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CORPORATE
Entretien
« NOUS POUVONS AIDER
LES ENTREPRISES À DÉFINIR
LEUR RAISON D’ÊTRE »
AGENCES Fabrice Conrad, président de la délégation corporate à l’AACC et directeur général d’Havas Paris,
voit dans la place centrale occupée par l’entreprise dans la société une opportunité pour son activité.
PROPOS RECUEILLIS PAR DIDIER SI AMMOUR
@dsiammour
Devenue primordiale, la question du rôle de l’entreprise dans la société
est notamment portée par la loi Pacte, dont l’une des mesures
phares réside dans la possibilité d’inscrire une raison d’être dans
ses statuts. S’agit-il d’une opportunité ou d’une contrainte ?
FABRICE CONRAD : On vit une époque passionnante pour nos
métiers. Les plus grandes entreprises ont un pouvoir sans
précédent. Aux États-Unis, 30 entreprises génèrent à elles
seules 50 % des bénéfices, contre 109 en 1975. Elles ont
aujourd’hui pour certaines plus de pouvoir que les États :
leur budget de R&D dépasse celui des principaux pays occidentaux.
Ainsi, Samsung investit 15 milliards de dollars
en R&D, soit autant que l’ensemble de la recherche
publique française… Leur puissance de communication
et leur influence sur les grands sujets de société sont
majeures. Regardez le pouvoir des GAFA, mais pas seulement.
Regardez la puissance des grands groupes alimentaires
sur les sujets de santé, celle d’un Netflix sur les
représentations sociétales et culturelles. On est face à des
entreprises et des marques qui ont aujourd’hui un grand
pouvoir, et donc aussi de grandes responsabilités. Et ce sujet
de la raison d’être, porté par la loi Pacte, est pour elles
une véritable opportunité. Ce ne sera pas une contrainte,
car elles garderont le choix de changer ou non leurs statuts
pour devenir des entreprises à mission. Et si elles le choisissent,
alors elles pourront embarquer toutes leurs parties
prenantes internes et externes dans une dynamique
extrêmement positive. C’est un puissant levier pour rendre
lisible et visible leur action. L’entreprise est un corps social
fondamental aujourd’hui. Elle crée du lien, elle donne du
sens. S’attacher à lui conférer une raison d’être me semble
être une avancée majeure au vu des attentes et des responsabilités
qui lui incombent aujourd’hui.
Comment et quand cette raison d’être peut-elle être formulée dans
la communication ?
À tous les niveaux et à chaque instant. C’est d’ailleurs
tout l’enjeu et sans doute toute la difficulté. Si la raison
d’être se transforme en une RSE améliorée,
portée et racontée en latéral, comme
une externalité positive, alors ce sera assez
vain. Derrière ce sujet de la raison
d’être, il y a le grand sujet de la réconciliation
des discours et des enjeux de performance
et de contribution. Les gens
sont prêts à l’entendre, et ils l’attendent
même. Aujourd’hui, 86 % des Français
considèrent qu’une entreprise peut tout
à fait se comporter de façon responsable
et éthique et cependant gagner beaucoup
d’argent (étude CSA/Havas Paris « L’observatoire
des marques dans la cité », janvier
2018). Et pour 84 % d’entre eux, les
leaders de demain seront ceux qui réussiront
à changer en bien la société (étude
CSA/Havas Paris « 2020, les nouveaux leaderships
»). La communication doit donc
parvenir à exprimer de façon univoque
des éléments qui autrefois étaient racontés
de façon séparée. Cela passe nécessairement
par une transformation de son
marketing et de son offre, mais aussi de
sa communication, pour que les éléments
les plus révélateurs de la raison d’être de
l’entreprise deviennent ses fers de lance
commerciaux, et qu’ils s’incarnent à tous
les niveaux de sa communication.
Dans ce registre, quelles sont les marques inspirantes
en France ? Et à l’étranger ?
Au niveau international, Nike est un cas
évidemment très intéressant cette année.
Ils ont fait le choix de revivifier leur positionnement
et signature historique en prenant
parti fortement dans le débat local et
STRATÉGIES - GUIDE CORPORATE
6 2020