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RHONE<br />
AGRICULTURE : PATRICIA BISSARDON DE SOLIDARITÉ PAYSANS :<br />
«NOUS APPORTONS UN REGARD NEUF»<br />
Début avril, Solidarité Paysans organise un colloque sur le<br />
changement comme source de redressement pour les paysans<br />
en difficulté. L’occasion de revenir sur cette association qui<br />
accompagne les agriculteurs depuis vingt-deux ans, une<br />
profession, qui bien que guidée par la passion, est toujours en<br />
souffrance. Rencontre avec la coordinatrice, Patricia Bissardon.<br />
ECHOMAG : Le 9 avril prochain,<br />
Solidarité Paysans organise un<br />
colloque intitulé «Les difficultés en<br />
agriculture : le changement, source de<br />
redressement ?» Pourquoi ce thème ?<br />
Patricia Bissardon : Parfois les<br />
agriculteurs sont bloqués dans un<br />
système et tournent en rond. La<br />
conférence prévoit un focus sur le<br />
changement des pratiques et sur<br />
l’agroécologie, qui sont des solutions<br />
pour sortir des difficultés.<br />
ECHOMAG : Pourriez-vous nous faire<br />
un rapide historique de l’association<br />
Solidarité Paysans ?<br />
PB : Elle a été créée en 1997. Au<br />
départ, elle s’appelait Aide agri 69<br />
avant de prendre le nom de Solidarité<br />
Paysans en 2008, nom du réseau national<br />
auquel nous adhérons.<br />
Solidarité Paysans est présente dans<br />
une soixantaine de départements en<br />
France.<br />
ECHOMAG : Quelle zone géographique<br />
couvrez-vous ?<br />
PB : En 2008, nous n’intervenions<br />
que dans le Rhône. En 2015, nous<br />
avons essaimé dans l’Ain. Nous nous<br />
appelons Solidarité Paysans Ain-Rhône,<br />
mais en réalité nous sommes présents<br />
sur l’ensemble des départements de<br />
Rhône-Alpes sauf l’Isère.<br />
ECHOMAG : Quelle est votre<br />
mission ?<br />
PB : Nous accompagnons les<br />
agriculteurs en difficulté, la spécificité<br />
étant que cet accompagnement est<br />
assuré par des bénévoles. Ils sont une<br />
cinquantaine dans le Rhône, répartis<br />
notamment dans les Monts du Lyonnais<br />
et dans le Beaujolais.<br />
ECHOMAG : Quel est leur profil ?<br />
PB : Ce sont pour 90% des personnes<br />
issues du milieu agricole, soit des<br />
agriculteurs encore en activité ou<br />
retraités pour les trois-quarts, soit<br />
proches du milieu agricole. Cela nous<br />
semble important que le bénévole<br />
connaisse cet univers et les difficultés<br />
du métier.<br />
ECHOMAG : Combien d’agriculteurs<br />
accompagnez-vous ?<br />
PB : En 2018, nous avons accompagné<br />
72 exploitations dans le département<br />
du Rhône, soit près de 80 agriculteurs.<br />
ECHOMAG : Quels types de<br />
difficultés rencontrent-ils et quelles<br />
solutions leur proposez-vous ?<br />
PB : Les difficultés sont souvent<br />
financières. L’agriculteur est parfois<br />
submergé de factures. Notre rôle<br />
est de trouver des accords avec<br />
les créanciers, de négocier les<br />
échéanciers. Nous avons un rôle de<br />
médiateur. Nous tentons d’imaginer<br />
comment l’agriculteur peut réduire<br />
ses charges, l’électricité, l’eau, les<br />
produits phytosanitaires, les engrais.<br />
Les problèmes financiers viennent<br />
souvent de problèmes techniques, un<br />
lait de mauvaise qualité ou en quantité<br />
insuffisante, un manque de rentabilité,<br />
une organisation à revoir. En raison<br />
de la surcharge de travail, du stress,<br />
les agriculteurs n’ont pas le recul<br />
nécessaire. Notre présence permet<br />
d’apporter un œil extérieur, un regard<br />
neuf. Nous établissons un diagnostic<br />
et définissons les priorités, sachant<br />
que nous travaillons de concert<br />
avec les professionnels agricoles, la<br />
chambre d’agriculture, les vétérinaires,<br />
les comptables. Nous tentons aussi de<br />
remédier aux problèmes relationnels<br />
que l’agriculteur peut rencontrer avec<br />
des propriétaires ou avec ses associés.<br />
Plus largement, nous sommes là pour<br />
les écouter sans émettre de jugement,<br />
pour les soutenir et les aider à rebondir.<br />
20<br />
ECHOMAG : Comment y parvenezvous<br />
?<br />
PB : Parfois, nous leur proposons<br />
une reconversion professionnelle ou<br />
une reconversion en bio ou un arrêt<br />
partiel d’activité. En cas de liquidation<br />
judiciaire ou de redressement judiciaire,<br />
nous les accompagnons au tribunal.<br />
Grâce au réseau national de Solidarité<br />
Paysans, des juristes les épaulent dans<br />
leurs démarches juridiques.<br />
ECHOMAG : Quelle est la durée<br />
moyenne d’un accompagnement ?<br />
PB : C’est très variable d’une personne<br />
à une autre. Il peut durer quelques<br />
semaines, souvent quelques mois,<br />
rarement quelques années. En<br />
moyenne, il dure deux ans et demi à<br />
un rythme hebdomadaire ou mensuel,<br />
selon les besoins. Certains agriculteurs<br />
ont juste besoin d’un petit coup de<br />
pouce, pour d’autres ce sera plus long,<br />
d’autant qu’il faut établir une relation<br />
de confiance.<br />
ECHOMAG : Comment cet<br />
accompagnement est-il optimisé ?<br />
PB : Les bénévoles et les agriculteurs<br />
ne se connaissent pas, ils ne sont pas<br />
de la même commune afin d’éviter<br />
tous conflits d’intérêts. La confiance<br />
est indispensable, car pour aider au<br />
mieux l’agriculteur, celui-ci doit nous<br />
donner un maximum d’informations.<br />
Il faut parfois effectuer un important<br />
travail dans le tri des factures afin de<br />
savoir ce qui doit être payé en priorité.<br />
D’autre part l’accompagnement fonctionne<br />
toujours en binôme, l’agriculteur<br />
est suivi par deux bénévoles qui<br />
se complètent, un homme et une<br />
femme, l’un gérant la partie technique,<br />
l’autre la partie économique. Bien