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10 / MÊME PAS PEUR N O <strong>17</strong> / MARS 20<strong>17</strong> MARS 20<strong>17</strong> / MÊME PAS PEUR N O <strong>17</strong> / 11<br />
DÉCONOMIE<br />
DECONOMIE<br />
Beurk !<br />
J’arrête ! Demain, j’arrête ! Je ne lis<br />
plus la presse, je ferme mon compte<br />
fesse-de-bouc, « je ferme mes yeux, je<br />
bouche mes oreilles et je r’garde pas... ».<br />
Je sature, je déborde, je vomis cette<br />
vague de ressentiment revanchard<br />
qui fait racler à d’aucuns les fonds de<br />
tiroirs des autres, à condition que ces<br />
autres exercent un – ou plusieurs, bien<br />
sûr – mandat public. Et de calculer<br />
combien celui-ci gagne à la minute de<br />
réunion et combien d’heures celle-là<br />
peut réellement passer à présider son<br />
fonds de pension. Et de jouer les pères<br />
la vertu, de s’insurger : c’est avec notre<br />
argent tout cela Madame !, avec l’argent<br />
public !<br />
Bon, je comprend celles et ceux qui<br />
vont bravement se faire chier au boulot,<br />
quand ils en ont un, pour ramasser<br />
1.500 ou 2.000 euros soient dégoûtés.<br />
Mais, que la plupart des journaleux,<br />
commentateurs, bloggeurs, membres<br />
de la gauche ôthentique, minable parti<br />
de droite- droite, voire parti francophone<br />
au pouvoir au fédéral fassent<br />
mine de découvrir dans quel monde<br />
on vit et se ruent avec délectation sur<br />
hommes et femmes politiques, directeur<br />
de tel hôpital public ou de la<br />
RTBF, ça, ça me dégoûte ! Ce sont les<br />
mêmes qui vilipendent Trump pour<br />
son « populisme », crient au danger du<br />
retour du fascisme et s’empressent de<br />
noyer le bébé politique avec l’eau du<br />
bain du pognon.<br />
Scoop !<br />
Le monde dans lequel nous vivons,<br />
Messieurs-dames, est un monde<br />
injuste, où une minorité s’accapare la<br />
valeur produite par celles et ceux qui<br />
bossent. Ce n’est pas en travaillant que<br />
l’on ramasse le maximum de fric et<br />
de pouvoir mais en jouant du capital.<br />
Et les dirigeants d’entreprise, CEO et<br />
autres directeurs financiers, marketing,<br />
industriels sont grassement rémunérés<br />
pour faire tourner l’économie au profit<br />
du capital. Plus grassement rémunérés<br />
que les hommes et les femmes politiques<br />
qui font la une des gazettes et<br />
engorgent les réseaux sociaux.<br />
Rien à voir ? C’est du privé, ce n’est<br />
pas de l’argent public, ce n’est pas la<br />
Sylvie Kwaschin<br />
VICES PRIVÉS, VERTU PUBLIQUE<br />
même chose ? Que si ! L’argent public<br />
est une part de la valeur économique<br />
produite dans une économie. L’argent<br />
privé qui va aux salaires les plus élevés<br />
est une part de la valeur économique<br />
produite dans une économie. Et l’argent<br />
qui va grossir le capital est une part de<br />
la valeur économique produite dans<br />
une économie. C’est notre boulot qui<br />
paie les bonus en fonction du résultat,<br />
les bagnoles de société, les parachutes<br />
dorés, j’en passe et de meilleures.<br />
Une bulle prophylactique<br />
pour le public ?<br />
Une posture authentiquement de<br />
gauche ne se contenterait pas de jubiler<br />
en faisant la chasse « aux profiteurs<br />
en politique ». Elle se demanderait<br />
s’il est possible dans une culture où<br />
dominent des idées simplistes valorisant<br />
la poursuite de la réussite individuelle<br />
de préserver des espaces purs<br />
comme les cimes des pubs pour l’eau en<br />
bouteille pour le monde politique, les<br />
services publics, l’économie sociale et<br />
non-marchande.<br />
Depuis que Bernard Mandeville<br />
a écrit que « Les vices privés font la<br />
vertu publique » (<strong>17</strong>14, « La Fable des<br />
abeilles »), la fable n’a pas beaucoup<br />
changé. L’idée est que chacun en poursuivant<br />
son intérêt égoïste (le boucher,<br />
le banquier, le plombier, le rentier…)<br />
concourt à la prospérité globale, considérée<br />
comme l’intérêt général. Vous<br />
êtes content, non, de trouver du pain<br />
chez le boulanger ? Il ne le fait pas pour<br />
