Haiti Liberte 5 Fevrier 2020
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Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong><br />
LE CORE GROUP N’APPRÉCIE LE<br />
DIALOGUE SANS ACCORD<br />
Konnen ak konprann<br />
kont kisa n ap batay : ki<br />
pèspektiv batay mas pèp<br />
la anfas ideyoloji kapitalis<br />
konwonpi an ?<br />
Page 6<br />
U.S. Regrets Not Reaching<br />
Political Agreement with<br />
<strong>Haiti</strong>’s Opposition<br />
Page 9<br />
Voir page 3<br />
Entretien avec Rita<br />
Dieujuste, porte-parole<br />
du comité des<br />
victimes de La Saline<br />
Page 7<br />
Le Core Group est composé de la représentante spéciale du Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (Onu),<br />
Helen Meagher La Lime dirigeante du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (Binuh), des ambassadeurs d’Allemagne,<br />
du Brésil, du Canada, d’Espagne, des États-Unis d’Amérique, de France, et de l’Union Européenne, ainsi que du représentant<br />
spécial de l’Organisation des États américains (Oea)<br />
34E ANNIVERSAIRE DU SEPT<br />
FÉVRIER 1986<br />
Entretien avec<br />
l’ex-président<br />
bolivien Evo<br />
Morales !<br />
Page 10-11<br />
Voir page 3<br />
La journée du 7 février 1986 était d’une part, pleine de réjouissance et d’autre part, de violences accrues, de chasse et de<br />
pillages de certaines personnes soupçonnées d’être des macoutes ou de connivence avec le régime déchu<br />
La Ligue arabe<br />
rejette le plan de<br />
Trump. Abbas rompt<br />
« toutes les relations<br />
» avec Israël et les<br />
USA<br />
Page 17
Editorial<br />
HAITI<br />
LIBERTÉ<br />
Au pire moment et dans les pires conditions<br />
1583 Albany Ave<br />
Brooklyn, NY 11210<br />
Tel: 718-421-0162<br />
Fax: 718-421-3471<br />
Par Berthony Dupont<br />
Les propositions succèdent aux propositions. Les<br />
plans succèdent aux plans. Les conférences succèdent<br />
aux conférences pour n’accoucher que de démagogie.<br />
Ce n’est pas le verbiage continuel de la classe<br />
politique moribonde qui mettra fin à ses desseins macabres<br />
contre les masses laborieuses haïtiennes.<br />
Les problèmes du pays demeurent inchangés. Ils<br />
sont même appelés à empirer puisque les protagonistes<br />
au sein des classes dominantes ne font que poursuivre<br />
une guerre de clans apparemment acharnée entre eux<br />
mais précisément, elle ne vise qu’à allumer et entretenir<br />
des foyers de tensions, de troubles et d’insécurité<br />
et tout cela est dirigé pour contrecarrer ou empêcher<br />
toutes revendications des masses à une vie décente.<br />
En même temps, il faut être clair, que les derniers<br />
événements confirment que la classe politique fait<br />
la honte du pays. Après la débâcle du Parlement, ses<br />
membres ne font que s’envoyer des flèches pour trouver<br />
des boucs émissaires, à qui faire porter la responsabilité<br />
de l’effroyable chaos où ils ont conduit le pays.<br />
Cette classe politique naufragée est à bout de souffle,<br />
rien ne pourrait la sauver de son impopularité croissante<br />
et de sa descente aux enfers.<br />
Tous entendent respecter le jeu et le calendrier des<br />
forces impérialistes pour maintenir le pays et le peuple<br />
enchainés. Ces démagogues de tous bords ne font que<br />
redonner force aux puissances tutrices. Sur le terrain<br />
de la lutte, ce qui retient l’attention, c’est tout d’abord<br />
la violence et l’offensive en direction des masses défavorisées.<br />
Ensuite, les sirènes alarmantes d’une quelconque<br />
solution négociée pour tenir les travailleurs en<br />
haleine dans l’attente d’un certain dénouement prochain<br />
de la crise.<br />
Le Core group, représentant diplomatique des pays<br />
impérialistes en Haïti n’a pas manqué de manifester ses<br />
insatisfactions à l’égard de la classe politique puisque<br />
rien n’a changé aux données du problème à la Nonciature<br />
apostolique. Ainsi, il les exhorte à mettre entièrement<br />
de côté leurs divergences et à en venir à un accord<br />
sans tenir compte de la volonté et des aspirations du<br />
peuple.<br />
Le Core Group feint d’ignorer que la population<br />
dans son immense majorité ne se reconnait nullement<br />
dans les actes fantaisistes, répugnants, arbitraires de<br />
ces dirigeants politiques actuels qui ne désirent qu’une<br />
seule chose : satisfaire leur soif inextinguible de richesses<br />
et d’honneurs mal acquis.<br />
Cela dit, il faut être bien naïf pour s’étonner d’un<br />
éventuel dialogue ou d’une quelconque négociation<br />
vouée au départ à l’échec entre les acteurs de la classe<br />
politique, voire s’en passionner. Devant cette gravité<br />
des enjeux, les masses populaires doivent entreprendre<br />
d’audacieuses initiatives susceptibles de mettre en<br />
garde leurs ennemis internes représentés, d’une part<br />
par ces oiseaux de mauvais augure, porteurs de mauvaises<br />
nouvelles, et ceux de bon augure, porteurs de<br />
soi-disant nouvelles d’espoir comme la démission de<br />
Jovenel Moise. Ils sont deux faces de la même médaille,<br />
miroir de la bête étoilée aux deux faces républicaines et<br />
démocrates ; toutes leurs acrobaties tendent à satisfaire<br />
les intérêts impérialistes.<br />
Évitons donc de tomber dans le piège qui nous est<br />
tendu à savoir préférer l’un plutôt que l’autre comme<br />
l’indiquent certains courants. Une chose est certaine,<br />
malgré le torchon brulant entre les deux alliés de classe,<br />
le dialogue n’est pas rompu pour autant entre ses frères<br />
et sœurs de classe. Ils trouveront au moment opportun<br />
un terrain d’entente et feront front contre tout mouvement<br />
des masses opprimées visant à libérer le pays.<br />
Voilà ce qu’il en est de la réalité du pays et qui<br />
explique que le cycle de déstabilisation à outrance<br />
commencé n’est prêt à s’achever que si seulement les<br />
masses populaires sont organisées et mobilisées avec<br />
dynamisme dans l’application d’une orientation capable<br />
de mettre en déroute les forces adverses, perverses<br />
qui veulent asphyxier le pays par les moyens les plus<br />
sordides.<br />
La situation parait bien pire et certes dans des pires<br />
conditions, mais elle peut se retourner d’un moment à<br />
l’autre, car la colère du peuple ne cesse de gronder, son<br />
indignation face à la vie chère, le chômage, la pauvreté<br />
ne cesse de grandir, sauf que les conditions subjectives<br />
qui ne sont pas encore réalisées l’empêchent de prendre<br />
le chemin qui mène au grand combat de classe.<br />
Nous y arriverons, nous y arriverons, et Haïti à<br />
coup sûr sera libérée plus tôt que tard, même quand<br />
il y a certes beaucoup à faire pour atteindre le niveau<br />
d’actions conséquentes et efficaces.<br />
Jamais un tel choix n’est apparu aussi opportun,<br />
nécessaire et urgent qu’aujourd’hui pour sortir du tunnel<br />
de la honte.<br />
3, 2ème Impasse Lavaud<br />
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2 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong>
Le Core Group n’apprécie<br />
le dialogue sans accord<br />
34e Anniversaire du sept février 1986<br />
Prof. Esau Jean-Baptiste<br />
De gauche à droite Cristobal Dupouy de l’OEA, la représentante du<br />
secrétaire générale de l'ONU et cheffe de la BINUH, Hellen La Lime et le<br />
diplomate de Vatican Eugene Martin Nugent<br />
Par Isabelle L. Papillon<br />
De gauche à droite Victor Benoit et Emmanuel Menard<br />
Le Core Group n’a pas digéré que<br />
les conférences du 29, 30 et 31<br />
janvier <strong>2020</strong>, déroulées au siège de<br />
la Nonciature Apostolique pour une<br />
sortie de Crise ou une sortie du régime<br />
agonisant du PHTK ait tourné<br />
au fiasco ; une crise qui le ronge<br />
depuis la révolte populaire du mois<br />
de juillet 2018.<br />
Avaient participé à cette<br />
conférence, entre autres, des organisations<br />
qui avaient paraphé<br />
l’accord de Marriott : Mache Kontre<br />
représenté par Edgard Leblanc<br />
Fils de l’OPL et Alix Richard de la<br />
Fusion, le bloc Démocratique par<br />
Emmanuel Menard et Victor Benoit<br />
et Liné Baltazar du PHTK qui<br />
représentait les signataires de l’accord<br />
de Kinam.<br />
Ont été également présents,<br />
plusieurs autres organisations de<br />
la société civile, les représentants<br />
des partis comme le Rassemblement<br />
des Démocrates Nationaux<br />
Progressistes (RDNP) d’Eric Jean<br />
Baptiste, le CONA de Joseph Lambert,<br />
Palmiste de Simon Desras,<br />
Inifòs de Paul Denis, des partisans<br />
de Jovenel Moise : Renald Lubérice,<br />
Jude Charles Faustin, et Mme Jessy<br />
Ménos.<br />
Cette conférence a été arbitrée<br />
par le Comité Haïtien d’Initiative<br />
Patriotique (CHIP) composé<br />
d’un représentant de partis politiques,<br />
un membre de la société<br />
civile et un Recteur d’université.<br />
Elle a été entièrement appuyée par<br />
le Core Group, particulièrement la<br />
représentante du secrétaire générale<br />
de l’ONU et cheffe de la BINUH,<br />
Hellen La Lime et le représentant<br />
permanent de l’OEA en Haïti Cristobal<br />
Dupouy.<br />
Le Core Group n’a guère apprécié<br />
le résultat des rencontres<br />
dont l’objectif visait tout bonnement<br />
de parvenir à un accord de sortie de<br />
crise. Ainsi dans un communiqué,<br />
ils disent regretter que « les participants<br />
aux discussions politiques,<br />
déroulées les 29, 30 et 31 janvier<br />
derniers, n’aient pas pu parvenir<br />
à un accord, malgré leurs efforts ».<br />
Il faut signaler que l’unique<br />
point de divergence entre les<br />
représentants de l’opposition et<br />
ceux de pouvoir en place n’est pas<br />
la question de la formation d’un<br />
gouvernement, ni celle de l’insécurité<br />
; d’un nouveau conseil électoral,<br />
des changements constitutionnels,<br />
et des élections mais celle de la<br />
durée du mandat de Jovenel Moise.<br />
Pour sa part, le président Jovenel<br />
est accouru à la Nonciature<br />
le dernier jour en soulignant aux<br />
délégués, qu’il n’était nullement<br />
attaché à la durée de son mandat,<br />
mais à certaines réformes dans l’administration<br />
du pays. De plus il insista,<br />
qu’il veut remettre le pouvoir<br />
à un autre Président élu avant son<br />
départ.<br />
Par ces mots, ses représentants<br />
l’ont bien compris et n’ont pas<br />
accepté point barre de faire la concession<br />
sur la durée de son mandat<br />
que les membres de l’opposition<br />
voulaient amputer d’une année, de<br />
sorte qu’il laisse le pouvoir l’année<br />
prochaine au mois de Février 2021.<br />
Ne pouvant pas s’entendre,<br />
les acteurs ont laissé la nonciature<br />
sans parvenir à un accord de sortie<br />
de crise. Ce qui ne fait pas l’affaire<br />
de la communauté internationale<br />
qui espérait boucler cette affaire<br />
pour permettre à Jovenel de faire<br />
tout ce que bon lui semble.<br />
Le Core Group regrette qu’il<br />
n’y ait pas d’accord après les négociations<br />
et invite l’ensemble de la<br />
classe politique et des secteurs de<br />
la société haïtienne à prendre leurs<br />
responsabilités face aux défis auxquels<br />
le pays est confronté.<br />
Il semblerait que les pourparlers<br />
pourraient reprendre, c’est ce<br />
qu’a laissé comprendre le directeur<br />
de l’Initiative de la société civile<br />
(Isc), Rosny Deroches, qui indique<br />
que les acteurs de la conférence en<br />
l’occurrence le pouvoir et les partis<br />
de l’opposition, seront à nouveau<br />
convoqués le 7 février <strong>2020</strong><br />
à l’occasion du 34e anniversaire<br />
de la chute de la dictature des Duvalier<br />
pour continuer la discussion<br />
et trouver un accord même dans le<br />
désaccord<br />
Le Secteur dit démocratique<br />
et populaire et l’Alternative<br />
consensuelle pour la refondation<br />
d’Haïti qui avaient boudé les conférences<br />
ont pour leur part réitéré<br />
par leur porte-parole Michel André<br />
« Nous rejetons toute possibilité<br />
de participer à un gouvernement<br />
d’union nationale avec Jovenel<br />
Moïse comme président. Pour nous,<br />
la solution à la crise politique actuelle<br />
passe d’abord et avant tout par<br />
la démission de Jovenel Moïse »<br />
7 février 1986-7 février <strong>2020</strong> : une<br />
interminable transition de duperies,<br />
de rêve galvaudé et d’échec<br />
démocratique<br />
Apparemment, tout allait bien pour<br />
le gouvernement de Jean Claude<br />
Duvalier, quand, dans la ville des Gonaïves,<br />
cité de l’indépendance, a commencé<br />
une opposition contre le régime.<br />
Effectivement, quelques mois de cela,<br />
lors d’une manifestation dans cette ville<br />
(département de l’Artibonite), le peuple,<br />
dans ses revendications socio-politiques,<br />
rendait le gouvernement d’alors,<br />
responsable de leur situation de misère.<br />
Tout en tenant compte de la situation et<br />
des conséquences que cela pourrait avoir<br />
sur les autres régions du pays, le pouvoir<br />
dictatorial de Port-au-Prince, pour pallier<br />
á ce mouvement de soulèvement, dépêcha<br />
le ministre Alix Cinéas sur les lieux.<br />
Ironie du sort, c’est aussi dans cette ville<br />
que dix-huit mois plus tard, a commencé,<br />
avec la mort de Daniel Israël, Mackenson<br />
Michel et Jean Robert Cius, trois jeunes<br />
écoliers des Gonaïves, les mouvements<br />
de protestations qui devaient emporter le<br />
régime vers l’exil.<br />
Évidemment, avec des manifestations<br />
dans presque tous les départements,<br />
spécialement les grandes villes<br />
du pays, les derniers jours de janvier<br />
annonçaient déjà les couleurs contre<br />
un pouvoir dictatorial vieux de presque<br />
trente ans. En fait, Port-au-Prince, la<br />
capitale d’Haïti, où á l’époque se trouvait<br />
toutes les grandes forces militaires et répressives<br />
du gouvernement, était encore<br />
passive et, suivait jusqu’alors, l’évolution<br />
de la crise réclamant le départ de<br />
Jean-Claude Duvalier.<br />
Par contre, comme dans les villes<br />
de provinces, les écoles et les universités<br />
étaient aussi fermées á Port-au-Prince.<br />
Cependant, avec la manifestation du 30<br />
janvier 1986, la ville de Port-au-Prince,<br />
qui jusqu’à date était calme, s’est rapidement<br />
alignée au côté d’autres villes<br />
qui réclamaient le départ de Jean Claude<br />
Duvalier du pouvoir. Le faux départ du<br />
dictateur le 31 janvier allait conduire á<br />
une semaine d’état siège. Tout en analysant<br />
les raisons de cet état siège, certains<br />
analystes et experts dans la crise<br />
politique haïtienne pensaient que c’était<br />
juste une question pour la communauté<br />
internationale de trouver une terre d’asile<br />
pour le président à vie.<br />
Dans l’intervalle, comme des rumeurs<br />
couraient sur le départ de Jean-<br />
Claude Duvalier, donc durant les nuits<br />
du 5 et 6 février, la population était impatiente<br />
en termes de quoi demain sera<br />
fait. Avec la fermeture des stations de<br />
radios qui étaient jugées, par le gouvernement,<br />
trop exagérées dans la diffusion<br />
des nouvelles locales, donc les jeunes en<br />
particulier et la population en générale,<br />
en quête d’information ont essayé et certaines<br />
fois très tard, d’être branché sur<br />
des émissions des « short wave » des radios<br />
étrangères venant des pays proches,<br />
pour avoir des nouvelles concernant le<br />
dénouement de la crise dans le pays.<br />
Comme on n’était pas à l’ère de la technologie,<br />
ou grâce à des réseaux sociaux<br />
les nouvelles pourraient aller loin et vite,<br />
donc à l’époque, mis à part des rumeurs<br />
venant des personnages proches du pouvoir<br />
ou d’une certaine classe de l’élite<br />
haïtienne, les infos étaient rares et même<br />
trop rares au grand public. Ce qui fait,<br />
à partir des informations recueillies dans<br />
leurs pays de résidence, certains haïtiens,<br />
surtout les opposants (appelé Kamoken)<br />
du pouvoir politique de Port-au Prince,<br />
dans certaines communautés en diaspora<br />
qui, de près, surveillaient l’évolution<br />
de la situation, ont dans bien des occasions,<br />
appelé leurs alliés et amis pour les<br />
informer sur les toutes dernières nouvelles<br />
de la crise haïtienne. Donc á partir<br />
Le général Henri Namphy, 3e à gauche, lors de la remise du pouvoir aux<br />
militaires par Bébé Doc le jour de son départ le 7 février 1986. Le Conseil<br />
National de gouvernement (CNG)<br />
(Photo by Jean-Claude FRANCOLON/Gamma-Rapho via Getty Images)<br />
Le départ de Jean-Claude « Baby Doc » et Michèle Duvalier pour l’exile<br />
des informations qui circulaient, le pays<br />
était en alerte. Ainsi, pendant des jours<br />
et des heures, au fur et à mesure que<br />
le suspense se faisait attendre, il n’était<br />
plus question de son départ en soi, mais<br />
plutôt d’une affaire de temps, á savoir<br />
quand est-ce il quitterait le pouvoir.<br />
Entre-temps, toutes les activités<br />
étaient au point mort. Mis à part les<br />
écoles et les universités qui étaient fermées<br />
depuis des semaines, avec l’état<br />
siège qui était décrété depuis des jours<br />
par le régime dictatorial, la vie nocturne<br />
était complètement paralysée. Donc très<br />
tôt dans l’après-midi, par peur d’être victimes<br />
de représailles des tortionnaires<br />
du régime, les gens étaient déjà soit á<br />
la maison ou dans leur quartier. On ne<br />
prend pas de chance. Bien entendu, dans<br />
toutes circonstance, il-y-a toujours des<br />
inconvénients qui bien des fois forcent<br />
les gens à violer certains principes ou<br />
des imprudents qui, quand il s’agit de<br />
leurs routines de fonctionnement ou de<br />
folies au quotidien, ne soucient de rien<br />
peu importe le risque à courir. Bref, dans<br />
l’ensemble, la semaine d’état siège était<br />
très inquiétante, mais surtout la nuit du<br />
jeudi 6 février fut la plus longue. Pendant<br />
les dernières heures, soient qu’elles<br />
viennent des membres proches du pouvoir<br />
ou des haïtiens de la diaspora, des<br />
rumeurs de toutes sortes circulaient á<br />
Port-au-Prince. Quant à certaines presses<br />
de l’international, ne voulaient pas répéter<br />
les mêmes expériences du 31 janvier<br />
ou le faux départ du dictateur était annoncé,<br />
alors qu’il était encore au pouvoir<br />
au Palais national, donc, elles étaient très<br />
prudentes. De ce fait, elles préféraient<br />
attendre. N’empêche, dans certaines<br />
chambres d’hôtels du pays, les reporters<br />
internationaux en quête des toutes dernières<br />
nouvelles, attendaient impatiemment.<br />
Par mesure de précautions, des parents<br />
et amis encourageaient leurs siens,<br />
particulièrement les plus imprudents, de<br />
ne pas prendre des risques, en un mot,<br />
la consigne était de rester chez soi. Pour<br />
ceux qui ont de l’expérience dans les dénouements<br />
de crise politique en Haïti, ils<br />
sentaient déjà que quelque chose allait<br />
arriver.<br />
Le départ de Duvalier le<br />
7 février 1986<br />
Ainsi, pendant que certains dormaient,<br />
d’autres étaient sur leurs pieds de<br />
guerre attendant les toutes dernières<br />
nouvelles. Finalement l’annonce fut<br />
faite. Après avoir dirigé le pays pendant<br />
presque trente ans, la famille Duvalier est<br />
partie. Ne voulant pas affronter la colère<br />
du peuple, président Duvalier choisit<br />
de quitter le pays au beau milieu de la<br />
nuit. ‘’Il était 2h45 quand le président,<br />
accompagné de sa famille et des proches<br />
collaborateurs, dans un C-141 de l’armée<br />
Américaine partait pour l’exile. Et<br />
au moment de son départ, le dictateur a<br />
prononcé son dernier discours : « Désirant<br />
entrer dans l’histoire la tête haute,<br />
la conscience tranquille, j’ai choisi de<br />
passer le destin de la nation, le pouvoir<br />
aux Forces Armées d’Haïti en souhaitant<br />
que cette décision permettra une<br />
issue pacifique et rapide á la crise actuelle.<br />
»<br />
7 Février 1991 investiture du président Jean Bertrand Aristide<br />
Avec ce discours dans la matinée<br />
du vendredi 7 février 1986, ainsi prenait<br />
fin vingt-neuf années de dictature des<br />
Duvalier père et fils. Aussi s’annonce<br />
l’espoir pour une nouvelle Haïti pleine<br />
de promesse, mais surtout des changements<br />
socio-économiques pour les<br />
classes défavorisées. A Port-au-Prince<br />
comme dans les villes de provinces, tôt<br />
dans la matinée, une foule en délire avec<br />
des branches d’arbres, errait dans les<br />
rues pour exprimer leur contentement.<br />
suite à la page(18)<br />
Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong><br />
<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
3
Pitit Malere<br />
Sa ou vle nèg-la fè?<br />
madanm-li ap pase rad,<br />
li minm l-ap pase tray<br />
pitit li kouche<br />
tou rèd tou plat<br />
kon nap joudlan.<br />
yon ti moun si zan<br />
tou chèchkò.<br />
wa di you bwadan<br />
seren fi-n souse,<br />
wa dj you vye chalimo<br />
fronmi ap pote ale.<br />
vwazinay koumanse sanble<br />
lan kay-la,<br />
yo chita lan plenyen :<br />
apa yè, mezanmi,<br />
ti nonm-la t-ap pase la-a...<br />
Hey! katye-a tankou<br />
you bout bra<br />
ki pa kenbe anyen.<br />
PAR CES MOTIFS<br />
Le tribunal, après examen, et sur les conclusions conformes du Ministère public,<br />
maintient le défaut octroyé contre la partie défenderesse à audience quatorze (14)<br />
Février deux mille dix neuf (2019) , pour le profit déclare fondée la dite action;<br />
admet en conséquence le divorce du sieur Joseph Reconny PIERRE LOUIS d'avec son<br />
épouse née Marie Edeline MÉUS, pour injures graves et publiques. Prononce la dissolution<br />
des liens matrimoniaux existent entre les dits époux; ordonne à l'officier de l’état<br />
civil de Petite Rivière de Nippes de transcrire sur les registres à ce destinés le dispositif<br />
du présent jugement dont un extrait sera inséré dans l'un des quotidiens s'éditant à la<br />
capitale sous peine de dommages intérêts envers les tiers s'il y échet; commet l'huissier<br />
Moral Jean Pierre de ce tribunal pour la signification du présent jugement;<br />
compense les dépens. Ainsi jugé et prononcé par nous, Me Marideline Paul, juge en<br />
audience civile, ordinaire et publique du vingt et un (21) Février deux mille (2019, en<br />
présence de Me Kinsly BENJAMIN, substitut du commissaire du gouvernement de ce<br />
ressort, avec l'assistance du sieur Emmanuel Désir, greffier du siège. Il est ordonné à<br />
tous huissiers sur ce requis de mettre le présent jugement à exécution, aux officiers<br />
du Ministère public près les tribunaux civils d'y tenir la main; à tous commandants et<br />
autres officiers de la force publique d'y prêter main forte lorsqu'ils en seront<br />
légalement requis. En foi de quoi la Minute du présent jugement est signée du juge<br />
et du greffier susdit.<br />
PAR CES MOTIFS<br />
Après en avoir délibéré conformément à la loi, Accueille favorablement la<br />
demande de la partie demanderesse pour être juste et fondée accorde<br />
que le cité soit expulsé des lieux et que la requérante, partie demanderesse<br />
soit réintégrée et maintenu dans sa possession condamne le dit cité<br />
aux dommages intérêts, frais et dépens de la procédure ce , au termes<br />
des articles 49, 56 C.P.C et 1168 C. C s'éditant dans l'un des journaux du<br />
pays commet l'huissier Wilfrid Ulysse pour la signification du du présent<br />
jugement donné de nous Me Pressage Antoine juge de paix de la<br />
commune de Grand Grossier à l'audience civile ordinaire et possessoire<br />
du lundi cinq Août deux mille dix neuf assisté du citoyen Jn Baptiste<br />
Anthony Rabel greffier. Le tribunal se décline devant les sommes de cent<br />
et cent cinquante mille gourdes pour raison de compétence. Il est ordonné<br />
à tous huissiers, sur ce requis de mettre le présent jugement à exécution<br />
aux officiers du Ministère public près les tribunaux civiles d'y tenir la<br />
main à tous commandants et autres officiers de la force publique d'y<br />
prêter main forte lorsqu'ils en seront légalement requis. En foi de quoi la<br />
minute du présent jugement a été signée par le juge et le greffier Jn<br />
Baptiste Anthony Rabel pour expédition conforme collationnée.<br />
PAR CES MOTIFS<br />
Le tribunal après avoir délibéré au voeu de la loi et sur les conclusions conformes<br />
du Ministère public, accueille l'action de la demanderesse , la dame née Katlyne<br />
DAUDIER, en la forme; maintient le défaut faute de comparaître octroyé à<br />
l'audience du vendredi vingt six juillet deux mille dix neuf contre le sieur Patrick<br />
JOSEPH; admet en conséquence le divorce de ladite dame née Katlyne DAUDIER<br />
contre son époux Patrick JOSEPH ,pour injures graves et publiques fait prévu à<br />
l'article 217 du code civil haïtien; prononce la dissolution des liens matrimoniaux<br />
ayant existé entre eux aux, torts exclusif de l'époux; ordonne à l'office l'état civil<br />
de Port-au-Pronce Section Est de transcrire sur les registres à ce destinés le dispositif<br />
du présent jugement dont dont un extrait sera publié dans l'un des quotidiens<br />
s'éditant à la capitale, sous peine de dommages intérêts envers les tiers ;<br />
Compense les dépens vu la qualité des parties; commet l'huissier Jean Marc<br />
AUGUSTIN pour la signification du présent jugement. RENDU DE NOUS, Berge O.<br />
SUPRISE, juge au tribunal de première instance de Port-au-Prince, en la chambre<br />
du conseil en audience civile publique et ordinaire du vendredi vingt six juillet<br />
deux mille dix neuf, en présence du substitut commissaire du gouvernement, Me.<br />
Jean Rolex MEROVE, faisant partie office du Ministère du Ministère public, et avec<br />
l'assistance de Me. Serge DUVERT , greffier du siège. Il ordonné. ......etc. En foi<br />
de quoi. ...etc. Ainsi signé : Berge O. SUPRISE et Jean Serge DUVERT.<br />
PAR CES MOTIFS<br />
Le tribunal après avoir délibéré conformément à la loi le<br />
Ministère public entendu dans son réquisitoire, maintient le<br />
défaut octroyé à l'audience contre Mme Elisette Simon. Qu'en<br />
conséquence, admet le divorce entre les époux Webert saint<br />
Louis d'avec la dame Elisette Simon pour abandon du droit<br />
marital et incompatibilités de caractères. Ordonne que les<br />
parties soient présentées par devant l'officier de l'état civil où<br />
le contrat de mariage à été contracté. Compense les dépens.<br />
Ordonné de nous Me Verne Simon, AV. Doyen au tribunal de<br />
première instance de Inche à l'audience civile de divorce du<br />
lundi 01 Avril 2019 en présence de Me Fritz AUBOURG, commissaire<br />
du gouvernement avec l'assistance de Me Wilfrid Elie<br />
greffier du siège. Pour ordre de publication : Me Antoine<br />
Toussaint Avocat.<br />
Maladi lan san,<br />
osnon maladi san non?<br />
- Non madanm,<br />
se grangou k-ap pote-l ale,<br />
maladi lamizè<br />
ki kanpe lan tout kay-la<br />
lan mitan tout bagay.<br />
Sa ou vlé nèg-la fè?<br />
madanm-li ap pase rad,<br />
li menm l-ap pase tray,<br />
l-ap vanse je fèmen,<br />
li pa konnen sa pou-l fè,<br />
li tankou you vye revèy<br />
ki rete sou midi:<br />
vant-li vid,<br />
bouch-li ap kimen.<br />
Li pa touche depi twa mwa,<br />
pitit-1i kouche tou rèd<br />
epi-l tande<br />
lantèman pou ka trè.<br />
Georges Castera Fils<br />
PAR CES MOTIFS<br />
Le tribunal après examen sur les conclusions du Ministère public<br />
maintient le défaut octroyé contre Jean Yves Charles à l'audience<br />
précitée, pour le profit déclare fondée la dite action , admet en<br />
conséquence, le divorce de Dieula Antoine d'avec Jean Yves Charles,<br />
pour incompatibilités de caractères, aux torts de l'époux; prononce la<br />
dissolution des liens matrimoniaux ayant existé entre les dits époux;<br />
ordonne à l'officier de l'état civil de la commune de Saint Marc de<br />
transcrire sur les registres à ce destinées le dispositif du présent<br />
jugement dont un extrait sera inséré dans l'un des quotidiens<br />
s'éditant à la capitale, sous peine de dommages intérêts envers les<br />
tiers, s'il y échet, compense les dépens. Ainsi jugé et prononcé par<br />
nous Me Gabnel François Av. Juge en audience civil ordinaire et<br />
publique en date du treize février deux mille dix huit en présence de<br />
Me Grand Pierre Estimé substitut commissaire du gouvernement de ce<br />
ressort avec l'assistance du greffier Pascal Toussaint . Il est odonné........etc....En<br />
foi de quoi. .... etc. .... Charliernor Thompson, officier<br />
de l'état civil<br />
PAR CES MOTIFS<br />
Sur les conclusions conformes du Ministère public, confirme le défaut<br />
déjà octroyé en la forme contre le sieur Onel LÉON, au fond admet le<br />
divorce des époux Onel LÉON la dame née Clarelle CAZEAU pour incompatibilité<br />
de caractère, prononce la dissolution des liens matrimoniaux<br />
ayant existé entre eux; dit que désormais l'épouse reprendra son nom de<br />
famille. Dit que son copie du dispositif du présent jugement certifié<br />
conforme par le greffier du tribunal de première instance des Cayes, sera<br />
signifié, après qu'il aura acquis l'autorité de la chose souverainement<br />
jugé à l'un des officiers de l'état civil des Cayes aux fins de sa transcription<br />
sur les registres à ce destinés. Dit également quʼun extrait du<br />
jugement sera publié sur l'un des journaux s'éditant à la capitale,<br />
compense les dépens, commet l'huissier Louis Sonel Laurent pour la<br />
signification du présent jugement. Redu de nous, Me Pierre Ezéchiel Vaval<br />
Doyen du tribunal de première instance des Cayes, assisté de Me Wilnoce<br />
SANON, substitut commissaire du gouvernement et de Mercinor BAZIL,<br />
greffier du siège en l'audience publique et civile de ce jour 23 janvier<br />
deux mille dix neuf An 216ème de l'indépendance. Il est ordonné, ....En<br />
foi de quoi ...etc... Me Jonas BADETTE. Avocat.<br />
PAR CES MOTIFS<br />
Le tribunal après en avoir délibéré au voeu de la loi et après avoir entendu le ministère public dans<br />
ses conclusions écrites en la forme et au fond , favorable à l'action de la requérante accueille l'action<br />
intentée en divorce par la dame Dieumerci Fortuna contre son époux Cloter François en la forme<br />
maintient le défaut déjà octroyé contre le défendeur à l'audience du jeudi 12 juillet 2018 à 01<br />
heures 15 minutes de l'après midi ce pour n'avoir pas été rabattu aux termes de l'article 287 du<br />
