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Magazine VALAIS - Novembre 2018

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Celui qui choisit de faire du<br />

patinage artistique son métier,<br />

de s’entraîner dur pour<br />

décrocher médailles et succès, sait que<br />

son corps lui imposera trop vite une<br />

retraite anticipée, en moyenne au tiers<br />

de son existence. Encore jeune, décoré<br />

de titres et de médailles, il aura alors<br />

l’étrange impression d’avoir déjà vécu les<br />

émotions les plus fortes de sa carrière.<br />

En 2010, lors de son retrait de la<br />

compétition, Stéphane Lambiel, star<br />

valaisanne du patinage artistique, a fait<br />

cette expérience. Il lui aura fallu vivre<br />

«une longue période douloureuse» avant<br />

de retrouver une activité capable de<br />

combler le vide.<br />

Baignés d’un intense soleil d’altitude,<br />

des chalets de bois sombre entourent le<br />

centre sportif de la station. A l’intérieur<br />

du Palladium de Champéry, Stéphane<br />

Lambiel est appuyé contre la bande de<br />

la patinoire. Il observe les patineurs<br />

exécuter leurs pirouettes, tomber et se<br />

relever. Il mâche un chewing-gum, tape<br />

dans les mains, lance quelques phrases<br />

en français et en anglais, grimace, secoue<br />

la tête. Une sorte de théâtre de<br />

marionnettes où il joue et rejoue les<br />

émotions ressenties par les patineurs<br />

qui, stoïquement, enchaînent les figures<br />

parfois réussies, parfois ratées. Il dira<br />

plus tard: «J’aimerais pouvoir être sur la<br />

glace à leur place mais je sais bien qu’ils<br />

doivent y arriver par eux-mêmes.»<br />

Il y a quatre ans, Stéphane Lambiel a<br />

enfin trouvé ce qu’il cherchait depuis si<br />

longtemps. A Champéry, au fond du val<br />

d’Illiez, le double champion du monde<br />

et médaillé d’argent olympique originaire<br />

de Saxon a créé la Skating School of<br />

Switzerland. Il possède un chalet dans la<br />

vallée et entraîne six fois par semaine<br />

dix jeunes espoirs nationaux et<br />

internationaux comme Noah et Noémie<br />

Bodenstein, frère et sœur suisses, et le<br />

Letton Deniss Vasiljevs. Dans le village,<br />

on croise aussi régulièrement des<br />

athlètes de renom venus travailler leurs<br />

chorégraphies ou peaufiner leur style<br />

avec Stéphane.<br />

Le patineur était plutôt réticent à l’idée<br />

de devenir entraîneur. «J’ai vu combien<br />

mon ancien coach, Peter Grütter,<br />

travaillait chaque jour. Avec les élèves,<br />

c’est comme avec les enfants, il faut<br />

toujours être présent.» A la fin de ses<br />

années de compétition, Lambiel<br />

participe à des shows, élabore des<br />

chorégraphies pour d’autres patineurs,<br />

organise des séminaires. Il s’aperçoit que<br />

les gens l’écoutent. «Je n’avais jamais<br />

imaginé pouvoir avoir autant d’influence.»<br />

Mais son âme de champion n’est pas tout<br />

à fait en paix. Depuis que la patineuse<br />

Sarah Meier et lui-même ont arrêté la<br />

compétition, le patinage suisse est<br />

absent des grandes rencontres. «L’Union<br />

suisse de patinage aurait pu faire<br />

davantage pour encourager la relève»,<br />

affirme Stéphane Lambiel. Les Jeux<br />

olympiques de Sotchi, en 2014, où le<br />

patinage artistique ne compte aucun<br />

représentant suisse, finissent de le<br />

convaincre. C’est le moment ou jamais.<br />

Il crée son école de patinage artistique<br />

et trouve le lieu idéal: la patinoire de<br />

Champéry, station calme avec une<br />

infrastructure moderne et disponible.<br />

Stéphane Lambiel est maintenant entré<br />

sur la glace, où il accompagne une élève<br />

à travers la patinoire. Un coach pas<br />

forcément très sévère mais ferme.<br />

«Quand je veux quelque chose de<br />

23<br />

«A 24 ans,<br />

on s’aperçoit<br />

qu’on a déjà<br />

vécu<br />

les émotions<br />

les plus fortes<br />

de sa carrière»<br />

précis, je peux être très pointilleux.»<br />

Comme son propre entraîneur dans le<br />

passé, Lambiel lance à ses poulains des<br />

mots d’encouragement. «Peter m’a<br />

toujours provoqué avec ces mots:<br />

«Lambiel, du sang du Valais!» Il me disait<br />

souvent: «Vas-y et montre-leur comment<br />

patine un Valaisan!»<br />

Tous les week-ends jusqu’au mois de<br />

mars, Stéphane Lambiel accompagne ses<br />

jeunes élèves lors de leurs compétitions<br />

internationales. Actuellement, à 33 ans,<br />

il doit également s’entraîner deux fois par<br />

semaine pour le gala Art on Ice. Il<br />

aimerait beaucoup remettre en scène<br />

son show Ice Legends, de préférence en<br />

Valais, mais il faut encore trouver une<br />

patinoire assez grande pour accueillir le<br />

spectacle. «Le patinage est devenu pour<br />

moi un mode de vie. Je m’y adonne dès<br />

que j’ai du temps libre.» Pendant sa<br />

carrière, son attitude était différente.<br />

«Très ambitieux, je voulais toujours<br />

gagner.» Avec le temps, sa perspective<br />

s’est transformée. «Vers la fin de ma<br />

carrière, je me suis aperçu que je pouvais<br />

aussi vivre les émotions ressenties sur la<br />

glace sans devoir gagner à tout prix.» Ces<br />

émotions ne sont peut-être plus aussi<br />

intenses que lors des Jeux olympiques,<br />

«mais elles sont encore là, réparties sur<br />

un intervalle de temps plus long, grâce à<br />

l’école et aux élèves». Le deuxième tiers<br />

de la vie de Stéphane Lambiel se déroule<br />

toujours sur la glace.

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