.<br />

240


Janvier 1848 Doc. 395<br />

S[on] E[minence] me permettra de répondre aux unes et aux<br />

autres.<br />

I. RÉPONSE AUX OBJECTIONS.<br />

l erc OBJECTION. — De respectables ecclésiastiques sont passés<br />

à Corps le vendredi. Ils ont eu de la peine à être servis en maigre ;<br />

on ne semblait pas comprendre que la loi de l'abstinence oblige<br />

les chrétiens. (Lettre du 10 janvier 1848). Donc la conversion de<br />

Corps n ’est pas entière, et S.E. a peine à y croire.<br />

RÉPONSE. — 1 ° Cette objection a été faite dans la Commission<br />

présidée par moi ; elle a été pleinement résolue par le Curé de<br />

Corps qui était présent.<br />

Jamais on n’a prétendu que tous les habitants, jusqu’à un, se<br />

\ fussent / convertis ; on a toujours porté à cent et quelques ceux<br />

qui ne se sont pas confessés dans un canton composé de 9<br />

paroisses et peuplé de 6 000 âmes. \\ Mais cette exception, presque<br />

imperceptible, infirme-t-elle la vérité de la conversion en masse<br />

du Canton ? //<br />

Mais dans tout le canton et dans les environs les travaux du<br />

dimanche et les blasphèmes ont généralement et absolument cessé ;<br />

mais les \ irrévérences / de la jeunesse dans les églises ont cessé ;<br />

mais les offices, les instructions et les sacrements sont fréquentés ;<br />

mais là où 40 hommes faisaient leur pâques, il y en a maintenant<br />

des centaines ; mais dans une des neuf paroisses, pas un homme<br />

n ’y a manqué ; mais ce que ni les jubilés précédents, ni les<br />

missions, ni le zèle des pasteurs n ’avaient pu faire, la voix de deux<br />

bergers parlant au nom de la Reine du Ciel l’a obtenu.<br />

20 La réalité et la généralité des conversions m ’ont été attestées<br />

unanimement et à plusieurs reprises par tous les prêtres qui<br />

vivent au milieu de cette population, naguère presque sauvage,<br />

aujourd’hui devenue chrétienne, polie et bienveillante pour le<br />

clergé. Le témoignage des prêtres du canton est confirmé par celui<br />

de tous les prêtres du voisinage et par celui de nombre d ’autres<br />

ecclésiastiques, ou envoyés par moi sur les lieux, ou attirés par le<br />

désir de vérifier le fait de la Salette, et d’en examiner les<br />

conséquences sur les habitants. \\ Tous m ’ont rendu les témoignages<br />

les plus certains et les plus consolants sur le changement opéré<br />

dans ces montagnes, et sur le nombre des communions qui ont<br />

lieu maintenant à Noël et à Pâques. //<br />

3° [Les objectants ont généralisé des cas qui sont l’exception.<br />

Selon le curé de Corps, l’auberge la plus importante du bourg a<br />

effectivement peu profité de l’apparition spirituellement (1).] 1<br />

(1) Voir doc. 401, note 5.<br />

241


Doc. 395<br />

<strong>Documents</strong><br />

4° [Il est abusif de nier la conversion de Corps, sous prétexte<br />

qu’on y a aperçu] une danse de noces ou de baptême. Est-ce que<br />

le retour à la foi et aux pratiques de la religion détruit tout-àcoup<br />

tous les abus, ceux surtout que beaucoup de gens n’envisagent<br />

pas comme tels \\ et ne regardent pas comme répréhensibles ? (la) -<br />

// Les' habitants de Corps pour être véritablement convertis,<br />

doivent-ils être devenus tous des saints et impeccables ?<br />

2' OBJECTION. — Le Dialogue entre la S5CVierge et les deux<br />

enfants n'est pas assez compliqué, assez long, pour q u ’on n'ait<br />

pas pu le mettre dans la tête de ces enfants, dans un dessein de<br />

spéculation pour l'endroit. Or, on aurait assez bien réussi. \\ (Lettre<br />

du 10 janvier 1848). //<br />

RÉPONSE. — 1° Quel est l’habile sorcier \\ ou le personnage<br />

mystérieux // qui en un quart d’heure, sur une montagne entièrement<br />

découverte, \ sous les yeux de 40 à 50 / autres petits [p. 2]<br />

bergers, a appris leur rôle aux deux enfants ? Par où est-il monté<br />

sur la montagne ? Comment n’a-t-il pas été aperçu de personne,<br />

ni en traversant les hameaux, ni dans les sentiers bordés de<br />

travailleurs ? Où a-t-il pris son costume ? Comment a-t-il pu<br />

apprendre à Maximin qui n’était aux Ablandins que depuis six<br />

jours, à répéter son rôle aussi bien qu’à Mélanie qui y était depuis<br />

six mois ? Comment ce personnage s’est-il livré à la discrétion de<br />

deux enfants qui par menace ou par promesse pouvaient si<br />

facilement le compromettre ? Comment le Maire de la Salette,<br />

homme de sens, comment les autres habitants de Corps et des<br />

environs, n ’ont-ils pas soupçonné la supercherie ? Comment au<br />

contraire ont-ils cru, et se sont-ils convertis avant de savoir quel<br />

retentissement aurait au loin le récit \ des enfants, / quelle foule<br />

de pèlerins il amènerait à la montagne ? Comment \ ont /-ils<br />

prévu que la fontaine desséchée donnerait bientôt de l’eau et ne<br />

tarirait plus ensuite ? Comment \ ont-ils / prévu que cette eau<br />

deviendrait l’objet d’un commerce lucratif pour le pays ? etc. [...]<br />

2° [L’eau est demandée de fort loin, parce que son usage<br />

opère des prodiges, ce qu’un charlatan ne pouvait prévoir.]<br />

3° [...] S’il faut supprimer tout ce dont s’empare la cupidité<br />

humaine, il faut supprimer les magnifiques processions de la Fête-<br />

Dieu, qui à Lyon seulement, procurent chaque année, dit-on, un<br />

commerce \ de / plus de cent mille francs.<br />

4° [Il est normal de faire rembourser les frais de transport<br />

pour une eau qu’il faut aller chercher à seize km de Corps. Les<br />

habitants ne semblent pas s’être enrichis de cette « spéculation » ;<br />

ils ont exercé la charité envers les pèlerins pauvres.]<br />

(la) Addition de la main de l’évêque.<br />

242


Janvier 1848 Doc. 395<br />

5° [Ceux qui sont venus enquêter sur les lieux et qui (p. 3)]<br />

croient, ont pris toutes les précautions pour n’être pas trompés.<br />

[ - ] 6° [L’apparition se prouve par un ensemble de preuves<br />

convergentes. Il faut donc tenir compte des preuves extrinsèques :<br />

les guérisons d ’Avignon, d’Avallon, etc.]<br />

3e OBJECTION. — Le fameux secret ne leur aurait-il pas été<br />

im posé sur cette intrigue. Même lettre du 10 janvier 1848.<br />

RÉPONSE [L’imposteur qui aurait imposé aux deux bergers de<br />

garder le secret sur son « intrigue », aurait été obligé de les préparer<br />

d ’avance aux interrogatoires.] A-t-il prévu cet intrigant que dans<br />

un salon de Grenoble on présenterait \ en nov. dernier (2), / à<br />

Mélanie une dame qu’elle n ’a jamais vue, et qu’on lui demanderoit<br />

si le personnage de la Salette étoit plus grand ou plus \ petit /<br />

que \ cette / dame ? Mélanie de répondre sur le champ : Il était<br />

plus grand. Maximin à son tour introduit et mis en présence de la<br />

même dame, fait la même réponse. A-t-il prévu, cet intrigant, les<br />

milliers d ’autres épreuves qu’ont subies ces enfants et dont ils se<br />

sont toujours tirés d ’une manière admirable ?<br />

4' OBJECTION. — Le costume que les enfants prêtent à la SI'<br />

Vierge est bien étrange. Même lettre.<br />

RÉPONSE : Plus il est étrange, moins il est de l’invention des<br />

enfants.<br />

5' OBJECTION. — On ne justifie pas bien le non-accomplissem<br />

ent des prophéties.<br />

RÉPONSE. — 1 ° Toutes les prophéties ne deviennent claires et<br />

lumineuses qu’après leur entier accomplissement.<br />

2° Des prophéties conditionnelles et comminatoires, telles que<br />

celles de Jonas aux Ninivites, ne s’accomplissent que lorsque la<br />

condition n’est pas remplie et que les menaces sont méprisées,<br />

[(p. 4)...]<br />

6e OBJECTION. — Les apparitions du village de La Creysse en<br />

1831 approuvées par l ’Evêché de Rodez, étaient fausses et inventées<br />

par les aubergistes et les marchands de vin ; le Conseil épiscopal<br />

en fu t pour sa décision. Lettre du 29 novembre 1847 (3)<br />

(2) Addition de la main de l'évêque.<br />

(3) En mai 1830, des enfants de la Cresse (ou Creysse), village de l’Aveyron, crurent<br />

apercevoir dans un buisson un enfant mystérieux qui leur dit : « c’est moi, ne craignez<br />

point ». Le curé du village, l’abbé L.-A. Duranc (1801-1880), considéra ces paroles comme<br />

une imitation de celles prononcées par le Christ lors de sa marche sur les eaux du lac de<br />

Galilée. Au cours des mois suivants, il y eut d ’autres visions ou faits extraordinaires, que<br />

le curé attribua au démon (cf. le récit du curé dans le « Livre de paroisse » de la Cresse).<br />

Contrairement à ce qu’on lit dans l’objection, l’évêché de Rodez ne donna aucune<br />

approbation. Les faits se situent au reste lors d ’une vacance du siège et les vicaires généraux<br />

eurent la prudence de ne pas se prononcer. (Renseignements transmis par Mr l’Abbé<br />

A. Débat, archiviste diocésain de Rodez.)<br />

243


Doc. 395<br />

<strong>Documents</strong><br />

RÉPONSE. 1° Après la révolution de juillet 1830 et les années<br />

suivantes, il ne fut question dans toutes les parties de la France<br />

que de prophéties, de visions, d ’apparitions. Les grandes secousses<br />

politiques montent les imaginations ; on veut lire dans l’avenir ;<br />

les personnes pieuses souvent autant \ que / les autres croient voir<br />

ce qu’elles désirent, ce qu’elles craignent, ce qu’elles espèrent.<br />

Bientôt, le temps fit justice des prophètes et des prophéties.<br />

[... A la Salette] au contraire, tout va en grandissant, et le<br />

nombre des miracles, et le concours des pèlerins, même \\ aujourd<br />

’hui, malgré les glaces et les neiges (4). //<br />

2° La fréquence des apparitions \ susdites / devait naturellement<br />

les rendre suspectes. Dieu, ses anges et ses saints apparaissentils<br />

ainsi à chaque instant et à tout venant ? D ’ailleurs, on ne<br />

donnait aucun but précis [... ]<br />

3° [Les apparitions de la Creysse n ’ont produit aucun fruit<br />

spirituel, tandis que la Salette a produit des fruits spirituels<br />

durables.]<br />

4° [Il n’est pas raisonnable de rejeter toutes les apparitions,<br />

sous prétexte qu’il en existe de fausses.]<br />

[p. 5] II. RÉPONSE AUX OBSERVATIONS.<br />

l irc OBSERVATION. — Quel inconvénient y a-t-il à garder le<br />

silence ?<br />

RÉPONSE. — 1° Celui de ne pas obéir à la voix du Ciel quand<br />

elle se fait entendre ; 2° Celui de contrister tous les bons chrétiens,<br />

qui semblent n ’attendre que d ’être appuyés et fortifiés par<br />

l’autorité dans leur lutte incessante contre le mal, dans leur<br />

dévotion envers la S" Vierge. C’est peut-être au concours religieux<br />

des cent mille pèlerins de la Salette que nous devons la nonréalisation<br />

des menaces du ciel ; 3 ° Celui de donner gain de cause<br />

aux incrédules, qui déjà et malgré le silence du clergé, ont<br />

accumulé contre les prêtres et contre la religion, mille impiétés,<br />

mille noirceurs, mille calomnies (5) ;<br />

2' OBSERVATION. — En faisant une déclaration solennelle,<br />

une manifestation publique, n ’occasionnera-t-on pas mille écrits<br />

remplis de blasphémés, d'im piétés contre la religion ?<br />

RÉPONSE. — 1° M algré le silen ce rigoureux gardé d ep u is<br />

\ p lu s de / seize m o is, to u t cela a eu lieu ; on n e p eu t pas en<br />

dire n i en écrire p lu s q u ’o n en a d it, q u ’on en a écrit.<br />

(4) De la main de l’évêque à partir de « même ».<br />

(5) Etant donné les suites de l’apparition, l’évêque pouvait difficilement ne pas<br />

intervenir, ne serait-ce que pour rapporter ou modifier ce qui avait été son premier acte<br />

public à propos de la Salette : une interdiction faite à ses prêtres de faire imprimer le récit<br />

de l’apparition ou de le proclamer en chaire (doc. 3).<br />

244


Janvier 1848 Doc. 395<br />

2° Malgré l’impiété du siècle, la conversion de Mr Ratisbonne<br />

a été déclarée miraculeuse (6) ; [...] les effets merveilleux de la<br />

Médaille miraculeuse ont été recueillis et publiés [...] etc (7).<br />

3° [Les miracles donnent l’occasion de réfléchir et de se<br />

convertir. ]<br />

3' OBSERVATION. — Est-il donc d'une nécessitépressante pour<br />

l'Eglise q u ’on se prononce sur cette apparition de la Salette,<br />

\ d’après / sur le témoignage de deux enfants ?<br />

RÉPONSE. — Mais si ces deux enfants ne sont ni trompeurs,<br />

ni trompés ; mais si le Ciel confirme leur témoignage par de vrais<br />

miracles, alors pourquoi se taire ? Et pourquoi ne pas rassurer,<br />

encourager les enfants de l’Eglise ? [...] Est-ce qu’on discontinue<br />

à Rome, par respect pour l’impiété, de procéder à la béatification<br />

et à la canonisation des saints ? [... ]<br />

[p . 6] 4' OBSERVATION. — Les marchands d ’images, de croix,<br />

etc. attendent votre manifestation avec une grande impatience.<br />

RÉPONSE. — Ils ne l’ont pas attendue ; depuis le commencement,<br />

ils les fo n t circuler par milliers. Mais ce sont les bons<br />

fidèles qui attendent avec impatience que leur confiance soit<br />

justifiée par l’autorité.<br />

5e OBSERVATION. — Les Protestants profitent de tout cela, et<br />

la Religion catholique n 'y gagnera rien.<br />

RÉPONSE. — La Salette est environnée de Protestants ; il faut<br />

que les pèlerins passent au milieu d ’eux pour y arriver. Jusqu’ici,<br />

cependant, point de désordre, point de mouvement désordonné<br />

parmi eux. [...]<br />

y [sic pour 6e] OBSERVATION. — Je crois toujours que les<br />

grands soutiens de l ’apparition de la Salette sont tous ces<br />

spéculateurs ; ils vendent \ de / l ’eau à force ; vous sentez qu 'ils<br />

ne renonceraient qu 'avec peine à ce profit.<br />

RÉPONSE. — Ce ne sont point ces spéculateurs qui ont été<br />

appelés à mon conseil, qui ont formé ni ma conviction, ni celle<br />

de la majorité de mon clergé et des fidèles de toutes les parties de<br />

la France et de l’étranger. [...]<br />

Il n ’y a que les personnes pieuses et persuadées de la réalité<br />

de l’apparition de la Salette, qui cherchent à se procurer de l’eau.<br />

Or celles-là ne s’adressent pas à des marchands, en eussent-ils des<br />

tonneaux [...].<br />

(6) Décret du 3 juin 1842, porté par le cardinal Patrizzi, vicaire de Pie IX pour la<br />

ville de Rome.<br />

(7) Ils avaient été publiés dans des livres parus avec l’approbation de l’autorité<br />

ecclésiastique. Toutefois ni les apparitions qui étaient à l’origine de la Médaille miraculeuse<br />

ni les miracles qui lui étaient attribués n ’avaient fait l’objet d ’une approbation solennelle,<br />

exception faite de la conversion d ’Alphonse Ratisbonne (cf. R. LAURENTIN - P. ROCHE,<br />

Catherine Labouré et la Médaille miraculeuse, vol. I, Paris, Dessain et Tolra, etc., p. 52-56<br />

et 313-314).<br />

245


Doc. 396<br />

<strong>Documents</strong><br />

* 396. UNE RÉPONSE DE MAXIMIN<br />

Note ajoutée par une main inconnue dans la marge du Rapport Rousselot<br />

(doc. 310) : EG 12, p. 33.<br />

Note. Cette addition est probablement antérieure à la deuxième révision du<br />

Rapport Rousselot (doc. 397), à en juger par les ratures qui la couvrent. Elle est<br />

en effet entièrement biffée.<br />

D. Tu as bien au moins dit ton secret à Mélanie ?<br />

R. Si j’avais dit mon secret à Mélanie, tout le monde le<br />

saurait bien !<br />

Maximin a fait cette réponse le 1" mars 1847, chez M 'le Curé<br />

de Corps, en sa présence et en la présence de plusieurs témoins.<br />

* 398. PROJET DE JUGEMENT DOCTRINAL ET DE CIRCU­<br />

LAIRE AU CLERGÉ<br />

Manuscrit de la main de Rousselot, avec des corrections et des additions de<br />

la main de Mgr de Bruillard (6 p. 20,5 cm x 15/17,5) : EG 68.<br />

Remarque. Ce texte, préparé par Rousselot seize mois après l’apparition (cf.<br />

p. 4) montre qu’en dépit de plusieurs interventions du cardinal de Bonald,<br />

l’évêque de Grenoble n’a pas renoncé au projet qu’il avait formé, de prononcer<br />

un jugement doctrinal à l’issue des Conférences. Cependant le jugement ne fut<br />

pas publié, en raison peut-être de la dernière intervention du cardinal, plus<br />

probablement à cause de la nouvelle situation politique que va créer bientôt la<br />

Révolution de février. Pendant les périodes agitées, l’autorité ecclésiastique évite<br />

tout geste extraordinaire.<br />

Contenu : résumé de l’apparition et de ses suites ; justification de l’attitude<br />

expectante adoptée par l’évêque ; historique des examens canoniques ; sollicitations<br />

reçues par l’évêque afin qu’il approuve l’apparition ; la décision canonique.<br />

Ci-dessous nous reproduisons le passage où l’évêque justifie son attitude<br />

expectante, ainsi que le dispositif juridique terminant le projet.<br />

[p. 2] Au milieu de ce mouvement général des esprits (1), la<br />

prudence nous faisoit une loi de ne point précipiter notre jugement,<br />

de tout examiner avec une sage lenteur, de nous mettre en garde<br />

contre l’enthousiasme, et de recueillir néanmoins tout ce qui se<br />

publioit sur le fait.<br />

La même pmdence nous obligeoit de commander un silence<br />

absolu à notre bien-aimé clergé, et nous lui fîmes défense expresse<br />

d ’en parler en public et du haut de la chaire évangélique. Nous<br />

aimons à le proclamer : la France entière a admiré sa docilité.<br />

Si l’Evénement étoit divin, le Ciel saurait s’expliquer plus<br />

tard et faire reconnoître son intervention. Si, au contraire,<br />

l’Evénement étoit l’effet ou d ’une sacrilège imposture ou d ’une<br />

déplorable illusion, il serait {biffé: bientôt] sûrement réduit à 1<br />

(1) Il s’agit de l’émotion soulevée pat la nouvelle de l’apparition.<br />

246


Janvier 1848 Doc. 398<br />

rien avec le temps (2) et par suite d ’un examen sévère, lent,<br />

consciencieux.<br />

Cependant et depuis seize mois, l’Evénement a grandi de<br />

jour en jour [...]<br />

[p. 5] Nous avons arrêté et ordonné, nous arrêtons et ordonnons<br />

ce qui suit (3) :<br />

ART. l. Le fait de la Salette est véritable, ou l’apparition de<br />

la S" Vierge sur la montagne de la Salette à deux petits bergers,<br />

Maximin Giraud et Mélanie Mathieu le 19 sept. 1846, est revêtue<br />

de toutes les preuves qui placent un fait au rang des vérités que<br />

l’on croit d ’une foi humaine, que l’on regarde comme moralement<br />

certaines, et comme ayant atteint ce degré de probabilité qui fait<br />

négliger toutes les suppositions contraires (4).<br />

ART. 2. Nous permettons de parler en chaire de l’apparition ;<br />

d ’en déduire les conséquences morales et pieuses qui s’y rattachent<br />

naturellement, et qui peuvent tourner à l’édification des fidèles.<br />

On pourra donc en parler comme on parle des faits contenus dans<br />

l’histoire de l’Eglise, dans les vies des Saints et dans les livres qui<br />

paraissent revêtus de l’autorité épiscopale. On pourra en parler<br />

comme on parle de la conversion de Mr Ratisbonne, de la guérison<br />

de Mlle de Maistre, etc.<br />

ART. 3. Nous levons la défense portée par notre circulaire<br />

du... novembre 1846 (5) ; mais la peine qui y était portée sera<br />

désormais encourue par ceux qui auraient la témérité de s’élever<br />

{biffé : contre le fait] du haut de la chaire évangélique et devant<br />

l’assemblée des fidèles, contre le fait dont nous proclamons la<br />

vérité (6).<br />

ART. 4. Nous autorisons le culte de Notre-Dame de la Salette,<br />

le pèlerinage, les neuvaines et autres pratiques de piété en son<br />

honneur, pourvu qu’il ne s’y glisse rien de contraire à la foi, à<br />

l’esprit et aux règles de l’Eglise. Nous approuvons également<br />

l’usage de l’eau de la fontaine merveilleuse. Nous permettons<br />

(2) L’importance du facteur « temps » pour le discernement des faits historiques a été<br />

mis en évidence par le cardinal J.H. Newman (1801-1890) dans son fameux Essai sur le<br />

développement : « L’histoire ne peut être écrite qu’avec un certain recul. C’est ainsi que le<br />

Canon du Nouveau Testament n’a été fixé qu’à la suite d ’un développement... Ainsi<br />

encore, l’Eglise ne prononce la canonisation des saints que longtemps après leur entrée<br />

dans le repos éternel » (Essai, ch. I, section II, n.5 : trad. M. Lacroix, DDB 1964).<br />

(3) Rappelons que le dispositif juridique qui suit n ’est encore qu’un projet.<br />

(4) L'article prend soin de ne pas ranger l’apparition parmi les vérités à croire de foi<br />

divine, auxquelles tout catholique doit adhérer.<br />

(5) Doc. 3 : circulaire imprimée, datée en fait du mois d ’octobre. Peut-être fut-elle<br />

publiée seulement en novembre.<br />

(6) La peine mentionnée dans la circulaire était la suspense encourue « ipso facto »,<br />

i.e. l'interdiction faite aux membres du clergé d ’exercer leurs fonctions, du simple fait<br />

d’avoir transgressé l’interdiction en question. — Noter que le présent article veut appliquer<br />

cette peine non pas à tous les actes hostiles à l’apparition, mais uniquement à ceux posés<br />

par des ecclésiastiques dans l’exercice de leurs fonctions publiques.<br />

247


Doc. 398<br />

<strong>Documents</strong><br />

enfin l’usage des images et des médailles déjà répandues au sujet<br />

de l’apparition. Mais nous défendons de publier aucune formule<br />

[p. 6] particulière de prières, aucun cantique nouveau, aucun livre<br />

de dévotion, qui auraient rapport à l’apparition de la Salette, sans<br />

notre approbation expresse.<br />

ÀRT. 5. Nous désirons vivement la construction d’une<br />

chapelle sur le lieu de l’apparition ; nous invitons les pieux pèlerins<br />

à y concourir par quelques offrandes volontaires. Nous autorisons<br />

MM. les curés de Corps et de la Salette à ouvrir un registre dans<br />

lequel seront régulièrement inscrits les noms des bienfaiteurs et le<br />

montant de leurs dons. Ce registre sera déposé et conservé dans<br />

les archives de la chapelle future.<br />

ART. 6. Nous autorisons l’Abbé Rousselot à publier par la<br />

voie de l’impression, son rapport sur l’apparition de la Salette,<br />

avec toutes les pièces justificatives qui s’y rapportent.<br />

* 399 et * 400. RELATIONS DE PÈLERINAGES faits en mai et<br />

juin 1847<br />

Dans Arbaud, p. 89-93.<br />

Note. Ces deux textes, que nous connaissons uniquement par Arbaud, ont<br />

pour auteurs des ecclésiastiques des « Basses-Alpes » (aujourd’hui Alpes-de-Haute-<br />

Provence), donc du diocèse de Digne. L’auteur du premier texte fit « le voyage<br />

de la Salette en compagnie de plusieurs autres prêtres » (Arbaud, p. 89). Nous<br />

ignorons quand ces textes furent écrits et à quel genre littéraire ils appartiennent<br />

(lettres privées ou récits destinés à être publiés...).<br />

Doc. 399 (Arbaud, p. 89-91)<br />

[...] Voici ce qui m ’a le plus frappé dans mon pèlerinage,<br />

[p. 90] Pendant l’entretien que j’eus avec Maximin Giraud (25 mai<br />

1847) et qui ne dura pas moins d ’une heure et demie, il ne dit<br />

pas un mot qui pût me faire douter de la véracité des faits ; il<br />

répondit à toutes les questions avec la naïveté de l’enfance et<br />

l’aplomb de la persuasion. Quand je voulus le tourner en ridicule<br />

sur le prétendu secret que la Sainte Vierge lui aurait confié, et<br />

quand, avec un sourire moqueur, je lui demandai en langue<br />

provençale : Qu’est-ce que cela pouvait être, il me fit en patois la<br />

réponse suivante dont j’admire encore l’à-propos et le laconisme :<br />

« Et que que sieyé ! » Ce qui signifie : « Et quoi que ce soit ! »<br />

Nous vîmes d’après cela qu’il était inattaquable et qu’il ne parlait<br />

que de ce qu’il avait entendu ou vu de ses propres yeux. Aussi,<br />

nous ne voulûmes pas prolonger un entretien qui nous avait assez<br />

convaincus.<br />

[La suite concerne des guérisons.]<br />

Doc. 400 (A r b a u d , p. 91-93)<br />

C’était le 16 juin 1847. Je gravissais la montagne de la Salette<br />

en compagnie de 13 prêtres, parmi lesquels se trouvait le vénérable<br />

248


Janvier 1848 Doc. 400<br />

curé de la cathédrale de Grenoble (1). Mélanie Mathieu nous<br />

accompagnait. [... Voici quelques-unes des réponses qu’elle donna<br />

à ceux qui marchaient en tête et parmi lesquels se trouvait l’auteur<br />

de ces lignes.]<br />

Mélanie, on m’a dit que la Sainte Vierge t ’avait révélé un<br />

secret ainsi qu’à Maximin ; (à ce mot de secret, elle releva sa<br />

petite tête et sembla me dire avec un regard méfiant : Avancez,<br />

je me tiens sur mes gardes.) Vous devriez nous le faire connaître,<br />

puisque, après tout, il faut espérer qu’un jour Dieu vous permettra<br />

de le divulguer. Elle me répondit : Si un jour nous le faisons<br />

connaître, alors vous le saurez ; pourquoi me le demandez-vous ?<br />

Après mille autres questions insignifiantes, craignant de l’avoir<br />

fatiguée, je lui dis : Mélanie, tu dois être bien ennuyée, tu as<br />

entendu tant de fois les mêmes interrogations !..... Elle répondit.<br />

Monsieur le curé, vous fatiguez-\p. 92\vous quand vous dites la<br />

messe tous les jours ? Je lui fis observer que le rapprochement<br />

n ’était pas juste parce que, si je disais la messe tous les jours,<br />

c’était par devoir. Elle répliqua : vous célébrez la messe tous les<br />

jours sans vous fatiguer parce que c’est votre vocation, et moi, je<br />

dis ces choses sans jamais m ’ennuyer, parce que la Sainte Vierge<br />

m ’a recommandé de les rapporter à tout son peuple. Tout en<br />

discourant de la sorte, nous arrivâmes au sommet de la montagne,<br />

où nous éprouvâmes les douces émotions qu’y ressent tout voyageur,<br />

quand bien même il ne soit témoin d’aucun miracle.<br />

Après trois heures de séjour sur les lieux sanctifiés par la<br />

présence de Marie, nous redescendîmes et j’eus encore l’avantage<br />

de m ’accompagner avec Mélanie pendant une heure. Je profitai<br />

de cette bonne fortune pour engager avec elle le dialogue suivant :<br />

— Mélanie, si ton confesseur te demandait ton secret, tu<br />

serais bien obligée de le lui révéler.<br />

— Si mon secret était un péché, oui, mais comme ce n ’est<br />

pas un péché, je ne suis pas tenue de le lui faire savoir.<br />

— Et s’il te refusait l’absolution pour cela ?<br />

— S’il me refusait l’absolution, je serais également contente<br />

parce que j’aurais fait mon devoir, mais lui n ’aurait pas fait le<br />

sien.<br />

— Quoi que tu dises, je crois que ton secret regarde le duc<br />

de Bordeaux (2) ?<br />

A ce mot, elle me regarda d ’un air étonné, comme une<br />

personne qu’on interroge sur une chose entièrement inconnue,<br />

puis elle répondit : 1<br />

(1) J.B. Gerin.<br />

(2) Petit-fils de Charles X et héritier du trône de France, selon les légitimistes. Nous<br />

avons ici un des premiers exemples d’une approche des secrets dans une problématique<br />

d’ordre politique.<br />

249


Doc. 401<br />

<strong>Documents</strong><br />

Qu’est-ce donc que le duc de Bordeaux ?<br />

— C’est un prince de la famille royale qui devait occuper le<br />

trône de France, et au lieu d ’être roi, il est dans l’exil, pendant<br />

qu’un autre règne à sa place.<br />

Elle répondit froidement :<br />

Eh ! qu’importe à Dieu que celui-là règne ou un autre ?<br />

Changeant de sujet, je lui dis :<br />

Mélanie, on m ’a rapporté que le procureur du roi t’avait<br />

interrogée et t’avait menacée de graves châtiments pour te faire<br />

avouer ton secret.<br />

— Non, M. le curé, c’est le juge de paix, qui, pendant trois<br />

heures, nous questionna séparément avec Maximin (3).<br />

[p. 93] — Que voulait-il de votre part ?<br />

— Il voulait nous faire parler sur l’apparition : il s’efforça de<br />

nous gagner par de l’argent, il voulait nous engager à rétracter<br />

toutes nos paroles et à divulguer notre secret.<br />

— Que lui répondis-tu ?<br />

— Gardez votre argent ; je ne me rétracte point et je ne<br />

veux pas dévoiler mon secret.<br />

— Alors, ne te menaça-t-il pas de la prison ?<br />

— Oui, M. le curé.<br />

— Et toi, que lui dis-tu ?<br />

— J'entrerai dans la prison, mais mon secret y entrera avec<br />

moi.<br />

— On m ’a dit qu’on t’avait menacée de la mort : est-ce que<br />

cette menace ne t’avait pas effrayée ?<br />

— Je n’avais pas pour cela bien peur, et je lui répondis : M.<br />

le juge de paix, on ne meurt qu 'une fois.<br />

Telles sont les principales réponses que j’ai entendues de la<br />

bouche de Mélanie et dont je garantis l’authenticité.<br />

* 401. ABBE ARBAUD. Hommage à Marie. Souvenirs intimes<br />

d'un pèlerinage à la Salette, le 19 septembre 1847...<br />

Digne, Repos, 1848. 126, [1] p. 22 cm.<br />

L'auteur. François Arbaud, né à Manosque, Alpes-de-Haute-Provence, le<br />

2 novembre 1817, était le neveu d’un évêque de Gap. Ordonné prêtre en 1841,<br />

professeur au petit séminaire de Forcalquier, il mourut le 11 septembre 1848,<br />

donc peu de temps après avoir terminé son livre (*).<br />

L'enquête. L’abbé Arbaud séjourna à Corps du 17 au 22 septembre 1847. Il<br />

prit probablement des notes par écrit : sa description si détaillée de l’anniversaire,<br />

confirmée par les autres témoignages qui nous sont parvenus, paraît indépendant<br />

de ces derniers au point de vue rédactionnel. Arbaud connaît Bez et VlLLECOURT,<br />

mais non la Vérité de Rousselot, qui paraîtra en août.<br />

250<br />

(3) L’interrogatoire avait eu lieu le 22 mai (cf. doc. 169 et 170).<br />

(*) Renseignements communiqués par M.-M. Viré, archiviste à l’évêché de Digne.


Avant février 1848 Doc. 401<br />

Date du livre. Le manuscrit de l’enquête fut terminé en janvier au plus<br />

tard : une lettre du début de février (doc. 402) se trouve reproduite non dans le<br />

corps de l’ouvrage, mais dans un « Article supplémentaire » contenant également<br />

une lettre datée du 28 mars (doc. 411). Il se peut que le livre parut seulement<br />

durant l’été : Rousselot semble ignorer son existence au moment où il prépare le<br />

compte-rendu des « publications sur la Salette » qu’on lit dans la Vérité.<br />

Ci-dessous nous reproduisons les pages les plus significatives du livre (en<br />

particulier ce qui concerne les deux enfants). Le reste sera signalé ou résumé.<br />

[.Introduction : Aperçus philosophiques et théologiques sur<br />

les apparitions. — Ch. I (p. 25-29) : Résumé des faits et de leurs<br />

suites. — Ch. II (p. 31-87) : Souvenirs du voyage.<br />

[Arrivé à Corps le 17 septembre au soir, Arbaud rencontre les<br />

enfants dans la cuisine du presbytère (p. 32).] Ma première pensée<br />

fut d ’examiner avec une attention scrupuleuse leurs démarches,<br />

leurs paroles, leur tenue, leur physionomie. Mais, à dire vrai,<br />

comme leur extérieur est très-simple sans être négligé, et qu’ils<br />

parurent s’apercevoir fort peu de ma présence, ils m ’inspirèrent<br />

sur-le-champ une certaine défiance. Je pense que plusieurs personnes<br />

auront éprouvé comme moi cette impression du premier<br />

moment : car, d’un côté, on s’attend à trouver tout de suite<br />

quelque chose d’extraordinaire en eux, et de l’autre, ils n ’offrent<br />

rien qui les distingue des autres enfants. Ce qui répugne surtout<br />

quand on a formé des jugements préconçus ou quand on s’est<br />

formé d ’eux un portrait avantageux, c’est qu’ils ne témoignent<br />

aucun désir de vous voir et de vous parler ; ils n ’usent [p. 33]<br />

d ’aucune prévenance pour vous disposer favorablement à leur<br />

égard. Cependant le nuage qui s’était élevé subitement dans mon<br />

esprit, fut assez léger pour me permettre d’apprécier leur air<br />

candide et empreint de bonté, leur joie enfantine, leurs petites<br />

étourderies, leur franchise, leur laissé'-aller. On voyait qu’ils<br />

n ’avaient pas été façonnés à jouer un rôle par une main habile,<br />

ou, du moins, qu’ils se préparaient fort mal à le remplir, si tant<br />

est qu’ils soupçonnassent qu’ils allaient être interrogés. Ils n ’étaient<br />

pas, comme on pourrait se le figurer, guindés, compassés, avisés,<br />

défiants ; en un mot, ce n ’étaient pas des enfants machines.<br />

[...Arbaud interroge Maximin, qui] répondit d ’une voix douce et<br />

faible par un simple oui. Je compris qu’il était fatigué des visites<br />

qu’il avait reçues dans la journée et je ne le pressai pas davantage,<br />

me réservant de l’entretenir dans une circonstance plus propice. Je<br />

dis aussi quelques mots à Mélanie : elle garda la même réserve.<br />

[...]<br />

[18 septembre. — Conversation avec des ecclésiastiques venus de Grenoble,<br />

de Nîmes, de Montpellier... (p. 35). Un prêtre rapporte que l’abbé Combalot<br />

lui a dit qu’il ne viendra pas prêcher à la Salette, l’autorité n’ayant pas encore<br />

publié son approbation.]<br />

251


Pèlerins vers 1860<br />

grave'par E. D ardelet<br />

252


Avant février 1848 Doc. 401<br />

Un autre prêtre raconta que, d ’après ce qu’il avait ouï dire,<br />

le R.P. Lacordaire combattait l’authenticité du fait et qu’il était<br />

allé jusqu’à lui appliquer les trois épithètes suivantes : « Absurde,<br />

ridicule, impossible (1). » [... Les prêtres vont au presbytère pour<br />

interroger Maximin. Un capucin venu de Lyon] lui dit avec<br />

douceur : « Ecoute, si cette nuit étant là-haut sur la montagne, je<br />

te confessais, et si [p. 36] alors, je te demandais de me dire ton<br />

secret, est-ce que tu ne me le dirais pas ? » Maximin stupéfait jeta<br />

un coup-d’œil rapide sur l’habit du religieux et lui répondit sans<br />

hésiter : « Mais vous n’êtes pas prêtre ! » A ces mots, l’assemblée<br />

poussa un éclat de rire et s’écria : « tu te trompes Maximin ;<br />

monsieur, est réellement prêtre. »<br />

[Conversation avec le peintre Jules Guédy ; description de la pierre trouvée<br />

le 24 mai. — Description de Corps et de la Salette-Fallavaux ; visite au village<br />

de la Salette ; rencontre de groupes de pèlerins ; retour à Corps.<br />

Dimanche 19 septembre : ascension de la montagne. — Description des<br />

lieux. — La veillée préparatoire et le jour anniversaire sur la montagne.<br />

Lundi 20 septembre : visite au couvent des sœurs de la Providence. Arbaud<br />

interroge Maximin. (p. 56)]<br />

Je lui dis en commençant : « Eh bien ! Maximin, tu dois être<br />

bien fatigué ainsi que [p. 57] Mélanie, après une journée comme<br />

celle d ’hier. Quelle foule immense ! si vous ne dites pas la vérité,<br />

sais-tu que vous êtes bien coupables de faire courir ici tant de<br />

gens et de si loin ! » Il détourna la tête et ne répondit rien. En<br />

même temps, il exerça son activité naturelle en parcourant des<br />

yeux et des mains tout ce qui le frappait dans mon extérieur : la<br />

soutane, le rabat, les boutons, le cordon de montre. S’étant aperçu<br />

que j’avais un livre à la main, il le prit sans façon, l’ouvrit au<br />

hasard et se mit à lire deux phrases latines d ’une leçon d ’Ecriture<br />

Sainte. Je le félicitai sur ce qu’il savait lire dans le bréviaire qui<br />

est écrit en latin et je lui fis espérer qu’un jour peut-être il serait<br />

revêtu de la dignité sacerdotale. Après cela, je le priai de me<br />

raconter fidèlement tout ce qu’il avait vu et entendu sur la<br />

montagne Sous-les-baisses, un an auparavant. Alors il devint plus<br />

attentif, sembla rentrer en lui-même, baissa la tête et fit le récit<br />

suivant d’un ton bas, et empreint de tristesse.<br />

[Suit le récit de Maximin d’après Bez (doc. 163) reproduit presque mot à<br />

mot, avec trois renseignements complémentaires (p. 58) :] 1<br />

(1) Sur l’opposition de Lacordaire à la Salette au cours des premières années qui<br />

suivirent l’apparition, cf. également Cartellier : Lacordaire « pense que toutes les guérisons<br />

miraculeuses que l’on cite et qu’on pourra citer ne prouvent rien en faveur de la Salette ;<br />

parce qu’il lui semble qu’une personne qui invoque la S" Vierge comme ayant apparu à la<br />

Salette peut en cela se tromper et cependant être exaucée ; il trouve qu’il n ’y a pas une<br />

connexion nécessaire entre l’apparition et la guérison miraculeusement obtenue » (Réponse,<br />

p. 101-102).<br />

253


Doc. 401<br />

<strong>Documents</strong><br />

(Arrivé à cet endroit [v. 14 : «... vous n’en avez pas fait<br />

cas »], Maximin dit que la dame, voyant qu’ils ne comprenaient<br />

pas, Mélanie surtout, ce que signifiait le mot pommes de terre,<br />

leur dit : Ah ! mes enfants, vous ne comprenez pas le français, je<br />

vais vous parler en patois. Il continue lui-même en patois son<br />

intéressant récit).<br />

[Après le v. 18 : «... les petits enfants au-dessous de sept<br />

ans mourront du tremble. »] (En disant ces paroles, le jeune berger<br />

agite les bras convulsivement et par secousses continues comme le<br />

fait une personne qui aurait la fièvre d’accès).<br />

[Après le v. 20 : « ... les noix deviendront mauvaises »] (Après<br />

cette phrase, Maximin s’arrêta, parut réfléchir un instant sur son<br />

secret et continua en disant :)<br />

Si on se convertit, le blé viendra sur la pierre et sur les rochers<br />

[... Quand Maximin a terminé son récit, Arbaud l’interroge sur<br />

les secrets. L’enfant répond qu’il a reçu le sien après Mélanie.<br />

Arbaud lui demande le moment précis (p. 59) :]<br />

Craignant de se compromettre, Maximin me jeta un coup<br />

d ’œil, réfléchit un moment et me dit : [p. 60] C’est au milieu.<br />

— Bien, c’est au milieu. Mais après quelle parole ? De quoi<br />

s’agissait-il ?<br />

— C’est lorsque elle a parlé de la famine.<br />

— Est-ce après avoir dit cette phrase : les raisins pourriront,<br />

les noix deviendront mauvaises ?<br />

— Oui. [...]<br />

— Est-ce que tu n ’as jamais rêvé que la Sainte Vierge t ’avait<br />

parlé ?<br />

— Oui, ça m’est arrivé une fois.<br />

[Répondant à diverses autres questions, Maximin dit que la figure de la<br />

Vierge était trop brillante pour qu’il puisse bien la voir, que la clarté répandue<br />

par la Dame était plus forte que celle du soleil, (p. 61) qu’ils ont cm que c’était<br />

quelque dame qui passait par là...]<br />

Je ne sais s’il y a illusion de ma part, mais on sent, quand on le<br />

voit de près, quand on le considère attentivement, quand on le<br />

tient dans ses bras, qu’il a été en communication avec un être<br />

supérieur et bienfaisant. Sa voix est douce, faible, mais touchante ;<br />

son regard vif et prompt annonce un caractère déterminé ; comme<br />

il est jeune et ardent, il aime le jeu à la folie : il saute, il court, il<br />

va, vient, retourne, s’en va de nouveau, préférant de beaucoup la<br />

vie libre et indépendante des champs à la vie triste et sédentaire<br />

de l’école. Toutefois, la dissipation à laquelle il se livre est aimable,<br />

modérée, harmonique avec son tempérament nerveux et sanguin.<br />

La légèreté et les étourderies dont plusieurs personnes lui font un<br />

grand crime, ne l’empêchent pas de rentrer, sitôt que la circonstance<br />

l’exige, dans le ton et dans le maintien que demande»/ la nature<br />

254


Avant février 1848 Doc. 401<br />

de son récit ; il se calme tout de suite, il change de pose, il<br />

acquiert une gravité simple et modeste autant qu’il lui est permis<br />

de le faire, et se tient fort bien en garde contre toutes les attaques<br />

même les plus insidieuses.<br />

[Suit le portrait de Maximin par Bez. — Arbaud interroge ensuite Sœur<br />

Sainte-Thècle, supérieure du couvent, qui lui répond qu’elle se comporte à<br />

l’égard des deux enfants d’une manière sévère (p. 63).]<br />

Aussi, dit-elle, ils me craignent et me fuient comme le feu. — Je<br />

crus m ’apercevoir, en effet, dans plusieurs circonstances, que ces<br />

paroles n’étaient ni fausses ni exagérées, mais très-exactes. [...]<br />

Je priai ensuite Mmc la supérieure de me faire connaître les<br />

mœurs, les habitudes, les dispositions, l’état intellectuel des deux<br />

enfants ; de me dire si elle n ’avait pas remarqué en eux des<br />

défauts tels que la duplicité, le mensonge, l’hypocrisie ; de<br />

s’expliquer nettement sur une accusation d’ivrognerie qu’on faisait<br />

peser sur Maximin, grief qui le déshonorerait lui et son récit. Elle<br />

me répondit que Maximin et Mélanie ne se fuyaient pas et ne se<br />

cherchaient pas, attendu qu’ils étaient étrangers l’un à l’autre<br />

avant l’événement. Quand il y avait entr’eux quelque petit sujet<br />

de dispute ou d ’altercation, ils ne se permettaient aucun mot<br />

grossier et aucune parole injurieuse. C’étaient tout au plus quelques<br />

boutades et rivalités d ’enfance exemptes de procédés blessants.<br />

Lorsque l’occasion de faire quelque niche, quelque escapade se<br />

présentait, ils ne laissaient pas que d ’en profiter ; mais comme ils<br />

savaient qu’après leurs fautes, la correction ne se faisait pas<br />

attendre, alors, dans les cas épineux où ils étaient pressés de<br />

s’expliquer sur leur conduite, ils cherchaient quelquefois à s’excuser<br />

et à se mettre à couvert par des réponses peu exactes ; du reste, ils<br />

n ’étaient pas capables de soutenir longtemps leurs petits mensonges,<br />

et bientôt ils étaient amenés à faire l’aveu de leur culpabilité.<br />

Ils étaient encore peu polis, peu prévenants, peu affables envers<br />

les personnes qui les abordaient, quoique d’ailleurs leurs allures<br />

franches et leur naïve simplicité les fissent chérir de tous ceux qui<br />

les avaient connus. Cela [p. 64] provenait de ce que leur éducation<br />

première avait été fort négligée, et de ce qu’ils étaient, par nature,<br />

peu susceptibles de perfectionnement. Mélanie surtout était trèsdure<br />

à apprendre. Depuis un an qu’ils étaient à l’école, à peine<br />

commençaient-ils à lire et à réciter quelques lignes du Catéchisme.<br />

Ils avaient de la peine à retenir leurs prières vocales du matin et<br />

du soir. Ni l’un ni l’autre n ’avaient encore fait la première<br />

communion. Il fallait plus d’un an avant qu’ils fussent à même<br />

de remplir ce devoir important. Du reste, à part les saillies de<br />

caractère et l’état inculte dans lequel ils avaient vécu, ils n ’étaient<br />

sujets à aucun vice grossier, et jouissaient encore de la candeur et<br />

de l’innocence de leurs premières années. Mélanie voulait qu’on<br />

255


Doc. 401<br />

<strong>Documents</strong><br />

lui fit les manches de ses robes larges et pendantes comme celles<br />

des religieuses, parce que, disait-elle, la dame qu’elle avait vue les<br />

portait ainsi. Elle voulait un habillement simple et modeste, une<br />

coiffe relevée et couvrant la partie supérieure du front, un long<br />

cordon pour ceinture, une robe de couleur bleue. Elle courait<br />

toujours vers les vieilles femmes, dans l’espoir de trouver cachée,<br />

sous des dehors obscurs, la dame mystérieuse. Maximin s’élançait<br />

vers les pauvres et les mendiants qui se rencontraient sur son<br />

passage, parce qu’il avait entendu dire que Jésus-Christ avait<br />

souvent emprunté cette forme pour se manifester à ses serviteurs.<br />

Il n’était jamais si content que lorsqu’il se trouvait en leur<br />

présence ; il aimait à leur raconter sa vision, et finissait par les<br />

gratifier des quelques sous que les étrangers veulent à toute force<br />

lui faire accepter. Quant à l’accusation d ’ivrognerie dirigée contre<br />

lui, elle était fausse et il était aisé de l’en justifier. Deux fois, il<br />

est vrai, il avait succombé à un sommeil léthargique après avoir<br />

bu du vin, mais les circonstances dans lesquelles il se trouvait le<br />

rendaient pleinement innocent. La première fois, il était allé sur<br />

la montagne en compagnie de plusieurs personnes et de la<br />

supérieure elle-même du couvent. Après avoir fait quatre heures<br />

de chemin dans des sentiers rocailleux et à pente brusque, sous le<br />

feu d’un soleil piquant, il était arrivé trempé de sueur, la supérieure<br />

voulant prévenir quelque fâcheuse maladie, lui avait fait boire un<br />

doigt de vin chaud et sucré, qui l’avait enivré. Il est facile de voir<br />

qu’il n ’y avait aucune culpabilité de la part de Maximin. La<br />

seconde fois, plusieurs prêtres l’ayant conduit au même lieu et<br />

dans des circonstances analogues, l’avaient tellement pressé de<br />

boire, sous prétexte qu’il avait chaud, qu’ils l’avaient réduit en<br />

un instant à l’état de sommeil. Ils n ’avaient pas [p. 65] réfléchi<br />

que ce qui ne produit rien de fâcheux sur un homme mûr, est<br />

plus que suffisant pour troubler la raison à un pauvre petit enfant.<br />

On ne peut donc en aucune manière accuser Maximin d ’être sujet<br />

à l’ivrognerie. D ’ailleurs Maximin et Mélanie étaient sobres et<br />

tempérants ; sous ce rapport, on ne pouvait que les louer. Ils<br />

manifestaient toujours un grand intérêt à entendre parler de la<br />

Sainte Vierge ; ils allaient à la Salette toujours avec un nouveau<br />

plaisir : huit jours avant la fête du 19 septembre, ils avaient<br />

demandé la permission de séjourner sur la montagne pendant<br />

toute la semaine, espérant, disaient-ils, voir de nouveau la tant<br />

belle Dame. Le refus qu’on avait cru devoir faire à leur demande,<br />

en vue de leur utilité, les avait plongés dans une profonde tristesse.<br />

Je demandai encore à Mmc la supérieure si, depuis le temps<br />

qu’elle avait les jeunes bergers sous son inspection, elle n ’avait<br />

jamais remarqué qu’ils eussent varié dans leur récit, et surtout si,<br />

d ’une façon quelconque, ils n ’avaient pas laissé pénétrer leur secret<br />

aux personnes qui les entouraient habituellement. Elle me répondit<br />

256


Avant février 1848 Doc. 401<br />

qu’ils avaient toujours raconté la même chose dans les mêmes<br />

termes ; qu’il n’y avait pas de différence à les entendre maintenant<br />

et à les avoir entendus le premier jour. Jamais, ils ne s’étaient<br />

laissé surprendre à l’endroit du secret ; ils n ’avaient rien dit, ni<br />

rien fait qui pût le faire découvrir. Seulement, un examen attentif<br />

et persévérant lui avait fait remarquer que lorsqu’on parlait à<br />

Mélanie touchant le secret, elle prenait tout à coup un air triste,<br />

et au contraire, quand on interrogeait Maximin là dessus, sa<br />

physionomie devenait sensiblement plus gaie et plus ouverte. D ’où<br />

il résulte que leurs secrets sont distincts et ont rapport à des objets<br />

d ’une nature différente.<br />

Satisfait des explications qui m ’avaient été données, je priai<br />

Mmc la supérieure d ’appeler Mélanie afin que je pusse l’interroger.<br />

Elle l’amena bientôt et se retira. Sur ces entrefaites, il se présenta<br />

trois personnes qui venaient aussi pour entendre le récit des jeunes<br />

enfants. Nous fîmes asseoir Mélanie devant nous et elle commença<br />

à parler d ’une voix faible et timide. Nous prêtions toute l’attention<br />

possible afin de ne rien laisser échapper, mais malgré notre bonne<br />

volonté, nous perdîmes plusieurs mots, tant elle était affaiblie et<br />

écrasée par la dure corvée qu’elle avait supportée la veille. Il me<br />

fut cependant aisé de comprendre qu’elle s’accordait parfaitement<br />

avec Maximin. Même sens, mêmes pauses, mêmes gestes, même<br />

ton. Elle raconta la première partie en français, mais la seconde<br />

fut dite en patois.<br />

[p. 66] Lorsqu’elle eut fini de parler, j’engageai avec elle la<br />

conversation suivante :<br />

— Ecoute, Mélanie, tout ce que tu viens de dire est-il bien<br />

vrai ?<br />

— Oui.<br />

— Est-ce que tu ne mens pas quand tu dis que tu as vu la<br />

Sainte Vierge ?<br />

— Je sais pas si c’était la Sainte Vierge, mais je sais que nous<br />

avons vu une belle dame.<br />

— Tu te trompes. Je vais te dire, moi, comment tout cela<br />

s’est passé.<br />

Vous vous êtes endormis après avoir pris votre petit repas.<br />

Pendant que vous dormiez, vous avez rêvé tous les deux en même<br />

temps que vous voyiez une belle dame ; après vous être réveillés,<br />

vous vous êtes raconté votre songe et comme il était à peu près le<br />

même, vous êtes tombés d ’accord pour dire que vous aviez vu<br />

quelque personnage extraordinaire sur la montagne.<br />

— Non, ce n ’est pas vrai ; nous ne l’avons pas rêvé.<br />

— Es-tu bien sûre d ’avoir été éveillée, lorsque tu as eu cette<br />

vision ; peut-être tu ne le sais pas bien.<br />

— Je sais bien quand je dors ou quand je veille.<br />

257


Doc. 401<br />

<strong>Documents</strong><br />

— Alors dis-moi : as-tu bien entendu parler cette dame, l’astu<br />

bien regardée et bien vue ?<br />

— Oui.<br />

— Sa voix était-elle forte ?<br />

— Oui.<br />

— Etait-elle en même temps douce et agréable ?<br />

— Oui.<br />

— Etait-elle comme celle des autres femmes ?<br />

— Non, elle avait quelque chose de bien plus beau.<br />

— As-tu prêté toute ton attention lorsqu’elle a passé de<br />

l’autre côté du ravin pour s’en aller ?<br />

— Oui.<br />

— L’as-tu suivie ?<br />

— Oui.<br />

— Comment marchait-elle ?<br />

— Sur la cime de l’herbe.<br />

— As-tu bien ouvert les yeux lorsqu’elle s’est élevée en l’air ?<br />

— Oui.<br />

— Mais comment a-t-elle fait pour monter en haut ?<br />

[p. 67]— Eh bien, elle s’est élevée de ça (Mélanie étend la<br />

main à la hauteur d ’un mètre au-dessus du sol), et puis nous<br />

n ’avons plus vu la tête, plus le corps, plus les pieds.<br />

— Lorsqu’elle a eu disparu as-tu vu encore quelque chose ?<br />

— Oui, j’ai vu une clarté.<br />

— Ecoute bien ce que je vais te dire :<br />

Quand ce personnage a eu fini son rôle, après qu’il s’est<br />

évanoui à vos yeux, est-ce que vous n ’avez pas eu l’idée de courir<br />

tout de suite de l’autre côté de la crête, pour voir s’il ne se serait<br />

pas caché quelque part, ou s’il ne s’enfuyait pas par le chemin<br />

d’Ourcière (2) ?<br />

— Non, ce n ’était pas nécessaire.<br />

Cette réponse produisit sur moi une profonde impression<br />

parce qu’elle me prouvait que les enfants avaient réellement vu le<br />

personnage monter dans les airs, sauf mensonge de leur part. Je<br />

poursuivis en disant :<br />

— Je comprends parfaitement ce que tu veux dire ; oui, ce<br />

n ’était pas nécessaire puisque vous l’aviez vu disparaître après qu’il<br />

avait quitté la terre. Mais enfin, n ’avez-vous pas pensé que c’était<br />

qu’elle [sic] méchante sorcière qui voulait vous attraper ?<br />

— Oh non !<br />

— C’est peut-être la domestique de M. le curé qui vous a<br />

fait cette niche. Elle s’est habillée comme une grande dame, elle<br />

(2) Ourcière : ancien nom de Dorcières, village situé sur la pente méridionale du<br />

