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MPP 17 leg

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2 / MÊME PAS PEUR N O <strong>17</strong> / MARS 20<strong>17</strong> MARS 20<strong>17</strong> / MÊME PAS PEUR N O <strong>17</strong> / 3<br />

COUILLE MOLLE<br />

ET LE MANAGEMENT INTERCULTUREL<br />

— Tout fout le camp, fieu ! Les<br />

gens n’ont plus de respect pour<br />

rien. Et on n’est plus chez nous,<br />

moi je te le dis !<br />

Aujourd’hui, ça s’entend de loin,<br />

mon pote Couille Molle 1 est en<br />

pétard. Je lui fais observer que<br />

ce n’est pas une raison pour postillonner<br />

dans mon café, mais il<br />

continue.<br />

— Figure-toi que ce matin, fieu,<br />

j’arrive un peu plus tôt au bureau<br />

et je tombe sur la nouvelle femme<br />

de ménage. La petite Kosjvrâ. Je<br />

ne sais pas si c’est son vrai nom,<br />

mais tout le monde l’appelle<br />

comme ça. Elle terminait de<br />

passer la serpillière et elle avait<br />

mis sur la porte une affichette<br />

« essuyé vos pieds ». Comme<br />

j’étais pressé, je n’ai pas fait attention,<br />

et la voilà qui m’engueule !<br />

Tu te rends compte ? Une femme<br />

de ménage qui se permet de me<br />

faire des remarques. À moi, qui ai<br />

trente ans de maison !<br />

Alors, je n’y ai pas été par quatre<br />

chemins, tu penses. Je lui ai fait :<br />

Madame, vous venez sans doute<br />

d’un pays où l’on ne reçoit pas<br />

la même éducation qu’ici, mais<br />

sachez que chez nous on dit<br />

« veuillez essuyer vos pieds, s’ilvous-plaît<br />

». Et si vous venez chez<br />

nous, vous êtes priée de respecter<br />

nos usages. Et, tant qu’à faire,<br />

j’eusse apprécié que vous écrivassiez<br />

sans fautes. Le respect de la<br />

culture passe aussi par le respect<br />

de l’orthographe, et la vôtre est<br />

déplorable.<br />

Je ne sais pas si elle a compris,<br />

mais tu aurais vu sa tête. Ça lui<br />

a drôlement rabattu son caquet.<br />

Non mais ! La moindre des choses<br />

qu’on demande quand ces gens-là<br />

viennent prendre du travail chez<br />

nous, c’est qu’ils aient un français<br />

correct. J’ai pas raison ?<br />

Notre collègue Poil Decul1, qui<br />

passait par là, a susurré : — « écrivissiez<br />

», pas « écrivassiez »…<br />

Couille Molle a fait comme s’il<br />

n’avait pas entendu, mais il est<br />

devenu tout rouge. Il a poursuivi.<br />

— De nos jours, on ne peut plus<br />

rien dire sans se faire critiquer,<br />

fieu. Si tu as le malheur de dire<br />

« je broie du noir », tu te fais<br />

traiter de raciste. On te regarde<br />

comme si tu allais écraser des<br />

petits bamboulas avec un mixer.<br />

Bamboula, c’est un mot gentil,<br />

hein. Je ne suis pas raciste, tu<br />

penses bien. La preuve : j’ai suivi<br />

le séminaire d’entreprise « Management<br />

interculturel et gestion<br />

de la diversité : deux leviers de<br />

performance ». Eh bien, tous les<br />

managers, les consultants en<br />

communication, en Ressources<br />

humaines ou en stratégie marketing<br />

sont d’accord : le racisme,<br />

c’est mal.<br />

Je te passerai le PowerPoint, si tu<br />

veux. C’est écrit en toutes lettres :<br />

« Pour rester agiles et innovantes,<br />

les entreprises ont besoin des<br />

approches variées que ses collaborateurs<br />

aux identités différentes<br />

peuvent lui apporter. » Tu<br />

comprends, fieu ? Par exemple, si<br />

une entreprise veut s’implanter<br />

sur les marchés internationaux,<br />