code de procédure civil Luc D'HECTOR. Admet le divorce des époux sus-parlés pour tortures corporelle<br />
(sévices)et pour graves et publiques envers son marie au voeu de l'article 217 du code civil haïtien.<br />
prononce la dissolution des liens matrimoniaux ayant existé entre les dits époux tout en ordonnant<br />
à l'officier de l'état civil de la commune de la Petite Rivière de Nippes Mr. Lionel Prucien de transcrire<br />
sur les registres à ce destinés le dispositif du présent jugement, dont un extrait sera inséré dans l'un<br />
des quotidiens s'éditant à la capitale sous peine de dommages intérêt envers les tiers et de rédiger<br />
l’acte de divorce des époux précités. Commet l'huissier Codet Geste pour la signification du présent<br />
jugement aux fins de droit tout en composant les dépens en raison de la qualité des parties . Donné<br />
de nous Me Nerva Vilmont, juge doyen près le tribunal de première instance de Miragoâne en<br />
audience publique et civile de divorce en date du jeudi 12 juillet 2018 à 01h20 minutes de l'après<br />
midi . An 215ème de l'indépendance, en présence de Me Kinsly Benjamin. Magt. Substitut<br />
commissaire du gouvernement près le paquet du tribunal de première instance de Miragoâne avec<br />
l'assistance de Me Arismon Saint Clair avocat greffier en chef. Il est à tous huissiers sur requis de<br />
mettre le présent jugement à exécution aux officiers du ministère public près les tribunaux civils d'y<br />
tenir la main , à tous commandants et autres officiers de la force publique d'y prêter main forte<br />
lorsqu'ils en seront légalement requis En foi de quoi la minute du présent jugement est signé du juge<br />
, le commissaire du gouvernement et du greffier en chef susdit . Pour expédition conforme à la<br />
minute collationné. Mr Lionel Prucien off.cv.<br />
PAR CES MOTIFS<br />
Le tribunal sur les conclusions conforme du Ministère public représenté à la barre<br />
par Mr Joseph Denis Gérard substitut commissaire du gouvernement de ce ressort<br />
, maintient le défaut requis et déjà octroyé à l'audience du jeudi six juin deux mille<br />
dix neuf contre le sieur Jean Herold Jean Louis pour faute de comparaître, pour le<br />
profit accueille favorablement l'action en divorce introduite par la dame née<br />
Guerthi Toussaint pour être juste et fondée, et en conséquence la dissolution des<br />
liens matrimoniaux existant entre les sus dits époux pour les causes sus énoncées<br />
et aux torts de l'épouse défaillant,en outre renvoie la requérante par l'officier de<br />
l'état civil de Vieux Bourg d'Aquin pour la rédaction de l'acte de divorce et la<br />
transcription du dispositif de cette décision sur les registres destinés à cet effet.<br />
Compense les dépens en raison de la qualité des parties. Commet Anthony Saint<br />
Germain, de ce siège pour la signification de cette décision. Ainsi jugé et prononcé<br />
par nous Louis Fils Joseph , en présence de Me Aldrin Joassaint substitut commissaire<br />
du gouvernement de ce ressort en audience publique et en ses attributions<br />
civile ordinaire et de divorce et avec l'assistance du citoyen Jean Claude Novembre<br />
Greffier du siège de ce jour jeudi neuf janvier deux mille vingt An 217 ème de<br />
l'indépendance.<br />
Il est ordonné etc. . En foi de quoi etc.<br />
Me Philippe M Lalane, Avocat.<br />
La lettre sous la languet<br />
Je t’écris pour te dire<br />
que je vis à fleur d’encre<br />
dans une ville de béton armé<br />
On tire lamentablement dans<br />
ma rue<br />
Dire et déjà trop dire<br />
le bonheur sous chloroforme<br />
Qui habitera avec nous<br />
cet espace mensonger<br />
l’incertitude de ce pays<br />
aphone à force de faire des<br />
promesses<br />
à des bonheurs sans complices<br />
à des rêves de plein jour<br />
PAR CES MOTIFS<br />
Le tribunal, après examen et sur les conclusions du ministère public,<br />
maintient le défaut octroyé contre le défendeur à l'audience précitée;<br />
pour le profit déclare fondée la dite action admet en conséquence le<br />
divorce de la dame Jeanine SENAT d'avec son époux André PHILIPPE,<br />
pour injures graves et publiques aux torts de l'époux. prononce la<br />
dissolution des liens matrimoniaux ayant existé entre les dits époux;<br />
ordonne à l'officier de l'état civil de grande Saline de transcrire sur les<br />
registres à ce destinés le dispositif du présent jugement dont un extrait<br />
sera inséré dans l'un des quotidiens s'éditant à la capitale sous peine de<br />
dommages intérêts envers les tiers s'il y échet. Compense les dépens.<br />
Ainsi jugé et prononcé par nous, Me. Gabnel François, avocat juge en<br />
audience civile ordinaire et publique en date du quinze mai deux mille<br />
dix huit en présence de Me Grand Pierre ESTIME, substitut Commissaire<br />
du gouvernement de ce ressort et avec l'assistance du greffier Feronel<br />
FILS AIME. Il est ordonné. ....etc En foi de quoi. ....etc Ainsi signé :<br />
Gabnel François et Feronel FILS- AIME. Feronel FILS -AIME greffier.<br />
PAR CES MOTIFS<br />
Le tribunal après avoir délibéré conformément après au voeu de la loi et<br />
sur les conclusions conformes du Ministère public, accueille favorablement<br />
l'action en divorce intentée par le sieur Francisque Cantave contre sa<br />
femme née Alaine Joseph pour être régulière en la forme. Maintient au<br />
fond le défaut, faute de comparaître requis et octroyé contre la dame Alaine<br />
Joseph et faute de conclure contre Me Syfanier Raphaël à l'audience civile<br />
de divorce du 18 janvier 2018 pour n'avoir pas été rabattu ni combattu en<br />
conformité avec l'article 287 du code de procédure civile. Admet le divorce<br />
des époux Francisque Cantave, femme née Alaine Joseph pour injures<br />
graves et publique selon le voeu de l'article 217 du code civil Haïtien;<br />
prononce en conséquence la dissolution des liens conjugaux existant entre<br />
les dits époux; ordonne à l'officier de l'état civil de la section sud des<br />
Gonaïves des de transcrire le dispositif du présent jugement sur les<br />
registres à ce destinés dont un extrait sera inséré dans l'un des quotidiens<br />
s'éditant à la capitale sous peine de dommages intérêts envers les tiers, s'il<br />
y échet . Commet l'huissier Georges Michel du tribunal de première<br />
instance des Gonaïves pour la signification du jugement. Compense les<br />
dépenses en raison de la qualité des parties. Me Chenet Sanon Avocat<br />
PAR CES MOTIFS<br />
Le tribunal après examen sur les conclusions du ministère public,<br />
maintient le défaut octroyé contre le défenseur à l'audience précitée<br />
pour le profit déclare fondée la dite action; admet en conséquence le<br />
divorce de Fabiena St Neus d'avec son époux Prince Warrens Ashley<br />
Jean Paul, pour injures graves et publique. Prononce la dissolution<br />
des liens matrimoniaux ayant existé entré les dits époux . Ordonne à<br />
l'officier de l'état civil de grande Saline de trancrire sur les registres<br />
à ce destinés le dispositif du présent jugement dont un extrait sera<br />
inséré dans l'un des quotidiens s'éditant à la capitale sous peine de<br />
dommages intérêt envers les tiers s'il y échet, commet l'huissier<br />
Wilkenson ALTIME de ce siège pour la signification de ce jugement.<br />
Compense les dépens . Ainsi jugé et prononcé par nous Gabnel<br />
FRANÇOIS, juge en audience civile et publique en date du dix mai<br />
deux deux mille dix huit en présence de Me Grand Pierre ESTIME<br />
substitut commissaire du gouvernement de ce ressort avec l'assistance<br />
du greffier Huguens D'HATI. Me Ulrick Joseph<br />
PAR CES MOTIFS<br />
Le tribunal après examen, le Ministère public entendu, maintient le<br />
défaut octroyé contre la défenderesse à l'audience précitée, pour le<br />
profit déclare fondée la dite action. Admet en conséquence le divorce<br />
de la dame Marie Guernite DOSTREL, d'avec son époux Abiquit SAINT<br />
SAUVEUR pour injures graves et publiques et inconpatibilités de<br />
caractères aux torts de l'époux. Prononce la dissolution des liens<br />
matrimoniaux existant entre les dits époux. Ordonne à l'officier de<br />
l'état civil de Port-au-Prince Section Est de transcrire sur les registres<br />
à ce destinés, le dispositif du présent jugement dont un extrait sera<br />
inséré dans l'un des quotidiens s'éditant à la capitale sous peine de<br />
dommages intérêts envers les tiers s'il y échet, commet l'huissier<br />
Amos JEANLUS de ce siège pour la signification de ce jugement;<br />
compense les depens; Ainsi jugé et prononcé par nous, Annie<br />
FIGNOLE, juge en audience civile ordinaire et publique du jeudi vingt<br />
cinq juillet deux mille dix neuf en présence de Me. Jean Rolex<br />
MEROVE substitut commissaire du gouvernement, et avec l'assistance<br />
du sieur Mozart TASSY, greffier du siège<br />
et de plain-pied ?<br />
Déjà l’ellipse<br />
ma main coupée en deux<br />
Il faut trancher<br />
Je suis un homme<br />
qui du rebord piégé de la lune<br />
et du rebond de la lettre<br />
et du piège de l’esprit<br />
appelle la folie<br />
devant la mer en ruine<br />
et puisqu’il te faut un récit<br />
court<br />
celui des fous derrière la porte<br />
des lapsus<br />
Errata<br />
ou des masques allumés<br />
qui font un bruit de<br />
poulie<br />
dans les os<br />
je t’écris pour t’apprendre<br />
que j’ai longtemps<br />
parlé avec les poings<br />
serrés<br />
pour ne pas crier<br />
avec<br />
l’horizon qui fait<br />
naufrage.<br />
PAR CES MOTIFS<br />
Le tribunal après examen. Le Ministère public entendu, maintient le défaut octroyé<br />
contre la défenderesse à l'audience précitée, pour le profit déclare fondée la dite<br />
action admet en conséquence le divorce du sieur Serge Gaspard, d'avec son épouse<br />
née Alourdes André pour injures graves et publiques aux torts de l'épouse.<br />
Prononce la dissolution des liens matrimoniaux existant entre les dits époux;<br />
ordonne à l'officier de l'état civil de la section Est de Port-au-Prince à transcrire sur<br />
les registres à ce destinés; le dispositif du présent jugement dont un extrait sera<br />
inséré dans l'un des quotidiens s'éditant à la capitale sous peine de dommages<br />
intérêts envers les tiers s'il y échet. Commet l'huissier Johnny Jean pour la signification<br />
de ce jugement; compense les dépens. Ainsi jugé et prononcé par nous, Guy<br />
Augustin juge en audience civile ordinaire et publique du mercredi vingt quatre<br />
juillet deux mille dix neuf en présence de Me. Paul WESLEY , substitut commissaire<br />
du gouvernement de ce ressort et avec l'assistance du sieur Junior Sauvens<br />
THELEMAQUE, greffier du siège. Il est ordonné à tous huissiers sur ce requis de<br />
mettre le présent jugement à exécution; aux officiers du ministère public près les<br />
tribunaux de première instance d'y tenir la main à tous commandants et autres<br />
officiers de la force publique, d'y prêté main forte lorsqu'il en seront légalement<br />
requis. En foi de quoi, la minute le présent jugement est signée du juge et du<br />
greffier susdit.<br />
PAR CES MOTIFS<br />
Sur les conclusions conforme du Ministère public, confirme le divorce<br />
des époux Jean Enel SIMILIEN, la dame née Daphney DUQUELLA<br />
pour injures graves et publiques, abandon du toit conjugal, proonce<br />
la dissolution des liens matrimoniaux ayant existé entre eux. Dit que<br />
désormais l'épouse reprendra son nom de famille. Dit que copie du<br />
dispositif du présent jugement passé en force de chose jugée, certifié<br />
par le greffier du tribunal de première instance des Cayes aux fins de<br />
sa transcription aux registres à ce destiné. Dit également qu'un<br />
extrait dudit jugement publié dans un journal da la capitale,<br />
compense les dépens, en fin commet l'huissier Pierre Richard GIRAULT<br />
pour la signification du présent jugement. Prononcé par nous Me<br />
Jocelyn LUCIEN, juge en présence de Me Joseph AMAZAN substitut<br />
commissaire du gouvernement, assisté de Pierre CASSEUS , greffier<br />
du siège en audience publique et civile ce jour 16 novembre deux<br />
mille seize. An 213ème de l'indépendance. Il est ordonné etc. ..... En<br />
foi de quoi etc. ... Jean Baptiste Pierre Zachary Avocat<br />
PAR CES MOTIFS<br />
Après examen, le Ministère public entendu, maintient le défaut<br />
octroyé contre la défenderesse à l'audience précitée, pour le profit<br />
déclare fondé la dite action . Admet en conséquence le divorce du<br />
sieur Wilsonne CLENAT d'avec son épouse née Gertha JEAN LOUIS<br />
pour injures graves et publiques aux torts de l'épouse. Prononce la<br />
dissolution des liens matrimoniaux existant entre les dits époux;<br />
ordonne à l'officier de l'état civil de la section Nord de Port-au-Prince<br />
de transcrire sur les registres à ce destinés, le dispositif du présent<br />
jugement dont un extrait sera inséré dans l'un des quotidiens<br />
s'éditant à la capitale sous peine de dommages intérêts envers les<br />
tiers. Commet l'huissier Canal Gabriel de ce siège pour la signification<br />
de ce jugement. Compense les dépens. AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ<br />
par nous Annie FIGNOLÉ, juge en audience civile, publique et<br />
ordinaire du jeudi vingt quatre janvier deux mille dix neuf, en<br />
présence de Me Jean Rolex MEROVE, substitut commissaire de ce<br />
ressort et avec l'assistance du sieur Mozart TASSY . Greffier du siège.<br />
Me Jacques SAINT PREUX Avocat<br />
PAR CES MOTIFS<br />
Georges<br />
Castera Fils<br />
La couverture du dernier numéro aurait dû lire Vol. 13 # 30 * du 29 Janvier au 4 Février <strong>2020</strong> au lieu<br />
de Vol. 13 # 05 * du 7 au 13 Août 2019.Nous nous excusons également pour une partie de l'article «Les<br />
Bossales dans les rues» à la page 3 qui a été supprimée par inadvertance.<br />
La Direction<br />
Le tribunal après examen, le Ministère public entendu, maintient le défaut<br />
octroyé contre le défendeur à l'audience précitée, pour le profit déclare<br />
fondé la dite action, admet en conséquence le divorce des époux Hygens<br />
JOSEPH, la femme née Anne Marie Yolande PIERRE pour injures graves et<br />
publiques et abandon du toit conjugal aux torts de l'époux, conformément<br />
aux articles 217 et suivant du code civil; prononce la dissolution des liens<br />
matrimoniaux existant entre les dits époux; ordonne à l'officier de l'état<br />
civil de la Section Sud de Port-au-Prince à transcrire sur les registres à ce<br />
destinés le dispositif du présent jugement dont un extrait sera inséré dans<br />
l'un des quotidiens s'éditant à la capitale sous peine de dommages intérêts<br />
envers les tiers s'il y échet; commet l'huissier Jean Joseph Donald CADET<br />
pour la signification de ce jugement; compense les dépens. Ainsi jugé et<br />
prononcé par nous, Guy AUGUSTIN, juge, en audience civile , ordinaire et<br />
publique du mercredi dix Avril deux mille dix neuf en présence de Me Paul<br />
Wesley, substitut commissaire du gouvernement de ce ressort et avec<br />
l'assistance du sieur Junior Sauvens THELEMAQUE , greffier du siège. Il est<br />
ordonné. .......etc. ..En foi de quoi. ......etc.<br />
4 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong>
Twa Fèy, Twa Rasin O!<br />
Un fils du peuple en tête-à-tête avec un<br />
ti boujwa arivis<br />
Par Fanfan la Tulipe<br />
« Conseil aux arrivistes : mangez du cirage,<br />
vous brillerez en société ! »<br />
Pierre Doris<br />
(Acteur, Artiste, Comique)<br />
Avec tout ce raffut, ce chahut, cette<br />
cacophonie, ce charivari, cette confusion,<br />
ce bordel qu’est la scène politique<br />
depuis l’ère des tètkale savann boule,<br />
ère organisée, entretenue par la gent internationale<br />
et les fils de pute locaux de<br />
l’impérialisme, on a l’impression que les<br />
concernés, le pouvoir aussi bien que l’opposition,<br />
ne font que du surplace autour<br />
de leurs deux thèmes favoris : la démission<br />
de Jovenel versus un impossible sinon<br />
illusoire dialogue. Alors, fatigué de<br />
ces turpitudes, ennuyé à mourir par cette<br />
honte, cette déchéance en chute libre, je<br />
me suis refugié dans mon nirvana, non<br />
pas l’espace d’un cillement mais le temps<br />
de retrouver mon sens de l’équilibre, de<br />
me rafraîchir à la source du rationnel.<br />
Dans mon nirvana, je me détends,<br />
je fuis la marche aberrante, dégringolante<br />
du pays, la tortuosité et<br />
l’abracadabrance des acteurs politiques,<br />
je recrée la vie au hasard de mon imagination.<br />
Tout peut émerger dans mon<br />
univers nirvanal : un grand poème engagé<br />
digne d’un Paul Laraque, un rêve<br />
hadrianique pour rejoindre la regrettée<br />
Marguerite Yourcenar sur ses voies lactées<br />
; une audacieuse tentative de jouer<br />
à un grand écrivain qui serait l’auteur<br />
d’un « Mille ans de solitude » comme<br />
pour saluer la mémoire de Garcia Marquez<br />
; un dialogue non pas de mes<br />
lampes, mais un tête-à-tête entre un fils<br />
du peuple et un ti boujwa arivis.<br />
Les ti boujwa arivis pullulent dans<br />
le monde limoneux, trouble des PHTK. Ils<br />
ne sont pas analphabètes au sens strict du<br />
terme, mais… Professionnels ou non, ils<br />
respirent la bêtise, s’en alimentent, s’en<br />
délectent, en raffolent. Leur dénominateur<br />
commun c’est de s’assurer qu’ils peuvent<br />
passer pour des bourgeois. Se croyant<br />
dans la note juste, ils font assez de bruit<br />
pour se faire remarquer par le « chef » qui<br />
laissera tomber un os aux plus bruiteux<br />
d’entre eux. Ils sont minables à observer :<br />
aplatis, allongés dans les couloirs du palais<br />
ou des ministères, pattes en avant,<br />
attendant leur « récompense ».<br />
L’usage de la radio, de la télé ou des<br />
deux combinées les arrangent, ils sont<br />
dans leur plat. Là, ils tonitruent, s’époumonent,<br />
braillent, aboient, déblatèrent,<br />
écument. L’essentiel c’est que l’écumance<br />
océane de leur voix arrive jusqu’aux<br />
oreilles du président ti zòrèy. C’est ainsi<br />
que l’imagination, la fiction et quelques<br />
réminiscences aidant, j’ai pu écouter, médusé,<br />
l’entrevue radiophonique qui suit,<br />
celle accordée par un fils du peuple, naïf<br />
jusqu’aux os, à un ti boujwa mal fagoté,<br />
Aristobule Kakapoul, essayant de coincer<br />
et de tourner en dérision le filius populi.<br />
L’interviewé – Jorélus Labanière<br />
– est membre influent d’une certaine<br />
« Fòs pèp pwogresis », toutefois il est un<br />
fervent partisan du président Jovenel. À<br />
l’évidence, « pwogresis » et Jovenel sont<br />
comme lait et citron. Même dans mon<br />
nuageux nirvana, il m’a semblé plutôt<br />
étrange d’entendre un jeune, un fils du<br />
peuple, membre d’une organisation populaire<br />
progressiste par surcroît, s’afficher de<br />
façon aussi ouverte en faveur d’un chef<br />
d’État au passé politique aussi trouble,<br />
aussi boueux ; un « ingénieur » menteur<br />
bien connu pour ses accointances avec<br />
l’extrême-droite macouto-duvaliériste et<br />
la bourgeoisie, deux entités notoirement<br />
alignées sur la politique néolibérale des<br />
Etats-Unis.<br />
Assurément on n’aurait rien à redire<br />
d’un militant d’organisation populaire<br />
(OP) qui entretiendrait des relations<br />
de proximité politique avec tel membre de<br />
la bourgeoisie pourvu que ce dernier fût<br />
un progressiste authentique. Un Antoine<br />
Izméry, par exemple, qui avait d’excellents<br />
rapports politiques de solidarité avec<br />
le secteur populaire. Izméry qui n’avait<br />
pas arrêté de dénoncer la répression, les<br />
exactions et les violences commises par<br />
la clique Cédras-Michel François. Izméry<br />
qui a payé de sa vie, de son courage, de<br />
sa franchise, de son honnêteté à dénoncer<br />
la collusion entre l’étranger et les forces<br />
antinationales, anti-peuple.<br />
C’est à se demander ce que cet olibrius<br />
de Jorélus était allé chercher dans la<br />
galère impériale-bourgeoise. Ce mariage<br />
depaman, cette alliance dépamanne,<br />
contre nature, m’a rappelé étrangement<br />
les années 2003 et 2004 lorsque des étudiants<br />
faisant le jeu de la macouto-bourgeoisie<br />
pour déstabiliser le régime légitime<br />
en place pensaient, croyaient bêtement<br />
et béatement qu’un André Apaid Junior<br />
pouvait être un vrai allié social et politique,<br />
quelqu’un avec qui ils pouvaient<br />
franchement «fraterniser» de classe à<br />
classe. Hélas ! Longtemps après, ils se<br />
sont mordu les pouces jusqu’au coude<br />
pour avoir été les stupides dindons des<br />
tractations de l’infâme Groupe GNBiste<br />
des 184.<br />
En fait, ce tête-à-tête entre Jorélus<br />
et Aristobule a été intéressant à plus<br />
d’un point. En effet, le représentant d’organisation<br />
populaire exprimait sa ferme<br />
confiance de voir le président Jovenel<br />
Moïse changer le cours des choses. Peu<br />
lui importait d’être au courant des menées<br />
entachées de corruption de sa laideur, pardon,<br />
de son leader. Le mec s’est bien laissé<br />
prendre, comme beaucoup de jeunes,<br />
au piège de la propagande savamment<br />
orchestrée présentant Jomo comme un<br />
«entrepreneur» (sic), un « ingénieur-agronome<br />
n’appartenant pas au «système»<br />
(resic), un outsider, un businessman haut<br />
de gamme capable d’impulser un changement<br />
social et économique réel en Haïti.<br />
Durant l’interview avec Aristobule,<br />
Jorélus concentrait sa fureur verbale<br />
particulièrement sur un certain André Tikoukou,<br />
un «sociologue averti» qui avait<br />
bénéficié d’une bourse duvaliériste pour<br />
étudier en Europe, mais qui après avoir<br />
courtisé assidûment et étroitement des fils<br />
du peuple (progressistes, il ne faut pas<br />
l’oublier) pour obtenir leurs votes, leur<br />
avait tourné le dos prestement, pour mener<br />
vanmpanm son train non pas de sénateur<br />
mais de proche conseiller politique<br />
du président « entrepreneur » travesti en<br />
chef d’Etat présentable.<br />
De toute évidence, Jorélus n’avait<br />
pas retenu de ses lectures l’adage «qui<br />
se ressemble s’assemble». Jomo ne pourrait<br />
assurément pas avoir autour de lui,<br />
proches de lui, ces trop remuants représentants<br />
populaciers qui au moindre akasan<br />
sont prêts à siroter n’importe quel<br />
gouvernement de leurs manifs et sulfureuses<br />
revendications anti-néolibérales.<br />
Jorélus était trop raz pour côtoyer les gras<br />
bourgeois, les maigres petits-bourgeois<br />
en voie de se faire du ventre, les peu<br />
fréquentables néo-bourgeois, les bourgeois<br />
grennsenk, les boujwa wòwòt, les<br />
bourgeois en perte de vitesse désireux<br />
de reprendre leurs activités en première<br />
vitesse, sans oublier les bourgeois déplumés<br />
en phase de replumage .<br />
Il faut toutefois reconnaître que<br />
malgré ses nouvelles fréquentations<br />
contre nature, Jorélus faisait des «revandikasyon<br />
mas pèp la» son propos majeur<br />
durant l’entretien avec Aristobule. Il insistait<br />
que le président (bien intentionné ?)<br />
puisse réellement mettre fin au système<br />
paspouki, au favoritisme, au clanisme,<br />
au «classisme», au mounnpatisme, au<br />
ticouloutisme, au bacouloutisme, au<br />
paspoukisme en usage dans les cercles<br />
politichiens, depuis l’époque où Jadis était<br />
caporal.<br />
Il faut reconnaître un élan de sincérité<br />
dans les propos de Jorélus conscient<br />
du Goliath impérial caché derrière ce vakabon<br />
d’« ingénieur » métamorphosé en<br />
chef d’État, après avoir été trop longtemps<br />
dans un si triste état. Il faut reconnaître<br />
l’honnêteté et l’innocence exprimées à<br />
travers les propos de Jorélus résolu à voir<br />
le pays avancer, entêté à faire confiance<br />
au Grand « Ingénieur », au Grand Timonier,<br />
au Guide, au Rénovateur, au Génie<br />
de la race.<br />
Alors que même dans son ingénuité<br />
Jorélus s’exprimait en termes de revendications<br />
de sa classe sociale réclamant<br />
un vrai changement, un abandon des<br />
pratiques sociales réac en cours, Aristobule,<br />
lui, s’ingéniait à tourner en dérision<br />
le fils du peuple et à douter de sa sincérité<br />
de classe. Les questions ou insinuations<br />
tendaient clairement à montrer que du<br />
côté de Jorélus il ne pouvait y avoir que<br />
l’intérêt matériel, seulement le terre à<br />
terre au sens le plus péjoratif du terme :<br />
« eske w gen yon bagay w ap chèche ?»,<br />
demanda-t-il à Jorélus.<br />
En face de lui, Aristobule s’imaginait<br />
avoir affaire à un vorace, un afannaaf<br />
pareil à ces bourgeois avadra<br />
grandan qui réclamaient des franchises<br />
douanières imméritées sous le gouvernement<br />
de l’ancien PM de facto Gérard Latortue.<br />
Toute démarche de Jorélus dénonçant<br />
le clanisme de Tikoukou ne pouvait<br />
relever que du plus bas opportunisme.<br />
Le petit-bourgeois arriviste n’avait manifestement<br />
aucun respect pour le fils du<br />
peuple, innocent, naïf, crédule qui avait<br />
cru pouvoir s’identifier à la paysanneté<br />
du président.<br />
Ne pouvant porter Jorélus à avouer<br />
son terre-à-terrisme, Aristobule, plus<br />
avant, s’est fait plus perfide, avançant<br />
quelque chose qui se rapprochait d’un « si<br />
ce n’est pas toi, c’est donc quelqu’un de<br />
ta race : «ki sa egzakteman n ap chèche<br />
nan gouvènman an ?», le «n ap» se rapportant<br />
aux membres de l’organisation<br />
populaire. Pour Aristobule, subconsciemment,<br />
Jorélus et les siens ne pouvaient<br />
être qu’à la recherche de gras chèques du<br />
gouvernement qui les sortent de leur précarité<br />
sociale et économique.<br />
Enfin, ils pourraient rouler dans<br />
de grosses cylindrées, déguster jambon,<br />
mortadelle de la Lombardie, saucisson<br />
d’Ardèche, poires d’Angers, raisins, oui,<br />
du bon muscat de Hambourg et pòm<br />
Frans ; s’asseoir «comme du monde»<br />
dans les restaurants chics de Pétion-Ville,<br />
comme des bourgeois, quoi ! Poukipa ? Et<br />
vive l’harmonie entre les classes sociales !<br />
Ma grand-mère avait raison : oui, «on est<br />
risqué» avec les arrivistes, les nouveaux<br />
riches.<br />
La perfidie d’Aristobule, arriviste<br />
cuit dans la sauce aux mendiants à fauxcol,<br />
n’arrêta pas une seconde. En face de<br />
l’interviewer, Jorélus se sentait désemparé,<br />
car il devinait, flairait la mauvaiseté<br />
d’Aristobule, sa perversité, sa méchanceté,<br />
sa malignité, sa cruauté, sa hautaineté<br />
de classe. Il restait sur ses gardes<br />
d’autant qu’une demi-minute de silence,<br />
sans raison, avait interrompu l’interview ;<br />
ce qui devait lui avoir semblé une éternité.<br />
Une autre question, abrupte, est<br />
venue préciser la pensée du méchant<br />
garnement quand il a demandé à Jorélus<br />
:« eske n ap mande ministè ?», le ravalant<br />
au même niveau que tel ou tel autre<br />
membre de l’opposition recherchant sa<br />
tranche de gâteau à travers de soi-disant<br />
tentatives de « dialogues ». N’ayant aucun<br />
sens d’humanité puisque son arrivisme<br />
l’a rendu fou, Aristobule ne s’imaginait<br />
pas une seconde que Jorélus, un fils du<br />
peuple pût s’intéresser au sort de sa classe<br />
sociale, même lorsqu’il se fut trompé en<br />
faisant confiance à Jovenel.<br />
Quand Jorélus, agité, s’époumona<br />
à dénoncer le clanisme (et l’ingratitude en<br />
fait) de Tikoukou et de certains membres<br />
de l’entourage du président ki pa annafè<br />
ak pèp, notre « amical » interviewer devint<br />
menaçant : «ou sanble ou kòm ap<br />
batay kont prezidan an, kont l’autorité<br />
établie... eske estrateji w la pa p destabilize<br />
prezidan Moïse ?». Ah !<br />
orélus s’en sortit avec intelligence,<br />
sans surenchère, sans faux-fuyant, mais<br />
Aristo ne le lâchait pas d’une maille : «si<br />
prezidan an ap tande w la a, se pou l<br />
ta revoke Tikoukou». Jorélus fit alors<br />
remarquer que lors de certaines virées<br />
et dévirées du président, Tikoukou n’est<br />
pas autour du chef. Par contre dans des<br />
situations politiques de pouvoir pur et<br />
dur, la visibilité de Tikoukou est presque<br />
aveuglante.<br />
Ce à quoi Aristo répondit que<br />
«prezidan an gen [diferan] moun pou<br />
pale ak diferan sektè». Au demeurant,<br />
lorsque Jorélus voulut faire passer l’idée<br />
qu’il défend le secteur populaire (progressiste),<br />
Aristobule lui rétorqua, mi-sérieux<br />
mi-sarcastique: «pa gen [on] mounn ki<br />
rele sektè popilè». Humour noir et sinistre<br />
d’un névropathe.<br />
Aristobule ne s’est même pas embarrassé<br />
d’avancer que le président est<br />
en quelque sorte redevable auprès de<br />
supporters qui ont déboursé pour sa campagne<br />
électorale alors que les militants<br />
d’OP ont peu ou pas du tout contribué du<br />
point de vue financier. Jorélus répliqua<br />
que le problème n’était pas à ce niveau,<br />
que les militants d’OP s’étaient dépensés,<br />
« recrutant» des jeunes pour voter Jovenel<br />
et qu’à ce titre la présidence devait leur<br />
donner aujourd’hui pleine considération,<br />
les mettre à bord pour la pleine participation<br />
de tous les secteurs (sic) au «changement»<br />
(resic) annoncé.<br />
Aristobule revint à la charge :<br />
eske ou pap poze pwoblèm moun ki gen<br />
kapasite ak moun ki pa gen kapasite ?»<br />
Mais Jorélus ne se laissa pas désarçonner<br />
encore moins intimider par le souflantyou<br />
de la bourgeoisie. Alors, voyant<br />
l’acharnement de Jorélus à dénoncer le<br />
mounpatisme de la bande à Tikoukou,<br />
Aritobule lui infligea la gifle suprême,<br />
lui demandant à brûle-pourpoint :« ou<br />
frustre ?».<br />
En dernière analyse, et à court de<br />
petites et grosses ruses psychologiques<br />
pour impressionner ou caponer Jorélus,<br />
notre fielleux intervieweur s’aventura sur<br />
un terrain dangereux, anachronique. En<br />
effet malgré les assertions répétées du militant<br />
OP à dire, clairement, qu’il défendait<br />
et entendait faire passer les «revandikasyon<br />
mas pèp la», Aristobule anbreye<br />
an bak : «eske w ap poze on pwoblèm<br />
koulè ?» et sitôt après : «eske w ap poze<br />
kesyon moun ki genyen pa opozisyon ak<br />
moun ki pa genyen ?»<br />
Pourtant Jorélus s’était clairement<br />
exprimé dans le même esprit qu’Acaau et<br />
Jacques Roumain. Mais le petit-bourgeois<br />
arriviste n’avait pas pu retenir ses réflexes<br />
de classe voyant en Jorélus un bolchevique<br />
cachant sous sa chemise de prolétaire-de-tous-les-pays-unissez-vous<br />