Planeau (voir infra, p. 305 et la carte, LSDA I, p. 6).<br />

258


Avant février 1848 Doc. 401<br />

vous a surpris au moment où vous n ’y pensiez pas et vous l’avez<br />

prise pour un être miraculeux et céleste.<br />

— Eh bien ! si c’est la domestique de M. le curé, dites-lui<br />

de le faire encore une fois, et vous verrez !.....<br />

— Si ce n’est pas la domestique de M. le curé qui vous a<br />

trompés, alors ce sera quelque beau nuage blanc qui a pris la<br />

forme d ’une figure humaine. Vous l’aurez suivi jusqu’à ce qu’il<br />

se soit dissipé.<br />

— Eh bien ! si c’est un nuage, faites-moi un peu parler un<br />

nuage, vous !.....<br />

Mélanie était de mauvaise humeur en entendant mes objections<br />

; elle finit par me dire : « Vous ne croyez pas à la Sainte<br />

Vierge. » Je lui répondis : « Mais oui, je crois à la Sainte Vierge ;<br />

seulement, je ne crois pas encore que vous l’ayez vue et qu’elle<br />

vous ait dit ce que tu as raconté. » Elle répliqua avec feu : « Croyezle<br />

ou ne le croyez pas, cela ne me fait rien. » En disant ces mots,<br />

elle se dressa comme pour s’en aller ; je la retins malgré elle en la<br />

[p. 68] calmant par ces paroles : « Allons, eh bien oui, je crois<br />

maintenant que vous avez eu le bonheur de voir la Sainte Vierge,<br />

et qu’elle vous a parlé. Combien devez-vous vous estimer heureux !<br />

Combien de personnes voudraient aussi la voir ! Demeure encore<br />

un peu et puis nous te laisserons aller. Est-il vrai que tu aies un<br />

secret ? »<br />

— Oui.<br />

— Sais-tu s’il est le même que celui de Maximin ?<br />

— Je sais pas moi.<br />

— Est-ce que tu ne l’as pas dit à M. le curé ?<br />

— Non.<br />

— Veux-tu me le dire ?<br />

— Non.<br />

— Est-ce que je ne le saurai jamais ?<br />

— Vous le saurez ou vous ne le saurez pas.<br />

— La Sainte Vierge, comment était-elle habillée ?<br />

— Elle avait des souliers blancs avec des roses autour de ses<br />

souliers ; il y en avait de toutes les couleurs ; des bas jaunes, un<br />

tablier jaune, une robe blanche avec des perles partout, un fichu<br />

blanc, des roses autour, un bonnet bien haut, une couronne autour<br />

de son bonnet avec des roses ; elle avait une chaîne très-petite qui<br />

tenait une croix avec son Christ ; à droite étaient des tenailles, à<br />

gauche un marteau, aux extrémités de la croix. Une grande chaîne<br />

tombait comme les roses autour de son fichu ; elle avait la figure<br />

blanche, allongée ; je ne pouvais pas la voir bien longtemps<br />

pourquoi qu’elle nous éblouissait.<br />

Lorsqu’elle se fut arrêtée, je lui montrai l’image de la Sainte<br />

Vierge que j’avais dans mon bréviaire, et je lui dis : « Regarde un<br />

peu si la personne que tu as vue ressemblait à cette figure ? »<br />

259


Doc. 401<br />

<strong>Documents</strong><br />

« Non, non, point du tout, » répondit-elle, et en même temps<br />

elle était impatiente de sortir. Alors une des personnes qui se<br />

trouvaient dans le salon, lui dit : « Avant de t’en aller, Mélanie,<br />

il faut que tu nous fasses un plaisir. Il y a ici une jeune demoiselle<br />

que nous avons amenée pour la recommander à la protection de<br />

la Sainte Vierge ; elle est presque muette, car elle ne peut<br />

prononcer que quelques mots ; sais-tu ce qu’il faut faire, il faut<br />

l’embrasser, afin que par ce moyen la Sainte Vierge la protège. »<br />

Aussitôt que Mélanie eut entendu ces paroles, elle fit un geste de<br />

refus et se mit en mesure de sortir. Nous la priâmes de rester et<br />

nous la conjurâmes au nom de la charité de faire ce qu’on lui de-<br />

[p. 69]mandait. La jeune demoiselle qui souhaitait ardemment<br />

d ’être guérie, s’élança sur elle pour l’étreindre dans ses bras, mais<br />

la jeune bergère la repoussa vivement. Elle s’obstina dans son<br />

refus, demeura inflexible malgré nos pressantes sollicitations et se<br />

mit à pleurer en disant : « Non, non ! je ne veux pas ; je<br />

n ’embrasse personne !..... » Sa candeur, son innocence et sa<br />

délicatesse avaient trop bien révélé son mérite pour que nous<br />

dussions la molester plus longtemps. Nous lui accordâmes enfin la<br />

permission de se retirer et en un instant, elle disparut en fermant<br />

la porte sur elle.<br />

M. l’abbé Bez en fait le portrait en ces termes : [Suit le<br />

portrait de Mélanie par BEZ.]<br />

Lorsque Mélanie se fut retirée, nous prîmes congé de Mmc la<br />

supérieure et nous sortîmes après avoir rencontré, à la porte de la<br />

cuisine, le jeune Maximin qui faisait son récit à un pauvre mendiant<br />

ravi de l’entendre, et lui donnait en finissant un p etit sou en<br />

signe d’amitié.<br />

[Arbaud interroge ensuite Marie Laurent, qui avait été guérie le 24 novembre<br />

1846, et son époux, puis l’aubergiste Magnan et le père de Maximin (p. 77).]<br />

Dans la matinée du mardi, 21 septembre, je me transportai<br />

[p. 78] chez les parents de Mélanie qui habitent une pauvre maison<br />

située non loin du couvent. Je pénétrai dans une grande chambre<br />

déguenillée où étaient réunis le père, la mère et quelques petits<br />

enfants. Après les avoir salués et après avoir félicité la pauvre mère<br />

de la faveur que la Sainte Vierge avait accordée à sa fille, je lui<br />

manifestai le désir de connaître quelques-uns des détails les plus<br />

intimes qui se rattachaient à l’histoire de Mélanie. Elle prit aussitôt<br />

la parole et me donna à peu près les informations suivantes :<br />

« Vivant dans une condition misérable, la nécessité les avait<br />

forcés à placer leur enfant chez différents maîtres, depuis l’âge de<br />

sept ans ; à l’époque de l’apparition, elle était chez le sieur<br />

Baptiste Pra, dans le hameau des Ablandens, à l’exception des<br />

trois mois les plus rigoureux de l’année, décembre, janvier, février,<br />

elle avait toujours vécu hors de la maison et hors du village où<br />

260


Avant février 1848 Doc. 401<br />

elle était peu connue ; après l’événement arrivé à la Salette, elle<br />

s’était empressée de quitter les Ablandens pour venir leur raconter<br />

avec grande abondance de larmes le prodige qui l’avait tant<br />

frappée ; son père, parti pour le Dévoluy 15 jours avant, avait été<br />

le dernier du village à apprendre la grande nouvelle ; peu crédule<br />

de son naturel et scieur de long de son métier, il avait accueilli les<br />

propos de Mélanie avec un mépris qui s’était changé bientôt en<br />

indignation ; ils avaient usé de tous les moyens pour persuader à<br />

Mélanie qu’elle était victime d ’un fol entêtement, mais les<br />

persécutions les plus acharnées, les châtiments, les insultes, les<br />

sarcasmes n’avaient amené aucun résultat, si ce n ’est celui de la<br />

rendre plus ferme et plus inébranlable ; elle avait toujours montré<br />

un cœur bon, doux, sensible, timide, patient et ennemi du<br />

déguisement, elle avait en revanche la tête fort dure et, tandis<br />

que ses frères et sœurs apprenaient fort bien leur catéchisme, elle<br />

ne pouvait retenir les notions élémentaires de la doctrine chrétienne<br />

; elle était parvenue cependant à réciter en français le Notre<br />

père, qui êtes aux cieux... sans comprendre d ’une manière bien<br />

claire ce que signifiaient ces mots : Notre père... Enfin, elle lui<br />

avait raconté qu’après l’événement de la Salette, passant un soir<br />

auprès de la chapelle de St. Sébastien, elle avait vu bien<br />

distinctement et sans frayeur l’intérieur de l’édifice illuminé par<br />

une brillante clarté et que cette même lumière avait accompagné<br />

ses pas jusqu’à la demeure de son maître (3). »<br />

Quand elle eut cessé de parler, je lui adressai cette question :<br />

[p. 79] « Comment se fait-il que votre fille ne comprit pas la<br />

langue française, puisque, d’après ce que je vois, vous la parlez<br />

vous-même assez bien ; on dit ordinairement que les enfants savent<br />

parler la langue de leurs parents. » Elle répondit à cela que Mélanie<br />

comprenait certainement quelques mots français lorsque la Sainte<br />

Vierge lui a parlé et qu’elle aurait pu, en fréquentant la maison<br />

paternelle, en savoir davantage, mais elle en avait été empêchée<br />

en demeurant la plus grande partie de l’année chez des ménagers<br />

où l’on ne se sert habituellement que du patois. [...]<br />

[Troisième visite à la Salette. — Arbaud interroge le maire Peytard.<br />

Description des lieux de l’apparition (p. 81).]<br />

L’endroit où coule actuellement la fontaine, n ’était pas celui<br />

où la source jaillissait originairement. Comme on voulait rassembler<br />

les précieux filets d ’eau qui s’échappaient dans les entrailles de la<br />

terre, on a creusé un petit lit où ils viennent se réunir et on l’a<br />

soigneusement recouvert. Aussi, la première des 14 croix dont se<br />

composent les différentes stations, est-elle plantée un peu au-<br />

(3) Sur cet épisode, voir p. 203.<br />

261


Doc 204 bis : Vue du plateau de la Salette et portrait des deux bergers, par Jules Gue'dy<br />

« Cet endroit que M.élanie eut soin de noter en y enfonçant son bâton de bergère, est marqué par une petite croix... » (Arbaud, p. 82).


Avant février 1848 Doc. 401<br />

dessus du torrent, sur le lieu où la Sainte Vierge était assise. La<br />

seconde qui est située à quatre pas de la précédente, du même<br />

côté du ravin, occupe, d ’après ce que disent les enfants qui l’ont<br />

eux-mêmes plantée, la position tenue par le personnage, pendant<br />

qu’il leur a parlé. Cette croix est à raison de la circonstance dont<br />

je viens de parler, l’objet d ’un culte plus profond que la première.<br />

On la voit couverte de chapelets, de rubans, de fleurs entrelacées,<br />

d ’images, de livres, et enfin de trois ou quatre béquilles. En outre,<br />

elle soutient une petite niche dans laquelle Mélanie a placé une<br />

statue grossièrement habillée à la vérité, mais imitant, autant que<br />

possible, par l’identité du costume, la dame qu’elle a vue. Qu’il<br />

est touchant et naïf ce symbole où reluit un hommage sincère<br />

rendu à la réalité du fait !...<br />

Les autres croix plantées sur la rive gauche se développent à<br />

des distances égales sur un plan brusquement incliné. Elles<br />

jalonnent pour ainsi dire par leurs contours, le chemin qu’a suivi<br />

le personnage inconnu.<br />

La X IV m', c’est-à-dire, la dernière du chemin de la croix,<br />

n ’atteint pas tout à fait la crête du plateau. Elle porte un tronc<br />

soigneusement fermé dans lequel chacun dépose les dons que lui<br />

inspire sa piété. Plus d ’une fois, on a vu des femmes y jeter leurs<br />

bagues et leurs pendants d ’oreilles. Quoique placée à l’extrémité<br />

[p. 82] du côté du sud, elle n ’indique cependant pas le lieu précis<br />

où la Sainte Vierge s’est élevée en l’air, en présence des deux<br />

bergers, et a fini par s’évanouir. Cet endroit que Mélanie eut soin<br />

de noter exactement en y enfonçant son bâton de bergère, est<br />

marqué par une petite croix qui s’élève presque au pied de la<br />

précédente. Comme celle qui est située auprès de la fontaine, elle<br />

est chargée de médailles, de chapelets, de couronnes de fleurs,<br />

d ’images, de scapulaires, de béquilles et s’appelle Croix de<br />

l'Assomption, parce que c’est de là que le personnage se serait<br />

élevé en l’air, je remarquai que parmi toutes les croix, il n ’y en<br />

avait pas une d ’intacte. On les avait coupées selon la direction des<br />

arêtes, soit en travers, soit du haut en bas. Deux principalement,<br />

la seconde et l’avant-dernière qui rappellent des souvenirs plus<br />

précieux, avaient été terriblement endommagées. Elles ne tenaient<br />

presque plus sur leur base.<br />

[Retournant à Corps par les Ablandens, Arbaud interroge P. Selme et B. Pra,<br />

qu’il trouve entourés de leurs familles. On lui dit que le récit des enfants n’a<br />

point changé avec le temps (p. 84).]<br />

Seulement, dans le principe, ils rapportaient le discours de la<br />

dame tout en patois, tandis que, plus tard, ils ont raconté la<br />

première partie en français et la seconde en patois. Cette particularité<br />

ne devait pas les rendre suspects, car ils avaient eu soin, dès le<br />

263


Doc. 401<br />

<strong>Documents</strong><br />

début, d’avertir que la grande dame s’était énoncée en français et<br />

n’avait commencé à parler patois qu’au mot pommes de terre (4).<br />

[Arbaud rentre à l’hôtel au clair de lune. Rencontrant un artiste qui avait<br />

voulu daguerréotyper la foule réunie sur la montagne, il lui demanda s’il avait<br />

réussi (p. 85).]<br />

Il me répondit que, malheureusement pour lui, temps et peine,<br />

tout avait été perdu. La brume épaisse et humide qui enveloppait<br />

l’assemblée, ayant détrempé les préparations chimiques étendues<br />

sur les plaques, il lui avait été impossible de se livrer à l’opération.<br />

Pour se dédommager, il se proposait de tirer le portrait des deux<br />

enfants, chose à laquelle je l’engageai beaucoup, attendu que tous<br />

ceux qu’on en a fai/ jusqu’à ce jour sont très-peu ressemblants.<br />

[Interrogatoire de Mme Consolin, hôtellière (5). Elle répond à Arbaud que<br />

les habitudes du pays ont effectivement changé depuis l’apparition et lui raconte<br />

que le charron Giraud, insulté en sa présence par un étranger, s’en alla sans<br />

avoir pu répliquer un seul mot (p. 86).]<br />

Il courut droit à sa maison et tomba à coups redoublés sur son<br />

misérable enfant, après l’avoir attaché au pied d’une table. [...]<br />

Puis, à la suite de cette scène, il le consigna pour huit jours dans<br />

un réduit obscur, et le condamna au pain et à l’eau (6). Au bout<br />

des huit jours, chose étonnante ! Maximin était [p. 87] aussi ferme<br />

et aussi inébranlable qu’auparavant.<br />

[Ch. III (p. 89-97) : Réponses admirables de Maximin et de<br />

Mélanie. — Doc. 399, 400, extraits de BEZ, puis (p. 96) :]<br />

Un questionneur importun adressa à Maximin la même<br />

objection que j’avais présentée à Mélanie au sujet des nuages. Il<br />

lui dit que la belle dame qu’il avait vue, n ’était autre chose qu’un<br />

nuage blanc qui, par la manière dont le soleil l’avait frappé, avait<br />

offert des dehors éclatans de lumière et de couleurs. Le jeune<br />

berger se contenta de lui répondre : « Faites donc parler un<br />

nuage. » L’enfant avait raison ; la chose est en effet passablement<br />

difficile. Cependant, l’interlocuteur ne se tint pas pour battu, et<br />

il ajouta une seconde difficulté. « Mais, dit-il, faisant un effort<br />

d ’imagination, si c’était une femme cachée dans un nuage. »<br />

« Oh ! Monsieur, répliqua Maximin, faites donc porter une femme<br />

(4) Récit donné au début « tout en patois » : pour donner à leur entourage une<br />

première idée de ce qui leur était arrivé, les enfants devaient spontanément s’exprimer en<br />

patois.<br />

(5) Arbaud orthographie « Consolin ». Il s’agit sans doute de l’hôtel Gonssolin (devenu<br />

plus tard hôtel Dumas), identifié par BASSETTE, p. 148, avec celui que Mélin présente<br />

comme « l’auberge la plus apparente de Corps, celle où se présentent naturellement les<br />

étrangers un peu honorables » (témoignage de Mélin reproduit dans le doc. 395, p. 1).<br />

(6) Témoignage isolé et manifestement exagéré. Il teste néanmoins vrai que l’enfant a<br />

souffert pour l’apparition.<br />

264


Avant février 1848 Doc. 401<br />

sur un nuage, car nous l’avons vue s’élever et disparaître ; nous<br />

n ’avons plus vu la tête, plus vu le bras, plus le corps, plus les<br />

pieds ; elle s’est fondue. [...]<br />

[Ch. IV (p. 99-122) : Réponse à dix objections. ]<br />

[(p. 102)...] On ne peut disconvenir que les paroles de<br />

Maximin et de Mélanie ne ressemblent à une véritable récitation.<br />

Aussitôt qu’un voyageur les a priés de raconter l’événement, ils<br />

enfilent leur histoire avec une rapidité étonnante, à voix basse, la<br />

tête baissée, ainsi que le pratiquent les jeunes écoliers. Ils<br />

prononcent également et sur le même ton demandes et réponses.<br />

Ils paraissent même ne concevoir que fort peu l’importance et la<br />

gravité de ce qu’ils annoncent. Voilà ce qu’on découvre à la<br />

première inspection.<br />

[...(p. 103) Cependant] tout en reconnaissant que Maximin<br />

et Mélanie récitent leur histoire plutôt qu’ils ne la racontent, il y<br />

aurait de l’inexactitude et de l’injustice à ne pas reconnaître qu’il<br />

y a dans leur ton une modestie et une empreinte de tristesse qui<br />

frappent vivement. S’ils ne sont pas à même de concevoir la portée<br />

de leurs paroles, il paraît cependant qu’ils ont senti et qu’ils<br />

sentent profondément la mission dont ils sont investis, puisqu’ils<br />

se défendent si habilement contre leurs contradicteurs.<br />

Ils ne sont pas non plus si froids ni si superficiels, car ils<br />

laissent apercevoir de temps en temps les larmes qui mouillent<br />

leurs yeux, aux passages les plus touchants de leur discours. Il ne<br />

faut donc pas exagérer le caractère de monotonie avec lequel ils<br />

ont l’habitude de débiter. [...]<br />

[Article supplémentaire (p. 123-124) : doc. 402 et 411. —<br />

Table des matières.]<br />

ÉVÉNEMENTS d e février-m a rs-a v ril 1848<br />

Révolution de février et début de la Seconde République. Le roi Louis-<br />

Philippe abdique le 24 février. La seconde République s’instaure sous le signe de<br />

l’alliance entre la liberté et la religion. « Tout s’annonce d’une manière non<br />

seulement inoffensive mais encore favorable », déclare Mgr de Bruillard dans une<br />

lettre datée du 4 mars et destinée à être lue publiquement dans les églises du<br />

diocèse (*). Il y eut cependant en quelques endroits des manifestations anticléricales,<br />

en particulier à Lyon et à Vienne (Isère). Au cours des semaines qui<br />

suivent l’écroulement de la monarchie, va se développer une crise économique<br />

extrêmement grave, engendrant chômage et agitation sociale. L’inquiétude gagne<br />

le pays. Le dimanche de Pâques, 23 avril, pour la première fois en France on élit<br />

les députés au suffrage universel. 84 % des inscrits votent. Les élus appartiennent<br />

en majorité au centre et à la droite.<br />

(*) Lettre citée par J. Emery dans B. BLIGNY, éd. Le diocèse de Grenoble, Paris,<br />

Beauchesne, 1979, p. 225.<br />

265


Doc. 411<br />

<strong>Documents</strong><br />

La Salette. « Forcément suspendu pendant deux mois, le pèlerinage a été<br />

fréquenté de nouveau à partir du 15 février 1848. Dès lors, nous avons vu des<br />

personnes venues de fort loin et qui, appuyées uniquement sur la protection<br />

puissante de N.D. de la Salette, se sont estimées heureuses de parvenir au lieu<br />

de l’apparition, malgré plusieurs pieds de neige et un vent glacial. Nous étions<br />

autorisés à reprendre l’oblation interrompue du Saint Sacrifice sur la montagne<br />

dès le 25 mars ; mais nous n’avons pu jouir de cette faveur que le 10 mai »<br />

(PERRIN, n° 663). — Mgr de Bruillard autorise également le curé de la Salette à<br />

instituer une « neuvaine perpétuelle » de prières, consistant dans la récitation des<br />

litanies de la Vierge, d’un Pater, d’un Ave et du Souvenez-vous de saint Bernard<br />

(doc. 407, 409, 410, 416 ; Perrin, n° 168-181).<br />

Mardi 28 mars 1848<br />

411. LETTRE ENVOYÉE DE CORPS à l’abbé Arbaud<br />

Dans Arbaud, p. 124.<br />

Auteur : peut-être l’abbé Mélin.<br />

Une nouvelle approche de la Salette. Les fameux secrets confiés le 19<br />

septembre 1846 à Maximin et à Mélanie ne contiendraient-ils pas la clef de<br />

l’avenir politique, qui paraît si incertain depuis le renversement de la monarchie<br />

au mois de février ? La présente lettre renvoie l’écho des toutes premières réactions<br />

exprimées en vertu de cette attente.<br />

Monsieur l’Abbé,<br />

Plusieurs personnes ont pensé, comme vous, que les graves<br />

événements qui se sont passés, et qui vont se développer en France<br />

avaient quelque liaison avec l’apparition (1). Si cela est, Dieu s’en<br />

est réservé le secret. Les deux enfants n ’ont encore rien divulgué.<br />

Ces événements n ’ont influencé en rien leur conduite, qui est<br />

toujours absolument la même, quant à ce fait.<br />

J ’ai l’honneur d’être...<br />

Corps le 28 mars 1848.<br />

Mercredi 19 avril 1848<br />

414. LETTRE DES ABBÉS LOUIS ETJ.-M. PERRIN, de la Salette,<br />

à Mgr de Bruillard<br />

Original écrit de la main de l’abbé J.-M. P. et signé des deux frères (3 p.<br />

26,5 cm x 19,5) : EG 134.<br />

Note. La lettre a pour objet l’expansion de la dévotion née de l’apparition.<br />

Pour la première fois, il est question de la fondation d’une confrérie en l’honneur<br />

de Notre-Dame de la Salette. 1<br />

(1) Dans une lettre datée du lendemain 29 mars (doc. 412), l’abbé Mélin prend cette<br />

idée â son propre compte : « L’apparition aux deux bergers ne paroissoit pas un fait assez<br />

éclatant à quelques-uns ; ils attendoient de plus grands événements pour y croire. Je pense<br />

que leurs désirs ont été exaucés. 11 a été solennel le coup de tonnerre qui vient d'éclater<br />

soudain, sans aucun signe précurseur : intonuit de coelo Dominas. » — Cette lettre ne<br />

contient cependant aucune allusion aux secrets de la Salette.<br />

2 66


Monseigneur,<br />

19 avril 1848 Doc. 414<br />

Les deux frères de la Salette ont l’honneur de présenter leur<br />

profond hommage à votre Grandeur. Comme leur position les met<br />

toujours en rapport avec tous les départemens de la France, ils ont<br />

cru devoir informer leur vénéré Pontife de ce que l’on dit et de ce<br />

que l’on fait relativement au fait surnaturel de l’apparition. Voici,<br />

par ordre, quelques remarques à ce sujet.<br />

1° Honneurs rendus à l’eau privilégiée et aux pierres touchées<br />

par la Reine du ciel.<br />

Made Sœur Ste Sophie, Suprc des religieuses hospitalières de<br />

N.D. de la Victoire, à Morlaix (Finistère) ayant reconnu plusieurs<br />

fois la puissance de cette eau sur les malades de sa communauté,<br />

et notamment sur deux religieuses, de la guérison desquelles les<br />

relations ont été envoyées à l’Evêché, nous apprend, dans une<br />

lettre du 13 mars, comment elle s’applique à témoigner sa<br />

reconnaissance à Notre Dame de la Salette.<br />

« Vous saurez avec satisfaction sans doute, Monsieur le Curé,<br />

que notre bon aumônier, entrant dans mes vues, nous bâtit, en ce<br />

moment, une petite chapelle expiatoire sur une colline élevée. Elle<br />

sera dédiée à Notre Dame de la Salette (1). »<br />

[Dévotion à N.D. de la Salette chez les Annonciades célestes de Langres et<br />

les Dames blanches du monastère de la Rochelle. — Guérison de Jeanne Laurent,<br />

fille de service à Clichy, Seine (2). S’étant par inadvertance enfoncé une épingle<br />

dans l’oreille, elle en fut délivrée par l’application d’un fragment de pierre<br />

emporté de la Salette par un séminariste de Saint-Sulpice. (p. 2) ...]<br />

Quand donc nous sera-t-il permis de pouvoir, nous aussi,<br />

répondre aux vœux si ardens de tous ceux qui, en si grand nombre,<br />

nous demandent, et de vive voix et par écrit, à voir, à toucher, et<br />

surtout à vénérer ces monumens auxquels Marie a communiqué<br />

par le contact une puissance divine, puisqu’ils deviennent les<br />

instrumens de sa miséricordieuse bonté ! [... ]<br />

2° Désir manifesté dans le diocèse et dans toute la France.<br />

[... Le silence gardé par l’autorité étonne. On l’attribue à des interventions<br />

inspirées par la crainte que la Salette pourrait faire du tort à d’autres pèlerinages.] 1<br />

(1) La chapelle construite chez les Religieuses Hospitalières de Saint-Augustin du<br />

couvent de N.D. de la Victoire devint, à partir du mois de septembre suivant, un centre<br />

de pèlerinage fréquenté par le public. (PERRIN, n ” 703-706 ; J.M. ABGRALL, La Salette de<br />

Morlaix, Brest 1907.)<br />

(2) Cette guérison, qui eut lieu vers le 8 novembre 1847, semble n'avoir été connue à<br />

l’évêché de Grenoble que par une seule relation (doc. 334 ter), dont une copie fut envoyée<br />

au curé de la Salette par un ancien pèlerin, l’abbé Berger, séminariste à Saint-Sulpice.<br />

Originaire d'Avallon dans l’Yonne, l'abbé Berger avait informé le curé de la Salette en<br />

décembre 1847 de la guérison d ’Antoinette Bollenat (GlRAY 1, p. 195-196).<br />

267


Doc. 414<br />

<strong>Documents</strong><br />

Beaucoup de prêtres de notre diocèse manifestent le désir que Sa<br />

Grandeur levât au moins la défense de parler en chaire du fait<br />

extraordinaire de la Salette, et l’on ajoute que cette mesure serait<br />

une approbation suffisante dans les circonstances difficiles où nous<br />

nous trouvons. « Au moins, disent-ils, nous pourrions librement<br />

donner connaissance aux fidèles des nombreuses guérisons qui<br />

s’opèrent par l’invocation de Notre Dame de la Salette. Que<br />

pourrions-nous dire de plus édifiant pendant le beau mois de<br />

Marie qui va commencer ? Car jamais nous [p. 3] n ’avons remarqué<br />

autant de froideur à remplir le devoir pascal. Parler des prodiges<br />

de la bonté et de la puissance de Marie, ne serait-ce pas un moyen<br />

sûr de réveiller les remords et de toucher les cœurs coupables ? Si<br />

nous ne pouvons pas parler des bienfaits de notre Mère, comment<br />

donc pourrons-nous lui exprimer notre reconnaissance ? Si, au<br />

contraire, cet avantage nous est donné, nous pourrons parfois<br />

conduire nos paroissiens sur la montagne privilégiée, affermir leur<br />

foi contre les jours mauvais, dont nous sommes menacés ; conjurer<br />

Marie de protéger toujours la France et son pieux clergé. »<br />

3° Confrérie de Notre Dame \ des / Sept Douleurs à la<br />

Salette.<br />

Monseigneur, nous soumettons à Votre Grandeur le dessein<br />

que nous aurions d ’établir à la Salette la confrérie de Notre Dame<br />

des Sept Douleurs. La Ste Vierge elle-même semblerait le demander,<br />

en voici les raisons : l re [raison] La Reine du ciel est apparue aux<br />

deux bergers le 19 septembre, jour où, selon la liturgie romaine,<br />

l’Eglise célèbre la fête de Notre Dame de Pitié ou des Sept<br />

Douleurs de Marie (3).<br />

T [raison] Les guérisons surnaturelles opérées depuis moins de<br />

deux ans, se sont toutes opérées, celles du moins que nous<br />

connaissons, sur les corps souffrans en faveur des malades. Ces<br />

malades ont tous obtenu le bienfait de la guérison en invoquant<br />

Notre Dame de la Salette, en buvant de l’eau merveilleuse qui a<br />

coulé sous ses pieds après avoir parlé aux enfans privilégiés. Cette<br />

fontaine, ne semble-t-elle pas avoir eu sa première source dans les<br />

larmes de la Mère des Douleurs, puisqu’elle a pleuré quand elle a<br />

daigné se montrer ? Et maintenant qu’elle a fait de cette eau<br />

l’instrument de ses miséricordes, ne semble-t-elle pas nous dire<br />

que nous soulagerons son cœur oppressé, que nous serons ses vrais<br />

enfans, nés sur le Calvaire, si nous compatissons à ses douleurs, si<br />

(3) L’apparition eut lieu dans l’après-midi des premières vêpres de la fête, fixée à<br />

l’époque au troisième dimanche de septembre.<br />

268


19 avril 1848 Doc. 414<br />

nous versons quelques larmes, en l'honorant dans cette confrérie<br />

(4).<br />

3e [raison] Les saints nous assurent, et spécialement St. Alphonse<br />

de Liguori, que la Ste Vierge exauce plus facilement ceux qui<br />

l’invoquent au nom de ses souffrances (5).<br />

Notre intention serait, Monseigneur, d’inscrire, dans cette<br />

confrérie, tous les pèlerins qui se présenteraient ; nous porterions<br />

aussi dans le Registre les noms des malades nombreux qui nous<br />

sont recommandés, quoique absens. Cette admission serait propre<br />

à les consoler dans leurs souffrances et à augmenter leur confiance<br />

en la Mère des affligés. — Les membres bien portans de la confrérie<br />

n ’auraient pour toute charge qu’un Pater et \ un / Ave à réciter<br />

chaque jour ; les membres malades en feraient autant, selon leurs<br />

forces ; sinon, il ne faudrait pas qu’ils cessassent pour cela de<br />

participer aux grâces et aux indulgences attachées à la confrérie.<br />

— Il serait loisible aux uns et aux autres de réciter seulement le<br />

dimanche les sept Pater et sept Ave, toujours en l’honneur des<br />

sept Douleurs de la Mère de Dieu.<br />

Voilà, Monseigneur, ce que nous avons cru devoir soumettre<br />

à votre Grandeur. Quant aux deux premiers articles, nous ne<br />

sommes absolument que les interprètes des sentimens qui nous<br />

ont été manifestés. Pour le troisième, une réponse nous est<br />

nécessaire ; mais il n ’est pas besoin qu’elle soit écrite. Le mardi<br />

de Pâques nous nous proposons de descendre à Grenoble tous<br />

deux, il suffira que Sa Grandeur nous la donne de vive voix.<br />

Nous avons l’honneur...<br />

La Salette, 19 avril, 1848.<br />

Les abbés PERRIN Curé.<br />

Perrin, Prêt.<br />

(4) Il est possible qu’à l’origine de ce projet il y ait eu une démarche du baron<br />

Charles Debuquoy (ou de Bucquoy), qui figure parmi les correspondants des frères Perrin.<br />

Ardent propagateur de la dévotion à 1’ Addolorata, il avait en décembre 1846 écrit à<br />

l’évêque de Grenoble, se déclarant prêt à offrir une statue de N.D. des Sept Douleurs<br />

(LSDA I, p. 210). Debuquoy, qui, pendant la Révolution et l’Empire, avait accompagné<br />

le futur roi Louis-Philippe dans son exil, était entré en contact avec l’ordre des Servites de<br />

Marie, eux-mêmes zélateurs de cette dévotion. (Renseignements sur Debuquoy d’après Fr.<br />

SOULIER, éditeur, Life o f St. Juliana Falconieri... to which is added a short Account o f the<br />

Lives and Virtues o f her Daughters in Religion, Londres 1888, p. 195-201, cité par<br />

O.J. DlAS, « Les archives générales des Servites de Marie et la dévotion à l’Addolorata en<br />

France... », dans Association des archivistes de l'Eglise de France, bulletin n ' 13, janviermars<br />

1980, p. 26-27.)<br />

(5) Saint Alphonse de Liguori (1696-1787), Les gloires de Marie, « Discours » sur ses<br />

douleurs : « Aussi le Sauveur attache des grâces bien précieuses à la dévotion aux douleurs<br />

de Marie [...] » (traduction L.-J. Dujardin, Oeuvres ascétiques de st Alphonse, tome VIII,<br />

10 éd., Paris, etc., 1880, p. 18).<br />

269


Doc. 424<br />

<strong>Documents</strong><br />

É v é n e m e n t s d e m a i 1848<br />

Retour à la Salette de la pierre de l'apparition. Début mai, le maire de la<br />

commune, soutenu par son curé, recommence à réclamer la fameuse pierre,<br />

toujours entre les mains du curé de Corps (cf. doc. 371). Le 8, celui-ci écrit à<br />

Mgr de Bruillard que, mis à part le fragment retranché avec l’autorisation de ce<br />

dernier (1), il la tient à la disposition des réclamants et attend qu’on vienne la<br />

chercher. Mélin pense que c’est là une question de « sordide centralisation du<br />

fait tombé du ciel » (doc. 420). Le 11 (ou le 12 ?) il remettra la pierre au curé<br />

de la Salette (cf. doc. 422).<br />

Première communion de Maximin et de Mélanie. Elle a lieu à Corps, le<br />

dimanche 7 mai (Vérité, p. 40).<br />

Troubles à Paris. Le 15 mai, les ouvriers envahissent l’Assemblée nationale.<br />

La Garde nationale des quartiers bourgeois et l’armée rétablissent l’ordre.<br />

Débuts de la confrérie de Notre Dame de la Salette. L’évêque de Grenoble<br />

ayant acquiescé à la dernière des demandes formulées par les frères Perrin dans<br />

leur lettre du 19 avril (doc. 414), ceux-ci commencent à former une association<br />

de prières ou confrérie en l’honneur de Notre Dame de la Salette. Les premières<br />

inscriptions qu’on trouve dans le registre de la confrérie sont datées du 1er mai.<br />

La lettre officielle d’érection, signée par l’évêque, porte la date du 31 : «En<br />

vertu des pouvoirs que nous avons reçus du Souverain Pontife, en date du 9 mai<br />

1848, | Nous avons érigé et par les présentes nous érigeons, dans l’église de La<br />

Salette, la confrérie de N’ D‘ des sept Douleurs » (2). — Très tôt cependant et<br />

même dès le début, s’il faut prendre le récit de l’abbé J.-M. Perrin à la lettre, la<br />

confrérie fut connue sous le titre de Notre Dame Réconciliatrice de la Salette (3) :<br />

« Dès les premiers jours de mai 1848, aussitôt après que la neige eut disparu et<br />

nous eut permis d’aller célébrer les saints mystères dans la petite et modeste<br />

chapelle de la montagne privilégiée, nous avons annoncé aux pèlerins l’établissement<br />

de la confrérie de N.D. réconciliatrice de la Salette. Ce vocable nouveau 123<br />

(1) Cf. doc. 279- — H existe un manuscrit intitulé « Procès verbal du partage de la<br />

pierre... » (1 f. pliée 28,8 cm x 39, EG 100). Entièrement de la main de Mélin, il n’est<br />

pas signé. Croyant avoir affaire à un projet de procès-verbal rédigé à l’époque du partage,<br />

nous l’avons d’abord classé sous le n° 294 bis (septembre 1847). Un nouvel examen de la<br />

pièce nous l’a fait repousser à une époque ultérieure : le texte parle en effet de septembre<br />

1847 comme d ’une époque révolue : (« à cette époque... »). La pièce pourrait être<br />

contemporaine d ’une attestation dans laquelle Mélin, signant « Archip1" ch[anoine]<br />

hojnoraire] », certifie l’authenticité du fragment détaché (1 f. pliée 29 cm x 19,5, EG 100).<br />

Mélin fut nommé chanoine honoraire en 1852.<br />

(2) Doc. 425 bis (1 f. recto collée dans le premier registre de la confrérie, le<br />

doc. 417 bis). Nous avons mis en italiques le texte manuscrit complétant le formulaire<br />

imprimé. — On peut se demander s’il ne s’agit pas là d ’un document en réalité plus<br />

tardif, que l’on a antidaté au 31 mai 1848. En janvier 1849 (doc. 500), puis de nouveau<br />

dans une lettre du 6 avril 1852 adressée à l’évêque (EG 118), le curé de la Salette écrit que<br />

la confrérie n ’a pas encore été érigée à proprement parler. Mais peut-être veut-il dire par<br />

là qu'elle n’a pas reçu d ’indulgences propres à elle.<br />

(3) Les deux titres successifs se trouvent au début du premier registre de la confrérie<br />

(doc. 417 bis : un volume, 30 cm x 20,5). On a d ’abord écrit : « Confrérie de Notre<br />

Dame de la Salette sous le vocable des Sept Douleurs de la Ste Vierge, établie spécialement<br />

en faveur des Malades. Le 30 avril 1848 » (cf. aussi Echo, p. 207). Sur ce texte on a collé<br />

une feuille portant : « Confrérie de Notre Dame réconciliatrice de la Salette. » Ce premier<br />

registre va jusqu'à janvier 1851.<br />

270


6 juin 1848 Doc. 426<br />

que les populations pieuses ont consacré elles-mêmes, fut accueilli avec plaisir » (4).<br />

La confrérie comptera près de six mille inscrits à la fin de l’année et dix-huit<br />

mille trois ans plus tard (5).<br />

Samedi 20 mai 1848<br />

424. LETTRE DE L’ABBÉ LOUIS PERRIN, curé de la Salette, à<br />

Mgr de Bruillard, avec des annotations de la main de ce dernier<br />

Original : EG 100. — Extrait dans Annales, juillet 1912, p. 58-59.<br />

Résumé. Le curé de la Salette demande à son évêque 1) que les curés du<br />

voisinage soient autorisés à « conduire leurs paroissiens en procession sur la<br />

montagne de l’apparition » ; 2) que, pour les guérisons obtenues, on puisse<br />

célébrer « comme une fête dite d'action de grâces » ; 3) qu’il soit permis de<br />

donner la bénédiction du Très Saint Sacrement « sur la montagne les 1ers<br />

dimanches du mois et les jours de fêtes solennelles, comme dans l’église de la<br />

paroisse ».<br />

Dans la marge, de la main de l'évêque :<br />

[face à la première demande] Oui<br />

[face à la deuxième demande] Attendre que l’Evêché se soit<br />

prononcé<br />

[face à la troisième demande] Il faut éviter de détourner les<br />

paroissiens de leurs paroisses respectives. Attendons. Je permets<br />

cependant de le faire le 1er dimanche du mois, quand on y aura<br />

dit la Messe.<br />

6 juin et jours suivants<br />

426. JOURNAL DE DUPANLOUP : pèlerinage à la Salette<br />

Manuscrit « Voyages (1847-1852) » : archives de la famille Du Boÿs, Saint-<br />

Martin-de-la-Place, 49160 Longué.<br />

Circonstances du pèlerinage. Félix Dupanloup, déjà illustre et sur le point<br />

d’être nommé évêque d’Orléans (1), était venu passer quelques jours au château<br />

de la Combe-de-Lancey, au nord de Grenoble, chez Albert Du Boÿs, dont<br />

(4) PERRIN, n° 48. Le choix de ce vocable fut peut-être opéré par les frères Perrin sous<br />

l’influence des Gloires de Marie, de saint Alphonse de Liguoti. L’idée que Marie obtient<br />

au pécheur la réconciliation avec son Fils forme pour ainsi dire le leitmotiv de la première<br />

partie de cet ouvrage, qu’ils connaissaient (cf. PERRIN, n° 69 et 74 ; doc. 414, note 5). —<br />

Dans ce qui nous reste de la correspondance du curé de la Salette, le terme « réconciliatrice »<br />

apparaît pour la première fois dans une lettre du 6 septembre 1848, connue par l’extrait<br />

qu’en donne l’abbé Jacques-Michel Perrin : « Veuillez bien, M 'le Curé, nous inscrire dans<br />

la confrérie de N.D. réconciliatrice de la Salette » (lettre de « Mllc Francisca C‘““ de<br />

Robiano », de Bruxelles ; dans PERRIN, n° 49 ; cf. aussi ibidem, n° 607, 749). Parmi les<br />

documents originaux parvenus jusqu’à nous, le plus ancien à contenir ce terme est une<br />

lettre datée du 21 janvier 1849, annonçant à Mgr de Bruillard « que les personnages les<br />

plus distingués, soit ecclésiastiques, soit laïques demandent à être agrégés dans la confrérie<br />

de Notre Dame réconciliatrice de la Salette. Très volontiers ils s’imposent la récitation<br />

quotidienne d ’un Rater et d ’un Ave qu’elle prescrit » (doc. 496 : texte de la main de<br />

l’abbé Jacques-Michel, signé pat son frère, le curé).<br />

(5) Exactement 5 540 fin 1848, 6 000 le 11 février 1849 et 17 941 début 1851 d ’après<br />

le registre.<br />

(1) Il fut nommé évêque d ’Orléans le 6 avril 1849.<br />

271


Doc. 427<br />

<strong>Documents</strong><br />

l’épouse avait été une de ses élèves au catéchisme parisien de Saint-Hyacinthe.<br />

Une solide amitié et des convictions communes liaient les deux hommes. On les<br />

vit collaborer activement, en particulier lors du concile du Vatican. Dupanloup<br />

revint plusieurs fois à la Combe ; c’est là qu’il mourut, le 11 octobre 1878 (2).<br />

L’ascension aux lieux de l’apparition eut lieu le vendredi 9 juin (ou le<br />

jeudi 8). En cours de toute, Dupanloup rencontra de nombreux pèlerins : « au<br />

moins 200 personnes dès cinq heures du matin » (doc. 524). En interrogeant<br />

Maximin — ou peut-être en lisant le rapport Rousselot qu’il eut entre les mains<br />

durant les vacances dauphinoises de 1848 et qu’il « trouva bien » (3), — il<br />

découvrit que les souvenirs du maire Peytard au sujet des événements du<br />

lendemain de l’apparition demandaient vérification (4). Dupanloup remonta une<br />

nouvelle fois à la Salette en août 1872 (5).<br />

6 juin : mardi, départ pour Grenoble, et pour Gap [...]<br />

Enfin à Corps — douce pensée avant d ’arriver : La Stc Vierge a<br />

visité ces lieux — est apparue sur ces montagnes. Il me semblait<br />

l’apercevoir.<br />

7 juin, mercredi : je demeure à Corps. Le temps se remet. Je<br />

vois ces enfants. Promenade.<br />

8 vendredi (6) : je monte à la montagne : jolie route jusqu’au<br />

village des Ablandins — délicieuses prairies — fleurs innombrables<br />

— ruisseaux de toutes parts. Messe — puis je déjeune — fais mes<br />

stations — visite la fontaine — y bois — cueille mes fleurs — joie<br />

des primevères, Descente agréable. Bons curés — la Reine<br />

9 samedi (7) : départ à 5hrcs [du matin, pour Gap].<br />

Dimanche de la Pentecôte, 11 juin 1848<br />

427. LETTRE DE L’ABBÉ DUPANLOUP à Albert Du Boÿs<br />

Lettre publiée dans l'Ami de la religion, t. 141, n° 4758 (7 avril 1849),<br />

p. 46-57, sans indication de l’auteur et du destinataire.<br />

L’auteur est Dupanloup, qui, le 25 août 1854, répondra à une consultation<br />

de l’archevêque de Chambéry, Mgr Billiet, au sujet de la Salette : « On a publié<br />

dans l’Ami de la Religion, le samedi saint de l’année 1849, une lettre de moi<br />

sur le sujet qui vous préoccupe : c’est toute ma pensée, ni plus ni moins » (*).<br />

On a probablement retouché la lettre avant de la publier. La façon dont elle cite<br />

le Rapport Rousselot laisse entendre que son éditeur a eu entre les mains le<br />

Rapport imprimé, paru seulement en août 1848.<br />

(2) Cf. J. G adille, Albert Du Boÿs..., Louvain 1968, en particulier p. 26-32. J.<br />

GODEL, dans le Bulletin mensuel de l ’Académie delphinale, novembre 1977, p. 162-180.<br />

M. LAVOREL, M .S., Monseigneur Dupanloup et la Salette, (1981), multigraphié, MSG.<br />

(3) N ote de la main de Rousselot sur la couverture du manuscrit EG 12 (doc. 310).<br />

Cf. aussi ROUSSELOT, Défense de l'événement de la Salette..., Grenoble 1851, p. 25.<br />

(4) Cf. supra, p. 156, la note critique ajoutée au doc. 305 et le doc. 434.<br />

(5) Cf. le Journal intime de Dupanloup, Paris 1902, p. 129-136, cité dans BASSETTE,<br />

p. 415.<br />

(6) Le 8 juin était en réalité un jeudi.<br />

(7) Le samedi était en réalité le 10 juin. D ’après la suite du texte, Dupanloup repassa<br />

à Grenoble le samedi suivant.<br />

(*) Original : archives de l’archevêché de Chambéry, Série F, correspondance Billiet.<br />

272


11 juin 1848 Doc. 427<br />

Le destinataire. Rousselot, qui reproduit la lettre, indique simplement qu’elle<br />

fut « écrite par M. l’abbé Dupanloup, aujourd’hui Evêque d’Orléans, à l’un de<br />

ses amis de Grenoble » (Nouveaux documents, p. 70-71). Il s’agit évidemment<br />

d’Albert Du Boys (cf. Annales, novembre 1878, p. 273).<br />

Mon cher ami,<br />

Vous m ’avez encouragé à visiter la montagne de la Salette, et<br />

j’en descends à cette heure même. J ’espère que vous voudrez bien<br />

que je vous rende compte, en toute simplicité, de toutes les<br />

observations que j’y ai faites, de toutes les impressions que j’y ai<br />

reçues : il est juste que je partage tout cela avec vous.<br />

J ’avais entrepris ce pèlerinage, je dois vous l’avouer, sans<br />

aucune prévention favorable. Je ne veux diminuer en rien le mérite<br />

des diverses relations qui ont été publiées à ce sujet, et que j’avais<br />

lues avec soin ; mais le ton, l’enthousiasme, la vivacité de ces<br />

relations, m’avaient plutôt inspiré des préjugés contraires.<br />

J ’ai passé près de trois jours, soit à Corps, soit à la Salette ;<br />

les impres-[p. 47]sions personnelles que j’y ai reçues ont été, je<br />

dois le dire encore, sans aucun charme, presque sans aucune<br />

émotion (1) : me voici enfin de retour.<br />

J ’en suis revenu comme j’y étais allé, sans attendrissement ;<br />

je dirai presque, sans intérêt ; au moins sans cet intérêt qui naît<br />

de l’enthousiasme. Et cependant, plus je m’éloigne de ces lieux,<br />

plus je réfléchis à tout ce que j’y ai vu et entendu, plus la réflexion<br />

amène en moi une conviction qui me fait en quelque sorte<br />

violence. Je ne puis m’empêcher de me redire sans cesse : Il est<br />

bien difficile que le doigt de Dieu ne soit pas là.<br />

Trois circonstances particulières me paraissent être ici des<br />

signes de la vérité : 1° le caractère soutenu des enfants ; 2° les<br />

nombreuses réponses, absolument au dessus de leur âge et de leur<br />

portée, qu’ils ont faites spontanément dans les divers interrogatoires<br />

auxquels on les a soumis ; 3° la fidélité avec laquelle ils gardent<br />

le secret qu’ils prétendent leur avoir été confié.<br />

1° Le caractère soutenu des enfants.<br />

J ’ai donc vu ces deux enfants : Le premier examen que j’en<br />

ai fait, m ’a été très-désagréable. Le petit garçon surtout m ’a<br />

étrangement déplu. J ’ai vu beaucoup d’enfants dans ma vie, j’en<br />

ai vu peu ou point qui m ’aient donné une aussi triste impression.<br />

Ses manières, ses gestes, son regard, tout son extérieur est<br />

repoussant, à mes yeux, du moins.<br />

Ce qui a peut-être ajouté à la mauvaise impression que j’en 1<br />

(1) « sans charme » : affirmation qui, prise à la lettre, serait en contradiction avec le<br />

journal de voyage (doc. 426). L’auteur veut dire qu’il a gardé son sang-froid.<br />

273


Doc. 427<br />

<strong>Documents</strong><br />

recevais, c’est qu’il ressemble singulièrement à un des enfants les<br />

plus désagréables, les plus méchants que j’aie jamais élevés.<br />

En disant ainsi l’impression fâcheuse que j’ai reçue de ce petit<br />

garçon, je ne prétends détruire en rien les impressions plus<br />

heureuses que sa vue a fait éprouver à d ’autres. Je me borne<br />

simplement à dire ce que je suis sûr d ’avoir éprouvé moi-même.<br />

Il faut avouer que si mon témoignage finit par être favorable à ces<br />

enfants, ce ne sera pas du moins un témoignage suspect ; je<br />

n ’aurai certainement pas été séduit par eux. La grossièreté de<br />

Maximin est peu commune ; son agitation surtout est vraiment<br />

extraordinaire : c’est une nature singulière, bizarre, mobile, légère ;<br />

mais d ’une légèreté si grossière, d’une mobilité quelquefois si<br />

violente, d ’une bizarrerie si insupportable, que le premier jour où<br />

je le vis, j’en fus non-seulement attristé, mais découragé. « A quoi<br />

bon, me disais-je, faire le voyage pour voir un pareil enfant ?<br />

quelle sottise j’ai faite ! » J ’avais toutes les peines du monde à<br />

empêcher les soupçons les plus graves de s’emparer de mon esprit.<br />

Quant à la petite fille, elle me sembla aussi fort désagréable<br />

à sa façon. Sa façon, je dois le dire, est cependant meilleure que<br />

celle du petit garçon. Les dix-huit mois qu’elle a passés chez les<br />

Religieuses de Corps l’ont, à ce qu’on dit, un peu façonnée.<br />

Malgré cela, elle m ’a paru encore un être boudeur, maussade,<br />

stupidement silencieux, ne disant guère que des oui ou des non,<br />

quand elle répond. Si elle dit quelque chose de plus, il y a<br />

toujours une certaine raideur dans ses réponses, et une timidité de<br />

mauvaise humeur qui est loin de mettre à l’aise avec elle.<br />

Du reste, après avoir vu ces deux enfants, chacun d’eux<br />

plusieurs fois, je ne leur ai jamais trouvé aucun des charmes de<br />

leur âge : ils n’ont, ou du [p. 48] moins ils ne paraissent avoir<br />

rien de cette piété, de cette candeur de l’enfance qui touche, qui<br />

attire, qui inspire la confiance.<br />

J ’ai vu le petit garçon surtout, fort long-temps de suite,<br />

particulièrement le jour où je suis monté à la Salette. Nous avons<br />

ce jour-là passé à peu près ensemble quatorze heures ; il est venu<br />

me chercher à mon auberge à cinq heures du matin ; il m ’a<br />

accompagné à la montagne de Y Apparition, et nous ne nous<br />

sommes séparés qu’à sept heures du soir. Certes, j’ai eu le temps<br />

de le voir de près, de l’étudier avec soin, de l’observer sévèrement,<br />

de le retourner de toutes les façons : je ne m ’y suis pas épargné.<br />

Il n’a pas cessé un moment, je dois le dire, d ’être pour moi l’objet<br />

des observations les plus attentives, en même temps que de la<br />

plus profonde défiance. Il n ’a pas cessé un moment de me déplaire,<br />

et ce n ’est que l’après-midi, assez tard, que, peu à peu, comme<br />

malgré moi, la réflexion favorable prenait le dessus et l’emportait<br />

sur la mauvaise impression. Presque à mon insu et contre toutes<br />

mes prévisions, en regardant et en écoutant tout ce que je voyais<br />

274


11 juin 1848 Doc. 427<br />

et entendais, je fus amené à me dire : « Malgré ces enfants et ce<br />

qu’ils ont de désagréable, tout ce qu’ils disent, tout ce que je<br />

vois, tout ce que j’entends, n ’est explicable que par la vérité de<br />

leur récit. »<br />

Dès Grenoble, on m ’avait prévenu contre l’espèce de narration<br />

que ces enfants me feraient de ce qui leur était arrivé et de ce<br />

qu’ils avaient vu sur la montagne. On m ’avait dit qu’ils récitaient<br />

tout cela comme une leçon. On ajoutait, il est vrai, avec assez de<br />

raison, qu’il fallait bien un peu les excuser à cet égard : que<br />

depuis dix-huit mois, ils avaient fait ce récit tant de milliers de<br />

fois, qu’on ne devait pas s’étonner qu’il fût devenu pour eux une<br />

routine. J ’étais assez disposé à l’indulgence à cet égard, pourvu<br />

que la routine et la récitation n ’allassent pas jusqu’au ridicule ;<br />

mais il en arriva tout autrement. Bien que ces enfants me<br />

déplussent extrêmement avant ce récit, et aient continué de me<br />

déplaire après, je dois avouer que, tout en le récitant, ils le firent<br />

l’un et l’autre avec une simplicité, une gravité, un sérieux, un<br />

certain respect religieux, dont le contraste avec le ton toujours<br />

vulgaire et habituellement grossier du petit garçon, avec le ton<br />

habituellement maussade de la petite fille, me frappa trèsparticulièrement.<br />

