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CULTURE<br />
SorjChalandon.Unécrivainencolère<br />
quiexorcisesesdémons<br />
danssesromans.<br />
Les fantômes<br />
de Sorj Chalandon<br />
À l’occasiondelaparution de son nouveauroman, quirend<br />
hommage aux42mineursmorts dans la catastrophe de Liévin en 1974,<br />
nous avons rencontré l’écrivain. Portrait d’un écorché vif.<br />
Àpeineest-ilassis à la table de ce<br />
café du I er arrondissementdeParis<br />
situé àcôtéde la rédaction du<br />
Canardenchaînéoùilofficiedepuis<br />
2009, que le patron se dresse<br />
commeunchien d’arrêt, derrière son<br />
bar. Sans un mot d’avertissement, il<br />
entonne Puisquetupars de Jean-Jacques<br />
Goldman. Sorj Chalandon se retourne<br />
pour luifaire face et se lance à sontour.<br />
Le duo est des plus sérieux, les voix<br />
chantent juste, lesdeuxhommesiront<br />
jusqu’au bout de la chanson. Passela<br />
patronne devant notre table,uncaféà<br />
la main.Face à notre airenjoué,ellelève<br />
lesyeuxauciel. «C’est comme çatous<br />
lesjours… »,soupire-t-elleavant d’aller<br />
serviruncliententerrasse. Lesdeux<br />
hommesneselassent jamais de leur<br />
petitrituelqui lesravit.<br />
À le voir chantonner ainsidansun<br />
café parisien un matinensoleillé d’août,<br />
à le croiserdansdes festivalslittéraires<br />
où il estcapable de fairerireaux éclats<br />
unetabléeentière, à la qualité de ses<br />
blaguesd’après-banquet et à ce don qu’il<br />
apourles raconter, on se ditque Sorj<br />
Chalandonest un joyeux drille.Cette<br />
gaieté n’estpourtantqu’une politesse,<br />
celledes gensbien élevésqui considèrent<br />
la société commeunespaceoùl’on doit<br />
fairebonne figure et qu’ilest de mauvais<br />
goût d’accabler deses propres<br />
misères.<br />
CarlevraiChalandon estsombreet<br />
cabossé,polytraumatisé.C’est un homme<br />
en colère quiaurapassé sa vie à exorciserses<br />
démons, à lesdresser fautede<br />
pouvoirs’endébarrasser, à lesdompter<br />
commedes fauves dans deslivreshantés<br />
parlatrahisonetlaculpabilité.Siles<br />
démons font aujourd’huiles beauxcomme<br />
de gentils toutous, à peineaborde-t-on<br />
sonpassé que çaseremet à gronder<br />
dans sa poitrine.Son visage se déforme,<br />
leslarmeslui montent auxyeux. Il parle<br />
de cetteviolencecanalisée, de sonattirancepourlegouffre,duboutdes<br />
ailes<br />
qu’ils’est brûlé.Les démons se révoltent.<br />
Chalandon alalarmefacile; il pleure<br />
quand il écrit,ilpleurequand il raconte,<br />
unevraie bouled’émotions.«Ilmemanque<br />
unecase: celle du bonheur », finira-t-il<br />
paravouer.<br />
Sonpremier trauma,c’est sonpère.<br />
Un père paranoïaque,violent et mythomane<br />
quisedit espion,pasteur,footballeur,<br />
professeurdejudo, amipuis<br />
ennemi du généraldeGaulle, et qui<br />
finira interné en hôpitalpsychiatrique.<br />
L’écrivainarepoussé pendantdix ans<br />
l’écrituredeProfession du père,qu’illui<br />
aconsacré en 2015,etqu’iln’a pu commencer<br />
quelejourdesamort. L’histoire<br />
ILREPRENDRA<br />
DÈSLORS<br />
ENROMANCIER<br />
CEQU’ILAVAIT<br />
TRAITÉEN<br />
JOURNALISTE<br />
DURANT<br />
SESTRENTE-<br />
QUATREANNÉES<br />
DECARRIÈRE<br />
À“LIBÉRATION”,<br />
DONT<br />
VINGT-TROIS<br />
COMME<br />
CORRESPONDANT<br />
DEGUERRE.<br />
PRESSE/JF PAGA/GRASSET<br />
60 — VALEURS ACTUELLES — 24 août 2017