elle a intérêt à employer des<br />

gens habitués à la coutume des<br />

palabres. C’est comme ça qu’on se<br />

fait une clientèle dans ces payslà.<br />

Même chose pour un magasin<br />

dans un quartier où il y beaucoup<br />

d’Arabes, c’est mieux d’avoir<br />

une caissière arabe. Ces gens-là<br />

aiment bien être entre eux, hein.<br />

Autre exemple, si tu fabriques du<br />

chocolat, tu as intérêt à mettre la<br />

photo d’un noir sur l’emballage.<br />

Sauf si c’est du chocolat blanc<br />

évidemment, là tu mets pas un<br />

noir. Tu mets… heu, par exemple,<br />

Michael Jackson. Oui, enfin,<br />

passons…<br />

Ce que j’ai retenu, c’est que l’entreprise<br />

performante doit mettre<br />

à profit les spécificités des profils<br />

de ses employés.<br />

Tiens, prends Ovomaltine, le<br />

garçon de course de la boîte... Il<br />

ne s’appelle pas vraiment Ovomaltine,<br />

hein. Son vrai nom, c’est<br />

Alphonse. Il est Malien. Plus<br />

black que ça, tu ne trouveras pas.<br />

Au début, je l’avais surnommé<br />

Banania, mais on me l’a reproché.<br />

Tout le monde n’a pas le sens de<br />

l’humour, hein. Alors maintenant,<br />

je l’appelle Ovomaltine.<br />

Je n’ai rien contre les blacks,<br />

hein, attention. Au contraire,<br />

j’adore les sportifs noirs. Les voir<br />

jouer au foot, ça me fascine.<br />

André Clette<br />

Je lui ai dit, vous autres, les blacks,<br />

vous êtes faits pour le sport. Vous<br />

avez une supériorité naturelle.<br />

C’est génétique. Plus de muscles,<br />

moins de graisse, des jambes plus<br />

longues, plus d’endurance… C’est<br />

la vie dans la brousse qui vous<br />

donne ça. Donc, comme garçon de<br />

course, vous avez le profil idéal.<br />

Je suppose qu’au Mali, vous avez<br />

beaucoup d’écoles où on apprend à<br />

être garçon de course.<br />

Il m’a répondu, je ne sais pas. J’ai<br />

fait l’anthropologie. Je suis docteur<br />

en anthropologie.<br />

Tu te rends compte, s’est esclaffé<br />

Couille Molle. Docteur en anthropologie<br />

! Tout ce qu’il ne faut pas<br />

entendre ! Alors, je lui ai dit : eh<br />

bien docteur, quand j’aurai mal à<br />

l’anthropologie, je viendrai te voir.<br />

Haha, tu aurais vu sa tête…<br />

À ce moment-là, Poil Decul s’est<br />

approché. Il a dit : — Pour ton info,<br />

Alphonse, que tu appelles Ovomaltine<br />

enseignait à l’université<br />

de Bamako avant le coup d’État. Et<br />

la petite Kosjvrâ ne s’appelle pas<br />

comme ça. Ce sont les Bruxellois<br />

qui l’appellent comme ça. Son vrai<br />

nom, c’est Chloé Dubois. Sa famille<br />

est de Nassogne…<br />

Au fait, je dois préciser que mon<br />

pote Couille Molle n’est pas vraiment<br />

un pote. Juste un collègue de<br />

bureau.<br />

1 NDLR : les noms et prénoms ont été changés<br />

pour préserver l’anonymat des personnes.<br />

COMME EN 40 AVEC LA<br />

SNCB ! Camille Lermenev<br />

Si vous êtes un usager de nos transports<br />

ferroviaires de moins en moins<br />

publics, vous aurez pu gouter aux joies<br />

de la campagne de publicité interne à la<br />

SNCB (vous subissez quotidiennement<br />

les publicités externes, qui font de votre<br />

voyage payant un matraquage continu)<br />

portant le délicieux slogan : « Quelque<br />

chose de suspect ? Appelez le numéro<br />

vert 0800 30 230 ». Et parce qu’un slogan<br />

n’est jamais mieux compris qu’agrémenté<br />

d’un « visuel », un quidam s’étonnant de<br />

voir une belle centaure blonde lisant les<br />

horaires sur le quai nous est infligé en<br />