Je dois ajouter dès à présent que cet étonnement se renouvela<br />

pour moi pendant ces deux jours presque constamment, surtout<br />

avec le petit garçon, qui passa, comme je l’ai déjà dit, un jour<br />

tout entier avec moi. Je le mis alors parfaitement à son aise ; je<br />

lui laissai prendre toutes ses libertés : tous ses défauts, toutes ses<br />

grossièretés m’apparurent ainsi sous toutes les formes.<br />

Et cependant, toutes les fois que ce grossier enfant était<br />

ramené, même de la manière la plus inattendue, à parler du grand<br />

événement, il se faisait en lui un changement étrange, profond,<br />

subit, instantané, et il en est de même de la petite fille. Le petit<br />

garçon conserve ces yeux, cet extérieur si désagréables ; mais ce<br />

qu’il y a d ’excessif dans sa grossièreté est tout-à-fait dompté. Ils<br />

deviennent même tout à coup si graves, si sérieux ; ils prennent<br />

comme involontairement quelque chose de si singulièrement simple<br />

et ingénu, quelque chose même de si respectueux pour eux-mêmes<br />

en même temps que pour ce qu’ils disent, qu’ils inspirent aussi à<br />

ceux qui les écoutent, et [p. 49] leur imposent une sorte de crainte<br />

religieuse pour les choses dont ils parlent, et une sorte de respect<br />

pour leurs personnes. J ’ai éprouvé très-constamment, et quelquefois<br />

très-vivement, ces impressions, sans cesser toutefois un moment<br />

de les trouver des enfants très-désagréables.<br />

Je place ici une observation qui se rapporte à ce que je viens<br />

de remarquer : lorsqu’ils parlent du grand événement dont ils se<br />

prétendent les témoins, ou bien qu’ils répondent aux questions<br />

qu’on leur adresse à cette occasion, ce respect singulier pour ce<br />

275


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(Bibliothèque municipale de Grenoble)


11 juin 1848 Doc. 427<br />

qu’ils disent va si loin, que quand il leur arrive de faire<br />

quelqu’une de ces réponses véritablement étonnantes, parfaitement<br />

inattendues, qui confondent les interrogateurs, coupent court à<br />

toutes les questions indiscrètes, résolvent simplement, profondément,<br />

absolument, les plus graves difficultés, ils n’en triomphent<br />

en rien. On est quelquefois stupéfait ; pour eux ils demeurent<br />

impassibles. Le plus léger sourire ne vient pas seulement errer sur<br />

leurs lèvres.<br />

Du reste ils ne répondent jamais aux questions qu’on leur<br />

adresse que de la manière la plus simple et la plus brève. La<br />

simplicité est quelquefois rustique, mais la justesse et la précision<br />

sont toujours extraordinaires. Dès qu’il s’agit du grand événement,<br />

ils ne paraissent plus avoir aucun des défauts ordinaires de leur<br />

âge : surtout ils ne sont en rien conteurs et bavards. Maximin<br />

cause beaucoup d ’ailleurs : quand il est à l’aise, c’est un véritable<br />

petit babillard : pendant les quatorze heures que nous avons<br />

passées ensemble, il m’a donné de ce défaut toutes les preuves<br />

possibles ; il m’a parlé de toutes choses et avec une grande<br />

abondance de paroles, m ’interrogeant sans aucune retenue, me<br />

disant le premier son avis, contredisant le mien. Mais sur<br />

l’événement qu’il raconte, sur ses impressions, sur ses craintes ou<br />

ses espérances pour l’avenir, sur tout ce qui se rattache à l’apparition<br />

ce n ’est plus le même enfant. Sur ce point il ne prend jamais<br />

l’initiative, il n ’a jamais une indiscrétion, jamais une inconvenance.<br />

Il ne donne jamais un détail au-delà de ce qu’on lui demande<br />

précisément. Quand il a dit le fait qu’il est chargé de dire, quand<br />

il a répondu à la question qu’on lui adresse, il se tait. On est<br />

avide, on voudrait qu’il parlât toujours, qu’il ajoutât des détails,<br />

qu’il racontât ce qu’il a éprouvé, et ce qu’il éprouve encore ; mais<br />

non ; il n ’ajoute pas un mot à la réponse nécessaire. Puis<br />

bientôt il reprend le fil interrompu de sa conversation, parle fort<br />

abondamment d ’autre chose, s’il y a lieu, ou s’en va.<br />

Le fait certain est qu’ils n’ont ni l’un ni l’autre absolument<br />

aucune envie de causer de l’événement qui les rend cependant si<br />

célèbres.<br />

D ’après tous les renseignements que j’ai recueillis sur les<br />

lieux, ils n’en causent jamais inutilement avec personne, ni avec<br />

leurs petits camarades, ni avec les religieuses qui les élèvent, ni<br />

avec les étrangers. Quand on les interroge, ils répondent : ils<br />

disent le fait simplement, si c’est le fait qu’on leur demande ;<br />

donnent simplement la solution, si c'est une difficulté qu’on leur<br />

propose ; n’ajoutent rien à ce qui est nécessaire, et ne retranchent<br />

rien non plus. Ils ne refusent, du reste, jamais de répondre aux<br />

questions qu’on leur adresse, mais on ne peut venir à bout de les<br />

faire parler au-delà d ’une certaine mesure. Vous aurez beau<br />

multiplier les questions indiscrètes : leur ré-[p. 50]ponse ne l’est<br />

277


Doc. 427<br />

<strong>Documents</strong><br />

jamais. La discrétion, la plus difficile de toutes les vertus, leur est<br />

naturelle (sur ce point seulement) à un degré inouï : on a beau<br />

les presser ; on sent en eux quelque chose d ’invincible, dont ils<br />

ne se rendent pas compte à eux-mêmes, qui repousse tous les<br />

efforts, et qui se joue involontairement et inébranlablement de<br />

toutes les tentations les plus vives et les plus fortes.<br />

Quiconque connaît les enfants, ces natures légères, mobiles,<br />

vaines, causeuses, indiscrètes, curieuses, et fera les mêmes expériences<br />

que moi, partagera la stupéfaction que j’ai éprouvée, et se<br />

demandera s’il est vaincu par ces deux enfants, ou par une force<br />

supérieure et divine.<br />

Je n’ajouterai pas que depuis deux ans, ces deux enfants et<br />

leurs pauvres familles, sont demeurés aussi pauvres qu’auparavant.<br />

C’est un fait que j’ai vérifié suffisamment pour moi, et qu’il est<br />

facile de constater avec la plus parfaite certitude.<br />

Ce que je dirai, pour l’avoir observé, c’est que les enfants et<br />

le petit Maximin en particulier, que j’ai vu de beaucoup plus près<br />

et beaucoup plus longuement, m ’ont paru avoir gardé une<br />

simplicité et, je dirai le mot, une humilité si absolue, malgré<br />

l’honneur qu’ils ont reçu et l’illustration dont cet honneur les<br />

environne, que cette simplicité et cette humilité ne paraissent pas<br />

même des vertus à un degré quelconque en eux : ils sont comme<br />

cela et ont l’air de ne pouvoir en aucune manière être autrement ;<br />

et ils le sont avec une naïveté passive qui stupéfait, quand on y<br />

regarde de près et qu’on y réfléchit.<br />

Le fait est qu’ils ne comprennent même pas l’honneur qu’ils<br />

ont reçu, et semblent n ’avoir aucune idée de la célébrité qui<br />

s’attache désormais à leurs noms. Ils ont vu des milliers de pèlerins,<br />

60 000 mille en un jour (2), venir à leur voix sur la montagne de<br />

la Salette. Ils n ’en ont été ni plus fiers, ni plus recherchés dans<br />

leurs paroles ou leurs façons. Ils regardent tout cela sans un<br />

étonnement, sans une pensée, sans un retour sur eux-mêmes. Et<br />

au fait, si ce qu’ils racontent est vrai, ils entendent leur rôle<br />

comme la très-sainte Vierge l’a entendu elle-même. Elle n ’a pas<br />

prétendu leur faire un honneur ; elle a prétendu se choisir des<br />

témoins qui fussent au-dessus de tous soupçons par une simplicité<br />

si profonde, si absolue, si extraordinaire, que rien n ’y fût<br />

comparable, et que naturellement on ne sût ni l’expliquer ni la<br />

comprendre ; et elle y a réussi.<br />

Tel est le premier trait de vérité que j’ai remarqué en ces<br />

enfants.<br />

2° Je trouve le second dans les nombreuses réponses, absolument<br />

au-dessus de leur âge et de leur portée, q u ’ils ont faites<br />

278<br />

(2) Allusion aux foules du 19 septembre 1847.


11 juin 1848 Doc. 427<br />

spontanément dans les divers interrogatoires auxquels on les a<br />

soumis.<br />

Car il faut remarquer que jamais accusés n ’ont été, en justice,<br />

poursuivis de questions sur un crime comme ces deux pauvres<br />

petits paysans le sont depuis deux ans sur la vision qu’ils<br />

racontent. A des difficultés souvent préparées d ’avance, quelquefois<br />

longuement et insidieusement méditées, ils ont toujours opposé<br />

des réponses promptes, brèves, claires, péremptoires. On sent<br />

qu’ils seraient radicalement incapables de tant de présence d ’esprit,<br />

si tout cela n ’était la vérité. On les a vu conduire, comme [p. 51]<br />

on conduirait des malfaiteurs, sur le lieu même, ou de leur<br />

révélation ou de leur imposture ; ni les personnages les plus graves<br />

et les plus distingués ne les déconcertent, ni les menaces et les<br />

injures ne les effraient, ni les caresses et la douceur ne les font<br />

fléchir, ni les plus longs interrogatoires ne les fatiguent, ni la<br />

fréquente répétition de toutes ces épreuves ne les trouve en<br />

contradiction soit chacun avec lui-même, soit l’un avec l’autre.<br />

On ne peut moins avoir l’air de complices ; et le fussent-ils, il<br />

leur faudrait un génie sans exemple, pour être ainsi constamment<br />

conformes à eux-mêmes, depuis deux ans passés que dure et se<br />

continue sans interruption cette étrange et rigoureuse information.<br />

Ce qui ne les empêche pas de mêler à tout cela les contrastes les<br />

plus bizarres, tantôt la grossièreté de leur éducation, quelquefois<br />

î’impatience et une certaine mauvaise humeur, tantôt la douceur,<br />

le calme, un sang-froid imperturbable, tantôt, ou plutôt toujours,<br />

une discrétion, une réserve, impénétrables à tous, parents, compagnons,<br />

connaissances, à l’univers entier.<br />

Voici du reste des questions et des réponses que j’emprunte<br />

tout à la fois à mes souvenirs personnels, à des procès-verbaux en<br />

bonne et due forme, déposés à l’évêché de Grenoble, et dont je<br />

vous garantis l’authenticité.<br />

[Suivent des demandes et des réponses qu’on lit également dans Vérité,<br />

p. 72-73, 87-90 et, en partie, dans Bez.]<br />

[p. 53] Un de mes amis, deux jours avant que je fisse le<br />

voyage de la Salette, dit à Maximin : Nous devons tous obéissance<br />

au Pape : Eh bien ! si le Pape te disait : Mon enfant, tu ne dois<br />

rien croire de tout cela : que lui dirais-tu ? L’enfant répondit avec<br />

la plus grande douceur et le plus grand respect : Je lui dirais qu 'il<br />

verra.<br />

Voilà, mon cher ami, quelques-unes des innombrables réponses<br />

de ces enfants : je ne sais si vous les jugerez comme moi, mais<br />

elles sont assurément, c’est le moins qu’on en puisse penser, fort<br />

étonnantes. Et cet étonnement s’augmentera encore des dernières<br />

observations que j’ai faites sur ces enfants, et que je vais vous<br />

raconter en finissant.<br />

279


Doc. 427<br />

<strong>Documents</strong><br />

3° Voici le troisième trait de vérité que j'ai remarqué en ces<br />

enfants.<br />

On sait qu’ils se prétendent chacun possesseur d’un secret<br />

que l’autre ignore, et qu’ils ne doivent ni ne veulent dire à<br />

personne.<br />

Je n’ai pu m ’empêcher de voir, dans leur fidélité à garder ce<br />

secret, un signe caractéristique de leur véracité.<br />

Ils sont deux, ayant chacun un secret, et cela depuis bientôt<br />

deux ans : ayant chacun le leur, jamais l’un ne s’est vanté de<br />

savoir celui de l’autre. Leurs parents, leurs maîtres, leurs curés,<br />

leurs camarades, des milliers de pèlerins les ont interrogés sur ce<br />

secret, leur en ont demandé une révélation quelconque ; on a fait<br />

à cet égard des efforts inouïs : ni l’amitié, ni l’intérêt, ni les<br />

promesses, ni les menaces, ni l’autorité civile, ni l’autorité<br />

ecclésiastique, rien n ’a pu les entamer à cet égard à un degré<br />

quelconque ; et, aujourd’hui encore, après deux années de tentatives<br />

constantes, on n ’en sait rien, absolument rien.<br />

Moi-même, j’ai fait les plus grands efforts pour pénétrer ce<br />

secret. Quelques circonstances singulières m ’ont aidé à pousser mes<br />

efforts plus loin que d’autres : même j’ai cru un moment réussir ;<br />

voici comment :<br />

J ’avais emmené, comme je l’ai dit, le petit Maximin à la<br />

montagne avec moi. Malgré les répugnances que ce petit garçon<br />

m ’inspirait, j’avais cherché néanmoins à être bon et aimable pour<br />

lui, et je lui faisais toutes les avances possibles pour tâcher d ’ouvrir<br />

et de gagner son cœur. Je n’y avais pas trop réussi. Mais en arrivant<br />

au sommet de la montagne, quelqu’un qui se trouvait là lui donna<br />

deux images, une entre autres représentant les combats du<br />

24 février, dans les rues de Paris (3). Au milieu des combattants,<br />

on voyait un prêtre qui soignait les blessés. Le petit garçon<br />

s’imagina trouver quelque ressemblance entre cet ecclésiastique et<br />

moi ; et, bien que je lui eusse dit qu’il se trompait complètement,<br />

il demeura persuadé que c’était moi, et, à dater de ce moment, il<br />

me témoigna la plus vive et la plus rustique amitié. Dès lors il<br />

parut tout-à-fait à son aise et en grande familiarité. J ’en profitai<br />

avec empressement, et nous devînmes les meilleurs amis du monde,<br />

sans qu’il cessât toutefois, je dois l’avouer, de m ’être parfaitement<br />

désagréable. Dès lors il se pendit à mon bras, et ne le quitta plus<br />

de toute la journée. Nous descendîmes ainsi la montagne ensemble.<br />

Je le fis déjeuner, dîner avec moi. Il se mit à causer de toutes<br />

choses avec le plus grand abandon, de la République [p. 34] des<br />

arbres de la liberté, etc. etc. Quand je ramenais la conversation<br />

(3) 24 février 1848 : début de la Révolution de février. Toutefois les combats ne<br />

commencèrent que plus tard.<br />

280


11 juin 1848 Doc. 427<br />

sur ce qui m’intéressait uniquement, il me répondait, comme je<br />

l’ai dit, brièvement, simplement ; tout ce qui avait trait à<br />

l’apparition de la très-sainte Vierge était toujours comme quelque<br />

chose à part dans notre conversation. Il s’arrêtait tout court, dans<br />

le plus grand entraînement de son bavardage : le fond, la forme,<br />

le ton, la voix, la précision de ce qu’il me disait alors, tout<br />

devenait soudain singulièrement grave et religieux. Puis il passait<br />

bientôt, sur un autre sujet, à tout l’abandon de la conversation la<br />

plus familière et la plus vive.<br />

Alors je recommençais mes efforts et mes insinuations les plus<br />

habiles pour profiter de cet abandon et de cette ouverture et le<br />

faire parler sur ce qui m’intéressait, et en particulier sur son secret,<br />

sans qu’il s’en aperçût et sans qu’il le voulût. Je tenais absolument<br />

à voir clair dans cette âme, à la saisir en défaut et à tirer bon gré<br />

mal gré la vérité du fond de ce cœur. Mais je dois le confesser,<br />

tous mes efforts, depuis le matin, avaient été parfaitement inutiles :<br />

au moment où je croyais atteindre mon but et obtenir quelque<br />

chose, toutes mes espérances s’évanouissaient. Tout ce que je<br />

m ’imaginais tenir m ’échappait tout à coup, et une réponse de<br />

l’enfant me replongeait dans toutes mes incertitudes. Cette réserve<br />

absolue me parut si extraordinaire dans un enfant, je dirai même<br />

en un être humain quelconque, que sans lui faire une violence à<br />

laquelle ma propre conscience aurait répugné, je voulus aller aussi<br />

loin que possible, et tenter les derniers efforts pour le vaincre en<br />

quelque chose et surprendre enfin son secret. Ce singulier secret<br />

me tenait par-dessus tout à cœur. Pour l’entamer sur ce point je<br />

n’épargnai aucune séduction dans la mesure qui me parut tolérable.<br />

Après bien des essais et des efforts absolument inutiles, une<br />

circonstance bien futile en apparence m ’offrit une occasion que je<br />

crus un moment favorable.<br />

J ’avais avec moi un sac de voyage dont le cadenas se fermait<br />

et s’ouvrait à l’aide d’un secret, qui dispense de se servir d ’une<br />

clef. Comme ce petit garçon est très-curieux, touche à tout, regarde<br />

tout, et toujours de la manière la plus indiscrète, il ne manqua<br />

pas de regarder mon sac de voyage ; et me le voyant ouvrir sans<br />

clef il me demanda comment je faisais. Je lui répondis que c’était<br />

un secret. Il me demanda très-vivement de le lui montrer. Le mot<br />

de secret réveilla dans mon esprit l’idée du sien. Je profitai de la<br />

circonstance et lui dis : Mon enfant, c’est mon secret ; vous n'avez<br />

pas voulu me dire le vôtre, je ne vous dirai pas le mien. Ceci fut<br />

dit moitié sérieux, moitié plaisant.<br />

Ce n'est pas la même chose, me répondit-il sur-le-champ. Et<br />

pourquoi, lui dis-je ? Parce q u ’on m'a défendu de dire mon<br />

secret : on ne vous a pas défendu de dire le vôtre. — La réponse<br />

était péremptoire. Je ne me tins pas pour battu ; et, sans avoir<br />

l’air de l’avoir bien compris, je lui dis du même ton : Puisque<br />

281


Doc. 427<br />

<strong>Documents</strong><br />

vous n ’avez pas voulu me dire le vôtre, je ne vous dirai pas le<br />

mien. Il insista. J ’excitai moi-même ses instances et sa curiosité.<br />

J ’ouvrais, je fermais mystérieusement mon cadenas sans qu’il pût<br />

comprendre mon secret : j’eus l’indignité de le tenir ainsi ardent,<br />

passionné, suspendu pendant plusieurs heures ; [p. 55] dix fois<br />

pendant ce temps le petit garçon revenait violemment à la charge.<br />

Je le veux bien, lui disais-je, mais dites-moi aussi votre secret.<br />

A ces paroles tentatrices, l’enfant religieux reparaissait aussitôt,<br />

et toute sa curiosité semblait s’évanouir. Puis, quelque temps<br />

après, il me pressait encore. Je faisais même réponse, et je trouvais<br />

toujours même résistance. Le voyant immuable, je lui dis enfin :<br />

Mais au moins, mon enfant, puisque vous voulez que je vous dise<br />

mon secret, dites-moi quelque chose du vôtre : je ne vous demande<br />

pas de me le dire tout-à-fait ; mais, dites-moi, au moins, ce que<br />

vous pouvez en dire. Dites-moi, au moins, si c'est une chose<br />

heureuse ou malheureuse ? Ce ne sera pas me dire votre secret.<br />

Je ne puis pas, fut sa seule réponse : seulement, comme nous<br />

étions en amitié, je remarquai qu’il y avait une expression de<br />

regret dans son refus et dans sa parole.<br />

Je cédai enfin, et lui montrai le secret de mon cadenas. Il fut<br />

enchanté : il sauta de joie : il ouvrit, ferma plusieurs fois le sac de<br />

voyage. Je lui dis : Vous voyez, moi, je vous ai dit mon secret, et<br />

vous ne m'avez point dit le vôtre. Il parut affligé de cette nouvelle<br />

instance et de cette sorte de reproche. Je crus devoir n ’y plus<br />

revenir. Et je demeurai convaincu, comme le sera quiconque<br />

connaît l’indiscrétion humaine, et en particulier l’indiscrétion des<br />

enfants, que ce petit garçon venait de subir victorieusement une<br />

des tentations, une des violences morales les plus fortes qui se<br />

puissent imaginer.<br />

Bientôt cependant, je pris de nouveau la chose sur un ton<br />

plus sérieux encore, et je lui fis subir un nouvel assaut. Voici<br />

quelle en fut l’occasion.<br />

Je lui avais donné quelques images achetées au sommet de la<br />

montagne. Il n’avait qu’un très-mauvais chapeau de paille. Je lui<br />

en achetai un autre, en rentrant dans le bourg de CORPS. Puis je<br />

lui offris de lui donner ce qu’il voudrait encore. Il me demanda<br />

une blouse. Je lui dis d ’en aller acheter une. Elle coûtait 58 sous<br />

que je payai. Il alla montrer les images, la blouse et le chapeau à<br />

son père, et revint me dire que son père était bien content. Il<br />

m ’avait déjà parlé avec une certaine affection des chagrins et des<br />

malheurs de son père ; je profitai encore de l’occasion de la mort<br />

récente de sa mère (4), et tout en me reprochant un peu,<br />

intérieurement, les tentations que je faisais subir à cet enfant, je<br />

(4) Il s'agit en réalité de la belle-mère de Maximin, décédée le 24 janvier 1848.<br />

282


11 juin 1848 Doc. 427<br />

lui dis : Mais, mon enfant, si vous vouliez dire de votre secret ce<br />

que vous pouvez en dire, on pourrait faire beaucoup de bien à<br />

votre père. J ’allai plus loin. Je lui dis : Moi-même, mon cher<br />

enfant, je pourrais lui procurer bien des choses, et faire q u ’il soit<br />

avec vous, chez lui, bien tranquille et bien heureux, sans manquer<br />

de rien. Pourquoi vous obstinez-vous ainsi à refuser de dire de<br />

votre secret ce que vous pouvez en dire, quand cela pourrait être<br />

si avantageux à votre père et le tirer de peine.<br />

Certes, la tentation était vive. L’enfant était en pleine<br />

confiance. Il ne pouvait douter de ma sincérité, et dans le vrai,<br />

j’étais disposé à faire tout ce que je lui disais. Il le voyait. C’était<br />

manifeste. Il me répondit d ’un ton plus bas : Non, monsieur, je<br />

ne puis pas.<br />

Il faut avouer que, s’il avait fait une première fable, il ne lui<br />

était pas difficile de m ’en faire une seconde, et de me dire alors<br />

un secret quelconque, [p. 56] analogue à son grand récit, et dont<br />

la confidence aurait eu immédiatement pour lui de si grands<br />

avantages.<br />

Il préféra me faire la réponse que j’ai rapportée, ou plutôt, sans<br />

rien préférer, il me fit cette réponse spontanément, simplement.<br />

Je ne me regardai pas comme entièrement battu, et je poussai<br />

la tentation encore plus loin, trop loin peut-être, mais certainement<br />

jusqu’aux dernières bornes ; vous allez en juger et me blâmer<br />

peut-être :<br />

Une circonstance particulière faisait que j’avais sur moi une<br />

assez grande somme en or. Tandis qu’il rôdait autour de moi dans<br />

la chambre de mon auberge, regardant tous mes effets, fouillant<br />

partout en véritable gamin, ma bourse et cet or se rencontrèrent<br />

sous ses yeux. Il s’en saisit avec empressement, le déroula sur la<br />

table, et se mit à le compter, en fit plusieurs petits paquets, puis<br />

après les avoir faits, il s’amusa à les défaire et à les refaire. Quand<br />

je le vis bien enchanté, bien ravi par la vue et le maniement de<br />

cet or, je pensai que le moment était venu pour éprouver et<br />

connaître avec certitude sa sincérité. Je lui dis avec amitié : Eh<br />

bien ! mon enfant, si vous me disiez de votre secret ce que vous<br />

pouvez m ’en dire, je pourrais vous donner tout cet or pour vous<br />

et pour votre père. Je vous donnerai tout, et tout de suite ; et<br />

n 'ayez pas d ’inquiétude, car j ’ai d ’autre argent pour continuer<br />

mon voyage.<br />

Je vis alors un phénomène moral assurément très-singulier, et<br />

j’en suis encore saisi en vous le racontant. L’enfant était tout<br />

entier absorbé par cet or : il jouissait de le voir, de le toucher, de<br />

le compter. Tout à coup, à mes paroles, il devient triste, s’éloigne<br />

brusquement de la table et de la tentation, et me dit : Monsieur,<br />

je ne puis pas. J ’insistai : Et cependant il y aurait là de quoi faire<br />

votre bonheur et celui de votre père. Il me répondit encore une<br />

283


Doc. 427<br />

<strong>Documents</strong><br />

fois : Je ne puis pas ; et d’une manière et d ’un ton si ferme,<br />

quoique très-simple, que je me sentis vaincu. Cependant, pour<br />

n ’en avoir pas l’air, j’ajoutai d ’un ton qui voulait affecter le<br />

mécontentement, le mépris, l’ironie : Mais peut-être que vous ne<br />

voulez pas me dire votre secret, parce que vous n 'en avez pas :<br />

c’est une plaisanterie. — Il ne parut pas offensé de ces paroles, et<br />

me répondit vivement : Oh ! si ! j ’en ai un ; mais je ne puis pas<br />

le dire. — Qui vous l'a défendu ? — La sainte Vierge.<br />

Je cessai dès lors une lutte inutile. Je sentis que la dignité de<br />

l’enfant était plus grande que la mienne. Je posai avec amitié et<br />

respect ma main sur sa tête ; je traçai une croix sur son front, et<br />

je lui dis : Adieu, mon cher enfant ; j ’espère que la sainte Vierge<br />

excuse toutes les instances que je vous ai faites. Soyez toute votre<br />

vie fidèle à la grâce que vous avez reçue. Et après quelques<br />

moments, nous nous quittâmes pour ne plus nous revoir (5).<br />

A des interrogations, à des offres du même genre, la petite<br />

fille m’avait répondu : Oh ! nous avons assez ; il n ’y a pas besoin<br />

d'être si riches.<br />

Tel est le troisième signe de vérité que j’ai remarqué en ces<br />

enfants. Maintenant que penser de tout cela ? Est-ce vérité, erreur<br />

ou imposture ?<br />

Tout cela ne peut s’expliquer raisonnablement que par une<br />

des quatre suppositions suivantes :<br />

Il faut : 1° ou admettre la vérité surnaturelle de l’apparition,<br />

du récit et du secret des enfants. Mais c’est fort grave et d’une<br />

grande conséquence. S’il [p. 57] y a là une fourberie et qu’elle se<br />

découvre un jour, par ces enfants ou par d ’autres, la sincérité<br />

trompée de tant de coeurs religieux, n ’aura-t-elle pas à en souffrir ?<br />

2° Ou dire qu’ils ont été trompés, et qu’ils sont encore le<br />

jouet d ’une hallucination. Mais quiconque a fait le voyage de la<br />

Salette et tout examiné, n’hésitera pas à affirmer que cette<br />

supposition est absolument ridicule et inadmissible.<br />

3° Ou bien que les enfants sont les inventeurs de cette fable,<br />

qu’ils l’ont imaginée à eux seuls, et qu’à eux seuls ils la soutiennent<br />

envers et contre tous, depuis deux années, sans se contredire ni se<br />

démentir jamais. Pour ma part, il m ’est absolument impossible<br />

d ’admettre cette troisième supposition. La fable me paraîtrait ici<br />

plus étonnante que la vérité.<br />

(5) Selon une biographie de Maximin parue quelques années après sa mon, Dupanloup<br />

aurait brutalisé le garçon : « Plutôt que de se tenir pour entièrement battu, il aima mieux<br />

le battre dans sa chambre d'auberge, où il l’avait enfermé avec lui » (Triomphe de Notre-<br />

Dame de la Salette... Maximin peint par lui-même, Nîmes 1881, [publié sans le nom de<br />

l’auteur] p. 171). L'auteur (l’abbé Le Baillif, curé de Farceaux, Eure) ne nomme pas<br />

Dupanloup, mais, d’après le contexte, il s’agit de lui. — La conduite prêtée au futur<br />

évêque d ’Orléans ne cadre ni avec sa lettre à Du Boÿs, ni avec ce que l’on sait par ailleurs<br />

de ce grand éducateur. Cf. la mise au point de Marcel Lavorel, citée supra, p. 272, note 2.<br />

284


14 juin 1848 Doc. 428<br />

4° Ou bien enfin qu’il y a un inventeur, un imposteur caché<br />

derrière les deux enfants, et qu’ils se sont prêtés à jouer le rôle<br />

qu’il leur a préparé dans son imposture, et qu’il leur apprend<br />

chaque jour à jouer de nouveau. Sans aller au fond des choses,<br />

comme l’a fait M. Rousselot, je me bornerai à répondre que tout<br />

ce qui précède répugne à cette supposition. L’inventeur me<br />

paraîtrait tout à la fois bien mal habile de choisir pour acteurs et<br />

témoins d ’une imposture aussi extraordinaire des êtres pareils, et<br />

bien habile de leur faire jouer un rôle semblable pendant deux<br />

années, devant deux ou trois centr mille spectateurs successifs,<br />

observateurs, investigateurs, interrogateurs de toute espèce, sans<br />

que ces deux enfants se soient jamais trahis en rien, une fois ou<br />

l’autre ; sans que personne ait découvert cet imposteur derrière la<br />

scène ; sans qu’une seule indiscrétion des enfants l’ait fait<br />

soupçonner ; sans qu’il en ait apparu un seul indice jusqu’à ce<br />

jour !<br />

Reste donc la première supposition, c’est-à-dire la vérité<br />

surnaturelle qui se trouve d’ailleurs très-fortement confirmée :<br />

1° Par le caractère soutenu des enfants ; 2° par les réponses<br />

absolument au-dessus de leur âge et de leur portée qu’ils ont faite<br />

dans les divers interrogatoires auxquels on les a soumis ; 3° par la<br />

fidélité extraordinaire avec laquelle ils gardent le secret qu’ils<br />

prétendent leur avoir été confié.<br />

Si j’étais obligé de me prononcer et de dire oui ou non sur<br />

cette révélation, et que je dusse être jugé à ce sujet sur la sincérité<br />

rigoureuse de ma conscience, je dirais oui plutôt que non. La<br />

prudence humaine et chrétienne me ferait dire oui plutôt que<br />

non, et je ne croirais pas avoir à craindre d’être condamné au<br />

jugement de Dieu comme coupable d’imprudence et de légèreté.<br />

Tout à vous.<br />

Gap, ce 11 juin 1848<br />

Mercredi 14 juin 1848<br />

ÉVÉNEMENT. Ce jour-là, passage probable, dans les écoles de Corps, de<br />

M. Rataboul, sous-inspecteur de l’instruction primaire (1). Nous signalons ce<br />

passage, car, à en croire Déléon, les enfants furent interrogés en 1848 par un<br />

haut fonctionnaire de Grenoble, conduit chez les soeurs de la Providence par<br />

l’inspecteur primaire. « Ce langage, leur d it le haut fonctionnaire, a-t-il é té le<br />

vôtre dès le m om ent même de l ’apparition ? Est-ce dans ces termes que vous<br />

avez p a rlé à vos maîtres, le soir même du 19 septem bre 1846 ? — Non,<br />

répondent, sans hésiter, les deux enfants. — Com ment donc, maintenant, parlezvous<br />

d ’une manière si précise et si sûre ? — C ’est M. le curé qu i a rappelé nos 1<br />

(1) La date du passage est seulement probable, sans plus. Elle ne nous est connue, en<br />

effet, que par un projet d ’itinéraire établi l’année précédente (ADI T 507, archives de<br />

l’Inspection d ’Académie).<br />

285


Doc. 428<br />

<strong>Documents</strong><br />

souvenirs » (2). Déléon n’indique le nom ni de l’inspecteur ni du haut<br />

fonctionnaire. Le rôle qu’il attribue à Mélin ne cadre guère avec la façon dont<br />

celui-ci présente l’apparition dans les relations dues à sa plume : Mélin, qui<br />

éprouve de la répugnance à entrer dans les détails, donne seulement des résumés<br />

schématiques (cf. LSDA 1, p. 128).<br />

Jeudi 15 juin 1848<br />

428. AUTORISATION DE MGR DE BRUILLARD, permettant à<br />

Rousselot de publier son Rapport<br />

Dans Vérité, p. 3-4.<br />

Portée de l'autorisation. Rousselot, éditeur du texte et sans doute aussi son<br />

inspirateur, l’introduit par les mots suivants : « Approbation de Monseigneur<br />

l'évêque de Grenoble ». Ce titre, qui ne fait point partie du document, en<br />

exprime cependant la portée. En effet, Mgr de Bruillard autorise la publication<br />

du Rapport, non pas simplement parce que celui-ci ne contient rien contre la foi<br />

et les mœurs, mais parce que, dans l’opinion de l’évêque, ses conclusions<br />

correspondent à la réalité. Pour la première fois, l’évêque se prononce publiquement<br />

et officiellement en faveur de l’authenticité de l’apparition, sans toutefois<br />

engager son autorité par un jugement solennel, qu’il donnera seulement en<br />

1831 (*)•<br />

PHILIBERT DE BRUILLARD, par la miséricorde divine et la<br />

grâce du Saint-Siège apostolique, Evêque de Grenoble ;<br />

Nous avons lu attentivement, et nous avons fait lire, examiner<br />

et discuter en notre présence dans une Commission nombreuse,<br />

formée de MM. nos Vicaires généraux, des membres de notre<br />

Chapitre, du Supérieur de notre Séminaire diocésain et des cinq<br />

Curés de notre ville épiscopale, le manuscrit intitulé : La Vérité<br />

sur / ’événement de la Salette, du 19 septembre 1846, ou Rapport<br />

à Mgr l ’Evêque de Grenoble sur l ’Apparition de la sainte Vierge à<br />

deux petits bergers sur la montagne de la Salette, canton de Corps<br />

(Isère).<br />

Nous avons constamment partagé l’avis de la très-grande<br />

majorité de la Commission, qui a successivement adopté tous les<br />

articles de ce Rapport.<br />

En conséquence, nous permettons à l’auteur de publier, par<br />

la voie de l’impression, son travail avec l’introduction et les pièces<br />

justificatives.<br />

(2) La Salette Fallavaux..., par Donnadieu [pseudonyme de C. Déléon], vol. I,<br />

Grenoble 1852, p. 51-52 ; cf. aussi le Mémoire au pape, p. i2. Démenti de Mélin : lettre<br />

de Mélin à Rousselot, 8 janvier 1853, EGD 1, reproduite dans les Nouveaux documents,<br />

p. 281-285.<br />

(*) A en croire Cartellier, Rousselot aurait annoncé dès le mois de mai « dans la chaire<br />

de la Cathédrale que Mgr lui avoit enfin ouvert la bouche, qu’à présent il pouvoit prêcher<br />

la Salette » (Réponse, p. 83).<br />

286


25 juin 1848 Doc. 431<br />

Ce Rapport, vivement désiré et impatiemment attendu depuis<br />

longtemps, nous paraît propre à [p. 4] dissiper bien des préventions,<br />

à éclairer l’opinion publique, à opérer la conviction dans les esprits<br />

droits. Ceux qui croient, ceux qui doutent, et ceux-là même qui<br />

ne croient pas, ne le liront pas sans intérêt, et, nous l’espérons,<br />

sans quelque profit.<br />

Les personnes pieuses verront qu’elles ont pu admettre le fait<br />

sans mériter le reproche d ’imprudence ou de faiblesse d ’esprit.<br />

Celles qui ont cru devoir suspendre leur jugement, seront sans<br />

doute frappées des preuves nombreuses qui entourent ce fait<br />

extraordinaire. Enfin, celles qui, entraînées par les préjugés,<br />

s’inscrivent en faux contre tout ce qui sort de l’ordre commun,<br />

contre tout ce qui est merveilleux, se rappelleront, sans doute,<br />

que<br />

Le vrai peut quelquefois n ’être pas vraisemblable ; et qu’un<br />

événement qui, depuis plus de vingt mois, retentit dans le monde<br />

catholique et a déjà mis en mouvement plus de cent mille pèlerins,<br />

ne mérite pas d ’être rejeté sans examen.<br />

Donné à Grenoble le 15 juin 1848.<br />

tPHILIBERT, Evêque de Grenoble.<br />

Par mandement :<br />

CHAMARD, Chane hone, Secrétaire.<br />

Dimanche 25 juin 1848<br />

ÉVÉNEMENT. Dans Paris, hérissé depuis deux jours de barricades, l’archevêque<br />

de la ville, Mgr Affre, est mortellement blessé par une balle perdue, au cours<br />

d’une tentative de médiation entre les forces de l’ordre et les insurgés, qui seront<br />

réprimés avec dureté.<br />

431. PATOIS DE MÉLANIE<br />

Manuscrit de la main de l’abbé Lagier (1 f. pliée 28,5 cm x 37) : EGD 37.<br />

— Reproduit avec une traduction dans la Vérité, p. 55-57.<br />

Destinataire : Rousselot ou Auvergne. Ce dernier aida Rousselot à préparer<br />

l’édition imprimée de son Rapport.<br />

S‘ Pierre de Cherennes le 25 juin 1848<br />

TRADUCTION<br />

'Si las truffas se gastoun éï rien<br />

que per vous aoutres, vous ôou aïou<br />

fa véïre (veyre) Tan passa, n ’aïa pas<br />

vougu fas conti, 2qu’éra ôou coun-<br />

['Si les pommes de terre se gâtent,<br />

ce n’est rien que pour vous autres. Je<br />

vous l’avais fait voir Tan passé ; vous<br />

n’en avez pas voulu faire cas. 2Que<br />

287


Doc. 431<br />

<strong>Documents</strong><br />

trère, quand troubava de truffas gastas<br />

djurava, l’y bitava lou noue de moun<br />

fis ôou méï (ou bien et plus étymologique,<br />

mey) (1). 123É van countinua<br />

qu’aqeytan per tsalendas {b iffé : ny]<br />

ni {biffé : auourait] ôourè plus.<br />

4Si ava de bla fôou pas lou semenas,<br />

que tout ce que semenaré las bestias<br />

{biffé : lou] \-vous lou / (2) mendjarein,<br />

é ço que vendrè toumbarè tout<br />

en poussièra quant l’eyqouïré.<br />

5Vendret una granda famina,<br />

6d’avant que la famina vène lous<br />

maris ôou dessous de sept ans prendten<br />

un tremble muriren entre las mas<br />

de las persounas que lous tendren, é<br />

lous àoutres faren lour penitensa de<br />

famina.<br />

7Las nouzes vendren boffas, lous<br />

rasins puriren.<br />

8Si se counvertissoun las peyras,<br />

lous routsats seren de mounteous de<br />

bla. 9Las truffas seren ensemensas per<br />

las terras.<br />

10Fasa {biffé : bien] bian vouatra<br />

priera, mous marris ?<br />

"Pas gaïre madama.<br />

"Fôou bian la fas, mous marris<br />

vèpre é mati, quant diria ôoumen<br />

qu’un pater é un ave maria quant<br />

pouiré pas mey fas, é quant pouiré<br />

mey fas n’en mai dire. "L’stiou (3)<br />

vaï que quaouqua fena un paou<br />

d’iadje à la messa, lous aoutres trabailloun<br />

tout l’stiou la dimentsa ; I4é<br />

l’hiver quant saboun pas que fas lous<br />

garçous van à la messa per se mouquas<br />

de la relidjiou ; {verso] 15é la careyma<br />

van à la boutsaria couma lous tsis.<br />

c’était au contraire ; quand vous trouviez<br />

des pommes de terre gâtées, vous<br />

juriez en y mettant le nom de mon<br />

fils au milieu. 3Elles vont continuer ;<br />

que cette année pour la Noël, il n’y<br />

en aura plus.<br />

4Si vous avez du blé, il ne faut pas<br />

le semer ; tout ce que vous sèmerez,<br />

les bêtes le mangeront ; ce qui viendra<br />

tombera tout en poussière, quand<br />

vous le battrez.<br />

5I1 viendra une grande famine.<br />

6Avant que la famine vienne, les<br />

enfants au-dessous de sept ans prendront<br />

un tremblement et mourront<br />

entre les mains des personnes qui les<br />

tiendront ; les autres feront pénitence<br />

par la famine.<br />

7Les noix deviendront mauvaises,<br />

les raisins pourriront. 8S’ils se convertissent,<br />

les pierres et les rochers se<br />

changeront en monceaux de blé. 9Les<br />

pommes de terre seront ensemencées<br />

par les terres.<br />

10Faites-vous bien votre prière mes<br />

enfants ?<br />

"Pas guère, Madame.<br />

"Il faut bien la faire mes enfants,<br />

soir et matin : quand vous ne pourrez<br />

pas mieux faire, dire seulement un<br />

Pater et un Ave Maria, et quand<br />

vous pourrez faire mieux, en dire<br />

davantage.<br />

13L’été, il ne va que quelques femmes<br />

un peu âgées à la Messe ; les<br />

autres travaillent le dimanche tout<br />

l’été ; 14et l’hiver quand ils ne savent<br />

que faire, les garçons ne vont à la<br />

Messe que pour se moquer de la<br />

(1) « meï (ou bien... mey) » : à l’exception de « mey », mots biffés (par une main<br />

étrangère ?) et omis dans l’édition imprimée.<br />

(2) Correction peut-être d ’une main étrangère. La Vérité reproduit le-texte corrigé.<br />

(3) « L’stiou » : biffé (par une main étrangère ?) et omis dans l’édition imprimée.<br />

288


26 juin 1848 Doc. 432<br />

16N ’ava djis vegu de bla gasta mous<br />

marris (4) ? — 17Oh ! nou madama.<br />

18 É vous moun marri, n’en deva<br />

bian avé vegu, un viadje vès lou<br />

Couïn embe vouetre paire, que lou<br />

mestre de la pessa, que dïsia à vouètre<br />

paire d’anas veyre soun bla gasta, é<br />

pey lé anera tous dous, prenguera<br />

dous tréis éipias de bla din vouatras<br />

mas (5), las froutera, é tseyguait tout<br />

en poussièra, é pey vous n’entournera,<br />

19quant era plus que dimé houra luen<br />

de Couarp vouetre paire vous beyllé<br />

una pèça de pa en vous disan : té,<br />

moun marri mendja encas de pa<br />

àqueytan, que sabou pas qui n’en vaï<br />

mendjas l’an que ven, si lou bla<br />

countinua couma quo !<br />

20Oh ! si madama m’en rappellou<br />

avus, adès me n’en rappellavou pas.<br />

religion. 15Le carême, on va à la<br />

boucherie comme les chiens.<br />

I6N ’avez-vous pas vu du blé gâté,<br />

mes enfants ?<br />

17(Maximin répondit :) Oh ! non,<br />

Madame.<br />

18Vous devez bien en avoir vu, mon<br />

enfant (en s’adressant à Maximin),<br />

une fois vers la terre du Coin, avec<br />

votre père. Le maître de la pièce dit<br />

à votre père d’aller voir son blé gâté ;<br />

vous y êtes allés tous les deux. Vous<br />

prîtes deux ou trois épis dans vos<br />

mains, les froissâtes, et tout tomba<br />

en poussière ; puis vous vous en<br />

retournâtes. 19Quand vous n’étiez<br />

plus qu’à une demi-heure de Corps,<br />

votre père vous donna un morceau<br />

de pain en vous disant : Tiens, mon<br />

enfant, mange encore du pain cette<br />

année ; je ne sais pas qui en mangera<br />

l’année prochaine, si le blé continue<br />

encore comme ça.<br />

20Oh ! oui, Madame ; je m’en souviens<br />

à présent, tout à l’heure, je ne<br />

m ’en souvenais pas.]<br />

Vous pouvez, je pense, accepter en toute sûreté soit sous le<br />

rapport du patois, soit sous le rapport de l’exactitude du fait le<br />

récit de Mélanie, tel que je vous le renvoie.<br />

J ’ai l’honneur...<br />

LAGIER, prêtre<br />

Lundi 26 juin 1848<br />

432. LETTRE DES ABBÉS LOUIS ETJ.-M. PERRIN, de la Salette,<br />

à Mgr de Bruillard<br />

Original : EG 134.<br />

Contenu. Guérisons. — Pèlerinages : plus de mille pèlerins le lundi de la<br />

Pentecôte (12 juin), sept à huit cents le jour de la Fête-Dieu (22 juin) et le jour<br />

de la Saint-Jean-Baptiste (24 juin), cent à deux cents les dimanches ordinaires.<br />

Les pèlerins sont moins nombreux que l’année précédente, mais plus fervents. 45<br />

(4) Les deux derniers mots ont été corrigés en « moun marri », mon enfant, (par une<br />

main étrangère ?). La Vérité reproduit le texte primitif.<br />

(5) Les deux derniers mots ont été corrigés en « sa ma », sa main, (pat une main<br />

étrangère ?). La Vérité reproduit le texte primitif.<br />

289


Doc. 434<br />

<strong>Documents</strong><br />

Juillet 1848<br />

ÉVÉNEMENTS. Pseudo-apparitions au Périer, commune du canton de Valbonnais,<br />

limitrophe de celui de Corps. Cartellier les rapporte en ces termes, après<br />

avoir parlé d’apparitions dans la Drôme (*) : « Là [au Périer] la S" Vierge se<br />

serait montrée le 30 juin, le 5, le 6, le 15, le 16 juillet 1848. Elle aurait tenu le<br />

langage qu’elle a tenu partout : que son Fils étoit surtout irrité des blasphèmes<br />

et des profanations du dimanche [...] ». Cartellier conclut que la dame de la<br />

Salette et la dame du Périer « se ressemblent à merveille ; on dirait qu’il n’y en<br />

a qu’une » (**).<br />

A ceux qui voient dans cette similitude une difficulté pour la Salette,<br />

Rousselot fait remarquer que les autres apparitions sont postérieures à celle du 19<br />

septembre 1846, l’imitent et la supposent, comme « la fausse monnaie suppose<br />

la véritable. [...] Que ces apparitions subséquentes soient le fruit de cerveaux<br />

malades, cela résulte assez de ce que dans ces visions prétendues, il y a presque<br />

toujours eu marteau e t tenailles, secret obligé, larmes répandues, etc. Désormais<br />

la Reine des cieux ne pourra plus se montrer autrement que comme elle a apparu<br />

à la Salette » (***).<br />

Jeudi 6 juillet 1848<br />

434. LETTRE DE L’ABBÉ LOUIS PERRIN, curé de la Salette, au<br />

chanoine Rousselot<br />

Original (1 f. pliée 27 cm x 40,5) : EGD 85.<br />

Monsieur le Vicaire Général,<br />

La Salette 6 juillet 1848<br />

Je viens de faire \ part / à Monsieur le Maire de la Salette de<br />

l’apparente contradiction qu’avoit cru trouver M. Dupanloup (1).<br />

M. le Maire de la Salette m ’a assuré qu’il avoit interrogé le petit<br />

Maximin sur le fait de l’Apparition, le surlendemain de cet<br />

événement. « Le lundi, vient-il de me dire, 21 sept. 1846, je<br />

descendis à ma vigne chercher quelques raisins qui commençoient<br />

à être bons. Tout préoccupé de ce que m ’avoit \ dit / la veille<br />

(*) Sur les innombrables apparitions qui auraient eu lieu de mars 1848 à décembre<br />

1849 dans cinq paroisses du diocèse de Valence (la Chaudière, Pradelle, Brette, la Fare et<br />

Espeluche), voir B. DELPAL, La vie chrétienne dans les paroisses du diocèse de Valence au<br />

milieu du XDC siècle, 2 vol. multigraphiés (thèse pour le doctorat de troisième cycle<br />

soutenu à Lyon II le 8 novembre 1980), I, p. 203-228 ; cf. aussi doc. 459 et BMG R.8667<br />

(23-24). A côté d'analogies avec les récits de la Salette, on rencontre des éléments nouveaux :<br />

un langage apocalyptique, des reproches au sujet du clergé, des invitations à des pratiques<br />

de piété (processions, etc.) qui, en fait, éloignent les fidèles du culte liturgique. Après une<br />

période d ’enthousiasme, ces apparitions tombèrent dans l’oubli, à la satisfaction de<br />

l’évêque, Mgr Chatrousse.<br />

(**) Réponse, p. 31-32. Dans le Mémoire au pape de 1854 (p. 28), Cartellier date les<br />

apparitions du Périer du « mois de juillet 1848 », sans autre précision.<br />

(***) Nouveaux documents, p. 46-47. Mgr de Braillard voulut imposer aux visionnaires<br />

du Périer une rétractation (cf. le brouillon du décret écrit de sa main, 28 avril 1851,<br />

EG 124). — Sur ces « apparitions », cf. aussi GlNOULHIAC, p. 25, dans BASSETTE, p. 372.<br />

(1) Sur cette contradiction, vois supra, p. 156, la note critique ajoutée au doc. 305.<br />

290


11 juillet 1848 Doc. 436<br />

Mélanie, en revenant de ma vigne, je passai chez le père Giraud,<br />

je fis appeler Maximin, je lui demandai d’abord si ce que m ’avoit<br />

raconté Mélanie étoit vrai, il me répondit que oui, puis il me<br />

raconta son histoire que je trouvai la même que celle de Mélanie ;<br />

je persistai à ne vouloir pas croire, je niai tout et je fis tout mon<br />

possible pour faire nier aussi à Maximin d ’abord par promesse de<br />

plusieurs pièces d ’argent que je lui présentai, comme j’avois fait<br />

la veille à Mélanie, puis par menace de la prison et tous mes<br />

expédients furent inutiles. »<br />

Il paroit donc réellement, Monsieur, que c’est le petit Maximin<br />

qui ne se rappelle pas les circonstances, et que le rapport de M. le<br />

Maire est à peu près fidèle (*). [...(verso)...]<br />

Perrin curé<br />

P.S. Toujours est-il vrai, Monsieur, que ce récit de M. le<br />

Maire dans la brochure de Mgr de la Rochelle, est inexact, puisque<br />

ce récit raconte qu’il interrogé [sic] le dimanche, lendemain de<br />

l’apparition les deux enfans séparément, puis simultanément.<br />

Votre sagesse saura pourvoir à ce petit inconvénient.<br />

N ote critique. Par le ton affirmatif et son style concret, le nouveau témoignage<br />

de Peytard ressemble fort au premier, qu’il contredit en partie. De l’un et l’autre<br />

témoignage nous retiendrons le sens général, à savoir que le maire interrogea<br />

Maximin en maniant promesses et menaces.<br />

Mardi 11 juillet 1848<br />

436. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à M. Dupont, « le saint homme<br />

de Tours »<br />

Original : Tours SF, B 28.<br />

[...(p. 2)] Les enfants vont toujours bien ; ils sont calmes au<br />

milieu de la tempête. Peut-être voient-ils au delà des orages le<br />

calme lumineux du retour de l’ordre et de la paix (1). [...(p. 3)]<br />

Je me suis fait recevoir dans l’association du scapulaire de la<br />

Passion (2) ; et je suis autorisé par Mr Etienne (3) à y recevoir moimême<br />

ceux qui le désirent. A Grenoble, [p. 4] le st curé de la<br />

cathédrale a reçu plus de trois mille personnes en un mois. [...] *1<br />

(*) Cette phrase laisse entendre que c’est en interrogeant Maximin que Dupanloup<br />

découvrit la difficulté. Il l’aurait donc signalée à Rousselot après son pèlerinage à la Salette.<br />

(1) On retrouve les mêmes idées, exprimées presque dans les mêmes termes, dans une<br />

lettre de Mélin à Mgr de Bruillard (doc. 446).<br />

(2) Le scapulaire rouge de la Passion a pour origine les visions qu’eut le 26 juillet<br />