la<br />
faucille, le marteau et des cocktails Molotov,<br />
l’image parfaite du dangereux chimè<br />
prêt à en découdre avec les heureux bourgeois.<br />
Ma grand-mère paternelle dirait : «<br />
peyi ki gen koze, madanm…» Aristobule<br />
prit congé de Jorélus en le remerciant du<br />
bout des lèvres.<br />
L’entretien à peine terminé, alors<br />
que peut-être Jorélus n’avait même pas<br />
encore quitté les studios de la radio, le poseur<br />
de questions traîtresses, condescendant,<br />
sans complaisance, satisfait, et qui<br />
s’était pris pour un psy (sic), se félicitait<br />
d’avoir offert à son interlocuteur «frustré»<br />
une psychothérapie « salutaire » (resic),<br />
gratuite par surcroît, qui le porterait à réfléchir<br />
sur quelques aspects dialectiques<br />
d’une certaine convivialité (dernier sic)<br />
du secteur petit-bourgeois arriviste.<br />
Je suis revenu de mon nirvana<br />
persuadé qu’il ne prendrait pas trop longtemps<br />
à Jorélus – à moins de se laisser<br />
coopter et pervertir – pour faire l’expérience<br />
d’un proverbe haïtien fort à propos<br />
: nan batèm frize, nèg rive manje<br />
kaka chwal.<br />
Et telefòn ne lâchez pas. À la revoyure<br />
!<br />
2 février <strong>2020</strong><br />
Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong><br />
<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
5
Kwonik Kreyòl<br />
Konnen ak konprann kont kisa n ap batay : ki pèspektiv batay mas<br />
pèp la anfas ideyoloji kapitalis konwonpi an ?<br />
Analiz Kolektif Kanmarad Janil Prezan<br />
Depi plizyè mwa klas eksplwate yo<br />
nan lari toupatou nan peyi a. Soti<br />
nan mwa jen 2019 pou rive jounen jodi<br />
a, chak jou pi plis gen kategori anplis<br />
k ap rejwenn mobilizasyon. Si dènye<br />
jou sa yo, apre twa mwa mobilizasyon<br />
rèd, nan depatman Lwès, Sid ak Sidès<br />
ta sanble gen yon ti poz, nan plizyè<br />
lòt depatman tankou Nip, Latibonit,<br />
Plato Santral sitiyasyon an rete tenn<br />
fas. Moun yo ap manifeste pou mande<br />
prezidan Tèt Kale a, Nèg bannann<br />
nan, Jovenel Moyiz remèt pouvwa a.<br />
Gen divès etap nan batay la kote nou<br />
te gen lenpresyon mobilizasyon yo ta<br />
pral debouche nan yon soulèvman<br />
demokratik popilè jeneralize men te gen<br />
yon bagay ki manke. Kontrèman ak sa<br />
anpil moun ta vle fè kwè, sitou sila ki<br />
nan entènasyonal la, revandikasyon<br />
moun yo pa fantezis ditou. Se pa paske<br />
yo pa konnen kisa yo vle ni nonplis<br />
tou paske yo se yon bann aryennafè<br />
ki pran plezi bay tèt yo pwogram nan<br />
kouri monte desann nan lari a anba<br />
solèy cho. Manifestasyon yo ak tout<br />
revandikasyon yo se ekspresyon yon<br />
gwo kriz ki gen plizyè fasèt peyi a ak<br />
tout sistèm kapitalis la ap travèse. Pou<br />
aspè jeneral la, se sa k fè nou kapab wè<br />
se pa nan peyi Ayiti sèlman gen gwo<br />
mobilizasyon nan moman an.<br />
Nan ka nou menm Ayiti, peyi a<br />
ap degrenngole chak jou piplis. N ap viv<br />
nan yon peyi kraze, yon peyi mizè sou<br />
lagraba kote pa preske gen lavi ankò.<br />
Popilasyon an ozabwa. Depi omwens 2<br />
lane, travayè-travayèz nan soutretans<br />
yo ap mande ogmante salè minimòm<br />
lan a 1000 goud pou yon jounen travay<br />
8tèd tan ak divès avantaj sosyal<br />
tankou sibvansyon manje ak transpò,<br />
lojman sosyal desan, pi bon sèvis nan<br />
Ona ak Ofatma, elatriye…<br />
Se sa k fè, sou yon pa moun yo<br />
ap manifeste pou yo di yo bouke ak sitiyasyon<br />
katastwofik y ap viv ladann<br />
nan tankou grangou, chomaj, lavichè,<br />
ensekirite, salè pwatrinè pou sila k ap<br />
Depi ti konkonm ap goumen ak<br />
berejèn, mas popilè yo nan peyi<br />
Ayiti pa janm bouke batay pou yo<br />
jwenn chimen lavimiyò, chimen<br />
libète ak byennèt pou tout moun.<br />
travay yo. Epitou yon lòt pa, yo ap<br />
manifeste poutèt yo pran konsyans<br />
pandan lavi yo ap depafini gen divès<br />
moun, pami yo Jovenel Moyiz, k ap<br />
piye, vòlè epi gagote tout ti resous peyi<br />
a genyen. Pa egzanp nan bidjè 2017-<br />
2018 la, malgre nivo lagraba kondisyon<br />
lavi malere-malerèz nan peyi a te<br />
tonbe, pouvwa aloufa Tèt Kale a te deside<br />
monte taks ak enpo sou tèt pèp la,<br />
pandan y ap bay boujwa ki te finanse<br />
eleksyon Jovenel Moyiz yo tout kalite<br />
avantaj. Yo monte pri matrikil fiskal, pri<br />
paspò, pri lisans, pri kontravansyon,<br />
taks sou lwaye ak afèmay tè, konstriksyon<br />
elt… anmenmtan tou pandan<br />
yo ap redwi posyon bidjè sante, yo ogmante<br />
pòsyon bidjè ki pou ale jwenn<br />
palman an, primati ak palè nasyonal<br />
pou yo kapab jwenn lajan pou yo gagote.<br />
Popilasyon an gen santiman kat la<br />
mal bat, richès ki genyen yo mal pataje.<br />
Yo gen santiman tou sitiyasyon sa<br />
pa kapab kontinye konsa ! Y ap goumen<br />
anfèt, pou chanje sistèm epi retire<br />
Leta peyi a anba men klas dominan<br />
eksplwatè, piyajè, vòlè k ap peze souse<br />
majorite moun nan peyi a sitou sila yo<br />
ki nan klas popilè yo.<br />
Depi ti konkonm ap goumen<br />
ak berejèn, mas popilè yo nan<br />
peyi Ayiti pa janm bouke batay pou<br />
yo jwenn chimen lavi miyò, chimen<br />
libète ak byennèt pou tout moun.<br />
Nan divès faz batay sa, yo toujou gen<br />
yon seri de moun, kategori oswa klas<br />
moun, ki kouche ankwa sou wout yo<br />
pou anpeche batay la abouti. Kategori<br />
oswa klas moun sa yo ap defann enterè<br />
enperyalis la, grandon ak boujwa<br />
yo nan peyi a. Men tou jan sa parèt<br />
aklè pou tout moun nan dènye moman<br />
sa yo, klas dominan yo, kit se<br />
granmanjè nan leta, kit se grandon, kit<br />
se gwo komèsan nan enpò-ekspò, kit<br />
sa ki nan soutretans yo, yo tout anba<br />
lòd enperyalis yo. Se sa k fè pwoblèm<br />
nan pa poze nan yon senp chanje rejim,<br />
men li montre pi fondamantalman<br />
gen yon kriz nan nannan sistèm nan<br />
ki merite adrese pou lavi kapab blayi<br />
pou tout moun. Se sa nou rele yon kriz<br />
revolisyonè. An n gade pi byen kisa<br />
yon kriz revolisyonè ye !<br />
Kisa yon kriz revolisyonè ye?<br />
Nan plizyè liv analiz li ekri Lenin<br />
fe tantativ pou defini kisa yon kriz<br />
revolisyonè, li eseye defini konsèp<br />
kriz revolisyonè a anpatikilye nan «<br />
La Maladie infantile du communisme »<br />
epi nan « La Faillite de la IIe Internationale<br />
» (Maladi Timoun Piti ak Fayit<br />
Dezyèm Entènasyonal la). Men se sitou<br />
nan Fayit Dezyèm Entènasyonal la<br />
li bay yon lis kritè ki kapab pèmèt dekri<br />
pi byen ak evalye kriz revolisyonè a.<br />
Pami kritè yo men twa sa li konsidere<br />
ki fondamantal jisteman pou n pale des<br />
« indices d’une situation révolutionnaire<br />
» :<br />
a) Enposiblite pou klas dominan<br />
yo kontinye kenbe dominasyon yo san<br />
yo pa chanje l fòm; kriz nan tèt Leta<br />
ak sosyete a, kriz nan politik klas dominan<br />
ap aplike anndan sosyete a. Sa<br />
vle di baz sosyete pa vle viv menmjan<br />
anvan anko epi tet sosyete a pa kapab<br />
fose baz la kontinye viv nan menm<br />
kondisyon an ; b) Sitiyasyon nòmal<br />
detrès ak mizè klas yo ap peze yo vin<br />
pi grav pase aksan grav ; c) Ogmantasyon<br />
aktivite mas yo pou chanje kondisyon<br />
lavi yo.<br />
Daprè Lenin, se ansanm<br />
chanjman objektif sa yo nan sitiyasyon<br />
sosyal la ki konstitye sa n rele yon sitiyasyon<br />
revolisyonè. Fò n konsidere<br />
tou pou sitiyasyon an revolisyonè tout<br />
bon vre, nou pa kapab pran kritè yo<br />
nan izolasyon youn parapò ak lòt men<br />
nan entè-depandans yo, nan makonay<br />
yo. Sa vle di nan menm moman "aktivite<br />
mas yo ap ogmante an" se nan<br />
menm moman sa tou kriz nan klas<br />
oswa fraksyon klas k ap dirije yo parèt.<br />
Kidonk youn kondisyone lòt. Nan sans<br />
sa, kapasite militan yo pou apresye egzateman<br />
sitiyasyon revolisyonè a enpòtan<br />
anpil. Yon militan ki pa devlope<br />
kapasite sa lakay li, se pratikman yon<br />
komedyen k ap mennen batay mas yo<br />
nan lòbèy. Li enkapab pou ede batay la<br />
vanse.<br />
Nan Maladi Timoun Piti,<br />
Lenin fè kèk retouch sou premye kritè<br />
nou sot pale la yo. Andiplis li ensiste<br />
sou yon lòt kritè enpòtan anpil ki se<br />
raliman kouch tiboujwazi yo (classes<br />
moyennes) nan batay mas travayètravayèz<br />
yo pou chanjman an. Men la<br />
ankò, kritè raliman sa pa yon fenomèn<br />
pou kont li. Se nan relasyon li ak lòt<br />
kritè yo, pou n konsidere l nan sitiyasyon<br />
kriz revolisyonè a. Otan mas<br />
popilè yo detèmine nan batay la, se<br />
plis rasanbleman kouch entèmedyè<br />
yo ap solid pou anpeche trayizon ak<br />
woule m de bò. Se poutèt sa Trotski<br />
ekri nan L’Histoire de la révolution<br />
russe : «La réciprocité conditionnelle<br />
de ces prémisses est évidente : plus le<br />
prolétariat agit résolument et avec assurance,<br />
et plus il a la possibilité d’entraîner<br />
les couches intermédiaires, plus<br />
la couche dominante est isolée, plus<br />
la démoralisation s’accentue chez elle.<br />
Et par contre la désagrégation des dirigeants<br />
porte de l’eau au moulin de la<br />
classe révolutionnaire».<br />
(Tradiksyon lib. « Lojik pwason<br />
kraze nan bouyon prensip sa yo kle<br />
tankou dlo kokoye: plis pwoletarya a<br />
ap aji ak rezolisyon ak deteminasyon,<br />
se plis li gen posibilite pou antrene<br />
kouch entèmedyè yo, se plis tou l ap<br />
izole klas dominan yo. Plis klas dominan<br />
yo izole, se plis demoralizasyon ap<br />
vin fo nan mitan yo. Sou yon lòt bò,<br />
delala klas dirijan yo ap pote anpil van<br />
nan batay klas revolisyonè a pou l al<br />
Lagonav”)<br />
Nati kriz la nan peyi pa nou Ayiti<br />
Jan nou kapab wè sa apati ti<br />
prezantasyon rapid kritè Lenin yo, sitiyasyon<br />
an mi nan peyi pou gen yon<br />
revolisyon. Tout kondisyon yo reyini<br />
pou n di n ap viv yon kriz revolisyonè<br />
wodpòt. Se yon kriz sistèm ki mande<br />
pou chodyè a chavire net. Chavire chodyè<br />
a vle di pa kite manje a kontinye<br />
bouyi sou menm dife a ak nan menm<br />
veso a. Menmsi li pa sifi, pawòl sa<br />
tradui yon premye etap nan nivo konsyans<br />
mas yo sou sa ki merite fèt rapid<br />
rapid. Se sa pawòl k ap pale nan lari a<br />
depi plizyò mwa, pawòl chanje sistèm<br />
nan vle di. Se pa yon pawòl vèbal.<br />
Sistèm n ap goumen pou chanje jounen<br />
an se yon konplèks ki ekonomik, politik,<br />
sosyal ak kiltirèl. Jan yon dokiman<br />
fè sonje sa, istorikman li sòti nan konsepsyon<br />
Aleksann Petyon (prezidan<br />
Ayiti 1807-1818) te genyen sou fason<br />
pou li jere pouvwa a nan avantaj<br />
moun ki te nan menm klas sosyal avèk<br />
li. Konpayèl Petyon, JanPyè Bwaye<br />
(prezidan Ayiti 1818-1843) ki pran<br />
pouvwa a apre l fin mouri, pral konsolide<br />
sistèm sa nan jan yo monte aparèy<br />
Leta a ak jan yo fòse sosyete a devlope<br />
dapre yon chema apatay. Leta Petyon-<br />
Bwaye a se yon modèl Leta rasis ki pa t<br />
gen sousi pou amelyore kondisyon lavi<br />
gwo popilasyon peyi a. Se sistèm sa ak<br />
tout modèl Leta ak sosyete li konstwi<br />
pandan pase 200 lane ki rive nan bout<br />
li jounen jodi a.<br />
Youn nan siy ki montre kijan<br />
nivo kriz la wo se lè n ap gade jounen<br />
jodi a gen yon seri gwo palto, politisyen<br />
tradisyonèl ak boujwa ki anbake nan<br />
pawòl chanje sistèm nan, pandan pyès<br />
nan yo pat janm konn pote ansanm revandikasyon<br />
ak vre pwoblèm mas pèp<br />
la. Menm yo menm ki t ap soutni Eske<br />
sa vle di politisyen sa yo chanje? Eske<br />
sa vle di moun k ap batay nan kan<br />
mas pèp la kapab fè yo konfyans pou<br />
vanse ak yo poutèt yo ap pale pawòl<br />
chanje sistèm nan? Repons lan san<br />
ezite se NON. Dayè si n byen gade n<br />
ap wè pyès nan yo pa prezante ankenn<br />
mekanis pou soti sosyete a anba grif<br />
gwo boujwa oswa grandon nan peyi a<br />
ni nonplis tou yo pa gen ankenn pwopozisyon<br />
pou soti peyi a anba dominasyon<br />
politik ak ekonomik anbasad<br />
enperyalis yo – anpatikilye meriken<br />
– ki la pou garanti eksplwatasyon nan<br />
peyi a. Okontrè si n gade byen yon lòt<br />
fwa ankò, n ap wè yo tout dakò pou<br />
mache tèt bese devan ajenda enperyalis<br />
la. Menm nan mitan jèn ti politisyen ki<br />
nan pwomotè mouvman Petwokaribe<br />
a, gen divès tandans ki se pou mennen<br />
mouvman ale chache onksyon nan pye<br />
je vèt kè lanfè. Sa pa dwe etone lè n<br />
konnen enterè anpil nan yo marande<br />
ak enterè blan yo. Kidonk nivo konsyans<br />
mas Pèp la sou kriz la pi avanse<br />
pase nivo politisyen gwo levit yo.<br />
Anmenmtan tou, nou kapab<br />
konstate kijan enperyalis la ap miltipliye<br />
mouvman pou pa kite kriz la chape<br />
nèt pou l debouche sou revolisyon popilè<br />
a. Enperyalis meriken sitou rasanble<br />
Kèk nan gwo boujwa k ap pwofite sistèm k ap depafini peyi a<br />
tout ajan ak koutye li yo pou montre yo<br />
nesesite pou yo fè fwon pou mete pansman<br />
sou java kriz la. Dènye inisyativ<br />
Enperyalis la pran se rasanble patwon<br />
ayisyen ak dominiken nan Miyami.<br />
Kriz la tèlman mi, li sou wout pachiman<br />
si militan revolisyonè yo pa fè travay<br />
yo kòmsadwa.<br />
Bonjan remèd pou kriz la<br />
Pou nou menm tout inisyativ sa yo<br />
se jwèt tibebe. Remèd pou kriz la se<br />
chavire sistèm nan nèt nèt. Ki vle di<br />
anyen pa dwe rete. Nou vle rekonstwi<br />
men nou pap rekonstwi sou menm<br />
fondasyon an. Solisyon an se pa refòm<br />
se revolisyon. Se pa drese ak korije, se<br />
refèt nèt. Nou menm nan Kolektif la<br />
ak nan Gwoup Rhizomes, nou pap fè<br />
yon peyi pou kèk moun viv byen men<br />
yon peyi pou tout moun. Chak goud<br />
Leta depanse fòk li ka di konkrètman<br />
nan kijan l ap itil popilasyon an. Li pa<br />
nòmal pou lajan taks malere-malerèz<br />
ap peye ofisyèl ak fonksyonè anndan<br />
tankou deyò peyi epi yo pa gen anyen<br />
yo itil peyi a ak popilasyon an. Li pa<br />
nòmal pou dirijan yo ap viv nan lwil,<br />
rete nan gwo kay ap woule bèl machin<br />
pandan popilasyon an ap penpennen<br />
nan malsite (tout depans nan nivo<br />
sa yo dwe jele omwens pou twa (3)<br />
pwochèn lane yo annatandan peyi a<br />
reprann kap li). Youn nan gwo chanjman<br />
enpòtan ki pou fèt nan dispozitif<br />
pouvwa popilè a se fasilite patisipasyon<br />
politik tout moun nan peyi an anpatikilye<br />
medam yo sitou fanm travayè, ouvriye,<br />
peyizan ak ti machann yo. Dapre<br />
dènye estimasyon IHSI (2015) fanm<br />
yo reprezante 53 % moun nan sosyete<br />
ayisyen a pifò medam sa yo se malere<br />
k ap bat dlo pou fè bè. Sa se pa pawòl<br />
pou eleksyon men lide pou yon chanjman<br />
anpwofondè nan lojik jan sosyete<br />
a òganize. Fò n soti nan lesplwatasyon<br />
an, fòn soti nan dominasyon an,<br />
fòn soti nan lopresyon ak eksklizyon.<br />
Kontrèman ak sa òganizasyon zefeyis<br />
tiboujwazi ap defann, kesyon parite a<br />
pa nan biwo Leta senpman ni nonplis<br />
tou, li pa sèlman yon kesyon pousantay.<br />
Fòk kat la rebat globalman nan<br />
sosyete a, anplis fòk parite fi ak gason<br />
an egal ego nan tout ògan Leta a men<br />
suite à la page(19)<br />
6 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong>
Perspectives<br />
Entretien avec Rita Dieujuste, (1) porte-parole du comité des<br />
victimes de La Saline<br />
Par Frédéric Thomas<br />
« On reste face au gouvernement actuel,<br />
toujours barricadés, et on le restera<br />
tant qu’on n’aura pas la justice »<br />
Frédéric Thomas : Pouvez-vous<br />
vous présenter en quelques mots : d’où<br />
venez-vous, que faites-vous ?<br />
Rita Dieujuste : Je m’appelle<br />
Rita Dieujuste. Je suis la première victime<br />
du massacre de La Saline [4] et<br />
je suis membre du comité des victimes.<br />
J’ai six enfants, mais mon premier a<br />
été tué lors du massacre. Et j’ai quatre<br />
petits-enfants. J’habite et je suis née à<br />
La Saline. Je suis marchande. Je vends<br />
des vêtements. Je fais ça depuis que j’ai<br />
vingt-cinq ans. Cela me rapporte de l’argent<br />
pour vivre et nourrir mes enfants.<br />
Frédéric Thomas : La mairie ou<br />
l’État font-ils quelque chose pour La Saline<br />
?<br />
Rita Dieujuste : Rien. Ils ne font<br />
rien pour l’éducation, pour la santé, pour<br />
que les gens vivent bien.<br />
Frédéric Thomas : Vous participez<br />
aux mobilisations sociales depuis le<br />
début ?<br />
Rita Dieujuste : Depuis le début<br />
! La Saline est en première position dans<br />
la lutte. C’est un quartier populaire qui a<br />
toujours résisté, qui a toujours fait partie<br />
des démocrates. On est contre le système<br />
car il utilise souvent les quartiers<br />
populaires, avec de l’argent, pour servir<br />
les partis politiques.<br />
Frédéric Thomas : Il y a un an,<br />
début novembre 2018, est commis le<br />
massacre de La Saline. Le sentiez-vous<br />
venir ?<br />
Rita Dieujuste : Oui, car on n’est<br />
pas d’accord avec le gouvernement. On<br />
sentait venir quelque chose, on se sentait<br />
en danger. Le 17 octobre 2017, le<br />
pouvoir est venu fêter Dessalines [5]<br />
devant le monument historique qu’on<br />
lui a construit. Les gens voulaient<br />
que le gouvernement vienne et fasse<br />
des choses pour permettre au quartier<br />
d’avancer. Mais ils sont venus comme<br />
toujours. Sans vouloir rien faire. Alors,<br />
ils n’ont pas reçu un bon accueil et c’est<br />
à cause de cela qu’ils se sont fâchés. Ils<br />
voulaient qu’on manifeste en soutien du<br />
gouvernement et qu’on crie : « Vive Jovenel<br />
pour cinq ans ». On n’a pas voulu.<br />
Le gouvernement en place a fait<br />
le massacre pour montrer qu’ils ont<br />
les pleins pouvoirs, qu’ils contrôlent le<br />
quartier. C’est à La Saline que ça a commencé.<br />
Ça a été le signal pour les autres<br />
massacres, six en tout : deux fois à La<br />
Saline, à Carrefour feuille, à Solino (Martissant),<br />
à Delmas 6, et, il y a quelques<br />
jours, à Bel Air. Tous des quartiers populaires.<br />
Jovenel Moïse et sa femme sont<br />
les têtes pensantes du massacre de La<br />
Saline, mais ils utilisent d’autres personnes,<br />
des bandits et des policiers pour<br />
le faire.<br />
Les bandits, les auteurs du massacre<br />
sont restés neuf jours à La Saline.<br />
Ils cherchaient d’autres gens pour les<br />
assassiner. Pendant tout ce temps, les<br />
deux commissariats, celui juste à l’entrée<br />
du quartier et celui dedans n’ont pas<br />
bougé. Ils ont eu peur. Ils n’ont pas voulu<br />
intervenir dans les affaires du gouvernement.<br />
Frédéric Thomas : Comment<br />
vous êtes-vous organisés ?<br />
Rita Dieujuste : Lors des massacres<br />
et lorsqu’ils rentrent dans le<br />
quartier, on s’enfuit se réfugier dans<br />
les quartiers à côté : Warf Jérémie, les<br />
ruelles Dessaline et Dechamps… On<br />
ne dormait plus à La Saline : on venait<br />
le matin et on repartait le soir. On dort<br />
dans le marché. Mais il est au bord de la<br />
mer et des enfants sont morts noyés. Et<br />
depuis, plusieurs fois, la BOID [Brigade<br />
d’opérations et d’interventions départementales,<br />
l’une des unités de la police]<br />
nous a attaqués, avec des matraques et<br />
des gaz lacrymogènes. Ils continuent de<br />
nous intimider.<br />
On a une chance, une petite<br />
chance, d’avoir accès à la radio Zénith<br />
FM. Lorsque La Saline ou d’autres quartiers<br />
populaires se font attaquer, on leur<br />
fait passer le message et ils le diffusent.<br />
Une fois que l’information passe à la<br />
radio, en disant qui sont les agresseurs,<br />
quelles sont les personnes de la police<br />
qui sont là, etc. ils se replient car ils ne<br />
veulent pas que des gens extérieurs [à<br />
La Saline] les voient. C’est radio Zénith<br />
et RNDDH [Réseau national de défense<br />
des droits humains] qui nous ont aidés.<br />
On a aussi créé un Comité de<br />
femmes victimes. Il y a dix personnes<br />
qui se rendent disponibles pour le comité<br />
et j’en suis la porte-parole. On a fait<br />
passer nos revendications à la radio. On<br />
demande justice pour les victimes du<br />
massacre de La Saline. Il faut un procès.<br />
On a porté plainte. RNDDH nous aide.<br />
Mais comment on va faire si le gouvernement,<br />
c’est l’État ? Comment on va<br />
faire si le président protège ceux qui ont<br />
fait le massacre, et s’il est lui-même à la<br />
tête du massacre ?<br />
Frédéric Thomas : Est-ce que<br />
cela a arrêté la mobilisation ?<br />
Rita Dieujuste : Non. Tant qu’on<br />
n’aura pas justice, on restera mobilisées<br />
et on restera face à ce gouvernement.<br />
La Saline a toujours été présente. Dans<br />
le passé, quand il y avait des manifestations,<br />
si La Saline ne participait pas,<br />
c’est comme dire qu’il n’y a pas de<br />
manifestations du tout ! C’est un quartier<br />
de résistance. Déjà, le 11 septembre<br />
1988, le pouvoir a attaqué Aristide à<br />
Saint-Jean-Bosco [6]. Mais on a résisté<br />
et on continue à résister.<br />
Frédéric Thomas : Vous participez<br />
au pays locked [pays bloqué] [7],<br />
vous participez aussi aux marches ?<br />
Rita Dieujuste : Non, on ne peut<br />
pas prendre la rue, car on a peur des<br />
chauffeurs à l’entrée de La Saline, qui<br />
sont payés pour nous attaquer si on sort<br />
manifester. Alors, on résiste en bloquant<br />
La Saline, en se barricadant. On utilise<br />
les barricades pour nous défendre contre<br />
le système. Pour notre sécurité. Un<br />
semblant de sécurité car ça n’empêche<br />
pas les policiers d’attaquer. Mais, depuis<br />
le monument Dessalines jusqu’au portail<br />
de Saint-Joseph, une autre entrée du<br />
quartier, on bloque tout : la route pour<br />
aller en plaine, vers Port-de-Paix, l’accès<br />
au centre-ville, les ports… Tout.<br />
Frédéric Thomas : Mais quand<br />
vous bloquez le quartier, cela veut dire<br />
que vous ne pouvez plus travailler, faire<br />
le commerce, etc. C’est un sacrifice.<br />
Rita Dieujuste : Avec le pays<br />
locked, les voitures et les marchandises<br />
n’arrivaient pas jusqu’à La Saline. Et les<br />
habitants de la zone, lorsqu’ils sortaient,<br />
étaient toujours menacés par des bandits.<br />
Puis, le système en place a brûlé<br />
les marchandises dans le marché. On a<br />
tout perdu.<br />
Les gens de La Saline vivent très<br />
mal. Ils ne sont pas soignés, ils ne mangent<br />
pas ou mal. Il n’y a pas de logements,<br />
pas de centre de santé. Les enfants<br />
ne sont pas scolarisés. Il y a une<br />
école dans le quartier, mais avec l’insécurité,<br />
les enfants n’y vont plus. On<br />
n’a pas d’argent, pas de travail, pas de<br />
marchandises à vendre ; comment faire<br />
pour vivre bien ? Le gouvernement ne<br />
peut pas, ne veut pas nous donner les<br />
moyens d’une vie meilleure.<br />
Il y a eu plusieurs massacres.<br />
Beaucoup de morts, de viols, de violence.<br />
La vie chère, l’insécurité, l’injustice,<br />
et plus de gens qui sont armés dans<br />
les rues. C’est très dur. Le gouvernement<br />
veut que les habitants de La Saline ne<br />
vivent plus, qu’ils soient contrôlés et dirigés<br />
par les bandits sur place. Avec l’argent,<br />
on utilise les habitants à des fins<br />
malfaisantes, pour servir les politiques,<br />
pour manifester pour eux. Nous sommes<br />
bloqués comme dans un ghetto par la<br />
méchanceté du gouvernement.<br />
Mais jusqu’à ce jour, on bloque…<br />
C’est un sacrifice pour trouver la justice.<br />
On reste face au gouvernement actuel,<br />
toujours barricadés, et on le restera tant<br />
qu’on n’aura pas la justice.<br />
Frédéric Thomas : Est-ce que<br />
d’autres acteurs de la mobilisation, à<br />
part radio Zénith et le RNDHH, ont marqué<br />
leur solidarité avec vous ?<br />
Rita Dieujuste : Des membres<br />
de partis d’opposition sont venus. Et les<br />
petrochallengers [8]. Ils nous aident à<br />
combattre l’injustice, à ce qu’on respecte<br />
nos droits comme citoyens. Mais le gouvernement<br />
en place ne peut pas nous<br />
donner la garantie de ces droits.<br />
Frédéric Thomas : Quels sont<br />
vos espoirs ?<br />
Rita Dieujuste : J’ai 47 ans. Mon<br />
rêve est de vivre bien, dans un quartier<br />
sans insécurité, où mes enfants pourront<br />
aller à l’école, vivre sans crainte,<br />
disposer de toutes les choses comme la<br />
santé, l’éducation, etc. On veut la justice<br />
sociale et le droit de vivre bien.<br />
Notes<br />
Dr. Kesler Dalmacy<br />
1671 New York Ave.<br />
Brooklyn, New York 11226<br />
Tel: 718-434-5345<br />
Le docteur de la<br />
Communauté Haïtienne<br />
à New York<br />
Pancarte du comité des victimes du massacre de La Saline<br />
(« Justice » « Réparation »)<br />
[1] Entretien réalisé à Port-au-<br />
Prince le jeudi 28 novembre 2019.<br />
[2] Jean-Jacques Dessalines est<br />
l’une des principales figures historiques<br />
de la révolution haïtienne. Il a été assassiné<br />
le 17 octobre 1806.<br />
[3] Au cours du mois de novembre<br />
2018, septante et une personnes<br />
sont assassinées à La Saline. Plusieurs<br />
femmes sont victimes de viols collectifs.<br />
Il apparaîtra que des fonctionnaires<br />
publics sont impliqués. Le massacre a<br />
duré plus de quatorze heures, sans que<br />
la police, présente à proximité, n’intervienne.<br />
De manière générale, une partie<br />
de l’insécurité semble directement initiée<br />
et alimentée par le pouvoir, afin d’assurer<br />
sa mainmise. L’ONU a demandé<br />
à ce qu’une enquête soit menée sur la<br />
possible complicité entre les gangs et<br />
l’État. Voir à ce sujet le rapport de la<br />
Mission des Nations unies pour l’appui<br />
à la justice en Haïti (MINUJUSTH) et le<br />
Haut-Commissariat des Nations unies<br />
aux droits de l’homme, « La Saline : justice<br />
pour les victimes. L’État a l’obligation<br />
de protéger tous les citoyens », ainsi<br />
que les rapports du Réseau National de<br />
Défense des Droits Humains – RNDDH.<br />
Notamment : https://web.rnddh.org/<br />
wp-content/uploads/2018/12/Massacre-La-Saline-Rapport-CARDH-1.pdf.<br />
[4] Deux ans après la chute de<br />
la dictature des Duvalier, alors qu’Aristide<br />
était prêtre et officiait dans l’église<br />
Saint-Jean Bosco à La Saline. Lire Hérold<br />
Jean-François, « 11 septembre 1988,<br />
l’histoire en dérision... », Le Nouvelliste,<br />
11 septembre 2014, https://lenouvelliste.com/article/135659/11-septembre-1988-lhistoire-en-derision.<br />
[5] Mouvement social qui entend<br />
verrouiller le pays, en paralysant la circulation<br />
et toute l’activité économique. Il<br />
a été mis en œuvre pendant onze jours<br />
en février 2019, puis à nouveau, pendant<br />
plus de deux mois, de septembre à<br />
début novembre 2019.<br />
[6] Mouvement citoyen anti-corruption<br />
né sur les réseaux sociaux, suite<br />
à la publication de la photo de l’écrivain<br />
et cinéaste Gilbert Mirambeau Jr, les<br />
yeux bandés, brandissant une pancarte<br />
en carton sur laquelle est écrit : « Kot<br />
Kòb Petwo Karibe ? » (« Où est l’argent<br />
de Petrocaribe ? »), avec le hashtag<br />
« petrochallenge ». Les jeunes et les<br />
femmes sont particulièrement actifs en<br />
son sein. Le mouvement regroupe une<br />
myriade de collectifs dont le plus connu<br />
et le plus puissant est Nou pap dòmi.<br />
Lire : Frédéric Thomas, Haïti : « C’en<br />
est assez ! Il faut une rupture avec cette<br />
classe dominante qui est dans le mépris<br />
total », 11 octobre 2019, https://www.<br />
bastamag.net/<strong>Haiti</strong>-soulevement-petrochallenge-Caraibes-oligarchie-repression-Nou-pap-domi.<br />
Source (français) :<br />
CETRI, 6 janvier <strong>2020</strong>.<br />
Diffusion de l’information sur<br />
l’Amérique latine Dial<br />
31 janvier <strong>2020</strong><br />
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Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong><br />
<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
7
La Tribune de Catherine Charlemagne (101)<br />
ULCC, un météore nommé Claudy Gassant !<br />
Le mercredi 22 janvier <strong>2020</strong>, le pays<br />
apprend par un arrêté présidentiel<br />
paru dans le journal officiel Le Moniteur<br />
que le nouveau Directeur général<br />
de l’Unité de Lutte Contre la Corruption<br />
(ULCC) s’appelle Rockfeller Vincent.<br />
Il remplace à ce poste le flamboyant,<br />
l’incompréhensible et, paraît-il, l’incorruptible<br />
Me Claudy Gassant qui n’a tenu<br />
que moins de deux mois à la Direction<br />
de cette institution. Ce fut une météorite<br />
qu’on avait aperçue dans le ciel de l’UL-<br />
CC. En effet, nommé en plein épisode de<br />
« Pays lock » par un arrêté présidentiel<br />
paru dans Le Moniteur N° 203 le 29<br />
novembre 2019 et installé le 3 décembre<br />
2019, ces cinquante jours passés à<br />
la tête de l’ULCC, il les a vécus comme<br />
une véritable saga malgré son court laps<br />
de temps tant depuis sa nomination Me<br />
Claudy Gassant n’arrêtait pas de marquer<br />
son territoire. L’arrivée de ce trublion<br />
de la République au sommet de cette<br />
institution dont le rôle est de tout faire<br />
pour mettre les fonctionnaires de l’Etat<br />
dans le droit chemin a été, il faut le dire,<br />
une surprise de taille pour tout le pays.<br />
Car, personne ne s’y attendait<br />
et même n’imaginait que c’est l’ancien<br />
Commissaire du gouvernement pourtant<br />
très critique au Président Jovenel Moïse<br />
qui serait nommé Directeur de cette institution<br />
si sensible politiquement vis-àvis<br />
de tous les pouvoirs en place. Si tous<br />
ses amis, ses proches qui n’étaient pas<br />
dans la confidence ont été surpris de voir<br />
arriver Me Gassant à l’ULCC, l’intéressé<br />
lui-même a été le premier à être étonné<br />
qu’il soit approché par le Président de la<br />
République qui lui a proposé le poste.<br />
S’était-il agi d’un piège ou d’un défi,<br />
qu’importe, le fougueux homme de loi a<br />
accepté sans hésiter. Car, pour lui, cette<br />
opportunité représente un challenge.<br />
Curieusement, comme pour sa nomination<br />
cinquante jours plus tard, c’est par<br />
surprise et sur fond de polémique que<br />
le pays entier apprend la mise à pied de<br />
l’ancien éphémère Secrétaire d’Etat à la<br />
justice sous la présidence de René Préval.<br />
Lui aussi a été pris de court ; puisque personne<br />
ne l’avait officiellement prévenu.<br />
C’est par hasard sur les réseaux sociaux<br />
qu’il a découvert qu’il n’était plus le patron<br />
de l’ULCC et que son successeur<br />
avait déjà été désigné, son nom publié<br />
au journal officiel.<br />
On s’en doutait. Me Claudy<br />
Gassant n’en revient pas même s’il acquiesce<br />
sans mot dire cette révocation<br />