guise d’illustration. On imagine d’ici les<br />

suées des larbins de la boite de comm’<br />

qui ont accouché de cet étron publicitaire.<br />

En matière de personnes ou de<br />

comportement suspect, c’est sans doute<br />

un bon Arabe basané et barbu qui a dû<br />

leur venir spontanément à l’esprit. Mais<br />

bon que voulez-vous, les gauchistes et le<br />

centre pour l’égalité des chances veillent,<br />

il a bien fallu trouver plus politiquement<br />

correct. Mais quoi bon sang ? Un sale SDF<br />

bourré ? Un coup à avoir Emmaüs sur le<br />

dos. Une prostituée qui racole Gare du<br />

Nord ? Une idée à se prendre les foudres<br />

de ces emmerdeuses de féministes. Un<br />

mendiant ? Pas bon, la Stib a déjà eu<br />

des emmerdes sur le sujet. Et voilà nos<br />

pubeux et la SNCB confrontés à la dure<br />

réalité de l’hypocrisie : c’est bien toute<br />

cette chienlit qui est visée, mais le comble<br />

c’est qu’on ne peut pas le dire !? Bon ben<br />

on va mettre un centaure. Là, en principe,<br />

personne ne viendra se plaindre…<br />

montre un peu ses seins, faut accrocher<br />

le péquenot.<br />

Non ? Je me trompe ? Ce n’est pas la<br />

chienlit ? Ah, les comportements suspects<br />

à dénoncer seraient en fait liés aux<br />

attentats ? Un bagage abandonné, un gros<br />

paquet dans une poubelle ? Faut-il comprendre<br />

que la cohorte des nettoyeurs,<br />

l’ensemble des contrôleurs, les nombreux<br />

flics, les légions d’agents de gardiennage,<br />

militaires, les sécurails (quel nom<br />

pitoyable) et toutes les caméras ne suffisent<br />

donc pas ? Non, apparemment pas.<br />

Ce n’est pas assez. Il faut en outre que tout<br />

un chacun apprenne à suspecter l’autre,<br />

L’Éditorial<br />

à le surveiller, et si possible à le dénoncer.<br />

Et évidemment, à défaut de paquet<br />

bizarre, il y a tout le reste : trois jeunes<br />

assis dans le couloir, un type endormi sur<br />

un banc…Et après ? Après, chers lecteurs<br />

de Même Pas Peur, il faut un peu d’imagination.<br />

La délation, ça s’apprend. Comme<br />

en 40, il faut un peu d’entrainement, et<br />

après ça vient tout seul, et ensuite, on y<br />

prend goût ! Si, si ! Je vous propose donc<br />

de participer massivement au succès de<br />

cette chouette entreprise : téléphonez à<br />

tout va, pour dénoncer, moucharder, cafter<br />

et encore dénoncer ! Le voisin a mis<br />

le doigt dans son nez ? Numéro vert !<br />

Un chiard crie trop fort dans le wagon ?<br />

Numéro vert ! Une étudiante renverse<br />

son café sur le siège ? Numéro vert !<br />

Un numéro diffusé partout qui appelle<br />

à dénoncer son voisin ? Numéro vert !<br />

Oui, dénoncez-le aussi ! Et surtout ! Ce<br />

sera sans doute le seul appel qui vaudra<br />

le coup : bien mettre en lumière ce qu’ils<br />

sont en train de faire, et le leur dire en<br />

face : ils essayent de faire de nous les flics<br />

de notre prochain.<br />

Même Pas Peur bande ses<br />

muscles et rassemble ses<br />

forces<br />

Plus de quatre mille ‘j’aime’ sur la<br />

page Facebook de Même Pas Peur !<br />

C’est bien. Mais ça fait quand<br />

même plus de trois mille radins<br />

qui n’achètent pas ce journal… Pas<br />

toi, ami lecteur. Puisque tu tiens<br />

précisément entre tes mains, en ce<br />

moment, ce <strong>17</strong>e numéro, impatient<br />

de découvrir les facéties de nos<br />

dessinateurs et la faconde de nos<br />

rédacteurs.<br />

Ou alors, peut-être es-tu en train<br />

de le lire par-dessus l’épaule de ton<br />