1846 Sœur Apolline Andriveau, des Filles de la Charité (R. LAURENTIN, Vie authentique<br />

de Catherine Labouré, Paris, DDB, etc., 1980, II, p. 301).<br />

(3) Supérieur général des Lazaristes.<br />

291


Dessin de Marie Rolland<br />

« Montagne de la Salette<br />

* Vue de la petite chapelle de planches construite à quelques pas de l'apparition de la Ste Vierge. Nous y avons entendu la messe le dimanche 13 juillet 1848. »


16 juillet 1848 Doc. 439<br />

Dimanche 16 juillet 1848<br />

Evénem ent. Pèlerinage du chanoine Michon et de la famille Bolland.<br />

* 439. DESSIN ET JOURNAL DE MARIE BOLLAND du 7 au 16<br />

juillet 1848<br />

Dessin original (22 cm x 14) : EG 105. — Publié, ainsi que le Journal,<br />

dans Annales, février 1924, p. 232-236. L’original du Journal se trouvait alors en<br />

la possession de l’abbé de Gailhard Bancel, curé de la Motte-Chalançon, Drôme,<br />

neveu de Marie Bolland.<br />

Marie Bolland, née en 1830 à Chimilien, était fille d’Augustin Bolland,<br />

professeur à la faculté de droit de Grenoble. Entrée chez les Filles de la Charité,<br />

elle prit le nom de Sœur Cécile. Elle mourut en juillet 1906, supérieure de la<br />

maison de la rue Ville-l’Evêque, à Paris.<br />

Date. Il est évidemment possible que le dessin et les notes sur le pèlerinage,<br />

qui eut lieu le 16 juillet, soient postérieurs de quelques jours.<br />

Ci-dessous nous reproduisons, d’après les Annales, l'essentiel du passage<br />

concernant le séjour à la montagne.<br />

[p. 235] Enfin, nous avons aperçu les premières cabanes et des<br />

groupes de pèlerins et, à midi moins un quart, nous étions sur la<br />

Montagne. M. Michon commençait sa messe, aussi sommes-nous<br />

entrés tout de suite dans la petite chapelle qu’on a élevée dans ce<br />

lieu. Nous étions baignés de sueur, et tout ce que je pouvais faire<br />

dans cet état, c’était d ’offrir mon cœur à Dieu. De temps en<br />

temps, pendant la messe, des voix bien simples et bien fraîches<br />

chantaient des cantiques à la Sainte Vierge ; la simplicité de la<br />

chapelle, la piété des assistants, tout cela impressionnait vivement<br />

et nous remplissait d ’une ferveur inaccoutumée. Après la messe,<br />

nous avons été nous asseoir sur l’herbe avec M. Michon et un<br />

ecclésiastique, nommé M. Finet, qu’il avait amené avec lui, et que<br />

maman avait connu à Vienne, et, là, nous avons fait un délicieux<br />

repas. C’était de l’eau miraculeuse que nous buvions, et nous<br />

n’étions qu’à quelques pas du lieu où elle coulait depuis l’Apparition...<br />

Au moment où nous terminions notre repas, le Curé de la<br />

Salette e[s]t venu prévenir M. Michon que l’heure des vêpres était<br />

arrivée, et il le priait en même temps, de présider cette cérémonie.<br />

M. Michon a pris, en effet, un rochet et une étole, puis il a fait<br />

placer les hommes du côté du ravin où il se trouvait, les femmes<br />

de l’autre, puis il a entonné. Rien n ’est plus touchant que les<br />

deux chœurs se répondant ainsi sur la Montagne. Ces chants en<br />

plein air, ces bons montagnards si recueillis, ces mères tenant leurs<br />

enfants dans leurs bras, ces troupeaux nous entourant, c’était<br />

vraiment l’image de ce qui se passait au temps de Notre-Seigneur.<br />

M. Michon nous a ensuite adressé quelques paroles sur le but qui<br />

nous réunissait en ce lieu ; puis on a chanté, toujours en deux<br />

293


Doc. 439<br />

<strong>Documents</strong><br />

chœurs, les litanies de la Sainte Vierge et le Sub tuum ; on est<br />

alors rentré dans la chapelle où l’on a donné la Bénédiction et la<br />

cérémonie s’est terminée par une Consécration à Notre-Dame de<br />

La Salette. Le temps approchait où il nous faudrait repartir, bien<br />

à regret, car nous nous trouvions si bien sur cette Montagne !<br />

Nous avons employé les courts instants qui nous restaient à visiter,<br />

mieux que nous ne l’avions fait encore, l’endroit même où la<br />

Sainte Vierge était apparue. M. Michon y a fait venir [p. 236] les<br />

enfants et leur a fait raconter tout ce qu’ils avaient vu. Mélanie,<br />

que nous avions déjà remarquée à cause de son costume bleu,<br />

paraît très modeste mais aussi très timide, de sorte que nous ne<br />

l’avons presque pas entendu parler. Mais Maximin nous a enchantés<br />

par son air de vivacité et de franchise. Toutes nos attaques sur son<br />

secret ont été inutiles. Avant de partir, nous avons acheté quelques<br />

chapelets et quelques médailles, puis nous avons cueilli des fleurs<br />

et des plantes en souvenir. M. Michon et M. Finet n ’ont pas voulu<br />

descendre avec nous ; ils désiraient passer la nuit sur la Montagne.<br />

Nous avons dit adieu à Notre-Dame de La Salette, mais non pour<br />

toujours, car nous avions un grand désir d ’y revenir. Cette journée<br />

si heureuse ne s’effacera jamais de notre mémoire, et il nous<br />

semblait, en nous éloignant, que notre Consécration à la Sainte<br />

Vierge nous préservait désormais de tout malheur...<br />

Près de la chapelle de Notre-Dame de Gournier, nous avons<br />

trouvé Maximin qui était descendu là, je ne sais comment. Ç’a<br />

été une grande joie pour nous, car nous l’avons emmené avec<br />

nous jusqu’à Corps, et tout le long du chemin nous nous sommes<br />

amusés à lui faire des questions. Nous avons bien pu juger là de<br />

son étourderie et de sa légèreté ; il courait constamment et ne<br />

nous répondait qu’avec distraction ; on ne peut pas remarquer<br />

chez lui l’ombre d ’amour-propre. [...]<br />

Mardi 18 juillet 1848<br />

440. LETTRE DE L’ABBÉ AUVERGNE, pro-secrétaire à l’évêché,<br />

à l’abbé Mélin<br />

Original : EG 99<br />

N o t e . Auvergne a écrit cette lettre en tant que bras droit du chanoine<br />

Rousselot dans la préparation de l’édition imprimée du Rapport à l’évêque.<br />

[...] Le secret a-t-il été confié d’abord à Mélanie, puis à<br />

Maximin ? ou vice versâ ? M. Lagier et M. Lambert ne sont pas<br />

d ’accord là dessus (1). [...] 1<br />

(1) Lagier (doc. 99, v. 9) : d'abord Mélanie et ensuite Maximin. Lambert (doc. 175,<br />

v. 14) : ordre inverse.<br />

294


6 août 1848 Doc. 447<br />

[P.S.] Certain incorrigible prétend que la source avait tari il y<br />

a déjà quelque temps. Le fait est-il vrai ? On ajoute qu’à cette<br />

époque on n ’y puisait plus que de la boue.<br />

19 juillet 1848<br />

441. LETTRE DE L’ABBÉ MÉLIN à l’abbé Auvergne, pro-secrétaire<br />

à l’évêché de Grenoble<br />

Original (1 f. pliée 20,5 cm x 26) : EGD 87.<br />

Mon cher Ami,<br />

J ’ai pris les Enfants séparément. Mélanie m ’a répondu sans<br />

hésiter ; le secret a été confié à Maximin le premier ; car j’ai cru<br />

un moment que la Dame ne disoit rien, parce que je ne l’entendoi/<br />

plus parler.<br />

A la même question, Maximin m ’a d’abord répondu qu’il ne<br />

se le rappeloit pas. Puis, après un moment de réflexion, il m ’a<br />

dit : c’est à moi que le secret a été confié le premier ; Mélanie a<br />

cru que la Dame ne disoit rien, et c’est alors qu’elle me disoit le<br />

secret ; ce n’est qu’après, qu’elle a dit le secret à Mélanie, et je<br />

n ’entendoir pas parler.<br />

[p. 2] La coïncidence de la \ même / raison donnée par les<br />

deux Enfants, pris séparément, est frappante, et ne permet pas<br />

d ’hésiter. C’est à Maximin que le secret a d ’abord été confié.<br />

La fontaine n ’a jamais tarir ; et si elle tarissoit, cela ne<br />

porteroit aucun préjudice à l’Apparition ; c’est la foi seule des<br />

pèlerins qui l’a fait entrer dans cette merveille, pour la rendre en<br />

quelque sorte, matériellement visible, dans toute l’Europe où son<br />

eau a déjà opéré des prodiges. Dites à ce quidam de venir y boire.<br />

Je l’accompagnerai (1).<br />

[p. 3] L’Abbé Girin (2) a dû vous voir avec plaisir ; et la<br />

merveille séculaire de sa paroisse méritoit votre visite.<br />

Toujours tout à vous.<br />

MÉLIN Archip"'<br />

Corps 19 juil. 48<br />

Dimanche 6 août 1848<br />

447. CHANOINE ROUSSELOT. La vérité sur l'événement de la<br />

Salette du 19 septembre 1846, ou Rapport à Mgr l ’évêque de 1<br />

(1) La réponse de Melin manque ici de nuances. D ’après le curé de la Salette, pèlerins<br />

et troupeaux avaient causé des dégâts, de sorte qu’à certains moments on en retirait de<br />

l’eau trouble, presque de la boue (doc. 484).<br />

(2) Il s'agit sans doute de l’abbé Jean-François Girin, de 1837 à 1847 curé d'une<br />

paroisse limitrophe de la Salette (cf. supra, p. 120).<br />

295


Doc. 447<br />

<strong>Documents</strong><br />

Grenoble sur l'apparition de la sainte Vierge à deux petits bergers,<br />

sur la montagne de la Salette, canton de Corps (Isère)<br />

Grenoble, Grand séminaire, Baratier frères et fils, A. Carus, 1848, 240 p.<br />

18 cm.<br />

Préparation. De la correspondance de juin-juillet il résulte que<br />

Rousselot, après le passage de D upanloup à Grenoble en juin, s’attaqua<br />

sans plus tarder à la préparation de l’édition imprimée de son Rapport.<br />

Il eut pour collaborateur l’abbé Auvergne. Le livre fut mis sous presse<br />

vers le 20 juillet (Vérité, p. 101), mais reçut des compléments en cours<br />

de route. La date du 6 août, que nous avons attribuée à ce livre, est celle<br />

de la déclaration au dépôt légal. Le premier tirage compta deux mille<br />

exemplaires. Un second tirage fut préparé dès septembre. O n y trouve<br />

une lettre de Mgr Villecourt, datée du 25 août 1848 (doc. 458). Pour<br />

insérer cette addition, Rousselot abrégea la fin de son introduction (p. 31-<br />

32).<br />

Contenu. Le livre se présente comme une édition revue et augmentée<br />

du Rapport d ’octobre 1847 (doc. 310). — On y trouve les additions<br />

suivantes : l’approbation de l’évêque de Grenoble (doc. 428) ; une<br />

introduction comprenant une dissertation sur la certitude et les miracles,<br />

un résumé des Conférences de l’autom ne précédent et un compte-rendu<br />

de diverses publications sur la Salette (p. 5-32) ; des renseignements sur<br />

l’enquête Lagier, les relations Lambert, D um anoir et Chambon ; une<br />

note sur le récit donné le 20 septembre 1846 par l’abbé Jacques Perrin ;<br />

un examen de diverses hypothèses explicatives (p. 60, 63-64, 83-86) ; le<br />

texte de la relation Pra, de la réponse Bouvier, des attestations Pra et<br />

Selme, d ’une lettre de l’abbé Louis Perrin (doc. 1, 152 bis, 296, 297,<br />

405) ; des renseignements et pièces justificatives concernant vingt-deux<br />

guérisons (celles déjà traitées dans le Rapport d ’octobre 1847 étant<br />

comprises dans ce nombre), arrivées dans treize diocèses (p. 101-192,<br />

226-235).<br />

La relation Bez des récits de Maximin et de Mélanie, q u ’on lisait<br />

dans le Rapport prim itif, a été remplacée par d ’autres relations.<br />

Les récits de Maximin et de Mélanie : la vulgate salettine. Le livre<br />

(p. 53-58, 64-69) reproduit les récits d ’après Lambert (doc. 175), à<br />

l’exception du patois de Mélanie, pour lequel il suit Lagier (1). Le résultat<br />

constitue ce q u ’on peut appeler la « vulgate salettine », à savoir l’histoire<br />

dé l’apparition telle q u ’elle est connue du grand public jusqu’à nos<br />

jours.<br />

Les récits enregistrés par Lambert et Lagier, rédacteurs consciencieux<br />

et bons connaisseurs du patois, sont, à de minimes détails près, identiques.<br />

Ils sont le fruit d ’un processus d ’harmonisation, arrivé à terme vers la fin<br />

de l’hiver 1846-47 au plus tard et qui m arque principalement le récit de<br />

(l)*15oc. 431. — Nous avons déjà fait allusion supra, p. 67-68, aux retouches que<br />

l’abbé Auvergne a fait subir au récit de Maximin.<br />

296


6 août 1848 Doc. 447<br />

Maximin. On sait en effet q u ’au début de l’autom ne 1846 le garçon<br />

rapportait surtout les passages où la Dame le m ettait en cause personnellem<br />

ent : questions sur le blé gâté et sur la prière, épisode de la terre du<br />

Coin, — attitude parfaitem ent naturelle chez un enfant de onze ans, qui<br />

m ontre par là que, loin de réciter un texte appris, il rapporte une<br />

expérience vécue (2). La façon dont il présente les paroles de la Dame à<br />

Dausse et à Lagier en février-mars 1847 doit certainement quelque chose<br />

aux récits q u ’il a entendu faire à Mélanie entre temps. Mais une influence<br />

en sens inverse, de Maximin sur Mélanie, a dû également exister. La<br />

relation Pra (doc. 1), qui est la plus ancienne trace écrite du récit de<br />

Mélanie, réunit en effet à la fin les éléments qui, au témoignage de<br />

l’abbé Perrin, curé de la Salette, étaient racontés et compris par le garçon<br />

plutôt que par la fille. Il est pour le moins vraisemblable q u ’ils aient été<br />

ajoutés par Mélanie après que l ’un ou l’autre des paysans présents lors de<br />

l’interrogatoire du 20 septembre 1846 lui ait expressément dem andé si la<br />

Dame n ’avait pas parlé de ces détails, q u ’il tenait de la bouche de<br />

Maximin (3).<br />

R é a c t i o n s é p i s c o p a l e s (4). Les archives de l’évêché de Grenoble<br />

possèdent plusieurs lettres adressées par des évêques français à Mgr de<br />

Bruillard ou à Rousselot après la parution du livre (5). Les évêques<br />

félicitent, disent que l ’approbation épiscopale placée en tête du livre a<br />

produit sur eux une impression favorable, mais ne s’engagent pas<br />

nécessairement eux-mêmes. Plusieurs se déclarent convaincus, tels Mgr<br />

M athieu, archevêque de Besançon, ou Mgr Monier de Prilly, évêque de<br />

Châlon-sur-Marne (doc. 462, 473). Certains observent que l’approbation<br />

donnée par Mgr de Bruillard n ’est pas encore un jugem ent solennel.<br />

Ainsi par exemple Mgr Villecourt qui, dans une lettre datée du 25 août<br />

1848, écrit : « J ’ignore si l’intention de Votre Grandeur est de faire suivre<br />

le rapport d ’une sentence. Elle a grâce d ’état pour se déterm iner au parti<br />

(2) La relation Bail-Collonge, du 3 novembre 1846, rédigée après un interrogatoire de<br />

Maximin, met effectivement en tête du discours les passages sur la prière, sur les pommes<br />

de terre et le blé gâtés et sur l’épisode de la terre du Coin. La relation de Monteynard<br />

présente une structure semblable (doc. 13 bis ; doc. 16 bis, v. 3-6 ; cf. aussi doc. 20, v. 19-<br />

23, et doc. 81 ; dans LSDA I, p. 91, 107, 117 et 253).<br />

(3) Relation Perrin (doc. 7) v. 28 : « Ce qui suit a été plus particulièrement compris<br />

et retenu par le petit Germain ; Mélanie avouant qu’il est certain que la dame a parlé au<br />

petit sans qu’elle ait bien pu la comprendre » (LSDA I, p. 73-74). Cf. LSDA I, p. 120, et<br />

aussi la réponse du même abbé Louis Perrin au Père Bossan, accompagnant une lettre du<br />

5 mai 1863 : « Oui, il est vrai qu’au commencement Maximin s’exprimoit plus difficilement<br />

que Mélanie en faisant le récit et que c’est pour cela qu’on interrogeoit Mélanie de<br />

préférence, excepté quand il s’agissoit du fait du blé gâté de la terre du Coin et de la<br />

fidélité à la prière » (MSG C-2).<br />

(4) En ce qui concerne l’attitude de Pie IX, voir le doc. 409-<br />

(5) Doc. 450, 451, 454, 457, 459, 461, 462, 463, 465, 473, 489. — Dans l’impossibilité<br />

de reproduire toutes ces lettres, nous donnerons in extenso celles des évêques de Gap et de<br />

Viviers, NNSS Depéry et Guibert (doc. 450 et 465), particulièrement intéressantes par les<br />

critères qu’elles proposent et par la personnalité de leurs auteurs respectifs, qui jouèrent<br />

tous deux un rôle dans l'histoire de la Salette.<br />

297


Doc. 447<br />

<strong>Documents</strong><br />

le plus sage. En tout cas, votre approbation du rapport sera toujours<br />

d ’une grande consolation pour les âmes pieuses » (doc. 457).<br />

R e m a r q u e s c r i t i q u e s (6). Cartellier reproche au livre de passer sous<br />

silence la plupart des critiques formulées lors des Conférences à l’évêché<br />

{ R é p o n s e , p. 68). Le reproche nous paraît exagéré, car les allusions aux<br />

difficultés soulevées par les opposants ne m anquent pas. Elles auraient<br />

sans doute été plus complètes, si Cartellier n ’avait pas fait la sourde<br />

oreille quand l’évêque lui dem anda de présenter ses objections par écrit<br />

(cf. doc. 389). Pour notre part, nous reprocherions plutôt à Rousselot les<br />

libertés q u ’il s’est permises — rarement il est vrai — dans la reproduction<br />

des textes : correction de la déclaration de B. Pra (doc. 296) d ’après un<br />

témoignage recueilli ultérieurem ent (doc. 352), légère modification d ’une<br />

lettre privée, destinée à sauvegarder la réputation d ’une famille (doc. 247)<br />

et, chose plus grave, commise par inadvertance nous l’espérons, omission<br />

d ’un passage significatif concernant la cécité de Victorine Sauvet (7).<br />

Tout en regrettant ces déficiences, nous croyons q u ’on aurait mauvaise<br />

grâce d ’en faire un crime à un auteur-éditeur obligé de travailler vite et,<br />

sans doute, avec l’aide de plusieurs collaborateurs. L’oeuvre paraît<br />

méritoire, surtout si on la compare aux écrits des opposants (Cartellier,<br />

Berthier et, plus tard, Déléon), bourrés d ’à-peu-près et d ’inexactitudes (8).<br />

On peut enfin reprocher à Rousselot le parti q u ’il prétend tirer de<br />

l’accumulation de « pièces justificatives » dans la partie du livre consacrée<br />

aux guérisons. Il espère m ettre « ainsi le lecteur en état de juger luimême<br />

de la vérité des miracles par le nombre et la gravité des<br />

témoignages » ( V é r i t é , p. 102). Mais on peut difficilement aboutir à des<br />

jugements définitifs à partir de dossiers encore provisoires par la force des<br />

choses : une guérison aussi impressionnante que celle survenue le<br />

8 décembre précédent à Avallon sur la personne de Marie-Pierrette<br />

Gagniard, aveugle depuis deux ans, guérison pour laquelle la V é r i t é<br />

(p. 170 et suivantes) produit un rapport médical et le rapport favorable<br />

de la commission d ’enquête nommée par l’archevêque de Sens, ne fut<br />

point déclarée miraculeuse par ce dernier, après nouvel examen (cf.<br />

doc. 509).<br />

T e x t e . L’essentiel du Rapport à l’évêque (doc. 310) et les documents<br />

édités par Rousselot ont déjà été reproduits dans notre série chronologique,<br />

à l’exception toutefois des « pièces justificatives » concernant les guérisons,<br />

reproduites seulement dans de rares cas : données intégralem ent, ces<br />

pièces auraient à elles seules occupé un quart environ du présent ouvrage.<br />

(6) Rappelons que le Rapport d ’octobre 1847 a déjà fait l’objet d ’une note critique<br />

(supra, p. 164). Les présentes remarques visent uniquement les compléments publiés dans<br />

l’édition imprimée.<br />

(7) Doc. 271 bis : voir supra, p. 145, note 2.<br />

(8) Des inexactitudes rencontrées chez ces trois opposants ont été signalées dans<br />

LSDA I, p. 94, 140, 174.<br />

298


20 août 1848 Doc. 450<br />

Mardi 15 août 1848<br />

ÉVÉNEMENT. Bénédiction de la croix plantée l'année précédente au sommet<br />

du Planeau. Cette croix fut remplacée plus tard par une autre croix, puis par une<br />

troisième le 14 septembre 1861 (d’après Bossan, Apparition, n° 883).<br />

Dimanche 20 août 1848<br />

450. LETTRE DE MGR DEPÉRY, évêque de Gap, à Mgr de<br />

Bruillard<br />

Original (1 f. 20,5 cm x 26,5) : EG 93. — Extrait dans Nouveaux<br />

documents, p. 97.<br />

Note. On se rappelle l’empressement de l’évêque de Gap à annoncer la<br />

nouvelle de l’apparition, dès l’automne de 1846, sans attendre que l’évêque de<br />

Grenoble se soit prononcé : « je suis allé plus vite que lui », avait-il confié à son<br />

compatriote, l’abbé Nicod (LSDA I, p. 244 ; cf. p. 189). Dans la présente lettre,<br />

il loue au contraire la modération de Mgr de Bruillard, lui suggérant même de<br />

ne pas engager son autorité dans un jugement solennel. Mais l’exemple qu’il cite<br />

n’est vrai qu’à moitié.<br />

Monseigneur,<br />

Gap, le 20 Août 1848<br />

L’autorisation que vous venez de donner à la publication du<br />

petit ouvrage dont vous me faites l’honneur de m ’adresser un<br />

exemplaire, et la conviction profonde de votre Grandeur sur la<br />

vérité du fait de la Salette, sont sans aucun doute bien capables<br />

de fixer mes incertitudes et d ’augmenter ma foi sur cet événement<br />

extraordinaire.<br />

Je pense comme vous, Monseigneur, qu’il faut laisser au<br />

temps d’affermir cette dévotion naissante. Le Ciel ne manquera<br />

pas de se déclarer et d’appuyer les faits merveilleux relatés dans<br />

l’ouvrage de Monsieur Rousselot par d ’autres faits plus merveilleux<br />

encore.<br />

Je me trouvais à Rome lors de l’enquête faite sur l’apparition<br />

de la Sainte Vierge à Mr de [sic] Ratisbonne. [verso] La Cour<br />

Romaine refusa de se prononcer (1). « Mr de Ratisbonne est<br />

homme, me disait à cette occasion le Cardinal Castracane (2), il<br />

peut démentir plus tard ce qu’il affirme aujourd’hui, et compromettre<br />

ainsi le haut jugement de l’Eglise et le couvrir de confusion. 1<br />

(1) S’il est vrai que cette apparition ne fut pas l’objet d ’un jugement solennel, son<br />

résultat, à savoir la conversion de Ratisbonne, le fut bel et bien de la part de l’autorité<br />

romaine compétente, à savoir le cardinal Patrizzi, vicaire de Pie IX pour la ville de Rome<br />

(cf. doc. 395, notes 6 et 7).<br />

(2) Préfet de la S. Congrégation des Indulgences et cardinal-évêque de Palestrina.<br />

299


Doc. 450<br />

<strong>Documents</strong><br />

Dieu merci, la religion n ’a plus besoin de miracles maintenant, et<br />

nous pouvons attendre sans qu’il y ait péril dans le retard. »<br />

J ’ai l’honneur...<br />

flRÉNÉE, Év. de Gap<br />

Vendredi 8 septembre 1848<br />

ÉVÉNEMENTS. « C’est le 8 septembre 1848, fête de la Nativité de la Stc Vierge,<br />

que pour la première fois, des hommages solennels ont été offerts à N.D.<br />

Réconciliatrice de la Salette par les populations en corps et formant des processions<br />

embellies de tous les ornemens du culte religieux. MM. les curés du voisinage de<br />

la Salette avaient sollicité auprès de Monseigneur la permission de se rendre à la<br />

tête de leurs paroissiens en processions au mont béni. Sa Grandeur, toujours<br />

attentive à seconder le pieux élan de ses ouailles à honorer Marie, leur a permis<br />

très volontiers cette démonstration publique et éminemment pieuse » (P errin,<br />

n° 666). — Par un temps magnifique, on voit six processions gravir les pentes de<br />

la montagne : les paroisses de la Salette, de Corps, du Monestier d’Ambel, de<br />

Saint-Jean-des-Vertus, de la Salle et des Méarotz. Les rayons du soleil se reflètent<br />

sur les bannières rouges, sur les croix embellies de guirlandes, sur les aubes des<br />

pénitents, les voiles des confréries. Deux autres processions, venues de Saint-<br />

Michel et de Valjouffrey, arrivent après avoir franchi les montagnes qui limitent<br />

le cirque au nord et à l’ouest. Les fidèles, estimés à deux mille, entrent dans la<br />

petite chapelle paroisse après paroisse, pour assister à la messe de leurs pasteurs<br />

respectifs. Les vêpres sont chantées en plein air, les hommes formant un chœur<br />

sur la rive droite du ruisseau et les femmes sur la rive gauche. Après une<br />

allocution prononcée par un prêtre étranger, a lieu dans la chapelle la bénédiction<br />

du Saint-Sacrement (*).<br />

465. LETTRE DE MGR GUIBERT, évêque de Viviers, à Mgr de<br />

Bruillard<br />

Original (1 f. 19 cm x 24,5) : EG 93. — Extrait dans Nouveaux documents,<br />

p. 99.<br />

Note. Ayant reçu un exemplaire de la Vérité comme beaucoup d’autres de<br />

ses collègues dans l’épiscopat, l’évêque de Viviers ne se borne pas à envoyer des<br />

félicitations. Sa lettre énonce en peu de mots le fondement de tout jugement<br />

positif dans le domaine des apparitions et des charismes en général : à savoir,<br />

l’argument des probabilités convergentes. D ’autre part Mgr Guibert, qui possédait<br />

une certaine expérience des lieux de pèlerinage — il avait autrefois dirigé la<br />

communauté chargée de desservir N.D. du Laus au diocèse de Gap — suggère<br />

une mesure d’ordre pastoral que l’évêque de Grenoble réalisera effectivement<br />

quatre ans plus tard, en fondant les Missionnaires de N.D. de la Salette.<br />

Rappelons que Mgr Guibert, devenu cardinal-archevêque de Paris, couronna la<br />

statue de N.D. de la Salette en 1879 au nom du Saint-Siège.<br />

(*) Nous avons résumé le compte rendu de la fête qu’on lit dans une lettre adressée à<br />

Mgr de Bruillard et datée du 25 septembre suivant (doc. 472). Ecrite de la main de l’abbé<br />

J.-M. Perrin, elle est signée par son frère, le curé de la Salette.<br />

300


Monseigneur,<br />

8 septembre 1848 Doc. 465<br />

Viviers, le 8 septembre 1848<br />

Je suis très reconnaissant de la bonté que vous avez eue de<br />

m ’envoyer un exemplaire de la brochure sur Notre Dame de la<br />

Salette. On a tant parlé dans ces derniers temps de l’apparition<br />

de la S“ Vierge dans ce lieu béni, que j’étois très désireux d ’en<br />

lire le récit authentique et consciencieux.<br />

Votre Grandeur me fait l’honneur de me demander mon<br />

sentiment sur ce fait merveilleux. J ’avoue, Monseigneur, que si le<br />

témoignage des jeunes bergers étoit isolé et réduit à sa seule<br />

valeur, il ne me paroîtroit pas suffisant pour produire une entière<br />

conviction. Mais quand on le voit corroboré par la conversion des<br />

habitants de la contrée et surtout par les nombreux miracles opérés<br />

par l’invocation de Notre Dame de la Salette, le doute ne seroit<br />

pas raisonnable. Les guérisons miraculeuses sont attestées de façon<br />

à satisfaire les esprits les plus difficiles. Or comment Dieu pourroitil<br />

favoriser l’erreur ou l’illusion par des faits qui dérogent si<br />

manifestement aux lois ordinaires de la nature ?<br />

Aussi, Monseigneur, je pense que Votre Grandeur fera [verso]<br />

une chose agréable à Dieu et utile à la propagation du culte de la<br />

Sainte Vierge, en autorisant l’établissement, sur la montagne<br />

sainte, d ’une église dont le service seroit confié à quelque pieuse<br />

communauté qui entretiendroit en ce lieu la dévotion envers Marie<br />

en même temps qu’elle préviendroit les abus qui se glissent<br />

quelquefois dans les pèlerinages.<br />

Daignez agréer...<br />

t J. HlPPOLYTE, év êq u e d e Viviers<br />

ÉVÉNEMENTS d u 10 au 19 se p te m b r e 1848<br />

Pèlerinage de l'abbe Lemeunier, aumônier de l’hospice civil de Sées, Orne.<br />

Parti de Corps le dimanche 10 au matin, il gravit la montagne, accompagné de<br />

plusieurs jeunes gens de Corps, qui lui parlent du changement opéré dans les<br />

habitudes religieuses du pays depuis l’apparition. L’abbé Lemeunier assiste à la<br />

messe célébrée dans la chapelle du pèlerinage par le curé de la Salette, à laquelle<br />

tous les fidèles présents communient ; puis, sur l’invitation du curé, il adresse à<br />

l’assemblée quelques mots d’édification (1).<br />

Travaux à la source de l'apparition, nécessités par les dégradations causées<br />

par les pèlerins et aussi par les bêtes. Ces travaux eurent lieu au cours de la<br />

semaine précédant la fête-anniversaire du 19 septembre (2).<br />

A Morlaix, Finistère, le 18 septembre, dans la propriété du couvent de N.D.<br />

de la Victoire, bénédiction de la première chapelle élevée en l’honneur de N.D. 1<br />

(1) Doc. 491 ; dans la 3. éd. (1849), p. 27-35. Comme récit de l’apparition, Lemeunier<br />

donne celui de VlLLECOURT.<br />

(2) Voir plus loin, doc. 483, 484 ; cf. également PERRIN, n" 601.<br />

301


Doc. 469<br />

<strong>Documents</strong><br />

de la Salette. Ce dernier titre n’ayant pas encore été approuvé officiellement par<br />

l’autorité ecclésiastique, elle fut érigée, « pour le moment sous le vocable de<br />

N.D. Réparatrice, en attendant celui de N.D. de la Salette. Mais », précise la<br />

religieuse qui donne cette information, « ce n’est que sous ce dernier et précieux<br />

nom qu’elle est connue » (3). « C’est convaincus de la nécessité de propager<br />

l’esprit d’expiation que nous avons voulu aussi, à cet autre bout de notre pauvre<br />

France, élever un petit sanctuaire à Marie Réparatrice », écrit l’abbé de Kermenguy,<br />

aumônier de la maison. « Notre pensée a été comprise, et comment ne l’auraitelle<br />

pas été, lorsque les événemens qui se succèdent depuis dix-huit mois,<br />

découvrent tous les jours à l’œil le moins clairvoyant, et le bras vengeur de Dieu<br />

qui se lève et la miséricorde qui l’arrête, sans nul doute aux instances de Marie ?<br />

— Notre oratoire a maintenant pris le nom de la Salette, c’était tout naturel. La<br />

sainte Vierge dans son apparition n’avait pas une autre pensée que la nôtre.<br />

D ’ailleurs la Mère Sophie qui a eu la première l’idée de la chapelle, avait surtout<br />

en vue de répandre la connaissance de l’apparition, et s’est empressée de lui<br />

appliquer ce vocable. Je vous l’avoue ici, quoique j’y contribuasse indirectement,<br />

vu que l’Eglise n’a pas encore parlé, j’ai paru quelquefois faire une demi<br />

opposition. De plus, persuadé que ce nom lui resterait, je tenais à faire ressortir<br />

la pensée d’expiation qu’il comporte lui-même (4).<br />

Anniversaire de l'apparition. La veille, au village de la Salette, l’abbé<br />

Auvergne, pro-secrétaire à l’évêché, authentifie la pierre de l’apparition en y<br />

apposant le sceau de Mgr de Bruillard (5).<br />

Environ trois cents pèlerins, dont une douzaine de prêtres, passent la nuit<br />

du lundi 18 au mardi 19 septembre sur la montagne. Le soir l’abbé Sibillat,<br />

vicaire à la Tronche, prononce une allocution sur la prière. Vers deux heures et<br />

demi du matin, les exercices commencent par la prière ; puis le curé de la Salette<br />

expose brièvement l’historique de l’apparition et cite quelques guérisons, après<br />

quoi commence la célébration des messes, qui se poursuivra jusqu’après onze<br />

heures. Dans la matinée arrivent deux processions : les paroisses des Angelas et<br />

de Cordéac. Nombre de pèlerins venus de cette dernière paroisse ont fait les sept<br />

heures de chemin à jeun et communient à la messe célébrée par leur curé. Vers<br />

midi et demi, une foule, estimée par les abbés Perrin à cinq mille personnes, se<br />

masse des deux côtés de la source pour écouter le sermon de l’abbé Gerin. Le<br />

curé de la cathédrale de Grenoble parle environ une heure sur la puissance et la<br />

bonté de Marie. Il fait ensuite prier pour le pape, l’évêque de Grenoble, les<br />

malades, les personnes qui se sont recommandées à Notre Dame de la Salette et<br />

(3) Lettre de Sœur Sainte-Sophie, assistante au couvent de N.D. de la Victoire à<br />

Morlaix, au curé de la Salette, 27 septembre 1848 (dans PERRIN, n° 703).<br />

(4) Lettre du 28 octobre 1849 au curé de la Salette (dans PERRIN, n ' 706). Sur cette<br />

chapelle, cf. doc. 414, note 1. En évoquant les idées de réparation et d ’expiation, l’abbé<br />

de Kermenguy propose une interprétation de la Salette qui rencontrera un grand succès et<br />

qui sera chère, en particulier, au Père S.-M. Giraud, deuxième supérieur général des<br />

Missionnaires de N.D. de la Salette (cf. sa Pratique de la dévotion à N.D. de la Salette<br />

[Bibl. C-16, 26] et l’article « Giraud » du Dictionnaire de spiritualité, vol. VI, Paris,<br />

Beauchesne, 1967, col. 402-407).<br />

(5) Doc. 467 ; cf. Annales, juillet 1912, p. 59, note 1. — En 1862, la pierre fut<br />

déposée dans un reliquaire offert par Mme Rocher de Perret, d ’Apt, Vaucluse. La donatrice<br />

avait été guérie d ’une maladie cutanée en novembre 1848, après un pèlerinage à la Salette.<br />

Des renseignements venus d ’Apt empêchèrent toutefois Rousselot de parler de cette<br />

guérison. (Dossier Rocher de P., EG 122 ; GlRAY I, p. 42-44, 75, 76 ; Annales, mars 1899,<br />

p. 301-302.)<br />

302


20 septembre 1848 Doc. 469<br />

pour la conversion des pécheurs. Vient enfin la bénédiction du Saint-Sacrement,<br />

que le curé de la Salette, après consultation des ecclésiastiques présents, fait<br />

donner en plein air. — Les pèlerins ont été nettement moins nombreux que lors<br />

du premier anniversaire, mais les abbés Perrin s’estiment dédommagés par la<br />

piété et la ferveur de ceux qui sont venus, bien que les communions n’aient<br />

guère dépassé trois cents : beaucoup de pèlerins ont préféré communier à Corps<br />

ou dans leurs paroisses respectives, pour n’avoir pas à faire l’ascension à jeun (6).<br />

Mercredi 20 septembre 1848<br />

469. LETTRE DE PIE IX au chanoine Rousselot<br />

Original signé de la main du pape (1 f. pliée 32 cm x 44,8) : EG 67. —<br />

Brouillon : ASV, Lettere latine, posizioni e minute, maggio-novembre 1848. —<br />

Lettre publiée avec une traduction française dans les Nouveaux documents, p. 95-<br />

96.<br />

Occasion de la lettre. Rousselot avait fait hommage à Pie IX d’un exemplaire<br />

de la Vérité, accompagné d’une lettre écrite en latin. Il déclarait soumettre le<br />

livre au jugement du Siège apostolique et implorait la bénédiction du Saint-Père<br />

pour les pèlerins qui montaient à la Salette, malgré les difficultés de l’accès et<br />

les intempéries, priant sur la montagne pour la France, l’Eglise et son chef (*).<br />

Rédaction de la lettre. Pie IX chargea de la rédaction Mgr Palma, Secrétaire<br />

pour les lettres latines. Mgr Palma devait perdre la vie au début de la Révolution<br />

romaine, frappé d’une balle le 16 novembre 1848, lors d’une fusillade entre les<br />

Gardes suisses du Quirinal et des insurgés.<br />

Ci-dessous nous reproduisons la traduction pâme dans les Nouveaux documents<br />

ainsi que le texte original du passage consacré plus spécialement à la<br />

Salette.<br />

Cher fils, salut et bénédiction apostolique.<br />

Nous avons lu avec plaisir votre lettre écrite de Grenoble en<br />

date du 18 août 1848, et remplie de vos sentiments de respect, de<br />

vénération pour Nous. Avec votre lettre Nous avons reçu le petit<br />

livre qui y était joint, et que vous avez fait imprimer sous ce<br />

titre : La vérité sur l ’événement de la Salette, etc. Dès que les<br />

affaires graves et importantes que Nous avons à traiter chaque<br />

jour, Nous le permettront, Nous ne négligerons pas d ’en prendre<br />

lecture. En attendant, Nous vous remercions de votre envoi, et<br />

nous vous félicitons beaucoup d’avoir travaillé avec tant de zèle<br />

en le composant à étendre la gloire de la bienheureuse Vierge<br />

Marie.<br />

(6) Nous avons résumé le compte rendu de la fête, par les frères Perrin (doc. 472). Le<br />

chiffre de 15 000 pèlerins « à l’époque de l’anniversaire », donné par Gerin (doc. 476),<br />

paraît exagéré.<br />

(*) Doc. 449 : lettre de Rousselot à Pie IX. Original : ASV, Lettere latine, posizioni e<br />

minute, maggio-novembre 1848. Rousselot a écrit « 19 Août » (en français) au début de la<br />

lettre et « 18 Augusti » à la fin.<br />

303


Doc. 469<br />

<strong>Documents</strong><br />

Fuerunt autem Nobis jucundissima,<br />

quae narras de frequentissimo populi,<br />

undique ad b[eatissi]mam Virginem<br />

venerandam istùc advenientis concursu<br />

; et gratum in primis animo<br />

Nostro fuit a te accipere, populum<br />

ipsum pro humilitatis Nostrae persona<br />

potentissimum Deiparae patrocinium,<br />

atque auxilium istic implorare. Optamus<br />

vero plurimum, populum, de<br />

quo loqueris, certiorem fîeri, Nos<br />

Apostolicâ bene-[p. 2]dictione ilium<br />

cumulare.<br />

Il Nous a été surtout singulière -<br />

[p. 96]ment agréable d’apprendre ce<br />

que vous racontez de ce concours<br />

nombreux de pèlerins qui accourent<br />

de toutes parts en cet endroit pour y<br />

honorer la bienheureuse Vierge Marie,<br />

et en particulier de savoir que ce<br />

peuple arrivé sur ce lieu, y implore<br />

pour notre humble Personne, la toute-puissante<br />

protection et le secours<br />

de la Mère de Dieu. Aussi, avonsnous<br />

le plus grand désir que ce peuple<br />

dont vous parlez, soit averti que<br />

Nous le couvrons de notre bénédiction<br />

apostolique.<br />

Enfin, Nous vous accordons à vous-même, avec la plus vive<br />

affection, le bienfait de cette même bénédiction apostolique.<br />

Donné à Rome, à Sainte-Marie-Majeure, le 20 septembre<br />

1848, la troisième année de notre pontificat.<br />

PIE, Pape IX du nom.<br />

Portée de la lettre. Comme on l’a vu, la réponse venue de Rome précise<br />

que le Saint-Père n’a pas encore pris connaissance du livre : formule diplomatique<br />

signifiant qu’il n’a porté aucun jugement — ni positif ni négatif — sut les<br />

positions défendues pat l’auteur. C’est donc forcer la portée de la lettre, que d’y<br />

voir une adhésion au Rapport de Rousselot, ou une prise de position en faveur<br />

de l’authenticité de l’apparition. Pie IX, toutefois, ne s’en tient pas à une<br />

attitude purement « neutre » : en effet, il se déclare explicitement en faveur des<br />

pèlerinages qui se font à la Salette en l’honneur de Marie.<br />

Mardi 10 octobre 1848<br />

478. PLAN DU LIEU DE L ’APPARITION ET VÉRITABLES<br />

PORTRAITS<br />

« Lith. grav. sur pierre. R. Philisdor, pl. Grenette, 10, Grenoble » (1 f. recto<br />

27,3 cm x 15 [dimensions du cadre imprimé]) : BMG Pd 6(26). — Ajouté<br />

comme frontispice au 2lme tirage de la Vérité.<br />

Date. Le 10 octobre est le jour de la déclaration au dépôt légal.<br />

Origine du plan. Dès le mois d’août l’abbé Auvergne avait envoyé aux curés<br />

de la Salette et de Corps des relevés du plan cadastral, les priant d’y indiquer<br />

l’emplacement des deux sources, du chemin parcouru par la Dame, etc. (doc. 455 ;<br />

voir ci-contre le doc. 452). Un plan manuscrit conservé à l’évêché de Grenoble<br />

est peut-être le résultat de ces consultations. Il est également possible que ce<br />

plan manuscrit soit le fruit d’une enquête de l’abbé Auvergne, monté à la Salette<br />

304


A la partie de l'Extrait reproduite ci-dessus, nous avons ajouté : (a) l'entrée de la basilique, d'apres le cadastre<br />

de 1970, (b) le chemin de ronde du Plane au et (c) la parcelle n. 176 de l'ancien cadastre (hachures), propriété<br />

de Pierre Selme qui, le jour même de l'apparition, était m onté travailler au Planeau (cf supra,<br />

A m >-<br />

Au bas de l'Extrait on lit : « Certifié conforme par le Directeur des contributions directes et du Cadastre de<br />

l'Isère Grenoble, le 21 août 1848» (suit la signature). Ont é té portés sur la feuille peu après cette date :<br />

— le pointillé allant de la combe de la petite Baisse à l'emplacement de la basilique et censé figurer le chemin<br />

parcouru par la Dame (il aurait dû s'arrêter nettem ent en deçà de la basilique : comparer avec le plan<br />

P- 311) J .<br />

— les limites de la « Parcelle à acquérir» (par l'évêché), parcelle constituée de communaux (trait continu) et<br />

de terrains privés (pointilléau sud).


Doc. 478<br />

<strong>Documents</strong><br />

pour l’anniversaire de l’apparition (1). Le plan lithographié paraît inspiré du<br />

manuscrit. Le chemin parcouru par la Dame suit toutefois un tracé différent :<br />

une ligne ondulée dans le manuscrit, un z renversé dans la lithographie (comparer<br />

les deux plans infra, p. 310 et 311).<br />

Portraits de Maximin et Mélanie (voir supra, p. 276). La lithographie<br />

reproduit des daguerréotypes. Le résultat fut critiqué par certains, mais à tort,<br />

selon les abbés Perrin : « Pour nous », écrivent-ils à Rousselot à propos de la<br />

gravure, « nous la trouvons très-fidèle et nos correspondants l ’ont jugée ainsi. Sa<br />

défectuosité ne doit être attribuée qu 'au daguerrotype qui toujours donne un air<br />

sévère et sinistre à ses personnages » (2) . — « J ’ai immédiatement reconnu mes<br />

deux bien-aimés », écrit de son côté Marie Des Brûlais à l’abbé Mélin, qui lui<br />

avait envoyé les portraits (3) ; « mais ce ne sont plus des enfants : Maximin est<br />

devenu grand et fort ; ce sont bien ses traits, mais ce n 'est pas son aimable et<br />

candide expression. Quant à Mélanie, c’est maintenant une femme, et non plus<br />

cette frêle jeune fille, qui paraissait avoir à peine 12 ans » (doc. 512).<br />

Des observations de l’institutrice nantaise il résulte que le daguerréotype fut<br />

tiré plusieurs mois — peut-être une année — après son séjour à Corps, donc en<br />

1848. Certaines reproductions plus récentes du daguerréotype portent au verso<br />

l’indication « Maximin & Mélanie photographiés sur la Montagne de la Salette le<br />

19 Septembre 1847 par A. Poton. Seul éditeur. Grenoble ». L’indication est<br />

inexacte, au moins en ce qui concerne la date : comme le rapporte l’abbé Arbaud,<br />

un photographe monté ce jour avait vu son matériel gâté par le mauvais temps (4).<br />

Dimanche 29 octobre 1848<br />

483. LETTRE DE L’ABBÉ LOUIS PERRIN, curé de la Salette, au<br />

chanoine Rousselot<br />

Original de la main du curé (1 f. pliée 22 cm x 34) : EG 112. — Lettre<br />

publiée dans les Annales, mai 1913, p. 366-367, à l’exception de la fin, qui<br />

concerne des guérisons.<br />

Note. La lettre a pour principal objet des projets d’embellissement et de<br />

réparation, proposés par Rousselot. Ci-dessous on trouvera un passage sur l’état<br />

dans lequel se trouvait la source avant les travaux de la mi-septembre.<br />

[...] Votre projet, Monsieur le Grand Vicaire, d ’environner la<br />

fontaine précieuse d ’une forte grille est aussi très-heureux. Plût à<br />

Dieu qu’on l’eût réalisé dès le commencement, nous n ’aurions<br />

pas aujourd’hui la juste crainte de voir peut-être bientôt cette<br />

source [p. 2] bénie se confondre entièrement avec le torrent et<br />

s’anéantir. Car c’est un fait certain qu’aujourd’hui elle a sa<br />

principale source tout à fait sous le courant du Séziat [sic] et 1<br />

(1) Doc. 468 (1 f. recto 24,5 cm x 39) : EG 99. — La légende est de la main<br />

d ’Auvergne. Le dessin est probablement de la même main.<br />

(2) Doc. 500. — Le curé de la Salette regrettait cependant « que la S" Vierge, au<br />

moins d ’une manière quelconque, n ’ait pas été représentée au regard des heureux bergers »<br />

(doc. 488).<br />

(3) Il s’agit peut-être d’un tirage spécial et non des lithographies donnant à la fois le<br />

plan et les bergers.<br />

(4) ARBAUD, p. 85, reproduit supra, p. 264.<br />

306


29 octobre 1848 Doc. 484<br />

quelle n ’en est séparée que par une lame de rocher qui n’a pas<br />

dix centimètres d’épaisseur. Oui, Monsieur, un piquet de soldats<br />

eût été nécessaire et le jour et la nuit pour conserver la fontaine,<br />

les rochers et les saints lieux dans leur aspect primitif, selon vos<br />

légitimes et nobles désirs. Malheureusement vous n ’avez pas pu<br />

vérifier par vous-même l’état de dégradation où étoit réduite notre<br />

vénérée fontaine par les pèlerins avant le 19 de cette année. Par<br />

un zèle déplacé et pour avoir des échantillons respectables on avoit<br />

découvert et remonté la source primitive au moins de trois mètres,<br />

enfin jusqu’au milieu du torrent, et elle n’étoit conduite depuis<br />

long-temps au point fluant primitif que par un mauvais canal<br />

toujours percé qui en troubloit l’eau [...].<br />

* 484. LETTRE DE L’ABBÉ PERRIN, curé de la Salette, à Mgr<br />

de Bruillard<br />

Original (1 f. recto-verso 26 cm x 21) : Eg 112. — Texte presque intégral<br />

dans les Annales, mai 1913, p. 367-369- — Date et signature manquent : le<br />

curé de la Salette a sans doute oublié de les ajouter au bas du texte, qui a été<br />

écrit par son frère, l’abbé Jacques-Michel, à moins qu’elles n’aient figuré sur une<br />

deuxième feuille, aujourd’hui égarée.<br />

Date. D ’après le contenu, la lettre est de 1848, mais postérieure au 19<br />

septembre. Elle pourrait être contemporaine du doc. 483.<br />

Objet. On a accusé les frères Perrin d’avoir fait sceller la source de<br />

l’apparition, de telle manière que personne ne puisse prendre de l’eau sans leur<br />

assentiment. La lettre rejette l’accusation en exposant le motif et la nature des<br />

travaux.<br />

[...] depuis fort longtemr, et surtout depuis deux ans, cette<br />

fontaine a été presque la seule de ces parages, il s’ensuivait donc<br />

que les troupeaux de vaches et de brebis venaient s’y abreuver de<br />

toutes parts (1). Cette nécessité de breuvage pour les troupeaux<br />

entraînait de graves inconvéniens pour la fontaine. Presque à<br />

chaque heure du jour, les pèlerins, venus souvent de fort<br />

loin, étaient affligés de trouver cette eau précieuse souillée<br />

d ’immondices ; cette vue était repoussante ; et il fallait profiter<br />

du matin pour pouvoir la puiser propre. L’année dernière nous<br />

avions pratiqué un canal de deux mètres de longueur environ, en<br />

donnant à l’eau une petite chute, mais plusieurs fois ce canal a<br />

été affaissé par les troupeaux et par la masse des pèlerins. Le 8<br />

septembre encore, on l’a brisé entièrement, afin que plusieurs<br />

personnes fussent à même de puiser à la fois, et tous ne retiraient 1<br />

(1) Lagier et Auvergne signalent à quelques mètres en aval de la source de l’apparition<br />

une «fontaine endessous > (Lagier: EGD 36 [cf. supra, p. 231, note]) ou «fontaine<br />

inférieure dite des bestiaux » (Auvergne : doc. 468) : il s’agit sans doute de petits barrages<br />

servant d ’abreuvoirs.<br />

307


Doc. 484<br />

<strong>Documents</strong><br />

que de l’eau trouble, presque de la boue. Indigènes et étrangers,<br />

tous n’avaient donc qu’une voix pour demander une réparation<br />

forte et durable à cette fontaine. Nous nous en sommes occupés<br />

activement [verso] huit jours avant le 19. Après avoir déblayé<br />

l’ancien canal, nous avons reconnu la nécessité de réunir en un<br />

seul endroit les eaux qui suintaient du rocher en plusieurs endroits,<br />

dans une circonférence de trois mètres. Le seul moyen de les<br />

recueillir était la construction d ’une citerne. Aussi l’avons-nous<br />

construite sur le canal même et remparée d ’une très forte<br />

maçonnerie, capable de résister à l’impétuosité des flots du torrent.<br />

La citerne, haute d’un mètre sur deux de long, est fermée pardevant.<br />

Immédiatement au dessous de la porte, l’eau de la source<br />

privilégiée flue par un conducteur en fer, fixé solidement dans<br />

l’intérieur de la citerne.<br />

[...]<br />

Cette réparation à la fontaine offre donc aujourd’hui plusieurs<br />

avantages très importans. Le premier, est d’avoir ramassé dans la<br />

citerne, autant que possible, les eaux de la source qui filtrent en<br />

différens points du rocher et de les avoir fait converger vers le<br />

tube extérieur. Le second, est d ’avoir actuellement une eau toujours<br />

limpide et très propre sans qu’on puisse en aucune manière la<br />

troubler. Le troisième, est d’avoir ménagé un endroit à part où les<br />

troupeaux ont la faculté de s’abreuver et les malades gangreneux<br />

celle de se laver, sans que rien de repoussant et d ’inconvenant<br />

puisse fatiguer. Un quatrième avantage bien marqué encore, c’est<br />

d ’avoir pu rétablir la fontaine dans son état primitif et de la voir<br />

maintenant fluer à l’endroit précis où la Dame reposait les pieds,<br />

lors de son apparition, tandis qu’à notre insu on l’avait éloignée<br />

d ’un mètre environ.<br />

Dans ce travail, plus solide qu’élégant sans doute, nous<br />

\ avons / eu une autre pensée, Monseigneur, que nous aimons à<br />

soumettre à Votre Grandeur, celle de jeter les premiers fondemens<br />

d ’un petit oratoire qu’on pourrait élever plus tard sur cette fontaine<br />

miraculeuse, de manière à contenir un tableau d ’une certaine<br />

dimension, reproduisant avec fidélité l’attitude de l’auguste Mère<br />

de Dieu, assise, la tête appuyée sur les deux mains, représentant<br />

sa profonde tristesse et son état de souffrance, tel que les enfans<br />

disent l’avoir vue avant qu’elle leur parlât.<br />

[...] Nous avons cru prudent de fermer la citerne à clé, afin<br />

que l’eau fût toujours bien propre ; mais elle n ’est nécessaire à<br />

personne pour avoir de l’eau et nous la donnons très volontiers à<br />

tous ceux qui veulent faire l’inspection de la fontaine.<br />

Nous avouons, Monseigneur, que les fausses inculpations nous<br />

sont bien pénibles dans notre position délicate [...].<br />

308


10 novembre 1848 Doc. 486<br />

Vendredi 10 novembre 1848<br />

486. OFFICE DIVIN DE NOTRE-DAME DE LA SALETTE, À<br />

L ’USAGE ET À LA DÉVOTION DES PRÊTRES ET DES FIDÈLES,<br />

PAR M. BOUVIER, CHANOINE ET DOYEN DU CHAPITRE DE<br />

L ’ÉGLISE CATHÉDRALE DE GRENOBLE<br />

Grenoble, chez le sacristain de la cathédrale, Baratier frères et fils, A. Carus,<br />

1848. 143, [l]p. ill. (mus.) 14 cm x 9.<br />

Date. Le 10 novembre est le jour de la déclaration au dépôt légal.<br />

Contenu. Le livre contient un office complet, de matines à complies, texte<br />

latin avec une traduction française. Un récit de l’apparition, qui veut donner les<br />

paroles de la Dame seulement « à peu près », forme les lectures du deuxième<br />

nocturne :<br />

[...(p. 32)] La colère de Dieu est sur la terre, à cause des<br />

péchés des hommes ; parce que le nom de Dieu est trèsfréquemment<br />

blasphémé parmi vous. Le bras de mon Fils est<br />

étendu pour punir les pécheurs. Depuis longtemps je le repousse,<br />

mais il s’appesantit tous les jours davantage, et je ne puis presque<br />

plus le soutenir. La terre est maudite, à cause de vos péchés [...].<br />

Suites. Publié sans l’autorisation de l’autorité ecclésiastique, cet office<br />

liturgique valut bientôt à son auteur et à l’imprimeur les blâmes de Mgr de<br />

Bruillard qui, en outre, reprocha au chanoine Bouvier de s’être arrogé le titre de<br />

doyen du chapitre, auquel il n’avait pas droit (doc. 493, 494). En 1850, le livre<br />

fut blâmé publiquement par les évêques de Langres et de Gap, NN.SS. Parisis et<br />

Depéry (1), alertés par Cartellier (2). En 1854, après le décès de l’auteur, on<br />

dénonça l’oeuvre au Saint-Siège (3). Dans son Mandement du 4 novembre 1854,<br />

Mgr Ginoulhiac, nouvel évêque de Grenoble, défendit la mémoire du défunt :<br />

« Il eût été facile d'apprendre de nous, si l'on eût voulu s'en informer, que<br />

l ’auteur de ce livre, prêtre d’ailleurs respectable, et dont on aurait eu peut-être<br />

des raisons personnelles de parler avec plus de respect, nous ayant demandé notre<br />

approbation, nous lui avions répondu que, dans la discipline actuelle de l ’Eglise,<br />

ce n'est pas aux Evêques, mais au Saint-Siège, qu’il appartient d’autoriser de<br />

nouveaux offices, surtout quand ils ont pour objet de nouvelles fêtes (4) ! »<br />

ÉVÉNEMENTS de novembre 1848 à janvier 1849<br />

A la Salette. « Après le 2' anniversaire, nous avons pu, en 1848, continuer à<br />

offrir le saint [sacrifice de la messe] sur la montagne jusqu’au 15 novembre, et, 1<br />

(1) Lettre de Mgr Parisis au doyen de Fruges (diocèse d ’Arras), 3 décembre 1852, dans<br />

GlRAY I, p. 117-119- — Mgr Depéry, Circulaire du 18 octobre 1850 (cf. Bibl. A-12).<br />

(2) Cf. la lettre de Mgr Parisis à Cartellier, 13 juin 1850, BMG R.8667 (28 [copie<br />

citée dans BASSETTE, p. 181]).<br />

(3) Cf. la lettre de Mgr Fioramonti, Secrétaire aux Lettres Latines, à Mgr Ginoulhiac,<br />

10 juin 1854, EG 105.<br />

(4) GINOULHIAC, p. 39-40. L’évêque vise le Mémoire au pape, p. 55 et 56 de l’opuscule<br />

imprimé. Dans le Mémoire manuscrit envoyé à Rome par les opposants, ces passages<br />

manquent (ASV, Lettere latine, posizioni e minute, 1854 [119]).<br />

309


. ï u i J / a + M ^ d M . ' r k u j a «<br />

V i r ^ ^ « t 'T J eut s V u , ^ i V v u ^ i b l ^<br />

X ^ (j^<br />

f. X V « - K - ^ W - £(U*~ VavL , ai>C-, .v ^ - ^<br />

1. ruisseau du Sézia, formépar les neiges.<br />

2. fontaine des hommes ou du goûter des<br />

enfans, à midi.<br />

5. ils vont poser leurs sacs vers les pierres<br />

d'une fontaine tarie.<br />

4. ils s'endorment un peu plus bas que<br />

leurs sacs.<br />

5. ils vont chercher leurs vaches et les<br />

voient en se retournant. * * * %<br />

6. en redescendant ils voient la clarté A<br />

devant eux.<br />

7. ils franchissent le ruisseau et se présentent<br />

devant la S“ Vierge qui les a appelés<br />

et qui s'est<br />

8. ils suivent la S“ Vierge qui disparaît<br />

devant eux.<br />

9. fontaine inférieure, dite des bestiaux.<br />

10. chemin ardu et tortueux de la Salette.<br />

11. pâturages dits Sous les Baisses.<br />

: ï • chemin parcouru par les enfans.<br />

+ •+- r chemin parcouru par la S,e Vierge.<br />

On a planté quatorze croix depuis le lieu<br />

de la conversation jusqu 'à celui de la disparition<br />

Dessin de la montagne de la Salette [...]<br />

Schéma de l'apparition et légende par Auvergne (extrait du doc. 468)<br />

« Dessin de la montagne de la Salette telle qu 'on la voit en se plaçant sur le planeau de cette<br />

montagne au sud [...]. »


Plan et légende figurant dam le 2e tirage du livre de Rousselot (doc. 478)


PLAN DU LIEU DE<br />

L’APPARITION<br />

1 Fontaine du goûter<br />

2 Lieu du sommeil<br />

5 Endroit d'où les enfants ont cherche'<br />

leurs Vaches<br />

4 Lieu où étaient les Vaches<br />

5 Point d'où ils ont vu la clarté<br />

6 Fontaine merveilleuse où la S“ Vierge<br />

était assise<br />

7 Croix de la conversation<br />

8 Chemin planté de Croix parcouru par<br />

la S“ V.<br />

9 Croix de l'Assomption<br />

10 Chapelle provisoire<br />

11 Cabanes construites apres iApparition<br />

Chemin parcouru par la S‘e Vierge.<br />

40 mitres.