brutale, incompréhensible et qui est pour<br />
lui une forme d’humiliation par le Président<br />
Jovenel Moïse qui n’oublie point<br />
que Me Gassant a été un des avocats de<br />
l’opposition durant la saga électorale qui<br />
devait le conduire au Palais national en<br />
2017. Avant d’entrer dans le fond de ce<br />
qui est devenu « l’affaire Gassant » ou<br />
« l’affaire ULCC », un bref coup d’œil sur<br />
la personnalité et le passé de cet ancien<br />
étudiant de l’Ecole de la magistrature de<br />
Bordeaux, en France, nous permettra de<br />
comprendre que Claudy Gassant n’avait<br />
aucune chance de faire long feu en tant<br />
que Directeur général d’une institution<br />
dont la mission première est de combattre<br />
la corruption sous toutes ses formes<br />
au sein de l’administration publique<br />
haïtienne. Tout d’abord, Gassant est un<br />
sang chaud, il ne laisse rien passer sans<br />
réagir sur le champ. Si Claudy Gassant<br />
demeure un monsieur très simple et ouvert<br />
à toutes conversations, il est prompt<br />
à réagir sur le coup et c’est un fonceur<br />
invétéré.<br />
Il n’a peur de rien et ne recule<br />
devant rien ni personne. Mais, Me Claudy<br />
Gassant n’est pas un caractériel, tout<br />
le contraire d’un Michel Martelly, en plus<br />
il est bien éduqué et possède une bonne<br />
culture. Homme de loi, il est pointilleux<br />
et minutieux. C’est un avocat qui maîtrise<br />
parfaitement sa profession, donc<br />
craint par ses pairs sans pour autant être<br />
un redoutable ténor des Barreaux. En revanche,<br />
il est tantôt proche du pouvoir<br />
politique tantôt proche de l’opposition<br />
suivant la conjoncture et les aléas de la<br />
politique haïtienne. Ainsi, on le trouve<br />
soit Substitut ou Commissaire du gouvernement,<br />
une fonction qui fait de lui<br />
une personnalité de premier plan au sein<br />
de la République ; puisqu’en Haïti, le<br />
Commissaire du gouvernement, équivalent<br />
de Procureur de la République,<br />
est un poste éminemment politique car<br />
l’indépendance de la justice demeure un<br />
vain mot jusqu’ici malgré énormément<br />
d’efforts qui ont été fait ces dernières années,<br />
surtout après la période dictatoriale<br />
des Duvalier.<br />
Me Claudy Gassant par son<br />
tempérament ne dure pas longtemps<br />
dans les fonctions à responsabilités publiques<br />
qu’il occupe. On l’appelle « Monsieur<br />
éphémère » ou « l’éphémère Gassant<br />
» tant il est volatil, flamboyant et<br />
parfois trop volubile, comme on dit en<br />
Haïti « choròf ». Tout le monde en Haïti,<br />
en tout cas les Port-au-princiens se souviendront<br />
longtemps de son court passage<br />
à la tête de la Secrétairerie d’Etat<br />
à la justice au cours du second mandat<br />
du feu Président René Préval vers les<br />
années 2000. Gassant est un impressionniste,<br />
il aime se faire voir et être vu.<br />
Ses cortèges officiels dans la capitale ne<br />
laissaient personne indifférent et gare à<br />
celui ou celle qui se plaçait au mauvais<br />
moment et au mauvais endroit quand ils<br />
traversaient la ville. On se rappelle aussi<br />
de son altercation publique en pleine rue<br />
de la capitale avec Volcy Assad à l’époque<br />
Conseiller à la présidence haïtienne<br />
pour une sombre affaire de voiture qui<br />
aurait participé dans un cas de kidnapping<br />
ou d’enlèvement de personne et<br />
signalé par la police. Commissaire du<br />
gouvernement, il estime que le Parquet<br />
de Port-au-Prince est son bien personnel<br />
qu’il appelle, « Pakè pam nan ». Mais,<br />
c’est avant tout un homme de droit, il ne<br />
tolère ni le désordre ni qu’on transforme<br />
« son » Parquet ou « Pakè pal la » en<br />
marché du Temple.<br />
Pour lui, le Temple de Thémis<br />
est un lieu où l’on prononce le droit et<br />
où la loi est le seul crédo. Avec cette particularité,<br />
Me Claudy Gassant agace et<br />
dérange certains autant qu’il plait et est<br />
élevé au temple de la probité par d’autres<br />
dans le milieu judiciaire et dans le pays.<br />
Un temps, on lui promettait une carrière<br />
politique au plus haut niveau mais lui,<br />
jusqu’à maintenant préfère rester au service<br />
de l’administration et des politiques<br />
qui l’utilisaient à leur guise, l’humiliaient<br />
et le jetaient comme une serviette de<br />
papier dont on n’a plus besoin. Claudy<br />
Gassant ne passe jamais une année à un<br />
poste ou une fonction publique. Certains<br />
disent qu’il est instable d’autres croient<br />
qu’il n’est pas fait pour ce genre de<br />
fonction ce qui ne l’empêche pas d’être<br />
toujours prêt à répondre présent dès<br />
que la présidence de la République fait<br />
appel à lui pour ses compétences et son<br />
côté incorruptible. Ainsi, en pleine crise<br />
politique entre l’opposition radicale et<br />
le Président Jovenel Moïse, Me Claudy<br />
Gassant qui était sorti du radar va faire<br />
son grand retour sur la scène politique<br />
et médiatique nationale le 3 décembre<br />
2019 là où personne ne l’attendait. Jovenel<br />
Moïse qui se battait comme un fou<br />
contre son ombre allait frapper un grand<br />
coup. Il va sortir du placard comme par<br />
enchantement Me Claudy Gassant dont<br />
il est sciemment conscient que cette<br />
nomination ne passerait pas inaperçue et<br />
ferait forcément du bruit dans les coins<br />
les plus reculés de la République.<br />
La nomination de ce personnage<br />
médiatique pour prendre les commandes<br />
d’un organisme d’Etat, l’un<br />
des plus surveillés par l’ensemble de<br />
l’opposition, la population et la Communauté<br />
internationale n’avait qu’un<br />
seul but : frapper les esprits de l’ensemble<br />
des protagonistes et partenaires<br />
d’un régime décrié pour le nombre de<br />
scandale de corruption qu’il engendre.<br />
Jovenel Moïse voulait faire taire les critiques<br />
selon lesquelles sa présidence ne<br />
fait rien pour combattre la corruption et<br />
que lui-même et son entourage seraient<br />
mouillés jusqu’aux os dans des actes<br />
délictueux comme ceux de PetroCaribe<br />
et Dermalog. Mais, le chef de l’Etat, en<br />
difficulté politique avec son opposition,<br />
L’ancien directeur général de l’Unité<br />
de lutte contre la corruption (ULCC),<br />
Me Claudy Gassant<br />
voulait aussi envoyer un message fort<br />
à l’opinion publique nationale laissant<br />
croire qu’il veut faire de la lutte contre<br />
la corruption son cheval de bataille. Qui<br />
mieux que quelqu’un de très respecté et<br />
respectable que Me Claudy Gassant pour<br />
jouer ce rôle ? Ainsi, le locataire du Palais<br />
national va surprendre tout le monde en<br />
faisant appel à l’incorruptible Me Claudy<br />
Gassant. Et le moins que l’on puisse<br />
dire, son choix détonne tout en semant<br />
la confusion, la zizanie, le doute et la<br />
curiosité en sein de ses adversaires et<br />
même de ses partisans qui n’expliquent<br />
pas ce choix pour le moins audacieux et<br />
risqué pour le Président de la République.<br />
Très vite, tout le monde va être fixé. Car<br />
le nouveau Directeur général de l’ULCC<br />
ne va pas tarder à faire comprendre qu’il<br />
n’est pas là pour faire de la figuration ni<br />
pour plaire au pouvoir encore moins au<br />
Président Jovenel. Il est en poste pour<br />
servir la République, point barre !<br />
Pour comble de malheur ou<br />
de bonheur, c’est selon où l’on se place<br />
dans cette affaire, Claudy Gassant va<br />
être servi par les dossiers qui étaient déjà<br />
en suspens, ceux de la corruption au sein<br />
l’ambassade d’Haïti à Santo Domingo,<br />
en République Dominicaine où, paraît-il,<br />
tout le monde semble mouillé jusqu’aux<br />
os et divers autres affaires de corruption<br />
en cours. Comme à son habitude, le nouveau<br />
Directeur général se jette à bras le<br />
corps dans ces dossiers tout en médiatisant<br />
à outrance les affaires, une façon de<br />
prendre l’opinion publique locale et internationale<br />
à témoin. Sa première grande<br />
décision, c’est de faire publier les noms<br />
de l’ensemble des employés ou fonctionnaires<br />
haïtiens en poste à l’Ambassade<br />
d’Haïti à Santo Domingo qu’il soupçonne<br />
d’être mêlés de près ou de loin dans une<br />
vaste entreprise de corruption dans cette<br />
Ambassade. La publication de cette<br />
liste a fait scandale dans les deux sens.<br />
Premièrement, le grand public découvre<br />
les noms des fonctionnaires Haïtiens<br />
qui seraient liés à la corruption à Saint<br />
Domingue, c’est le premier scandale.<br />
Deuxièmement, la Chancellerie haïtienne<br />
Joel H. Poliard<br />
M.D., M.P.H.<br />
Family and Community<br />
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Miami FL, 33137<br />
tel. (305) 751-1105<br />
et le ministre des Affaires étrangères en<br />
particulier, Bocchit Edmond, sont scandalisés<br />
du mode opératoire du Directeur<br />
général de l’ULCC vis-à-vis de ces employés<br />
de l’Etat. Celui-ci cadre publiquement<br />
le Directeur général de l’ULCC.<br />
C’est le début du conflit qui<br />
va conduire au limogeage rapide et sans<br />
ménagement de Me Claudy Gassant.<br />
Mais, l’affaire va être amplifiée par un<br />
dossier sous-entendu toujours en provenance<br />
de la République voisine. Cette<br />
fois-ci, c’est le dossier de l’arrestation à<br />
la frontière de la cheftaine du Consulat<br />
général d’Haïti à Santiago, madame Judith<br />
Exavier, qui aurait tenté de rentrer<br />
en Haïti le 7 décembre 2019 au volant<br />
d’un véhicule faisant l’objet d’un signalement<br />
et suivi par la police dominicaine<br />
et même du Service de narcotique<br />
américain. Pour le nouveau Directeur de<br />
l’ULCC, c’en est trop pour cette ambassade.<br />
Il faut d’une part tirer ces affaires<br />
au clair et d’autre part mettre un frein<br />
au plus vite à ces agissements qui ternissent<br />
davantage l’image des Haïtiens<br />
et d’Haïti auprès des autorités dominicaines<br />
et des dominicains dont on connaît<br />
le sentiment à l’égard des Haïtiens. Si<br />
ces deux dossiers deviennent le fil rouge<br />
pour Claudy Gassant, son institution va<br />
aussi s’intéresser à des dossiers comme<br />
celui du PetroCaribe que Me Gassant jure<br />
qu’il ira jusqu’au bout et des têtes seront<br />
tombées.<br />
Il va s’intéresser de près aussi<br />
au dossier de la SOGENER, cette entreprise<br />
privée d’électricité de la famille<br />
Vorbe en conflit et en justice avec le<br />
Président Jovenel Moïse pour le compte<br />
de l’Etat haïtien. On se souvient que<br />
l’ULCC, à la demande de Claudy Cassant,<br />
voulait ouvrir une enquête sur ce<br />
conflit opposant l’Etat et la SOGENER.<br />
Mais, à la surprise générale, les avocats<br />
de l’Etat se sont opposés à l’ouverture<br />
de cette enquête de l’ULCC dans cette<br />
affaire. Enfin, il y a la demande sous<br />
forme d’ultimatum de l’ULCC à tous<br />
anciens hauts fonctionnaires, parlementaires<br />
et ministres d’apporter au plus vite<br />
leur déclaration de patrimoine avant et<br />
après la fin de leur mandat ou mission.<br />
Pour certains, c’est la goutte d’eau qui<br />
a fait déborder le vase car, d’après eux,<br />
cette dernière requête pourrait concerner<br />
directement le Président Jovenel Moïse<br />
dans l’avenir. Revenons donc à la raison<br />
pour laquelle Me Claudy Gassant a été<br />
purement et simplement « viré » de la<br />
Direction de l’Unité de Lutte de Contre la<br />
Corruption en seulement moins de deux<br />
mois de gestion.<br />
Si l’histoire du véhicule suspect<br />
de la République dominicaine retrouvé<br />
entre les mains d’une diplomate haïtienne<br />
à la frontière a été le déclencheur de<br />
l’affaire, le cas d’un autre diplomate dont<br />
JOBS<br />
la nationalité même intrigue plus d’un a<br />
été le fond d’un ensemble de malentendus<br />
entre le Directeur général de l’ULCC,<br />
le Ministre des Affaires étrangères, le<br />
Parquet de Port-au-Prince, le Ministre<br />
de la justice et le Président de la République.<br />
Ce diplomate qui a été le numéro 2<br />
à l’Ambassade d’Haïti à Santo Dominicaine<br />
s’appelle Kerby Alcantara ou Alcante<br />
Désormeaux. Ce fonctionnaire haïtien<br />
possède la double nationalité. Il est<br />
détenteur d’un passeport haïtien et d’un<br />
autre de la République Dominicaine.<br />
Outre qu’il est le deuxième Conseiller à<br />
la Légation haïtienne dans ce pays, il est<br />
connu pour être un homme d’affaires<br />
et s’occupe de ses commerces à Saint<br />
Domingue.<br />
Un statut qui pose problème<br />
dans la mesure où en tant que diplomate<br />
il ne peut sous aucun prétexte exercer<br />
une autre profession dans le pays où il<br />
est accrédité. Or, il se trouve que ce monsieur<br />
qui est à la fois dominicain et haïtien<br />
mène tranquillement les deux activités<br />
en même temps et en toute illégalité<br />
sans que cela ne dérange la Chancellerie<br />
haïtienne ni les autorités dominicaines.<br />
Et pour cause. Etant ressortissant<br />
dominicain, il n’a aucun problème pour<br />
exercer dans son pays. Sauf que, pour<br />
l’ex-Directeur général de l’ULCC, c’est<br />
tout à fait incompatible avec son statut<br />
de diplomate et de fonctionnaire de l’Etat<br />
haïtien. Surtout que le nom de Kerby Alcantara<br />
ou Alcante Désormeaux est cité<br />
parmi les employés haïtiens de l’Ambassade<br />
qui seraient impliqués dans la corruption.<br />
Pour commencer, l’ULCC avait<br />
demandé à deux fois au Ministre des<br />
Affaires étrangères, Bocchit Edmond, de<br />
mettre ce fonctionnaire à la disposition<br />
de son institution pour être entendu dans<br />
le cadre de ces accusions de corruption et<br />
devrait aussi fournir plus d’informations<br />
concernant sa vraie nationalité. Mais, les<br />
demandes de Me Claudy Gassant sont<br />
restées lettres mortes. Or, Gassant n’est<br />
pas celui qui laisse tomber une affaire,<br />
fût-elle la plus difficile.<br />
Alors, il a passé à une étape<br />
supérieure. Il porte plainte contre le<br />
Chancelier Bocchit Edmond pour entrave<br />
à la justice et fait arrêter une première<br />
fois cet Alcante ou Alcantara qui semble<br />
planer au-dessus des lois de la République<br />
et de ses chefs hiérarchiques pour<br />
le motif de faux et usage de faux. Dès<br />
qu’il s’est présenté à la frontière haïtienne,<br />
Alcantara a été arrêté par la police<br />
haïtienne qui l’a remis entre les mains de<br />
la justice. Mais, dès son arrivée au Parquet<br />
de Port-au-Prince, Herby Alcantara<br />
ou Alcante Désormeaux a été promptement<br />
libéré sur le champ par le substitut<br />
du Commissaire du gouvernement, Me<br />
Jeanty Souvenir. On imagine la colère<br />
suite à la page(16)<br />
!!TRAVAY OSPITALITE!!<br />
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8 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong>
This Week in <strong>Haiti</strong><br />
Coronavirus: Plane<br />
Carrying 11 Chinese<br />
Passengers<br />
Causes Panic in <strong>Haiti</strong><br />
U.S. Regrets Not Reaching Political<br />
Agreement with <strong>Haiti</strong>’s Opposition<br />
Photos, inside and out, of the small jet with 11 Chinese passengers which<br />
refueled in <strong>Haiti</strong> on Jan. 31<br />
The “Core Group” of U.S.-led ambassadors flank Jovenel Moïse.<br />
They were unable to reach an agreement with <strong>Haiti</strong>’s opposition<br />
by Samuel Maxime, <strong>Haiti</strong> Sentinel<br />
plane originating from China<br />
A was denied entry into its destination<br />
in the Bahamas and was<br />
diverted to the Toussaint Louverture<br />
Airport in Port-au-Prince on<br />
Fri., Jan. 31 when it became low<br />
on fuel.<br />
On social media Friday evening,<br />
the news spread like wildfire.<br />
<strong>Haiti</strong>ans were worried and<br />
anxious about a private jet from<br />
China with 11 Chinese nationals<br />
on board sitting on the tarmac at<br />
Toussaint Louverture Airport in<br />
Port-au-Prince since the deadly<br />
coronavirus is rapidly spreading<br />
in China and to other countries.<br />
A source close to the National<br />
Office of Civil Aviation (OF-<br />
NAC) told the newspaper, Le Nouvelliste,<br />
that the passengers and<br />
crew members remained on the<br />
plane during the entire refueling<br />
process.<br />
“Originally, this private<br />
plane, which had 11 Chinese on<br />
board and three crew members,<br />
including two Americans and a<br />
Chinese hostess, took off from<br />
China to go to Japan,” confirmed<br />
the source. “Then, the plane visited<br />
several countries in Europe before<br />
arriving in the Dominican Republic.<br />
Arriving in <strong>Haiti</strong> on Friday<br />
evening, the crew simply wanted<br />
to refuel."<br />
The passengers remained on<br />
the plane without ever getting off.<br />
"They never left the plane. They<br />
pose no danger to the country.”<br />
“At first, the plane had to<br />
leave Port-au-Prince to go to the<br />
Bahamas which refused them access<br />
to their territory,” said our<br />
contact at 9:45 am on Friday.<br />
“Now Portugal agrees to receive<br />
them… The plane will be able to<br />
leave <strong>Haiti</strong> in the next few minutes.”<br />
However, our contact at the<br />
National Office of Civil Aviation<br />
(OFNAC) was unable to give details<br />
about the passengers on the<br />
plane or why they arrived in the<br />
country after having traveled to<br />
several other nations.<br />
The coronavirus, which<br />
emerged in China a few weeks<br />
ago, has already killed more than<br />
490 people there.<br />
The death toll and number<br />
of people infected with the virus,<br />
which often produces pneumonia,<br />
increases daily with over 24,000<br />
cases worldwide at press time<br />
(Feb. 4). In France, six people<br />
have been infected and are hospitalized.<br />
The global health emergency<br />
was declared by the World<br />
Health Organization on Jan. 30.<br />
Cases of the virus have been<br />
recorded in some 20 countries,<br />
including the United States, Germany,<br />
Canada, France. Several<br />
have already closed their borders<br />
to China.<br />
<strong>Haiti</strong>ans are rightfully wary<br />
of a new disease being introduced<br />
into their country, which has a<br />
severely debilitated health infrastructure.<br />
In October 2010, UN<br />
occupation troops from Nepal imported<br />
cholera into <strong>Haiti</strong>, unleashing<br />
an epidemic which killed close<br />
to 10,000 <strong>Haiti</strong>ans and sickened<br />
some 800,000.<br />
by Samuel Maxime, <strong>Haiti</strong> Sentinel<br />
On Feb. 1, <strong>2020</strong>, the U.S. Ambassador<br />
to <strong>Haiti</strong> along with other U.S.-allied<br />
diplomats expressed their regret at<br />
the end of talks with <strong>Haiti</strong>'s moderate<br />
opposition that no agreement had been<br />
reached.<br />
The discussions took place at the<br />
Apostolic Nuncio in Pétion-Ville. They<br />
involved not only the U.S. Embassy,<br />
representing the Trump administration,<br />
but also the ambassadors of Brazil, Canada,<br />
the EU, France, and Germany, as<br />
well as representatives from the United<br />
Nations and Organization of American<br />
States.<br />
The movement to unseat President<br />
Jovenel Moïse for crimes against<br />
humanity and corruption moves into<br />
its 20th month as the talks failed. The<br />
overwhelming majority of <strong>Haiti</strong>ans,<br />
from various backgrounds and sectors,<br />
find themselves in the "radical opposition"<br />
and call for the president to resign.<br />
They see dialogue with Jovenel Moïse<br />
and his international allies as a waste of<br />
time while the crisis deepens.<br />
But the U.S.-led group of diplomats<br />
calling themselves the “Core<br />
Tax Tax Preparation<br />
• IRS Representation<br />
• E-Filing<br />
PREVIOUSLY<br />
• Audit Protection<br />
Group” said they support "any constructive<br />
initiative of dialogue offering a real<br />
perspective of resolution of the political<br />
and institutional crisis."<br />
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Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong><br />
<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
9
ENTRETIEN AVEC L’EX-PRÉSIDENT<br />
BOLIVIEN EVO MORALES !<br />
Par Fabián Kovacic<br />
L’ancien président de Bolivie doute que<br />
le nouveau gouvernement reconnaisse<br />
une éventuelle victoire du MAS (Mouvement<br />
vers le socialisme) aux élections<br />
du 3 mai <strong>2020</strong>. Il insiste sur la<br />
légitimité de sa tentative de réélection<br />
et estime que la solution au problème<br />
de la direction de la gauche régionale<br />
réside dans un changement de mentalité<br />
chez les Latino-Américains. Dans<br />
un dialogue avec l’hebdomadaire<br />
Brecha [Uruguay], il s’est attaqué à<br />
ceux qui remettent en cause le modèle<br />
extractiviste [mines de fer, pétrole,<br />
gaz, lithium] dans son pays et a parlé<br />
de son lien avec le féminisme.<br />
Avec une chemise blanche à<br />
manches courtes, un pantalon noir et<br />
L’ex-président de la Bolivie exilé en<br />
Argentine, Evo Morales<br />
des chaussures assorties, Evo Morales<br />
se promène dans les bureaux de son<br />
«bunker» de Buenos Aires, sur la calle<br />
Chile, dans le quartier de San Telmo,<br />
son téléphone portable à la main. Nous<br />
sommes mercredi matin et la date limite<br />
du dépôt des candidatures en Bolivie<br />
L’ex-président bolivien Evo Morales, candidat au Sénat et le candidat présidentiel<br />
Luis Arce à Buenos Aires le 27 janvier. RONALDO SCHEMIDT / AFP<br />
se fait pressante: le dernier jour est le<br />
3 février. Dès le début de la matinée,<br />
il a rencontré plus de 20 représentants<br />
de différents départements de Bolivie.<br />
Dans une grande salle, ils choisissent<br />
les candidats en assemblée, l’un après<br />
l’autre. Derrière la porte fermée, les<br />
différentes voix se font entendre. Morales<br />
observe, écoute, donne son avis.<br />
Il quitte le bureau et accueille avec un<br />
sourire les journalistes qui attendaient,<br />
puis il s’éloigne, entre dans un autre<br />
bureau et parle avec une personne de<br />
Bolivie. L’équipe de Brecha avait été<br />
convoquée pour l’entretien avec l’ancien<br />
président à 8h30. L’attente se<br />
termine à 12h45, lorsque Evo Morales<br />
entre enfin dans la salle et se prépare à<br />
s’asseoir pour répondre aux questions.<br />
«Je m’excuse pour le retard», dit-il.<br />
La veille, Luis Arce, candidat à<br />
la présidence du Mouvement vers le<br />
socialisme (MAS) et ancien ministre<br />
de l’Economie de Morales, a débarqué<br />
sur le sol bolivien pour commencer la<br />
campagne électorale. Il était attendu<br />
par le gouvernement de Jeanine Áñez,<br />
sous la menace d’une arrestation pour<br />
des accusations de corruption. Une mesure<br />
judiciaire à la mode: il s’agit dans<br />
ce cas, selon le nouveau pouvoir, de ne<br />
pas avoir contrôlé l’utilisation du Fonds<br />
indigène [Fondo Indígena] dans les<br />
différents projets approuvés pour exécution.<br />
La procureure [Heidi Pamela<br />
Gil] dans cette affaire a elle-même nié<br />
l’existence d’un mandat d’arrêt contre<br />
Arce et n’a fait que prendre sa déposition,<br />
attendant que ses avocats aient<br />
accès au volumineux dossier relatif à<br />
cette affaire.<br />
Cette question fut l’objet d’un débat<br />
a eu lieu dans les bureaux du MAS<br />
de la rue Chile de Buenos Aires. On y<br />
dispose déjà des données issues des<br />
premiers sondages: 35% d’intentions<br />
de vote pour Luis Arce et un peu plus<br />
de 15% pour Carlos Mesa. La présidente<br />
Jeanine Áñez est classée un peu plus<br />
loin. Les leaders civiques Fernando<br />
Camacho [extrême droite chrétienne,<br />
Santa Cruz] et Jorge «Tuto» Quiroga<br />
[vice-président sous le deuxième mandat<br />
de 1997 à 2001 d’Hugo Banzer qui<br />
avait été le général dictateur de 1971<br />
à 1978, Quiroga exerça le mandat de<br />
président d’août 2001 à août 2002]<br />
n’obtiennent pas de pourcentages<br />
significatifs, du moins selon les résultats<br />
dont dispose l’équipe de presse<br />
de Morales. «Ils vont chercher à nous<br />
persécuter», dit l’ancien président. Et<br />
les membres de l’assemblée acquiescent.<br />
Lorsque Brecha s’enquiert de son<br />
éventuelle candidature, il préfère éviter<br />
le sujet. «Je suis ici pour soutenir mes<br />
camarades», dit-il en passant. Mercredi<br />
soir le 29 janvier, une déclaration<br />
du MAS a été publiée pour informer<br />
qu’Evo a accepté de s’inscrire comme<br />
candidat à l’Assemblée législative<br />
plurinationale. Toutefois, le document<br />
précise que l’inscription a pour seul but<br />
de permettre – au plan légal et dans les<br />
limites établies par le calendrier électoral<br />
– une éventuelle candidature au<br />
cas où les assemblées [Sénat et Chambre<br />
des députés] décideraient de l’élire<br />
comme représentant à l’Assemblée<br />
plurinationale. «Le débat portant sur<br />
les candidatures finales est toujours en<br />
cours», précise le communiqué de presse.<br />
[Cet entretien conduit par Fabián<br />
Kovacic met en lumière l’analyse et les<br />
orientations politiques propres à Evo<br />
Morales.].<br />
Fabián Kovacic: Après 14 ans<br />
au pouvoir et après le coup d’Etat déjà<br />
accompli, quelles leçons en tirez-vous<br />
et quelle autocritique faites-vous aujourd’hui?<br />
Evo Morales: D’abord, toujours<br />
avec le peuple, et tout pour le peuple.<br />
Il s’agit de la lutte historique des gens<br />
marginalisés. La lutte a ses origines<br />
dans la période coloniale, et s’est transférée<br />
durant la période de la république<br />
[dès 1880]. Et pour être avec le peuple,<br />
nous avons pensé qu’il était important<br />
de prendre en compte trois éléments:<br />
politiquement, la refondation de la Bolivie;<br />
économiquement, la nationalisation;<br />
et socialement, la redistribution<br />
des richesses. La chose la plus difficile<br />
pour mon administration a été la refondation,<br />
en quittant l’Etat colonial et<br />
Luis Arce, ancien ministre<br />
de l’Economie, candidat à la<br />
présidence du Mouvement vers le<br />
socialisme (MAS)<br />
en instaurant un Etat plurinational en<br />
Bolivie [en 2009], où tout le monde a<br />
les mêmes droits. En finir avec l’Etat<br />
imposteur, avec les autorités apparentes<br />
[camouflant la réalité du pouvoir<br />
sur la population indigène], avec l’Etat<br />
failli et les menaces de faire disparaître<br />
la Bolivie réelle. Sur la base de l’Etat<br />
plurinational furent stimulées les meilleures<br />
possibilités pour les plus exclus,<br />
qui se trouvent au sein du mouvement<br />
indigène, ainsi que pour les femmes.<br />
Et tout cela a été intégré dans la<br />
suite à la page(15)<br />
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<strong>2020</strong>CENSUS.GOV/ht<br />
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10 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong><br />
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Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong><br />
<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
11
Les larmes mortelles de l’injustice<br />
Par Robert Lodimus<br />
(Deuxième partie)<br />
Éris a commencé à servir comme<br />
domestique chez Gesner à<br />
l’âge de quatre ans. Éliphète s’était<br />
résigné finalement à le confier à<br />
Alicia, malgré les remontrances et<br />
les réserves de Clotilde:<br />
– Penses-tu qu’ils disent vrai<br />
mon homme? D’accord, Alicia est<br />
ta sœur, la tante de nos enfants,<br />
mais elle n’a pas grandi en dehors,<br />
avec Dieumaime et Tibotte.<br />
Elle est devenue comme les gens<br />
de la ville qui maltraitent les enfants<br />
des paysans, qui les transforment<br />
en bête de somme, qui les<br />
font bourriquer du matin au soir,<br />
du soir au matin, sans leur accorder<br />
un peu d’ repos. À t’ dire sincèrement,<br />
je n’ai pas confiance en<br />
Gesner. Il ressemble à un bourreau!<br />
Pis, ta sœur, ce n’est pas moi qui<br />
l’ dis, elle a décroché un repris de<br />
justice, un bandit qui a fait d’ la<br />
prison pour avoir massacré à coups<br />
d’ poignard une pauv’e femme qui<br />
refusait de se mett’e avec lui, qui<br />
repoussait ses avances, alors qu’il<br />
était encore tout jeune et enrôlé<br />
dans les forces armées...<br />
– Encore des ragots que tu<br />
es allée ramasser de la bouche de<br />
Mathilda, la vieille sorcière...!<br />
– Je crois qu’on doit garder<br />
le p’tit avec nous. Il va avoir du<br />
chagrin... Il faut lui épargner ces<br />
souffrances.<br />
– Écoute! Nos deux autres<br />
garçons, Dieujuste et Lysius, n’ont<br />
jamais été à l’école. Tout c’ que<br />
nous leur avons appris à faire, c’est<br />
quoi: sarcler et arroser la terre,<br />
planter du manioc, de l’igname,<br />
de la carotte, du melon... Un jour,<br />
ils nous adresseront certainement<br />
des reproches. Je veux que notre<br />
fils dernier-né puisse lire dans<br />
les livres, écrire dans les cahiers<br />
comme les enfants de Rénette.<br />
– Mais le travail de la terre,<br />
c’ n’est pas mauvais, que je sache!<br />
Le paysan vit de son jardin. Ses<br />
enfants doivent apprendre à travailler<br />
la terre. La terre, c’est le<br />
seul bien que nous possédons...<br />
C’est le seul héritage que nous lèguerons<br />
à nos filles et à nos fils.<br />
Alors, il faut qu’ils apprennent à la<br />
conserver, à la faire prospérer, à la<br />
rendre productive…<br />
– C’ que tu n’ dis pas : il<br />
faut qu’il y ait aussi des paysans<br />
capables de bien lire et de bien<br />
écrire pour défendre les intérêts d’<br />
la communauté. J’ai pris ma décision.<br />
Je vais l’ placer chez Gesner<br />
et Alicia; ainsi, il aura toute sa<br />
chance d’aller à l’école. Si l’instruction<br />
tarde à venir s’installer à<br />
la campagne, il faut que la campagne<br />
– et c’est un devoir et une<br />
obligation – se déplace elle-même<br />
pour aller vers elle: la saisir là où<br />
elle s’ trouve...<br />
– Tu as bien parlé! Mais ça n’<br />
se passe pas comme ça. Les campagnards<br />
qui sont devenus des savants:<br />
médecins, ingénieurs, avocats,<br />
professeurs ne reviennent<br />
pas vivre parmi nous. Y en a qui<br />
oublient même leur origine et qui<br />
vont jusqu’à changer de nom...! Tu<br />