vos beaux yeux mais parce qu’il poursuit<br />
son intérêt égoïste. Même le rentier<br />
en vivant libéralement et en dépensant<br />
de l’argent fait fonctionner le petit commerce,<br />
permet à la femme de ménage<br />
de vivre au noir et à son chauffeur de<br />
se payer une bagnole d’occasion. Vous<br />
avez reconnu l’antienne de la défense<br />
de l’initiative individuelle ? Ou encore<br />
la « théorie du ruissellement », resucée<br />
des années quatre-vingt selon laquelle<br />
il n’est pas souhaitable de taxer les<br />
plus riches parce qu’ils dépensent leur<br />
argent qui profite ainsi à toute l’économie,<br />
y compris aux pauvres. Allez, je<br />
vous passe « les profits d’aujourd’hui<br />
feront les investissements de demain<br />
et les emplois d’après-demain » ; pour<br />
lâcher celle-là il faut ne pas lire les statistiques<br />
relatives à l’investissement des<br />
entreprises en temps de crise.<br />
Une entreprise de démolition<br />
du public<br />
Depuis les années quatre-vingt et<br />
nonante est distillée une sous-culture<br />
du développement de soi, de son<br />
employabilité, de la réussite individuelle,<br />
mesurée par le type de job et la<br />
capacité à dépenser que l’on a. Chacun<br />
est à soi-même sa petite entreprise.<br />
En même temps, les services publics<br />
ont été démolis par la critique libérale<br />
– le privé, c’est tellement mieux ! –,<br />
soumis à des économies drastiques et<br />
à des règles de gestion imbéciles. Les<br />
évaluations quantitatives (combien de<br />
dossiers traités, combien de réponses<br />
à combien de coups de fil, combien<br />
d’amendes engrangées) font florès. Et<br />
chacun y est soumis individuellement.<br />
La notion de « l’intérêt général » ?, de<br />
l’équipe ? , du collectif ? Rares sont ceux<br />
qui parviennent à s’y attacher sans se<br />
laisser noyer sous les contraintes des<br />
procédures et la crainte d’être mal noté,<br />
donc de rater sa progression barémique,<br />
voire de se faire virer.<br />
Bref, cela fait trente ans que l’on nous<br />
serine que le public, c’est de la merde,<br />
vive le privé !, qu’on impose aux gestionnaires<br />
des critères d’administration<br />
qui sont à des années-lumière de l’intérêt<br />
général, mais il faudrait que tout le<br />
monde reste vertueux.<br />
À propos, un directeur de service<br />
public privatisé – prison, service de<br />
soins, certains services de l’armée… –<br />
touchera-t-il plus pour le même boulot<br />
qu’un directeur de service public ?<br />
La vertu politique et publique ne peut<br />
se construire hors-sol, dans un air raréfié<br />
et sans racines dans un terreau politique<br />
et économique démocratique.<br />
RÉAC EN CHEF<br />
JL Nollomont<br />
S’il existait un musée de l’ordre établi,<br />
j’en serais volontiers le conservateur en<br />
chef. Par chance, les clients musulmans<br />
de mon resto sont tous végétariens, ce<br />
qui m’évite d’avoir à ne pas leur proposer<br />
du porc ! J’ai toujours pensé que celles et<br />
ceux qui militent dans la rue en faveur de<br />
l’avortement marchaient aussi au pas en<br />
scandant : « Des IVG, en fœtus en voilà<br />
». De même, sans ces braves hommes<br />
d’église pénétrés d’idéal chrétien, il y a<br />
belle burette que les bouffeurs de curés<br />
seraient morts d’inanition sans avoir reçu<br />
les derniers sacrés « Nom de Dieu » !<br />
Tout qui prône la tolérance à tout prix<br />
finit en général aussi sectaire que son<br />
ennemi radicalement hostile à l’ouverture<br />
d’esprit. Mourir pour des idées, c’est<br />
bien beau mais lesquelles, moi j’avais des<br />
idées, j’en garde des séquelles : pour paraphraser<br />
un célèbre chansonnier ensablé<br />
plage de Sète. Mon voisin marocain a<br />
beau être un chic type, avec qui je pourrais<br />
bien fumer la chicha, sa culture du<br />
mouton offert en sacrifice me fait hausser<br />
le cœur et les épaules. Je le soupçonnerais<br />
bien de vouloir faire porter le voile à un<br />
porc, si ce dernier s’avérait être une truie.<br />
Merci le bien-être animal, Emir ! Rétablir<br />