Doc. 497<br />

<strong>Documents</strong><br />

jusqu’à Noël, des voyageurs étrangers ont fait le pieux pèlerinage, sans avoir à<br />

supporter les rigueurs d’un froid intense. L’hiver de 1849, tout à fait exceptionnel<br />

dans nos montagnes alpines, n’a donné que peu de neige, en comparaison des<br />

années ordinaires. Aussi avons-nous vu, dans chaque mois, quelques pèlerins<br />

intrépides parvenir au sommet désiré » (Perrin, n° 712).<br />

Révolution romaine. Le 15 novembre, le comte Pelegrino Rossi, ministre de<br />

Pie IX, est assassiné. Des agitateurs provoquent des troubles dans la ville. Le 24<br />

novembre, Pie IX s’enfuit de Rome et va se réfugier à Gaète.<br />

Louis-Napoléon est élu président de la République les 10 et 11 décembre,<br />

recueillant 74,2 pour cent des suffrages exprimés : « résultat à'une très habile<br />

propagande bonapartiste », qui a su exploiter « la légende napoléonienne,<br />

particulièrement vivace dans nos campagnes » (*). Dans l’Isère, un des principaux<br />

artisans de ce triomphe avait été le journal l'Union dauphinoise, dirigé par l’abbé<br />

Claude-Joseph Déléon (**), qui, trois ans plus tard, deviendra un opposant<br />

acharné de la Salette.<br />

Mercredi 24 janvier 1849<br />

497. LETTRE DE COLOMB DE GAST, à Saint-Sauveur, Loire (1),<br />

à l’abbé Mélin<br />

Original : EG 67.<br />

Objet : recommandation aux prières des deux bergers ; demande d’eau de<br />

la Salette. La lettre rapporte un ouï-dire :<br />

[...] On nous a dit, que Maximin avait donné à croire que<br />

son secret, était l’annonce d ’une apparition de Notre Seigneur<br />

Jésus-Christ. [...]<br />

Remarque critique. Plusieurs lettres de février-mars 1849 transmettent à<br />

Corps les échos de bruits circulant au sujet des secrets de la Salette ou au sujet<br />

d’autres apparitions (2). Il est permis de considérer tout cela comme un signe de<br />

l’excitation des esprits, provoquée par les récents événements politiques (3).<br />

(*) P. VlGIER, La Seconde République, Paris, PUF, 1967, p. 56, 57.<br />

(**) En 1815, à l'âge de dix-sept ans, il avait escorté l’empereur de Vizille à Grenoble,<br />

lors de son retour de l’île d ’Elbe (récit de Déléon paru dans le Petit Grenoblois, 3-5 mai<br />

1888, cité dans BASSETTE, p. 295).<br />

(1) Il s’agit probablement d’un parent de l’abbé Adrien Colomb de Gast, ami du<br />

curé d ’Ars et fondateur de l’association lyonnaise des Cinq-Plaies, qui fut à l’origine d ’une<br />

Congrégation féminine. (Cf. Mgr R. FOURREY, Le curéd'Ars authentique, Paris, A. Fayard,<br />

1964, p. 285-289, 342-350.)<br />

(2) Doc. 498, 501, 504, 518, 523, auxquels on peut ajouter une lettre de l’automne<br />

précédent (doc. 485), où il est question d ’une nouvelle apparition dont aurait bénéficié<br />

l’un des deux enfants de la Salette.<br />

(3) Un correspondant du Mans, de convictions légitimistes, signale à Mélin les<br />

agissements du pseudo-baron de Richemont, qui se faisait passer pour Louis XVII (cf.<br />

BASSETTE, p. 184) : il « a été rencontré dernièrem[en]t dans le midi de la France par le<br />

bon Père Fulgence qui a gobé la pillule et croit bien que c'est celui que nous attendons !<br />

Il a même dû en faire part au S' Père. Quel intrigant ! La vérité sera bientôt connue au<br />

g[ran]d jour de la manifestation [...] (doc. 507)». — Il s’agit de la manifestation du<br />

monarque légitime.<br />

312


3 février 1849 Doc. 301<br />

Samedi 3 février 1849<br />

501. LETTRE DE MME (ou Mlle) E.(?) BOUJALLIAT (*) à l’abbé<br />

Mélin<br />

Original (1 f. pliée 13,5 cm x 26,5) : EG 70. Écriture difficilement lisible.<br />

O bjet : demande d’eau de la Salette. La lettre rapporte un ouï-dire, à propos<br />

duquel on se reportera à la Remarque critique du doc. 497.<br />

Monsieur le Curé,<br />

[...(p. 2)] je n ’ai pas reçu de réponse à ma dernière. Peutêtre<br />

étais-je indiscrète ? Pardon. La curiosité vous le savez est le<br />

partage des dames. Mais cependant ce sont de très bons prêtres de<br />

notre ville qui m’ont engagé"à le faire et cela me procure l’honneur<br />

de visites. Car on vient souvent demandé" si j’ai reçu réponse ?<br />

Voici encore une autre question. C’est [?] un bon [?] prêtre [p. 3]<br />

de Bourges m ’écrit [?] et me dit que la bonne Religieuse qui avait<br />

reçu en 1830 de la S" Vierge la Médaille Miraculeuse avait fait le<br />

voyage de Paris à la Salette à pied et quelle a reçu (on ne dit pas<br />

pendant ou après) révélation de divers événements que nous avons<br />

eus depuis 1 an et elle dit qu 'au moment où la Chambre ne pouta<br />

plus s'entendre on la dissoudra qu'alors pendant les élections le<br />

gouvem[eme]nt sera renversé et que Paris et plusieurs villes de<br />

France souffriront beaucoup (1) que dans cette crise terrible<br />

plusieurs ministres du Seigneur périront mais que Celui qui doit<br />

tout pacifier ne se fera [?] pas attendre longtems. Que ça sera très<br />

prompt. Connaissez-vous cela ? A-t-elle été sur la Salette (2) ?<br />

Seriez-vous assez bon pour me dire ce que vous en savez s’il est<br />

possible.<br />

[p. 3...]<br />

Votre très humble servante E [?] B.<br />

le 3 février 1849<br />

Je me recommande aux prières de nos chers [ou chères] enfants<br />

[...] *1<br />

(*) Signature de lecture douteuse, qu’on trouve dans une lettre du 22 novembre 1850,<br />

EG 18, de la même main. La présente lettre porte, en guise de signature, des initiales. —<br />

Une lettre signée E. BOUJALLIAT (doc. 515 bis) a été publiée partiellement dans les Annales,<br />

décembre 1904, p. 144-145. Il s’agit probablement de la même correspondante.<br />

(1) Le thème des villes éprouvées apparaît déjà dans l’Addition à la Prédiction faite<br />

aux deux enfants, envoyée à Corps de Sion-Vaudémont et communiquée par Mélin à<br />

l’évêque en mars 1847 (LSDA I, p. 257 et 341).<br />

(2) La sœur de la Médaille miraculeuse (sainte Catherine Labouré) n’est jamais venue<br />

à la Salette. Il est question d ’une mystérieuse religieuse également dans le doc. 523.<br />

313


Doc. 504<br />

<strong>Documents</strong><br />

Jeudi 8 février 1849<br />

504. LETTRE DE MÈRE GRAMAGNAC, Supérieure du couvent<br />

des Dames du Sacré-Cœur à Avignon, à l’abbé Mélin<br />

Original : EG 38.<br />

Note. Angélique, sœur de Maximin, se trouve à Avignon. Le charron Giraud,<br />

gravement malade — il mourra le 23 février — a demandé le retour de sa<br />

fille (*). Mère Gramagnac annonce au curé de Corps que la jeune fille veut<br />

retourner au pays et rapporte par la même occasion un ouï-dire à propos duquel<br />

on se reportera à la Remarque critique du doc. 497.<br />

[...] On m’a assurée que Maximin avait dit q[uel]q[ues] mots assez<br />

significatifs qui donneraient à penser que son secret a rapport aux<br />

événements dont nous sommes témoins. Mr Berlioz frère d’une<br />

des nôtres a dit à sa sœur qu’un jour parlant à Maximin de ce qui<br />

était arrivé à Rome, l’enfknt répondit on en verra bien d’autres. [... ]<br />

Mardi 20 février 1849<br />

509. RAPPORT DU VICAIRE GÉNÉRAL E. CHANVEAU à Mgr<br />

Mellon Jolly, archevêque de Sens, sur les guérisons d ’Antoinette<br />

Bollenat et de Marie-Pierrette Gagnard, survenues à Avallon,<br />

Yonne, le 21 novembre et le 8 décembre 1847<br />

Expédition signée par le vicaire général Chanveau et envoyée à l’évêché de<br />

Grenoble en avril 1849 (**) (un cahier 32 cm x 20, p [l]-[30]) : EG 119. —<br />

Texte presque en entier dans Nouveaux documents, p. 127-163 ; longs extraits<br />

dans G ir a y I , p. 227-248.<br />

Note. Lors des Conférences tenues à Grenoble en novembre-décembre 1847,<br />

la commission épiscopale avait consacré moins de quatre heures à l’examen de<br />

trois guérisons (cf. doc. 360 et 369). La commission chargée par l’archevêque de<br />

Sens d’examiner le même nombre de guérisons a regardé les choses de plus près.<br />

Après avoir écarté une guérison qui paraissait incomplète et pouvait donner prise<br />

à des critiques, elle consacra six séances à l’examen de chacune des deux autres<br />

(Vérité, p. 174 : rapport de la commission).<br />

Le vicaire général Chanveau va plus loin encore : optant délibérément pour<br />

l’attitude tutioriste, il ne présente à l’approbation de l’archevêque que la seule<br />

guérison d’Antoinette Bollenat. Comme son rapport sera effectivement suivi d’un<br />

jugement proclamant le caractère miraculeux de cette dernière guérison, nous<br />

avons cru bon d’en reproduire au moins les parties principales. Les parties omises<br />

seront remplacées par des résumés.<br />

Description du dossier des guérisons et historique. — Le 23 novembre 1847,<br />

M. Gally, curé de Saint-Martin d’Avallon, informe l’archevêque de la guérison<br />

d’Antoinette Bollenat, survenue l’avant-veille. Le 21 janvier 1848, M. Darcy,<br />

archiprêtre de Saint-Lazare d’Avallon, l’informe des guérisons de Pierrette<br />

(*) Lettre du charron Germain Giraud à la Supérieure, 20 février 1849, EG 70 (original,<br />

contenant six lignes adressées par Maximin à sa sœur).<br />

(**) Cf. la lettre de Chanveau à Mgr de Bruillard, 5 avril 1849, citée dans GlRAY I,<br />

p. 248, note.<br />

314


20 février 1849 Doc. 509<br />

Gagnard et de Louise Boblin, survenues à Avallon le 8 décembre 1847. Le<br />

24 janvier 1848, l’archevêque de Sens nomme une commission chargée de<br />

procéder à une enquête juridique. Cette commission se réunit du 7 au 14 février<br />

1848. Le 22 février, son président, l’archiprêtre Darcy, envoie les résultats à<br />

l’archevêque (1), qui en prend connaissance avec les membres de son conseil. Le<br />

7 novembre suivant, l’archevêque charge le vicaire général Chanveau de procéder<br />

à un nouvel examen et de lui soumettre un rapport (p. 3). ]<br />

C’est ce travail que j’ai l’honneur de vous présenter ; je devais<br />

commencer par rappeler l’historique qui a ammené [?] cette<br />

procédure ; je dois [p. 4] maintenant procéder à la discussion des<br />

faits relatifs aux guérisons. [...]<br />

La commission [...] a été unanime à reconnaître l’effet d ’une<br />

protection surnaturelle dans la guérison de Louise Boblin ; mais<br />

cette guérison ne paraissant pas complète, et diverses circonstances<br />

pouvant donner prise aux critiques de l’incrédulité, la commission<br />

a cru ne pas devoir en faire l’objet d ’une enquête ; elle a borné<br />

son travail aux deux guérisons d’Antoinette Bollenat et de Marie-<br />

Pierrette Gagnard.<br />

[G uériso n de marie-pierrette g a g n a r d ]<br />

Après avoir imploré l’assistance de l’Esprit-Saint, source de<br />

toutes lumières, j’ai, d ’après votre ordre et en présence de Dieu,<br />

examiné avec la plus scrupuleuse attention les pièces relatives à la<br />

guérison extraordinaire de Marie-Pierrette Gagnard, les interrogatoires<br />

de la malade, les témoins, le rapport du médecin qui la traite.<br />

Le résultat de ce sérieux examen a été que cette guérison n ’était<br />

pas de nature à pouvoir soutenir une discussion, et en conséquence,<br />

j’ai cru devoir refuser de présenter à Votre Grandeur, comme<br />

miraculeuse, une guérison qui ne présente pas à mes yeux le<br />

caractère du miracle.<br />

Je dois vous rendre compte des raisons sur lesquelles repose<br />

mon jugement ; les voici : [...]<br />

!°.[ - (P 5)]<br />

Ainsi, d ’après la déposition de la malade et d ’après le<br />

témoignage du médecin qui la traite, on peut conclure qu’il y a<br />

chez le sujet, non pas affection ou lésion du nerf optique, ce qui<br />

serait [p. 6] plus grave, mais dérangement du mécanisme de l’œil,<br />

et paupières fermées par un mouvement spasmodique ou convulsif<br />

tel qu’on en rencontre fréquemment chez les femmes, et surtout<br />

chez celles qui sont hystériques ; mouvement qui constituerait la<br />

privation de l’usage de la vue, mais qui n ’entraîne pas nécessairement<br />

la privation de la faculté de voir. Donc en premier lieu, il 1<br />

(1) Rapport du 21 février 1848, EG 119 ; dans la Vérité, p. 173-181.<br />

315


Doc. 509<br />

<strong>Documents</strong><br />

n ’est pas démontré que M. Pierrette Gagnard soit frappée de<br />

cécité ; premier motif qui nous porte à refuser de présenter comme<br />

miraculeuse la guérison de cette malade.<br />

2°Je crois que l’on peut expliquer naturellement cette guérison<br />

sans avoir recours à l’intervention divine par un miracle. [...]<br />

En effet, selon le médecin, la malade a un abcès ; mais tout<br />

abcès se termine naturellement par la suppuration, et lorsque la<br />

suppuration est parfaite, l’inflammation cesse, décroît, disparaît<br />

entièrement et avec elle, les symptômes trop souvent effrayants<br />

dont l’inflammation était cause disparaissent, tantôt subitement,<br />

plus souvent avec gradation ; mais trop souvent ces symptômes ne<br />

disparaissent complètement que longtemps après l’évacuation du<br />

pus et la cessation [p. 7] de l’inflammation.<br />

N ’est-ce point là ce qui est arrivé dans le cas qui nous occupe ?<br />

[...(p. 8)] Sans doute, Dieu aura accordé une bénédiction<br />

particulière aux moyens curatifs employés par la science médicale ;<br />

mais Votre Grandeur pensera sans doute comme moi, qu’on ne<br />

peut admettre ici une guérison miraculeuse [...(p. 9)]<br />

[ G u é r i s o n d ’A n t o i n e t t e B o l l e n a t ]<br />

Je passe, Monseigneur, au second fait de guérison extraordinaire<br />

opérée sur la personne de Marie-Antoinette Bollenat. Ici le<br />

travail de l’examen me paraît plus difficile et je sens plus vivement<br />

encore le besoin de l’assistance de l’Esprit-Saint que j’invoque de<br />

nouveau.<br />

Je dois d ’abord établir les faits ; mais pour les établir je<br />

laisserai de côté les relations faites à différentes époques et<br />

imprimées dans la Voix de l'Eglise (2) ; je ne tiendrai pas compte<br />

des dépositions de la malade ; je n ’établirai les faits que d ’après<br />

le certificat fait et signé par Mr Edme Gagnard [sic], docteurmédecin<br />

de la faculté de Paris qui exerce à Avallon et qui donne<br />

les soins de son art à la malade depuis 1830 jusqu’en 1847,<br />

pendant le cours de sa maladie qui a duré 19 ou vingt ans.<br />

[Le vicaire général décrit l’origine, l’évolution de la maladie et la guérison<br />

d’après le rapport du Dr Gagniard (doc. 368 bis), puis établit la crédibilité de la<br />

malade et des témoins. Antoinette Bollenat est simple et franche. Au demeurant,<br />

comment simuler une telle maladie pendant dix-neuf ans ? Les divers témoins<br />

interrogés par la commission sont des personnes estimées pour leurs qualités<br />

personnelles. Ils connaissent bien la malade. Leurs témoignages concordent<br />

(p. 12).]<br />

La guérison arrive dans le temps où elle était attendue non<br />

(2) La Voix de l'Église, 1" février 1848, p. 209-214, contient les relations de l’abbé<br />

Gally (29 janvier 1848) et du Dr Gagniard (4 décembre 1847).<br />

316


20 février 1849 Doc. 509<br />

pas par le médecin qui déclare qu'il ne peut plus rien faire, que<br />

tout remède est inutile, qu ’il faut laisser mourir cette pauvre fille<br />

en repos, ce qui ne peut tarder (n° 15, certificat du docteur<br />

Gagniard page 8, lignes 4, 5) (3) mais elle arrive cette guérison au<br />

moment où elle était demandée par la prière et l’invocation de<br />

Marie et attendue par la foi et la piété ; elle arrive lorsqu’on<br />

n ’attend plus que le dernier soupir de la malade, à la fin d ’une<br />

neuvaine faite en l’honneur de la T.Stc Vierge, sous l’invocation<br />

de N. Dame de la Salette ; la malade passe subitement de l’agonie<br />

à la santé, du dégoût de tout aliment et de l’incapacité prouvée<br />

d ’en digérer aucun, à un excellent appétit et à un jeu parfait des<br />

organes digestifs, de la plus complète insomnie à un sommeil<br />

calme et profond, et la tumeur qui existait, disparaît pour ne plus<br />

reparaître (Rapport n° 19, V, VI.) (4)<br />

Aussi votre Commission conclut-elle à admettre dans cette<br />

guérison qui pendant dix-neuf ans a été demandée à la science et<br />

que la science n ’a pu opérer, une intervention surnaturelle, un<br />

miracle (Rapport, n° 19, VII.)<br />

Telle est aussi mon opinion, Monseigneur, cette guérison est<br />

miraculeuse. Il y a ici un véritable miracle, proposition que,<br />

d ’après les principes théologiques, nous allons établir, je l’espère,<br />

d ’une manière convaincante pour la gloire de Dieu et de la T.S"<br />

Vierge à l’intercession de laquelle est dû ce miracle.<br />

[Il s’agit, en effet, d’une maladie grave dans sa cause (des violences subies à<br />

l’âge de douze ans), dans sa durée (dix-neuf ans) et dans ses effets (incapacité<br />

d’absorber de la nourriture ; tumeur dans la région épigastrique ; douleurs et<br />

affaiblissement extrêmes). La médecine a été impuissante, au point que le<br />

médecin avait fini par déclarer qu’il fallait laisser mourir la pauvre fille en paix.<br />

— La guérison a été instantanée et complète, y compris en ce qui concerne les<br />

plaies causées au dos par trois années d’alitement. Aucune élimination ou accident<br />

naturel n’explique la disparition de la tumeur. Enfin, il n’y a point eu de<br />

rechute. Selon le Dr Gagniard, qui a souvent revu A. Bollenat depuis sa guérison<br />

et qui l’a examinée, en particulier, le 30 janvier 1849, elle se trouve toujours en<br />

parfaite santé (5). — Au terme de son travail, le vicaire général formule une<br />

« consciencieuse pensée », qu’il soumet à l’archevêque, car ce n’est pas en vain<br />

que l’Esprit-Saint a reposé sur lui au jour de sa consécration épiscopale (p. 29).]<br />

De l’examen scrupuleux des faits, il résulte que la guérison<br />

d ’Antoinette Bollenat renferme tous les caractères que Benoît XIV<br />

(3) Dans l’exemplaire du rapport Gagniard (doc. 368 bis) de l'évêché de Grenoble, le<br />

passage cité se trouve à la page 2.<br />

(4) Il s’agit du rapport de la commission de janvier-février 1848.<br />

(5) Le 8 juillet 1850, le Dr Gagniard certifie de nouveau qu’A. Bollenat se trouve en<br />

excellente santé (original : EG 119 ; cf. la lettre de l’archevêque à Mgr de Bruillard,<br />

10 juillet 1850, EG 142). En 1853, elle montera à la Salette en pèlerinage (GlRAY I,<br />

p. 260-263).<br />

317


Doc. 509<br />

<strong>Documents</strong><br />

exige pour une guérison miraculeuse : la [p. 30] guérison d’Antoinette<br />

Bollenat est donc miraculeuse (6).<br />

Dans quelle classe de miracles doit-on placer cette guérison ?<br />

Il faut en convenir, ce n ’est point ici un miracle au-dessus de la<br />

nature supra naturam comme le serait la résurrection d’un mort ;<br />

ce n’est pas un miracle opposé aux lois de la nature comme le<br />

serait une infraction aux règles et aux principes qui la régissent<br />

par l’ordre du Créateur contra naturam ; mais c’est un miracle du<br />

troisième ordre opéré comme dit la théologie outre la nature<br />

praeter naturam (7).<br />

C’est un miracle ; il vient de Dieu : la science et l’art ont été<br />

invoqués, et la science et l’art ont hautement confessé leur<br />

impuissance : ex Deo, non ex arte. Il vient de Dieu invoqué avec<br />

foi et confiance, à la suite d ’une neuvaine faite en l’honneur de<br />

la très sainte Vierge implorée depuis quelque temps sous le nom<br />

de Notre-Dame de la Sal/ette ; ce miracle a été opéré non par la<br />

force des paroles comme on dit non ex vi verborum, mais par les<br />

prières et l’intercession de Celle qui jamais ne fut invoquée en<br />

vain, par l’intercession de la glorieuse Mère de Dieu sed alicujus<br />

sancti precibus et intercessione.<br />

Quel est le but de ce miracle, que doit-il en résulter ? Ah !<br />

sans doute, un témoignage de bonté miséricordieuse pour celle<br />

qui en a été l’objet ; mais aussi une preuve nouvelle en faveur de<br />

la foi catholique ad fidei catholicae confirmationem, la glorification<br />

de la puissante Mère de Dieu adannuntiandam alicujus sanctitatem,<br />

l’édification des âmes pieuses, peut-être le retour de quelques<br />

âmes indociles à la foi et à la piété, peut-être la conversion de<br />

quelques pécheurs.<br />

Agissant donc selon ma conscience et ma conviction personnelle,<br />

j’ai l’honneur de proposer à Votre Grandeur de prononcer<br />

affirmativement sur le fait miraculeux de la guérison d ’A. Bollenat,<br />

fait miraculeux dont j’ai entrepris l’examen par votre ordre, pour<br />

la gloire de Dieu et l’honneur de sa sainte Mère. Puisse ce travail<br />

attirer la bénédiction du Fils et la protection de la Mère sur celui<br />

qui aimera toujours à se dire<br />

Monseigneur,<br />

De Votre Grandeur,<br />

Le très respectueux et très affectueux serviteur.<br />

E. CHANVEAU, vie. g[én éra]l<br />

Sens, le 20 février 1849<br />

(6) Chanveau a cité de Benoît XIV le De... beatificatione et... canonizatione, livre IV,<br />

I"' partie, chapitres 8 et 9.<br />

(7) Miracles de troisième ordre : faits que la nature peut produire, mais qui sont<br />

réalisés d ’une manière que la nature ne peut imiter, tels la guérison instantanée d ’une<br />

maladie grave.<br />

318


4 mars 1849 Doc. 516<br />

Dimanche 4 mars 1849<br />

516. MANDEMENT DE MGR MELLON JOLLY, archevêque de<br />

Sens, déclarant miraculeuse la guérison d’Antoinette Bollenat<br />

Expédition signée par Mgr Jolly et par le vicaire général Chanveau (p. 31 du<br />

cahier décrit dans l’introd. au doc. 509) : EG 119- — Texte dans Nouveaux<br />

documents, p. 164, et dans GlRAY I, p. 251.<br />

Note. L’évêché de Grenoble fut informé du jugement porté par l’archevêque<br />

de Sens vers le 10 mars 1849. Une expédition de chaque document cité dans le<br />

mandement se trouve aux archives (EG 119).<br />

MELLON JOLLY par la miséricorde divine et la grâce du saint<br />

Siège apostolique, Archevêque de Sens, Evêque d'Auxerre, primat<br />

des Gaules et de Germanie.<br />

Vu le rapport de la Commission nommée par nous, le<br />

24 janvier 1848, pour procéder à une enquête juridique sur les<br />

faits relatifs à une guérison extraordinaire arrivée à Avallon le<br />

21 novembre 1847 sur la personne d ’Antoinette Bollenat, après<br />

une neuvaine à la très-sainte Vierge (1) ;<br />

Vu les interrogatoires des témoins et médecin en date des 7,<br />

8 et 14 février 1848 (2) ;<br />

Vu les certificats et pièces annexées à ces interrogatoires (3) ;<br />

■Vu le rapport présenté à nous le 20 février 1849 par M. l’abbé<br />

Chanveau, notre vicaire général, chargé par nous de l’examen de<br />

cette affaire et d ’en discuter les faits (4) ;<br />

Vu les conclusions du rapport ;<br />

Après avoir pris l’avis de notre Conseil,<br />

Le saint nom de Dieu invoqué,<br />

Déclarons, pour la gloire de Dieu, la glorification de la<br />

très-sainte Vierge et l’édification des fidèles, que la guérison<br />

d ’Antoinette Bollenat, opérée le 21 novembre 1847, après une<br />

neuvaine à la très-sainte Vierge Mère de Dieu invoquée sous le<br />

nom de Notre-Dame de la Sal/ette, présente toutes les conditions<br />

et tous les caractères d’une guérison miraculeuse et constitue un<br />

miracle du troisième ordre (5). 1<br />

(1) Texte dans Vérité, p. 173-181.<br />

(2) Longs extraits dans GlRAY I, p. 207-223.<br />

(3) En particulier le rapport du Dr Gagniard, du 4 décembre 1847 (doc. 368 bis).<br />

(4) Doc. 509.<br />

(5) Miracles de troisième ordre : voir doc. 509, note 7.<br />

319


Doc. 516<br />

<strong>Documents</strong><br />

Donné à Sens, sous notre seing, le sceau de nos armes et le<br />

contre-seing de; notre Vicaire général secrétaire particulier le 4 mars<br />

de l’an de grâce 1849.<br />

[sceau] fMELLON archev. de Sens<br />

Par Mandement de Monseigneur l’Archevêque.<br />

Samedi 17 mars 1849<br />

E. CHANVEAU vie. g[énéra]l<br />

518. LETTRE D ’E. DE LEUDEVILLE à l’abbé Mélin<br />

Original (1 f. pliée 20,5 cm x 26,5) : EG 67.<br />

Note. Cette lettre contient un des plus anciens témoignages sur la tendance<br />

à considérer les secrets de la Salette comme des prophéties d’ordre politique. Son<br />

auteur, qui croit à l’existence de Louis XVII, assistera en septembre 1850 à la<br />

rencontre entre Maximin et le pseudo-baron de Richemont (*).<br />

Monsieur le curé,<br />

Lyon 17 mars 1849.<br />

Je vous remercie sincèrement, de l’empressement que vous<br />

avez bien voulu mettre aussitôt de retour chez vous, à me répondre<br />

et à m ’expédier les 2 caisses demandées [...].<br />

[p. 3] Comme vous le dites fort bien, Monsieur, l’événement<br />

de Lasralette a été l’avant-coureur du mouvement européen. C’était<br />

un avertissement plein de miséricorde, et ce secret impénétrable,<br />

pourrait bien se relier plus étroitement qu’on ne le croit, aux<br />

destinées politiques et religieuses de notre France.<br />

Malheureusement, on se demande avec effroi, quel est le fruit<br />

que l’on a tiré de cette grâce signalée ; c’est ce qu’il appartient à<br />

Dieu seul de juger. Quant à moi, Monsieur, j’attends la tempête,<br />

mais je l’attends plein de confiance dans la miséricorde divine,<br />

qui, je n ’en doute pas, veut encore donner au monde, et à notre<br />

beau pays, que la Ste Vierge a daigné nommer (sa patrie) ; [sic]<br />

des jours de foi [p. 4] et d’amour.<br />

(*) BASSETTE, p. 190 et lettre E. de Leudeville à Rousselot, 29 avril 1853 (EG 174). E.<br />

de Leudeville, qui était connu de saint Pierre-Julien Eymard, le fondateur des Prêtres du<br />

Saint-Sacrement, devint prêtre, mais n’exerça pas de ministère actif (selon E. MILLON,<br />

L'affaire d'Ars, La Salette 1932, vol. I, p. 48 [dactylographié, EG, MSG]).<br />

320


21 mars 1849 Doc. 524,<br />

Vous me félicitez Monsieur le curé, de voir ainsi les choses de<br />

ce monde. Hélas, ceux qui les voient autrement sont bien à<br />

plaindre [...].<br />

Veuillez agréer...<br />

Mardi 27 mars 1849<br />

E. DE LEUDEVILLE<br />

523. LETTRE DU CHANOINE BLANCHARD, directeur au grand<br />

séminaire de Gap (*), à l’abbé Mélin<br />

Original (1 f. pliée 20,5 cm x 26,5) : EG 67.<br />

N ote. Sur les bruits rapportés dans cette lettre, voir la Remarque critique au<br />

doc. 497.<br />

Monsieur le Curé,<br />

Gap, le 27 mars 1849<br />

Je saisis avec bonheur l’occasion qui se présente pour vous<br />

renouveler l’assurance de mon respect, tout en vous priant de<br />

vouloir bien me dire ce que vous savez sur les faits que je vais<br />

avoir l’honneur de vous soumettre.<br />

J ’ai eu occasion de voir dernièrement à Aix un ecclésiastique<br />

de ma connaissance, professeur à la faculté de théologie ; il m ’a<br />

parlé d ’une apparition de la Ste Vierge qu’on dit avoir eu lieu à<br />

Château-Thierry, diocèse de Soissons, postérieurement à l’apparition<br />

de la Salette ; il m’a ajouté qu’une Religieuse Célestine de<br />

Château-Thierry, étant venue à Corps, les enfants de la Salette<br />

[p. 2] vous auraient dit : Monsieur le Curé, écoutez cette sœur,<br />

car elle aussi a un secret.<br />

Sans doute, Monsieur le Curé, vous ne pouvez rien me dire<br />

de positif sur la réalité de l’apparition à Château-Thierry ; c’est si<br />

loin de nos pays ! Mais ayez, je vous prie la bonté de me dire ce<br />

que vous savez du voyage de cette religieuse à la Salette et du<br />

propos qu’on attribue, à cette occasion, à Maximin ou à Mélanie.<br />

Tout ce que je sais positivement là-dessus, c’est que le 9 février<br />

dernier, une Religieuse Célestine du diocèse de Soissons, s’est<br />

(*) BLANCHARD, Jean-Chrysostome (1802-1881), fut professeur au grand séminaire de<br />

Gap au moins depuis 1838 jusqu’en 1856. Ce fut un « apôtre zélé de N.D. de la Salette »<br />

(Apparition, n" 1799)- Il ne faut pas le confondre avec son cousin Zéphirin Blanchard<br />

(1812-1897), également professeur au grand séminaire en 1847.<br />

321


Doc. 523<br />

<strong>Documents</strong><br />

embarquée {biffé : pour] à Marseille pour aller voir le pape à<br />

Gaëte, j’ignore de quelle mission elle est chargée (1).<br />

M. Dumas continue d’aller bien, nous sommes contents de<br />

lui.<br />

[p. 3] Agréez...<br />

É v é n e m e n t s d'avril 1849<br />

L’Abbé Blanchard, chan. hon.<br />

Direct, du Séminaire<br />

Guérison de l’abbé Martin, clerc minoré du grand séminaire de Verdun.<br />

Dossier : G iray I, p. 269-283. — Le malade souffrait de rhumatisme articulaire<br />

et d’une sciatique, avec atrophie de la jambe gauche. Il fut guéri le 1" avril,<br />

dimanche des Rameaux, premier jour d’une neuvaine en l’honneur de Notre-<br />

Dame de la Salette, après avoir bu de l’eau puisée à la source de l’apparition.<br />

D ’après le médecin traitant, la maladie étant d’origine nerveuse, la guérison<br />

pouvait à la rigueur s’expliquer naturellement (G iray I, p. 280). Mgr Louis<br />

Rossât, évêque de Verdun, déclara « certain et incontestable le fait de la guérison<br />

instantanée et bien soutenue » ; il lui paraissait « très difficile d’expliquer une<br />

telle guérison par les seules forces de la nature » (déclaration du 1“ août 1849,<br />

dans G iray I, p. 279).<br />

A la Salette, après un mois de mars assez doux pour que la neige ait disparu<br />

des « plages cultivées » (doc. 517), une « grande abondance de neige » vient de<br />

nouveau encombrer les chemins jusqu’à la mi-mai (PERRIN, n° 712).<br />

Samedi 7 avril 1849<br />

524. COMPTE-RENDU DE LA VÉRITÉ de Rousselot (doc. 447),<br />

dans Y Am i de la religion, t. 141, n.4758 (7 avril 1849), p. 45-46<br />

Auteur ou du moins inspirateur du compte rendu : l’abbé Dupanloup, sur<br />

le point d’être nommé évêque d’Orléans.<br />

Contenu. Le compte rendu reproduit un long passage de la lettre d’approbation<br />

figurant en tête du livre (doc. 428), fait l’éloge de celui-ci et donne un<br />

aperçu sur les pèlerinages aux lieux de l’apparition. Il est suivi de la lettre<br />

Dupanloup du 11 juin 1848 (doc. 427).<br />

Le recenseur commente ainsi l’approbation donnée par Mgr de Bruillard<br />

(p. 45) : 1<br />

(1) Blanchard n'aurait-il pas confondu « apparition » et « guérison »? Le 27 février<br />

précédent, une religieuse célestine de Notre-Dame des Chesnaux-lès-Château-Thierry, Sœur<br />

Victoire, avait été guérie d’une maladie du cœur, après avoir fait usage de l’eau de la<br />

Salette (GIRAY II, p. 311 ; dossier : EG 38). Blanchard n ’est toutefois pas seul à mentionner<br />

une mystérieuse religieuse célestine. Selon une lettre de l’abbé Nicod, curé de la Croix-<br />

Rousse à Lyon et partisan du pseudo-baron de Richemont, « Sœur Romaine, Religieuse<br />

Célestine », aurait connu ce dernier (lettre du 28 mars 1850 à Mgr Raess, évêque de<br />

Strasbourg, copie : EG 17). Signalons aussi que l’auteur de La véritable réparation (J.-A.<br />

Boullan ou peut-être C.-M.-A. de Brandt, chanoine d ’Amiens) croit savoir que quelques<br />

évêques français envoyèrent à Pie IX « une Sainte fille », qui plusieurs mois à l’avance<br />

annonça au pape la révolution de 1848 (La véritable rép., 7.éd., Paris 1873, p. 184).<br />

322


18 avril 1849 Doc. 525<br />

Le Concile de Trente (Sess. 25) a sagement défendu de<br />

proclamer aucun miracle qui ne soit avéré et authentique. Dans<br />

une matière aussi délicate, cette défense est d ’une grande importance<br />

: le faux ferait facilement douter du vrai. Mais après une<br />

approbation si formelle, donnée à la suite de l’examen le plus<br />

long et le plus sérieux, nous n ’hésitons pas à recommander à nos<br />

abonnés la lecture du Rapport publié à Grenoble.<br />

Jeudi 18 avril 1849<br />

525. LETTRE DE MGR DE BRUILLARD à l’abbé Mélin<br />

Original (1 f. recto-verso 21 cm x 13,5) : EG 112. Seule la signature est de<br />

la main de l’évêque. — Extrait dans les Annales, octobre 1913, p. 154.<br />

Grenoble, le 18 avril 1849-<br />

J ’ai lu, mon cher Pasteur, avec le plus vif intérêt la lettre qui<br />

vous vient de Constantinople, et que j’ai remise à Mr Rousselot (1).<br />

J ’apprends avec le plus vif plaisir que vous êtes plus satisfait<br />

de vos Pâques que vous ne l’avez été l’année passée, et que de<br />

grandes conversions se préparent [... (2).]<br />

Veillez, je vous prie, à ce que l’orthographe et l’écriture de<br />

Maximin deviennent bonnes.<br />

Quand vous croirez le temps favorable pour proposer l’acquisition<br />

d ’un emplacement [verso] sur la montagne privilégiée, vous<br />

me le manderez. Le maire de la Salette n’a-t-il pas été changé ?<br />

Si aucun particulier ne s’est présenté pour se dire propriétaire du<br />

sol, c’est donc une propriété communale.<br />

Nous avons vérifié qu’il n’y a que quatre ans que j’ai visité<br />

votre paroisse et le canton. Je n ’ai donc point l’intention d ’y aller<br />

cette année. Ma santé, d ’ailleurs, n ’est pas très forte dans ce<br />

moment.<br />

Recevez...<br />

Ph[ILIBERT] Evêque de Grenoble<br />

Remarque. Bien que cette lettre ne nous apprenne absolument rien sur le<br />

fait de l’apparition, elle ne manque pas d’être significative : elle témoigne en<br />

effet qu’à l’évêché de Grenoble on songe à prendre sérieusement en main<br />

l’organisation d’un sanctuaire ecclésial, dépendant de l’autorité centrale du<br />

diocèse (3). Le jugement que vient de porter l’archevêque de Sens sur la guérison<br />

d’Antoinette Bollenat (doc. 516) et la publication de la lettre de Mgr Dupanloup<br />

dans l'A m i de la religion (cf. doc. 524) sont probablement pour quelque chose 1<br />

(1) Il s’agit d ’une des nombreuses lettres reçues par le curé de Corps.<br />

(2) Le passage que nous omettons concerne des dispenses de mariage.<br />

(3) Un détail significatif : la première inscription dans le registre des « Offrandes pour<br />

N.D. de la Salette déposées au secrétariat de l’Evêché » (EG 101) porte la date du 12 avril<br />

1849.<br />

323


Doc. 530<br />

<strong>Documents</strong><br />

dans le franchissement de ce nouveau pas. Mgr de Bruillard se sent publiquement<br />

soutenu par des membres de l’épiscopat.<br />

Mardi 30 avril 1849<br />

530. LETTRE DU CHANOINE ROUSSELOT à Mgr Dupanloup,<br />

évêque d’Orléans<br />

Photocopie de l’original (2 p.) : MSG.<br />

Monseigneur<br />

Grenoble 30 avril 1849<br />

Les amis et les connaissances que vous avez dans notre<br />

Dauphiné n ’ont pas été les derniers à applaudir à votre nomination<br />

à l’épiscopat [...]<br />

Permettez-moi, Monseigneur, de me mêler à la foule qui, en<br />

ce moment, se presse autour de vous, et de vous offrir aussi mes<br />

félicitations empressées et les vœux ardents que je forme pour le<br />

succès de votre nouvel apostolat.<br />

Je vous dois, Monseigneur, des actions de grâces pour le<br />

compte que vous avez bien voulu rendre de mon livre sur la<br />

Salette dans l'Am i de la Religion, N° du 7 de ce mois (1). Votre<br />

admirable lettre est venue [p. 2] renforcer d’une manière toute<br />

particulière la réalité de l’apparition et confirmer une croyance qui<br />

devient de plus en plus générale dans notre patrie, et qui se<br />

répand dans l’univers catholique. Les miracles se multiplient, l’eau<br />

merveilleuse est demandée de toutes parts, les prières, les neuvaines,<br />

les pèlerinages continuent. Peu de sanctuaires de Marie auront été<br />

aussi célèbres à leur origine ; peu auront été aussi \ recommandés /<br />

à la piété, à la confiance, au respect du monde entier. [... (2)]<br />

Veuillez agréer...<br />

l ’A b b é ROUSSELOT 1<br />

(1) Doc. 524.<br />

(2) La suite de la lettre concerne la restauration d ’un ancien titre paroissial (Saint-<br />

Vincent-du-Chevalon à Voreppe).<br />

324


DOSSIER COMPLÉMENTAIRE


(Evêché de Grenoble)<br />

« Dessiné sur les lieux par Ferdinand Rostaing. »<br />

Entre cet exemplaire et celui du dépôt légal, il y a de légères différences :<br />

ainsi la végétation qu 'on voit dans le coin inférieur gauche manque dans le dernier.


DOSSIER COMPLÉMENTAIRE<br />

I. APPARITION DE LA TRÈS STE VIERGE À DEUX ENFANTS<br />

SUR LA MONTAGNE DE LA SALETTE, PRÈS CORPS (ISÈRE)<br />

Lithographie de G. Margain et C. Pégeron (cadre extérieur : 226 mm x<br />

187 ; cadre intérieur : 198 mm x 159)-<br />

Dessinateur. La légende porte : « Dessiné sur les lieux par Ferdinand<br />

Rostaing » (1).<br />

Date. Nous avons d’abord daté cette lithographie d’une époque tardive.<br />

Marteaux et tenailles sont en effet placés avec la tête et les mâchoires en haut,<br />

représentation commune à partir des années cinquante, mais pratiquement ignorée<br />

de l’iconographie primitive (2). Le premier tirage est cependant bel et bien de<br />

1846 : en fait foi le cachet porté sur l’exemplaire conservé au Cabinet des<br />

estampes de la Bibliothèque nationale. La déclaration au dépôt légal avait eu<br />

lieu à Grenoble, le 12 novembre de cette année (cf. ADI 10-T-19).<br />

N ote sur le crucifix de la Salette. Le marteau et les tenailles, caractéristiques<br />

du crucifix de la Salette, appartiennent à l’iconographie traditionnelle des<br />

instruments de la Passion, comme la lance, les clous et l’éponge (3). On les<br />

trouve sur des croix dans les Hautes-Alpes (à Saint-Véran), la vallée du Rhône (4)<br />

et ailleurs. Tels que les a représentés Rostaing, marteau et tenailles paraissent ne<br />

tenir à rien, ce qui est conforme aux descriptions qu’on lit dans plusieurs relations<br />

des plus anciennes (5). L’artiste les a cependant placés au-dessus du crucifix, alors<br />

que les récits les situent plutôt de chaque côté du Christ, à la hauteur des 1<br />

(1) Peintre spécialisé dans les tableaux religieux, Ferdinand Rostaing, né en 1821 à<br />

Grenoble, de Basile Rostaing, gendarme à cheval, et de Catherine Archier-Carlet, originaire<br />

de la Motte-Saint-Martin. Il se maria en 1848 avec Rosine Millon, couturière. A la Mure, il<br />

habitait rue Cotte-Rouge. On lui doit un tableau de l’ancienne église de la ville et de la<br />

cure. (Renseignements communiqués par M. Reymond.)<br />

(2) Voir par exemple les illustrations des pages xviii et 332.<br />

(3) Cf. l’article « Arma Christi », dans Lexikon der christlichen Ikonographie, vol. I,<br />

Rome, Fribourg, etc., Herder, 1968, col. 183-187.<br />

(4) Les mariniers du Rhône avaient coutume autrefois de sculpter des croix sur lesquelles<br />

figuraient un marteau et des tenailles, une main, un ciboire, un pichet, une lanterne et<br />

d ’autres objets symboliques. (Cf. Bernard CLAVEL, « Les croix de mariniers du musée de<br />

Serrières », dans Jardin des arts, n° 97-98, décembre 1962 - janvier 1963 ; on trouvera la<br />

reproduction d’une telle croix dans ci-dessous, p. 330.<br />

(5) Dans les relations de Perrin, de Cat, de Dumanoir, d ’Auvergne (doc. 7, v. 43 ;<br />

11, v. 42 ; 124, v. 15 ; 125, v. 15 et dans d’autres encore ; voir aussi l’interrogatoire subi<br />

par Mélanie le 13 septembre 1847 (doc. 264 bis).<br />

327


Dossier complémentaire<br />

croisillons : le manche du marteau et les bras des tenailles les « dépassaient en<br />

bas » (6).<br />

La lithographie : voir p. 326.<br />

II. RELATION ROSTAING : Détails d ’un événement extraordinaire<br />

arrivé à deux enfants sur la montagne de la Salette près<br />

Corps<br />

Grenoble, impr. de Prudhomme. Texte sur deux pages, accompagné de la<br />

lithographie du dessin de Ferdinand Rostaing (1 f. pliée 32 cm x 47) : EG 108.<br />

— Texte sur trois pages : BMGC 260.<br />

Date, La déclaration au dépôt légal est datée du 20 novembre 1846 (ADI<br />

10-T-19). Il est toutefois possible que les textes que nous connaissons soient des<br />

rééditions : un imprimé portant le même titre et sortant des mêmes presses fut<br />

déclaré au dépôt légal le 14 mai 1847.<br />

L'auteur : d’après le registre du dépôt légal, le peintre Rostaing, de la Mure,<br />

donc un habitant de la région.<br />

Son enquête. L’auteur déclare s’être « transporté sur les lieux ». Mais ni son<br />

dessin ni le récit ne laisse apparaître une connaissance tant soit peu précise du<br />

vallon de la Sézia. Son enquête Ta sans doute mené à Corps, mais guère audelà.<br />

Ci-dessous on trouvera le texte EG 108, dont le texte BMGC 260 ne diffère<br />

d’ailleurs que par de légères variantes, telles que « s'approcher », « des tenailles »<br />

et « la tête » au lieu de « s'approchée/ », « les tenailles » et « sa tête ».<br />

Le 19 septembre 1846, sur les trois heures de l’après-midi,<br />

deux enfants, Maximin Giraud, âgé de 12 ans, de la commune de<br />

Corps, et Mélanie Calvat (1), âgée de 14 ans, de la commune de<br />

la Salette-et-Fallavaux, étant à garder des vaches appartenant à<br />

des propriétaires de cet endroit, s’endormirent : le temps était<br />

magnifique. Peu de temps après, ils s’éveillèrent et n ’aperçurent<br />

plus leurs vaches près d’eux ; l’inquiétude les prit, mais, en<br />

descendant de quelques pas, ils les virent couchées à peu de<br />

distance ; rassurés, ils les y laissèrent, et, se sentant de l’appétit,<br />

se dirigèrent vers des grosses pierres contre lesquelles ils avaient<br />

l’habitude de déposer leurs besaces contenant quelques aliments.<br />

En approchant, ils furent grandement surpris de voir une belle<br />

dame assise sur une de ces pierres, tenant sa tête dans ses mains,<br />

et dans l’attitude d ’une femme qui pleure amèrement ; elle se<br />

dresse devant eux et les enfants reculent frappés de l’éclat de sa<br />

majesté. Alors elle leur dit : « N ’ayez point peur, mes enfants,<br />

c’est à vous que je veux révéler bien des choses qui, quoique trèsapparentes,<br />

restent sans attention de la part de mon peuple... » 1<br />

(6) Notes de Lagier (doc. 184 bis, v. 235).<br />

(1) Nous nous trouvons ici en présence de la plus ancienne trace écrite de l’application<br />

du nom de Calvat à Mélanie, si toutefois la présente édition de la relation Rostaing remonte<br />

effectivement à novembre 1846 ou tout au moins à mai 1847.<br />

328


Dossier complémentaire<br />

Les enfants s’approchèrent. « Vous direz, continue-t-elle, à tous<br />

ceux qui voudront entendre, que la juste colère de mon fils est<br />

sur le point d’éclater ; je ne puis plus retenir son bras ; la conduite<br />

des hommes est indigne. Dieu leur a donné six jours pour travailler<br />

et le septième pour se reposer et le servir ; ils n’en font rien,<br />

beaucoup aussi, dans maintes occasions, se servent de son nom<br />

pour jurer, pour l’insulter ; actions infâmes qui lui [p. 2] déplaisent<br />

infiniment. Je le prie, poursuit-elle, d ’ajourner autant que possible<br />

les châtiments qu’il leur réserve : s’ils ne changent pas de conduite,<br />

ils seront cause de toutes les calamités qui viendront fondre sur<br />

eux. Si les années passées n’ont pas eu de suffisantes récoltes, si<br />

celle qui vient ne se montre pas bien, c’est que mon fils est las de<br />

cet état de choses. Qu’ils changent de conduite, qu’ils se<br />

convertissent et reviennent à Dieu, et alors ils verront renaître<br />

l’abondance qui a commencé à disparaître pour faire place à une<br />

affreuse misère (2). »<br />

Après ces paroles, la belle dame s’éloigna doucement de<br />

quelques pas et s’éleva tout à coup : les deux enfants virent<br />

d ’abord sa tête s’effacer, puis ses bras, puis son corps ; les pieds,<br />

cependant, paraissaient encore : ils formaient dans les airs comme<br />

une espèce de sillon (3). Enfin, tout finit par disparaître entièrement,<br />

laissant ces enfants dans une immobilité complète, résultat<br />

de l’émotion produite par tout ce qu’ils venaient de voir et<br />

d ’entendre.<br />

Elle était, ont-ils ajouté, d ’une taille haute et d ’un port<br />

majestueux ; sa figure était belle, pâle et triste ; ses bras, joints<br />

devant sa poitrine, supportaient une croix d’or sur laquelle ils<br />

voyaient le Christ ; puis d ’un côté le marteau et de l’autre les<br />

tenailles, pour nous rappeler sans doute que son fils avait bien<br />

souffert, attaché sur une croix pour le rachat de nos péchés, et<br />

que nous le laissions dans l’oubli après tout ce qu’il a fait pour<br />

nous. Elle portait sur sa tête une couronne d ’or ; ses vêtements<br />

blancs étaient parsemés de perles éblouissantes ; son fichu était<br />

bordé de roses éclatantes ; ses souliers, qui étaient blancs, avaient<br />

une large boucle par-dessus ; sous ses pieds, on voyait des perles<br />

d ’or et des roses. Le poids de son corps, disaient-ils encore, ne<br />

faisait pas plier les brins d ’herbe sur lesquels elle marchait.<br />

Arrivés à la maison, ils contèrent tout ce qu’ils avaient vu,<br />

ainsi que le leur avait dit la belle dame, comme ils l’appelaient<br />

dans leur langage naïf. 23<br />

(2) Le langage abstrait prêté à la Dame de l’apparition par Rostaing rappelle le style<br />

de la première relation Melin (doc. 2).<br />

(3) La présence, à la fin de l’apparition, d’une trace dans les airs, est mentionnée<br />

dans plusieurs récits de Maximin (cf. LSDA I, p. 300, note 3).<br />

329


Dossier complémentaire<br />

Tous ces détails ont été recueillis de la bouche même des<br />

enfants par l’auteur du dessin, qui s’est transporté sur les lieux<br />

afin que sa publication fut en tout conforme à la vérité.<br />

Par l'auteur du dessin.<br />

Croix d e Mariniers<br />

Bois peint. 19' siècle.<br />

Musée des arts et traditions populaires.<br />

330


APPENDICE


APPARITION DE LA S ‘" VIERGE ,<br />

le 19 sep tem b re 1846,<br />

à deux bergers sur la montagne de la Salette,<br />

G erm ain GIRAUD,âgé de 12 ans,etMêlanie CALVAT,â|5éedelians<br />

(Bibliothèque municipale de Grenoble)<br />

La Ste Vicrcp a dit aux •nfants<br />

Dieu, a donné six jours pour travailler , le septième doit être consacré au repos ft: sanctifié<br />

par la pnere ; il n'en est pas ainsi : les hommes profanent la religion ou ne l'observentpas.<br />

ils ju r e n t, ils blasphèm ent le nom de Dieu , c'est infâme : s'ils ne changent de conduite,<br />

la colère du fils de Dieu éclatera el punira les hommes par la famine et au tres m a lh e u rs ,<br />

si au c o n tra ire ils ch angen t de conduite, et qu'ils se convertissent à la religion que le<br />

C hrist a enseignee, ils v erro n t renaître l'abondance et le b o n h eu r.<br />

Lithographie de C. Pégeron, Grenoble.