n’ me diras pas l’ contraire! Pour<br />
preuve, le garçon de compère Osias<br />
est devenu un grand avocat à la<br />
métropole. D’après ce que l’on rapporte,<br />
il a des amis même au palais<br />
national. Il fait partie des gens qui<br />
mangent ici, au pays et qui vont<br />
boire de l’eau à New York ou à Paris.<br />
Il va plaider au tribunal chaque<br />
semaine pour défendre les intérêts<br />
des bourgeois.<br />
– Tu parles de Clérilus Lhérisson?<br />
– Il faut dire plutôt Me Éric<br />
Duchemin. Il a changé de nom et<br />
de prénom. Clérilus, a-t-il dit, faisait<br />
trop paysan.<br />
– Ah, bon!<br />
– C’est comme ça! Mais<br />
quand on leur jette un mauvais<br />
sort en ville, c’est en dehors qu’ils<br />
vont chercher la guérison; c’est<br />
seulement dans les moments difficiles<br />
que certains se souviennent<br />
de leurs racines.<br />
Éris ne comprenait pas trop<br />
ce que tout cela voulait dire. Mais<br />
la décision de son père était irrévocable...<br />
Clotilde disait juste. Gesner<br />
et Alicia ne se sont pas préoccupés<br />
de son éducation. Tous les matins,<br />
il regardait avec tristesse les<br />
gosses de son âge qui s’amusaient<br />
sur le chemin de l’école. Ils gesticulaient,<br />
criaient, couraient dans<br />
toutes les directions, sautaient<br />
d’une galerie à l’autre. De temps<br />
en temps, ils s’arrêtaient quelques<br />
instants pour remettre en place<br />
leurs sacs de cahiers, de crayons<br />
et de livres portés en bandoulière.<br />
Éris donnerait cher pour être avec<br />
eux. Lorsqu’il allait chercher du<br />
charbon de bois chez Célicie, afin<br />
que sa tante préparât à manger<br />
pour sa cousine Altâgrace qui revenait<br />
de l’école vers 14 h 30, et<br />
Gesner qui partait travailler tous<br />
les matins de bonne heure, et qui<br />
rentrait tard le soir, vers 18 h 00, il<br />
s’arrêtait souvent pour écouter les<br />
enfants qui répétaient les lettres<br />
de l’alphabet après mademoiselle<br />
Nady, ou qui récitaient les tables<br />
d’addition et de soustraction.<br />
À force de répéter tout bas,<br />
Éris avait fini par mémoriser toutes<br />
les lettres sans jamais les voir sur<br />
le petit tableau noir accroché au<br />
mur de la petite école fondée et dirigée<br />
par la vieille dame. Lui aussi,<br />
il rêvait d’y aller tous les matins,<br />
d’en revenir tous les après-midi, de<br />
souper comme les autres enfants,<br />
de faire des devoirs à la maison,<br />
de répéter les leçons de demain et<br />
d’aller se coucher pour se reposer<br />
dans un vrai lit. Est-ce trop demander<br />
au Bon Dieu? Une fois, le<br />
jour de la fête Dieu, il est allé prier<br />
à l’église catholique de Monseigneur<br />
Robert et il a supplié Saint<br />
Joseph d’intercéder en sa faveur<br />
auprès de son beau-fils, Jésus de<br />
Nazareth, pour que Gesner ait accepté<br />
de l’envoyer à l’école de mademoiselle<br />
Nady.<br />
L’institutrice retraitée l’avait<br />
surpris en train d’écouter la classe<br />
aux portes. Il voulait se sauver à<br />
toutes jambes, mais la main de la<br />
vieille dame se refermait sur son<br />
bras frêle. Il avait honte et il tenait<br />
la tête baissée. Il a eu l’impression<br />
qu’il venait de commettre un crime<br />
impardonnable. « Pourquoi aije<br />
pris l’habitude de m’arrêter là<br />
tous les jours à proximité du fenestrage<br />
de la vieille bâtisse pour<br />
voler des miettes d’instruction<br />
qui ne m’appartenaient pas, qui<br />
ne m’étaient pas destinées? », se<br />
culpabilisait-il. Pourtant, il prenait<br />
toutes les précautions pour ne pas<br />
déranger mademoiselle Nady et les<br />
petits apprenants. Éris s’est mis à<br />
trembler de toute son âme. Mais la<br />
voix calme et tranquille de l’octogénaire<br />
l’a rassuré:<br />
– N’aie pas peur mon garçon!<br />
Ce n’est pas la première fois que je<br />
te vois là, que je te surprends en<br />
train de nous épier... Je t’ai observé<br />
à plusieurs reprises. Comment<br />
t’appelles-tu?<br />
Il a avalé une salive... et a<br />
répondu avec hésitation:<br />
– Éris Dor...Dorci...Dorcilien,<br />
ma...madame.<br />
– Bien! Où sont tes parents?<br />
L’enfant ne savait plus quoi<br />
lui répondre. Mais elle a insisté:<br />
– Je suis sûr que tu habites<br />
dans le quartier. Dis-moi où exactement,<br />
fiston?<br />
– Là-bas, chez ton...tonton<br />
Ges…ner et...et...et tante A...Alicia.<br />
(Source Camer news)<br />
– Donc, tu habites tout près<br />
de la maison de monsieur Jérôme?<br />
– Oui madame, tout près...<br />
Et même que je connais monsieur<br />
Jérôme et madame Claudinette.<br />
– Pourquoi ne vas-tu pas à<br />
l’école comme la plupart des enfants<br />
du quartier?<br />
– Je ne sais pas madame...!<br />
Mais, je voudrais bien... venir dans<br />
votre... dans votre école pour apprendre<br />
à répéter les lettres... et les<br />
chiffres comme les autres enfants.<br />
– Dimanche, après la messe,<br />
j’irai parler à ton oncle et à ta tante<br />
pour qu’ils te laissent faire partie<br />
de la classe. Quel âge as-tu?<br />
– Six ans qu’ils disent, madame…<br />
– Six ans, j’en étais sûre. À<br />
ton âge, tu ne dois pas rester à la<br />
maison. Tu dois fréquenter un établissement<br />
scolaire.<br />
Éris n’avait pas compris ce<br />
que voulait dire « établissement<br />
scolaire. » La vieille dame a ajusté<br />
ses lorgnons sur son nez pointu et<br />
a repris de façon plus claire:<br />
– Je veux dire que tu dois<br />
fréquenter une école régulière,<br />
pour que tu ne grandisses pas<br />
sans savoir lire et écrire. Tu me parais<br />
un garçon intelligent.<br />
– Je sais dire l’alphabet,<br />
madame.<br />
– Appelle-moi mademoiselle<br />
Nady...!<br />
– Oui madame mademoiselle<br />
Nady.<br />
– Non, tu dis simplement<br />
mademoiselle Nady. Répète: ma,<br />
de, moi, selle Nady!<br />
– Mademoiselle Nady...<br />
– Bien! Maintenant, retourne<br />
vite chez toi.<br />
Éris a détalé à toute vitesse.<br />
Et l’institutrice est retournée<br />
auprès de ses élèves.<br />
Gesner a refusé d’obtempérer<br />
à la demande de la vieille institutrice.<br />
– Qui va chercher de l’eau à<br />
la fontaine pour la cuisson? Lorsqu’Alicia<br />
va faire tous les matins<br />
ses provisions au marché, qui va<br />
surveiller la maison? Dites-moi<br />
donc, madame? Et puis tout le<br />
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monde ne peut pas être des savants<br />
dans ce pays! C’est la nature<br />
qui en a décidé ainsi, s’il y a des<br />
maîtres, faut-il bien qu’il y ait des<br />
valets? N’y croyez-vous pas?<br />
– Ce n’est pas juste de réfléchir<br />
ainsi. Ce garçon mérite<br />
mieux. Le traitement que vous<br />
êtes en train de lui infliger est<br />
injuste, inhumain. Vous raisonnez<br />
mal; permettez-moi de vous<br />
poser la question: pourquoi avezvous<br />
décidé d’inscrire votre fille à<br />
l’école? Oui, dites-moi pourquoi?<br />
– De toute façon, nous ne<br />
pouvions pas la garder à la maison...<br />
Elle doit devenir quelqu’un,<br />
c’est ainsi qu’elle pourra servir son<br />
pays.<br />
– Et Éris, y avez-vous<br />
pensé? Il n’a lui-même aucun<br />
devoir civique envers sa patrie?<br />
Avez-vous pris quelques secondes<br />
pour réfléchir à son avenir? Il ne<br />
vous pardonnera pas d’avoir gâché<br />
sa vie, sacrifié son intelligence et<br />
sa jeunesse. Si vous accordez une<br />
demi-journée de liberté à ce petit<br />
pour qu’il ne porte pas sa lettre de<br />
condamnation, j’en suis certaine,<br />
Dieu vous le rendra au centuple…<br />
– C’est non, madame! Et je<br />
ne reviendrai pas sur ma décision.<br />
Inutile d’insister, je n’y reviendrai<br />
pas. Dorénavant, je ne veux<br />
plus vous voir chez moi, je ne<br />
veux plus entendre parler de cette<br />
affaire d’école pour cette espèce de<br />
morveux qui nous donne déjà assez<br />
de fil à retordre. Non seulement<br />
il faut le nourrir, mais encore trouver<br />
de l’argent pour lui acheter des<br />
livres, des crayons, une ardoise,<br />
des cahiers et des vêtements pour<br />
qu’il aille traîner dans les rues de<br />
la ville? Je ne suis pas riche, moi.<br />
Faut-il bien que je gagne ma vie,<br />
que je nourrisse ma famille, que je<br />
m’occupe de ma fille?<br />
– Mais vous avez promis à<br />
ses parents de l’envoyer à l’école,<br />
de veiller sur lui, de l’aider à meubler<br />
son petit cerveau pour qu’il<br />
devienne un homme demain.<br />
Grâce à vous, la société pourra<br />
bénéficier de son savoir faire, de<br />
ses compétences intellectuelles et<br />
professionnelles. Vous serez fiers,<br />
votre compagne et vous, d’avoir<br />
accompli une bonne action. Vous<br />
ne pouvez pas lui refuser ça. Ce serait<br />
un fardeau trop lourd à porter<br />
pour votre âme. Vous avez beaucoup<br />
de souci pour l’éducation de<br />
votre fille. Vous voudriez que sa<br />
réussite, à tous les niveaux, constitue<br />
un objet de fierté pour votre<br />
famille. Le père et la mère de ce<br />
petit être attendent assurément la<br />
même chose de lui. Vous n’irez<br />
pas jusqu’à me faire croire que<br />
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sans âme, sans bonté, sans conscience...<br />
– Qu’est-ce que vous en<br />
savez vous-même? Hein! Qu’estce<br />
que vous en savez? Les gens<br />
qui m’ont recueilli chez eux, à la<br />
mort de mes parents, comment<br />
m’ont-ils traité selon vous? J’étais<br />
un gosse de six ans, abandonné<br />
à moi-même. Y avait-il quelqu’un<br />
qui venait prendre ma défense<br />
lorsque j’étais forcé d’exécuter des<br />
tâches harassantes, complètement<br />
au-dessus de mes forces? Je frottais<br />
les murs, je lavais le plancher<br />
d’une grande maison de trente<br />
pièces. J’accomplissais tous les<br />
jours les douze travaux d’Hercule.<br />
J’étais un forçat de la faim. Je<br />
dormais dans un hangar couvert à<br />
moitié. Quand il pleuvait, j’allais<br />
me tapir dans un petit coin et je<br />
regardais passer la nuit, sans joindre<br />
les paupières, sans fermer les<br />
yeux. J’ai dû lutter, lutter courageusement<br />
pour sortir de cet endroit<br />
infernal. En grandissant, j’ai<br />
appris tout seul à lire et à écrire.<br />
Finalement, je me suis évadé de<br />
ma grande prison. Pour survivre,<br />
j’ai mendié aux passants, j’ai accepté<br />
de me transformer en portefaix...<br />
Et puis, quand j’ai atteint<br />
l’âge de dix-sept ans, je suis allé<br />
m’enrôler dans l’armée. J’ai réussi<br />
à faire croire que j’avais atteint<br />
l’âge adulte, que j’étais majeur. Je<br />
ne dois rien à personne, moi. Absolument<br />
rien, rien...<br />
– Je vois! Vous voulez faire<br />
subir à votre neveu toutes les humiliations<br />
que vous avez subies<br />
vous-même avant de devenir adulte.<br />
– Il n’est pas mon neveu.<br />
Et je m’en fous qu’il soit le fils du<br />
frère aîné d’Alicia.<br />
– Vous êtes possédé par les<br />
esprits du mal. Vous portez le mal<br />
en vous. Vous êtes sous l’emprise<br />
du diable.<br />
– Et quoi encore?<br />
– Vous ne laissez aucune<br />
place dans votre cœur pour les<br />
bonnes œuvres.<br />
– Mais où étiez-vous, lorsque<br />
j’étais livré pieds et mains liés<br />
à mes problèmes, aux multiples<br />
souffrances qui m’empêchaient de<br />
vivre? Ma mère travaillait là comme<br />
servante. Elle faisait à manger<br />
pour une vingtaine de personnes,<br />
elle s’occupait de toute la lessive.<br />
Elle paraissait toute jeune, quand<br />
elle était arrivée chez cette famille<br />
bourgeoise pour y travailler<br />
afin d’aider ses parents restés à la<br />
campagne. La saison cyclonique<br />
avait provoqué partout des pluies<br />
diluviennes qui causaient des<br />
suite à la page(16)<br />
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12 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong>
Perspectives<br />
Notre Mémoire se Souvient<br />
Camilo Torres Restrepo, prêtre et guérillero<br />
3 février 1929 - 15 février1966<br />
Par Frantz Latour<br />
Parmi les hommes et les femmes qui<br />
ont donné leur vie pour qu’une nouvelle<br />
société plus juste, plus humaine<br />
naisse sur les décombres d’un système<br />
capitaliste prédateur, oppresseur et assassin,<br />
il n’y a pas eu que des laïcs.<br />
Il y a eu également des religieux, des<br />
prêtres qui à un moment de leur sacerdoce<br />
en sont arrivés à se convaincre<br />
de la nécessité d’un changement social<br />
radical et même à considérer la violence<br />
légale, dans des situations de grave<br />
injustice sociale. Ce fut le cas pour le<br />
prêtre Camilo Torres Restrepo né à Bogota,<br />
en Colombie, le 3 février 1929.<br />
Camilo Torres appartient à une<br />
famille aisée, bourgeoise, aux traditions<br />
libérales. Du premier mariage de<br />
sa mère, Isabel Restrepo Gaviria avec<br />
Carlos Westendorp, de nationalité allemande,<br />
sont nés deux enfants. Fernando<br />
et Camilo Torres sont nés d’un<br />
second mariage avec Calixto Torres.<br />
Les premières années de Camilo sont<br />
semblables à celles d’autres jeunes de<br />
sa catégorie sociale. La famille voyage<br />
en Europe : Bruxelles, Barcelone,<br />
puis retourne en Colombie en 1934.<br />
Les parents se séparent en 1937, les<br />
enfants restent avec leur mère. Camilo<br />
fréquente le collège allemand de Bogotá<br />
pour ses primaires, et le lycée Cervantès<br />
pour ses classes secondaires. Il participe<br />
aux retraites annuelles organisées par<br />
les Jésuites. Il restera très attaché à sa<br />
mère jusque peu avant sa mort.<br />
En 1947, il commence des<br />
études de droit à l’Université nationale.<br />
Il y reste seulement un semestre. Il<br />
devient rédacteur au journal La Razón.<br />
De façon surprenante et inattendue, il<br />
décide d’entrer en prêtrise. Séminariste,<br />
il manifeste, pendant ses sept années de<br />
formation, une préoccupation précoce<br />
pour les questions sociales. Après avoir<br />
été ordonné prêtre en 1954, il part en<br />
Belgique afin d’entreprendre des études<br />
de sociologie et de sciences politiques à<br />
l’université catholique de Louvain.<br />
Depuis lors se sont manifestés son esprit<br />
de sacrifice, son désir d’exercer une<br />
influence sur l’ensemble de la société<br />
et sa volonté d’être lié aux problèmes<br />
des groupes sociaux les plus pauvres. Il<br />
s’y lie d’amitié avec François Houtart,<br />
prêtre et sociologue belge, professeur à<br />
l’Université de Louvain, militant de la<br />
cause du Tiers-Monde. Il représente les<br />
étudiants au Collège pour l’Amérique<br />
latine. En 1958, Camilo obtient sa licence<br />
de sociologie à la suite de la<br />
présentation d’un mémoire intitulé<br />
« Approche statistique aux problèmes<br />
socio-économiques de la ville de Bogota<br />
».<br />
Muni d’une formation<br />
académique différente de celle de la<br />
plupart des membres du clergé colombien<br />
plutôt traditionnel, ringard, accroché<br />
au parti conservateur et au statu quo,<br />
il retourne en 1956 en Colombie pour<br />
préparer sa thèse. De ses discussions<br />
avec un ami marxiste paraît le livre<br />
Conversations avec un prêtre colombien<br />
de Rafael Maldonado Piedrahita, ouvrage<br />
affichant une pensée nettement<br />
progressiste quoique encore solidement<br />
ancrée dans la doctrine catholique.<br />
Il voyage à nouveau en Belgique<br />
pour passer sa maîtrise. Là, il rencontre<br />
Margaret Mary Olivieri, activiste sociale<br />
qui allait être sa plus proche collaboratrice<br />
en Colombie. Son diplôme<br />
obtenu, il retourne travailler dans son<br />
pays en 1958, après un crochet de<br />
quelques mois d’études à l’Université<br />
de Minnesota, aux «États-Unis. On le<br />
nomme aumônier de l’Université nationale<br />
à Bogotá et professeur à la Faculté<br />
de sociologie nouvellement créée.<br />
Il compte parmi les organisateurs<br />
du premier Mouvement Universitaire<br />
de Développement communautaire<br />
(MUNIPROC). A l’université commence<br />
à s’enraciner une pensée radicale influencée<br />
par le marxisme et la révolution<br />
cubaine. Dès 1961, ses prises de<br />
défense de la cause estudiantine, son<br />
implication de plus en plus marquée<br />
dans les affaires politiques du pays,<br />
ses interventions contre les inégalités<br />
sociales lui valent des conflits avec la<br />
haute hiérarchie catholique et l’establishment<br />
politique. Ses supérieurs le<br />
destituent de ses fonctions. Il est muté<br />
dans la paroisse de Vera Cruz où il sert<br />
comme vicaire. Il y décroche un poste<br />
d’enseignant à l’École supérieure d’administration<br />
publique.<br />
Il préside en 1963 le premier<br />
congrès national de sociologie de Bogotá<br />
au cours duquel il présente une<br />
étude ayant pour titre La violence et les<br />
changements socioculturels dans les<br />
régions rurales colombiennes. Les conflits<br />
avec les autorités ecclésiastiques et<br />
civiles engagées dans la répression de<br />
la protestation sociale et le contrôle de<br />
toutes les formes de dissidence le rapprochent<br />
des groupes radicaux de l’Université<br />
et le mènent à la conclusion que<br />
les chrétiens qui veulent le changement<br />
social doivent travailler aux côtés des<br />
socialistes et des marxistes, et même<br />
considérer que la violence est légale<br />
dans des situations de grave injustice<br />
sociale. Son expérience dans les<br />
Plaines Orientales avec les agriculteurs<br />
du conseil d’administration de l’Institut<br />
Colombien de la Réforme Agraire, entre<br />
1962 et 1964, finit par le convaincre<br />
de la nécessité d’un changement social<br />
radical en Colombie.<br />
En 1964, année de marasme<br />
économique, Camilo Torres participe<br />
à la mise en place d’un mouvement<br />
politique regroupant différents milieux<br />
progressistes. Le but est de déterminer<br />
« une action révolutionnaire commune<br />
par voie légale ». Il s’agit de fédérer<br />
l’opposition progressiste fragmentée<br />
dans un projet commun. Dans l’optique<br />
révolutionnaire de Camilo Torres, il est<br />
nécessaire de se débarrasser de l’impérialisme<br />
américain et de l’oligarchie qui<br />
sert ses intérêts pour transformer le<br />
pays et faire accéder les classes populaires<br />
à un minimum de bien-être. Il<br />
est nécessaire de mobiliser, d’organiser<br />
et d’associer les secteurs pauvres de la<br />
population à la lutte pour la construction<br />
d’un nouvel Etat. Par conséquent,<br />
il faut créer l’unité du mouvement révolutionnaire<br />
en rassemblant les masses<br />
opprimées du pays.<br />
On doit être convaincu de mener<br />
la lutte jusqu’au bout avec toutes les<br />
conséquences que cela comporte. Les<br />
chrétiens ont non seulement la possibilité<br />
de participer à la révolution, mais ils<br />
sont tenus de la faire: «Le devoir de chaque<br />
chrétien est d’être révolutionnaire,<br />
et le devoir de tout révolutionnaire est<br />
de faire la révolution». Une maxime<br />
proche de celle de Che Guevara. Un autre<br />
élément clé de la pensée de Camilo<br />
a consisté en un effort pour concilier<br />
le christianisme et le marxisme, promouvant<br />
ainsi à ses yeux un nouveau<br />
type de société à caractère socialiste et<br />
chrétien, fondée sur la répartition équitable<br />
des richesses. Torres était d’avis<br />
que «Les marxistes luttent pour une<br />
société nouvelle, et nous les chrétiens,<br />
nous devrions être aux côtés de leurs<br />
combats».<br />
Entre 1965 et 1966, il multiplie<br />
conférences et manifestations à<br />
travers le pays tout en appelant à une<br />
suite à la page(19)<br />
La mémoire au service des luttes : Paul Robeson<br />
Par FUIQP & Alain Saint-Victor<br />
Il y a 44 ans, le 23 janvier 1976, l’acteur,<br />
chanteur, athlète et écrivain Paul<br />
Robeson décédait.<br />
Né à Princeton au New- Jersey,<br />
le 9 avril 1898, il est le fils d’un père<br />
esclave, William Drew Robeson, enfui,<br />
à l'âge de 15 ans, d'une plantation de<br />
Caroline du Nord et d’une mère métisse,<br />
Maria Louisa Bustill, descendante<br />
d'une famille quaker abolitionniste.<br />
William Drew entreprit des études uni-<br />
Ne pouvant pas entrer à l'université<br />
Princeton, à cause de sa couleur,<br />
Paul Robeson intégra l'université<br />
Rutgers où il fit de brillantes études.<br />
Il fut admis, par la suite, à l'université<br />
Columbia où il décrocha un diplôme en<br />
droit en 1923. Il fréquenta également<br />
l'École des études orientales et africaines<br />
de Londres.<br />
À l'époque du Jim Crow (période<br />
de plus de 100 ans au cours de laquelle<br />
les Afro-Américains furent victimes<br />
systématiquement de violence raciste),<br />
il était très difficile à un Noir d'exercer<br />
le métier d'avocat. Malgré qu'il fût<br />
l'un des meilleurs de sa classe, Robeson<br />
dut abandonner sa carrière en droit<br />
et joignit le Provincetown Players, un<br />
groupe de théâtre de New York qui<br />
compte en son sein le dramaturge Eugene<br />
O'Neill (1888-1953).<br />
En 1924, Robeson fait partie des<br />
acteurs de la pièce d'O'Neill, All God's<br />
Chillun Got Wings (inspirée du Negro<br />
spiritual). Au cours de la même année<br />
et en 1925, il devient célèbre à New<br />
York et à Londres en interprétant le premier<br />
rôle de la pièce du même auteur,<br />
Emperor Jones (perçue, par certains,<br />
comme une critique de l'occupation<br />
étatsunienne d'<strong>Haiti</strong>, 1915-1934).<br />
En plus de ses talents d'acteur,<br />
Robeson avait une superbe voix baryton-basse.<br />
En 1925, il donna son premier<br />
récital d'art vocal au Greenwich<br />
La célébrité de Robeson est à son<br />
apogée lors de son interprétation magistrale<br />
d' Othelo en 1930, qui bat tous<br />
les records des pièces shakespeariennes<br />
jouées à Broadway, à l'époque.<br />
Robeson devient célèbre non<br />
seulement en Europe et aux États-Unis<br />
mais également en Afrique, faisant ainsi<br />
craindre son influence sur les peuples<br />
colonisés d’Afrique subsaharienne.<br />
Parmi ses plus grands succès<br />
figure le célèbre Song of Freedom.<br />
Paul Robeson devient, au cours de ses<br />
voyages dans le monde entier, un ambassadeur<br />
du mouvement des droits<br />
civiques et un dénonciateur des conditions<br />
de vie des Afro-Américains aux<br />
États-Unis, en particulier dans les États<br />
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du Sud ségrégationnistes. Il utilise sa<br />
notoriété pour mobiliser l’opinion contre<br />
les lynchages qui, à l'époque, se<br />
multiplient.<br />
Au cours des années 1950, alors<br />
que le Maccarthysme devient l'idéologie<br />
dominante aux États-Unis (prêchant un<br />
anticommunisme primaire et violent),<br />
Paul Robeson est victime d'un véritable<br />
boycott organisé contre ses films et enregistrements.<br />
On lui retire également<br />
son passeport de 1950 à 1958.<br />
Après le décès de son épouse, Eslanda,<br />
en 1966, Robeson, de plus en<br />
plus isolé et marginalisé, connut une<br />
période de déchéance. Après deux infarctus,<br />
il meurt dans la pauvreté d'un<br />
arrêt cardiaque en 1976, à l'âge de 77<br />
ans.<br />
De Paul Robeson, l'historien Afro-Américain<br />
Gerald Horne écrit: « Il<br />
a été un précurseur pour des hommes<br />
comme Malcom X et Dr. Martin Luther<br />
King. En fait, on ne peut comprendre la<br />
vie et le parcours de ces deux hommes<br />
sans tenir compte de Paul Robeson. »<br />
Pour illustrer son engagement,<br />
Robeson écrit: "L'artiste doit choisir de<br />
lutter pour la liberté ou pour l'esclavage.<br />
J'ai fait mon choix. Je n'avais pas<br />
d'alternative." Ce qui résume bien toute<br />
la trajectoire de son existence. C’est ce<br />
type d’artistes dont nous avons besoin.<br />
Repose en paix frère et camarade.<br />
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presbytérienne de Princeton de 1880 à<br />
1901. Il est décédé en 1918, alors que<br />
le jeune Paul n'a que vingt ans.<br />
Village (New York). Il atteint une réputation<br />
internationale sous le nom de Joe<br />
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Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong><br />
<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
13
Conférence de Berlin sur la Libye : Palabres au sommet !<br />
Par Majed Nehmé<br />
Ils sont venus, ils étaient tous là<br />
(ou presque) pour, disaient-ils,<br />
sauver la Libye depuis Berlin. Ils<br />
avaient répondu à l’invitation de la<br />
chancelière allemande Angela Merkel<br />
qui s’était distinguée, en mars 2011<br />
par son opposition, en tant que<br />
membre non permanente du Conseil<br />
de sécurité de l’ONU, à la résolution<br />
1973, interprétée par la France, le<br />
Royaume-Uni et les États-Unis comme<br />
autorisant la guerre contre la<br />
Libye de Kadhafi. Elle s’était retrouvée<br />
dans le même camp de la Chine,<br />
de la Russie, du Brésil et de l’Inde.<br />
A l’époque rare étaient, en Occident,<br />
ceux qui n’avaient pas condamné la<br />
« trahison » allemande. Neuf ans<br />
après, voilà que les fossoyeurs de la<br />
Jamahiriya se retrouvent autour de<br />
la même table à Berlin pour conjurer<br />
la catastrophe libyenne, avec Merkel<br />
et Poutine comme parrains ! Ce spectacle<br />
a amené le journal burkinabé<br />
Le Pays (le Burkina est aujourd’hui<br />
l’une des victimes collatérales de la<br />
guerre de Libye) à consacrer son<br />
éditorial à cette rencontre au sommet<br />
qu’il avait qualifiée « Le bal des<br />
hypocrites ».<br />
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La guerre contre la Libye, transformée en état failli est une opportunité<br />
historique pour les groupes terroristes. Dessin de Chapatte.<br />
La France hors circuit<br />
La France, principale responsable de<br />
cette guerre, était représentée dans<br />
cette conférence par le chef d’Etat en<br />
personne, Emmanuel Macron. Contrairement<br />
à ses deux prédécesseurs<br />
Nicolas Sarkozy et François Hollande,<br />
il avait eu le courage de reconnaître la<br />
responsabilité de son pays dans cette<br />
catastrophe géopolitique. Dans un<br />
entretien accordé à huit médias européens<br />
(Le Figaro, Suddeutsche Zeitung,<br />
Le Soir, The Guardian, Corriere<br />
Della Serra, El País, Gazeta Wiborcza<br />
et Le Temps) en 2017, il a admis que<br />
« la participation des Forces armées<br />
françaises à l’opération militaire en<br />
Libye en 2011 a été une erreur et<br />
la France doit éviter ce scénario en<br />
Syrie ». Et d’ajouter :«Avec moi, ce<br />
sera la fin d’une forme de néo-conservatisme<br />
importée en France depuis<br />
dix ans. La démocratie ne se fait pas<br />
depuis l’extérieur à l’insu des peuples.<br />
La France n’a pas participé à la<br />
guerre en Irak et elle a eu raison. Et<br />
elle a eu tort de faire la guerre de cette<br />
manière en Libye. Quel fut le résultat<br />
de ces interventions? Des États faillis<br />
dans lesquels prospèrent les groupes<br />
terroristes ».<br />
Il ne croyait pas si bien dire. Il<br />
se retrouve aujourd’hui condamné à<br />
gérer ce lourd héritage, mais sans se<br />
donner les moyens du changement.<br />
Les néo-conservateurs sont encore<br />
très nombreux dans son entourage.<br />
Jean-Yves Le Drian, l’actuel ministre<br />
des Affaires étrangères, qui avait<br />
été en charge sous le mandat de<br />
François Hollande du portefeuille de<br />
la Défense, a de la peine à mettre en<br />
pratique les déclarations de son nouvel<br />
employeur. Résultat : La France<br />
se retrouve aujourd’hui hors circuit.<br />
De « protectrice du peuple libyen »<br />
comme elle se présentait pour justifier<br />
son intervention contre la Jamahiriya,<br />
elle est acculée maintenant à se «<br />
protéger » du désordre libyen.<br />
Avant de venir à Berlin, Emmanuel<br />
Macron avait tiré la sonnette<br />
d’alarme. Interrogé, en off, lors de la<br />
présentation des vœux pour le nouvel<br />
an par un collègue de France 24<br />
arabe sur les informations relatives<br />
à l’envoi par la Turquie de miliciens<br />
syriens pour combattre du côté de<br />
Sarraj, lui-même marionnette des milices<br />
islamistes de Misrata, il répondit<br />
: « Si les services de renseignement<br />
français vont me confirmer ces informations,<br />
ce serait un développement<br />
extraordinairement grave » !<br />
« Car, poursuit-il, de là ils vont faire<br />
la jonction avec le Sahel, région où<br />
la France est en première ligne dans<br />
la lutte contre le terrorisme ». Confirmées,<br />
semble-t-il par ses services,<br />
il exprimera deux jours plus tard son<br />
désarroi et ses craintes devant les<br />
participants à ce sommet. Dans son<br />
intervention, il a stigmatisé directement<br />
la Turquie qui soutient militairement<br />
le gouvernement de Fayez<br />
al-Sarraj et qui organise le recrutement<br />
et l’envoi de centaines de miliciens<br />
syriens en Libye. “Il faut que<br />
cela cesse”, a-t-il martelé.<br />
La suite donnera plus de consistance<br />
à cette menace, puisque les<br />
informations en provenance de Syrie<br />
(zone occupée par la Turquie) et de<br />
la Libye font état, non seulement de<br />
l’arrivée de plusieurs centaines de ces<br />
miliciens grassement payés par la<br />
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Turquie et le Qatar en Libye mais, fait<br />
inquiétant, de l’évasion de 17 d’entre<br />
eux vers l’Italie par voie de mer.<br />
Cela a été confirmé par l’Observatoire<br />
syrien des droits de l’homme, basé<br />
en Grande-Bretagne et qui est connu<br />
pour son opposition au pouvoir syrien.<br />
Le sommet de Berlin, réuni à<br />
l’initiative de l’Allemagne et sous<br />
l’égide de l’ONU rassemblait onze<br />
pays dont les cinq membres permanents<br />
du Conseil de sécurité ainsi que<br />
le secrétaire général de l’ONU Antonio<br />
Guterres et son représentant pour<br />
la Libye Ghassan Salamé qui n’a pas,<br />
jusqu’ici, brillé par son efficacité.<br />
La majorité des pays qui se<br />
retrouvent aujourd’hui au chevet<br />
de la Libye avaient activement participé<br />
à sa destruction ou du moins<br />
cautionné l’expédition de l’Otan. A<br />
part Recep Tayyip Erdogan et Angela<br />
Merkel, qui avaient participé plus<br />
ou moins activement à cette expédition,<br />
Emmanuel Macron, Boris Johnson,<br />
Giuseppe Conte et Mike Pompeo<br />
héritaient de ce dossier. La Russie, la<br />