voisin ? Si c’est le cas, sache que tu<br />

mérites des claques. Car, ce journal,<br />

il faut l’acheter pour qu’il continue à<br />

vivre.<br />

Même Pas Peur a fait le choix d’être<br />

indépendant de toute publicité et de<br />

toute structure. Il n’a de lien avec<br />

aucune entreprise de presse, aucun<br />

parti, aucune organisation. Même<br />

Pas Peur a fait le choix de la liberté<br />

de ton dans la critique et la satire,<br />

avec une préférence pour l’irrévérence<br />

et l’humour vache. Même Pas<br />

Peur a fait le choix d’aller à contrecourant,<br />

le choix de sortir des sentiers<br />

battus, d’explorer les chemins<br />

de traverse et d’emprunter les sens<br />

interdits. Même Pas Peur se refuse<br />

à bêler avec les moutons, comme à<br />

hurler avec les loups.<br />

Ça a un prix.<br />

Les contributeurs et trices ne<br />

touchent pas un radis. Ces énergumènes<br />

bossent pour le plaisir et par<br />

passion, parce qu’ils ont des choses<br />

à dire et à rire, que les occasions sont<br />

trop rares, et qu’il ne faudrait pas<br />

laisser à l’extrême-droite le monopole<br />

de la presse satirique.<br />

C’est sympa, mais il faut quand<br />

même payer l’imprimeur, le diffuseur<br />

et les libraires.<br />

Tu l’auras compris, ami lecteur, les<br />

finances de Même Pas Peur ne sont<br />

pas au beau fixe. Nous n’allons pas<br />

nous laisser abattre pour si peu. Au<br />

contraire.<br />

Si vous aimez Même Pas Peur,<br />

soutenez-le<br />

Mannenkens pis : La NVA vient de<br />

lui offrir un nouveau costume, celui<br />

du Wallon fainéant. Il sera porté le<br />

jour de chômage national.<br />

BRÈVES DE TROTTOIR<br />

Présidentielles françaises : une<br />

nouvelle victoire du féminisme<br />

attendue. Le premier président<br />

d’extrême droite de l’histoire de la<br />

république sera une femme.<br />

Embouteillages : le ministre de la<br />

mobilité prend le problème à bras le<br />

corps : « Désormais je ferai du télétravail,<br />

je pourrai peut-être consacrer<br />

plus de temps au problème».<br />

Si vous ne savez pas toujours où<br />

acheter Même Pas Peur, la liste de<br />

librairies qui le reçoivent est visible<br />

sur le site www.memepaspeurlejournal.net.<br />

Sinon, le mieux, c’est encore de vous<br />

abonner et d’abonner vos amis :<br />

pour 35 €, on reçoit 11 numéros<br />

à la maison, sans quitter<br />

ses pantoufles. Pour 50 €, on<br />

reçoit 11 numéros et on soutient<br />

le journal<br />

Si vous souhaitez faire un don, c’est<br />

désormais possible en ligne sur le<br />

site de Même Pas Peur<br />

Dans les prochains jours, les éditions<br />

Même Pas Peur sortiront une<br />

collection de livres de ses dessinateurs.<br />

Précipitez-vous pour les acheter.<br />

Faites-en collection. C’est un placement<br />

sûr.<br />

Contribuez à la contagion : sur<br />

simple demande, on vous enverra<br />

un paquet de flyers à déposer chez<br />

votre libraire, votre légumier et<br />

votre bistrot préféré. Vous les trouverez<br />

aussi sur le site de Même Pas<br />

Peur. Vous pouvez les imprimer, les<br />

photocopier, les diffuser. C’est facile<br />

et c’est utile.<br />

D’autres actions sont prévues, mais<br />

de cela, on reparlera…<br />

En attendant de se refaire une santé,<br />

Même Pas Peur paraîtra en bimestriel<br />

jusqu’à la fin de l’année.<br />

On n’est pas riches, mais on n’est<br />

pas sans dents. Et on continuera à<br />

mordre.

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