l’ordre en nos frontières est une priorité<br />
d’intérêt national Comme le retour au<br />
contrôle douanier par des hommes en<br />
uniforme pour une circulation réglementée<br />
et sécurisée des biens et des<br />
personnes.<br />
Qu’est-ce que ce jeu sans frontière aux<br />
règles mal définies, voulu par une Europe<br />
de la Finance à la tyrannie bureau-technocratique<br />
? On fonce droit dans le mur<br />
qu’on a voulu abattre ! Consolidons les<br />
murs, garants d’une souveraineté nationale<br />
en béton. Donald, ce cher Donald,<br />
était bien l’homme providentiel dont<br />
rêvait une Amérique hétéro radicalement<br />
homophobe, procréationniste, anti-flux<br />
migratoire, à la fibre patriotique ultrasensible.<br />
Donald, c’est l’image de la figure<br />
tutélaire : le protecteur de la Nation,<br />
incarnant l’autorité morale, l’idéal sécuritaire.<br />
Avec lui, les délinquants sexuels<br />
n’ont qu’à bien se retenir. Il a tout compris,<br />
Donald : l’urgence qu’il y a à légaliser le<br />
port d’arme dès le plus jeune âge, former<br />
le citoyen américain à l’autodéfense, promouvoir<br />
l’image de la famille modèle,<br />
limiter les droits de la femme à pratiquer<br />
l’art culinaire, préparer les jeunes filles à<br />
porter les enfants et servir les maris, bref<br />
à régner en maîtresses absolues sur l’ensemble<br />
des charges domestiques.<br />
Et l’art, demanderez-vous, que devientil<br />
dans ce contexte célébrant les vertus<br />
d’un ultra libéralisme joyeusement<br />
cynique à l’effigie de l’oncle Sam ? Un<br />
objet de pure spéculation à l’usage des<br />
nantis. Ici, le poète a tout intérêt à réduire<br />
au silence ses velléités anticonformistes<br />
pour se faire le chantre de l’académisme<br />
pompier le plus conservateur. Je suggérerais<br />
personnellement la mise à l’index<br />
des irréductibles s’entêtant stupidement<br />
à tremper leur plume dans l’encrier de<br />
la contestation potache délibérément<br />
puérile. Pour les cas les plus désespérés,<br />
un collège d’experts fédéraux sera<br />
chargé de se prononcer sur l’opportunité<br />
d’un enfermement ou d’une lobotomie<br />
suivant le degré d’irrécupérabilité des<br />
fauteurs de trouble prétendument artistiques.<br />
Finie la domination d’une classe<br />
politique rompue à l’exercice du pouvoir,<br />
d’une caste appartenant à l’establishment<br />
républicain ou démocratique, des<br />
clans se passant la gouvernance du pays<br />
comme une fonction héréditaire. Donald<br />
n’est pas du sérail, il se distingue par un<br />
profil résolument atypique. Ce n’est pas<br />
lui qu’on pourra accuser de collusion<br />
avec la presse ni d’accointance avec les<br />
milieux féministes prompts à remuer<br />
la merde au nom de la sacro-sainte et<br />
immuable vérité des faits.<br />
Le mouvement enclenché ne s’arrêtera<br />
pas en si bon chemin, les amis. Plus<br />
proches de nous, les p’tits gars de la<br />
Marine sont déjà à pied d’œuvre sur le<br />
pont, prêts à remettre à flot le paquebot<br />
France à la dérive, sur le point de sombrer.<br />
Le « capitaine» appelé à prendre<br />
le gouvernail est une capitaine extrêmement<br />
adroite dans l’art de naviguer<br />
à contre-courant. En commettant le parricide<br />
parfaitement symbolique, cette<br />
Jeanne d’Arc a démontré qu’elle en avait<br />
et elle a plus d’un second tour dans son<br />
sac, c’est couillu de fil bleu blanc rouge !<br />
Allons enfants de l’apathie, le jour du<br />
loir est arrivé ! Un tout petit monsieur<br />
va céder sa place à une grande Dame<br />
pour la France : celle-ci aura l’appui de<br />
millions d’électeurs, comme moi, des<br />
ouvriers conservateurs, défenseur de<br />
l’ordre établi, dont vous ne verrez jamais<br />
l’établi en désordre !<br />
BRÈVES DE TROTTOIR<br />
Football : Défenseurs formidables,<br />
attaquants déterminés, supporters<br />
déchainés, un beau parcours pour<br />
cette équipe, une belle récompense,<br />
la fierté de tous (choisissez<br />
la finale de n’importe quelle coupe,<br />
n’importe quel pays et n’importe<br />
quelle année).