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THE BIG MAG #5

Magazine réalisé par les étudiants de la spécialisation Journalisme Audiovisuel de la filière Cinéma & Audiovisuel de 3iS

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ENTRETIEN 35<br />

Actuellement sur les planches avec son<br />

deuxième one-man show, Jérôme Commandeur<br />

nous livre sa vision de l’humour et revient sur son<br />

parcours. Tout en douceur, évidemment.<br />

Propos recueillis par Hugo Hamidou et Mattis Kara<br />

Photos : Thomas Laisné<br />

« Tout en douceur », ce n’est pas<br />

vraiment ce qui définit votre<br />

spectacle…<br />

C’est parce que j’aime bien l’idée que<br />

les gens arrivent dans un spectacle un<br />

peu éparpillés de leur journée. Il y en<br />

a qui ont des problèmes de nounou,<br />

d’autres qui ont du mal à se garer. On<br />

les voit d’ailleurs quand ils s’assoient,<br />

ils sont encore sur leurs portables. Et<br />

j’adore le côté un peu « une tape, une<br />

caresse », le fait d’aller loin et à la fin<br />

qu’il y ait un truc qui nous rattrape, un<br />

peu fort. Dire qu’il y a « une leçon dans<br />

le spectacle », c’est un peu prétentieux,<br />

mais j’aime bien l’idée qu’il y a plein<br />

de choses à faire et que vivre, aimer,<br />

monter des projets, croire en l’avenir,<br />

croire en la jeunesse, croire en ce qu’on<br />

est, c’est ce qu’il y a de plus beau.<br />

Vous dites que vous avez appris<br />

à accepter la manière dont vous<br />

travaillez. Qu’aviez-vous du mal<br />

à accepter ?<br />

J’ai écrit ce spectacle en faisant<br />

d’autres trucs. Je ne suis jamais aussi<br />

efficace que quand je vais quelque<br />

part. Je suis sur mon scooter, et là<br />

les idées me viennent. Je vais chez<br />

Leroy-Merlin acheter des ampoules, et<br />

là les idées me viennent… J’ai appris<br />

à l’accepter parce que je me sentais<br />

un peu coupable quand je me mettais<br />

devant l’ordi et, vraiment, j’entendais<br />

l’horloge. Il n’y avait rien qui venait,<br />

je me disais « putain... ». Et en fait,<br />

c’était une bonne leçon. Chacun doit<br />

travailler comme il l’entend. Il y a des<br />

humoristes qui reprennent un sketch<br />

de leur dernier spectacle, en font<br />

quarante minutes, et puis ils travaillent<br />

la suite de soir en soir sur scène. Ça me<br />

paraît aberrant, après ils font ce qu’ils<br />

veulent. Pour moi, c’est comme si un<br />

chef cuistot venait en salle et disait<br />

« alors voilà je vais mettre un peu de…<br />

et puis non je vais faire ça » et puis il<br />

commence à te faire la bouffe sous le<br />

nez. En tout cas, c’est leur manière<br />

de fonctionner. C’est vachement bien,<br />

avec le temps qui passe, de mieux se<br />

connaître et d’apprendre à connaître la<br />

manière dont on fonctionne.<br />

Quand vous étiez jeune, est-ce<br />

que l’humour était déjà quelque<br />

chose d’inné chez vous ?<br />

J’ai voulu faire assez tôt ce métier.<br />

Mais c’est très compliqué parce que<br />

c’est pas un métier comme les autres.<br />

Tu peux chanter dans une chorale, t’es<br />

pas obligé de faire Coldplay comme<br />

métier [rires]. Tu peux écrire chez toi<br />

tout seul parce que ça te fait kiffer<br />

d’écrire. Après, être humoriste, c’est<br />

différent, t’as pas des gens qui le<br />

week-end, écrivent des sketchs. En tout<br />

cas, je n’en connais pas. C’est ça qui est<br />

compliqué : soit ça marche, soit tu n’en<br />

fais pas. C’est très difficile à quinze ans<br />

de dire « moi, je veux faire humoriste ».<br />

Les gens te regardent, te disent « t’es<br />

gentil mais ça marchera pas. Arrête tout<br />

de suite, va prendre une douche, ça va<br />

te calmer » [rires]. J’avais peur de cette<br />

réaction là, d’être pris pour un dingue,<br />

du coup je ne le disais pas trop.<br />

Si vous n’aviez pas fait<br />

humoriste, dans quoi vous vous<br />

seriez vu ?<br />

C’est drôle parce qu’un producteur,<br />

il y a très longtemps, m’avait posé la<br />

question. Je lui avais répondu « je sais<br />

pas », et il m’avait répondu « bonne<br />

réponse ». Dans le sens où c’est le<br />

fait de ne pas avoir une solution de<br />

repli qui fait que tu tiens. Quand tu<br />

démarres, c’est difficile, personne ne<br />

te connaît, tu fais des salles de vingt<br />

places. Il y a un côté un peu jusqu’auboutiste<br />

dans le fait d’être humoriste<br />

aujourd’hui : c’est ça ou rien.<br />

Quel souvenir gardez-vous de<br />

votre expérience Graines de<br />

Star ?<br />

Un truc dément parce que j’étais à<br />

la fac, je connaissais pas du tout la<br />

télé. Et puis c’était des gros primes,<br />

je me souviens d’avoir croisé INXS,<br />

Janet Jackson et j’en passe. Ça fait<br />

bizarre de dire ça aujourd’hui parce<br />

que c’est devenu quelque chose<br />

d’habituel mais quand on nous a<br />

annoncé ça, on était là « putain, on va<br />

avoir 4 000 personnes devant nous »<br />

et faire de la télé dans un Zénith,<br />

ça nous paraissait fou. Ça et puis<br />

l’insouciance. C’est peut-être le bien<br />

le plus précieux. On ne s’en rend pas<br />

compte, mais le fait de ne pas avoir<br />

trop de responsabilités, de pouvoir<br />

faire des aller-retours pour aller chez<br />

son copain ou sa copine, de kiffer avec<br />

ses potes, de faire des vacances à la<br />

cool parce qu’on a pas beaucoup de<br />

fric, de prendre des cuites, de s’amuser.<br />

C’est le souvenir que je garde de cette<br />

époque-là. Aujourd’hui, j’ai beaucoup<br />

de chance, grâce à Dany Boon entre<br />

autres, je fais une carrière qui me<br />

plaît beaucoup mais je ne suis plus<br />

insouciant du tout. Et ça me manque<br />

beaucoup. Ça fait un peu vieux con, ce<br />

que je vous raconte [rires].<br />

Comment expliquez-vous cette<br />

percée médiatique ?<br />

J’aime bien l’idée que tout ne se soit<br />

pas fait du jour au lendemain. L’idée<br />

de s’installer, de créer un réseau de<br />

gens qui te soutiennent, qui même<br />

s’ils te voient de loin et qu’ils ne te<br />

connaissent pas beaucoup se disent<br />

« tiens, il est là depuis longtemps et il<br />

en veut ». Après ça s’est fait comme ça.<br />

J’avais fait un petit duo qui n’avait pas<br />

marché. Puis Dany m’a pris sous son<br />

«Ne pas avoir une solution de<br />

repli fait que tu tiens. Quand tu<br />

démarres, c’est difficile, personne<br />

ne te connaît, tu fais des salles de<br />

vingt places. Il y a un côté un peu jusqu’auboutiste<br />

dans le fait d’être humoriste<br />

aujourd’hui : c’est ça ou rien. »<br />

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