Chine et l’Algérie s’y étaient frontalement<br />
opposées. Pour rappel, Vladimir<br />
Poutine, alors Premier ministre, avait<br />
critiqué sans ménagement Dimitri<br />
Medvedev pour avoir laissé passer la<br />
résolution 1973. Ce qui avait provoqué<br />
une crise entre les deux hommes<br />
et, plus grave encore, rallumé une<br />
nouvelle guerre froide dans les relations<br />
internationales. Poutine avait<br />
en effet condamné l’expédition de<br />
l’Otan en Libye estimant que «l’intervention<br />
des Occidentaux en Libye<br />
fait penser à l’appel des croisés du<br />
Moyen Age». Aujourd’hui, il prend<br />
sa revanche et fait un comeback remarqué<br />
sur la scène libyenne. Tout<br />
en tendant cyniquement la main<br />
à Erdogan, dans le but d’affaiblir<br />
l’Otan, il soutient militairement le<br />
maréchal Haftar à travers les mercenaires<br />
russes de Wagner. Il estime<br />
qu’il est le seul à même de recoller<br />
les morceaux d’une Libye éclatée<br />
et de lutter contre le terrorisme que<br />
son armée combat en Russie même<br />
et en Syrie. Position partagée tacitement<br />
par la France, l’Allemagne, le<br />
Royaume-Uni, les Émirats arabes<br />
unis, et surtout l’Égypte qui accuse<br />
le gouvernement de Tripoli de constituer<br />
un sanctuaire pour les Frères<br />
musulmans égyptiens. Quant au Maroc,<br />
qui avait abrité la conférence de<br />
Skhirate, en décembre 2015, dont<br />
la feuille de route est restée morte,<br />
n’a pas été invité. La Tunisie, qui<br />
supporte le poids d’une présence libyenne<br />
importante depuis 2011, n’a<br />
été invitée qu’in extremis. Touchée<br />
dans son amour-propre, elle a décliné<br />
l’invitation. Enfin, le Qatar dont la<br />
responsabilité dans le financement et<br />
l’armement des milices islamistes libyennes<br />
est écrasante, a été exclu du<br />
sommet alors que les Émirats arabes<br />
unis qui ne cachent pas leur stratégie<br />
anti-islamistes (Frères musulmans en<br />
particulier) et anti-terroriste ont participé<br />
aux travaux de la conférence.<br />
Tout ça pour ça ?<br />
Les résultats de cette énième<br />
conférence et réunion internationale<br />
sur la Libye ne sont pas à la hauteur<br />
des attentes des Libyens : engagement<br />
à respecter l’embargo sur les<br />
armes décidé en 2011 par les Nations<br />
unies et à renoncer à toute « interférence<br />
» étrangère dans le conflit,<br />
appel à l’observation d’un véritable<br />
cessez-le-feu permanent sur le terrain…Des<br />
engagements pris sans jamais<br />
résister aux réalités du terrain et<br />
des intérêts en jeu.<br />
Au lendemain de ce sommet<br />
que les pays européens pensaient<br />
utiliser comme un tremplin pour<br />
revenir dans le jeu en Libye afin de<br />
sécuriser leurs frontières face à la<br />
menace migratoire et terroriste, une<br />
certaine désillusion transparaissait<br />
dans les déclarations des uns et des<br />
autres. Les 27 ministres des Affaires<br />
étrangères de l’Union européenne<br />
s’étaient réunis le 20 janvier à Bruxelles<br />
pour essayer de dissiper cette<br />
désillusion. Peine perdue. Le nouveau<br />
haut représentant de l’UE pour<br />
les Affaires étrangères, Josep Borrell,<br />
n’a pas caché son pessimisme,<br />
reconnaissant qu’aucune décision<br />
n’avait été prise sur la Libye et le<br />
Sahel. Les mesures concrètes sont<br />
donc reportées à la prochaine réunion<br />
des ministres européens des Affaires<br />
étrangères programmée pour le 17<br />
février prochain.<br />
En attendant, les trois points<br />
discutés étaient : les moyens à<br />
déployer pour sécuriser l’embargo sur<br />
les armes, les dispositifs à mettre en<br />
place si un cessez-le-feu devait être<br />
obtenu, et la manière dont il conviendrait,<br />
à moyen terme, de restaurer<br />
les institutions libyennes.<br />
La Libye, « une tumeur qui<br />
produit des métastases sur<br />
l’ensemble de la région »<br />
Pour Josep Borrell, cet immobilisme<br />
est catastrophique pour l’Europe. Il<br />
avait déjà tiré la sonnette d’alarme<br />
le 10 janvier. Les combats autour<br />
de Tripoli, prévient-il, pourraient se<br />
traduire « par une nouvelle poussée<br />
migratoire vers l’Europe….Quelque<br />
700 000 migrants se trouvent en Libye,<br />
pour la plupart venus du Sahel.<br />
Ils attendent l’occasion pour migrer<br />
Les participants au sommet de Berlin sur la Libye posent pour la photo. On remarquera<br />
l’absence des Libyens. Photo DR<br />
vers l’Europe. » Au-delà de la Libye,<br />
c’est bien évidemment le Sahel qui<br />
est menacé. « La Libye, a rappelé Josep<br />
Borrell, est une sorte de tumeur<br />
qui produit des métastases sur l’ensemble<br />
de la région.»<br />
Si l’on ajoute à cela l’arrivée<br />
annoncée de milliers de terroristes qui<br />
évoluent dans les zones sous contrôle<br />
turc en Syrie, dont des Caucasiens,<br />
Tchétchènes, Turkmènes, Ouïgours<br />
vers la Tripolitaine, cette « métastase<br />
» a toutes les chances de contaminer<br />
la rive nord de la Méditerranée.<br />
Dans son éditorial consacré<br />
au sommet de Berlin, le journal Le<br />
Monde, qui avait en 2011 soutenu<br />
la guerre de Bernard-Henry Lévy,<br />
membre de son Conseil de surveillance,<br />
contre la Libye, avait écrit : «<br />
Aux portes de l’Europe, la poudrière<br />
en Libye menace de se transformer<br />
en une nouvelle Syrie ». Il ne pipe<br />
pas mot sur la manière d’y mettre fin.<br />
Face aux palabres de Berlin, au<br />
jeu trouble de la Turquie, de la lâcheté<br />
européenne, ceux qui pensent que le<br />
salut de la Libye passe par la défaite<br />
militaire des milices armées qui terrorisent<br />
la population de la Tripolitaine<br />
sont de plus en plus nombreux. N’en<br />
déplaise aux pompiers pyromanes qui<br />
continuent à prôner la paix publiquement<br />
tout en alimentant la guerre<br />
sur le terrain. Car un nouveau pouvoir<br />
fort dans une Libye réunifiée et<br />
pacifiée signifie plus de sécurité pour<br />
les Libyens d’abord, mais aussi pour<br />
les pays limitrophes et pour l’Europe.<br />
Majed Nehmé<br />
Afrique-Asie 22 janvier <strong>2020</strong><br />
14 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong>
Suite de la page (10)<br />
Constitution. Dans le domaine<br />
économique, pour être avec le peuple,<br />
la nationalisation des ressources naturelles<br />
et des entreprises stratégiques<br />
a été importante.<br />
S’affirme ici une profonde différence<br />
avec la droite bolivienne et<br />
avec le système capitaliste, qui considèrent<br />
la santé et le logement comme<br />
des services marchands. Pour<br />
notre mouvement, ce sont des droits.<br />
Les services de base sont une affaire<br />
privée pour le capitalisme. Alors que<br />
pour nous, dans le socialisme communautaire,<br />
ils relèvent des droits humains.<br />
Par conséquent, notre défense<br />
ne porte pas seulement sur les droits<br />
individuels et des personnes, mais<br />
aussi sur les droits collectifs et communautaires.<br />
Sur la question du commerce,<br />
pour être avec le peuple, un<br />
programme de solidarité, de complémentarité<br />
et de compétitivité est important.<br />
DIVORCE SUMMONS BY PUBLICATION AND MAILING<br />
Docket NoSU19D1234DR<br />
Commonwealth of Massachusetts<br />
The Trial Court<br />
Probate and Family Court<br />
Lesly Chery vs Marie Stephan aka Medgine Celestin Chery<br />
To the Defendant<br />
Fabián Kovacic: Et l’autocritique<br />
de votre gestion?<br />
Evo Morales: [Il hésite avant<br />
de répondre.] Sur la question de l’autocritique<br />
et des faiblesses… Quand<br />
votre frère est président, certains secteurs<br />
manifestent une ambition exagérée.<br />
Certains revendiquent même<br />
des choses qui ne sont pas souhaitables<br />
pour d’autres secteurs sociaux.<br />
Alors ils ne pensent pas à la Bolivie,<br />
mais seulement à leur secteur ou à une<br />
fraction de citoyens. Mais lorsque le<br />
gouvernement est géré avec transparence,<br />
avec des données économiques,<br />
ces secteurs le comprennent, même<br />
s’ils ont du mal à l’accepter. Et je veux<br />
dire que dans la lutte des classes,<br />
idéologique, programmatique, il est<br />
nécessaire de discuter et de travailler.<br />
Les mêmes mouvements sociaux<br />
nous ont dit lors de réunions<br />
qu’ils ne venaient pas pour discuter<br />
et juger les politiques mais pour obtenir<br />
la distribution de projets et de<br />
travaux. Ils ne voulaient pas de débat<br />
idéologique.<br />
Or, il faut élaborer sur cela durant<br />
le processus même de transformation.<br />
La réalité est que près de trois<br />
millions de Boliviens sont passés de la<br />
classe humble ou pauvre à la classe<br />
«moyenne». Ils ont dès lors oublié<br />
d’où ils venaient, ils préfèrent ne pas<br />
avoir d’engagements envers la société<br />
et ils expriment déjà de nouvelles attentes.<br />
Ils ne tiennent pas compte du<br />
fait qu’il y a encore beaucoup de familles<br />
dans la situation où ils se trouvaient<br />
auparavant.<br />
The Plaintiff has filed a complaint for Divorce requesting that the court grant a<br />
divorce for IRRETRIEVABLE BREAKDOWN<br />
The complaint is on file at the Court<br />
An automatic Restraining Order has been entered in this matter preventing you<br />
from taking any action which would negatively impact the current financial<br />
status of either party.<br />
SEE Supplemental Probate court Rule 411<br />
You are hereby summoned and required to serve upon:<br />
Lesly Chery<br />
7 Rosebery Rd<br />
Hyde Park, MA 02136<br />
Your answer, if any, on or before 02/24//<strong>2020</strong>. If you fail to do<br />
so, the court will proceed to the hearing and adjudication of<br />
this action. You are also required to file a copy of your answer,<br />
if any, in the office of the Register of this Court<br />
Witness, Hon, Brian J. Dunn, First Justice of the Court<br />
Date January, 22, <strong>2020</strong><br />
Register of Probate<br />
Fabián Kovacic: C’est un défi<br />
pour tous les gouvernements progressistes<br />
de la région. Comment réagir<br />
aux nouvelles attentes suscitées par<br />
les améliorations obtenues grâce aux<br />
actions du gouvernement?<br />
Evo Morales: C’était un défi<br />
pour notre gouvernement, et il y a encore<br />
beaucoup de chemin à parcourir<br />
avant de savoir comment réagir et<br />
aller de l’avant. Dans le domaine de<br />
la gestion, nous avons élaboré sur la<br />
base des données recueillies et sommes<br />
arrivés à la conclusion que les<br />
subventions publiques exagérées exercent<br />
une ponction sur l’économie<br />
nationale. Elles ne garantissent pas<br />
l’avenir économique du pays. Les<br />
investissements publics réalisés pour<br />
développer l’appareil productif doivent<br />
être combinés avec les aspects sociaux<br />
et d’emplois. C’est de là que vient la<br />
redistribution des richesses, qui permet<br />
de mettre fin à la pauvreté.<br />
Fabián Kovacic: Ceux qui,<br />
selon vous, exigent trop du gouvernement<br />
actuel, sont-ils ceux qui, en<br />
novembre, demandaient sa démission?<br />
Je veux parler de la Centrale des<br />
travailleurs boliviens (COB) et de certains<br />
syndicats miniers.<br />
Evo Morales: Je ne dirais pas<br />
cela… Je pense que la demande de ma<br />
démission relevait d’un sentiment de<br />
peur. Je ne comprenais pas moi-même<br />
comment la COB pouvait exiger ma<br />
démission, ce qui aboutissait à donner<br />
une chance à la droite. C’était une<br />
erreur politique de la part de la COB,<br />
mais pas à cause des revendications<br />
sectorielles dont j’ai parlé plus tôt.<br />
Parce qu’ils ont eux-mêmes proposé<br />
que je sois candidat à la présidence,<br />
ont défendu ma candidature et se sont<br />
mobilisés pour elle. Il y a eu un moment<br />
où la peur s’est emparée d’eux et<br />
ils ont lancé un appel pour ma démission.<br />
Ils considéreront cela comme<br />
une erreur historique.<br />
Fabián Kovacic: La candidature<br />
d’Andrónico Rodríguez<br />
[vice-président des Seis Federaciones<br />
Cocaleras del Trópico de Cochabamba]<br />
et d’Orlando Gutiérrez, dirigeant de la<br />
COB, marque-t-elle une différence entre<br />
le MAS, la COB et les mineurs?<br />
Evo Morales: Non. Nous sommes<br />
unis. Il n’y a jamais eu quatre<br />
candidats auparavant. Nous sommes<br />
tous convaincus que l’unité est importante,<br />
car quiconque a la responsabilité<br />
de diriger le nouveau processus<br />
Suffolk Probate and Family Court<br />
24 New Chardon Street<br />
Boston, MA 02114<br />
compte sur le soutien de tous.<br />
Le modèle extractiviste<br />
Fabián Kovacic: Une des<br />
questions communes aux gouvernements<br />
progressistes ou de gauche ces<br />
dernières années est la création de<br />
richesses à travers une matrice similaire<br />
à celle du néolibéralisme: l’extractivisme.<br />
Comment traiter ce problème?<br />
Evo Morales: Le système capitaliste,<br />
en plus de détruire la planète,<br />
veut que les pays dits sous-développés<br />
le prennent en charge, mais à son<br />
propre avantage. Je ne partage pas ce<br />
point de vue. Bien sûr, nous devons<br />
prendre soin de l’environnement, et<br />
j’en suis convaincu. L’être humain ne<br />
pourra pas vivre sans sa terre-mère.<br />
Et elle existerait mieux sans l’être humain.<br />
Dès lors, nous avons fait valoir<br />
les droits de la Terre mère auprès des<br />
Nations unies. Il y a seulement un peu<br />
plus de 70 ans [décembre 1948] que<br />
le monde a réalisé que les êtres humains<br />
ont des droits et que se sont affirmés<br />
les droits de l’homme, les droits<br />
politiques, sociaux et économiques. Et<br />
ce n’est qu’en 2007 [13 septembre]<br />
que la Déclaration sur les Droits des<br />
Peuples indigènes a été adoptée par<br />
les Nations unies. Mais le plus important<br />
ici est que les droits de la terremère<br />
n’existent pas. Sans la terremère,<br />
il n’y a pas de vie, et donc pas<br />
d’humanité.<br />
Lorsqu’il s’agit d’utiliser nos<br />
ressources naturelles avec une planification<br />
à court, moyen et long terme<br />
qui respecte les droits de la terre, mais<br />
cela n’avait pas été mis en œuvre<br />
antérieurement en Bolivie. Lorsque<br />
le néolibéralisme a exploité le pétrole<br />
dans les réserves forestières, il n’y<br />
avait personne pour se plaindre, ni les<br />
ONG, ni les fondations [privées dites<br />
écologistes]. Lorsque nous sommes<br />
arrivés au gouvernement et avons<br />
commencé à explorer les zones de réserves<br />
naturelles, les protestations ont<br />
commencé, financées par les Etats-<br />
Unis ou par des multinationales.<br />
Fabián Kovacic: Il y a des secteurs<br />
de la gauche non financés par les<br />
Etats-Unis qui se plaignent du modèle<br />
extractiviste?<br />
Evo Morales: Qui sont ces secteurs<br />
en Bolivie? Ce sont les troskos<br />
[qualificatif qui renvoie à l’attitude<br />
de certains secteurs de la dite gauche<br />
radicale en Bolivie] qui adoptent de<br />
fait une position proche de l’extrême<br />
droite. On entend maintenant en Bolivie<br />
la phrase «Une autre gauche est<br />
possible». Et c’est ce que disent les<br />
troskos. Pendant le coup d’Etat, ils<br />
n’ont même pas organisé de manifestation<br />
contre la nouvelle dictature, et<br />
ils se disent à gauche. Je ne peux pas<br />
parler de ce qui se passe dans d’autres<br />
pays avec cette question de l’exploitation<br />
des ressources naturelles. Mais<br />
je vais vous dire ce que nous avons<br />
fait en Bolivie. Nous avons donné une<br />
valeur ajoutée à nos ressources naturelles<br />
afin de ne pas dépendre de la<br />
science et de la technologie [liées aux<br />
transnationales]. C’était une priorité.<br />
Quel est le problème que nous<br />
avons, non seulement les Sud-Américains,<br />
mais l’ensemble du continent<br />
latino-américains [depuis le Mexique]?<br />
Certains pays proposent une<br />
libération politique, sociale et culturelle.<br />
Et mon expérience me dit que<br />
nous devons l’accompagner d’une<br />
libération économique. Une libération<br />
politique ou idéologique sans libération<br />
économique n’a pas beaucoup<br />
d’avenir. Nous avons garanti cette<br />
libération économique et politique par<br />
des nationalisations. Mais le grand<br />
problème de l’Amérique latine est qu’il<br />
faut ensuite passer de la nationalisation<br />
à l’industrialisation, avec la science<br />
et la technologie.<br />
Fabián Kovacic: Et cela n’est<br />
pas réalisé avec les technologies dites<br />
propres?<br />
Evo Morales: Nous devons le<br />
réaliser, bien sûr, conjointement à la<br />
défense de la terre-mère et en cherchant<br />
et en débattant de nouvelles<br />
voies. Mais pour cela, nous, les Latino-Américains,<br />
devons progresser<br />
dans le domaine de la science et de la<br />
technologie.<br />
Le coup d’Etat et l’OEA<br />
Fabián Kovacic: Parler du coup<br />
d’Etat: déjà en 2015 et 2016, Nicolas<br />
Maduro du Venezuela et «Pepe» Mujica<br />
en Uruguay avaient désavoué et<br />
critiqué le rôle du secrétaire général<br />
de l’OEA, Luis Almagro [uruguayen].<br />
Pourquoi avez-vous, même avec le<br />
coup d’Etat en préparation, mis autant<br />
de temps à réaliser le rôle que vous<br />
attribuez maintenant à Almagro, qui<br />
va dans la même direction?<br />
Evo Morales: C’était une erreur<br />
de la part du gouvernement national<br />
[en référence à son gouvernement].<br />
Almagro a un double discours. Il a<br />
fait l’éloge de notre économie, du processus<br />
de changement. Mais je comprends<br />
qu’il est un agent de l’empire<br />
états-unien et qu’il opère avec des<br />
plans contre le peuple, même sans<br />
respecter les statuts fondateurs de<br />
l’OEA. En tant que Bolivien et ancien<br />
président, je dois reconnaître que<br />
c’était une erreur de croire que Luis<br />
Almagro pouvait garantir un processus<br />
démocratique dans notre pays.<br />
Mais malgré le rapport final de<br />
l’audit électoral [qui a «constaté» des<br />
irrégularités], nous avons gagné au<br />
premier tour [après dépouillement de<br />
83% des votes, le décompte est suspendu,<br />
ce qui débouche sur une contestation<br />
des résultats finaux; la crise<br />
s’ouvre alors]. Le rapport de l’OES fait<br />
état de 226 bureaux de vote présentant<br />
des irrégularités. Si c’est le cas,<br />
de nouvelles élections sont convoquées<br />
dans ces circonscriptions et pas<br />
dans toute la Bolivie. Si l’on prend en<br />
compte les 36’000 bureaux de vote du<br />
pays, 226 représentent bien de 1%.<br />
Même si tous ces votes avaient été<br />
comptés pour l’opposition, nous aurions<br />
quand même gagné au premier<br />
tour. C’est donc un coup de l’OEA.<br />
Réélection et référendum<br />
Fabián Kovacic: De nombreux<br />
gouvernements de gauche ou progressistes<br />
latino-américains n’ont pas été<br />
en mesure d’assurer une politique de<br />
leurs dirigeants. Comment remédier à<br />
cette lacune?<br />
Evo Morales: [Il hésite, regarde<br />
autour de la table et joue avec<br />
le magnétophone.] Je n’y croyais pas<br />
beaucoup… Mais maintenant, je suis<br />
convaincu que c’est une question importante.<br />
Je ne sais pas s’il s’agit de<br />
travailler ensemble pour établir un<br />
nouveau leadership ou quelle est la<br />
solution. Je n’ai jamais cru que le dirigeant<br />
qui a provoqué de profondes<br />
transformations dans chacun de ses<br />
pays était si important. Nous devons<br />
repenser cette situation.<br />
Quoi qu’il en soit, je pense toujours<br />
que le projet politique de libération,<br />
le programme du peuple, vient<br />
toujours en premier, et ensuite viennent<br />
les responsabilités correspondantes.<br />
C’est ainsi que cela devrait<br />
être. Mais il semble que ce sera une<br />
caractéristique de l’Amérique latine<br />
que le peuple dépende toujours d’un<br />
leader. Il faut changer la mentalité des<br />
Latino-Américains.<br />
Fabián Kovacic: Je vous pose<br />
cette question parce que vous avez<br />
perdu un plébiscite populaire en 2016<br />
[devant introduire une modification de<br />
la Constitution pour un mandat supplémentaire],<br />
alors que vous vouliez<br />
vous présenter à nouveau à la présidence.<br />
Or, selon diverses modalités,<br />
vous avez décidé d’insister sur l’argument:<br />
«le peuple a demandé ma<br />
candidature». Et finalement, tout cela<br />
s’est terminé par un coup d’Etat [fin<br />
octobre-novembre 2019]. Comment<br />
comprenez-vous ce raisonnement?<br />
Evo Morales: Dans ce référendum,<br />
le mensonge a gagné.<br />
Fabián Kovacic: Mais vous<br />
aviez vous-même admis que vous<br />
étiez préparé à une éventuelle défaite…<br />
Evo Morales: Mais, pour cette<br />
raison, différents secteurs sociaux et<br />
politiques ont réagi et ont cherché<br />
une autre voie constitutionnelle pour<br />
m’habiliter en tant que candidat. Ma<br />
candidature n’a pas été illégale ou inconstitutionnelle.<br />
En Amérique latine<br />
dans des cas exemplaires, la jurisprudence<br />
a été invoquée que ce soit au<br />
Honduras, au Nicaragua ou au Costa<br />
Rica… Ce n’est pas une invention de<br />
nous, les Boliviens.<br />
Les deux féminismes<br />
Fabián Kovacic: Il y a quelques<br />
mois, l’ancien vice-président du Nicaragua<br />
pendant la révolution sandiniste,<br />
Sergio Ramírez, a déclaré que la<br />
nouvelle gauche devait se concentrer<br />
sur la redistribution des richesses,<br />
mais pas sur la discussion de la suprématie<br />
du capital. Partagez-vous<br />
cette vision du rôle de la nouvelle<br />
gauche?<br />
Evo Morales: La distribution<br />
est importante, mais à part cela, il est<br />
important de combler progressivement<br />
les énormes écarts d’inégalité entre les<br />
familles. C’est la seule façon de garantir<br />
le socialisme communautaire, du<br />
XXIe siècle, comme vous voulez l’appeler.<br />
La santé et l’éducation doivent<br />
être des droits fondamentaux parmi<br />
les droits de l’homme. Et en plus de<br />
cela, il s’agit d’avoir une économie<br />
sans asymétries profondes, et pour<br />
cela la redistribution des richesses est<br />
importante.<br />
Fabián Kovacic: Comment<br />
voyez-vous la croissance du mouvement<br />
féministe en Amérique latine?<br />
Evo Morales: Je suis féministe.<br />
Je me suis battu depuis mes<br />
années de lutte syndicale jusqu’à la<br />
lutte électorale pour que nos sœurs<br />
aient les mêmes droits. Mais au sein<br />
du féminisme, il y a deux lignes. Pour<br />
un groupe de féministes, le premier<br />
ennemi est l’homme et pour un autre<br />
groupe, nous sommes une famille,<br />
nous tous, respectant les droits d’égalité<br />
et d’équité. En Bolivie, jusqu’en<br />
1952, les femmes étaient totalement<br />
marginalisées, tout comme le mouvement<br />
indigène. Ils n’ont pas pu participer.<br />
Et dans la politique électorale<br />
et syndicale, les femmes sont toujours<br />
plus honnêtes que les hommes.<br />
Fabián Kovacic: Pensez-vous<br />
que votre gouvernement a réussi à<br />
améliorer le statut des droits de la<br />
femme?<br />
Evo Morales: Totalement. Aujourd’hui,<br />
les femmes sont plus nombreuses<br />
à fréquenter le lycée et l’université,<br />
et plus nombreuses à exercer<br />
une profession libérale. L’espérance<br />
de vie s’est allongée et, surtout, il y<br />
a plus de femmes à l’Assemblée législative<br />
plurinationale. Nous sommes<br />
le deuxième ou le troisième pays au<br />
monde en termes de participation parlementaire<br />
des femmes.<br />
Fabián Kovacic: Vous avez eu<br />
quelques phrases machistes que la<br />
presse a compilées, comme celle qui<br />
dit «après mes années de mandat, je<br />
pars avec mon cato de coca [40x40m<br />
de culture de feuilles de coca], ma<br />
quinceañera [ma Miss] et mon charango<br />
[instrument à cordes des Andes<br />
proche de la guitare]»…<br />
Evo Morales: [Rires.] Je suis<br />
un blagueur, j’aime les chansons populaires.<br />
Et au Carnaval, les chansons<br />
populaires ont un caractère un peu<br />
macho. Mais dans ma gestion, comme<br />
jamais auparavant, l’égalité des sexes<br />
a été garantie. Je le répète, les blagues<br />
sont quelque peu épicées et machistes,<br />
tant dans les couplets que dans les<br />
vers. Mais toutes les femmes boliviennes<br />
savent que je suis féministe.<br />
Elections et plan B<br />
Fabián Kovacic: Quelles sont<br />
les données dont vous disposez, issues<br />
des sondages, pour l’élection du<br />
3 mai?<br />
Evo Morales: Avant de définir<br />
les candidats, le MAS était déjà en tête<br />
dans tous les sondages.<br />
Fabián Kovacic: Vous serez<br />
candidat?<br />
Evo Morales: Je ne me présente<br />
pas aux élections en ce moment.<br />
Fabián Kovacic: Que se passera-t-il<br />
si le MAS gagne les élections<br />
et que le gouvernement de la présidente<br />
par intérim Jeanine Áñez ne reconnaît<br />
pas son triomphe?<br />
Evo Morales: Cela nécessite un<br />
plan B. Je pense aussi que cela se produira.<br />
Mais il reste encore beaucoup<br />
de chemin à parcourir, il y aura des<br />
observateurs internationaux et le processus<br />
électoral bat son plein.<br />
Entretien publié dans<br />
l’hebdomadaire Brecha, le 31<br />
janvier <strong>2020</strong><br />
Traduction rédaction A l’Encontre<br />
1 er février <strong>2020</strong><br />
Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong><br />
<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
15
Suite de la page (8)<br />
du Directeur de l’ULCC qui ne comprend<br />
pas la décision du Parquet. Il proteste<br />
auprès du chef hiérarchique du substitut<br />
qui est le Ministre de la justice. Me<br />
Claudy Gassant lance alors un deuxième<br />
mandat d’arrêt contre le fonctionnaire<br />
soupçonné de corruption. Celui-ci<br />
sera arrêté une seconde fois à l’aéroport<br />
international Toussaint Louverture<br />
de Port-au-Prince. Sans tarder, le<br />
même substitut auprès du Commissaire<br />
du gouvernement, Jeanty Souvenir,<br />
procèdera dans l’immédiat à la libération<br />
de Herby Alcantara qui semble<br />
sentir le souffle.<br />
Cette fois, Me Claudy Gassant<br />
rentre dans une colère folle et rentre en<br />
conflit ouvert et public avec ce substitut<br />
du Commissaire du gouvernement, le<br />
Ministre de la justice et toujours et encore<br />
le Ministre des Affaires étrangères.<br />
Dans la foulée, le Directeur général organise<br />
une journée porte ouverte sur les<br />
activités, la mission et le rôle de l’Unité<br />
de Lutte Contre la Corruption à laquelle<br />
le Président Jovenel Moïse a participé.<br />
En fait, le but de cette journée Porte<br />
ouverte sur l’institution était une façon<br />
d’informer le grand public sur les activités<br />
de l’ULCC et son combat contre ce<br />
fléau qu’est la corruption qui devient<br />
une seconde nature dans la fonction<br />
publique en Haïti et dans les institutions<br />
du pays. Mais, dans ce combat,<br />
ce que l’ex-Directeur semblait ignorer<br />
c’est qu’il était le seul à croire qu’il<br />
pourrait sortir victorieux d’une lutte<br />
dans laquelle il n’avait aucun soutien<br />
sérieux, si ce n’est de façade, des autorités<br />
et des pouvoirs publics.<br />
En donnant priorité à ce dossier<br />
de corruption à l’Ambassade d’Haïti<br />
à Santo Domingo, Gassant ne savait<br />
pas qu’il allait être le témoin du blocage<br />
de la lutte contre la corruption au<br />
plus haut de la hiérarchie du système<br />
administratif, politique et institutionnel.<br />
Me Gassant voulait aller vite, très vite,<br />
voire trop vite selon la plupart de ses<br />
amis dans sa quête de résultats contre<br />
ce cancer de la corruption. Il a démontré<br />
en très peu de temps que l’ULCC, si<br />
le gouvernement lui apportait sa pleine<br />
coopération, pourrait faire baisser à un<br />
taux très bas la corruption dans l’administration<br />
publique haïtienne. En à<br />
peine un mois et demi, il a mis en lumière<br />
ce qui empêche ou fait barrage à<br />
l’institution de faire son travail, surtout<br />
d’avoir des résultats. Si Me Gassant<br />
s’était contenté de jouir seulement des<br />
privilèges de la fonction, il aurait passé<br />
comme tous ses prédécesseurs des années<br />
dans cette fonction sans démontrer<br />
la capacité de l’ULCC à faire quoi que ce<br />
soit.<br />
Mais, ce n’est pas dans sa nature<br />
de rester enfermé dans un bureau<br />
sans rien faire ni sans servir à quelque<br />
chose. C’est l’obligation de résultat qui<br />
l’importe pas l’inverse. Comme d’habitude,<br />
en un temps record, Me Claudy<br />
Gassant a marqué son passage à la tête<br />
d’une institution publique haïtienne par<br />
ses coups d’éclats et son omniprésence<br />
dans les dossiers chauds. En moins de<br />
deux mois, il a sorti l’ULCC de l’anonymat<br />
et fait prendre conscience au grand<br />
public que la corruption n’est pas une<br />
fatalité. Elle peut être vaincue avec la<br />
volonté de bien faire. Un bon coup de<br />
pub aussi pour ce personnage haut en<br />
couleur que certains disaient avoir trahi<br />
la cause pour se rallier à un pouvoir<br />
plombé par la corruption qui pensait<br />
s’acheter à peu de frais une bonne conduite<br />
tout en se cachant derrière une<br />
personnalité intègre, en tout cas, qui<br />
a fait preuve de lucidité pour ne pas<br />
tomber dans le piège que le Palais national<br />
lui avait tendu. Quoiqu’on dise,<br />
dans cette affaire, Me Claudy Gassant<br />
est sorti tête haute et a même grandi<br />
devant ses pairs et devant la population.<br />
Puisque, même le pouvoir n’a pas<br />
trouvé de motif acceptable et valable<br />
pour expliquer les raisons du limogeage<br />
de cet enfant terrible de la République.<br />
Certes, pour masquer ses erreurs dans la<br />
révocation du Directeur général de l’UL-<br />
CC, le Président Jovenel Moïse a profité<br />
pour procéder à un jugement à la Salomon<br />
en mettant fin au mandat de tous<br />
les protagonistes du dossier.<br />
A commencer par celle par qui<br />
le scandale a éclaté, madame Judith<br />
Exavier, qui a été aussi révoquée par<br />
un courrier laconique de son Ministère<br />
de tutelle en ces termes « Il a été décidé<br />
de mettre fin à vos fonctions de chef<br />
de poste au Consulat général d’Haïti<br />
à Santiago ». Si Me Gassant a vite été<br />
remplacé par Rockfeller Vincent, un<br />
natif du département du Nord comme<br />
Jovenel Moïse, celui avec qui le dialogue<br />