UN CHRISTIANISME FONDÉ SUR LA PEUR ?<br />

Il y a quelques années, un théologien citait le « Christ de la<br />

Salette, imploré par la Vierge compatissante et miséricordieuse de<br />

ne pas châtier »', comme typique d ’un christianisme pour qui<br />

Dieu reste le Seigneur jaloux de son honneur, justicier et vengeur.<br />

Vers la même époque, un hebdomadaire catholique publiait dans<br />

son courrier des lecteurs un texte encore plus défavorable à notre<br />

apparition. Rappelant que la Dame s’était plainte de ne plus<br />

parvenir à retenir le bras de son Fils, puis avait prophétisé des<br />

catastrophes, le correspondant protestait : «Je ne peux pas aimer<br />

un Dieu, un Père, qui punirait ses enfants de pareilles atrocités »12.<br />

On ne rencontre pas de réactions de ce genre à l’époque<br />

couverte par le présent volume et le volume précédent (septembre<br />

1846-avril 1849). En remarquant cette différence, le lecteur un<br />

peu averti songera de suite aux travaux consacrés actuellement par<br />

les historiens à l’évolution de la mentalité religieuse. Parmi les<br />

éléments fondamentaux de la religion des Français du début du<br />

dix-neuvième siècle jusque vers les années quarante, Gérard Cholvy<br />

relève, à côté du sens du sacré, d ’une foi qui attend tout de Dieu<br />

et de l’inquiétude du salut, « le sentiment d ’une impuissance<br />

radicale devant une nature hostile, la maladie, l’épidémie [...].<br />

Plus que la foi en Jésus Christ », conclut-il, « c’est de la croyance<br />

au Dieu créateur qu’il s’agit, le Dieu redoutable dont il faut<br />

apaiser la colère par l’expiation, la purification, le recours à ces<br />

médiateurs que sont la Vierge et les saints »3. On reconnaît là<br />

plusieurs thèmes présents dans le fait du 19 septembre 1846 et<br />

dans le mouvement spirituel auquel il a donné naissance. La<br />

question peut donc être posée : ce fait et ce mouvement n ’appar­<br />

(1) C. DUQUOC, Dieu différent, Paris, éd. du Cerf, 1977, p. 66.<br />

(2) La Vie, n° 1724 (semaine du 14 au 20 septembre 1978), p. 50. Le correspondant<br />

de l’hebdomadaire situe l’apparition « en 1870 » et croit que le message annonce, entre<br />

autres malheurs, des « guerres ». Il paraît connaître la Salette non pas à travers les relations<br />

primitives, écrites en 1846-1847 sous la dictée des voyants et dont aucune ne parle de<br />

guerres, mais à travers le fameux « secret de Mélanie ». Rappelons que ce secret, dont il<br />

existe des traces écrites à partir des années cinquante et qui sera diffusé dans le public<br />

après la défaite de 1870, n ’a jamais reçu l’approbation de l’autorité ecclésiastique qualifiée<br />

pour se prononcer sur l'apparition au nom de l’Eglise, à savoir le Saint-Siège et l'évêque<br />

de Grenoble. — Voir J. JAOUEN, La grâce de la Salette au regard de l ’Eglise, (nouv. éd.),<br />

Corps, Association des pèlerins de la Salette, 1981, p. 252 et suivantes ; notre étude « A<br />

propos de deux versions du fait de la Salette. Note sur les documents anciens », dans<br />

Marianum, 38 (1976), p. 482-492.<br />

(3) Dans B. PLONGERON et R. PANNET éd., Le christianisme populaire, Paris, Le<br />

Centurion, 1976, p. 203.<br />

333


Appendice<br />

tiendraient-ils pas aux ultimes manifestations d ’un christianisme<br />

où la « pastorale de la peur »4 5joue encore un rôle prépondérant,<br />

bien que, par certains de leurs aspects — qu’on pense à la<br />

compassion montrée par la Dame de l’apparition — ils soient en<br />

harmonie avec la piété plus sentimentale, moins austère, qui<br />

envahit la religion populaire vers la même époque ? Bref : en<br />

dépit de la présence d ’éléments consolateurs, ce fait et ce<br />

mouvement ne véhiculeraient-ils pas les restes ou organes témoins<br />

d ’un christianisme « de la peur, austère et doloriste »\ trop peu<br />

conscient, encore, de la nouveauté apportée par Jésus ?<br />

Nous avons pensé qu’au terme de ce deuxième volume, qui<br />

portait sur l’étape « discernement » (enquête officielle, approbation<br />

du pèlerinage par l’évêque...), il convient de formuler quelques<br />

remarques sur le problème évoqué, lequel engage le sens même<br />

du charisme salettin.<br />

Incohérences ?<br />

Le fils de la Dame apparue aux deux enfants est « tellement<br />

courroucé » qu’il va lancer sur les hommes « la foudre de ses<br />

vengeances » ; son bras est « parti pour écraser le peuple »6. On<br />

rencontre ce genre d ’expressions dans de très anciens récits de<br />

l’apparition. Non pas dans tous, cependant : elles manquent, en<br />

particulier, dans les relations privilégiées, c’est-à-dire dans les<br />

relations prises sous la dictée des enfants, par des interrogateurs<br />

bons connaisseurs du patois7. Ainsi les relations Pra, Comte, Lagier,<br />

Lambert et d ’autres encore, parlent simplement du bras (ou de la<br />

main) du Fils devenu trop pesant, et que la Dame ne parvient<br />

plus à soutenir. Mais est-ce un bras levé pour châtier ou, au<br />

contraire, un bras qui protège aussi longtemps qu’il demeure levé,<br />

comme celui de Moïse qui, soutenu par Aaron et par Hur, obtint<br />

aux Hébreux la victoire contre les Amalécites (Exode, 17, 12) ?<br />

Les relations privilégiées ne disent rien d ’explicite à ce sujet. Elles<br />

suggèrent toutefois, plus loin nous verrons comment, que le Christ,<br />

essentiellement, sauve et protège. Autre point remarquable : pour<br />

autant que ces mêmes relations attribuent les châtiments à une<br />

personne concrète, elles indiquent presque toujours, non pas la<br />

personne du Fils, mais la Dame elle-même, qui déclare : « Si la<br />

récolte se gâte, ce n ’est rien que pour vous autres ; je vous l’ai<br />

(4) Jean DELUMEAU, « Leçon inaugurale au Collège de France », dans Le Christianisme<br />

va-t-il mourir ? » Paris, Hachette, 1977, p. 197.<br />

(5) M. LAGRÉE, « Religion populaire et populisme religieux au XIX' siècle », dans J.<br />

DELUMEAU éd., Histoire vécue du peuple chrétien, Toulouse, Privât, 1979, tome II, p. 164.<br />

(6) LSDA I, p. 98-99, 117.<br />

(7) Sur les relations privilégiées, voir LSDA I, p. 31-32.<br />

334


Un christianisme fo n d é sur la peur ?<br />

fait voir l’année passée pour les pommes de terre... »8. — Il est<br />

évident que la Dame châtie non pour assouvir un besoin de<br />

vengeance, mais pour éduquer, pour corriger.<br />

La comparaison des relations et ce que nous savons des origines<br />

de chacune permet de conclure que celles d ’entre elles qui<br />

emploient le langage vindicatif sont le fruit d ’interprétations, de<br />

relectures. Au demeurant, en général leurs auteurs ne prétendent<br />

pas reproduire le mot à mot du message attribué par les deux<br />

enfants à la Dame. Ils écrivent en se souvenant et, par conséquent,<br />

en revoyant les choses à travers leur vision religieuse habituelle.<br />

Ainsi, le thème des vengeances divines occupe à l’intérieur de leur<br />

champ mental un espace non négligeable.<br />

Ces chrétiens ignoraient-ils que Dieu est bon ? Certainement<br />

pas. L’abbé Mélin, curé-archiprêtre de Corps, chef-lieu du canton<br />

auquel appartient la Salette, et principal correspondant de l’évêché<br />

de Grenoble dans l’affaire de l’apparition, appartient au groupe<br />

de ceux qui parlent du Fils « irrité » voulant « écraser les hommes »<br />

et laisser tomber sur eux « ses vengeances ». Cette théologie sévère<br />

ne l’empêche aucunement de considérer l’apparition comme « une<br />

grande faveur du ciel ». Ne serait-ce point pour dessiller les yeux<br />

de la société « et lui faire connaître ses erreurs que ce Dieu bon et<br />

miséricordieux la menace de la faim »9 ?<br />

Mais les réflexions de Mélin sont-elles vraiment cohérentes ?<br />

En insistant comme il le fait sur le thème des vengeances, ne<br />

contredit-il pas la bonne nouvelle apportée par Jésus ?<br />

Une affaire de longue durée<br />

Le verdict d’incohérence qui nous vient spontanément sur les<br />

lèvres ici ou en des cas semblables, tient à une structure mentale<br />

devenue, pour ainsi dire, une seconde nature aux gens imbibés de<br />

la culture européenne des trois derniers siècles : affaire de longue<br />

durée, pour employer le jargon des historiens. Sous l’influence de<br />

la philosophie des lumières, nous en sommes venus, souvent, à<br />

conférer à l’intelligence de l’homme et à son imagination un rôle<br />

par trop ambitieux : de simples instruments donnant accès à la<br />

connaissance du réel, nous en avons fait'la mesure du réel. Ce<br />

que notre intelligence et notre imagination n’embrassent point,<br />

ne parviennent point à saisir et à exprimer, est rejeté dans les<br />

ténèbres extérieures de l’absurde et du non-être. On a parlé, à<br />

(8) Lagier (doc. 96, v. 65) ; formules identiques ou semblables chez Pra, Dausse,<br />

Lambert et chez d’autres.<br />

(9) Doc. 2, v. 10 et 24 ; doc. 37.<br />

335


Appendice<br />

propos des pèlerinages, de poussées de panique10. Fatalement, les<br />

comportements dont les tenants et les aboutissants nous échappent<br />

ou sont difficiles à analyser, nous paraissent irrationnels ou<br />

« paniques ».<br />

De toute évidence, beaucoup parmi les paysans qui, durant<br />

l’automne de 1846, reviennent à la pratique religieuse en apprenant<br />

la nouvelle de l’apparition, sont des gens qui ont peur. L’état des<br />

récoltes laisse prévoir une disette. Une conversion au Dieu d ’amour,<br />

déclenchée par les mécanismes psychologiques de la peur, n ’est-ce<br />

pas là une contradiction dans les termes, pour ainsi dire ? — Oui<br />

sans aucun doute, — mais, au fait, de quel type de peur s’agit-il<br />

en l’occurrence ? De la peur viscérale qu’on éprouve devant les<br />

menaces d ’un assassin par exemple ou bien, plutôt, de cette peurcrainte<br />

liée au sens du devoir moral et qui représente un état<br />

psychologique absolument original, aussi distinct de la peur<br />

ordinaire que du sentiment esthétique ?<br />

Des gesticulations vues de loin semblent dépourvues de tout<br />

sens, jusqu’au moment où nous nous apercevons qu’il s’agissait<br />

d ’une conversation entre sourds-muets. Or nous voyons Dieu<br />

d ’infiniment loin. Nos moyens de connaissance n ’ont aucune<br />

proportion avec son être. Nous sommes incapables de nous<br />

représenter à la fois, en un même acte de connaissance, les divers<br />

éléments du mystère de Dieu. De par sa nature, le christianisme<br />

exige de ses adeptes une foi qui implique dépassement des cadres<br />

conceptuels et lutte contre la tyrannie des langages. Il n ’y a pas<br />

de christianisme sans mystère et sans nuit. Si les théologiens<br />

passent leur temps à expliquer, il n’empêche que tout chrétien, à<br />

certains moments de son existence, se voit affronté à des situations<br />

qui, aux yeux de l’intelligence abandonnée à ses propres lumières,<br />

débouchent sur le désespoir.<br />

Le Dieu des Ecritures est amour et II est tout-puissant.<br />

Néanmoins, des calamités déferlent continuellement sur sa création<br />

: famines, épidémies, séismes... Ceux qui voient là une<br />

contradiction fondamentale ont proposé plusieurs solutions :<br />

l’athéisme pour qui Dieu n ’existe pas, car, s’il existait, ce serait<br />

un être foncièrement pervers ; le déisme des lumières, qui admet<br />

(10) A. DUPRONT, « Formes de la culture de masses : de la doléance politique au<br />

pèlerinage panique (XVIIP-XX' siècle) », dans Niveaux de culture et groupes sociaux. Actes<br />

du colloque réuni du 7 au 9 mai 1966 à l'Ecole normale supérieure. Paris-La Haye, Mouton<br />

& Co, 1967, p. 149-170, par exemple p. 150-151 : « A première vue, les foules de Lourdes<br />

sont ce qu’elles sont, une poussée panique au lieu sacralisé par la présence surnaturelle,<br />

ruée au miracle devenue habitude collective. » Ou encore p. 163-164, où il est question du<br />

« combat traditionnel entre l’ordre stable et quotidien d’Eglise et la vie panique, sacrale,<br />

sans intermédiaires ou le moins possible, du pèlerinage » et du « combat [...] de la liturgie<br />

contre l’anthropologie, pour ne pas dire le folklore, de la spiritualité contre la sacralité. »<br />

— Les relations à l’intérieur de l’Eglise sont présentées ici suivant un schéma qui rappelle<br />

la dialectique hegelienne du maître et de l’esclave.<br />

336


Un christianisme fo n d é sur la peur ?<br />

l’existence de Dieu mais nie la Providence et, enfin, le néomarcionisme.<br />

On sait que Marcion (mort vers 160), un des premiers chrétiens<br />

hétérodoxes, distinguait deux divinités : le Dieu de l’Ancien<br />

Testament, qu’il faut rejeter, parce qu’il est mauvais, et le Dieu<br />

de la bonne nouvelle apportée par le Christ. Marchant sur les<br />

foulées de Marcion, certains chrétiens considèrent volontiers les<br />

éléments terrestres et sévères du christianisme comme autant<br />

d ’organes témoins du stade vétérotestamentaire ou même paganosacral.<br />

Entrés dans le christianisme par accident, ils seraient donc<br />

à éliminer. On rencontre ainsi divers essais d’épuration, les uns<br />

frustes et même grossiers, les autres recourant à des procédés<br />

sophistiqués, mais tous à la poursuite d’un christianisme qui serait<br />

enfin un christianisme chimiquement pur : en fait, un christianisme<br />

aplati, réduit aux dimensions des notions dont la raison humaine<br />

peut faire le tour.<br />

La bonne nouvelle de Jésus-Christ<br />

Si, pour voir un peu clair dans le difficile problème du rapport<br />

entre Dieu et les hommes, nous choisissons d ’écouter ceux qui,<br />

les premiers, ont présenté au monde la bonne nouvelle de<br />

l’Evangile, nous constatons qu’ils parlent de vengeance et de colère<br />

avec au moins autant d ’insistance que les prophètes de l’Ancien<br />

Testament. Un saint Paul ne se gêne aucunement pour enseigner<br />

que « le Seigneur tire vengeance » des péchés (I Thess. IV, 6), que<br />

« la colère de Dieu se révèle du haut du ciel contre toute impiété<br />

et toute injustice des hommes » et que le pécheur impénitent<br />

s’amasse « un trésor de colère » (Rom. I, 18 ; II, 5). Saint Pierre,<br />

commentant les épreuves qui frappent la communauté chrétienne,<br />

n’hésite pas à reprendre à son compte la parole du livre des<br />

Proverbes (XI, 31 grec) : « Si le juste est sauvé à grand’peine,<br />

qu’adviendra-t-il de l’impie et du pécheur (I Pierre IV, 18) ? »<br />

L’Apocalypse, dernier livre du canon néotestamentaire, nous<br />

présente un cavalier nommé « Verbe de Dieu », qui mènera les<br />

païens « avec un sceptre de fer » (Apoc. XIX, 11).<br />

L’homme est un être à la fois créé et aimé. Le langage de la<br />

Bible correspond à une certaine dimension du réel, insoupçonnée<br />

de qui, aujourd’hui encore, continue à se mouvoir dans l’espace<br />

géométrique du siècle des lumières. Le résidu de christianisme<br />

obtenu en biffant tous les textes gênants — et ils sont très<br />

nombreux — sera un christianisme a-sémite, un christianisme<br />

« nouvelle droite » si l’on veut, en tout cas très différent de celui<br />

vécu par l’apôtre Paul.<br />

Dans le monde où nous vivons, souffrance et mort frappent<br />

en fait tous les humains, justes et pécheurs. Saint Paul, qui a<br />

expressément réfléchi sur le problème que pose à la conscience<br />

337


Appendice<br />

chrétienne l’universalité de ces maux, y voit la conséquence de<br />

l’état de rupture dans lequel tous les hommes viennent au monde<br />

depuis que fut commis le premier péché. Les hommes naissent<br />

perturbés, livrés aux déterminismes aveugles de la chair et du<br />

monde, parce qu’ils naissent privés du lien vital avec le Père qui,<br />

le premier, les a appelés à l’existence.<br />

Par pure bonté,' Dieu s’est réconcilié les hommes en envoyant<br />

parmi eux son Fils. Voués « par nature à la colère » (cf. Ephésiens<br />

II, 3), les hommes peuvent devenir fils de Dieu, — à condition,<br />

évidemment, de vivre unis au Christ, mort pour eux et ressuscité :<br />

« Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont<br />

Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos<br />

fautes, nous a fait revivre avec le Christ » (Ephésiens II, 4-5).<br />

Toutefois, si le peuple que le Christ s’est acquis oublie Dieu, il<br />

redevient la proie des déterminismes de la nature, sans espoir<br />

désormais de pouvoir leur échapper, et finit dans la décomposition :<br />

« puisque te voilà tiède, ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma<br />

bouche » (Apocalypse, III, 16). Le Nouveau Testament adresse ces<br />

paroles à une Eglise tombée dans la médiocrité11.<br />

C’est exactement la situation qu’exprime le message de la<br />

Salette. Les châtiments qu’il annonce procèdent non pas de la<br />

présence du Christ, mais de son absence : « Si je veux que mon<br />

Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse... »<br />

(doc. 1, 175, etc.). Interpréter ces paroles comme l’expression d ’un<br />

conflit entre une mère compatissante et un Fils vengeur, c’est<br />

commettre un contresens et les comprendre à rebours. Loin de<br />

vouloir faire écran entre les pécheurs et son Fils pour leur éviter<br />

une présence vengeresse, elle veut, au contraire, leur éviter qu’il<br />

ne les « abandonne », car sa présence est salvifique. Le bras que 1<br />

(11) Le Nouveau Testament veut même dépasser la sévérité de l’Ancien : « Quelqu’un<br />

rejette-t-il la Loi de Moïse ? Impitoyablement il est mis à mort sur la déposition de deux<br />

ou trois témoins (cf. Deutéronome XVII, 6). D ’un châtiment combien plus grave sera jugé<br />

digne, ne pensez-vous pas, celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, tenu pour<br />

profane le sang de l’alliance dans lequel il a été sanctifié, et outragé l’Esprit de la grâce ?<br />

Nous connaissons, en effet, celui qui a dit : A moi la vengeance. C'est moi qui rétribuerai.<br />

Et encore : le Seigneur jugera son peuple. Oh ! chose effroyable que de tomber aux mains<br />

du Dieu vivant ! » (Héb. X, 28-31 ; traduction de la Bible de Jérusalem.) Sur l’homogénéité<br />

du Nouveau Testament par rapport à l’Ancien en ce qui concerne la doctrine du jugement<br />

et sur la spécificité de son apport, voir P. GRELOT, Péché originel et rédemption examinés<br />

à partir de l'épître aux Romains, Tournai-Paris, Desclée, 1973, p. 276 : la « révélation du<br />

Dieu-Père comme Amour rend-elle complètement caduque son ancienne représentation<br />

comme Autorité, Loi et Jugement ? Le « Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui<br />

nous a bénis de toutes bénédictions spirituelles aux cieux dans le Christ » (Ephésiens I, 3),<br />

serait-il différent de celui de l’Ancien Testament ? On reconnaît ici la vieille tentation de<br />

Marcion : opposer l'une à l’autre les deux Lois, — et finalement les deux Dieux dont elles<br />

dépendent. Saint Paul ne raisonne absolument pas de cette façon. [...] La perspective du<br />

«Jour de la Colère » où se révélera le juste Jugement de Dieu » (Rom. 2, 5) reste à<br />

l’horizon du temps de l’Eglise, comme une menace pour ceux qui mépriseraient le don de<br />

grâce ; mais ce qu’il y a de neuf, c’est que les croyants peuvent désormais espérer qu’ils<br />

seront « sauvés de la Colère » (Rom. 5, 9).<br />

338


Un christianisme fo n d é sur la peur ?<br />

Marie veut « retenir » reste, quand même et toujours, le bras qui<br />

sauve.<br />

Il est vrai que, pour les hommes qui le refusent, le Sauveur<br />

devient le Juge. Les récits de seconde main et les commentaires<br />

qui parlent du bras qui « va frapper » ou de « vengeance »<br />

expriment, à leur manière, un des aspects des rapports entre<br />

l’homme et Dieu, aspect attesté dans les Ecritures, qui le présentent<br />

comme la conséquence d ’une négation ou d ’un oubli contre<br />

nature.<br />

Notons enfin que les commentaires de l’apparition interprètent<br />

volontiers l’annonce des maux à la lumière de l’optimisme chrétien.<br />

Ils y voient non pas une prédiction scellée par la fatalité, mais<br />

une invitation à retourner au Sauveur, lancée par Celle qui l’avait<br />

accueilli au nom de son peuple. Le curé de Corps qui, nous l’avons<br />

vu, évoque conjointement vengeance et miséricorde, avait sans<br />

doute présents dans l’esprit ces paroles qu’on peut lire dans le<br />

Nouveau Testament : « Mon fils, ne méprise pas les corrections<br />

du Seigneur », « Ceux que j’aime, je les corrige » (Héb. XII, 5 ;<br />

Apoc. III, 19). Les larmes des mères qui ont perdu leurs enfants<br />

durant l’hiver 1846-1847, ne sont plus des larmes de désespoir, si<br />

elles ont été assumées dans la foi et dans l’espérance.<br />

339


TABLES


REPERTOIRE DES DOCUMENTS<br />

DU DOSSIER CHRONOLOGIQUE<br />

Le présent répertoire énumère tous les documents de la série<br />

chronologique, du n° 127 au n° 530 inclus. Pour les documents<br />

manuscrits qui, dans le corps de l’ouvrage, n ’ont pas fait l’objet<br />

d ’une présentation, il indique, dans la mesure du possible, le lieu<br />

où est conservé l’original (e.g. doc. 131) ou, à défaut, une copie<br />

(e.g. doc. 133bis). Les références aux publications de textes ont<br />

été ajoutées pour d ’évidentes raisons pratiques. Elles n’engagent<br />

pas notre responsabilité en ce qui concerne la valeur des éditions.<br />

Une flèche ? suivie d’une référence signifie qu’à l’endroit<br />

indiqué on trouvera des renseignements complémentaires ou un<br />

extrait du document.<br />

Doc./Ev.<br />

JOUR<br />

PAGE<br />

Mars 1847<br />

Ev.<br />

127.<br />

128.<br />

129.<br />

129 bis.<br />

130.<br />

* 130 bis.<br />

A Avignon, guérison de Sœur Prouvèze.<br />

Apparition de la très-sainte Vierge à deux petits<br />

bergers : brochure contenant des lettres de Mgr<br />

Depéry, évêque de Gap, et de Chabrand, son vicaire<br />

général.<br />

Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : demande des<br />

nouvelles de Maximin. — EG 107. A doc. 148.<br />

Lettre d ’Avignon sur la guérison de Sœur Prouvèze.<br />

— Extrait dans doc. 159, p. 19-20 et GlRAY II,<br />

p. 77-78.<br />

Lettre de Mère Sainte-Thècle à M. Dupont : la<br />

coiffure de la Dame ; renseignements sur Maximin<br />

et Mélanie.<br />

Lettre d’un ecclésiastique à la Voix de la vérité,<br />

publiée dans la numéro du 31 mars : tous les<br />

visiteurs repartent convaincus de l’impossibilité d’une<br />

hallucination ou d’une supercherie (cf. BEZ, p. 208-<br />

209).<br />

Article de la Voix de l'Eglise : une œuvre réparatrice,<br />

demandée par Dieu, a commencé à Tours.<br />

21<br />

23<br />

29<br />

30<br />

30<br />

31<br />

18<br />

18<br />

18<br />

21<br />

Avril 1847<br />

Ev. Guérison de Fanie Lacombe, de Mus, Gard, atteinte<br />

d ’hydropisie depuis neuf mois. (D’après des documents<br />

de 1856, édités dans Notre-Dame de la Salette.<br />

Journal religieux paraissant à Muret, septembre 1860,<br />

p. 118; cf. GlRAY II, p. 301-302). —<br />

130 ter. Mélin à Dupont : remerciements pour des imprimés<br />

contre le blasphème. — Tours SF, B 28. 7<br />

343


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

131. Lettre de Paulin de Puymirol, ancien juge, à Toulouse,<br />

à Mgr de Bruillard : d ’après une lettre qu’il a reçue<br />

de l’évêque, on peut croire à l’apparition. — EG 139- 7<br />

131 bis. Article du Constitutionnel : « M. l’Abbé Desgenettes...<br />

a trouvé des rivaux ». 9 25<br />

132. Article du National p. 2-3 '"p. 26. 10 —<br />

132 bis. Entrefilet de l'Ami de la Religion, t. 133, p. 88.<br />

/" p. 26. 10<br />

133. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : nombreuses<br />

communions à Corps ; Maximin est guéri. 12 26<br />

Ev. Les gendarmes de Corps arrêtent quatre marchands<br />

ambulants. 13 28<br />

133 bis. Lettre de Mélin à un curé : Monseigneur croit<br />

à l’apparition ; Mélanie travaille à l’aiguille en<br />

s’instruisant et Maximin passe ses moments de loisir<br />

à jouer. — Copie : Tours SF, B 28. 13<br />

134. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : la mort des<br />

enfants est significative, de même l’assurance de<br />

Mélanie par rapport au rétablissement de Maximin.<br />

— EG 107. 13<br />

135. Lettre de Houzelot : enquêtes à Grenoble et à Corps. 13 28<br />

136. Autographe de Maximin. /* p. 37 14 —<br />

* 136 bis. Lettre de Houzelot : enquête à Corps. vers 15 36<br />

Ev. A Avignon, guérison de Sœur Saint-Charles. 16 41<br />

137. Lettre de Mgr Depéry, évêque de Gap, à Mgr de<br />

Bruillard : on a publié ses lettres contre son gré. 16 41<br />

138. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard sur la guérison<br />

de Sœur Prouvèze. — EGD 44. — Dans GlRAY II,<br />

p. 78-79. 17<br />

139. Lettre de Mgr Depéry, évêque de Gap, aux journaux.<br />

Dans YUnivers, 27 avril 1847, p. 2d ; dans l'Ami de<br />

la religion, t. 133, p. 246 (27 avril 1847). A p. 42. 20<br />

139 bis. Nouvelle relation de l'apparition miraculeuse... :<br />

brochure éditée à Paris, par Dopter. /" Bibl. C-30a. _<br />

140. Lettre de Mgr Villecourt, évêque de la Rochelle, à<br />

Mélin : il faut maintenir les deux bergers dans<br />

l’humilité. 20 43<br />

141. Lettre de M. Dupont à Mélin : la Salette, le message<br />

de Sœur Marie de Saint-Pierre du Carmel de Tours,<br />

la médaille miraculeuse. — EG 116. — Dans Annales,<br />

mars 1904, p. 226-228. 20<br />

Ev. A Paris, la police saisit chez l’imprimeur Alcan un<br />

récit de l’apparition. ? p. 46. 21 _<br />

142. Lettre de Morel à Giuseppe Frassinetti, prieur de S.<br />

Sabina à Gênes : l’apparition est authentique. — Cf.<br />

G. FRASSINETTI, Apparizione di Maria santissima a<br />

due pas torelli delle Alpi, nouv. éd., Rome 1912,<br />

p. 5. 22<br />

143. Lettre de Gerin à Mélin : en prêchant le chemin de<br />

croix, il a fait dire à la sainte Vierge, sans rien<br />

nommer, « tout ce qu’elle a dit sur la Salette ». —<br />

EG 21. 26<br />

344


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

144. Commentaire de l’Univers sur la lettre Depéry<br />

(doc. 139). L'Univers, p. 2d-3a. A p. 42. 27 _<br />

144 bis. Commentaire de Y Ami de la religion, sur la lettre<br />

Depéry (doc. 139). L’Ami de la religion, t. 133,<br />

p. 246. A p. 42. 27<br />

145. Article du Patriote des Alpes, n° 1694, p. 2-3 : un<br />

plagiat de la Salette en Angleterre. 27 _<br />

145 bis. Lettre de Melin sur les deux guérisons d'Avignon.<br />

Traduction d ’un extrait dans HECHT, p. 34-35. 27 _<br />

* 145 ter. Apparition de Corps, dans \'Etoile du matin,<br />

3îmc année (1847), 2'mc partie, « Trésors de la jeunesse<br />

» (Lyon, Bibliothèque municipale, n ” 356042),<br />

p. 84-85. Contient un extrait de la lettre Depéry à<br />

Nicod (doc. 75). ?<br />

146. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : guérison de<br />

Sœur Saint-Charles ; les deux bergers commencent à<br />

écrire ; Mélin a accompagné à la Salette, encore<br />

encombrée de neige, une mère venue demander la<br />

guérison de son enfant. — EGD 45. — Extraits dans<br />

Annales, décembre 1909, p. 217, et dans BASSETTE,<br />

p. 63. A p. 47, note 12. 29<br />

147. Lettre de Florent Manson à Y Etoile du matin, sur la<br />

guérison de Sœur Saint-Charles. Dans Apparition<br />

miraculeuse de la sainte Vierge à de jeunes bergers...<br />

Lyon 1847, p. 13-21 (PBNR 18). 29 —<br />

Mai 1847<br />

La Salette dans la presse locale. 44<br />

Ev. Poursuites judiciaires. Reprise des pèlerinages. Processions<br />

à Besançon. _ 45<br />

* 148. Relation Maury. ? 48<br />

149. Lettre de Mère Gramagnac, Supérieure du couvent<br />

des Dames du Sacré-Cœur à Avignon, à la Supérieure<br />

générale de son Institut : guérison de Sœur Saint-<br />

Charles et autres guérisons. Copie (autographie) :<br />

EG 123. — Dans BEZ, p. 146-150 ; VlLLECOURT,<br />

p. 171-174 ; cf. GlRAY I, p. 341-343. 1<br />

150. Lettre de Mme Bail-Collonges, d ’Aspres-les-Corps,<br />

Hautes-Alpes, à M. Bail, à Lyon : il y a des pèlerins<br />

venus de loin. — Archives privées. 1<br />

151. Article daté du 1" mai dans le Censeur, journal de<br />

Lyon, n° du 2 mai, p. lab. A p. 44. 1 _<br />

152. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : il demande des<br />

relations sur les guérisons d'Avignon. — EG 122<br />

(dossier Sœur Saint-Charles). — Extrait dans GlRAY I,<br />

p. 341. 2<br />

Le Courrier de l ’Isère, n° 4221, p. 3bc, reproduit la<br />

lettre Depéry aux journaux (doc. 139). 4 _<br />

* 152 bis. Réponse du chanoine Bouvier au Censeur. Dans la<br />

Gazette de Lyon, n" du 16 mai, p. 3bc ; BEZ, p. 202-<br />

207 ; etc. A p. 44-45. ?<br />

345


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev.<br />

153<br />

154.<br />

154 bis.<br />

155.<br />

155 bis.<br />

156.<br />

157.<br />

Ev.<br />

158.<br />

159.<br />

160.<br />

161.<br />

162.<br />

163.<br />

163 bis.<br />

164.<br />

165.<br />

JOUR<br />

Entrefilet du Patriote des Alpes, n° 1698, p. 2-3 :<br />

Mgr Depéry a désavoué sa lettre en faveur de la<br />

Salette. /" p. 45. 6<br />

Article de la Gazette de Flandres et d'Artois,<br />

15' année, n° 129, p. lbc : la police de Lille a saisi<br />

une gravure sur la Salette. /* p. 45. 9<br />

Entrefilet de l'Echo du Nord, n° du 9 mai, p. 2 : la<br />

police a saisi deux opuscules sur la Salette, édités par<br />

le « parti-prêtre ». A p. 45. 9<br />

Entrefilet du Messager du Nord, n° du 9-10-11 mai,<br />

p. 3 : le 7 mai, la police de Lille a saisi des brochures<br />

sur la Salette. 9<br />

Lettre de Mme Reynaud-Collonges, d’Aspres-les-<br />

Corps, Hautes-Alpes, à M. et Mme Bail, à Lyon : la<br />

misère des habitants fait pitié à voir. — Archives<br />

privées, A p. 45, note 9- 10<br />

Lettre de Marie-Félix Déléon, curé de Meyzieux, à<br />

Mélin : le prie de lui envoyer de l’eau de la Salette<br />

par l’intermédiaire de Cartellier, curé de Saint-Joseph<br />

de Grenoble. — EG 142. — Dans Annales, octobre<br />

1904, p. 68-69 (où l’auteur est cependant confondu<br />

avec son frère, C.-J. D.) 11<br />

Dessin : Apparition de la Ste Vierge à 2 enfants de<br />

la Salette. Lithographié par Pégeron, à Grenoble,<br />

pour le compte de M. Larget. — Titre d’après<br />

ADI 10-T-19. — Déclaration au dépôt légal : 13 mai. 13<br />

Au diocèse d’Avignon, guérison de Sœur Saint-<br />

Antoine Granet. 14<br />

Entrefilet du Censeur, journal de Lyon, n° 3861,<br />

p. 3b : d’après les journaux de Lille, la police a opéré<br />

des saisies. A p. 45, 58. 14<br />

Relation Gueydan-Prudhomme. 14<br />

Lettre de Mélin à Dom Orsise Carayon, abbé de la<br />

trappe d’Aiguebelle : « on a descendu plus de vingt<br />

quintaux de pierres de ces lieux vénérés ». — Archives<br />

de l'abbaye d’Aiguebelle, par Grignan, Drôme. 15<br />

Lettre du procureur général auprès de la cour royale<br />

d’Angers au Garde des Sceaux : mise en garde contre<br />

des imprimés. -— PAN BB18 1452 (3821). A p. 58. 15<br />

Lettre de Gerin à Mélin : « Monsieur Bez, votre<br />

ancienne connaissance, accompagné d'un jeune<br />

homme, va en pèlerinage à la Salette ». — EG 21. 16<br />

Relation Bez. 17<br />

Plan géométral du lieu dit Les Baisses, par Valentin,<br />

p. 87. 18<br />

Entrefilet du Patriote des Alpes, p. 3 : reproduction<br />

du doc. 154 bis, suivie d’un commentaire sur « ces<br />

misérables jongleries » dont est victime « la partie<br />

pauvre et crédule de la population » A p.45. 18<br />

Le Courrier de l'Isère, n° 4328, p. 3ab, reproduit le<br />

doc. 152 bis, d’après la Gazette de Lyon. 20<br />

PAGE<br />

49<br />

49<br />

50<br />

346


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

166. Rapport préparé au ministère de la Justice à l’intention<br />

du Garde des Sceaux. 20 57<br />

167. Lettre du procureur général auprès de la cour royale<br />

d’Angers au Garde des Sceaux : il a engagé des<br />

poursuites. — PAN BB18 1452 (3821). 21<br />

168. Lettre du Préfet de police au Garde des Sceaux : il<br />

lui envoie une lithographie vendue à Lyon. — PAN<br />

BB18 1452 (3821). / p. 44, note 2. 22<br />

169. Relation Long. 22 59<br />

Ev. Conversation entre Mélin et le greffier Giraud. 23 63<br />

170. Lettre de F. Long au procureur du roi à Grenoble. 23 63<br />

171. Lettre de Mélin à Bouvier : il le félicite pour sa<br />

réponse au Censeur ; quant à lui, il est tenu à la<br />

réserve. — EG 137. 23<br />

172. Portraits de Maximin et de Mélanie par Jules Guédy. 24 65<br />

172 bis. Lettre de Mélin à M. Dupont : il le remercie pour<br />

une offrande en faveur des deux enfants. — Tours SF.<br />

/" p. 19, note 4. 24<br />

173. Lettre de Joseph Mourier, supérieur du petit séminaire<br />

de Valence,- à l'abbé d’Aiguebelle : il est revenu<br />

convaincu de la Salette, où il a interrogé longuement<br />

les deux bergers. — Archives de l’abbaye d’Aiguebelle,<br />

par Grignan, Drôme. 24<br />

* 174. Une réponse de Maximin. av. 25 66<br />

175. Relation Lambert. 29/30 66<br />

176. Lettre de M. Dupont à Mélin : l’autorité ne montre<br />

guère d'empressement en faveur de l’œuvre réparatrice.<br />

— EG 116. — Dans Annales, juillet 1897,<br />

p. 56-58, puis de nouveau mai 1904, p. 296-298. 30<br />

Ev. Plusieurs milliers de personnes montent en pèlerinage. 31 74<br />

177. Rapport et déclaration sur la guérison de Sœur Saint-<br />

Charles. 31 74<br />

178. Attestation authentifiant la pierre de l’apparition. 31 77<br />

* 179- Les Avertissements du ciel et les fléaux de Dieu...,<br />

par Mathieu. _ 78<br />

180. Numéro vacant, affecté primitivement à la relation<br />

Rostaing.<br />

— _<br />

* 181. Apparition de la sainte Vierge à deux enfants...<br />

Metz, Dembourg et Gangel, dépôt légal : 1847.<br />

Peut-être antérieur au mois de mai. Sera réédité en<br />

1852 : cf. Bibl. C-57. ? —<br />

Juin 1847<br />

Ev. Pèlerinages. 79<br />

182. Lettre de Morel à Mathieu : réponses des enfants ;<br />

pèlerinage du 31 mai. 4 79<br />

183. Lettre du peintre Jules Guédy à Bez : il a trouvé à la<br />

Salette une pierre extraordinaire. — Dans BEZ, p. x-<br />

xi. p. 64. 5<br />

* 184. Pèlerinage à la Salette..., par Bez. ■> 81<br />

347


Répertoire des documents<br />

D o c./E v .<br />

* 184 bis.<br />

185.<br />

Ev.<br />

186.<br />

187.<br />

188.<br />

189.<br />

190.<br />

191.<br />

192.<br />

* 193.<br />

194.<br />

195.<br />

195 bis.<br />

196.<br />

196 bis.<br />

197.<br />

198.<br />

199.<br />

Relevé des notes Lagier. Date incertaine.<br />

JOUR<br />

?<br />

PAGE<br />

88<br />

Lettre de Melin à Mgr de Bruillard : le blé se vend<br />

encore 37 à 37,50 F l’hectolitre ; le lundi de la<br />

Pentecôte et le 31 mai dut mille pèlerins ont fait<br />

l’ascension. — EGD 50. — Extrait dans Annales,<br />

mars 1910, p. 314, et dans BASSETTE, p. 64. 9<br />

Guérison de Sœur Angélique Carbasse. 10 —<br />

Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : il règle la<br />

pension des deux enfants. — EG 107. 10<br />

Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : ses embarras<br />

financiers ; sollicite une aide pour son église, où se<br />

célèbrent « presque habituellement cinq, six, jusqu’à<br />

huit messes par jour ». — EGD 51. — Citée dans<br />

BASSETTE, p. 66. 11<br />

Lettre de Louis Berlioz à Mélin : il viendra à la<br />

Salette avec les enfants de chœur de la cathédrale.<br />

— EG 142. A p. 1 1 7, note 4. 11<br />

Article de la Gazette du Vaucluse sur la guérison de<br />

Sœur Saint-Charles. — Copie de l’article : EG 123.<br />

— Cité dans GlRAY I, p. 345, note 1. 12<br />

Lettre du ministre de la Justice et des Cultes à Mgr<br />

de Bruillard : il lui demande son concours pour<br />

« déjouer de coupables manœuvres ». 12 92<br />

La guérison de Sœur Prouvèze : relation, suivie d’un<br />

certificat du Dt Cade. — EG 123. — Dans Vérité,<br />

p. 115-118, et (en partie) dans GlRAY II, p. 79-80. 13<br />

Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin. 13 93<br />

Réponse de Mgr de Bruillard au ministre de la Justice<br />

et des Cultes. 7 94<br />

Récit en allemand de Hecht. 14 95<br />

Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : on demande<br />

la construction d’un oratoire. 14 96<br />

Jules Guédy, peintre. Copie d'une pierre trouvée sur<br />

la montagne de la Salette... Déclaration au dépôt<br />

légal : 15 juin. Cf. Bibl. C-33, S p. 65. 15<br />

Lettre de M. Dupont à Mélin. — EG 116. — Dans<br />

Annales, juin 1904, p. 341-343. 16<br />

Lettre de Louise Dupont, de la Tour-du-Pin, à<br />

M. Dupont : un grand vicaire de Nancy est revenu<br />

de la Salette croyant convaincu. — Tours SF, B 28. 16<br />

Lettre de Veuve Antoine Grand, à son frère, curé à<br />

Lens-Lestang, Drôme : elle a été guérie par l’eau<br />

de la Salette d'une douleur au cœur. — Copie :<br />

BMGD 11. 18<br />

Entrefilet du Patriote des Alpes, n° 1718, p. 4.<br />

A p. 97. 22<br />

Lettre de Houzelot au charron Giraud, père de<br />

Maximin : il lui envoie des médailles qu’il vient « de<br />

faire de Notre Dame de la Salette avec la S" Face,<br />

tel quelle est dessine' au café Magnan ». — Archives<br />

privées. 25<br />

348


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

200. Article du Patriote des Alpes, et lettre d’un habitant<br />

de la région. 26 97<br />

201. Lettre de Melin à Mgr de Bruillard : nouvelles du<br />

pèlerinage. — EGD 55. — Extraits dans BASSETTE,<br />

p. 70-71. 26<br />

202. Lettre de Gerin à Melin : il est prêt à collaborer à la<br />

formation des deux enfants. — EG 21. — Extraits<br />

dans Annales, novembre 1907, p. 503. 27<br />

203. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin. 28 100<br />

204. Lettre d’Auvergne à Mélin : il a remarqué « des petits<br />

vers rouges dans les épis de blé qui avoisinent<br />

Grenoble ». — EG 99- 28<br />

204 bis. Dessins de Jules Guédy. A p. 64, 65, note, et 262. 30 —<br />

Ev. Aménagement des lieux de l’apparition au cours de<br />

l'été. — 101<br />

Juillet 1847<br />

205. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : ses difficultés<br />

financières ; une jeune fille qui boitait s’est trouvée<br />

soulagée. — EGD 56. — Extraits dans BASSETTE,<br />

p. 71. 1<br />

Ev. Guérison de Sylvie Julien. Interrogatoire Mounier.<br />

Circulaire de l’évêque de Versailles. 2 101<br />

206. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : il demande des<br />

renseignements sur les guérisons rapportées dans BEZ<br />

et conseille au curé de refuser l’hospitalité aux prêtres,<br />

à quelques rares exceptions près. — EG 107. 3<br />

* 207. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : réponse au<br />

doc. 206. ap. 3 102<br />

208. Lettre de Mme (ou Mlle) Berlioz sur une guérison.<br />

— EG 128. 6 _<br />

Ev. Guérison de Paul Reynier (9-10 juillet ou 9 juin ?). 9-10 103<br />

209. Lettre de Maître, archiprêtre de Mens, à Mgr de<br />

Bruillard : « plusieurs protestants ne sont pas éloignés<br />

de croire vrai le langage des pèlerins narrateurs ». —<br />

EG 140. 10<br />

210. Lettre de Maximin à Mgr de Bruillard : remerciements.<br />

— EG 70. 11 _<br />

211. Lettre de Mme (ou Mlle) Berlioz sur une guérison.<br />

— EG 128. 13 _<br />

212. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : qu’il prenne<br />

« des notes exactes sur toutes les guérisons extraordinaires<br />

». — EG 107. 16<br />

213. Nomination de Rousselot et Orcel comme commissaires<br />

délégués. 19 103<br />

214. Lettre d’Auvergne à Mélin : envoyer à Rousselot les<br />

noms des personnes guéries. — EGD entre 58 et 59. 19 _<br />

215. Lettre de Moulin, curé de Saint-Paul-les-Monestier,<br />

à Mgr de Bruillard : il envoie un rapport sur<br />

la guérison de H. Luya, le 17 juin précédent. —<br />

EG 122. 19<br />

349


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

216. Lettre de Mgr Villecoutt, évêque de la Rochelle, à<br />

Melin : il annonce son arrivée à Corps. — EG 93. 19 _<br />

217. Relation Manin. 19 105<br />

Ev. Pèlerinage de Mgr Villecourt. 21 106<br />

218. Numéro vacant, affecté primitivement au doc. 232 bis<br />

(lettre Maurel). 21 _<br />

219. Notes de Manin sur le pèlerinage de Mgr Villecourt.<br />

— 4 pages, dans le « Registre de paroisse » du<br />

Monestier-d’Ambel (cf. l’introd. au doc. 217).<br />

Extraits copiés par Bossan en 1862 dans Relations,<br />

n° 719-724. 23<br />

220. Lettre de Mélanie à Mgr de Bruillard : remerciements.<br />

— EGD 60. — Dans Annales, novembre 1907,<br />

p. 501. 23<br />

221. Lettre de Maximin à Mgr de Bruillard : remerciements.<br />

— EGD 59- — Dans Annales, novembre<br />

1907, p. 501. 24<br />

221 bis. Lettre de M. Dupont à sa mère : l’évêque de Grenoble<br />

a été guéri par l’eau de la Salette. — Tours SF,<br />

A 15. 26<br />

Ev. Pèlerinage de M. Dupont. 27 107<br />

222. Guérison de Sœur Saint-Antoine Granet : certificat<br />

du Dr Casimir, de Bédarrides, Vaucluse ; lettre et<br />

déclaration de la sœur ; témoignage de Maurel, curé<br />

de Bédarrides. — Dans GlRAY II, p. 82-83 ; cf. aussi<br />

BMGD 12. 24-27<br />

223. Lettre de Mgr Villecourt à Mélin : il veut faire<br />

connaître la Salette. 28 108<br />

Août 1847<br />

224. Attestation de l’avocat J. Chaudon sur la guérison<br />

de Sœur Saint-Charles. — Copie : EG 122. — Extrait<br />

dans GlRAY I, p. 347. 1<br />

224 bis. Certificat du Dr Savy sur la guérison de Sylvie Julien.<br />

— EG 38. — Utilisé dans Vérité, p. 143. 1<br />

225. Lettre de Sœur Pineau à Rousselot : avant de livrer à<br />

la publicité les doc. 177 et 224, attendre que l’autorité<br />

diocésaine d’Avignon ait procédé à des informations<br />

juridiques. — EG 122. 4<br />

226. Lettre de Mgr Villecourt à Chenavas : il demande<br />

des renseignements. — EG 93. A p. 179. 4 _<br />

227. Lettre de Mme Pignet-Château à Mgr Depéry.<br />

S p . 113. _ _<br />

227 bis. Lettre signée Fernex, à un chanoine : sur le pèlerinage<br />

de Mgr Villecourt. Dans la Voix de l'Eglise, 1" septembre<br />

1847, p. 90. 4<br />

228. Relation Marmonnier. 5 109<br />

229. Lettre de Mgr Villecourt à Michon : il demande des<br />

renseignements. — EG 93. — Extraits dans Annales,<br />

septembre 1907, p. 441-442. 6<br />

350


Répertoire des documents<br />

Doc. / Ev.<br />

229 bis.<br />

*230.<br />

230 bis.<br />

231.<br />

231 bis.<br />

232.<br />

232 bis.<br />

233.<br />

234.<br />

235.<br />

Ev.<br />

236.<br />

237.<br />

238.<br />

239.<br />

240.<br />

Ev.<br />

241.<br />

242.<br />

JOUR PAGE<br />

Lettre d ’Isidore Mounier, curé de Saint-Sorlin-de-<br />

Vienne, à Mgr de Bruillard, sur la guérison de Sylvie<br />

Julien. — EG 38. — Citée dans Vérité, p. 144.<br />

6<br />

Lettre de Mgr Villecourt à Mgr de Bruillard : il est<br />

revenu de la Salette convaincu. — EG 93. — Dans<br />

Annales, septembre 1907, p. 440. vers 6<br />

Lettre de J.B. Castese, prêtre à Chiavari, diocèse de<br />

Gênes, à Mgr des Bruillard : une brochure sur la<br />

Salette a été imprimée à Gênes fin juillet. — EGD 61.<br />

— Extrait dans BASSETTE, p. 74. 7<br />

Lettre de M. Dupont à un ami. 9 110<br />

Lettre de M. Dupont à Le Pailleur. 9 110<br />

Lettre de Mgr de Bruillard à un prêtre de Gênes : sa<br />

conviction est proche de la certitude. — Dans G.<br />

FRASSINETTI, Apparizione di Maria santissima a due<br />

pastorelli delle Alpi. Roma, tip. Vaticana, 1912,<br />

p. 17. 11<br />

Lettre de Maurel, curé de Lincel, diocèse de Digne,<br />

à Mounier, curé de Saint-Sorlin-de-Vienne, sur la<br />

guérison de Sylvie Julien. — EG 38. — Extrait de la<br />

lettre dans Vérité, p. 143-144, où Rousselot la date<br />

par erreur du 21 juillet précédent. 11<br />

Lettre du curé Perrin à Mgr Villecourt sur des<br />

guérisons. — Dans VILLECOURT, p. 149-152. 12 _<br />

Lettre de Mgr Cart, évêque de Nîmes, à Mgr de<br />

Bruillard : concerne Lambert et sa relation. 13 112<br />

Lettre de Mgr Depéry à V Univers : il proteste contre<br />

la publicité faite à son nom. 14 112<br />

A Saint-Félicien, Ardèche, guérison de Mélanie<br />

Gamon. 15 113<br />

Lettre de M. Dupont au capitaine de frégate Le<br />

Bobinée : son pèlerinage à la Salette. — Dans Vie<br />

de M.D. I, p. 164-166. 16<br />

Lettre de Latta, aumônier à Pradines, Loire, à Mgr<br />

Villecourt : ses impressions de pèlerinage. — Dans<br />

Villecourt, p. 153-158. 16<br />

Lettre de Michon à Mgr Villecourt : son pèlerinage à<br />

la Salette. — Dans VILLECOURT, p. 159-165. 18 _<br />

Lettre de Châtelain, curé de Sainte-Foy-les-Lyon,<br />

Rhône, à Mgr Villecourt : il rapporte le récit de deux<br />

pèlerins. — Extrait dans VILLECOURT, p. 166-168. 19<br />

Lettre du Dr Gaston Michel, de Roquemaure, Gard,<br />

à Granet, curé de Lens-Lestang, Drôme, sur la<br />

guérison de Soeur Saint-Antoine Granet. — Copie :<br />

BMGD 14. — Extrait dans GlRAY II, p. 85-86. 20<br />

Enquête de Rousselot et Orcel à Gap, Corps et la<br />

Salette. 25-26 117<br />

Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : il a appris que<br />

les enfants se contredisent ; la permission de célébrer<br />

la messe à la Salette n ’est pas une décision doctrinale. 28 118<br />

Lettre de Mgr Villecourt à Mgr de Bruillard : sa<br />

relation est achevée. — EGD 62. — Extrait dans<br />

Annales, septembre 1907, p. 441. A p. 158. 30<br />

351


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

243. Lettre de Melin à Mgr de Bruillard : prendre des<br />

précautions avec la municipalité de la Salette-Faliavaux.<br />

31 118<br />

244. Lettre de Day à Mgr de Bruillard : il a voulu « éclaircir<br />

davantage le fait ». 31 119<br />

245. Lettre de Girin à Mgr de Bruillard : « j’ai parfois<br />

objecté pour m’éclairer ». 31 120<br />

Septembre 1847<br />

Ev. Attitude des enfants. — A la Salette, guérison de<br />

Véronique Audoyer. 1 120<br />

246. Lettre de M. Dupont à Mélin : l’affaire de Langres<br />

est terminée. — EG 116. — Dans Annales, juin<br />

1904, p. 344-345. 1<br />

247. Lettre de Bech, patron de Victorine Sauvet, au père<br />

de celle-ci : concerne la cécité de Victorine. —<br />

EG 122. A p. 145, note 3. 1<br />

247 bis. Lettre de M. Dupont à Mélin : il annonce le<br />

pèlerinage de deux Pères de Sainte-Croix. — EG 116.<br />

— Cf. Annales, juin 1904, p. 346. 2<br />

248. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : il le consulte<br />

sur une difficulté. 3 120<br />

249. Lettre d ’Elysée Reynaud, d ’Aspres-les-Corps, Hautes-<br />

Alpes, à sa tante, Mme Bail, à Villeurbanne, Rhône :<br />

l’évêque « a enfin donné l’ordre à MR le curé de<br />

Corps de solenniser ce jour » (/. e. le 19 septembre).<br />

— Archives privées. 3<br />

Ev. Maximin parle de son secret. A doc. 314 et 343. vers 4<br />

250. Lettre du maire Peytard à Mgr de Bruillard : la<br />

commune est prête à construire la chapelle. —<br />

EG 112. — Dans Annales, mars 1913, p. 311-312.<br />

21 p. 121. 4<br />

250 bis. Lettre de Morel à Mathieu : les enquêteurs ont<br />

« conclu au miracle ». — Dans la Voix de l'Eglise,<br />

1" octobre 1847, p. 127-128. A p. 158. 4<br />

251. Guérison de Soeur Angélique Carbasse : lettre d ’Aldéguier,<br />

vicaire général à Perpignan, et relation. —<br />

Dans Vérité, p. 123-126 ; GlRAY II, p. 89-91 ; cf.<br />

aussi VlLLECOURT, p. 175-178. 4<br />

251 bis. Lettre de Mélin à M. Dupont : le travail des enquêteurs<br />

a été fructueux ; le jour anniversaire, il y aura<br />

un grand pèlerinage. — Tours SF, B 28. 5<br />

252. Lettre de Mgr de Bruillard à Mgr Villecourt : il<br />

approuve la publication préparée par ce dernier. —<br />

Dans Villecourt, p. 169-170. a p. 158. 5<br />

253. Annotations de Mgr de Bruillard sur la lettre Peytard. ap. 4 12 i<br />

Ev. La fête de la Nativité à la Salette. 8 122<br />

254. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : réponse à une<br />

difficulté. 8 122<br />

352


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

255. Début de la première lettre de Marie Des Brûlais à<br />

une amie : description d’un spectacle touchant. 9 124<br />

255 bis. Journal de Marie Des Brûlais : conversation avec le<br />

guide ; description des lieux ; rencontre avec Maximin.<br />

— Dans Echo, p. 8-20. 9<br />

256. Lettre de Marie Des Brûlais à un ecclésiastique : elle<br />

se sent guérie. — Dans Echo, p. 98. 9-10 _<br />

256 bis. Journal de Marie Des Brûlais : interrogatoire de<br />

Mélanie. 10 125<br />

257. Lettre de Mgr Villecourt à Mélin : il a hâte de publier<br />

son récit. 10 126<br />

258. Suite de la première lettre de Marie Des Brûlais à<br />

une amie (doc. 255). — Dans Echo, p. 97. 10 _<br />

258 bis. Lettre de Mélin à M. Dupont : Le Mans, Nantes,<br />

Paris ont déjà envoyé des pèlerins. — Tours SF, B 28. 10 _<br />

259. Lettre de Mgr Parisis, évêque de Langres, à Mgr de<br />

Bruillard : mise en garde au sujet de l’archiconfrérie<br />

réparatrice. 11 126<br />

260. Lettre de Mme Bouasse née Lebel, 26, rue de la<br />

Harpe, Paris, à Mgr de Bruillard : se dit l’unique<br />

dépositaire du signe de l’archiconfrérie réparatrice.<br />

— EGD 68. 21 p. 129. 11<br />

261. Lettre d ’Auvergne à Mélin : il lui demande d’envoyer<br />

la relation Pra. — EG 99- 11<br />

262. Lettre de Marie Des Brûlais à un ecclésiastique. —<br />

Dans Echo, p. 99-100. 11 _<br />

262 bis. Journal de Marie Des Brûlais : entretien avec Mélanie. 12 129<br />

263. Lettre de Rousselot à Mélin : il lui demande des<br />

documents et lui conseille de prendre des notes le<br />

prochain 19 septembre. — EG 122 (dossier Marie<br />

Laurent). 12<br />

264. Lettre de la baronne de M. à Mgr Villecourt : l’eau<br />

de la Salette continue à faire des merveilles. — Dans<br />

Villecourt, p. 182-183. 12<br />

264 bis. Journal de Marie Des Brûlais : entretien avec Maximin,<br />

nouvel interrogatoire de Mélanie. 13 130<br />

265. Lettre du maire Peytard à Mgr de Bruillard : réclamation<br />

au sujet de la pierre de l’apparition. 13 131<br />

266. Guérison de Marie Laurent : certificat du Dr Calvat.<br />

— EG 122. — Dans GlRAY II, p. 68-69. 21 p. 220. 13 _<br />

266 bis. Journal de Marie Des Brûlais : interrogatoire de<br />

Maximin. 14 132<br />

267. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : il lui demande<br />

d ’accéder aux désirs du maire Peytard au sujet de la<br />

pierre et lui transmet le modèle de croix envoyé par<br />

Mme Bouasse. — EG 100. 14<br />

268. Lettre de M. Dupont à Mélin : il transmet des dons.<br />

— EG 116. — Dans Annales, août 1904, p. 16-18. 14<br />

* 269. Lettre de Mme Bouasse à un curé (Mélin ?) avec une<br />

note de recommandation de la main de Mgr Parisis.<br />

— EG 139. vers 14<br />

353


Répertoire des documents<br />

Doc./Hv. JOUR PAGE<br />

Septembre 1847 (suite)<br />

270. Journal de Marie Des Brûlais : réponses de Maximin à<br />

un jeune homme.— Dans&^o, p. 73-74. A p. 133,<br />

note 1. 15<br />

271. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : il ne craint pas<br />

les menaces du maire Peytard. 15 132<br />

271 bis. Lettre de Bech au père de Victorine Sauvet. —<br />

EG 122. A p. 145, note 2. 15<br />

272. Lettere de Mgr Villecourt à Mgr de Bruillard : il lui<br />

soumet le manuscrit de son livre. — EG 93- 15<br />

272 bis. Journal de Marie Des Brûlais : réponses de Maximin. 16 133<br />

273. Début d ’une lettre de Marie Des Brûlais à un<br />

ecclésiastique : à la Salette on respire la paix. —<br />

Dans Echo, p. 100-101. 16<br />

274. Début d ’une lettre de Marie Des Brûlais à une amie :<br />

les effets bienfaisants de l’eau de la Salette. — Dans<br />

Echo, p. 103-104. 16<br />

Ev. Les pèlerins affluent. 17 134<br />

274 bis. Journal de Marie Des Brûlais : interrogatoires de<br />

Maximin et de Mélanie. 17 134<br />

275. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin. — EG 100. —<br />

Extrait dans Annales, mars 1912, p. 309. A p. 136. 17 _<br />

276. Convocation adressée à Mélin par le juge de paix de<br />

Corps, « pour répondre à la réclamation de M. le<br />

Maire de la Salette-Fallavaux ». — EG 100. — Dans<br />

Annales, mars 1912, p. 309. 17<br />

277. Suite de la lettre de Marie Des Brûlais à un<br />

ecclésiastique (doc. 273) : les pèlerins viennent de<br />

loin. — Dans Echo, p. 101-102. 17<br />

Ev. La veille de l’anniversaire. 18 134<br />

278. Suite de la lettre de Marie Des Brûlais à une amie<br />

(doc. 274) : sermon entendu à Corps. 18 135<br />

279. Lettre de Mélin à Mgt de Bruillard : Corps est<br />

encombré de pèlerins. 18 136<br />

279 bis. Journal de Marie Des Brûlais : notes d ’interrogatoire,<br />

portrait des enfants, la toilette de la sainte Vierge. 18 136<br />

280. Suite de la lettre de Marie Des Brûlais à un<br />

ecclésiastique (doc. 277) : elle a pu jeûner sans<br />

éprouver de fatigue réelle. — Dans Echo, p. 102-<br />

103. 18<br />

Ev. La célébration du premier anniversaire. — Guérisons<br />

à Morlaix, Finistère. 19 137<br />

281. Lettre de M. Dupont à Mélin : considérations pieuses<br />

et nouvelles sur une souscription. — EG 116. —<br />

Dans Annales, octobre 1904, p. 84-85. 19<br />

281 bis. Journal de Marie Des Brûlais : réponses de Mélanie ;<br />

le caractère des deux enfants. — Dans Echo, p. 87-<br />

88, 92-94. A p. 138. 19<br />

Ev. A Blois, guérison de Joséphine Leblais. 19-20 139<br />

* 282. Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : la célébration<br />

de l’anniversaire. ap. 19 139<br />

354


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

Ev. Un ancien militaire à la Salette. 21 141<br />

283. Article du Patriote des Alpes, n° 1757, p. 2-3 :<br />

« Affaire mystérieuse. Apparition du diable et scènes<br />

nocturnes » (à Lyon), A p. 143. 21<br />

284. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : la célébration<br />

de l’anniversaire. — EG 112. A p. 142. 21<br />

285. Lettre du Maire Peytard à Mgr de Bruillard : réclamation<br />

au sujet de la pierre. — EG 100. — Extraits<br />

dans Annales, avril 1912, p. 335, 336. ? p. 149. 21<br />

286. Lettre de Dombey à Auvergne : son pèlerinage avec<br />

M. Dupont. 21 142<br />

287. Lettre de Marie Des Brûlais à un ecclésiastique : la<br />

célébration de l’anniversaire sur la montagne. —<br />

Dans Echo, p. 109-112. 22<br />

288. Lettre du préfet de l’Isère à Mgr de Bruillard :<br />

l’autorité religieuse aurait dû informer l’administration<br />

au sujet de la célébration. 23 142<br />

288 bis. Lettre de Mgr Villecourt à un ecclésiastique : « il<br />

suffit de les voir [». e. les enfants] pour être convaincu<br />

de leur témoignage ». — Dans la Voix de l'Eglise,<br />

1" novembre 1847, p. 154-155. 24<br />

289. Lettre de Gerin à Duffriche-Desgenettes : la célébration<br />

de l’anniversaire sur la montagne. — Dans<br />

Villecourt, p. 188-194. a p. 137. 24<br />

* 290. Réponse de Mgr de Bruillard au préfet de l'Isère. ap. 23 144<br />

Ev. A la Salette, guérison de Victorine Sauvet. 25 144<br />

291. « Procès-verbal [de la guérison de Victorine Sauvet]<br />

fait sur les lieux [...]. Fait à quatre copies » :<br />

déclaration de Victorine S., recueillie par le curé<br />

Perrin. — EG 122. — Liste des signataires dans<br />

Vérité, p. 140-141. A p. 144, note 1. 25<br />

292. Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : la guérison<br />

de Victorine Sauvet. — EG 122. 25 _<br />

293. Lettre du Cardinal de Bonald à Mgr Bouvier, évêque<br />

du Mans : il n ’a pu obtenir rien de bien clair. 25 146<br />

294. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : la pierre de<br />

l’apparition. 26 149<br />

294 bis. Numéro vacant. A p. 270, note 1. — —<br />

295. Déclaration de Victorine Sauvet sur sa guérison. —<br />

Copie : BMGD 15. — Dans VILLECOURT, p. 178-<br />

181. 27<br />

296. Attestation de Pra. 28 149<br />

297. Attestation de Selme. 28 151<br />

297 bis. Lettre de Mélin à M. Dupont : la célébration de<br />

l ’anniversaire sur la montagne. — Tours SF, B 28. 28 _<br />

298. Lettre de l’abbé Boissieux sur son pèlerinage. —<br />

Dans Voix de l'Eglise, 1“ novembre 1847, p. 155-<br />

156. A p. 135. 28<br />

299. J.G ., rédacteur de VEtoile du matin, à Lyon :<br />

déposition de Marguerite Jacquy sut sa guérison ; le<br />

pèlerinage du 26 septembre en action de grâces pour<br />

la guérison de Victorine Sauvet, d ’après un frère du<br />

Sacré Cœur. — Dans Apparition miraculeuse de la<br />

355


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

sainte Vierge à de jeunes bergers près de la Salette...,<br />

Lyon, bureau de YEtoile du matin, 1837, p. 32-35<br />

(PBNR 18). 28<br />

300. Guérison de Victorine Sauvet : procès-verbal par<br />

Carron, curé de Lalley ; attestation de plusieurs<br />

habitants de Lalley ; lettre de Tabardel, curé de<br />

Cordéac. — EG 122. 30<br />

301. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : le curé de Corps<br />

a la confiance de son évêque. — EG 107. 30<br />

302. Lettre de Marie des Brûlais à Mélin : remerciements<br />

pour l’accueil. — EG 116. 30 —<br />

Octobre 1847<br />

303. La Voix de l ’Eglise, 1“ octobre 1847, p. 128 : la<br />

célébration de l'anniversaire sur la montagne. 1<br />

304. Lettre de Louis Clappier, de Solliès-Pont, Var, au<br />

curé Perrin : Bech, homme « à principes religieux<br />

bien sincères », et le Dr Gués doutent de la cécité<br />

de Victorine Sauvet.— EG 122. 1-2<br />

Ev. Arrivée à la Salette d ’un prêtre auxiliaire. 2 153<br />

305. Lettre du maire Peytard à Mgr Villecourt : les<br />

interrogatoires du 20 septembre 1846. 2 154<br />

306. Attestation de la cécité de Victorine Sauvet par des<br />

habitants de Lalley. — EG 122. 2<br />

307. Lettre de M. Dupont à Mélin : Satan fait des<br />

efforts pour détruire l’œuvre contre le blasphème. —<br />

EG 116. — Dans Annales, octobre 1904, p. 87.<br />

A p. 181. 7<br />

307 bis. Lettre de Maître, curé de Mens, à Mgr de Bruillard :<br />

la guérison de Victorine Sauvet est miraculeuse. —<br />

EG 122. 8<br />

308. Attestation de Terrasson, curé de Forcalquier, diocèse<br />

de Digne, sur la guérison de Paul Reynier. — EG 38. 9<br />

* 308 bis. Anecdotes sur Maximin. ? 156<br />

309. Nouveau récit de l ’apparition, par Mgr Villecourt. 15 158<br />

310. Rapport de Rousselot à Mgr de Bruillard. 15 163<br />

311. Lettre de Mélin à Mgr Villecourt : réponses à ses<br />

questions. 17 179<br />

311 bis. Lettre de Mélin à M. Dupont : l’apparition est « toute<br />

populaire ». 19 181<br />

312. Lettre de Joachim Font, capucin, à Rousselot, sur la<br />

guérison de Sœur Saint-Charles et de Sœur Darmane<br />

(?). — EG 122. — Extrait dans GlRAY I, p. 348. 19<br />

313. Lettre du Dr Gués à Carron, curé de Lalley, sur<br />

Victorine Sauvet. — EG 122. A p. 145, note 2. 19<br />

314. Notes de l’ingénieur Dausse sur Maximin et Mélanie. 20 182<br />

* 315. Brouillon de lettre de l'ingénieur Dausse à Maximin.<br />

— BMGD 23. A p. 138, note 5. vers 21<br />

*316. Lettre de Bech à Carron, curé de Lalley. — EG 122.<br />

— A p. 145, note 2. vers 21 —<br />

356


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

317. Guérison de Mélanie Gamon : relation de la guérison<br />

par Fustier, curé de Saint-Félicien, Ardèche, et<br />

certificat du Dr Fargier-Lagrange. — Dans GlRAY I,<br />

p. 376-379. 23<br />

318. Lettre de Dubost, de Marseille, à Carton, curé de<br />

Lalley : le Dr Spitz a changé d’opinion au sujet de<br />

la maladie de Victorine Sauvet. — EG 122. Cf.<br />

Vérité, p. 136-137. 26<br />

319- Relation de plusieurs guérisons, par le curé Perrin.<br />

— EG 134. 16 et 27 _<br />

320. Lettre de l’abbé Louis Berlioz à Mélin : projets au<br />

sujet de Maximin. 28 183<br />

321. Lettre de M. Dupont à Mélin : il transmet la relation<br />

d’un fait extraordinaire (guérison de J. Leblais ?) ;<br />

au Mans, il a vu Mlle Moreau, guérie en mai. —<br />

Dans Annales, décembre 1904, p. 143-144. 28<br />

Ev. Célébration de la dernière messe de la saison sur la<br />

montagne. 29 183<br />

322. Lettre de Mme Bayer, tante de M. Bech, à Victorine<br />

Sauvet. — EG 122. — Citée dans Vérité, p. 137. 31 —<br />

Novembre 1847<br />

322 bis. La Voix de l'Eglise, 1" novembre 1847, p. 155-158 :<br />

« Anniversaire de l’apparition » (doc. 298, etc.). 1<br />

323. Lettre de Dumanoir à Maximin : qu'il se corrige de<br />

son étourderie. — EG 70. — Extrait dans Annales,<br />

juin 1907, p. 328, note 1. 2<br />

324. Lettre de Carron, curé de Lalley, à Mgr de Bruillard :<br />

concerne Victorine Sauvet. — EG 122. é p. 228,<br />

note 1. 2<br />

325. Attestations de la cécité de Victorine Sauvet, 20<br />

octobre-4 novembre 1847. — EG 122 (dossier Victorine<br />

Sauvet, n° 5-10).<br />

326. Lettre de Gerin à Mélin : la veille, en annonçant les<br />

Conférences, Mgr de Bruillard a pour la première<br />

fois parlé officiellement de la Salette. — EG 21. 4<br />

327. Lettre de convocation adressée aux curés de Grenoble. 4 184<br />

328. Lettre de Canon, curé de Saint-Paul-Trois-Châteaux,<br />

diocèse de Valence, sur la guérison de Marie Bernard.<br />

— Citée dans le doc. 310, p. 26. 5<br />

Ev. Les Conférences à l’évêché. — 185<br />

329. Lettre de Rose Reyssé, de Marseille, à son père :<br />

concerne Victorine Sauvet. — EG 122. 5 _<br />

330. Allocution de Mgr de Bruillard et règlement des<br />

Conférences. 8 187<br />

331. Lettre de Rousselot à Mélin : il rapporte des<br />

objections. 8 189<br />

* 332. Procès-verbal de la première Conférence. 8 ? 190<br />

* 333. Annotations du vicaire général Berthier à la relation<br />

Guillaud. ? 191<br />

357


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

333 bis. Lettre de Soeur Marie de Saint-Pierre à sa prieure,<br />

p . 194. 8<br />

334. Note de M. Dupont : paroles de Sœur Marie de<br />

Saint-Pierre. — Tours C. ? p. 195. 8<br />

334 bis. Lettre de M. Dupont à Mélin : paroles de Sœur<br />

Marie de Saint-Pierre ; Satan cherche à embrouiller<br />

l’affaire de Langres-Tours. 9 193<br />

334 ter. Lettre de Sœur Mayet, Supérieure des Sœurs de la<br />

Charité, à Clichy, à une religieuse de la même<br />

Congrégation, à Paris : la maladie et la guérison de<br />

Jeanne Laurent. — Copie : EG 120. — Dans V érité,<br />

p. 149-151. é p . 267, note 2. 9<br />

335. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : il lui demande<br />

d ’amener Maximin et Mélanie à Grenoble. 11 195<br />

336. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : quand on verra<br />

les enfants, les soupçons de fourberie tomberont<br />

d'eux-mêmes. — EG 107. 13<br />

337. Lettre du secrétaire de l’administration de N.D. de<br />

la Garde, à Marseille, à Carron, curé de Lalley :<br />

concerne les déclarations de Victorine Sauvet. —<br />

EG 122. p. 146. 13<br />

Ev. Présence à Grenoble de Mélin et des deux enfants. 15 196<br />

* 338. Procès-verbal de la deuxième Conférence. 15 ? 196<br />

* 339. Procès-verbal de la troisième Conférence. 16 ? 199<br />

340. Lettre du curé Perrin à Auvergne (? ) : il répond à des<br />

difficultés soulevées lors de la première Conférence. 17 201<br />

* 341. Procès-verbal de la quatrième Conférence. 17 ? 203<br />

342. Lettre et attestation de Rambaud, curé d ’Aubenasles-Alpes,<br />

diocèse de Digne, sur la guérison de<br />

Thomas Martin, en mai 1847. — EG 119. 17 et 18<br />

343. Lettre de Repelin à Rousselot : son pèlerinage à la<br />

Salette. 19 206<br />

344. Lettre du curé Perrin (écrite de la main de son frère) :<br />

réclamation au sujet de la pierre. — EG 112. 20<br />

Ev. A Avallon, Yonne, guérison d’Antoinette Bollenat. 21 208<br />

345. Lettre de Lagier à Auvergne : il répond à une<br />

difficulté soulevée lors de la première Conférence. 22 208<br />

* 346. Allocution de Mgr de Bruillard, lue lors de la<br />

cinquième Conférence. 22 209<br />

* 347. Procès-verbal de la cinquième Conférence. 22 ? 211<br />

348. Attestation du Dr Savy sur la guérison de Louise<br />

Almaric, de Saint-Michel, Alpes-de-Haute-Provence,<br />

atteinte de chlorose, guérie à la Salette fin juin 1847.<br />

— EG 119 ; cf. G ir a y II, p. 302. 23<br />

349. Lettre de Mgr Guibert, évêque de Viviers, à Mgr de<br />

Bruillard : il répond à une consultation. 23 214<br />

350. Billet de Mgr de Bruillard à Rousselot. 24 215<br />

351. Louis Veuillot : compte rendu dans Y Univers du livre<br />

de Mgr Villecourt. 26 215<br />

351 bis. Lettre de Mélin à M. Dupont : jusqu’ici les conclusions<br />

du rapporteur ont été admises par la commission.<br />

— Tours SF, B 28. 26<br />

358


Répertoire des documents<br />

Doc. /Ev.<br />

352.<br />

353.<br />

354.<br />

*355.<br />

356.<br />

357.<br />

358.<br />

359.<br />

* 360.<br />

361.<br />

362.<br />

363.<br />

JOUR PAGE<br />

Annotations du curé Perrin aux attestations de Pra<br />

et de Selrae.<br />

27<br />

216<br />

Lettre du curé Perrin à Dumanoir : une inexactitude<br />

dans l’attestation de Pra. 27 217<br />

Article du Siècle, n° 5036, p .l bc, « Les saints et les<br />

miracles de notre temps » : sur un ton mi-sérieux<br />

mi-badin résume l’article paru la veille dans l'Univers. 27<br />

Lettre de Mgr de Bruillard à Mgr Naudo, archevêque<br />

d ’Avignon : il demande une copie de l’enquête et<br />

du mandement que Mgr Naudo avait promis de<br />

préparer sur la guérison de Soeur Saint-Charles. —<br />

Brouillon : EG 122. — Extraits : GlRAY I, p. 349-<br />

350, note 5. av. 29<br />

Entrefilet de la Gazette de France ; l’Univers se laisse<br />

entraîner à des exagérations. 29 218<br />

Article du Conservateur. — Cité dans la Gazette de<br />

France du lendemain 30 novembre, p. 3b.<br />

/" doc. 362. 29<br />

Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : la guérison de<br />

la femme Laurent est connue de tous. 29 219<br />

Procès-verbal de la guérison de Henriette Luya, le<br />

17 juin 1847, par Moulin, curé de Saint-Paui-les-<br />

Monestier. — EG 122. 29<br />

Procès-verbal de la sixième Conférence. 29 ? 220<br />

Déclarations et témoignages concernant Victorine<br />

Sauvet. — EG 122. 29 et 30 _<br />

Entrefilets de Y Univers : réponses à la Gazette et au<br />

Conservateur. 30 221<br />

Lettre de Champeau : la guérison de Mlle Moreau<br />

n ’est pas miraculeuse. — Citée dans doc. 310, p. 26. 30 —<br />

Décembre 1847<br />

364.<br />

365.<br />

366.<br />

367.<br />

368.<br />

368 bis.<br />

369.<br />

Lettre de Mgr Villecourt à Mgr de Bruillard : il<br />

publiera un mandement contre le blasphème et la<br />

profanation du dimanche. — EG 93. 1<br />

Lettres de Terrasson, curé de Forcalquier, diocèse de<br />

Digne, à son évêque et à Rousselot : sur les guérisons<br />

de Paul Reynier, Almaric, Thomas Martin, etc. —<br />

EG 119. ? p. 232, note 1. 1<br />

Article et entrefilet de la Voix de l'Eglise : il n’est<br />

plus permis à un catholique d'élever des doutes sur<br />

la Salette. 1<br />

Lettre de Dupont à Mélin. 2 223<br />

Lettre de Rousselot à Mélin : il insiste pour que<br />

Mélin dresse le procès-verbal de la guérison de Marie<br />

Laurent. — EG 122. — Extraits dans GlRAY I, p. 34-<br />

35. 4<br />

Rapport du Dr Gagniard sur la guérison d'Antoinette<br />

Bollenat. 4 224<br />

Procès-verbal de la septième Conférence. 6 ? 227<br />

359


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

Ev. A Avallon, Yonne, guérison de Pierrette Gagniard. 8 229<br />

370. Lettre pastorale de Monseigneur l'Evêque de Grenoble,<br />

pour l'établissement de l'association réparatrice.<br />

Grenoble, impr. J. Baratier, 12 pages. Minute : EG,<br />

registre des Mandements, p. 134-141. é p. 238,<br />

note 1. 8<br />

371. Lettre de Melin à Mgr de Bruillard : la pierre « est<br />

encore à la cure de Corps, et tant qu’il n ’y aura<br />

pas de chapelle autorisée, elle est aussi bien là<br />

qu’ailleurs ». —• EG 96. 9<br />

372. Lettre du maire Peytard à Rousselot : il répond à des<br />

questions. 9 229<br />

373. Lettre de Simon Cattet à Michon. — EG 9- A p. 148,<br />

note 2. 9<br />

374. Lettre de Mélin à Rousselot. — EG 122 (dossier<br />

Victorine Sauvet). — é p. 228, note 2. 11<br />

*374 bis. Manuscrits Lagier, n° 6 et 7. > 230<br />

* 375. Notes et récits extraits des notes Lagier. ? 230<br />

* 376. Première révision du rapport Rousselot. é p. 164. t 232<br />

* 377. Notes sur la huitième Conférence. 13 ? 235<br />

378. Lettre de Lambert à Rousselot. — EGD 48. 17 —<br />

378 bis. Lettre de Rousselot à Mélin : on parle d ’un miracle<br />

arrivé à Avallon. — Citée dans GlRAY I, p. 195. 18<br />

379. Lettre de Mgr Parisis à Y Univers : il proteste contre<br />

l’agitation autour de l’œuvre réparatrice. 20 237<br />

380. Petit abrégé..., par Sœur Marie de Saint-Pierre.<br />

é p. 193, note 1. 25<br />

381. Lettre de Mélin à M. Dupont, qui vient de perdre sa<br />

fille. — Tours SF, B 28. 26<br />

382. Guérison de Marie Laurent : procès-verbal dressé par<br />

Mélin. — EG 122. — Dans GlRAY II, p. 70-72.<br />

é p. 220, note. 31 —<br />

Janvier 1848<br />

383. « Association réparatrice », dans la Voix de l ’Eglise,<br />

1" janvier 1848, p. 206-207 : protestation contre la<br />

lettre de Mgr Parisis à YUnivers. é doc. 379- 1<br />

384. Lettre de Marie Des Brûlais à Maximin et à Mélanie.<br />

— EG 116. 1<br />

385. Lettre de G. Reynaud, d ’Aspres-les-Corps, à sa<br />

tante : « Monseigneur de Grenoble est sur le point<br />

d ’approuver la dévotion à Notre-Dame de la Salette ».<br />

— Archives privées. 2<br />

386. Lettres de Sœur Marie de Saint-Pierre sur l’archiconfrérie<br />

de Langres : Notre Seigneur veut qu’on obéisse<br />

à l’autorité ecclésiastique, é p. 24-25, notes 14 et<br />

15.<br />

387. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : la « grande œuvre<br />

[...] prend chaque jour un nouvel accroissement ».<br />

EG 107. 5<br />

360


Répertoire des documents<br />

Doc. /Jgv. JOUR PAGE<br />

388'. Billet de Mgr de Bruillard à Cartellier : qu’il fasse<br />

connaître ses difficultés au sujet des enfants. —<br />

BMGC 44. s doc. 389. 8<br />

389. Lettre de Cartellier à Mgr de Bruillard : il a déjà dit<br />

ce qu’il avait à dire. 9 238<br />

390. Billet de Mgr de Bruillard à Cartellier : s’il continue<br />

son système d ’opposition, il est dans une mauvaise<br />

voie. 11 239<br />

391. Lettre de Cartellier à Mgr de Bruillard : il ne fait<br />

point d ’opposition. — EG 88. Brouillon : BMGC 47.<br />

? p. 240. 14<br />

392. Lettre des abbés Perrin à Orcel : mise en garde contre<br />

un soldat qui se prétend guéri miraculeusement. —<br />

EG 9. — Extrait dans GlRAY I, p. 36. ? p. 141. 18<br />

393. Lettre des abbés Perrin à Mgr de Bruillard : guérisons<br />

dans l’archidiocèse de Sens (Louise Boblin, Pierrette<br />

Gagnard) et à Clichy (Jeanne Laurent). — EG 119. 20<br />

Ev. Décès de Marie Court, marâtre de Maximin. 24 240<br />

394. Lettre de Mélin à Rousselot : il a reçu un document<br />

important. — EG 128. 24 _<br />

* 395. Lettre de Mgr de Bruillard au cardinal de Bonald :<br />

réponses aux objections. ? 240<br />

* 396. Une réponse de Maximin. ? 246<br />

* 397. Deuxième révision du Rapport Rousselot. é p. 164. ? —<br />

*398. Projet de jugement doctrinal et de circulaire. ? 246<br />

*399. Relation d’un pèlerinage fait en mai 1847. av. fév. 248<br />

*400. Relation d’un pèlerinage fait en juin 1847. av. fév. 248<br />

*401. Hommage à Marie. Souvenirs intimes d ’un pèlerinage,<br />

par Arbaud. av. fév. 250<br />

Février 1848<br />

Ev. Evénements de février-mars-avril : la révolution de<br />

février et ses suites ; reprise des pèlerinages et<br />

institution de la neuvaine perpétuelle. 265<br />

402. Lettre envoyée à Arbaud de Corps : les enfants<br />

persévèrent dans leurs affirmations et continuent à<br />

garder le secret ; après le 19 septembre, il y a eu des<br />

foules de 1 000 à 1 500 personnes. — Dans ARBAUD,<br />

p. 123-124. 5<br />

* 403. Résumé du Rapport Rousselot, de la main de Dausse.<br />

— BMGD 16. ?<br />

404. Lettre de Mgr Villecourt à Mgr de Bruillard : il<br />

communique le récit d ’une guérison venant de<br />

s’opérer à Autun (guérison de Françoise Dufraigne ?<br />

— EG 134 ; cf. Vérité, p. 228). — EG 93. 12<br />

*405. Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : depuis le<br />

15 février, presque tous les jours des personnes font<br />

l’ascension, malgré plusieurs pieds de .neige ; des<br />

lettres arrivent de la France entière. — Extrait dans<br />

Vérité, p. 235-236. ap. 15<br />

361


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev.<br />

Mars 1848<br />

JOUR<br />

PAGE<br />

Ev.<br />

406.<br />

407.<br />

408.<br />

408 bis.<br />

409.<br />

410.<br />

411.<br />

412.<br />

Voir p. 265. —<br />

Lettre d ’Edward Geo. Kirwan Browne à Mgr de<br />

Bruillard : il a traduit en anglais l’opuscule de Mgr<br />

Villecourt ; le bruit court en Angleterre que l’autorité<br />

épiscopale a rejeté la Salette. — EG 140. 1<br />

Lettre de Mgr de Bruillard au curé Perrin : il approuve<br />

la « neuvaine perpétuelle ». — Citée dans PERRIN,<br />

n° 170. 13<br />

Lettre de Rousset Pomaret, capitaine du génie à<br />

Bayonne, à Rousselot : il rapporte les objections d ’un<br />

pasteur protestant allié à sa famille et envoie une<br />

brochure (Bibl. F-2 ?). — EG 38. 14<br />

Lettre de Pierre Marche, curé à Saint-Dizier, diocèse<br />

de Langres, au curé Perrin : il rapporte une guérison.<br />

Dans GlRAY II, p. 97-100. /" page 127, note 4. 15<br />

Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : il remercie<br />

l’évêque d ’avoir autorisé la célébration de la messe à<br />

la chapelle de la montagne et signale une guérison<br />

arrivée à Arcis-sur-Aube, Aube. — EG 112. — Extrait<br />

dans Annales, avril 1913, p. 331 (sous une date<br />

inexacte). 16<br />

Lettre des frères Perrin à Mgr de Bruillard : la<br />

neuvaine perpétuelle, approuvée par Monseigneur,<br />

vient d ’obtenir une guérison. — EG 112. — Extrait<br />

dans Annales, avril 1913, p. 333. ? p. 127, note 4. 22<br />

Lettre envoyée à Arbaud de Corps : la Salette et les<br />

événements politiques. 28<br />

Lettre de Mélin à M. Dupont : l’ordre n’a pas été<br />

troublé à Corps. — Tours SF, B 28.


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

Mai 1848<br />

Ev.<br />

Début de la confrérie de N.D. Réconciliatrice. —<br />

Retour à la Salette de la pierre de l’apparition. 270<br />

417 bis. Registre de la confrérie de Notre Dame de la Salette.<br />

— Sanctuaire de la Salette, archives. ? p. 270,<br />

note 3. 1<br />

418. Requête adressée à Mgr de Bruillard par le conseil<br />

de fabrique de la paroisse de la Salette : que l'autorité<br />

épiscopale, essentiellement compétente en cette<br />

matière, prenne en considération la réclamation<br />

concernant la pierre de l’apparition. — EG 100. —<br />

Dans Annales, juin 1912, p. 13-15. 3<br />

419- Lettre des frères Perrin à Mgr de Bruillard : la position<br />

de Mélin au sujet de la pierre n ’est pas tenable. —<br />

EG 100. — Dans Annales, juin 1912, p. 11-12. 3<br />

Ev. Première communion de Maximin et de Mélanie. 7 —<br />

420. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : « ce n’est<br />

point là une question de pierre, mais de sordide<br />

centralisation du fait tombé du ciel ». — EG 100.<br />

— Extrait dans Annales, juin 1912, p. 15-16. 8<br />

421. Lettre de Mgr de Bruillard au curé Perrin : le curé<br />

de Corps tient la pierre à la disposition des paroissiens<br />

de la Salette. — EG 100. — Extrait dans Annales,<br />

juin 1912, p. 16. 10<br />

422. Reçu signé par les membres du conseil de fabrique<br />

et du conseil municipal de la Salette : Mélin a rendu<br />

la pierre. — EG 100. — Dans Annales, mars 1899,<br />

p. 300. 12<br />

Ev. Troubles à Paris. Voir p. 270. 15 —<br />

423. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : il a cédé la<br />

pierre, tout en refusant le dédommagement qu’on<br />

lui offrait. — EG 100. — Extrait dans Annales,<br />

juillet 1912, p. 57-58. 19<br />

424. Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : il demande<br />

l ’autorisation de faire à la montagne des célébrations<br />

publiques. 20 271<br />

425. Attestation de l’authenticité de la pierre, par Mélin.<br />

— EG 100. — Extrait dans Annales, juillet 1912,<br />

p. 58. 25<br />

425 bis. Lettre d ’érection de la confrérie de Notre-Dame de<br />

la Salette. A p. 270. 31 —<br />

426.<br />

Juin 1848<br />

Journal de Dupanloup : son pèlerinage à la Salette. 6-9 271<br />

427. Lettre de Dupanloup à Du Boÿs : interrogatoire des<br />

deux enfants. 11 272<br />

363


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

Ev. Passage d’un inspecteur de l’enseignement primaire<br />

à Corps. 14 ? 285<br />

428. Autorisation de Mgr de Bruillard, permettant la<br />

publication du Rapport Rousselot. 15 286<br />

429. Lettre des vicaires capitulaires d ’Avignon à Rousselot :<br />

l’archevêque (décédé le 29 avril) était persuadé du<br />

caractère miraculeux de la guérison de Sœur Saint-<br />

Charles. — EG 122. — Dans GlRAY I, p. 350-351. 23<br />

* 430. Récit de Maximin tiré de Lambert. — Peut-être<br />

antérieur à juin. é p. 67, note 5. ?<br />

Ev. Mgr Affre, archevêque de Paris, est blessé mortellement<br />

d ’une balle. 25 287<br />

431. Patois de Mélanie par Lagier. 25 287<br />

432. Lettre des frères Perrin à Mgr de Bruillard : nouvelles<br />

de guérisons et de pèlerinages. 26 289<br />

433. Lettre de Cari Winderman, professeur à l'université<br />

de Bâle, à Rousselot : il voudrait traduire en allemand<br />

le récit de Rousselot, annoncé dans les journaux. —<br />

EG 122. — Dans Nouveaux documents, p. 100-101. 26 —<br />

Juillet 1848<br />

Ev. Pseudo-apparition au Périer. 290<br />

434. Lettre du curé Perrin à Rousselot : sur « l’apparente<br />

contradiction » signalée par Dupanloup. 6 290<br />

435. Lettre de Rousselot à Cari Winderman : la Vérité est<br />

sous presse. — Note inscrite sur le doc. 433 : EG 122. 11 _<br />

436. Lettre de Mélin à Dupont : les enfants demeurent<br />

calmes au milieu de la tempête. 11 291<br />

437. Lettre des frères Perrin à Rousselot : ils envoient<br />

la copie d'une lettre adressée par une demoiselle<br />

d ’Avallon (Yonne) à une amie d ’Autun, datée<br />

du 11 décembre 1847 et concernant les guérisons<br />

d'Antoinette Bollenat, Pierrette Gagnard et Louise<br />

Boblin. — EG 134 (lettre Perrin et copie de la lettre<br />

d ’Avallon). 12<br />

438. Lettre de Ferrucci, agent ecclésiastique à Rome, à<br />

Auvergne : il a fait lire aux messieurs de la Congrégation<br />

des Rites l'imprimé sur la Salette ; ils estiment<br />

que le livre de Rousselot fera du bien. — EG. 13<br />

*439 Dessin et journal de Marie Bolland : son pèlerinage<br />

du 16 juillet. 16 ? 292<br />

440. Lettre d ’Auvergne à Mélin : questions sur les secrets<br />

et la source. 18 294<br />

441. Lettre de Mélin à Auvergne : réponse aux questions<br />

posées. 19 295<br />

442. Lettre de Terrasson, curé de Forcalquier, diocèse de<br />

Digne, à Rousselot : concerne plusieurs guérisons. —<br />

EG 119. 21<br />

443. Lettre de Rousselot à Mélin : il prépare un abrégé<br />

de son livre. — EG 68. 30<br />

3 64


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

Août 1848<br />

444. Lettre du curé Perrin à Rousselot : les pèlerins<br />

sont moins nombreux, mais beaucoup d'entre eux<br />

participent aux sacrements ; dans la chapelle provisoire,<br />

on a célébré jusqu’à dix messes en un jour. 1<br />

445. Lettre de Rousselot à Mélin : son livre sera disponible<br />

avant le 15. — EG 68. 2 _<br />

446. Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard. — EG 137.<br />

A p. 291, note 1. 6 _<br />

447. La Vérité sur l'événement de la Salette, par Rousselot. 6 295<br />

Ev. Bénédiction de la croix du Planeau. 15 299<br />

448. Lettre d ’Auvergne à Mélin : la Vérité a été tirée à<br />

2 000 exemplaires. — EG 99- 16 _<br />

449. Lettre de Rousselot à Pie IX. A p. 303. 18-19 —<br />

450. Lettre de Mgr Depéry, évêque de Gap, à Mgr de<br />

Bruillard : il a reçu le livre de Rousselot. 20 299<br />

451. Lettre d ’un évêque (Mgr Devie, év. de Belley ? —<br />

Cf. doc. 455) à Mgr de Bruillard : il félicite ce dernier<br />

d ’avoir approuvé le livre de Rousselot. — Extrait<br />

dans Nouveaux documents, p. 96-97. 20<br />

452. « Extrait du plan cadastral parcellaire de la commune<br />

de la Salette et [sic] Fallavaux ». A p. 304-305. 21 _<br />

453. Entrefilet du Patriote des Alpes, n° 1902, p. 3-4 : le<br />

dimanche précédent, on a vendu à Grenoble « les<br />

oraisons et les lettres miraculeuses trouvées àjérusalem<br />

ou au St-Sépulcre, et écrites de la propre main de<br />

Jésus-Christ [...] A voir toutes ces histoires de miracles<br />

de la Salette et d’ailleurs [...] nous en sommes encore<br />

en 1815 ». 22<br />

454. Lettre du bienheureux Eugène de Mazenod, évêque<br />

de Marseille, à Mgr de Bruillard : le remercie de lui<br />

avoir envoyé le livre de Rousselot. — EG 14. —<br />

Extrait dans Nouveaux documents, p. 97-98. 22<br />

455. Lettre d'Auvergne à Mélin : demande des renseignements<br />

; l’évêque de Belley a écrit à Monseigneur. —<br />

EG 99. — Extrait dans GlRAY I, p. 164. A p. 304. 23<br />

456. Lettre de Rousselot à Mélin : lui recommande Mr<br />

Edom, recteur d’académie. — EG 68. 25 _<br />

457. Lettre de Mgr Villecourt, évêque de la Rochelle, à<br />

Mgr de Bruillard : il le remercie de lui avoir envoyé<br />

le livre de Rousselot. — EG 93. — Extrait dans<br />

Vérité, p. 32. A p. 297. 25<br />

458. Lettre de Bez à Rousselot : il félicite l’auteur et fait<br />

une remarque rectificative à propos de son propre<br />

livre. — EG 9. A p. 51. 27 ou 29<br />

459. Lettre de Mgr Chatrousse, évêque de Valence, à<br />

Rousselot : il félicite l’auteur et annonce qu’il a fait<br />

procéder à des enquêtes sur des apparitions qui<br />

auraient eu lieu dans son propre diocèse en mars<br />

1848. — EG 14. — Extrait dans GlRAY I, p. 100.<br />

A p. 290. 31<br />

365


Répertoire des documents<br />

Doc. / Ev.<br />

Septembre 1848<br />

JOUR<br />

PAGE<br />

460.<br />

461.<br />

462.<br />

463.<br />

464.<br />

Ev.<br />

465.<br />

Ev.<br />

466.<br />

Ev.<br />

Ev.<br />

467.<br />

Ev.<br />

* 468.<br />

469.<br />

470.<br />

471.<br />

472.<br />

Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : le service<br />

du pèlerinage entraîne des charges. — EG 112. —<br />

Extraits dans A finales, avril 1913, p. 333-334. 1<br />

Lettre de Mgr Billiet, archevêque de Chambéry, à<br />

Rousselot : il a fait parvenir un exemplaire de son<br />

livre au roi Charles-Albert. — EG 80. 2<br />

Lettre de Mgr Césaire Mathieu, archevêque de Besançon,<br />

à Mgr de Bruillard : il voyait encore des<br />

« nuages sur des points accessoires : mais l’ouvrage de<br />

M. Rousselot les a dissipés ». — EG 122. — Extrait<br />

dans Nouveaux documents, p. 98. é p. 48. 6<br />

Lettre du même à Rousselot : il le félicite pour<br />

son livre.— EG 123. — Extrait dans Nouveaux<br />

documents, p. 98. 6<br />

Lettre de Ferrucci, agent ecclésiastique à Rome, à<br />

Auvergne : il a remis un exemplaire de la Vérité au<br />

Sacriste de Sa Sainteté. — EG. 7<br />

La fête de la Nativité à la Salette. 8<br />

Lettre de Mgr Guibert, évêque de Viviers, à Mgr de<br />

Bruillard : il donne son avis et invite l’évêque de<br />

Grenoble à confier le service du pèlerinage à une<br />

communauté. 8<br />

Pèlerinage de Lemeunier. 10<br />

M.anuel du pèlerin à Notre-Dame de la Salette, par<br />

Rousselot. Grenoble, A. Carus, Baratier frères et fils.<br />

108 pages. Déclaration au dépôt légal : 10 septembre.<br />

é Bibl. H-l. 10<br />

Travaux à la source de l’apparition. vers 15<br />

A Morlaix, Finistère, bénédiction de la première<br />

chapelle construite en l’honneur de Notre-Dame de<br />

la Salette. 18<br />

Attestation de l’authenticité de la pierre de l’apparition,<br />

par Auvergne. — Dans PERRIN, n ' 681, et<br />

Annales, mars 1899, p. 301. /" p. 302. 18<br />

La célébration du deuxième anniversaire de l'apparition.<br />

19<br />

« Dessin de la montagne de la Salette telle qu’on la<br />

voit en se plaçant sur le planeau de cette montagne<br />

au sud. » EG 99- p. 304-306. ?<br />

Lettre de Pie IX à Rousselot. 20<br />

Lettre de Mgr Cart, évêque de Nîmes, à Mgr de<br />

Bruillard : remerciements et voeux. — EG 93. (Peutêtre<br />

de décembre et non de septembre.) 21<br />

Lettre de Ferrucci, agent ecclésiastique à Rome, à<br />

Auvergne : concerne la réponse de Pie IX à Rousselot.<br />

— EG. 21<br />

Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : sur les<br />

fêtes du 8 et du 19 septembre. — EG 112. — A<br />

l’exception de la fin, dans Annales, avril 1913,<br />

p. 334-338. /” p. 302-303. 25<br />

300<br />

300<br />

301<br />

301<br />

301<br />

302<br />

303<br />

366


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

473. Lettre de Mgr Monier de Prilly, évêque de Châlonssur-Marne,<br />

à Mgr de Bruillard : remerciements pour<br />

le livre de Rousselot sur l’apparition, à laquelle il<br />

croit « très fermement ». — EG 93. — Extrait dans<br />

Nouveaux documents, p. 100, et GlRAY I, p. 135. 27<br />

474. Numéro vacant. — —<br />

Octobre 1848<br />

475. Compte-rendu de la Vérité, dans la Gazette de Lyon,<br />

n° du 1" octobre 1848. — Reproduit dans Nouveaux<br />

documents, p. 66-70. 1<br />

476. Lettre de Gerin à Dausse : « Il y a eu cette année à<br />

Notre-Dame de la Salette, à l’époque de l'anniversaire,<br />

un mouvement de quinze mille pèlerins ». —<br />

Dans DAUSSE, p. 124-125. 2<br />

477. Lettre de Mgr Cart, évêque de Nîmes, à Mgr de<br />

Bruillard : remerciements pour le livre de Rousselot.<br />

— EG 93. 6<br />

478. Plan du lieu de l’apparition et portraits des deux<br />

bergers. — Lithographie. 10 304<br />

478 bis. Voix de la vérité : garder la réserve sur l’apparition<br />

tant que l'Eglise ne s’est pas prononcée. — Citée<br />

dans Réponse, p. ii. 14<br />

479. Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : depuis le<br />

19 septembre il y a eu « peu de voyageurs, mais<br />

distingués la plupart par leur rang et leur tendre<br />

piété». — EG 112. — Extrait dans Annales, avril<br />

1913, p. 339. 16<br />

480. Lettre de Rousselot à Mélin : il demande des renseignements<br />

en vue d'une 2îmt édition de la Vérité. —<br />

Citée dans GlRAY I, p. 33-34. 20<br />

481. Entrefilet du Patriote des Alpes, n° 1929, p. 3 : cite<br />

le Peuple souverain, selon qui Mgr de Bruillard<br />

aurait l’intention de démissionner en raison de ses<br />

infirmités. 22<br />

482. Lettre de J.A. Giraud à Rousselot : la « dévotion à<br />

N.D. de la Salette est très-connue à Brighton » en<br />

Angleterre. — EG 127. 24<br />

483. Lettre du curé Perrin à Rousselot : travaux aux lieux<br />

de l’apparition. 29 306<br />

* 484. Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : travaux à<br />

la source de l’apparition. ? 307<br />

Novembre 1848 -<br />

485. Lettre de Desnoyer, vicaire général à Orléans, au<br />

secrétaire de l’évêché de Grenoble : il a entendu<br />

parler d'une nouvelle apparition à l’un des deux<br />

bergers. — EG 122. 6<br />

367


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

486. Office divin de Notre-Dame de la Salette, par<br />

Bouvier. 10 309<br />

Ev. Célébration de la dernière messe de la saison à la<br />

chapelle de la montagne. A Rome, assassinat du<br />

ministre Rossi. 15 309<br />

487. Lettre de Mélin à M. Dupont : il lui envoie des livres<br />

et le portrait des enfants. — Tours SF, B 28. 15 _<br />

Ev. Pie IX s’enfuit de Rome. 24 —<br />

488. Lettre du curé Perrin à Rousselot : il transmet le récit<br />

de la guérison de Mélanie Duvey. — EG 112. 30 —<br />

Ev.<br />

Décembre 1848<br />

Louis-Napoléon est élu président de la République.. 10-11 312<br />

489. Lettre de Mgr Mioland, évêque d ’Amiens, à Rousselot<br />

: la lecture de son livre Ta singulièrement édifié ;<br />

il informe sur une guérison attribuée à N.D. de la<br />

Salette dans son diocèse. — EG 119- 21<br />

490. Lettre d ’Auvergne à Mélin : comptes de librairie. —<br />

EG 99- 28<br />

*491. Pèlerinage à la Salette, canton de Corps (Isère), au<br />

mois de septembre 1848, par Julien Lemeunier.<br />

Séez, impr. J. Valin, 108 pages. — Cf. Bibl. A-7.<br />

S p. 301. ? —<br />

368<br />

492.<br />

Janvier 1849<br />

Lettre du curé Perrin à Tesson, des Missions étrangères<br />

de Paris : déjà plus de 80 guérisons sont venues à sa<br />

connaissance ; la confrérie compte 6 000 inscrits. —<br />

BMGC 22. 2<br />

493. Lettre de Mgr de Bruillard à Bouvier. — Brouillon :<br />

EG 123. p. 309. 8 _<br />

494. Lettre du même à l’imprimeur Baratier. — Brouillon :<br />

EG 123. /" p. 309. 8 _<br />

495. Lettre du curé Perrin à Lemeunier : son registre<br />

contient déjà 90 miracles « bien constatés » ; il<br />

demande à son correspondant de propager la confrérie.<br />

— Dans J. LEMEUNIER, Pèlerinage à la Salette,<br />

3-éd., Séez, J. Valin, 1849, p. 106-107. 20<br />

496. Lettre du curé Perrin à Mgr de Bruillard : après la<br />

parution du livre de Rousselot, les populations ont<br />

multiplié neuvaines et autres prières ; depuis le 19<br />

septembre, on lui a signalé quinze guérisons, dont<br />

quatre dans la Sarthe ; les personnages les plus<br />

distingués se font inscrire à la « confrérie de Notre<br />

Dame réconciliatrice de la Salette » ; il existe à la<br />

Salette une confrérie de pénitents et pénitentes. —<br />

EG 112. 21


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev.<br />

497.<br />

498.<br />

499.<br />

500.<br />

JOUR<br />

Lettre de Colomb de Gast à Melin : rapporte un ouïdire<br />

sur le secret de Maximin. 24<br />

Lettre de Fouqueré, du Mans, à Melin : la Vierge a<br />

apparu à Cholet à quatre filles de 12 à 14 ans ; elle<br />

annonçait des fléaux et pleurait. — EG 67. 25<br />

Lettre des frères Perrin à Mgr de Bruillard : ils ont<br />

reçu des dons pour la construction de la chapelle. —<br />

EG 112 (les signatures manquent). — Extrait dans<br />

Annales, octobre 1913, p. 153-154. 31<br />

Lettre des frères Perrin à Rousselot : le père Eymard<br />

a annoncé la guérison de Mlle Guillot (cf. GlRAY I,<br />

p. 390-410) ; le portrait des enfants est fidèle ;<br />

Monseigneur n’a pas encore approuvé la confrérie<br />

officiellement. — EG 112. A p. 306. 31<br />

PAGE<br />

312<br />

501.<br />

502.<br />

503.<br />

504.<br />

505.<br />

506.<br />

507.<br />

508.<br />

509.<br />

510.<br />

Ev.<br />

511.<br />

512.<br />

Février 1849<br />

Lettre d ’E. Boujalliat (?) à Mélin : la religieuse de la<br />

Médaille miraculeuse aurait fait le voyage de Paris à<br />

la Salette. 3<br />

Lettre de Louis Veuillot au curé Perrin : il le remercie<br />

de lui avoir envoyé de l’eau de la Salette. — Dans<br />

Annales, mars 1885, p. 343-344. 6<br />

Lettre du Père Joseph Nin, cordelier : la dévotion à<br />

N.D. de la Salette aux Baléares. — EG 67.<br />

Lettre de Mère Gramagnac à Mélin : bruits au sujet<br />

du secret de Maximin. 8<br />

Lettre d ’Auvergne à Mélin : il lui demande s’il<br />

enverra Maximin au séminaire et quand. — EG 99- 9<br />

Lettre de Rousselot à Mélin : il prévoit une 2'm'<br />

édition de son livre avant la fin de l’année. —<br />

EG 68. 10<br />

Lettre de Fouqueré, du Mans, à Mélin : renseignements<br />

sur Louis XVII. — EG 67. A p. 312, note 3. 12<br />

Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : il aurait voulu<br />

parler avec Mélin au sujet des deux enfants. —<br />

EG 107. 13<br />

Rapport du vicaire général Chanveau sur les guérisons<br />

d’Avallon. 20<br />

Lettre d’Edouard Dézobeaux, de Saint-Servan, Illeet-Vilaine,<br />

à M. Dupont : il a été guéri le 23 janvier<br />

précédent après avoir bu de l’eau de la Salette. —<br />

Tours SF, B 28. 22<br />

Décès du père de Maximin. 23<br />

Lettre de Mélin à Mgr de Bruillard : «Je souhaite<br />

que l’essai que vous faites de Maximin pour le latin<br />

soit couronné de succès. C’est une grande charité de<br />

votre part qui vous a fait entreprendre une telle<br />

oeuvre. » — EG 107. 24<br />

Lettre de Marie Des Brûlais à Mélin : elle le remercie<br />

de lui avoir envoyé le portrait des enfants. — EG 116.<br />

A p. 306. 25<br />

313<br />

314<br />

314<br />

369


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

513. Lettre de Melin à M. Dupont : « on crie vers la S"<br />

montagne de toutes les parties de l’Europe » ; il y a<br />

eu des guérisons à Cambrai et dans le Var. — Tours<br />

SF, B 28. 25<br />

514. Lettre de Gerin à Melin : « je n ’entends plus rien<br />

dire de la part des opposants ». — EG 21. 27<br />

515. Prospectus de la Vérité. — EG 68. 28 —<br />

515 bis. Lettre d’E. Boujalliat (?) à Mélin : à Blois on aime<br />

les médailles de la Salette. — Extraits dans Annales,<br />

décembre 1904, p. 144-145. A p. 313. 28 —<br />

Mars 1849<br />

516. Mandement de Mgr Jolly, archevêque de Sens, sur la<br />

guérison d ’Antoinette Bollenat. 4 319<br />

517. Lettre du curé Perrin à Lemeunier : * déjà chaque<br />

jour nous voyons arriver des pèlerins qui viennent de<br />

très-loin ». — Dans J. LEMEUNIER, Pèlerinage à la<br />

Salette en septembre 1848, 8.éd., Plancy, Société de<br />

Saint-Victor, 1851, p. 106-107. 16<br />

518. Lettre d ’E. de Leudeville à Mélin : le secret pourrait<br />

être lié aux destinées de la France. 17 320<br />

519. Lettre de Faivre, curé de la Grand-Combe-des-Bois,<br />

Doubs, à Rousselot (originaire de cette paroisse) : sur<br />

la demande de Mélin, il envoie un don pour<br />

contribuer à l’éducation des enfants. — EG 138. 19<br />

520. Lettre de Rousselot à Mélin : remerciements, etc. —<br />

E 68. 22<br />

521. Lettre de Pernet, à Lavigny, Jura, à Rousselot :<br />

attendre que l’évêque se soit prononcé et éviter toute<br />

exaltation. EG 127. 23<br />

522. Lettre de Rousselot à Mélin : il annonce des dons et<br />

lui demande d ’expédier de l’eau de la Salette et des<br />

livres. — EG 99- 26<br />

523. Lettre de Blanchard à Mélin : rapporte des ouï-dires. 27 321<br />

Avril 1849<br />

Ev. A Verdun, guérison de l’abbé Martin. 1 322<br />

A la Salette, la neige encombre de nouveau les<br />

chemins. 322<br />

524. Compte rendu de la Vérité, dans Y A m i de la religion. 7 322<br />

525. Lettre de Mgr de Bruillard à Mélin : prévoir l’acquisition<br />

des lieux de l’apparition. 18 323<br />

526. Lettre de Mgr Devie, évêque de Belley, à Mgr de<br />

Bruillard : « j’ai lu avec un véritable intérêt la<br />

brochure de M. Rousselot ». — EG 173. 20<br />

527. Lettre de Reims, signée « Grand’amy » (pseudonyme),<br />

à Mgr de Bruillard : « les niaiseries de langage, les<br />

gestes, les larmes (...) sont indignes de la divine idée<br />

que nous avons de la très s" Vierge ». — EG 69. 24<br />

370


Répertoire des documents<br />

Doc./Ev. JOUR PAGE<br />

528. Lettre de Verdot, curé de Saint-Maurice de Besançon,<br />

à Rousselot : il lui demande son avis sur deux<br />

opuscules. — EG 129. 26 —<br />

529- Lettre de Melin à M. Dupont : « L’envoi d ’eau et de<br />

quelques petits livres vous sera, sans doute, arrivé<br />

[...]. Vous voilà à même de continuer vos largesses,<br />

et d ’ajouter au chiffre, déjà énorme de 1 800.<br />

[...] J ’applaudis, de toute mon âme, à l’adoration<br />

nocturne ». — Tours SF, B 28. 30<br />

530. Lettre de Rousselot à Mgr Dupanloup : il le remercie<br />

pour le compte rendu paru dans l’Am i de la religion. 30 324<br />

DOSSIER COMPLÉMENTAIRE<br />

I. Apparition de la très r" Vierge... Lithographie,<br />

d'après un dessin par Rostaing. > 12-11-1846 327<br />

II. Relation Rostaing. 20-11-1846 328<br />

371


TABLE DES ILLUSTRATIONS<br />

Lieux de l’apparition, par Dardelet ...................................... couv.<br />