fut tendu, le substitut du Commissaire<br />
du gouvernement, Me Jeanty<br />
Souvenir, qui a procédé à deux fois à<br />
la mise en liberté du ressortissant haïtiano-dominicain,<br />
a été suspendu dans<br />
sa fonction. Car, le Ministre de la justice,<br />
Jean Roudy Aly, eut à écrire « La<br />
présente est pour vous informer qu’il a<br />
été décidé de vous mettre en disponibilité<br />
sans solde, en attendant le résultat<br />
de l’enquête menée autour des faits<br />
qui vous sont reprochés ». Et naturellement,<br />
celui sur qui pèsent de fortes<br />
soupçons de corruption et utilisant<br />
plusieurs titres de voyage, le deuxième<br />
Secrétaire à l’Ambassade d’Haïti en République<br />
Dominicaine, Herby Alcantara<br />
ou Alcante Désormeaux.<br />
Comme pour sa collègue Judith<br />
Exavier, Alcantara s’est vu mettre fin<br />
à ses fonctions au Ministère des affaires<br />
étrangères par le gouvernement.<br />
Rappelons que ce monsieur dont on<br />
ignore réellement sa vraie identité est<br />
enregistré comme citoyen dominicain<br />
sous le registre N° 224-0036121-2 du<br />
Ministère dominicain de l’intérieur. Si<br />
la révocation de Me Claudy Gassant à<br />
la tête de l’ULCC n’a pas été prise en<br />
compte dans le dernier Rapport annuel<br />
de l’ONG Transparency International sur<br />
l’indice de perception de la corruption<br />
dans le monde, elle va être scrupuleusement<br />
analysée en aval par les spécialistes<br />
de l’agence. Surtout que d’après ce<br />
Rapport, Haïti occupe la première place<br />
à ses dépens dans la perception de la<br />
corruption pour l’année 2019. Le pays<br />
est placé 168 e sur 180 pays, autant dire<br />
que le monde entier regarde Haïti comme<br />
l’un des pays le plus corrompu des<br />
Amériques juste derrière le Venezuela<br />
dont on connaît l’attitude de certaines<br />
institutions internationales sous l’influence<br />
du gouvernement américain<br />
depuis quelque temps.<br />
Une chose est sûre, le passage<br />
éclair de ce météore nommé Gassant<br />
qui a frôlé l’atmosphère du pouvoir<br />
et sa révocation expresse vont rester<br />
comme une tache indélébile pour la<br />
présidence de Jovenel Moïse et l’administration<br />
de Jean-Michel Lapin, son Premier<br />
ministre par intérim depuis bientôt<br />
une année. Cette révocation brutale et<br />
sans manière prouve une chose, les<br />
dirigeants haïtiens ne sont pas encore<br />
prêts à accepter et laisser fonctionner<br />
en toute indépendance l’Unité de Lutte<br />
Contre la Corruption tant qu’ils veulent<br />
protéger leurs arrières. En mettant fin<br />
ainsi au mandat de Me Claudy Gassant,<br />
le Président Jovenel Moïse fait planer le<br />
doute sur les accusations de corruption<br />
dont il fait l’objet, d’ailleurs bien avant<br />
son accession à la présidence de la République.<br />
C.C<br />
Suite de la page (12)<br />
dégâts considérables dans les<br />
champs. Les récoltes furent compromises.<br />
Elle était belle, ma pauvre<br />
mère. Le maître de la somptueuse<br />
résidence avait bu, comme tous les<br />
soirs d’ailleurs. Et il avait choisi<br />
de se dégriser dans le corps de ma<br />
mère. Elle avait pris l’habitude de la<br />
violer à répétition, jusqu’au jour où<br />
elle était tombée enceinte. Alors, il<br />
décida de la chasser. Il l’avait mise<br />
à la porte avant que son épouse n’en<br />
fût tenue au courant. Ma mère était<br />
donc retournée chez ses parents dans<br />
la localité dénommée Bassin. Malgré<br />
tout, le jeune paysan qui n’arrêtait<br />
pas de lui faire la cour depuis qu’elle<br />
était adolescente accepta de se placer<br />
avec elle. Il m’a donné son nom et il<br />
m’a adopté. Je suis un bâtard. Mon<br />
père et ma mère ont été assassinés<br />
par un grand don, un chef de section<br />
à la solde du gouvernement. C’est à<br />
cause de cela que je me suis retrouvé<br />
chez des sorciers bien nantis.<br />
– Mais quel rapport y-a-til<br />
entre ce garçon que vous traitez<br />
comme un esclave et l’histoire tragique<br />
de votre vie personnelle?<br />
– Le rapport: c’est que je<br />
me suis débrouillé pour trouver mon<br />
chemin tout seul. Il doit en faire autant.<br />
Personne ne m’est venu en aide<br />
au moment où j’en avais besoin. J’ai<br />
volé pour manger. J’ai tout fait pour<br />
rester accroché à la vie.<br />
VENUS<br />
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– Et vous vous vengez sur<br />
un petit innocent?<br />
– Il devrait remercier Alicia<br />
de l’avoir sorti de son trou plutôt que<br />
de se comporter en ingrat vis-à-vis<br />
de nous.<br />
– C’est vous qui devriez le<br />
remercier de tous les services qu’il<br />
est en train de vous rendre tous les<br />
jours, de toutes les tâches ingrates<br />
qu’il exécute chez vous, de tous les<br />
efforts surhumains qu’il déploie pour<br />
mériter de ronger les os que vous<br />
laissez dans vos assiettes.<br />
– Vous n’avez pas le droit<br />
de dire cela de nous.<br />
– Oh si, j’ai tout à fait le<br />
droit. Et permettez-moi de vous dire<br />
que vous aurez à payer un jour votre<br />
méchanceté envers ce gamin sans<br />
défense. Lorsque ses parents apprendront<br />
comment vous l’avez maltraité,<br />
ils ne vous le pardonneront pas.<br />
Monsieur Gesner, pensez au revers<br />
de la vie.<br />
– Vous me menacez?<br />
– Non! Je voulais tout simplement<br />
vous rappeler que le mal<br />
peut durer longtemps, mais pas toujours.<br />
C’est le Prophète qui l’a dit:<br />
« Un temps pour chaque chose. Un<br />
temps pour rire, un temps pour pleurer.<br />
»Au revoir monsieur Gesner!<br />
Peu de jours après cette intervention<br />
courageuse de mademoiselle<br />
Nady auprès de Gesner pour le<br />
persuader de la nécessité d’envoyer<br />
Éris à l’école du quartier, le vieil oncle<br />
de Clotilde, Fontilus, est venu rendre<br />
AMBIANCE<br />
EXPRESS<br />
visite au fils de sa nièce. Il était de<br />
passage dans la ville et Clotilde lui<br />
avait demandé de rapporter des<br />
nouvelles de l’enfant. Dès qu’Alicia<br />
a remarqué la présence de Fontilus<br />
devant la porte qui donnait sur la<br />
rue, dressé sur un vieux cheval qui<br />
paraissait avoir l’âge de son cavalier,<br />
elle est allée avertir son concubin impulsif.<br />
Le couple hautain a échangé<br />
quelques mots à voix basse, pendant<br />
que Gesner se tordait nerveusement<br />
le menton et se fronçait les sourcils.<br />
Il était fou de rage. Puis, malgré luimême,<br />
se portait à la rencontre du<br />
vieillard visiblement éreinté. Il ne<br />
l’avait jamais rencontré auparavant.<br />
– Bonjour monsieur, vous<br />
semblez chercher quelqu’un… Puisje<br />
vous aider?<br />
– Oui, mon garçon! Je m’appelle<br />
Fontilus… C’est bien ici la maison<br />
d’Alicia, la sœur d’Éliphète, le<br />
mari de ma nièce Clotilde …<br />
– Exact, et je suis Gesner…<br />
Alicia n’est pas à la maison. Elle a<br />
emmené Éris avec lui. Vous savez, la<br />
tante et le neveu sont inséparables.<br />
Je lui dirai que vous êtes passé voir<br />
Éris.<br />
– Clotilde m’a prié de lui donner<br />
des nouvelles au retour, je vais<br />
retrouver Éloïse au marché et tous<br />
les deux, nous repasserons plus<br />
tard. Au revoir, mon garçon!<br />
Entre-temps, Gesner a eu le<br />
temps de couper les cheveux touffus<br />
et sales d’Éris avec les vieux ciseaux<br />
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5012 Ave M<br />
(Entre E. 51 et Utica)<br />
10h am – 10h pm<br />
qu’Alicia s’est empressée d’aller<br />
emprunter chez André, le petit marchand<br />
tailleur qui confectionnait des<br />
habits pour les hommes et les garçons<br />
du quartier. André a même accepté<br />
de lui prêter un pantalon court<br />
et une chemise de la taille du petit<br />
domestique qu’il avait enlevés du lot<br />
de commande d’un de ses clients.<br />
Elle avait déniché une paire de tennis<br />
en bon état chez les Philistin qui, fort<br />
heureusement, faisait bien l’affaire<br />
du garçonnet.<br />
Lorsque Fontilus est repassé<br />
quelques heures plus tard, dans<br />
l’après-midi, il trouvait le petit Éris<br />
un peu amaigri, mais propre, apparemment<br />
bien portant. Alicia lui a<br />
raconté que l’enfant a du chagrin à<br />
cause de ses parents qu’il n’a pas<br />
vus quand même longtemps, mais<br />
qu’il apprenait très bien à l’école, et<br />
demain, sans doute, il deviendra un<br />
homme qui sera utile à Éliphète et à<br />
Clotilde, peut-être même un grand<br />
chef du pays.<br />
Fontilus est reparti satisfait<br />
et soulagé. Il a promis à Alicia et à<br />
Gesner de transmettre le message à<br />
Éliphète et à sa nièce. La promesse<br />
du paysan est sacrée. Fontilus avait<br />
donc la conscience tranquille. Éris,<br />
de son côté, était déçu. Il pensait<br />
que son grand oncle et Éloïse étaient<br />
venus le chercher pour le ramener<br />
à Éliphète et à Clotilde. Il avait envie<br />
de revoir ses frères, courir dans<br />
les champs avec ses petits cousins<br />
et cousines, plutôt que de marcher<br />
pieds nus dans les rues caillouteuses<br />
de la ville, plonger dans les eaux de<br />
la rivière La Quinte, au lieu de puiser<br />
de l’eau saumâtre dans le puits<br />
de Léa pour se laver et enfiler ensuite<br />
les mêmes guenilles qui couvrent son<br />
corps chétif, mettre sa petite bouche<br />
dans les mamelles des vaches<br />
comme Dieujuste et Lysius et laisser<br />
couler le lait dans sa « gargane »,<br />
jusqu’à se saouler comme Thermitus,<br />
le fils de Clercina qui le prenait dans<br />
ses bras quand il passait devant la<br />
maisonnette de Clotilde, même s’il<br />
titubait sur ses jambes déséquilibrées<br />
et affaiblies par l’alcool, régaler une<br />
bonne assiette de « mil à chandelle »<br />
mélangé à des haricots blancs et enrobé<br />
de la sauce blanche des petits<br />
poissons des chenaux, comme Clothilde<br />
en a le secret, plutôt que d’avaler<br />
sans respirer des bouchées fades<br />
de farine de maïs jaune qu’il prépare<br />
pour Diego le chien et lui-même. En<br />
regardant Fontilus et Éloïse enfourcher<br />
respectivement le cheval et la<br />
bourrique et s’éloigner de la maison<br />
de son calvaire quotidien, Éris retenait<br />
mal ses larmes et son chagrin. Il<br />
avait l’impression que son petit cœur<br />
triste, désespéré, découragé…, de<br />
façon prémonitoire, était en train de<br />
lui révéler un message angoissant,<br />
dramatique, funeste... que sa petite<br />
cervelle n’arrivait pas à décoder.<br />
Robert Lodimus<br />
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16 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong>
A Travers le Monde<br />
Quelques réflexions sur le « Deal » de<br />
Trump contre le peuple palestinien<br />
Le « Deal » du siècle, dévoilé par<br />
Trump mardi 28 janvier à Washington,<br />
en présence de Netanyahu,<br />
doit être caractérisé pour ce qu’il est<br />
: un plan d’expulsion totale du peuple<br />
palestinien de sa terre. C’est le sens<br />
de l’autorisation donnée par Washington<br />
à l’Etat sioniste d’annexer la<br />
vallée du Jourdain et l’ensemble des<br />
territoires des colonies israéliennes<br />
qui, depuis des années, grignotent<br />
sans cesse les « territoires autonomes<br />
palestiniens » des accords d’Oslo de<br />
1993 (Cisjordanie et Bande de Gaza).<br />
Tous les aspects de ce plan vont dans<br />
le même sens : le peuple palestinien<br />
doit disparaître. De ce point de vue,<br />
l’impérialisme US, pour ses propres<br />
raisons, autorise le sionisme à aller<br />
jusqu’au bout de sa logique colonisatrice<br />
d’expulsion des Palestiniens.<br />
Ce plan est promu par une<br />
fraction importante de la bourgeoisie<br />
américaine autour de l’administration<br />
Trump. Il a bien entendu été salué<br />
en Israël, tant par le Premier ministre<br />
Netanyahu que par son principal<br />
rival aux élections du 2 mars, Benny<br />
Gantz. Mais il n’aurait pu voir le<br />
jour sans le soutien des régimes arabes<br />
réactionnaires de la région, en<br />
particulier l’Arabie saoudite et les<br />
monarchies du Golfe, qui ont promis<br />
50 milliards de dollars de prétendus «<br />
investissements » dans le cadre du «<br />
volet économique » du « Deal ».<br />
Cependant, il est indispensable<br />
de répondre à une question : ce<br />
plan est-il, comme de nombreuses<br />
voix le prétendent, la « négation de<br />
la solution à deux Etats » ? Ou bien<br />
est-il l’aboutissement de la politique<br />
de partition de la Palestine depuis la<br />
résolution des Nations-Unies du 29<br />
novembre 1947, promue par l’impérialisme<br />
américain avec le soutien de la<br />
bureaucratie stalinienne de l’URSS ?<br />
Aux Etats-Unis, une fraction<br />
de la classe dirigeante, notamment<br />
par la voix des dirigeants du Parti<br />
démocrate, a fait connaître ses réserves<br />
sur le plan de Trump. Nancy<br />
Pelosi, porte-parole des Démocrates à<br />
la Chambre des représentants, estime<br />
ainsi que le plan de Trump « pose<br />
un certain nombre de questions, en<br />
particulier concernant l’annexion<br />
unilatérale, le gel de la colonisation,<br />
et le manque de négociations avec<br />
les Palestiniens ». « J’ai passé ma<br />
vie à travailler pour assurer la sécurité<br />
et la survie d’Israël comme Etat<br />
juif et démocratique. Ce n’est pas<br />
dans ce sens que va le plan », a dit<br />
de son côté le candidat aux primaires<br />
démocrates Joe Biden, car « un plan<br />
de paix suppose que les deux parties<br />
se réunissent ». Elizabeth Warren, autre<br />
candidate à la candidature du Parti<br />
démocrate, estime que « rendre public<br />
un plan sans négocier avec les Palestiniens,<br />
ce n’est pas de la diplomatie,<br />
c’est une imposture. Je m’opposerai à<br />
toute forme d’annexion unilatérale ».<br />
Bloomberg, le milliardaire bien connu,<br />
lui aussi dans la course à la primaire<br />
démocrate : « Tout plan (de paix –<br />
Ndlr) viable nécessite l’accord des<br />
deux parties. » Enfin, Bernie Sanders,<br />
le candidat de la « gauche » du<br />
Parti démocrate, a déclaré : « Tout<br />
accord de paix acceptable doit être<br />
conforme au droit international et<br />
aux multiples résolutions du Conseil<br />
de sécurité des Nations Unies. Il doit<br />
mettre fin à l’occupation israélienne<br />
qui a commencé en 1967 et permettre<br />
l’autodétermination palestinienne<br />
dans un État indépendant, démocratique<br />
et économiquement viable aux<br />
côtés d’un État d’Israël démocratique<br />
et en sécurité. » D’ailleurs, 12 sénateurs<br />
démocrates, dont Bernie Sanders,<br />
ont adressé une lettre ouverte à<br />
Trump exprimant leur « profonde inquiétude<br />
» qui se conclut ainsi : « La<br />
mise en œuvre unilatérale de ce plan<br />
Netanyahu et son allié à Washington, le président Donald Trump<br />
favorable à l’une des deux parties<br />
risque d’éliminer toute perspective de<br />
parvenir à une solution pacifique et<br />
viable à deux États. »<br />
Posons une première question<br />
: le plan de Trump est-il une rupture<br />
avec la politique « des deux Etats »,<br />
et donc avec les Accords d’Oslo qui,<br />
en 1993 avaient instauré l’Autorité<br />
palestinienne ?<br />
Partisan de la prétendue « solution<br />
des deux Etats », le journal Le<br />
Monde en France, affirme : le plan de<br />
Trump « dessine la perspective très<br />
lointaine d’un Etat palestinien croupion<br />
» sur quelques lambeaux de territoire.<br />
A la condition, ajoute Trump,<br />
que la direction palestinienne reconnaisse<br />
l’Etat d’Israël et qu’elle « rejette<br />
le terrorisme sous toutes ses formes ».<br />
Cet ersatz d’Etat, dit le plan Trump,<br />
sera « démilitarisé » : l’Etat sioniste<br />
sera responsable de la sécurité et du<br />
contrôle de son espace aérien et de<br />
ses « frontières ». « Sans contrôle des<br />
frontières et des axes de communication,<br />
l’Etat qu’on promet [aux Palestiniens]<br />
n’aura d’Etat que le nom »,<br />
s’indigne le journal Le Monde. Quant<br />
au droit au retour des réfugiés palestiniens,<br />
chassés de leurs terres en<br />
1948, revendication démocratique<br />
élémentaire, il est purement et simplement<br />
nié : « Les réfugiés palestiniens<br />
auront le choix entre vivre dans le<br />
futur Etat palestinien, s’intégrer dans<br />
les pays où ils résident actuellement,<br />
ou s’installer dans un pays tiers », affirme<br />
la Maison Blanche.<br />
Mais la vérité oblige à dire que<br />
toutes les caractéristiques de cet « Etat<br />
croupion » promis par Trump était<br />
déjà inclus dans les accords d’Oslo en<br />
1993.<br />
En 1993, la IV° Internationale<br />
reproclamée cette année-là, était le<br />
seul courant politique à mettre en garde<br />
contre les accords signés à Washington<br />
sous l’égide de Clinton, dans<br />
une déclaration publiée en septembre<br />
1993. Cette déclaration rappelait la<br />
renonciation, en 1988, de la direction<br />
palestinienne à la Charte nationale<br />
palestinienne, que Yasser Arafat avait<br />
déclarée « caduque », abandonnant la<br />
perspective d’une Palestine laïque et<br />
démocratique sur tout son territoire<br />
historique, et reconnaissant, de facto,<br />
l’Etat d’Israël. La déclaration citait<br />
le préambule des accords d’Oslo<br />
: « la solution de deux Etats, israélien<br />
et palestinien, vivant côte à côte, est<br />
possible à condition que la violence et<br />
le terrorisme cessent ».<br />
La déclaration citait également<br />
l’annexe 2 des accords d’Oslo qui<br />
précisait que dans les « territoires autonomes<br />
palestiniens », les fonctions<br />
suivantes ne relevaient pas de l’Autorité<br />
palestinienne : « la sécurité extérieure,<br />
les colonies de peuplement,<br />
les Israéliens, les affaires étrangères<br />
». L’Autorité palestinienne « démilitarisée<br />
», instaurée par Oslo, n’avait<br />
donc ni armée, ni contrôle des frontières,<br />
ni de son espace aérien, ni le<br />
contrôle de son propre territoire là<br />
où celuici était occupé par des colonies<br />
israéliennes. Précisons que les<br />
Accords d’Oslo furent complétés par<br />
l’Accord intérimaire sur la Cisjordanie<br />
et la Bande de Gaza (dit Oslo II ou «<br />
Accord de Taba », septembre 1995)<br />
divisant la Cisjordanie en trois zones<br />
: la zone A (18% du territoire) est entièrement<br />
sous contrôle palestinien,<br />
la zone B (22%) est sous contrôle «<br />
mixte », et la zone C (60%) est entièrement<br />
sous contrôle israélien.<br />
La déclaration de la IV° Internationale<br />
de septembre 1993 posait la<br />
question : « Premier pas vers un Etat<br />
palestinien ? En quoi « l’autogouvernement<br />
» (devenu ensuite Autorité<br />
palestinienne – NDR) en est-il un premier<br />
pas quand les enclaves de Gaza<br />
et de Jéricho restent sous le contrôle de<br />
l’armée israélienne, qui sera chargée<br />
d’appliquer les décisions de l’impérialisme<br />
américain ; quand l’eau, l’électricité,<br />
la défense, la terre, l’économie<br />
sont sous le contrôle de l’étranger ?<br />
» C’est un fait que le plan de Trump<br />
va bien plus loin que ce qui avait été<br />
imposé en 1993. Mais en quoi ce<br />
que propose aujourd’hui Trump est-il<br />
qualitativement différent ?<br />
Aussi, lorsqu’aujourd’hui les<br />
représentants de l’Autorité palestinienne,<br />
protestant contre le plan<br />
de Trump, à l’instar de Saëb Erakat,<br />
l’un des principaux négociateurs<br />
palestiniens menacent de « quitter<br />
les accords d’Oslo », ils auront du<br />
mal à faire oublier au peuple palestinien<br />
qu’ils ont accepté, en 1993, la<br />
même logique que ce qu’aujourd’hui<br />
l’impérialisme américain et son valet<br />
sioniste ne font que pousser jusqu’au<br />
bout.<br />
Ce qui nous amène à une deuxième<br />
réflexion. La principale tromperie<br />
de la prétendue « solution à<br />
deux Etats », c’est que, depuis 1947,<br />
il n’y a jamais eu de place, du point<br />
de vue de l’impérialisme, que pour un<br />
seul Etat.<br />
Comme nous l’écrivions en<br />
août 2017 dans la revue du CORQI,<br />
L’Internationale (N°7) : « des « deux<br />
États » qui étaient prévus par le<br />
plan de partage de l’ONU, un seul,<br />
l’État d’Israël, vit le jour, comme<br />
Quatrième Internationale (1947)<br />
l’avait prévu : « La création d’un<br />
État arabe indépendant en Palestine<br />
est hautement improbable. »<br />
D’abord parce que « le roi Abdallah<br />
de Transjordanie, l’agent n°1 de la<br />
City de Londres dans le monde arabe,<br />
pourrait tout à fait réussir à intégrer<br />
l’est de la Palestine à son royaume<br />
» (Quatrième Internationale). C’est<br />
ce qui se produira effectivement. La<br />
IVe Internationale, dès 1947, mettait<br />
à juste titre en garde contre les faux<br />
La Ligue arabe rejette le plan de<br />
Trump. Abbas rompt « toutes les<br />
relations » avec Israël et les USA<br />
Par Al Manar<br />
alliés du peuple palestinien : « Les<br />
effendis et les agents impérialistes,<br />
(…) les manœuvres des bourgeoisies<br />
égyptienne et syrienne », en deux<br />
mots les régimes arabes réactionnaires.<br />
Paroles prémonitoires. Car<br />
les illusions mortelles sur « l’aide »<br />
que les régimes arabes de la région<br />
(sans exception) pouvaient apporter<br />
à la révolution palestinienne furent<br />
à l’origine de bien des défaites sanglantes<br />
et des trahisons, de « Septembre<br />
noir » en Jordanie aux accords de<br />
Camp David entre l’Égypte de Sadate<br />
et Israël, en passant par la sécurisation<br />
de la frontière israélienne sur le<br />
plateau du Golan par le régime syrien<br />
d’Assad. Quant à la direction<br />
palestinienne, toutes fractions confondues,<br />
elle finira par renoncer, en<br />
1988, puis par les accords d’Oslo en<br />
1993, à la Charte nationale palestinienne,<br />
qui se fixait la libération de<br />
toute la Palestine pour y établir un<br />
État dont les citoyens, quelle que soit<br />
leur religion, seraient égaux en droit.<br />
Le renoncement à la Charte nationale<br />
réunit toutes les fractions de la direction<br />
palestinienne, y compris, hors de<br />
l’OLP, le Hamas, qui, le 1er mai 2017,<br />
s’est officiellement prononcé pour «<br />
un État dans les frontières de 1967<br />
» (c’est-à-dire Cisjordanie et Gaza).<br />
Or, il n’y a pas de « troisième voie<br />
» possible entre un État démocratique<br />
et la guerre d’extermination. «<br />
La seule alternative à une solution à<br />
deux États serait un État laïque et<br />
démocratique où juifs, musulmans et<br />
La Ligue arabe a annoncé le samedi<br />
1er février rejeter le plan de règlement<br />
du conflit israélo-palestinien<br />
annoncé plus tôt cette semaine par le<br />
président américain Donald Trump, affirmant<br />
qu’il était « injuste » envers les<br />
Palestiniens.<br />
En même temps, le président palestinien<br />
Mahmoud Abbas a annoncé<br />
la rupture de « toutes les relations »,<br />
y compris sécuritaires, entre l’Autorité<br />
palestinienne d’une part, et Israël et les<br />
Etats-Unis d’autre part.<br />
La ligue arabe a été convoquée<br />
pour une réunion extraordinaire<br />
au Caire des ministres des Affaires<br />
étrangères à l’invitation de l’Autorité<br />
palestinienne. Dans un communiqué<br />
publié à l’issue de la réunion, elle a<br />
annoncé qu’elle « rejetait l’accord (…)<br />
américano-israélien étant donné qu’il<br />
ne respecte pas les droits fondamentaux<br />
et les aspirations du peuple palestinien<br />
». La Ligue arabe a ajouté que<br />
les dirigeants arabes avaient promis «<br />
de ne pas (…) coopérer avec l’administration<br />
américaine pour mettre ce plan<br />
en œuvre ». Les responsables arabes<br />
ont également insisté sur la nécessité<br />
d’une solution à deux Etats, incluant la<br />
formation d’un Etat palestinien sur les<br />
frontières de 1967 avec pour capitale<br />
Jérusalem-Est, secteur palestinien de la<br />
ville occupée et annexée par Israël.<br />
En même temps, le chef de l’Autorité<br />
palestinienne rompait ses liens<br />
avec Israël et les USA « Nous vous<br />
informons qu’il n’y aura aucune sorte<br />
de relation avec vous (les Israéliens,<br />
NDLR) ainsi qu’avec les Etats-Unis, y<br />
compris en matière sécuritaire, à la lumière<br />
» du plan américain, qui est une<br />
« violation des accords d’Oslo » signés<br />
avec Israël en 1993, a-t-il dit.<br />
M. Abbas, qui a affirmé avoir<br />
transmis le message au Premier ministre<br />
israélien Benjamin Netanyahu, l’appelant<br />
à « prendre ses responsabilités<br />
en tant que puissance occupante » des<br />
Territoires palestiniens. Les Palestiniens<br />
« ont le droit de continuer leur lutte légitime<br />
par des moyens pacifiques pour<br />
mettre fin à l’occupation », a-t-il ajouté.<br />
Le plan américain, dévoilé le<br />
mardi 28 janvier par M. Trump prévoit<br />
notamment l’annexion de grandes parties<br />
de la Cisjordanie occupée par Israël.<br />
Parmi les nombreux points sensibles du<br />
projet figure l’annexion par Israël des<br />
colonies qu’il a implantées en Cisjordanie<br />
occupée depuis 1967, en particulier<br />
dans la vallée du Jourdain, qui doit<br />
devenir la frontière orientale d’Israël.<br />
Les colonies installées sur les territoires<br />
palestiniens occupés par Israël<br />
depuis 1967 sont jugées illégales par<br />
l’ONU, et une grande partie de la communauté<br />
internationale voit en elles un<br />
obstacle majeur à la paix.<br />
Selon le plan de Trump, l’Etat<br />
palestinien pourrait conditionnellement<br />
voir le jour au bout de 4 années<br />
de négociations avec les Israéliens, si<br />
les Palestiniens remplissent les conditions<br />
qui y sont prescrites. Il serait<br />
sans aucune souveraineté, démilitarisé<br />
et assiégé des quatre côtés. Si la colonisation<br />
israélienne de la Cisjordanie<br />
occupée s’est poursuivie sous tous les<br />
gouvernements israéliens depuis 1967,<br />
elle s’est accélérée ces dernières années<br />
sous l’impulsion de M. Netanyahu et<br />
de son allié à Washington, le président<br />
Donald Trump.<br />
Source : Avec AFP<br />
Comité Valmy 1er février <strong>2020</strong><br />
chrétiens seraient égaux », déclarait<br />
en février 2017 Saëb Erakat, de la<br />
direction palestinienne… pour immédiatement<br />
écarter cette « seule<br />
alternative », qui supposerait la rupture<br />
avec l’impérialisme, dont il ne<br />
veut pas. »<br />
Force est donc de constater que<br />
tous ceux qui aujourd’hui, prétendent<br />
opposer au plan de Trump les résolutions<br />
de l’ONU (à commencer par celle<br />
de novembre 1947) ou le « respect<br />
des Accords d’Oslo »… partagent avec<br />
Trump, qu’ils le veuillent ou non, un<br />
point d’accord majeur. A savoir que<br />
ce n’est pas au peuple palestinien<br />
de décider librement de son sort. Car<br />
toutes les « solutions » à la question<br />
palestinienne depuis 1947 sont<br />
fondées sur le fait que ce sont d’autres<br />
que le peuple palestinien qui décident<br />
de son sort, sur la négation du droit<br />
démocratique à l’autodétermination<br />
du peuple palestinien. Les organisations<br />
du Comité d’organisation pour la<br />
reconstitution de la IV° Internationale,<br />
si elles se prononcent pour l’unité la<br />
plus large du mouvement ouvrier et<br />
démocratique pour rejeter le « Deal »<br />
de Trump, ne manqueront pas de rappeler<br />
que, pour ce qui les concerne,<br />
c’est au peuple palestinien et à lui seul<br />
de décider de son sort.<br />
Comité d’organisation pour<br />
la reconstitution de la IVe<br />
Internationale N° 11 (Nouvelle<br />
série) – 1er février <strong>2020</strong> – corqi.<br />
ocrfi@gmail.com<br />
Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong><br />
<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
17
Suite de la page (3)<br />
Jeunes de tout âge, vieux, hommes et<br />
femmes de toutes les classes sociales<br />
confondues exprimaient leurs joies et<br />
satisfactions. Sans tenir compte de leurs<br />
différences sociales, ils s’entrelaçaient les<br />
uns les autres. On pouvait lire sur presque<br />
tous les murs : Vive Haïti libérée,<br />
Deuxième indépendance.<br />
Avec ce départ, il y eut donc une<br />
absence de leadership et le besoin de le<br />
combler fut pressant. Dès l’aube, ce vide<br />
politique fut, à partir d’un accord entre<br />
l’oligarchie locale, l’armée et la communauté<br />
internationale, particulièrement<br />
les États-Unis, remplacé par un gouvernement<br />
civilo-militaire appelé Conseil<br />
National de Gouvernement (CNG).<br />
Il était composé de quatre militaires et<br />
deux civils, respectivement le Lieutenant<br />
Général Henri Namphy, président, et les<br />
Colonels, Williams Régala, Max Valles,<br />
Prospère Avril, Alix Cinéas et Gérard<br />
Gourgue étaient des conseillers. Le Conseil<br />
National de Gouvernement avec un<br />
mandat de deux ans, avait pour mission<br />
de stabiliser le pays, de le doter d’une<br />
nouvelle constitution et d’organiser des<br />
élections libres, honnêtes et démocratiques<br />
pour enfin passer le pouvoir à un<br />
gouvernement civil le 7 février 1988.<br />
Discours et actions du CNG<br />
Aux premières heures de leur investiture,<br />
le discours de ce Conseil National<br />
de Gouvernement (CNG) se voulait être<br />
un discours d’apaisement. Bégayant, le<br />
général lit ce qui suit : ‘’L’Armée ne nourrit<br />
aucune ambition politique et demeure<br />
au service des intérêts supérieures de la<br />
Patrie’’.<br />
Cependant, le discours du général<br />
n’avait pas pour autant apaisé tout le<br />
monde, particulièrement une partie de la<br />
population qui était en colère contre les<br />
macoutes..<br />
Ce qui explique, pendant<br />
qu’une foule aux Champs de Mars et<br />
ailleurs célébraient le départ du dictateur,<br />
d’autres étaient, par exemple, au<br />
cimetière de Port-au-Prince pour attaquer<br />
les tombeaux de François Duvalier<br />
dit Papa Doc et de l’ancien général<br />
de l’armée, Jacques Gracia. Plusieurs<br />
auteurs et journalistes qui commentaient<br />
sur les évènements qui ont eu<br />
lieu ce vendredi 7 février 1986 étaient<br />
unanimes á reconnaître que la journée<br />
était d’une part, pleine de réjouissance<br />
et d’autre part, de violences accrues, de<br />
chasse et de pillages de certaines personnes<br />
soupçonnées d’être des macoutes<br />
ou de connivence avec le régime déchu.<br />