Frontispice du livre de Mgr Villecourt.................................... XVIII<br />

Le village de la Salette, par Maugendre.................................. 17<br />

Calette du Dauphiné. — Notre Dame du Bon Espoir........ 21<br />

Plan de Corps. — Autographe de Maximin.......................... 38<br />

Image éditée par Houzelot. — Illustration de l’imprimé Alcan 46<br />

Mélanie et Maximin, par Jules Guédy. — Illustration de la brochure<br />

imprimée par Prudhomme............................................ 52<br />

Vue du village et des montagnes de la Salette, par Jules Guédy 64<br />

Plan géométral.......................................................................... 87<br />

La Dame assise entre les deux bergers.................................... 210<br />

Pèlerins. — Corps, par Dardelet............................................ 252<br />

Vue du plateau de la Salette et portrait des deux bergers, par<br />

Jules Guédy.............................................................................. 262<br />

Dupanloup. — Maximin et Mélanie...................................... 276<br />

Vue de la petite chapelle de planches, par Marie Bolland. . . 292<br />

Extrait du plan cadastral.......................................................... 305<br />

Plan par Auvergne.................................................................... 310<br />

Plan figurant dans le livre de Rousselot.................................. 311<br />

La Dame conversant avec les enfants, par Ferdinand Rostaing 326<br />

Croix de mariniers.................................................................... 330<br />

«La $te Vierge a dit aux enfants».......................................... 332<br />

373


INDEX<br />

Le « s » signifie page(s) suivante(s). Cependant lorsque le contenu de la page<br />

indiquée explicitement indique lui-m êm e que le thèm e se poursuit, on n 'apas toujours<br />

cru nécessaire de mettre ce signe.<br />

A bgrall, 267.<br />

Ablandens, hameau, XII, 17, 149, 151,<br />

etc.<br />

Affre, archev. de Paris, 287.<br />

AGLOT née Marie Guémard et sa bellefille<br />

Marie, 228.<br />

A lbertin, prof, au grand sém., 157,<br />

176.<br />

A lcan, imprimeur, 37, 46.<br />

Aldéguier, 352.<br />

A llard A., curé de Serres, 206.<br />

Almaric Louise, malade, 101, 177, 358,<br />

359.<br />

Alméras-Latour, 186.<br />

A lphonse d e Lig u o r i, s ., 2 6 9 , 2 7 1 .<br />

Ambel, commune du canton de Corps,<br />

— curé d’, 63 ; guérison à, 49, 95.<br />

A m i de la religionypériodique, 26, 272,<br />

322, 324, 344, 345.<br />

A ndrieux P., VI, 33, 34, 37, 67, 89,<br />

153.<br />

Andriveau, Sœur Apolline, 291.<br />

ANGELINI, lieutenant, 29.<br />

Annales, VII.<br />

Annonciades, Sœurs, 267.<br />

A pparition, VII.<br />

Apparition de la ste Vierge, 347.<br />

Apparitions autres que la S. : voir<br />

Ardouin, Château-Thierry, Cholet,<br />

Lourdes, Médaille mir., Pontmain,<br />

Savigliano, Scapulaire ; — non reconnues<br />

ou rejetées, voir en particulier 11,<br />

23, 81, 243, 290, 312, 321.<br />

A rba ud, VII, 134s, 138, 141, 143,<br />

250-266, 361.<br />

Archiconfrérie réparatrice, voir Langres.<br />

A r d o u in Marie, visionnaire, 109-<br />

A r n a u d , Sœur, 76.<br />

Associations réparatrices, 11, 20s, 126,<br />

181, 183, 193, 223, 237, 347, 362.<br />

Auch, archev. d’, 59-<br />

A udoyer Véronique, malade, 120.<br />

Autorité ecclésiastique et apparitions ou<br />

révélations, 1, 12, 24, 198, 221, 237,<br />

245, 299, 309 ; — et la S., voir Bruillard<br />

(de). Pie IX, Saint-Siège.<br />

A uvergne, pro-secrétaire à l’évêché, 67,<br />

95, 187, 201, 208, 230, 296, 302, 349,<br />

352, 364-366, 368, 369, etc. ; — plan,<br />

304, 310 ; — relation, 95, 327.<br />

Avallon, guérisons à, 208, 229, 267, 314,<br />

360.<br />

Avignon, guérisons à, 345, 346 ; voir<br />

Prouvèze, St-Charles.<br />

Babou, lieu-dit, 153.<br />

Bail-Collonge, 297, 345, 346, 352.<br />

Baisse(s), montagne, 84, 87, 150s, 166,<br />

305.<br />

Baratier, im p rim eu r, 94, 309, 360.<br />

Barral, 78, 135.<br />

Ba rth e, 146.<br />

374


Index<br />

Bassette, VII, 103, 186.<br />

Bayer, 357.<br />

Bayeux, philosophie de, 200.<br />

Beaup L., M.S., 77.<br />

Bech, 144s, 356, 357.<br />

Belley, év. de, 365, 370.<br />

Bellier, 176.<br />

Benoît XIV, pape, l, 158, 198, 200,<br />

317.<br />

Berger, 267.<br />

Bergier, 200, 213.<br />

Berlioz, 349.<br />

Berlioz J.B., 77.<br />

Berlioz Louis, 77, 93, 117, 183.<br />

Berlioz, Soeur, 314.<br />

Bernard Marie, guérie, 177, 357.<br />

Bertenéous, hameau, 89-<br />

Berthier, vicaire gén., 9, 108, 185s,<br />

191, 224, 298.<br />

« Bêtes (les) mangeront » 53, 349, etc.<br />

Bettega V, 65.<br />

Bez, 50, 65, 106, 115, 125, 164, 253,<br />

296, 346, 347 ; — jugements sur, 67,<br />

102, 148, 164, 180 ; — relation, livre,<br />

VII, 50, 81.<br />

Bigillion, 65.<br />

BlLLlET, archev. de Chambéry, 272, 366.<br />

Blanchard J.C., 59, 321.<br />

Blasphème et profanation du dimanche,<br />

53, 69, 359 ; voir Associations réparatrices,<br />

Colère de Dieu.<br />

Blois, ville, 139, 223, 370.<br />

Boblin Louise, malade, 229, 315, 361,<br />

364.<br />

Bodet, 19.<br />

Boissieux, 135.<br />

Bolenat, voir Bollenat.<br />

Bo lland, 292.<br />

Bollenat Antoinette, malade, 208,<br />

267, 314, 319, 364.<br />

Bona, cardinal, 158.<br />

Bonald (de) Louis, 146, 222.<br />

Bo nald (de) Maurice, archev. de Lyon,<br />

1, 110, 146, 187, 215, 223, 240.<br />

BOSSAN, VII, IX, 56, 77, 88, 106, 138,<br />

297, 350.<br />

Bouasse-Lebel, éditeur, 18, 25, 95,<br />

128s, 133, 353.<br />

Bouix, S.J., 195.<br />

Boujalliat, 313, 370.<br />

Boullan, 322.<br />

BOUVIER Jacques, chanoine, 44s, 185,<br />

236, 296, 309, 347.<br />

Bouvier J.B., év. du Mans, 146.<br />

Br a n d t (de), 77, 322.<br />

Browne, 362.<br />

Bruillard (de), Philibert, év. de Grenoble,<br />

XIII, 6s, 16, 265 ; — malade, consomme<br />

l’eau de la S., 94, 100, 110,<br />

350 ; — et enquête Rousselot, 103,<br />

108, 111s, 118s, 164, 286 ; — et Conférences,<br />

184, 186s, 195, 200, 209,<br />

213, 229, 246, 357 ; — attitudes et<br />

mesures négatives, 7, 81, 94, 148, 247,<br />

267, 309, 362 ; — attit. et mesures<br />

positives, 78, 117, 158, 286, 344, 360,<br />

voir aussi Chapelle ; — correspondance,<br />

voir aussi 343-370.<br />

Brumont, 41.<br />

Cade, Dr, 18, 348.<br />

CALVAS, voir Calvat Mélanie.<br />

Calvat, Dr, 353.<br />

Calvat Mélanie, 63, 328 ; voir Mélanie.<br />

Canon, 357.<br />

Canadiens, cimetière des, 36.<br />

Carayon Orsise, abbé d’Aiguebelle,<br />

346, 347.<br />

Carbasse, Sœur Angélique, malade, 91,<br />

221, 352.<br />

Carnal, 190.<br />

Carron, curé de Lalley, 146, 356, 357.<br />

Cart, év. de Nîmes, 66, 112, 366, 367.<br />

CARTELLIER J.P ., curé de St-Joseph à<br />

Grenoble et opposant, EX, 10, 60, 103,<br />

117, 139, 164, 185, 203, 253, 286,<br />

290, 298, 309, 346 ; — enquête, 107,<br />

190, 224, 235.<br />

Casimir, Dr, 49, 350.<br />

Castagnier, Sœur, 76.<br />

Castellano, O.P., 1.<br />

Castese, 351.<br />

Castracane, cardinal, 299.<br />

CAT, 327.<br />

Catherine Labouré, s., voir Médaille<br />

miraculeuse.<br />

Cattet, 148.<br />

Célestines, Sœurs, 321s.<br />

Censeur (Le) , journal, 44, 58, 345, 346.<br />

Chabrand, vicaire gén. de Gap, 18.<br />

375


Index<br />

C h am a rd, secrétaire de l’évêché, 103,<br />

207, etc.<br />

C h a m bon, secrétaire des Conférences,<br />

21, 185s, 189, 228, 296, etc.<br />

Chamoux, montagne, 17.<br />

C h am peau, 177, 359-<br />

C h a m po n, VIII, 74, 122, 196.<br />

CHANVEAU, 227, 314, 320.<br />

Chapelle et culte liturgique sur les lieux,<br />

96, 110, 118, 121s, 140, 178, 271,<br />

292, 301, 308, 322.<br />

C haper, VIII.<br />

Château-Thierry, apparition, 321.<br />

CHATELAIN, 351.<br />

C hatrousse, év. de Valence, 290, 365.<br />

Chandon, 350.<br />

Chenavas, vicaire à Corps, 106, 135,<br />

179, 202.<br />

C h ocheyras, 65.<br />

Cholet, apparition, 369<br />

Cholvy, 333.<br />

Clappier, 356.<br />

Clarté ou sillon vu par Maximin, 119,<br />

121s, 329.<br />

Clergé (reproches au), 290.<br />

Coin, lieu-dit, 54, 107, 192, 205, 297,<br />

etc.<br />

Colère de Dieu, 81, 181, 193, 302, 309,<br />

329, 332s.<br />

COLET, archev. de Tours, 23, 25.<br />

Colomb de Gast, 312.<br />

Colportage d’imprimés, 44s, 58, 92.<br />

COMBALOT, 110, 251.<br />

Comte, 90, 334.<br />

Conférences à l’évêché, 184-237 pas sim.<br />

Confrérie, — de N.D. des Sept Douleurs,<br />

268, 270 ; — de N.D. Réconciliatrice<br />

de la S., voir Réconciliatrice ;<br />

— des Pénitents à Corps et à la S., 190,<br />

368.<br />

Conservateur, journal, 222.<br />

CONSOLIN voir G onssollin.<br />

Constitutionnel, journal, 7, 25.<br />

Conversions, 236; — dans la région de<br />

Corps, 94, 102, 107, 114, 135, 197,<br />

228, 241, 301, 323.<br />

COQUEREL, pasteur, 222.<br />

Corps, chef-lieu de canton, 16, 27, 38,<br />

etc. ; voir Conversions, Gendarmes.<br />

Consnier et LACHÈSE, imprimeurs, 47.<br />

Courrier de l ’Isère, journal, 345, 346.<br />

COURT Marie, belle-mère de Maximin,<br />

240 ; voir Maximin Giraud.<br />

Cresse ou Creysse, Aveyron, 243.<br />

Croix, — de la Dame de l’apparition,<br />

131, 327, etc. ; — sur les lieux de<br />

l’apparition, 49, 86, 87, 101, 125, 166,<br />

180, 261, 310 ; — du Planeau, 151,<br />

299 ; — de mariniers, 327, 330.<br />

Dame de l’apparition, — description,<br />

37, 55, 62, 196, etc. ; — coiffure, 19,<br />

21 ; conversant assise (?), 210 ; tournée<br />

vers le nord, 86.<br />

Dame noire, 204.<br />

Danse et mauvaises confessions, 103,<br />

234, 242.<br />

Darcy, 314.<br />

Dardelet, graveur, 373.<br />

D armane, Sœur, malade, 356.<br />

D ausse, ingénieur, VIII, 48, 49, 123,<br />

138, 182, 361, 367.<br />

D ay, 119.<br />

D ébat, V, 243.<br />

D ebuquoy, 269-<br />

Delehaye E., 21.<br />

DÉlÉON, C.J., opposant, 60, 285, 298,<br />

312.<br />

Déléon, M.F., 346.<br />

Delpal, 290.<br />

Delumeau, 334.<br />

Demenjon, 362.<br />

Denaz, 78.<br />

D epéry Irénée, év. de Gap, 1, 18, 41,<br />

59, 112, 117, 148, 299, 309, 345.<br />

D es Brûlais, VIII, X, 124-137 passim,<br />

196, 306, 360 ; — malade, 124.<br />

DESGENETTES, voir Duffriche-<br />

Desgenettes.<br />

Desmoulins, 185.<br />

D esnoyer, vicaire gén. d’Orléans, 367.<br />

DEVIE, év. de Belley, 365, 370.<br />

Dévoluy, massif, 261 ; — l’hydropique<br />

du, 49, 99.<br />

DÉZOBEAUX, malade, 369-<br />

D ias O.J., 269-<br />

Disette, XV, 45, 77, 79, 92, 235, 348,<br />

etc. ; — voir Bêtes, Prophéties.<br />

D ombey, 101, 107, 142.<br />

Donnadieu, 286.<br />

376


Index<br />

Dorcière(s), hameau, XII, 17, 37, 153,<br />

305.<br />

Dourières = Dorcières, 87.<br />

D o y e n , 146.<br />

Drôme, apparitions, 290.<br />

D ubost, 357.<br />

DUBOUCHÉ Théodolinde, 23, 127.<br />

Du BoŸS, 182, 271s.<br />

DUBOYS, 58.<br />

Duffriche-Desgenettes, 25, 355.<br />

D ufraigne Françoise, malade, 361.<br />

DUMANOIR, docteur en droit, 50, 95,<br />

106, 192, 296, 327, 357 ; — rédacteur<br />

des attest. Pra et Selme, 149, 151,<br />

216s.<br />

Dumas, hôtel, 264.<br />

Dupanloup, 290, 296, 322s.<br />

D u po n t Léon, vénérable, V, X , 18s, 22,<br />

110, 142, 177, 181, 193s, 223, 291,<br />

343-371 passim ; — pèlerinage, 107.<br />

D u po n t Louise, 348.<br />

D u pr o n t, 336.<br />

Duquoc, O.P., 333.<br />

Durand, 5.<br />

D uvey Mélanie, malade, 368.<br />

Eau de la source de l’apparition, — bienfaisante,<br />

18, 86, 100, 353, 354, etc. ;<br />

— envoyée, 369, 370, 371, etc. ; —<br />

vendue (?), 100, 205, 211, 245 ; voir<br />

aussi Fontaines, Guérisons.<br />

Écho, VIII.<br />

Echo du N ord, journal, 346.<br />

Ed o m , 365.<br />

Enfants (décès d’), 19, 27.<br />

Enquête canonique ordonnée par — l’év.<br />

de Grenoble, 103, voir aussi Rousselot<br />

; — par l’archev. de Sens, 314 ; —<br />

voit aussi Autorité ecclés. et apparitions.<br />

Eppinger, Mère Alphonse-M., 28.<br />

ÉTIENNE, 9 3 , 100.<br />

Étie n n e, Sup. Gén. Lazariste, 291.<br />

Eugène III, pape, 3.<br />

Ex-votos, 99, 101, 106, 166, 263.<br />

Eybens, commune, 228.<br />

Eym ard, s . Pierre-Julien, 110, 320, 369-<br />

Eymery, 106.<br />

Face du Christ, — et réparation, 21s ; —<br />

. vue sur une pierre, 29, 35, 49, 78, 82,<br />

120, 348.<br />

Faivre, 370.<br />

Fallavaux, hameau, 17.<br />

Fargier-Lagrange, 357.<br />

Faure Joseph, 74, 78.<br />

Fernex, 350.<br />

Ferrucci, 364, 366.<br />

Finet, 292.<br />

Fioramonti, 309-<br />

Fléchier, 218, 222.<br />

Font Joachim, capucin, 208, 356.<br />

Fontaine de l'apparition, 47s, 86, 134,<br />

150, 166s, 171, 180, 247, 295 ; voir<br />

aussi Eau ; — travaux à la, 101, 301,<br />

306s ; — et fontaine du « goûter »,<br />

171, 180, 310, 311 ; — et fontaine des<br />

bêtes, 307, 310.<br />

Forcalquier, guérisons à, 232.<br />

FOUQUERÉ, 369.<br />

Fourrey, Mgr R., 312.<br />

Frassinetti, 344, 351.<br />

Frayssinous, 222.<br />

Fulgence, 312.<br />

Fustier, 357.<br />

Gadille, 272.<br />

G agnard Pierrette, malade, 229, 314,<br />

361, 364.<br />

G agniard, Dr, 208, 224, 316s.<br />

G agniard Pierrette, voir Gagnard.<br />

G aillard Marie, femme Laurent,<br />

malade, 49, 177, 220, 260, 353, 359,<br />

360.<br />

G ally, 314s.<br />

GAMON Mélanie, malade, 113, 221,<br />

232, 357.<br />

Gap, év. de, voir Depéry.<br />

Gargardou Gargas, montagne, 17, 171.<br />

CAST, Colomb de, 312.<br />

Gautier, 78.<br />

Gay Antoine, 28.<br />

Gazette de Flandres, journal, 346.<br />

G azette de France, journal, 218, 222.<br />

Gazette de Lyon, journal, 345, 346, 367.<br />

G azette des tribunaux, périodique, 58.<br />

Gendarmes, 28, 31, 55, 144, 230, 311,<br />

372.<br />

Genevey, 185.<br />

GENOUDE (de), 218.<br />

377


Index<br />

G érard, D r, 74.<br />

G é r e n t e , 173.<br />

G e r i n , c u r é d e la c a t h é d r a l e , VIII, 93,<br />

100, 137, 141, 184s, 196, 302s, 344,<br />

346, 349, 355, 357, 367, 370.<br />

G e r m a i n p o u r Maximin, 31, 151, e t c .<br />

G lN O U L H lA C , é v . d e G r e n o b l e<br />

(1853-70), VIII, 123, 146, 309.<br />

G i r a u d , famille de Maximin, v o i r<br />

Maximin.<br />

G iraud, greffier, 60, 63, 79.<br />

G iraud C laude, 176.<br />

G i r a u d J.A., 367.<br />

G iraud S.M ., M .S., 164, 302.<br />

G i r a y , VIII.<br />

G ir in, 78, 120, 295.<br />

G irolet, 78.<br />

G o d e l, 272.<br />

G o n s s o l i n , 264.<br />

Gournier, N.D. de, chapelle, 115, 294.<br />

«Goûter» = repas de midi, 55, 171, etc.<br />

G r a m a g n a c , Mère, 314, 345.<br />

G r a n d , Veuve A n toine, m alade, 348.<br />

G r a n d ’a m y, 370.<br />

G r a n e t , Sr St-Antoine, 49, 221, 350,<br />

351.<br />

G relot, 338.<br />

Grenoble, — bibliothèque, VIII ; —<br />

évêché, voir Bruillard, Ginoulhiac ;<br />

vicaires généraux, voir Berthier,<br />

Périer ; secrétaire et pro-secrétaires,<br />

voir Auvergne, Chamard, Morel ;<br />

archives, VIII.<br />

G e y d a n , 49.<br />

G uÉDY, p ein tre, 64, 106, 253, 262.<br />

Guérisons, 7, 13, 102, 349, 351, 357,<br />

362, 364, 368, 370 ; voir Aglot, Almaric,<br />

Audoyer, Bernard, Boblin, Bollenat,<br />

Bruillard (de), Carbasse,<br />

Darmane, Des Brûlais, Désobeaux,<br />

Dévoluy, Dufraigne, Forcalquier,<br />

Gagnard, Gaillard, Gamon, Grand,<br />

Granet, Guyot, Jacquy, Julien, La<br />

Bourdonnec, Lacombe, Laurent<br />

Jeanne, Leblais, Luya, Maréchalferrant,<br />

Martin (abbé), Martin Thomas,<br />

Moreau, Pinguern, Prouvèze,<br />

Reynier, Rocher de Perret, St-Charles,<br />

Sauvet, Viciot, Victoire ; — selon le<br />

Rapport Rousselot, 177, 296, 298 ; —<br />

examinées lors des Conférences, 228,<br />

232 ; — douteuses, 95, 141, 229, 302.<br />

Gués, Dr, 145, 356.<br />

G u i b e r t , év. de Viviers, 214, 300.<br />

G uillaud, 191.<br />

G u y o t , m alade, 369-<br />

H é b e r t , garde des sceaux, 57, 92, 94.<br />

H e c h t, O .S .B ., VIII, 48, 95.<br />

H en r y, 185.<br />

H ild eg a rde, s ., 3.<br />

H o h e n l o h e , 43.<br />

H o s t a c h y , M.S., 124, 154.<br />

HOUZELOT, 11, 46, 66, 107, 348 ; —<br />

enquête, 28-41.<br />

Incrédulité punie, 40.<br />

J a c q u y , m alade, 355.<br />

J a n v i e r , X, 25, 107, 194.<br />

J a o u e n , M .S., 333.<br />

J ean de la Cr o ix , s., 12, 23.<br />

J ea n-Paul II, p ape, XV.<br />

JOLLY Mellon, archev. de Sens, 314, 317,<br />

319, 323.<br />

J o m a n d , V, 50.<br />

Journaux et périodiques, 7, 44 ; voir Ami<br />

de la religion, Censeur, Conservateur,<br />

Constitutionnel, Courrier de l’Isère,<br />

Echo du Nord, Gazette de Flandres,<br />

Gazette de France, Gazette de Lyon,<br />

Gazette des tribunaux, Messager du<br />

Nord, National, Patriote des Alpes,<br />

Siècle, Univers, Voix de l’Eglise, Voix<br />

de la vérité.<br />

Jubilés, XV, 19, 27, 32, 116, 241.<br />

Juge de paix, 354 ; voir Long.<br />

J ulien Sylvie, m alade, 101, 350, 351.<br />

J ullien, cardinal, 5s.<br />

KEISSER, 185.<br />

K erm enguy (de), 302.<br />

Kr u d n e r, 236.<br />

La Bo u r d o n n e c, m alade, 139.<br />

Labouré C atherine, s., voir M édaille<br />

m iraculeuse.<br />

Lacom be, m alade, 343.<br />

La cord a ire, O .P ., 253.<br />

La C roix D'A zolette, archev. d ’Auch,<br />

59.<br />

378


Index<br />

LAGIER, 7, 27, 31, 67, 123, 208, 296,<br />

307, 334 ; — Notes, 88, 230s ; —<br />

patois, 287.<br />

LAGRÉE, 333.<br />

Lambert, 66, 78, 112, 114, 186, 296,<br />

334, 360 ; — Relation, 68.<br />

Langres, — Annonciades, 267 ; —<br />

Archiconfrérie réparatrice de St-Dizier,<br />

11, 126, 352 ; voir aussi Associations<br />

réparatrices ; — Evêque, voir Parisis.<br />

Larnage (d e), 182.<br />

La R o c h e l l e , — Dames blanches, 267 ;<br />

— évêque, voir Villecourt.<br />

Latran, 5' concile du, 2.<br />

La t t a, 106, 351.<br />

LAURENT Jeanne, malade, 267, 361.<br />

Laurent Marie, voir Gaillard.<br />

La u rentin, 6, 245, 291.<br />

Laus, N.D. du, 19, 100, 198, 300.<br />

L a v o r e l , M.S., 272, 284.<br />

Le B a il l if , 284.<br />

Leblais, m alade, 139, 223, 357.<br />

Le Bo b in e c, 351.<br />

L e B r u m e n t , 29, 41, 128, 147, 223.<br />

Lem eunier, 301, 362, 368, 370.<br />

Lemps (de), 185.<br />

L e P a il l e u r , 110.<br />

Lettres célestes, 44, 365.<br />

LEUDEVILLE (d e ), E ., 320.<br />

Lieux de l’apparition, 16, 48, 86, 89,<br />

166, 191, 202, 261, 304 ; — plans, 87,<br />

304s, 310s ; — acquisition par l’évêché,<br />

12, 121s, 149, 305, 323 ; — voir<br />

aussi Chapelle et culte, Croix, Exvotos,<br />

Fontaine, Pèlerinages, Pierre de<br />

l’apparition, Statue, Tronc.<br />

Long, 59, 63, 79, 95, 250 ; — relation,<br />

60.<br />

LOUIS XVII, 369 ; voir Richemont (de).<br />

Lourdes, N.D. de, 1, 3, 6, 199, 336.<br />

L u b a c (de), cardinal, XIV.<br />

L u y a , malade, 177, 359.<br />

M., — pour Mathieu, 223 ; — pour<br />

Michoudet (?), 79.<br />

MAGNAN(D), 29, 35, 120, 260, 348.<br />

M aistre (de), 222.<br />

M a is t r e (Mlle de), 247.<br />

Maître, 349, 356.<br />

M a n i n , 78, 350 ; — relations, 105.<br />

M a n s o n , 345.<br />

M arcel(L)in , 148.<br />

M a r c h e J.B., 127.<br />

M a r c h e P., 20, 127, 195.<br />

M a r c io n, 337s.<br />

Maréchal-ferrant de Reillanne, malade,<br />

177, 232.<br />

M a r g a in, lith o g r., 327.<br />

M arie de l'In c a r n a t io n , prieure du<br />

Carmel de Tours, 23s, 193s.<br />

M arie de St-Pierre, carm élite, IX, i l ,<br />

20s, 128, 193, 237 ; — p ro p h étisant<br />

en sept. 1846 (?), 194.<br />

M a rm onnier, 109-<br />

MARTIN, abbé, m alade, 322.<br />

Ma r tin, m inistre, 92.<br />

M a r t i n Thomas, malade, 358, 359-<br />

M a t h i e u , famille de Mélanie, v o i r<br />

Mélanie.<br />

M a t h i e u C., archev. de Besançon, 48,<br />

297, 366.<br />

M a t h i e u h ., IX, 78s., 110, 223, 352.<br />

M a u g en d r e, 7.<br />

M aurel, 350.<br />

M a u r y o u Mory, 26, 48.<br />

M a x im in et M é l a n ie , — avant et après<br />

l’apparition, 149-153, 180, 199, etc. ;<br />

— rapports entre, 83, 160, 163, 182,<br />

191, etc. ; — première communion,<br />

19, 270, 362 ; — leurs bienfaiteurs,<br />

19, 120, 348, 349, 370 ; — portraits,<br />

52, 65, 276, 306, 368 ; — habits, reliques,<br />

35, 37, 40, 107 ; — objets de<br />

vénération et mises en garde de<br />

Mgr Villecourt, 43, 109, 115, 126,<br />

138 ; — une nouvelle apparition (?),<br />

367 ; — récits, interrogatoires et<br />

témoignages, 29, 37, 50, 60, 63, 66,<br />

79, 84, 89, 96, 106s, 110, 125, 129s,<br />

132s, 135s, 142, 154, 156, 162, 168,<br />

171, 183, 196, 199, 203, 206, 209,<br />

231s, 233s, 242, 246, 248-265passim,<br />

274s, 287, 290s, 294, 296, 328 ; voir<br />

Pape ; — formation de leurs récits,<br />

296 ; — manière de réciter, 29, 63,<br />

153, 162, 265, 275 ; — voir aussi<br />

Maximin Giraud, Mélanie Mathieu.<br />

M a x i m i n G i r a u d , 1 6, 1 9, 26, 82, 106,<br />

130, 136, 138, 159, 167, 180, 183,<br />

189, 191, 202, 219, 234, 251s, 270,<br />

379


Index<br />

273s, 323, 344, 369 ; voir M axim in et<br />

M élanie ; — son chien et sa chèvre,<br />

101, 168, 170 ; — autographes de, 37,<br />

349, 350 ; — lettres à, 357, 360, 362 ;<br />

— Ma profession de fo i, 123 ; — voir<br />

aussi C larté, Pierres jetées ; — père et<br />

belle-m ère, 33s, 80, 84s, 107, 139,<br />

151, 205, 260, 264, 282, 348 ; décès,<br />

240, 314 ; — A ngélique, sœ ur, 131,<br />

314.<br />

Maximin pein t par lui-même, 284.<br />

M aximy (de), C ., 77.<br />

MAYET, Sœ ur, 358.<br />

Ma zenod (de), E ugène, bienheureux,<br />

365.<br />

M édaille m iraculeuse, 12, 245, 313, 344.<br />

M édailles de la S., 348, 370.<br />

M éarotz, voir St-Pierre-de M.<br />

Mélanie M athieu ou C alvat, 16, 19,<br />

83, 131, 150, 161, 169, 202, 255, 260,<br />

270, 274, 344, 369 ; voir M axim in et<br />

Mélanie ; — lettre à, 360 ; — autograp<br />

h e de, 350 ; — statu e placée par,<br />

263 ; — voir aussi St-Sébastien ; —<br />

fam ille, 40, 85, 260 ; — C alvas/C alvat,<br />

63, 328.<br />

Mélin, curé de C orps, 16, 60, 77, 82,<br />

93, 100, 112, 142, 165, 179, 189, 196,<br />

204, 266, 335 ; — interrogé lors des<br />

C onférences, 196, 204 ; — accusé de<br />

faire du com m erce, 205, 211 ; — et<br />

M axim in, M élanie, 35, 80, 131, 286,<br />

344, 369 ; — litige avec Peytard, voir<br />

Pierre de l ’apparitio n ; — correspondance,<br />

voir aussi 343-371.<br />

M élisson, V, 17.<br />

Mémoire au p a p e, IX.<br />

M ens, guérison à, 95.<br />

Message, IX.<br />

Messager du Nord, jo urnal, 346.<br />

M ichel, D r, 49, 351.<br />

MiCHON, 67, 74, 77, 114, 185, 293,<br />

350, 360.<br />

Mic h o u d et, 60.<br />

Millon, 320.<br />

MlOLAND, év. d ’A m iens, 368.<br />

M oliard, 127.<br />

M onestier-d’A m b el, paroisse, 105, 300,<br />

350.<br />

Monier de Prilly, voir Prilly.<br />

Mo n tey n a rd (de), 297.<br />

Mont-sous-les-Baisses, voir Planeau.<br />

M o r e a u , malade, 177, 357, 359.<br />

M o r e l , pro-secrétaire à l’évêché, 60, 79,<br />

95, 344, 351, 352.<br />

Morlaix, chapelle et guérisons à, 139,<br />

267, 301.<br />

M O R L O T , archev. de Tours, 23.<br />

M O R Y , v o i r M a u r y .<br />

M o u l i n , 349, 359-<br />

M o u n ier, 101, 351.<br />

M o u r i e r , 347.<br />

M u l l e r , 146.<br />

National, journal, 26.<br />

N a u d o , archev. d ’A vignon, 41, 359-<br />

Neuvaine perpétuelle, 266, 362.<br />

N e w m a n , J.H., cardinal, 247.<br />

N iC O D , 299, 322, 345.<br />

Niederbronn, extatique de, 28.<br />

N in , cordelier, 369-<br />

Ninive, 8, 243.<br />

N.-D. de Bon Conseil, 210.<br />

N.-D. de Bon Espoir, 19, 37.<br />

N .-D . et deux bergers des Alpes, 18, 95.<br />

Nouveau sanctuaire, IX.<br />

Nouveaux documents, IX.<br />

Nouvelle relation, 344.<br />

Office divin, 309-<br />

Offrandes, 11, 121, 322, 353, 354, 369,<br />

371 ; voir Ex-votos, Tronc.<br />

Oisans, montagnes, 21.<br />

Opposition à l’apparition, — de la part<br />

d’ecclés., 9, 12, 126, 185, 239, 298 ;<br />

voir Berthier, Bonald (de) M., Cartellier,<br />

Déléon C.J. ; — de la part du<br />

gouvernement et des autorités départementales,<br />

poursuites judiciaires, 43,<br />

45, 57, 59, 92, 142 ; — dans la presse,<br />

44, 97, 143 ; — une brochure, 362.<br />

O R C E L , — commissaire d é l é g u é , 103s,<br />

— 8, 111, 154, 169, 179, 185, 361.<br />

O r i g è n e , XIV.<br />

Osier, N.-D. de T, 198.<br />

Oursière = Dorcières, 305.<br />

O u r y , O . S . B . , 2 0 .<br />

PALMA, 303.<br />

P a n n e t, 333.<br />

380


Index<br />

Pape (Mention du) dans les interrogatoires,<br />

33, 85, 279, etc.<br />

P a p i n D u p o n t , v o i r D u p o n t .<br />

PAQUET, 166.<br />

PAR1SIS, év. de Langres, 8, 11, 24, 126,<br />

224, 237, 309, 353.<br />

Patois, 40, 67, 89, 106, 109, 129, 248,<br />

263, 287.<br />

Patriote des Alpes, journal, 97, 345, 346,<br />

355, 365, 367.<br />

P a t r i z z i, c a r d i n a l , 245, 299-<br />

PÉ G E R O N , l i t h o g r . , 65, 327, 332, 346.<br />

P e l a u d , Sœur, 76.<br />

Pèlerinages, — en hiver et au début du<br />

printemps, 47s, 266, 309, 322 ; —<br />

principaux, 74, 134, 137, 300, 302,<br />

361, 367 ; — selon un opposant, 99-<br />

Pellenc, préfet, 142.<br />

Pénitents, voir Confrérie.<br />

PÉrier, vie. g én., 185.<br />

Périer, Le, commune, 290.<br />

PERNET, 370.<br />

Perrin C ., aventurier, 28.<br />

P e r r in J a c q u e s , c u r é d e la S . e n s e p t e m ­<br />

b r e 1846, 125, 132, 150, 152, 154,<br />

199, 296.<br />

P e r r i n , f r è r e d e L o u is P . , I X , 47, 266,<br />

289, 300, 303, 306, 358, 361-364,<br />

369 ; p r ê t r e a u x i l i a i r e à la S., 153.<br />

P e r r i n Joseph, M.S., 146.<br />

Perrin Louis, curé de la S., IX, 21, 47,<br />

78, 156, 163, 297, 300, 303, 306,<br />

327 ; — correspondance, 96, 139, 201,<br />

216s, 266, 289s, 351 ; voir aussi<br />

355-370.<br />

Petit, 185.<br />

«Peuple», 200, etc.<br />

P e y t a r d , maire de la S., 121, 125, 143,<br />

150, 154, 162, 229, 261, 290 ; — voir<br />

Pierre de l’apparition.<br />

Phénomènes extraordinaires, 28, 214,<br />

218, 243, 290.<br />

PHILISDOR, graveur, 304.<br />

PIEIX, 126, 223, 312, 322 ; — et la S.,<br />

4, 302s, 366.<br />

Pierre, — de l’apparition, 77, 125, 167,<br />

270, 302, 358 ; fragments, 32, 34,<br />

167, 270 ; litige entre Mélin et Peytard,<br />

131s, 167, 270, 360, 363 ; —<br />

trouvée par Guédy, 65 ; — brisée au<br />

café Magnan, voir Face du Christ.<br />

P ierre-Julien Ey m a rd, s . , voir Eymard.<br />

Pierres jetées aux filles, 189, 191s, 201,<br />

209, 233.<br />

PiERRON, voir Sœur St-Charles.<br />

PiGNET-CHATEAU, imprimeur, 47, 59,<br />

92, 113.<br />

Pin ea u, Sœ ur, 41, 76, 350.<br />

PlNGUERN (de), malade, 139-<br />

Planeau ou Mont-sous-les-Baisses, 17,<br />

151, 299, 305, 311, 366.<br />

Playoust A., V, 117.<br />

Playoust P.-Y., V.<br />

Pl o n g e r o n, 333.<br />

POMARET, 362.<br />

PONCET, 120.<br />

Pontmain, N.D. de, 1, 3, 5s.<br />

POTON, p h o to g rap h e, 306.<br />

Pra Baptiste, patron de Mélanie aux<br />

Ablandens, 84, 149, 152, 170, 180,<br />

190, 230, 234, 263, 296, 334 ; —<br />

témoignage sur la fontaine, 150, 216s.<br />

Prédications (Premières) sur l’apparition,<br />

106, 108, 111, 117, 135, 286, 344.<br />

Prêtres indignes, 290.<br />

Prilly, Sœur, 76.<br />

Prilly, Monier de, év. de Châlons-sur-<br />

Marne, 41, 297, 367.<br />

Prophéties sur la disette, 53, etc. ; —<br />

objections, 81, 235, etc.<br />

Protestants, 112, 130, 143, 182, 219,<br />

245, 349, 362.<br />

ProuvÈZE, Sœur, malade, 18, 27, 43,<br />

221, 343, 344, 348.<br />

PRUDHOMME, imprimeur, 49, 52, 328.<br />

Puymirol (de), 344.<br />

Q uÉLEN (de), archev. de Paris, 12.<br />

R., curé d’Ambel, 63.<br />

Rabilloud, 206.<br />

Raess, év. d e Strasbourg, 322.<br />

Raisins et noix, 30, etc.<br />

Ram ba u d, 358.<br />

Rataboul, 285.<br />

Rancurel Benoîte, vçnérable, 198.<br />

Ratisbonne A.M., 109, 198, 245, 247,<br />

299.<br />

Ra y m o n d , 148.<br />

Réconciliatrice (N.D.) de la Salette, XIII,<br />

381


Index<br />

269-271, 300, 367, 368, 369 ; — titre<br />

reconnu par le Saint-Siège, 11.<br />

Reillanne, guérisons à, 177.<br />

Relations, IX.<br />

Relations, 16 ; — de LS D A II : Arbaud,<br />

253, 257 ; Bez, 50 ; Des Brûlais, 125,<br />

130 ; Gueydan-Prudhomme, 49 ;<br />

Lagier, 88, 287 ; Lambert, 66 ; Long,<br />

59 ; Manin, 105 ; Marmonnier, 109 ;<br />

Rostaing, 328 ; Rousselot, 51, 164,<br />

171, 296 ; Villecourt, 159.<br />

Réparatrice (Dévotion), voir Associations<br />

réparatrices.<br />

Réparatrice (N.D.), chapelle, 302.<br />

Repelin, 125, 176, 206.<br />

Réponse, 186.<br />

Revol, 185.<br />

Rey, 63.<br />

Reym ond, V, 327.<br />

Reynaud E., 352.<br />

Reynaud G ., 360.<br />

Reynaud-Collonges, 346.<br />

Reynier, malade, 103, 232, 358, 359.<br />

Reyssé, 357.<br />

RlCHEMONT (de) : C. Perrin, 12, 28, 66,<br />

312, 320, 322.<br />

Robiano (de), 271.<br />

Roche, Dr, 74.<br />

Roche P., 245.<br />

Rocher de Perret, malade, 302.<br />

Rodez, diocèse, 243.<br />

Romaine, Sœur, 322.<br />

Rosette de la Minouna, 89.<br />

ROSSAT, év. de G ap puis de V erdun,<br />

322.<br />

Rostaing, 327s.<br />

Rousselot, — commissaire délégué, 8,<br />

103, 185-237passim, 239 ; — Rapport<br />

manuscrit, 163, 232, 361 ; — Rapport<br />

imprimé ou Vérité, X, 286, 295, 303,<br />

322, 324, 364-368 ; — autres livres,<br />

IX, 364, 366 ; — collaborateur de<br />

l’évêque, 240, 246 ; — également<br />

306, 349, 359-370.<br />

Roval, 111.<br />

Sacré-Cœur, Frère du, 355.<br />

Saint-Augustin G range, Mère, 77.<br />

Saint-Baudille, guérison à, 95.<br />

Saint-Charles Pierron, Sœur, malade,<br />

7, 41, 49, 74, 102, 156, 157s, 177,<br />

220, 232, 345, 348, 350, 356, 359,<br />

364.<br />

Saint-Dizier, — Association réparatrice<br />

de, 126 ; voir Associations réparatrices<br />

; — Sœurs de, 77, 127.<br />

Saint-Gervasy, croix de, 218.<br />

Saint-Jean-des-Vertus ou Côtes-de-Corps,<br />

commune, 102, 120, 300.<br />

Saint-Julien, hameau, 17, 151.<br />

Saint-Laurent-du-Pape, «possédée de»,<br />

214.<br />

Saint-Michel, canton de Corps, 95, 300,<br />

311.<br />

Saint-Michel, Alpes-de-H.-P., 101, 177.<br />

Saint-Pierre-de-Méarotz, canton de<br />

Corps, 103, 300.<br />

Saint-Sébastien, — chapelle, 17 ; —<br />

lumière vue par Mélanie à la chapelle,<br />

36, 115, 203, 261.<br />

Saint-Siège, 3 ; — et la S., 4, 11, 309,<br />

333, 364 ; voir Pie IX.<br />

Sa in te-Clotilde, Sœ ur, 78, 133.<br />

Sa inte-So p h ie, Sœ ur, 267, 302.<br />

Sainte-ThÈCLE, Supérieure des Sœurs de<br />

C orps, 18, 29, 35s (?), 77, 120, 130,<br />

132, 161, 168, 170, 182, 196, 200,<br />

255.<br />

Sa in te-Valérie, Sœur, 78, 106, 133.<br />

Salette-Fallavaux (La), commune, 16, 17,<br />

64, 98 ; — curés, voir Perrin Jacques<br />

et Perrin Louis ; — maire, voir<br />

Peytard.<br />

Salle (La), commune, 300.<br />

SALVANDI, ministre, 26.<br />

Sa uvé, 5.<br />

Sauvet Victorine, malade, 144, 154,<br />

228, 298, 355-359.<br />

Sa u zet, 218.<br />

Savigliano, Italie, 93.<br />

SAVY, Dr, 350, 358.<br />

Scapulaire rouge, 291.<br />

Secrets, — gardés par les enfants, 31,<br />

121, 125, 213, 280, 361 ; — place<br />

dans le message, 131, 254, 294s ; —<br />

selon le rapport Rousselot, 173 ; —<br />

existence mise en doute, 180 ; — et<br />

politique, 11, 249, 266, 312, 320, 333,<br />

362 ; — voir aussi Maximin et Mélanie,<br />

récits, interr. et témoignages.<br />

382


Index<br />

Selme Pierre, patron de Maximin aux<br />

Ablandens, 62, 65, 84, 150s, 168, 170,<br />

216s, 230, 263, 296.<br />

Sens, archev. de, voir Jolly.<br />

Sept-Douleurs, — chapelle, 17 ; — confrérie,<br />

268, 270.<br />

Sézia(t), 87, 166, 305, 306, 310 ; voir<br />

aussi Lieux.<br />

Sibillat, 74, 138, 141, 302.<br />

Siècle, journal, 359-<br />

SlMILIEN, 138.<br />

Sion-V., voir Thiriet.<br />

Sophie, sœur, 267, 302.<br />

Source, voir Fontaine.<br />

Spit z, Dr, 357.<br />

Statistique, IX.<br />

Statue sur les lieux, 263.<br />

<strong>Stern</strong>, VII, XVI, 333.<br />

Suhard, archev. de Paris, 6.<br />

Suite, X.<br />

Sw edenborg, 236.<br />

T abardel, 78, 356.<br />

Terrasson, 232, 356, 364.<br />

T esson, M .E.P., 368.<br />

T hérèse d ’Avila, s., 4.<br />

T hérèse de J ésus, Sœur, 77.<br />

THÉRÈSE de Lisieux, s., 22.<br />

T hérèse de St J oseph, Sœur, 24, 195.<br />

T hiriet T h., voyante de Sion-V., 81,<br />

313.<br />

T homas d ’A quin, s., 5.<br />

T o c h o n, M .S., VI, 17.<br />

Tours, — Association réparatrice, 20 ;<br />

voir Associations réparatrices ; —<br />

archev., voir Colet, Morlot ; — sœur,<br />

voir Marie de St-P.<br />

Trente, concile de, 3, 322.<br />

Tronc sur les lieux, 96, 122, 263.<br />

Tsabanaria, hameau, 89-<br />

Univers, journal, 112, 215, 218, 221,<br />

237, 344, 345, 359, 360.<br />

U tten, 124.<br />

V., Mr, 66.<br />

Valence, diocèse, 13, 290, 365.<br />

Valentin, 87.<br />

Valjouffrey, commune, 300, 311.<br />

Van den Bossche, IX.<br />

Vareilles, 77.<br />

Vengeance de D ieu, voir Colère.<br />

Verdot, 371.<br />

Vérité\ voir Rousselot.<br />

Verrier, 66.<br />

VEUILLOT, 158, 215, 221, 369.<br />

VlCIOT, malade, 127.<br />

Victoire, Sœur, malade, 322.<br />

Vie (La), hebdomadaire, 333.<br />

Vieux, 151.<br />

VlLLECOURT, év. de La Rochelle, 43, 103,<br />

106, 108, 111, 126, 179, 183, 236,<br />

296, 350-356, 359, 361 ; — Nouveau<br />

récit, X, XVIII, 158, 215, 223, 291,<br />

301, 362.<br />

Villes éprouvées ou coupables, 313.<br />

Viré, VI, 250.<br />

Viviers, év. de, voir Guibert.<br />

Voix de l'Eglise, périodique, 20, 110,<br />

141, 145, 147, 156, 223s, 227, 238,<br />

316, 350, 352, 355-357, 359, 360,<br />

362 ; — directeur, 78.<br />

Voix de la vérité, périodique, 367.<br />

Vulgate salettine, 296.<br />

W inderman, 364.<br />

383


TABLE DES MATIÈRES<br />

Remerciements<br />

Abréviations, sigles et signes<br />

Conventions<br />

PRÉFACE par Son Exc. Mgr Matagrin<br />

V<br />

VII<br />

XI<br />

XIII<br />

In t r o d u c t io n<br />

I. L’examen canonique des apparitions 1<br />

II. Points de repère 6<br />

III. Notre édition 13<br />

DOCUMENTS N° 127-530 (fin mars 1847 - avril 1849) 15<br />

D ossier co m plém en ta ire 3 2 5<br />

APPENDICE. Un christianisme fondé sur la peur ? 331<br />

Répertoire des documents du dossier chronologique 343<br />

Table des illustrations 373<br />

Index 374<br />

i<br />

385

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