Jusqu’avant les événements politiques<br />
de fin 1985 et du début 1986, internationalement,<br />
on a toujours vu Haïti<br />
comme un pays politiquement stable ou<br />
le citoyen haïtien est toujours présenté,<br />
en dépit de son état d’extrême pauvreté<br />
et de misère, comme un peuple docile et<br />
hospitalier. Mais la journée du 7 février<br />
1986 a permis de se faire une autre idée<br />
sur ce peuple. D’une part, manipulés<br />
par des leaders au discours violents, et<br />
d’autre part, animés de l’idée de vengeance<br />
contre les macoutes qui pendant<br />
vingt-neuf ans faisaient non seulement<br />
de sales besognes pour les dictateurs,<br />
mais aussi des abus personnels sur la<br />
population, des jeunes aussi bien des<br />
adultes avec leurs actions empruntées<br />
de violence présentaient des images<br />
horribles au monde extérieur. Avec des<br />
pneus usagés des voitures, communément<br />
appelés « père Lebrun », les macoutes<br />
une fois tués á coups de pierres ou<br />
de machettes, étaient arrosés avec de la<br />
gazoline pour être brulés vifs.<br />
Dans des stations de radio, les Églises<br />
catholiques et protestantes á travers<br />
des prêtres et pasteurs modérés aussi<br />
bien que des leaders de droits humains<br />
ont appelés le peuple au calme et á la<br />
pondération. De même, le chef du gouvernement<br />
de transition avait demandé<br />
au peuple de garder le calme. Comme<br />
cette violence continuait pendant toute la<br />
journée du 7 février, donc dans l’aprèsmidi,<br />
un couvre-feu fut établi sur tout<br />
le territoire ou l’Armée et les agents de<br />
police essayaient de patrouiller la ville de<br />
Port-au-Prince.<br />
Comme, dans le cadre de protection<br />
des vies et des biens, les forces<br />
de l’ordre ne pouvaient pas, en même<br />
temps, intervenir dans tous les coins du<br />
pays, ainsi on a eu, nationalement, des<br />
dérapages. Le bilan était lourd en termes<br />
de pertes de vies humaines, biens<br />
et immeubles des membres du régime<br />
déchu. Certaines maisons aussi bien que<br />
des magasins soupçonnés d’appartenir<br />
á des macoutes et barons du régime<br />
furent saccagés et pillés. Il faut toutefois<br />
mentionner que certains macoutes qui,<br />
probablement étaient zélés ailleurs, mais<br />
bons enfants dans leurs quartiers étaient<br />
épargnés par des voisins ou des jeunes<br />
dans leurs zones de résidences ou de<br />
fréquentations. Entre-temps, le peuple,<br />
dans le cadre de ses expressions de réjouissances,<br />
n’écrivait pas seulement sur<br />
les murs des slogans de : Haïti libérée<br />
ou deuxième indépendance, on pouvait<br />
aussi lire des slogans comme : Abas<br />
les macoutes, Abas Jean-Claude et sa<br />
femme, Michèle.<br />
Haïti après le 7 février 1986<br />
Le départ le 7 février 1986 du régime<br />
des duvalier a laissé un bilan négatif.<br />
Le bilan était lourd pour vingt-neuf années<br />
de régime. C’était un pays complètement<br />
en retard par rapport aux<br />
autres pays du continent, spécialement<br />
la République Dominicaine avec qui<br />
Haïti partage la frontière. Mis á part des<br />
deux routes nationales 1 et 2, l’accès<br />
aux localités reculés du pays restait á<br />
désirer. L’Haïti de l’après Jean-Claude<br />
était encore au stade archaïque. Il n’y<br />
avait pas assez d’hôpitaux, d’écoles<br />
primaires et secondaires pour les enfants,<br />
centres professionnels et universités<br />
pour les jeunes. Les paysans<br />
dans les grandes villes comme dans les<br />
provinces reculées étaient abandonnés<br />
á eux-mêmes. L’état des routes et des<br />
maisonnettes dans certaines localités<br />
aussi bien que le style de vie des habitants<br />
étaient encore comme á l’époque<br />
de la guerre de l’indépendance.<br />
Face à ce constat, le gouvernement<br />
de transition avait du pain sur<br />
la planche. Mais, était-il en mesure de<br />
combler le fossé de presque deux cents<br />
ans d’inégalité entre ceux-là qui possèdent<br />
toutes les richesses du pays et ceux<br />
qui n’ont absolument rien. Le général,<br />
avait-il la possibilité, la vision, l’expérience<br />
et la bonne volonté pour répondre<br />
aux attentes du peuple haïtien qui avait<br />
tant souffert surtout des vingt-neuf<br />
dernières années de dictature des Duvalier<br />
? Était-il en mesure de se conduire en<br />
vrai chef capable de prendre les bonnes<br />
décisions pour le pays ou une marionnette<br />
facile d’être influencé et intimidé<br />
par l’oligarchie haïtienne et leurs alliés de<br />
la communauté internationale ?<br />
Bref, immédiatement après le<br />
départ de Duvalier, le Conseil National de<br />
Gouvernement avait pris deux grandes<br />
mesures comme : le retour du drapeau<br />
bleu et rouge le 17 février 1986 et, la<br />
dissolution du corps de Volontaire de la<br />
Sécurité Nationale (VSN) crée par le docteur<br />
François Duvalier.<br />
Si ce maquillage politique permettait<br />
à certains d’espérer un changement<br />
de situations pour les gens dans les quartiers<br />
populaires et le pays en général, par<br />
contre, les plus prudents n’avaient pas<br />
fait confiance à ces militaires au pouvoir.<br />
Quand on sait ils sont tous des cadets qui<br />
ont non seulement suivis des formations<br />
aux États-Unis, mais qui ont aussi fait<br />
carrière durant la dynastie des duvalier,<br />
donc espérer quelques choses de positif<br />
pour le pays par des militaires qui ont des<br />
affinités avec le statuquo local et international,<br />
serait de la naïveté. Quant aux<br />
optimistes qui rêvaient d’un lendemain<br />
meilleur pour les classes défavorisées en<br />
particulier, et le pays en général, par les<br />
gestes de dissolution du Corps des VSN<br />
et le retour des couleurs du drapeau au<br />
bleu et rouge, suivis de belles promesses<br />
et discours du général, ils pensaient que<br />
le régime militaire de transition allait converger<br />
toutes les force vives, internes et<br />
externes de la nation vers un consensus<br />
de changement.<br />
Mais, après le slogan de ‘’banboch<br />
demokratik’’ du président du<br />
Conseil National de Gouvernement, les<br />
mois précédant le discours du matin du<br />
7 février 1986, avec la tuerie des manifestants<br />
le 26 avril 1986 par devant la<br />
prison de Fort Dimanche, de juillet 1987<br />
contre des manifestants qui protestent<br />
contre des décrets de lois électorales<br />
jusqu’aux élections avortées du dimanche<br />
29 novembre 1987, le pays était très<br />
mouvementé.<br />
Effectivement, Haïti avait connu<br />
des bouleversements de rues, protestations,<br />
persécutions, arrestations et assassinats<br />
des leaders communautaires, des<br />
associations des travailleurs, des organisations<br />
d’étudiants aussi bien que des<br />
leaders politiques en plein jour. Parmi<br />
ces assassinats qui ont porté la marque<br />
fabrique des militaires, celui de l’avocat<br />
et ancien militaire Yves Volel en octobre<br />
1987 au grand jour devant le Grand<br />
Quartier Général de la Police de Port-au-<br />
Prince, est un cas classique d’un régime<br />
sanguinaire macoute.<br />
Mais le régime militaire avait d’autres<br />
plans beaucoup plus macabres dans<br />
leur arsenal. Puisque, avec la complicité<br />
des nostalgiques duvaliéristes et des militaires<br />
en civil á bord des voitures pickup,<br />
cagoulés, munis de leurs armes automatiques,<br />
machettes, ils blessaient et<br />
tuaient les votants dans les bureaux de<br />
votes pour une fois de plus, endeuiller,<br />
ensanglanter la famille haïtienne. Ainsi,<br />
se matérialisait ce que, dans les premiers<br />
jours du gouvernement de transition,<br />
redoutaient certains analystes et critiques<br />
: le refus pour le duvaliérisme sanguinaire<br />
d’accepter la marche évolutive<br />
de l’histoire.<br />
Le massacre des électeurs à la<br />
Ruelle Vaillant le 29 novembre 1987<br />
L’armée, dans sa politique traditionnelle<br />
comme elle l’avait fait en 1957 pour le<br />
docteur François Duvalier, voulait, en<br />
novembre 1987, effectivement organiser<br />
des élections orientées, dirigées<br />
pour un groupe de candidats. Mais<br />
l’hypocrisie et la mesquinerie du jeu de<br />
double langage de certains leaders de la<br />
classe politique á pouvoir participer aux<br />
élections avait dans une certaine mesure<br />
désamorcée l’atmosphère électoral<br />
et du même coup facilité l’armée dans<br />
leur jeu macabre. Au lendemain même<br />
du 7 février, certains leaders de la classe<br />
politique haïtienne ont toujours été indécis<br />
en termes de leur participation<br />
effective dans un processus de pouvoir<br />
démocratique. Avec des discours<br />
révolutionnaires et de changement de<br />
condition des masses, bon nombre de<br />
leaders politiques n’étaient toujours pas<br />
d’accord comment accéder au pouvoir.<br />
Dans leurs prises de positions toujours<br />
codés et empruntés du double langage<br />
et de marronnage, il y avait certains qui<br />
préconisaient la prise du pouvoir par la<br />
force et d’autres qui voulaient le prendre<br />
par la légalité, mais avec la faveur<br />
bien entendu de l’armée et de la communauté<br />
internationale.<br />
Ce qui fait, en dépit des signaux<br />
indicateurs depuis des mois que l’armée<br />
n’était pas déterminée á prendre le chemin<br />
de la démocratie et du progrès que<br />
réclamait le peuple après le départ de<br />
Duvalier, quoique divisé sur comment et<br />
par quel moyen ils peuvent le faire, certains<br />
leaders du secteur dit démocratique<br />
avaient opté d’accompagner les masses<br />
populaires dans la lutte pour le changement<br />
d’un état de droit dans le pays.<br />
Avec une nouvelle constitution et une<br />
d’institution pour organiser des élections,<br />
surtout après plusieurs tentatives pour<br />
forcer le régime militaire á partir, donc<br />
vers la fin de l’année 1987, il y avait<br />
une fièvre électorale. Mais les secteurs<br />
nostalgiques du duvaliérisme, avaient<br />
vite, une fois qu’ils s’étaient vus écartés<br />
du processus électoral, recouraient á la<br />
violence pour pouvoir empêcher le bon<br />
déroulement et fonctionnement du scrutin<br />
démocratique.<br />
Le souvenir du massacre de la Ruelle<br />
Vaillant lors des élections générales a<br />
pratiquement inauguré l’ère des massacres<br />
du peuple haïtien pour étouffer ses<br />
aspirations populaires à un vrai chambardement<br />
du statu quo tout au long de<br />
cette période interminable de “transition<br />
démocratique”.<br />
Après ce jour macabre, les militaires,<br />
avec un conseil électoral domestiqué,<br />
avaient pu organiser les élections<br />
du 17 janvier 1988. Au cours desquelles<br />
étaient sorti un président, des députés et<br />
sénateurs pour diriger l’Haïti post duvalier.<br />
Après les élections avortées du 29<br />
novembre 1987 et la mascarade électorale<br />
de janvier 1988, le gouvernement de<br />
transition, spécialement le général avait,<br />
comme les militaires qui avaient organisés<br />
les élections de 1957, fait le choix de<br />
rentrer dans l’histoire comme tant d’autres<br />
gouvernements militaires ou civils<br />
qui avait raté la chance de conduire le<br />
pays vers la démocratie. Le général qui<br />
était chouchouté par toute la population<br />
au moment de prendre la parole tôt dans<br />
la matinée du 7 février 1986 comme<br />
président du Conseil National de Gouvernement,<br />
pouvait, deux ans après, faire<br />
toute une différence en Haïti.<br />
Trente-quatre ans après le 7<br />
février 1986<br />
Du massacre de la Ruelle Vaillant le 29<br />
novembre 1987, du rêve assassiné des<br />
élections du 16 décembre 1990 avec<br />
le coup de forces des militaires le 30<br />
septembre 1991, suivi des élections<br />
frauduleuses post tremblement de terre<br />
du 12 janvier 2010, trente-quatre ans<br />
après le départ de Jean-Claude Duvalier,<br />
Haïti continue de faire face aux crises<br />
institutionnelles et structurelles de<br />
toutes sortes. Tous les efforts du peuple<br />
haïtien de 1986 á <strong>2020</strong> consentis dans<br />
le cadre du processus démocratique<br />
sont sapés par des hommes politiques<br />
et alliés locaux et internationaux.<br />
Les dirigeants de l’après 1986 ont<br />
tous, piteusement échoué. Ils le sont du<br />
fait qu’ils sont non seulement des marionnettes<br />
dans les mains de l’oligarchie<br />
locale et internationale, mais aussi, du<br />
fait qu’ils sont incapable de comprendre<br />
que le soulèvement qui a conduit<br />
au départ de Jean-Claude Duvalier le 7<br />
février 1986 était beaucoup plus profond<br />
qu’un simple changement de gouvernement.<br />
Dans leurs revendications, les<br />
masses défavorisés étaient et continuent<br />
encore d’être dans les rues pour réclamer<br />
un leader moderne, avec de grandes<br />
visions d’un nouveau contrat social. En<br />
un mot, le peuple voulait d’un leader<br />
capable, á travers l’idéal dessalinien, de<br />
comprendre leurs aspirations politiques,<br />
économiques et sociales.<br />
Comme plus que cela change<br />
avec la litanie des élections frauduleuses<br />
des législatives et présidentielles des<br />
dernières années plus les choses sont<br />
restées les mêmes pour la classe défavorisées,<br />
donc le future d’Haïti est incertain.<br />
Puisque, avec des dirigeants, immoraux,<br />
arrogants, inexpérimentés et<br />
incompétents, de plus, qui se sont supportés<br />
dans toutes ses malversations par<br />
l’oligarchie locale et l’international, le<br />
pays se meurt.<br />
C’est dans ce contexte que, dans<br />
son texte titré une révolution pout Haïti,<br />
publié dans les colonnes Journal de Montréal,<br />
Loïc Tasse opine que: Rarement un<br />
pays a été gouverneé par une brochette<br />
de bandits et d’incompétents...Tant que<br />
les élites actuelles resteront au pouvoir,<br />
rien ne changera. Elles continueront à<br />
s’empiffrer, entre autres grace à l’argent<br />
qui arrive généreusement de l’étranger,....<br />
Quand Haïti n’est pas présenté<br />
comme un état en faillite, certaine fois,<br />
l’international a tendance á la présenter<br />
comme étant le pays le plus pauvre de<br />
l’hemisphère. Quoique certains vous<br />
diront à priori que cette même communauté<br />
internationale qui ne rate jamais<br />
une occasion pour critiquer Haïti<br />
a aussi sa part de responsabilté dans le<br />
sabotage du processus de transition et<br />
de démocratie, ou de plus, le pays n’est<br />
pas pauvre, mais de préférence, il est<br />
apprauvri par des sois-disant faux amis<br />
de l’extérieur. État en faillite, pauvre ou<br />
apprauvrir, il suffit á quelqu’un d’effectuer<br />
une courte visite en Haïti pour se<br />
rendre compte de la situation de misère<br />
dans laquelle vit le peuple haïtien. Structurel<br />
et conjoncturellement, Haïti en ellemême<br />
est très problématique. Quoi qu’il<br />
en soit ou les raisons évoquées pour expliquer<br />
cette pauvreté, il est une évidence<br />
que Haïti est aujourd’ui très pauvre.<br />
Comme plus que cela change<br />
avec la léthanie des élections frauduleuses<br />
des législatives et présidentielles<br />
des dernières années, plus les choses<br />
sont restées les mêmes pour la classe<br />
défavorisées, donc le future d’Haïti est<br />
incertain.<br />
Haïti est un État failli ?<br />
Sous le titre: Les États-Unis ont-ils<br />
un rôle dans le naufrage d’Haïti, l’auteur<br />
écrit qu’ «’Il n’existe pratiquement<br />
aucune institution viable en Haïti et<br />
l’Etat n’est qu’une fiction. Le système<br />
éducatif totalement démantelé, n’arrive<br />
à fournir les compétences nécessaires<br />
pour surmonter ce drame alors que plus<br />
de 80% des diplômés haïtiens vivent à<br />
l’étranger »<br />
Quant à la jeunesse -statistiquement<br />
majoritaire, elle est aux abois.<br />
« Sans repères, elle est gagnée par la<br />
dépravation, la corruption et la prostitution.<br />
Pour elle, aucune lueur n’est<br />
encore visible au bout du tunnel. Et ça<br />
va durer encore longtemps. Gobée par<br />
l’acculturation et arrimée aux dérives<br />
d’un ordre économique mondial délétère<br />
(consumérisme, acculturation, distraction<br />
par les medias, etc.), elle se révèle<br />
incapable de cerner le fond du problème<br />
afin de saisir les véritables enjeux. »<br />
A chaque fois qu’il veut faire<br />
mention des décennies négatives des<br />
expériences démocratiques post duvalier<br />
en Haïti, Pierre Raymond Dumas, journaliste<br />
et ancien ministre de la culture,<br />
parle toujours de transition démocratique<br />
continue ou une transition qui n’en finit<br />
pas. Est-ce la transition continue qui fait<br />
d’Haïti un Ėtat failli ou son état de défaillance<br />
qui permet á cette transition de<br />
n’en plus finir ?<br />
De toute évidence, la transition<br />
haïtienne a trop duré. La population est<br />
fatiguée. Le pays est complètement en<br />
retard par rapport aux grands défis du<br />
développement. Mais comme Delcamp<br />
aurait pu dire : ’Il n’existerait donc pas<br />
de recette magique, mais d’avantage<br />
une nécessité de gérer de manière<br />
satisfaisante et habile un ensemble<br />
de problèmes théoriques et pratiques<br />
inhérents à la réalité qui est<br />
propre à chaque histoire et donc à chaque<br />
pays’’. Tout en tenant compte de la<br />
réalité culturelle du pays et des exigences<br />
de l’heure, la réussite d’une transition<br />
démocratique en Haïti, devait être le résultat<br />
d’une combinaison de respect et<br />
de mise en oeuvre de grands principes et<br />
normes démocratiques.<br />
Le Chili et les Philippines, eux<br />
aussi, ont fait de longues expériences<br />
dictatoriales. Mais sans grandes difficultés,<br />
contrairement à Haïti, ils ont réussi<br />
leurs transitions démocratiques, alors<br />
qu’ils avaient commencé leur processus<br />
presqu’à la même époque qu’Haïti.<br />
Comment se fait-il que, jusqu’à présent,<br />
Haïti continue sa longue et difficile traversée<br />
vers un État moderne ? Non<br />
seulement les mauvaises expériences de<br />
la transition démocratique durent depuis<br />
trente-quatre ans, mais encore ‘’la plus<br />
grande confusion perdure et les problèmes<br />
d’Haïti deviennent plus complexes<br />
et plus difficiles que lors du départ de<br />
Jean Claude Duvalier’’.<br />
Il y a longtemps, avec des armes<br />
et minutions achetées avec l’argent des<br />
contribuables que la mort s’éternise dans<br />
les quartiers populaires. L’union fait la<br />
force continue d’être la devise d’un pays<br />
déchiré en plusieurs petits morceaux entre<br />
ceux-là qui ont tout pris et ceux qui<br />
n’en trouvent rien. Entre-temps, les attachés<br />
sont plus attachés au pouvoir et<br />
à l’argent facile pour perpétuer dans la<br />
plus grande tranquillité les crimes d’État.<br />
Avec des armes distribuées à des jeunes<br />
dans les quartiers populaires, les anciens<br />
membres du FRAPH continuent de frapper<br />
plus fort dans les quartiers populaires.<br />
Ils continuent à tuer les pauvres dans les<br />
quartiers populaires pour leur faire payer<br />
leur insolence d’avoir cru ou de continuer<br />
de croire à un changement démocratique<br />
dans ce pays. Quant aux faux amis de<br />
l’international, par leur ingérence dans<br />
les affaires internes du pays, ils continuent<br />
soit par le biais du chef de la<br />
diplomatie américaine ou la Nonciature<br />
Apostolique à faire des exigences pour<br />
une date sur les élections ou la mise sur<br />
pied d’un gouvernement, alors que, cela<br />
devrait être de la souveraineté nationale<br />
d’État, donc la démocratie n’a pas atterri.<br />
Ainsi, du 7 février 1986 au 7 février<br />
<strong>2020</strong>, trente-quatre ans après, Haïti est<br />
encore à la case de départ. La démocratie<br />
continue encore á chercher sa voie en<br />
Haïti. Plus cela change, plus c’est la<br />
même chose.<br />
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18 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong>
Suite de la page (13)<br />
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révolution pacifique. Dans une sorte de<br />
Manifeste, il définit sa pensée et son engagement<br />
politique:<br />
« Je suis révolutionnaire en tant<br />
que Colombien, en tant que sociologue,<br />
en tant que chrétien et en tant que<br />
prêtre.<br />
En tant que Colombien :<br />
parce que je ne peux pas rester<br />
étranger à la lutte de mon peuple.<br />
En tant que sociologue : parce que les<br />
connaissances scientifiques que j’ai de<br />
la réalité m’ont conduit à la conviction<br />
qu’il n’est pas possible de parvenir à des<br />
solutions techniques et efficaces sans<br />
révolution.<br />
En tant que chrétien parce que<br />
l’amour envers le prochain est l’essence<br />
du christianisme et que ce n’est que par<br />
la révolution que l’on peut obtenir le bien-être<br />
de la majorité des gens.<br />
En tant que prêtre : parce que la<br />
révolution exige un sacrifice complet de<br />
soi en faveur du prochain et que c’est<br />
là une exigence de charité fraternelle<br />
indispensable pour pouvoir réaliser le<br />
sacrifice de la messe, qui n’est pas une<br />
offrande individuelle mais l’offrande<br />
de tout un peuple, par l’intermédiaire<br />
du Christ. »<br />
Le moment décisif arrive enfin<br />
pour Camilo Torres de demander à<br />
l’archevêque de Bogota de le relever de<br />
ses fonctions de prêtre tant les conflits<br />
s’aggravent. Il n’aura aucune fonction<br />
sacerdotale. C’est fait au mois de juin<br />
1965. Manifestement, les pouvoirs<br />
laïcs et religieux lui en veulent, s’opposant<br />
de plus en plus durement aux<br />
manifestations qu’il organise. Toute issue<br />
légale lui est fermée. Camilo Torres<br />
choisit alors la violence révolutionnaire<br />
en rejoignant l’Armée de Libération Nationale<br />
(Ejército de Liberación Nacional<br />
[ELN]). Il annonce cette décision au<br />
début de l’année 1966: «Les voies légales<br />
sont épuisées. Pour que le peuple<br />
puisse posséder éducation, toit, nourriture,<br />
vêtement et, surtout, dignité, la<br />
voie armée est l’unique voie qu’il lui<br />
reste».<br />
La première opération militaire à<br />
laquelle participe Camilo Torres a lieu<br />
le 15 février 1966 à San Vicente de<br />
Chucurí, municipalité du nord-est de la<br />
Colombie. Des guérilleros tendent une<br />
embuscade à des soldats de l’armée. A<br />
un moment, ceux-là pensent que ceuxci<br />
ont tous été abattus. L’ordre est donné<br />
de récupérer les armes. Quand Camilo<br />
s’aventure pour y donner suite, un<br />
soldat qui était seulement blessé tire sur<br />
Camilo qui s’approchait de lui. Atteint<br />
de deux balles, la seconde lui est fatale.<br />
On ignore où il a été enterré et les recherches<br />
faites pour retrouver son corps<br />
n’ont jusqu’à présent pas abouti.<br />
Selon Camilo Torres, la lutte<br />
armée n’avait jamais été une fin en soi,<br />
mais une solution de dernier recours à<br />
un moment historique précis où tous les<br />
autres moyens légaux d’établir la justice<br />
sociale ont échoué. Rassembler divers<br />
secteurs de la lutte populaire autour<br />
d’un projet commun, sans abandonner<br />
l’identité de chacun, telle était la base de<br />
l’action politique de Camilo: un processus<br />
difficile, mais pas une tâche impossible.<br />
Aujourd’hui, il est plus nécessaire<br />
que jamais.<br />
Quand Camilo Torres est mort<br />
en 1966, la théologie de la libération,<br />
en tant que discipline, n’était pas née.<br />
Cependant, sa base était déjà établie,<br />
comme en témoigne l’engagement des<br />
chrétiens dans les luttes sociales et<br />
révolutionnaires. Camilo Torres a été<br />
l’un des précurseurs, inspiré d’abord<br />
par la doctrine sociale de l’Église dans<br />
son orientation la plus radicale: la condamnation<br />
des abus et des excès du<br />
capitalisme comme source d’injustice.<br />
La pensée politique de Camilo Torres,<br />
comme celle du Che ne mourra jamais.<br />
Références:<br />
¿Quién es Camilo Torres Restrepo?<br />
Batallón Camilo Torres Restrepo.<br />
Septembre 2007.<br />
Biogafía política de Camilo Torres.<br />
Edgar Camilo Rueda Navarro. 2002<br />
Unidad que multiplica. Entrevue<br />
de Rafael Ortiz membre du Commandement<br />
central de l’Union Camiliste de<br />
l’ELN accordée à Marta Harnecker journaliste,<br />
sociologue militante de gauche<br />
chilienne. (Quito, Editorial La Quimera,<br />
1988).<br />
Camilo Torres Restrepo and the<br />
Peace Process in Colombia. François<br />
Houtart. Telesur. 13 février 2016.<br />
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fanm nan izin yo, fanm k ap travay<br />
kay moun yo, agrikiltris yo – ki<br />
pou eksprime tout bon vre. Se pa<br />
byennerèz ki dwe chita pale nan plas<br />
yo, nan non yo. Pou sa fèt, fòk gen<br />
mezi ki pran pou korije lòbèy nan tout<br />
sosyete a. Parite a mande mezi ki pou<br />
pèmèt li rive fèt vre (ki sa ki pou fèt<br />
pou jodi, ki sa ki pou fèt pou demen).<br />
Mezi pou parite yo mande yon seri<br />
oryantasyon nan mantalite sosyete a,<br />
oryantasyon sa yo pral pran ko nan<br />
chwa Leta. Konsa, li enpòtan pou sosyete<br />
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Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong><br />
<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
19
Pleins Feux Sur : Roger « Tiyale » Jean-Baptiste (Port-au-Prince)<br />
Par Ed Rainer Sainvill<br />
« Un guitariste innovant »<br />
Tiyale, de son côté, a<br />
émergé adolescent dans<br />
un aura de musique et de<br />
sport, dans un Bas-Peude-Chose<br />
encore vibrant et<br />
rebelle. Juste au centre de<br />
l’avenue Christophe, où il<br />
est repéré pour ses dons de<br />
footballeur. Alors que ses<br />
frères ainés Smith et Franky<br />
sont surtout célèbres pour<br />
être parmi les pionniers<br />
et initiateurs du premier<br />
des mini-jazz : « Shleu-<br />
Shleu », respectivement<br />
comme batteur défricheur<br />
et « gongiste » innovateur.<br />
Tandis que Roger lui s’est<br />
orienté vers les cordes,<br />
subrepticement en émulant<br />
Sergo Rosenthal ; tout en<br />
s’auto-formant minutieusement.<br />
Alors qu’on attend de<br />
le voir enfiler les couleurs<br />
du Victory, équipe fanion de<br />
la zone. C’est plutôt au sein<br />
d’un petit groupe de fortune<br />
de la place Jérémie du nom<br />
de « Mussollo band » qu’il<br />
s’est introduit.<br />
Une formation<br />
éphémère qui a porté le<br />
surnom de son ami d’enfance<br />
d’à côté, Serge ‘’Mussollo’’<br />
Crispin, lui ancien<br />
avant du Victory. Cependant,<br />
c’est avec les « Pachas<br />
» du Canapé Vert que<br />
Tiyale a fait ses débuts ;<br />
commençant à faire montre<br />
de ses capacités de guitariste<br />
de flair et d’harmonie.<br />
Ce qui le met tout de suite<br />
dans le collimateur des recruteurs.<br />
Pour qu’il soit installé<br />
en approvisionneur<br />
harmonique d’une troisième<br />
version des « Shleu-<br />
Shleu », après la désertion<br />
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de la deuxième équipe à<br />
New-York pour la formation<br />
du « Skah-Shah ». Mais,<br />
cette étape ne va pas non<br />
plus s’éterniser, puisque<br />
quelque temps après, cette<br />
troisième version « Shleu-<br />
Shleu » décide à son tour<br />
de ne pas retourner au pays<br />
de baby doc. C’est ainsi que<br />
ses membres les plus influents<br />
dont Gérard Daniel et<br />
Tiyale vont remettre ça avec<br />
la formation du « Djet X ».<br />
Et dès la deuxième demie<br />
des années 1970, Roger<br />
va se faire prépondérant<br />
avec cet orchestre qui a<br />
franchi le rubicon comme<br />
le groupe des romantiques<br />
et des heures tranquilles<br />
; bousculant même<br />
les bolides : « Tabou »,<br />
« Skah-Shah » et « Orig.<br />
Shleu-Shleu » dans leur fief<br />
new-yorkais. Transformant<br />
cet ensemble en un ‘’power<br />
house’’ de la communauté<br />
d’outre- mer et du pays qui<br />
s’entichent bien de cette sonorité<br />
pittoresque. Au sein<br />
duquel Jean Baptiste a mis<br />
en évidence sa touche pétillante.<br />
Imposant ses griffes<br />
de guitariste innovant dans<br />
un konpa succulent. Et des<br />
tics élaborés qui l’ont as-<br />
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de ‘’la douce qui<br />
vient’’ ; la marque-déposée<br />
du « Djet X », qui a fait autant<br />
de vagues dans l’environnement<br />
du music-hall<br />
haïtien.<br />
Constituant la trinité<br />
du groupe en compagnie<br />
du chanteur Maxon Badette<br />
et du saxophoniste virtuose<br />
Gérard Daniel. Tiyale<br />
s’est bien acquitté de ses<br />
fonctions d’arrangeur et<br />
de compositeur. Enfilant les<br />
succès monstres du groupe:<br />
le nôtre, orgueil, fais-toi<br />
plus belle, gagòt Djet X,<br />
big break, rossignol, simalo,<br />
love to love you<br />
baby et autres. Et lorsque<br />
les clignotants se sont refroidis<br />
pour ‘’la douce qui<br />
vient’’, et que cette troupe<br />
a atteint prématurément sa<br />
fin de cycle, Tiyale a continué<br />
à se montrer entreprenant<br />
dans des œuvres en<br />
solo ; notamment dans l’album<br />
: « Jet X Love Unlimited<br />
» et aussi, une production<br />
avec le Mini All Stars.<br />
Mais les 1990’s ne sont pas<br />
tout aussi fructueux musicalement<br />
pour R.J.B qui doit<br />
donner la priorité à la vie<br />
familiale. En s’écartant un<br />
peu du milieu du show-biz.<br />
Pour se retrouver<br />
éventuellement à Orlando ;<br />
où il mijotait de rebondir<br />
avec la formation du groupe<br />
« 100 Degrés ». Cependant,<br />
la mort vint impardonnable<br />
lui ravir d’un coup,<br />
deux fils dans un accident<br />
de voiture sur l’autoroute<br />
de la Floride. Mais insatiable,<br />
il revient encore pour<br />
revendiquer son statut d’artiste<br />
dans l’âme, en récidivant<br />
dans la teneur du « X<br />
Factor », et d’autres initiatives<br />
qui l’ont permis de se<br />
maintenir dans le bain des<br />
vagues nouvelles, tout en<br />
certifiant les acquis d’hier.<br />
Ce dont il s’est astreint à<br />
faire fructifier dans son studio<br />
d’enregistrement d’Orlando<br />
où il respire toujours<br />
de musique.<br />
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20 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol 13 # 31 • Du 5 au 11 Février <strong>2020</strong>